Notes
-
[1]
Claude Carlier et Guy Pedroncini (dirs.), 1916. L’émergence des armes nouvelles dans la Grande Guerre, Actes du colloque, Paris, ISC-IHCC-CHAE-Économica, 1997, 223 p. Voir également Paul-Marie de La Gorce (dir.).
-
[2]
Patrick Facon, Le Bombardement stratégique, Monaco, Edition du Rocher, 1995, 357 p. ; pp. 16-19.
-
[3]
Comme souvent, l’historiographie tombe de Charybde en Scylla. À l’image d’une institution militaire sclérosée, incapable de comprendre, encore moins d’intégrer les transformations de la guerre mécanisée, agrippée sur le fétiche de la défense stratégique symbolisée par la Ligne Maginot, et à jamais identifiée au désastre d’une armée incapable de livrer une guerre à front renversé, succéda à partir des années 1980 un tableau plus nuancé, qu’avait commencé à dresser les Français de Londres, puis le colonel Alphonse Goutard en 1956 avec son livre 1940, La Guerre des occasions perdues, (1956, Hachette) et enfin par l’école révisionniste, essentiellement anglo-saxonne, sans oublier d’importantes contributions françaises. Ces derniers défendent l’idée que les Français et les Soviétiques, auraient mieux intégré que les Allemands les impératifs combinatoires de la dialectique spatio-temporelle inhérente à une guerre industrielle où la recherche de la profondeur stratégique océanique et les effets de la puissance industrielle sont seules capables de produire et d’acheminer les moyens nécessaire à la conduite des opérations aéro-blindées et aéronavales susceptibles d’obtenir la rupture des fronts et l’exploitation vers les centres de gravités. D’où l’idée d’une pensée créatrice mais d’une doctrine ossifiée avec le concept d’institutionnalisation manquée qui pose le problème des relations entre l’armée (les forces armées) et les décideurs politiques. Le caractère “surnaturel de l’effondrement de la République et de ses armées en juin 1940 engendra un débat dont la dimension militaire sur la problématique du degré de responsabilité des forces armées était corrélée à la dimension politique, allant de la faiblesse structurelle d’une république corrompue et d’une démocratie désabusée à l’âge des totalitarismes à la légèreté des élites de gauche et à la trahison des élites sociaux-économique et intellectuelle de droite. Une analyse introductive profonde et solide de l’ensemble de ces questions dans le mémoire d’habilitation à diriger des recherches de Christian Malis, inédit gracieusement transmis par le professeur Coutau-Bégarie, La Pensée stratégique française des années trente à la fin de la guerre froide, mars 2009, (113 p.), pp. 47-64. Quelques développements dans sa biographie intellectuelle du général Gallois, Pierre-Marie Gallois. Géopolitique, histoire, stratégie, Paris, L’Âge de l’Homme, 2009, 750 p. ; pp. 55-58. Voir également Maurice Vaïsse (dir.), Mai-Juin 1940 Défaite française, victoire allemande, sous l’œil des historiens étrangers, Paris, Autrement, édition 2010, 231 p. La synthèse de Jacques Nobécourt, Une histoire politique de l’armée. De Pétain à Pétain, 1919-1940, vol. 1, Paris, Éditions du Seuil, 332 p. ; pp. 55-56, 79-80, pp. 181-196, 211-213, 251-254 et le livre troublant d’Annie Lacroix-Riz, Le Choix de la défaite. Les élites françaises dans les années 30, Paris, Armand Colin, 2e éd., 2010, 679 p.
-
[4]
Martin Motte, “L’après-Grande Guerre dans la Revue Maritime 1920-1923”, in Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’Évolution de la pensée navale, vol. 6, Paris, ISC-Économica, 1997, p. 125.
-
[5]
Au cours de laquelle l’action des sous-marins allemands était proche de la rupture stratégique du flux logistique anglo-saxon.
-
[6]
Une crise des fondements que l’on perçoit chez l’amiral Castex dont la lecture de Corbett détruisit les fausses certitudes, ébranla “les colonnes du temple” de l’école historique ; Les hésitations sur l’aéronautique maritime, le goût des prototypes sur les constructions en série, le scepticisme à l’égard du porte-avions, reflète la peur de l’innovation et l’attrait pour le conformisme.
-
[7]
Martin Motte, Une éducation géostratégique. La pensée navale de la Jeune École à 1914, Paris, ISC-Économica, 2004, pp. 19, 558, 563, 569-572.
-
[8]
Ibid.
-
[9]
Contre-Amiral R. Monaque, L’École de guerre navale, Service historique de la marine, Vincennes, 1995, p. 47.
-
[10]
Amiral Castex, La Liaison des armes, Paris, Économica, 1991. Voir aussi, Hervé Coutau-Bégarie, Castex le stratège inconnu, Paris, Économica, 1987, pp. 47-57.
-
[11]
Une solution ternaire préconisée par l’amiral Aube, mais abandonnée par ses disciples pour raison idéologique. Voir Martin Motte, “La Jeune École et la guerre totale”, in Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’Évolution de la pensée navale, vol. VIII, Paris, ISC-Économica, 2007, pp. 131-182, 131-144.
-
[12]
CF de l’Escaille, Aéronautique tactique, 1921, p. 5.
-
[13]
Ibid., p. 6.
-
[14]
CF de l’Escaille, Aéronautique maritime tactique, EGN, 1922.
-
[15]
Antoine Coudre, “Prédécesseurs et collègues de Castex”, op. cit., p. 218.
-
[16]
Cité par Antoine Coudre, “Prédécesseurs et collègues de Castex. Les cours de stratégie et de tactique de l’École de guerre navale de 1920 à 1930”, Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’Évolution de la pensée navale VIII, Paris, ISC-Économica, 2007, pp. 215-250.
-
[17]
CF. de l’Escaille, Aéronautique maritime tactique, EGN, 1922, p. 8.
-
[18]
Antoine Coudre, op. cit., p. 233.
-
[19]
CC Sire, Tactique appliquée des forces aériennes, ESG, 1925, p. 20.
-
[20]
Note pour le cabinet du ministre, Développement de l’aéronautique maritime française, SHD, 1BB8-026, 20 novembre 1923.
-
[21]
Hervé Coutau-Bégarie, Le Problème du porte-avions, Paris, Économica, 1990, p. 108. Il n’y en aura qu’un seul, le Béarn, lancé en avril 1920.
-
[22]
Conseil supérieur de la marine, Examen du projet de l’aéronautique maritime, le 14 septembre 1920, SHD, 1BB8-041.
-
[23]
Compte rendu de la séance du 14 septembre 1920 par le vice-amiral Salaün, 1BB8.
-
[24]
LV Nomy, Les Aéronautiques italienne et allemandes, 1939, Paris, EGN, 1CC 229, 1939.
-
[25]
LV Barjot, L’Avenir du porte-avions, Paris, EGN, 1CC 265, 1933.
-
[26]
Capitaine de corvette Odend’hal, Conduite des forces maritimes. La guerre aérienne, Paris, EGN, SHD, 1CC203, 33 p, 1933. Capitaine de corvette Amet, La Guerre aérienne, Paris, EGN, SHD, 1CC205, 1938.
-
[27]
Capitaine de corvette Lemaire, Tactique appliquée des forces aériennes, II vol, EGN, 1CC208, 1929-1931. Capitaine de corvette Braxmeyer, Considérations finales sur les éventualités actuelles de guerre aérienne, EGN, 1CC209, 1934 et Tactique appliquée des forces aériennes, II vol, EGN, 1935. Capitaine de corvette Amet, Note sur la solution des problèmes de sûreté aérienne, EGN, 1CC210, 1937-1938 ; Tactique des forces de l’aéronautique navale, IV vol, EGN, 1CC210, 1938.
-
[28]
Organisation aéronautique maritime (Manche-Atlantique) du LV Marloy, Opérations de l’aéronautique en Méditerranée du LV Ven, L’Organisation et les opérations de l’aviation française dans l’Adriatique et la mer Ionienne pendant la guerre du LV Le Merdy, Organisation et opérations de l’aviation maritime française en Égypte et Syrie du LV Mas de Saint-Maurice, Le Rôle de l’aéronautique maritime française dans la protection des communications du LV D’Hespel et L’Aviation maritime en France du LV Pelletier-Doisy.
-
[29]
R.D Layman, Naval Aviation in the First World War, London, Caxton Edition, 1996, 224 p.
-
[30]
Capitaine de corvette, Odend’hal, La Conduite des forces maritimes. La guerre aérienne, Paris, EGN, 1933, p. 25. L’analyse de Odend’hal est particulièrement pénétrante : “Il faut se prémunir contre le danger foudroyant de l’attaque brusquée. Les forces aériennes y travaillent en ce qui les concerne… Ce n’est pas après plusieurs jours de mobilisation que ces bases doivent être en état de repousser une attaque aérienne, c’est au premier jour, à la première heure. Avec l’aviation, née de la vitesse, l’échelle des temps doit être révisée… L’annonce de la déclaration de guerre nous sera peut-être donnée par les bombes des avions ennemis tombant sur nos bases”.
-
[31]
En effet, Barjot n’optera que pendant la seconde guerre mondiale pour le véritable porte-avions. Voir son ouvrage, publié en pleine guerre, La Guerre aéronavale, republié en 1960 par Flammarion.
-
[32]
La reconnaissance est nécessaire pour garder ou retrouver un contact établi par les forces d’exploration. Il y a deux types d’éclairage : à distance, avec les ballons et à vue, avec notamment des hydravions qui établissent le lien entre le corps de bataille et les unités adverses localisées par la reconnaissance et rapproché avec les unités de surface.
-
[33]
“Nous ne concevons pas la France, respectueuse des pactes et des traités, attaquant en pleine paix sans prévis, bombardant la première des populations civiles et employant les procédés barbares de la guerre aérochimique. Il n’en reste pas moins qu’elle doit disposer d’un corps de bombardement apte à rendre coup pour coup et même deux coups pour un… Si la guerre de l’air nous est imposée elle sera terrible, mais il faut que l’étranger sache qu’elle sera terrible pour lui aussi”, cité par Philippe Masson, “De Douhet et de quelques marins”, Revue Historique des Armées, septembre 1988, n° 172, p. 17.
-
[34]
CF de l’Escaille, “De l’aviation d’escadre”, Revue maritime, 1923, p. 291, cité par Martin Motte, “L’après-Grande Guerre dans la Revue maritime. 1920-1923”, op. cit., p. 134.
-
[35]
Réparties de la façon suivante : 57 550 081 millions pour l’entretien des formations existantes, 28 550 081 pour la création de nouvelles escadrilles et 19 490 000 pour la création de nouveaux centres. Cf. Développement de l’aéronautique maritime, SHD, 1BB8, 1923.
-
[36]
Conseil supérieur de la défense nationale, Secrétariat général, note de Laurent-Eynac, sous-secrétaire d’État de l’aéronautique et des Transports aériens, Programme de construction et d’exploitations de ballons dirigeables, SHD, 1BB8-025, 24 mai 1922.
-
[37]
Ministère de la Marine, EMG, 1er bureau, Présentation d’un projet de tactique provisoire de l’aéronautique maritime, Paris, 10 avril 1923, p. 2.
-
[38]
Ibid., p. 4.
-
[39]
La tactique de la saturation est l’adaptation à l’arme aérienne de l’effet de masse théorisée par la Kriegsmarine pour les navires torpilleurs. Voir Martin Motte, “L’après-Grande Guerre dans la Revue maritime 1920-1923”, in Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’Évolution de la pensée navale, vol. 6, Paris, ISC-Économica, 1997, p. 136. Voir aussi Camille Rougeron pour la pérennité du débat sur la tactique de saturation cf. article de Claude d’Apzac Epezy.
-
[40]
Martin Motte, “L’après-Grande Guerre dans la Revue maritime. 1920-1923”, op. cit., p. 125.
-
[41]
CF de l’Escaille, op. cit., p. 6.
-
[42]
Martin Motte, “L’après-Grande Guerre dans la Revue maritime. 1920-1923”, op. cit., p. 130.
-
[43]
Capitaine de frégate de l’Escaille, Aéronautique tactique, 1921, p. 2.
-
[44]
Nous empruntons le concept de “stratégie génétique au général Poirier. Elle contribue à la conception d’un système d’arme, ou plus généralement de l’ensemble de l’outil militaire. Lucien Poirier, Stratégie théorique I, Paris, ISC-Économica, 1997, 407 p., p. 42, pp. 132-133.
-
[45]
L’utilisation de la force aérienne sur des populations dépourvues de parades appropriées avait commencé bien avant le premier conflit mondial : le 1er octobre 1911, l’officier italien Giulio Gavotti effectua un raid sur les lignes ottomanes en Libye. En avril 1914, des tribus marocaines furent frappées par des aéroplanes français pendant plusieurs mois. Cf. Patrick Facon, Le Bombardement stratégique, Monaco, Edition du Rocher, 1996, p. 29. Le bombardement aérien se poursuivit durant la première guerre mondiale, sur mer comme sur terre. Les marins aviateurs français se distinguent à bord de ces hydravions à flotteurs. Ils évoluent au-dessus du désert, localisent les troupes turques, suivent leurs mouvements vers la Mésopotamie et la Syrie, frappent les voies ferrées à la bombe, attaquent les Bédouins à coups de revolver et contribuent à l’échec de toutes les tentatives ottomanes d’attaques surprises sur le canal de Suez.
-
[46]
CF de l’Escaille, Aéronautique maritime tactique, EGN, 1922, p. 7.
-
[47]
CF. de l’Escaille, Aéronautique tactique, op. cit., p. 10.
-
[48]
Ibid., p. 12.
-
[49]
Conseil supérieur de la défense nationale, Secrétariat général, note de Laurent-Eynac, sous-secrétaire d’État de l’aéronautique et des Transports aériens, Programme de construction et d’exploitations de ballons dirigeables, SHD, 1BB8-025, 24 mai 1922.
-
[50]
CC Amet, Tactique des forces de l’aéronautique navale, Paris, EGN, 1938.
-
[51]
Cf. Travail de l’Orza cité par O’Neil.
-
[52]
Jean-Jacques Antier, Histoire de l’aviation navale, Paris, Edition de la cité, 1983, p. 62. La tactique navale est comprise comme l’emploi des moyens aériens dans les opérations navales qui incluent la bataille et le contrôle des communications.
-
[53]
D’autant plus que dès la fin de la guerre, l’Escaille rédige un projet de bâtiment doté d’un pont d’envol continu qui sera repris par l’état-major.
-
[54]
Sire, op. cit., p. 43.
-
[55]
Ibid., p. 44.
-
[56]
En octobre-novembre 1929, la flottille du Béarn composée d’une escadrille de chasse Dewoitine D1 C1 et Gourdou 22 et de deux escadrilles de bombardement-surveillance Pierre Levasseur PL-4 effectue des opérations “aéropsychologiques” au-dessus des territoires dissidents au Maroc. Une escadrille de l’aviation maritime participe déjà, en 1925, aux opérations au Maroc. Cf. Raoul Castex, Théories stratégiques, vol. I, Paris, ISC-Économica, 1997, p. 333.
-
[57]
LV O’Neil, Le Porte-avions, Travail de présentation à l’École de guerre navale, 1936.
-
[58]
LV O’Neil, Le Porte-avions. Addendum, Paris, EGN, 1937, p. 18.
-
[59]
LV O’Neil, Le Porte-avions. op. cit., p. 7.
-
[60]
Ibid.
-
[61]
LV Pérék, Étude de l’emploi de l’aviation, du porte-avions dans la flotte de haute mer au combat, EGN F.607. 1CC 293, mars/mai 1936.
-
[62]
LV O’Neil, Le Porte-avions, op. cit., p. 14.
-
[63]
Ibid., p. 11.
-
[64]
O’Neil, op. cit., p. 33.
-
[65]
“Les USA auraient donné aux grands porte-avions Lexington et Saratoga, ce rôle de puissante réserve aérienne toujours prête à intervenir en masse”, p. 33.
-
[66]
LV O’Neil, Le Porte-avions, op. cit., pp. 19 et 45.
-
[67]
LV Pérék, Étude de l’emploi de l’aviation, du porte-avions dans la flotte de haute mer au combat, op. cit., p. 3
-
[68]
N’envisage-t-il pas ici la possibilité du combat sinon de l’action transhorizon ?
-
[69]
Principe de liaison des armes qui assure non pas le succès automatique mais une garantie contre un échec cuisant. Un principe pas toujours respecté par les Italiens qui n’ont pu que rarement compter sur les avions de l’armée de l’air basés à terre.
-
[70]
Lieutenant de vaisseau Bertrand Delaire, Essai sur la liaison du sous-marin et de l’avion, Paris, EGN, CHEN, 1932.
-
[71]
Ibid., p. 24.
-
[72]
LV O’Neil, Le porte-avions. Addendum, Paris, EGN, 1937, p. 8 : “Possibilité pour l’aviation embarquée de satisfaire presque tous les besoins essentiels d’une force navale : protection, éclairage, attaque des bâtiments ennemis”.
-
[73]
Ibid., p. 15.
-
[74]
Ibid., p. 17.
-
[75]
LV Pérék, Étude de l’emploi de l’aviation, du porte-avions dans la flotte de haute mer au combat, op. cit., p. 36.
-
[76]
Ce qui avait déjà été vu une décennie plus tôt par le capitaine de frégate Fournié dans son cours de 1926/1927 Cf. Antoine Coudre, “Prédécesseurs et collègues de Castex. Les cours de stratégie et de tactique de l’École de Guerre Navale de 1920 à 1930”, Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’Évolution de la pensée navale VIII, Paris, ISC-Économica, 2007, p. 235. Le capitaine de corvette Amet dans son cours de 1938 à l’EGN La Guerre aérienne, cite l’amiral britannique Richmond pour qui l’arme aérienne est semblable à la “cavalerie ou l’artillerie… et rien de plus”, p. 69.
-
[77]
LV Pérék, op. cit., p. 37.
-
[78]
Ibid., p. 47.
-
[79]
Double, voire triple niveau si l’on y ajoute les opinions politiques, esquissées par le général Mangin dans son livre de 1910, La Force noire : “La diffusion du bien-être et l’ensemble des idées démocratiques” “sont à l’origine de la dénatalité en France”. (Nobécourt) On remédiera à cette “maladie de la volonté” par une législation appropriée et une restauration des “idées les plus élevées”. En attendant, l’empire doit pouvoir pallier avec l’afflux de troupes africaines jetées dans les premières batailles. Et quand bien même les opérations tourneraient mal, “… il ne faudrait pas considérer que nous serions irrémédiablement perdus … Ce serait le plus dangereux des états d’esprit. Le succès final nous attend dans une lutte de longue durée où la puissance du crédit, la maîtrise de la mer, l’entrée en ligne des Alliés lointains, nous procurent sans cesse des forces nouvelles. La force noire s’ajoutera à toutes les autres”. Cité par Jacques Nobécourt, Une histoire politique de l’armée. De Pétain à Pétain, 1919-1940, vol. 1, Paris, Editions du Seuil, pp. 79-80.
-
[80]
Ce constat était partagé par nombre de marines étrangères : les marines, britannique, japonaise et américaine. Cf. James P. Levy, “Race for the decisive weapon. British, American, and Japanese Carrier Fleet, 1942-1943”, Naval War College Review, Hiver 2005, p. 137-150 et Trent Horne, “US Navy surface battle doctrine and victory in Pacific”, Naval War College Review, Hiver 2009, pp. 67-104.
-
[81]
LV O’Neil, Le Porte-avions. Addendum, Paris, EGN, 1937, p. 18.
1Face au grave blocage tactique qui caractérise les trois premières années de la première guerre mondiale, l’innovation technique et doctrinale pour l’emploi d’armes nouvelles ou récentes se révèle décisive [1]. Avions, ballons, sous-marins, armes automatiques, canons à tirs rapide, agents chimiques existaient avant 1914. La littérature d’anticipation avait imaginé les virtualités des nouveaux instruments de la guerre scientifique [2]. La gestion des empires coloniaux offrit parfois des champs d’expérimentation. Mais c’est durant le premier conflit mondial que leur usage se généralise, posant un certains nombres de problèmes, nécessitant de nouvelles procédures d’application, avec des résultats contrastés.
2Si la densification du feu et l’usage des gaz contribuèrent à l’inviolabilité de la ligne et à l’aguerrissement de la troupe, les sous-marins, les aéronefs et les premiers chars permirent la percée, et de ce fait révolutionnèrent la conduite des opérations. Les “cuirassés terrestres” couplés aux infiltrations expérimentées par Ludendorff rendaient à nouveaux possible la manœuvre dans la profondeur que théoriseront une décennie plus tard les penseurs soviétiques. L’avion et les sous-marins, en même temps qu’ils conféraient à l’art de la guerre une nouvelle dimension, redonnaient une nouvelle mobilité aux opérations et multipliaient les capacités d’observation.
3Ces innovations touchèrent également l’ensemble de la stratégie militaire générale et la conduite de la guerre. L’intronisation du moteur combattant impliquait une nouvelle relation entre le front et “l’arrière”, une nouvelle dépendance envers les sources d’énergie, le pétrole notamment, une nouvelle configuration de la logistique, préalable indispensable à la conclusion de la guerre par la rupture du front terrestre. La force aérienne, quant à elle, se chargeait d’estomper la distinction entre l’arrière et le front, en menaçant les ports, les bases et les unités de surface aussi bien que les concentrations de troupe, de matériel et les nœuds de communication terrestre. Les sous-marins conféraient à la guerre de course des effets stratégiques capables de forcer la décision au prix d’une indifférenciation entre civils et militaires.
4Mais c’est véritablement la force aérienne qui fut la divine surprise de cette guerre. Non seulement elle accoucha d’un nouvel art dans la guerre. Il n’existait plus que des opérations aéroterrestres et aéromaritimes, mais en désenclavant le champ de bataille et en le catapultant à l’intérieur des sociétés, elle renouait par de nouveaux moyens avec un ancien type de guerre, celle d’extermination. La frappe sur les agglomérations se justifiait tant par la volonté de “communiquer” avec les populations, souveraines en démocratie (du moins un des trois pôles de la trinité théologico-politique de la modernité), que de détruire l’infrastructure économique nécessaire à l’édification de la puissance militaire. Bref, la dimension aérienne participa à la “totalisation de la guerre. Le général italien Douhet théorisa en conséquence une guerre aérienne parallèle aux autres. Horizon indépassable de la modernité technicienne, elle supplantera à terme les guerres “terrestres” et “maritimes”, par sa dimension intrinsèquement politique en frappant directement les forces morales d’une nation en acculant les masses à la capitulation. Les futures opérations aériennes seront plus stratégiques que les opérations terrestres et maritimes marquées par un grave blocage tactique, en amenant plus rapidement l’ennemi à accepter la défaite.
5À l’issu du conflit, la Marine ne bénéficiait ni de l’estime et de la reconnaissance dont jouissaient les Poilus ni de l’engouement et de l’enthousiasme que connaissaient les chevaliers du ciel. Elle était pour cette raison dans l’obligation de se renouveler en renouant avec sa tradition de l’innovation technique et d’en tirer les implications géopolitiques et géostratégiques, sans verser dans les outrances du passé. Elle fut à cet égard emblématique du renouveau militaire français du début des années 1920. Confrontée à des bouleversements de grande ampleur, l’institution militaire française apporta une réponse qui fait aujourd’hui encore l’objet d’un débat virulent [3] car son enjeu dépasse la dimension historiographique de la controverse sur l’effondrement de 1940 et implique l’éternelle question politico-stratégique sur la capacité des armées de la République à penser, identifier et épouser les forces profondes qui déterminent dans le système-monde actuel la capacité à agir, à proposer une offre miliaire capable de satisfaire la demande politique. Essentiellement centrée sur l’armée de terre et l’armée de l’air, la thèse de Christian Malis posant l’existence durant les années 1920 et 1930 d’une “génération intellectuelle dont la pensée créatrice n’a pu se traduire par une doctrine novatrice pour cause d’ “institutionnalisation manquée”, définit assez bien l’état et la situation des marins français chargés de penser la guerre après le premier conflit mondial : dévoués à la tâche, développant une juste compréhension des enjeux, visionnaires pour certains d’entre-eux, les officiers de la Royale durent compter avec une institution plus que jamais ouverte, stimulée par la défense de l’Empire, mais au fond traumatisée par les expériences intellectuelles du siècle passé dans un pays névrosé et de plus en plus refermé sur lui-même.
6Face aux convulsions totalitaires de la vieille Europe, du jeu diplomatico-stratégique trouble des Anglais, du ressentiment germano-italien et surtout face au spectre de la guerre totale véhiculée par les doctrinaires de la guerre aérienne, les stagiaires de l’École de guerre navale (EGN) et du Centre des hautes études navales (CHEN) se lancèrent dans l’étude générale du fait aérien. Ces deux institutions, qui préparaient les officiers aux fonctions d’état-major et aux commandements d’unités, ont par ailleurs constitué le creuset de la pensée navale française. L’intégration du fait aérien comportait en effet un volet théorique et doctrinal à l’élaboration duquel contribuèrent les cours et les travaux de l’EGN et du CHEN. Certaines de ces productions attestent d’une intelligence particulièrement fine de la révolution tactique, de la mutation de l’art dans la guerre et, par voie de conséquence, des perceptions géopolitiques modifiées sous l’impact du fait aérien. L’étude systématique des fonds de la section navale du Service historique de la défense devrait sans aucun doute révéler la conscience aiguë d’une institution et d’une pensée navale françaises aux défis et aux problèmes stratégiques de l’heure. Nous en avons retenu quelques-unes, parmi les plus significatives, et cherché à apprécier leur portée dans l’élaboration d’une doctrine aéronavale et leur influence dans la décision de construire les porte-avions Joffre et Painlevé. Cette analyse “perceptuelle n’est qu’une ébauche. Une investigation globale devrait la nuancer et la confirmer.
7Nous analyserons l’étude et l’intégration du fait aérien par quelques acteurs de la pensée navale française dans une première partie consacrée au retour d’expérience de la première guerre mondiale effectué par les organismes nouvellement créés, puis nous verrons dans une deuxième partie la réflexion engagée sur une nouvelle stratégie des moyens aéronavals et, enfin, nous terminerons par l’impact du porte-avions sur le système naval français.
Penser la “grande guerre aéromaritime“
Les traumatismes de la pensée et de l’agir
8Entre 1914 et 1918, l’aviation maritime française passa de huit appareils à 1264. Elle était l’agent de transformation de cette “nouvelle” marine pétrie par les combats de la guerre “aéro-sous-marine”, révélateurs d’ “une mutation génétique des flottes” [4]. Résultat, l’institution s’en trouva déboussolée. Victorieuse, elle n’en est pas moins désappointée, tant par la forme des opérations navales, qu’elle n’avait pas prévue, la bataille décisive pour la maîtrise de la mer s’effaçant derrière la “guerre des communications” [5], que par le désintérêt des Français pour l’action décisive du facteur maritime dans la victoire de novembre 1918. Suprême ironie ou ruse de l’Histoire, à la France de 1871 qui avait subi une cuisante défaite malgré une flotte moderne, instrument principal de l’édification de l’empire, succédait en 1918 une France victorieuse mais saignée à blanc, épuisée, avec une flotte triomphante mais déclassée et oubliée. L’après-guerre ouvrait par conséquent, tant pour la France que pour ses armes, en l’occurrence pour la marine, une “crise des fondements” [6] politique, diplomatico-stratégique et doctrinale comparable à celle des années 1871-1914.
9Nous pensons que les impasses et les fulgurances du débat intellectuel militaire de la France de l’entre-deux-guerres peuvent être étudiées à l’aune de la crise qui agita la Marine entre 1886 et 1914. Martin Motte s’est attaché dans sa thèse sur la Jeune École à saisir les enjeux, les multiples implications et soubresauts de l’affrontement philosophique et technique sur la manière de penser la guerre et de la conduire. La doctrine navale française fut l’enjeu de cette lutte intellectuelle entre partisans de l’école matérielle, rejetant les principes de la stratégie pour se concentrer exclusivement sur l’étude des propriétés techniques et des effets opérationnels des systèmes d’armes navales, et de l’école historique promouvant l’étude de l’histoire pour l’identification des principes directeurs à même de guider le choix et l’emploi des armes. La Jeune École fut finalement discréditée et vaincue … mais dialectiquement [7]. Les auteurs de l’école historique qui triomphèrent finirent par ouvrir les yeux sur les exagérations de l’interprétation maximaliste de Mahan et élaborèrent une conception qui portait “une grande attention à l’influence des technologies nouvelles sur le déroulement des opérations” [8]. Cette guerre des méthodes, comparable à l’antagonisme opposant dans l’armée de terre, les partisans de principes napoléoniens pervertis dans l’offensive à outrance aux techniciens insistant sur la mutation technique de la stratégie des moyens, n’empêcha pas durant l’entre-deux-guerres la pensée et l’innovation théoriques inspirées par les nouveaux instruments de la guerre moderne, mais freina et handicapa lourdement la conception d’une doctrine unifiée et opérationnelle capable d’effectuer leur intégration dans les systèmes de force.
Le raffermissement de la pensée : l’École de guerre navale et le Centre des hautes études navales
10Le symbole de ce dynamisme intellectuel se constate dans la mise en place d’organismes nouveaux. Parallèlement à la réouverture l’École supérieure de marine en 1920 un Service historique de la marine est créé en 1919 [9]. Sa mission est de recueillir et de diffuser les enseignements de la guerre. L’année suivante l’École de guerre navale et le Centre des hautes études navales sont mis sur pied en remplacement de l’École supérieure de marine. Placés sous le commandement du même officier général, les deux organismes sont intimement liés. Leur mission consiste à diffuser une doctrine solide qui puisse aider les officiers à discerner ce qu’il faut faire et comment le faire, combinant la stratégie et la tactique, la conception et l’exécution.
11Les cours de stratégie et de tactique se répartissent en approches générales et appliquées. L’approche générale insiste sur les principes valables en tout temps et en tous lieux. Les officiers-professeurs sont des tenants de l’école historique. L’approche appliquée enseignée par les “matérialistes” spécialistes de chaque arme, porte quant à elle sur la compréhension capacitaire des moyens et à leur intégration, autrement dit sur la connaissance intime des propriétés techniques et des possibilités tactiques de chaque instrument. La pensée navale française privilégie donc l’approche interarmes qu’exposera Castex dans La Liaison des armes [10]. Ces deux approches suscitent immanquablement une aspiration à la synthèse, poursuite du travail de synthèse effectué depuis la fin du xixe siècle, auquel Castex mettra le point final avec ses Théories stratégiques. Celles-ci constituent la matrice conceptuelle autour de laquelle réfléchissent les élèves de l’EGN et du CHEN dont les écrits s’inspirent les conceptions de l’amiral et les alimentent par de nombreuses monographies sur les opérations de la première guerre mondiale. En effet, pour le capitaine de frégate de l’Escaille, elles renferment des leçons intéressantes à condition de les interpréter avec les bons outils conceptuels : il s’agit par conséquent d’une question de méthode.
12La seule méthode historique ne suffit plus, car l’aéronautique amène une transformation profonde de la conduite des opérations. La fonction renseignement subit une évolution sensible, une transformation même. La transmission de l’information par l’éclairage des croiseurs reliés au gros par la TSF laisse place à la localisation transhorizon. D’autre part, la méthode scientifique ou matérialiste restait incomplète. La Jeune École avait misé sur la substitution du cuirassé par les torpilleurs, croiseurs et sous-marin, alors que seule leur association systémique aurait pu disloquer le système de guerre britannique [11]. La leçon de bon sens, que les mirages et l’ambiance technicistes du siècle dernier avaient dissipée, était rappelée : un système d’arme ne devait être intégré que sur la base de performances prouvées au cours d’essais concluants, afin de déterminer la doctrine d’emploi et sa place dans le système de force en fonction de ses effets réels et non escomptés. Ce qui ne fut pas le cas des torpilleurs et autres submersibles et sous-marins de la Jeune école. Aussi, une troisième voie devait être trouvée et appliquée : la méthode “artistique ou “imaginative, sorte de synthèse des deux autres : Pour l’étude d’une arme nouvelle, l’emploi de cette dernière méthode, tempérée à chaque instant par un recours judicieux aux deux autres, est en réalité le véritable processus à suivre [12]. L’Escaille conclut : “Vous devez à tout prix vous défendre de vous embrigader dans une école” pour “toujours considérer le but à atteindre en affranchissant l’esprit des moyens employés, dans toutes les questions d’organisation” [13] car “jamais le procédé ne doit avoir le pas sur le principe [14]. Mais, le commandant Laurent met en garde et rappelle combien l’anarchie des idées à la fin du xixe avait coûté à la marine : “Si nous sortons de notre rôle et cherchons, même inconsciemment, comme cela a déjà été fait, à nous substituer à l’état-major, nous augmenterons le désordre et la maison [sera] encore une fois à l’envers [15].
Les enseignements des opérations aéro-maritimes de la première guerre mondiale
13La première guerre mondiale marque la naissance d’une nouvelle forme de guerre navale. Son essence – assurer pour le compte de la conduite générale de la guerre le contrôle d’une zone – et ses objectifs – détruire et/ou neutraliser l’ennemi afin de garantir ce contrôle – restèrent les mêmes. Mais, de nouveaux instruments avaient confirmé la dépendance de la guerre navale dans la guerre intégrale et complexifié sa conduite. Au cours des opérations maritimes en l’Atlantique, en mer du Nord, en Adriatique, en Méditerranée, les aéronefs furent utilisés en liaison avec les forces de surface pour frapper le littoral, combattre les sous-marins et sécuriser les convois. Les moyens aériens permirent de bloquer et/ou de frapper les flottes au mouillage dans leurs bases jusque-là protégées par les mines et les sous-marins.
14Il s’agit bien d’une transformation de la guerre navale qui reflète la révolution de la guerre à l’âge industriel et dont le facteur révélateur réside dans l’altération du cadre spatio-temporel, autrement dit dans l’accélération des opérations : “L’augmentation des vitesses et des portées de tir impose le commencement de la manœuvre de la présentation au combat avant d’être à portée de vue de l’ennemi” [16]. Et le tir implique de connaître la position de l’adversaire. La mission de l’aéronautique consiste donc à le situer avant qu’il ne se mette lui-même à portée de tir : c’est la fonction d’éclairage-reconnaissance-tenue de contact. La mission de réglage de tir des cuirassés en est une déclinaison : la participation à la destruction de l’adversaire est le résultat de sa préalable et nécessaire localisation et comportera, comme l’indique l’Escaille, une bataille pour la maîtrise de l’air [17]. Ce dernier affirme sans équivoque l’importance du fait aérien sur les opérations navales : “L’aviation de bombardement est appelée à jouer un rôle considérable et à modifier complètement la physionomie de la guerre sur mer … Il est nécessaire et possible de doter les forces navales de forces d’aviation les accompagnant sans cesse partout… doter tous les navires de combat d’un avion de chasse et d’un avion de reconnaissance, tous les croiseurs d’un avion de reconnaissance et si possible d’un avion de chasse. Par ailleurs, le train d’armée doit comprendre des bâtiments porte-avions, véritables centres mobiles d’aviation en un point déterminé” [18]. Le capitaine de frégate Sire en tire les conséquences : l’aéronautique maritime “a pris part à tous les genres d’opérations de guerre. Elle a montré une souplesse remarquable. Ses possibilités ne pourront que croître au point qu’on ne peut guère envisager une opération quelconque sans lui donner sa part” [19].
Le courant aéronaval : cours, conférences et travaux portant sur l’aéronautique maritime
15En 1920, date à laquelle le commandant de l’Escaille débute ses cours dans un contexte ambigu, l’aéronautique maritime française était en voie de liquidation financière : son budget passe de 300 millions en 1918 à 33 millions en 1920 [20]. Elle n’est pas un dossier urgent pour le Conseil supérieur de la marine (CSM). En même temps, les instances politiques prévoient, dans le programme naval du 1er janvier 1920, deux bâtiments d’aviation d’escadre et la transformation en porte-avions de deux cuirassés de la classe Normandie [21]. Cependant, dans sa séance du 14 septembre 1920, le CSM élabore un programme d’aéronautique maritime plus ambitieux, définissant les missions et le type adéquat d’appareil : défense anti-aérienne des côtes et des bases contre l’ennemi flottant et aérien, attaque des bases aériennes de l’ennemi, éclairage, reconnaissance, concours à l’action des forces navales par la reconnaissance, la chasse, le bombardement et torpillage, éventualité de la frappe “sur les agglomérations étendues” et supériorité de l’avion terrestre sur l’hydravion [22]. Le CSM constate que l’emploi quasi-exclusif des hydravions, des dirigeables souples et des ballons captifs est inadapté à l’accomplissement des missions précitées. Le matériel aéronautique en ce début des années 1920 se caractérise par une structure en bois et en toile. Dans sa conclusion n° 14, le CSM demande, dans les délais les plus rapides, la construction métallique des avions. Des appareils plus solides devaient permettre de passer de la localisation spatiale de l’adversaire “surfacier” à sa destruction sans oublier à la lutte ASM : “Les hydravions côtiers devront être progressivement remplacés par des avions pour ce qui concerne le bombardement ou l’attaque à la torpille des navires ennemis” [23].
16Porte-avions, appareils à structure métallique, attaque sur les bases, stratégie anti-forces de surface et anti-sous-marine, effort financier, les responsables politiques de la marine identifient très tôt les virtualités de l’arme aéro-maritime. Les professeurs de l’EGN lui accordent par conséquent une attention soutenue et tentent de la développer.
17L’objectif est de dégager les concepts d’emploi par le biais des deux moyens que sont, d’une part les cours, conférences et les travaux de présentation à l’École de guerre et d’autre part les cours et conférence du CHEN, auxquels ajoutent les travaux doctrinaux et technique étrangers. Les deux questions centrales concernent les missions qui doivent être assignées à la force aéro-maritime et les types d’aéronefs qui devaient la constituer. De cette ébullition, une doctrine conforme avec les objectifs fixés par l’état-major est censée apparaître. Dans les travaux que nous avons consultés, on constate plutôt une succession de monographies centrées sur des thèmes particuliers. Certaines d’entre-elles ne se concentrent que sur un seul de points : c’est le cas du lieutenant de vaisseau Nomy qui s’intéresse à l’état des aéronautiques italienne et allemande en 1939 [24]. Sur le plan technique, des études sont réalisées sur le ballon (LV Terrin), sur les dirigeables, l’aviation (capitaine du génie Saconnet), sur les techniques de l’aviation (LV Benoit) et le matériel d’aérostation (CC Sire). D’autres s’essayent pourtant aux analyses de synthèse pour exposer la complexité de l’élaboration d’une politique aéronavale et de la stratégie qui doit l’acter dans la réalité du système international. C’est le cas du LV Barjot qui étudie l’avenir du porte-avions et du LV O’Neil que nous étudierons plus loin [25]. L’impact de la révolution aérienne sur les opérations navales, mais aussi terrestre, de la Grande Guerre, crée une dynamique propre à encourager la production de cours et de travaux sur la transformation aéronavale. Bien que la dimension stratégique militaire ne soit nullement ignorée, c’est surtout au niveau tactique que la transformation est étudiée selon une double approche générale et appliquée.
18Au cours des années vingt, à l’exception des cours de l’amiral Castex professés à partir de 1929, on ne trouve pas de cours ou de conférences dédiés à l’étude stratégique du fait aérien, tandis que la dimension tactique est largement privilégiée. Pour les années trente, on ne compte que trois études analysant la portée stratégique de la puissance aérienne : celle, importante, du futur commandant de l’École de guerre navale, le capitaine de corvette Odend’hal, intitulée “Conduite des forces maritimes. La guerre aérienne ; celles des capitaines de corvette Amet, “La guerre aérienne” en 1938 et Braxmeyer, “Considérations sur la guerre aérienne” en 1935 [26].
19Dans les années trente, le cours de l’EGN est confié aux capitaines de corvette Lemaire, Braxmeyer et Amet [27]. S’y ajoutent des conférences diverses comme celles du capitaine de corvette Clatin, “Deux causeries sur le danger aérien” (1935), du lieutenant de vaisseau Barjot, “La guerre aéronavale en basse mer du Nord en 1918” d’abord publiée dans la Revue des forces aériennes en 1931 puis reprise en 1933.
20Pour la période qui va de 1920 à 1937, sur 655 travaux d’entrée à l’École de guerre navale, on en compte quatre-vingts qui traitent directement de l’aviation navale, soit 12 %. On compte six travaux historiques de l’EGN strictement centrés sur l’aéronautique navale, auxquels il faut ajouter les opérations aéronavales intégrées dans l’étude plus large des “opérations militaires” en Manche orientale et dans le Pas de Calais [28]. Les travaux historiques du CHEN relatifs à la Grande Guerre ne s’intéressent pas spécifiquement à l’aéronautique navale.
La portée des travaux
21Le résultat aboutit à un corpus d’études assez considérable “irrigué” par les cours dispensés dans les années vingt et trente. Ces travaux et ces cours se concentrent sur les aspects tactiques et stratégiques de l’action aérienne en milieu marin, mais c’est au niveau de l’emploi des forces dans la bataille ou plus largement au cours des opérations, que l’on relève le plus grand nombre de travaux en tout genre, historiques et techniques, doctrinaux consacrés aux expériences étrangères comme celui du capitaine de corvette Nomy (disparu des archives).
22Sur le plan tactique, l’étude des procédures d’application des outils aériens au combat privilégiant la liaison des armes souleva des questions sur la place et la fonction à accorder à deux d’entre-elles : comment insérer de manière pratique les porte-hydravions et les porte-avions dans le corps de bataille ? Ces hydravions et avions sont-ils uniquement des super-périscopes, ce qui en soi constitue déjà une révolution [29] ou alors représentent-ils une mutation du feu naval qui devient aéronaval ? Les études des lieutenants de vaisseau Amet, futur professeur de tactique à l’EGN, Moreau avec “L’aviation de bombardement contre le bâtiment de ligne” ou encore le lieutenant de vaisseau Bellando avec “L’aviation de destruction dans la guerre maritime” s’efforcent, parmi des dizaines d’autres études, de répondre à ces questions en évaluant le potentiel de combat sur mer des nouveaux instruments aériens et, de ce fait, de mesurer l’ampleur de la mutation en cours.
23Car c’est cela que tentent de restituer la dimension stratégique des travaux et des cours consultés. Tous mettent rapidement l’accent sur la transformation induite par l’aéronef : accélération des opérations, compression/dilatation de l’espace, possibilité d’effectuer la dislocation des forces adverses qui redevient possibles après le blocage tactique des opérations en 1914-1918. En effet, la frappe sur les bases adverses confère à l’action aérienne une fonction de décapitation de l’infrastructure ennemie, et cela dès les premières heures comme l’ont bien vu l’amiral Castex dans ce qui allait devenir le premier volume des Théories stratégiques et le capitaine de vaisseau O’dendhal [30]. Ces travaux officiels sont complétés par les articles publiés par la Revue maritime, autre forum de gestation de la pensée tactique et stratégique aéronavale. S’y expriment officiers et civils intéressés par les affaires navales et maritimes. On y retrouve un ancien stagiaire de l’EGN, promotion 1933, le LV Barjot, qui devient à coups d’articles le théoricien de référence de la puissance aéronavale et le défenseur du porte-aéronefs [31].
24En somme, les auteurs du courant aéronaval étudièrent toutes les possibilités opérationnelles de l’aéronautique maritime : reconnaissance, éclairage, frappe anti-force, qu’elle soit anti-surface, anti-sous-marine ou anti-aérienne (“crise aérienne”) [32]. Les capitaines de corvette Braxmeyer et Amet envisagèrent les frappes anti-cité par des appareils basés à terre dans une optique dissuasive et un esprit qui annoncent la stratégie de dissuasion nucléaire française [33]. La mécanisation de la cinématique navale et l’intégration des avions renforcent la nature dynamique des opérations. Cette intégration entraîne une double révolution doctrinale et technique. Sur le plan doctrinal, l’avion va amener “dans la conduite de la guerre sur mer des transformations aussi profondes que l’invention de la poudre ou l’apparition de la machine à vapeur” [34]. Au plan matériel, les unités de surface seront modifiées par l’introduction de la catapulte pour projeter des hydravions ou même seront conçues pour la seule mise en œuvre d’appareils.
25Ainsi donc, la pensée navale a parfaitement saisi les implications de l’intégration du fait aérien. Pourtant, si l’innovation doctrinale a été perçue comme nécessaire, elle ne fut qu’en partie réussie car, pour être complète, la mutation devait également être organisationnelle et matérielle, ce qui n’a été que partiellement réalisé, parce qu’impliquant des considérations bureaucratiques, financières, psychologiques sur lesquelles l’institution buta.
L’intégration du fait aérien : esquisse d’une doctrine et nouvelle stratégie des moyens
26L’année 1923 marque le début de la reconstruction budgétaire de l’aéronautique maritime. En effet, on constate une injection de capitaux : en 1920, le budget total de l’aéronautique maritime était de 33 millions. En 1923, il est de 105 540 080 francs [35]. En 1924, nouvelle augmentation : entre le budget d’entretien et d’accroissement, les dépenses totales de l’aéronautique maritime s’élèvent à 193 547 360 francs soit une augmentation de 88 007 279 par rapport à l’enveloppe destinée aux forces aériennes de la marine.
27À cet effort budgétaire correspond un travail de structuration des forces aéronautiques et une première ébauche de doctrine d’emploi par l’état-major. En effet, en juin 1922, les escadrilles d’aviation sont officiellement reconnues comme unités autonomes avec un commandant à leur tête. Anodin, ce changement est important car il permet aux officiers de marine qui souhaitent investir l’aéronautique d’être inscrit au tableau d’avancement et de ne pas pâtir de ce choix. Marins avant tout, les officiers de l’aéronautique maritime ont besoin d’un document qui précise, à défaut de systématiser, les missions définies par le CSM dans sa séance du 14 septembre 1920.
28Le 10 avril 1923, le contre-amiral Brisson, deuxième sous-chef d’état-major, soumet au CSM la Présentation d’un projet de tactique provisoire de l’aéronautique maritime. Deux fonctions stratégiques sont retenues par le contre-amiral Brisson : le renseignement et l’agression.
29L’aviation d’observation et de reconnaissance constitue une sorte de super-périscope dont il faudra jauger les capacités lors d’exercices car l’auteur constate le peu d’enseignements analysables des opérations de la première guerre mondiale, alors que, comme nous l’avons vu précédemment, l’éclairage et la reconnaissance permettent de se faire une idée des mouvements de l’adversaire : c’est donc une mission obligatoire pour engager un ennemi qu’il faut d’abord chercher dans l’immensité des mers. Pour ce faire un appareil est privilégié : le ballon dirigeable, très adapté pour les missions à long rayon d’action [36].
30La fonction agression se décline dans la lutte aérienne, anti-sous-marine et le bombardement. Ces trois modalités du combat aéronautique tirent leur concept d’emploi de l’expérience aéroterrestre de la Grande Guerre : “Les principes d’emploi et de manœuvre de l’aviation de combat ont été fournis par l’expérience de l’aviation terrestre sur le front français” [37]. L’auteur dresse des parallèles entre les deux formes de bombardement, terrestre et naval : “La question du bombardement des bases est au point : l’expérience acquise par l’aviation militaire est immédiatement utilisable” [38].
31Il existe néanmoins des divergences : le règlement de l’armée de terre permet à chaque bombardier d’effectuer individuellement son réglage de tir (réglage en portée) alors que l’article 97 du Projet de tactique de l’aéronautique maritime prescrit au contraire que tous les avions doivent atteindre leur cible en coordination sous le commandement du chef de groupe. La raison principale est que le bombardement terrestre de zone délivre des effets physiques et psychologiques sur des unités militaires, installations, soldats mais aussi des civils, bref il peut endommager de la matière. En revanche, le bombardement maritime doit prendre en compte la mobilité des forces adverses dont les capacités d’évolution nécessitent que l’attaque aérienne sur une unité de surface ou sous-marine, soit coordonnée et massive afin de multiplier les chances de coup au but : c’est la tactique de saturation des forces adverses que l’on retrouvera tant chez les marins que chez les aviateurs [39].
32L’idée principale de ce document est que la liaison des armes est primordiale pour assurer la manœuvre de l’ensemble des instruments des forces aéromaritimes. Or, ces instruments se sont multipliés depuis la militarisation de l’aéronautique.
33Si l’innovation technique et doctrinale apporte la victoire, elle déstabilise l’institution militaire souvent attachée aux traditions et à la continuité.
34Le fait aérien porte en lui une “grammaire transformationnelle” en donnant aux opérations une autre forme, aux systèmes d’armes une nouvelle structure, une importance et une dévaluation de certains d’entre eux. Le commandant Sire partageait les mêmes préoccupations que l’Escaille, à propos d’une disjonction, même apparente, entre le corps de bataille cuirassé et les instruments modernes de la guerre, aéronefs et sous-marins. La menace était de voir resurgir deux marines se faisant face, comme au temps des controverses passionnelles de la Jeune École. On trouve trace de cette appréhension dans les débats théoriques qui avaient cours dans la Revue maritime [40]. Aussi, l’intégration des outils aériens dans l’ensemble du système devait s’opérer de manière à unifier la marine en lui faisant passer le cap de la révolution aérienne. Bien que laborieuse, l’intégration du fait aérien devient une nécessité. “L’aéronautique doit pouvoir enfin rentrer dans le cadre organique général de la marine” [41]. L’aéronautique inspirait néanmoins une croyance émotive dans la supériorité du nouveau sur l’ancien. Et la réflexion sous l’emprise de l’émotion débouche sur des considérations idéalistes déconnectées des possibilités matérielles. Pour l’amiral Fischer : “le cuirassé est mort, c’est l’avion qui le remplacera” [42] et la condamnation des grandes unités équivaut pour ses épigones à la supériorité de la puissance aérienne sur la puissance navale : l’ombre de “l’air intégral se rapprochait, la publication de La Maîtrise de l’Air de Douhet en 1921 étant concomitante des déclarations du père spirituel du Dreadnought. D’où le rappel de l’Escaille à ses élèves : “L’histoire ne nous apprend-elle pas que jamais une arme nouvelle n’a amené la disparition d’une autre arme, mais a provoqué simplement son adaptation à des conditions nouvelles ?” [43].
La stratégie génétique de l’aéronautique maritime [44]
35Le problème posé dans ces années d’entre-deux-guerres n’est pas tant l’acceptation ou le refus de l’aviation maritime que le mode d’organisation de cette nouvelle composante. Il s’agit du débat fondamental relatif à la conception du système de forces aéro-maritimes, c’est-à-dire à la définition de critères pour la fabrication d’instruments et leur mise en système afin d’accomplir les objectifs militaires assignés par les décideurs politiques. Deux camps se firent face : les partisans de l’aéronautique maritime basée sur les côtes et embarquée sur navire de ligne, hydravions “consommables”, et ceux qui, tout en admettant l’hydraviation, l’aviation basée à terre et même une armée de l’air, étaient persuadés du bien-fondé du navire porte-avions. Dans les deux systèmes, la mission impartie aux forces aéro-maritimes était la localisation de l’adversaire et sa destruction en délivrant une puissance de feu par projectile.
Projectiles et vecteurs aériens
36Les théoriciens de la Jeune École avaient déjà clairement perçu la vertu égalisatrice de la torpille. Le problème résidait dans son emploi tout à fait aléatoire et sa portée insuffisante, sans parler du vecteur, le torpilleur, incapable de tenir la haute mer. Mais, le principe était valable. Les aéronefs, hydravions et avions terrestres, allaient compléter, voire se substituer au torpilleur pour le lancement de torpilles et de bombes [45]. La seconde guerre mondiale devait le démontrer. Entre les deux conflits, le chemin vers l’efficacité fut long. En 1914, le faible résultat obtenu par les avions alliés dans la destruction de sous-marins était dû, selon l’Escaille, à l’insuffisance des projectiles employés, à l’absence de méthode de tir et d’appareil de visée convenable et au manque de formation du personnel [46].
37Les bombes variaient entre 150 kg ou 410 kg et les torpilles de 450, modèle 1911 V. dont l’emploi “impose des hauteurs de lancements plus petites ou égales à 9 mètres” [47]. Pour l’Escaille, “l’aéronautique maritime française, pour ne pas avoir suivi la voie la plus tapageuse, n’en a pas moins conduit ses expériences méthodiquement et rationnellement : détermination de la nature des bombes, de l’amorçage, des méthodes de tir” [48]. Malgré la faiblesse des résultats, les projectiles aériens indiquaient clairement qu’une révolution dans la fonction offensive s’était enclenchée. Encore fallait-il choisir les bons vecteurs.
38Avion, hydravion, dirigeable et captifs possédaient des propriétés techniques différentes qui se traduisaient par différentes tactiques. Les aviations d’observation et de reconnaissance constituent une sorte de super-périscope qui permettent de se faire une idée des mouvements de l’adversaire. C’est donc un préalable obligatoire : pour engager un ennemi, il fallait d’abord le trouver. Pour ce faire, le ballon dirigeable, très adapté pour les missions à long rayon d’action, constitue l’instrument privilégié [49]. L’Escaille s’interroge sur le meilleur vecteur : avion terrestre, hydravion, ballon ? Conscient d’être dans une période d’évolution technique importante, il préconise l’expérimentation des trois systèmes, avant de pencher dans son cours de 1922, pour l’hydravion, appareil “naturel” de l’aviation maritime. Sur la question de l’hydraviation, Sire rejoignit l’Escaille : des appareils utilisant la mer comme un élément premier pour se poser dessus et puis reprendre leur vol sont nécessaires.
39Plusieurs solutions apparaissent :
- L’avion marin est un avion terrestre dont le train d’atterrissage a été transformé pour le rendre étanche. Il peut utiliser les pistes terrestres, amerrir et flotter, mais ne peut dans ce dernier cas redécoller, d’où la nécessité d’une plate-forme pourvue de catapulte appropriée.
- L’hydravion, à coque ou à flotteurs. Par mer calme, il est capable d’utiliser la mer comme aérodrome. Pour regagner la nef, il doit être remorqué.
- L’avion amphibie, hydravion avec train d’atterrissage ordinaire capable de manœuvrer sur l’eau ou sur la terre.
40Sire consacra un appendice à l’hélicoptère : “avion capable de prendre de l’altitude suivant une direction proche de la verticale, de stationner à une altitude donnée avec une vitesse horizontale très faible”. L’hélicoptère était vu comme l’héritier du captif pour le réglage de tir à la mer et pour l’observation des tirs de batterie de côtes. Au voisinage des grands ports, il était précieux pour la surveillance des chenaux de sécurité, notamment la recherche de mines.
41Si l’avion terrestre est supérieur à l’hydravion, les progrès techniques sur lesquels compte Sire permettraient à l’hydravion de devenir l’appareil emblématique de l’aéronautique maritime. C’est pourtant l’avion métallique qui allait s’imposer.
La révolution technique
42Les transformations touchent à la motorisation des appareils et à leur structure avec pour référence le monoplan de construction métallique à train d’atterrissage escamotable apparu à la fin des années 1930. Le programme de 1925 élabore quatre classes d’avions dont la dénomination subsiste : bombardement, exploration, surveillance et chasse.
43Durant l’entre-deux-guerres, la vitesse des avions augmente sensiblement. Par rapport aux moteurs des appareils de 1922 limités à 380 CV, les appareils du programme de 1925, Farman 168, Cams 65, Cams 37 et Nieuport possèdent des moteurs de 400 à 500 CV [50]. Ces appareils restent cependant dotés de coques, flotteurs, de cellules en bois qui, en prenant l’eau, subissaient un alourdissement nuisible aux qualités de navigation. Quant à la structure, dès 1928, les Britanniques conçoivent leurs appareils avec des métaux extra-légers inoxydables. En 1933, une seule escadrille française est dotée de cette technologie. En 1936, à l’exception des hydravions de surveillance basés sur les côtes, le bois n’était plus utilisé pour la construction des autres hydravions.
44À partir du début des années 1930, on constate un renouvellement des appareils :
- Les appareils de surveillance-torpillage restent l’apanage de la maison Pierre Levasseur : en 1931, 29 exemplaires du PL-10 succèdent aux PL –4, eux même remplacés par le PL-101 ; la puissance des moteurs passe à 600 CV ;
- Les appareils de chasse Wibault 74, en construction métallique, d’une vitesse de 230 m/h à 4 000 m. furent remplacés par le Dewoitine D-373 (version navalisée du D-371) ;
- Les bombardiers conservent leur PL-7.
45L’aéronautique maritime porte au bombardier en piqué un intérêt particulier. Il est préconisé dès 1917 par le médecin de marine Labarthe. Le 17 mars 1936, le lieutenant de vaisseau de L’Orza exécute le premier accrochage du Gourdou-Leseurre GL-430, prototype de bombardier en piqué. Le 24 septembre de la même année, il trouve la mort en effectuant un essai d’accrochage de nuit. L’aéronautique maritime perd avec lui un de ses pionniers, théoricien du bombardement en piqué [51]. À la suite de ces essais, la marine passe une commande de cinq Gourdou Lesseure GL-432, monomoteur, version spéciale pour l’embarquement à bord, avec renforcement des structures, crosses, dispositif de flottabilité, emport d’une bombe de 150/225 kg et d’une mitrailleuse. Une version bimoteurs d’attaque fut envisagée avant d’être repoussée pour être intégrée à la génération de 1937-1938.
46Cette révolution technique portait en elle une révolution doctrinale quant à l’importance tactique de l’aviation embarquée qu’a bien vu Jean-Jacques Antier : “La période 1919-1939 fut donc décisive pour l’aviation navale. Bien entendu, les progrès du porte-avions suivaient ceux de l’avion. Progrès rapides : vitesse doublée (500 km/h) grâce à la puissance quintuplée des moteurs (jusqu’à 1 000 chevaux). Autonomie doublée pour l’avion (plus de 300 miles), triplée pour les grands hydravions à coque pour la première fois capables de relier les continents. Grâce à la résistance des moteurs, les pannes devinrent l’exception. La grande révélation fut la capacité pour un avion d’emporter et de lancer une torpille de surface, qui en 1939 atteignait ses limites, défavorisé qu’il était à cause du radar et des nouveaux canons à tir rapide. Des avions de plus en plus lourd exigeaient des ponts d’envol de plus en plus longs et résistants, donc des PA de plus en plus gros au-delà du tonnage des cuirassés. Pour suivre les bâtiments de ligne, ces porte-avions durent être aussi rapides que les navires de ligne, armés de canons et protégés de blindages au niveau des œuvres vives, comme sur le pont. C’est ainsi que l’on arriva à un navire aussi sophistiqué et coûteux qu’un cuirassé” [52].
47Finalement, la supériorité de l’avion terrestre sur l’hydravion, l’incapacité opérationnelle de l’aviation basée à terre de couvrir l’ensemble des lignes de communications débouchent naturellement sur une réflexion sur le porte-avions. Quelques jeunes officiers, intégrant les structures de l’enseignement supérieur naval, tentent de conceptualiser cette évolution technique en innovation doctrinale.
Le porte-avions dans le système de force naval : vers une nouvelle flotte ?
48Dès l’immédiat après-guerre, l’amirauté française manifesta un certain intérêt pour le porte-avions, d’autant plus que la Royal Navy avait utilisé ce genre de plate-forme durant les opérations. Le poids du mimétisme n’est pas à exclure, surtout entre la France et la Grande-Bretagne. Lors de sa séance du 14 septembre 1920, le Conseil supérieur de la marine manifeste sa volonté de se doter d’un porte-avions doté d’appareils à structure métallique.
49Pourtant, la question du porte-avions divise les marins tout au long de l’entre-deux-guerres. Une divergence que ni l’expérimentation du Béarn et du Commandant Teste, encore moins la création du ministère de l’Air le 14 septembre 1928 et de l’armée de l’air le 2 juillet 1934 ne dissipent. Au contraire, l’apparition d’un acteur supplémentaire ouvre une période de lutte pour l’attribution des moyens financiers et humains et pour la conception des matériels qui handicape gravement la constitution d’un système militaire interarmées cohérent.
Hésitations françaises
50En France, la construction navale se concentre d’abord sur les unités légères, croiseurs, destroyers, sous-marins puis sur la reconstitution du corps de bataille cuirassé. Malgré l’intérêt manifesté par le Conseil supérieur de la marine, les porte-avions ne constituent pas une priorité car jugés trop vulnérables et dispendieux.
51Ce qui n’empêche bien évidemment pas, les officiers d’y réfléchir. Au début des années 1920, l’Escaille et Sire se penchent sur la question du porte-avions. Le premier avait déjà perçu, dans le cadre de la liaison des armes, la problématique de la concentration des forces aériennes. Il envisage donc clairement la nécessité du porte-avions comme l’instrument indispensable pour y parvenir [53]. Le second tente de définir les caractéristiques idéales : grandes dimensions, avec des appareils gyroscopiques très lourds pour stabiliser la plate-forme, d’où, entre autres, un fort tonnage. Une grande vitesse d’une trentaine de nœuds s’avère également indispensable pour “travailler normalement en compagnie des croiseurs d’éclairage et “en cas de rencontre soudaine avec des croiseurs mieux armés que lui… au regard de sa grande vulnérabilité, se dérober rapidement” [54]. En raison de sa vulnérabilité due à sa très grosse silhouette, la vitesse était doublement importante pour le porte-avions afin qu’il puisse s’intégrer au rythme des opérations : il devait être en mesure de coopérer avec le gros ou bien de décrocher. En somme, la vitesse élevée était indispensable pour sa manœuvrabilité et pour soutenir l’effort du corps de bataille.
52La question de l’armement est cruciale, Sire évoque l’exemple des porte-avions britanniques, Furious et Hermès, pourvus de deux canons de 18 pouces placés à la proue et à la poupe. Ces canons de grand calibre reflètent les hésitations et les tâtonnements liés à l’armement de la plate-forme. Faut-il par exemple installer des torpilles sur le porte-avions, renforçant son caractère de navire expérimental ? Sire répond par la négative. La torpille doit rester l’apanage de toutes les unités de surface, exceptés le porte-avions et le cuirassé, ces derniers devant utiliser leurs appareils et les structures défensives, caissons d’explosion (bulges), le cuirassement de flanc et la ceinture renforcée de flottaison.
53La question de l’armement du porte-avions renvoie directement à la question de la doctrine d’emploi. Sire lui assigne un rôle d’accompagnateur du gros toujours centré sur le cuirassé. Son caractère expérimental constitue un handicap certain : “Il y a peu d’apparence qu’on envisage l’emploi des porte-avions pour une action offensive, même contre des bâtiments légers inférieurs… Dans la pratique, il convient de se convaincre que le porte-avions sera dans la nécessité d’éviter tout engagement un peu sérieux ; il devra, se dérober au plus vite et se ranger sous la protection d’unités plus puissantes. Le bâtiment de ligne apparaît comme le rempart obligé du porte-avions” [55].
54Cette divergence de vue entre nos deux auteurs est en quelque sorte un reflet des hésitations françaises. Si le capitaine de frégate Fournié, successeur de Sire, pressent clairement la configuration des opérations de la seconde guerre mondiale dans le Pacifique et si le capitaine de frégate Latham considère que l’avenir appartient aux grands porte-avions rapides, il subsiste néanmoins une espérance dans l’hydravion. De telle sorte que dans les années 1920 et 1930, les deux systèmes sont expérimentés.
Le Béarn et le Commandant Teste, premiers instruments de l’aéronautique maritime embarquée
55Le 13 mars 1920, le Conseil supérieur de la marine adopte le principe de transformation de la coque d’un cuirassé Normandie en porte-avions. La décision définitive d’achever le Béarn est confirmée le 4 août 1923. En 1926, il entre en essai et, le 21 mai 1928, il est admis en service actif. La mutation du navire est longue et radicale. Malheureusement, ces expériences révèlent davantage les défauts du Béarn et dans une moindre mesure du Commandant Teste, que leurs apports opérationnels, d’ailleurs limités [56]. Ce qui confirme le caractère expérimental de ces navires marqués par une vitesse limitée, l’exiguïté du pont, l’étroitesse des hangars et la disposition compliquée des ascenseurs. Quatre défauts majeurs qui nuisent à la fonction première d’un tel instrument : l’utilisation offensive et défensive d’aéronefs, hydravions et avion terrestres.
56Un ministère de l’Air avait été créé en 1928, suivi en 1934 par l’armée de l’air. La marine doit désormais compter avec une armée qui s’estime capable d’accomplir les missions qui lui sont dévolues, comme la défense aérienne des côtes, l’attaque de l’ennemi flottant et aérien à proximité du littoral ou l’attaque des bases et des ports ennemis. Cette situation n’existe pas au Japon et aux États-Unis, qui ne possèdent pas d’armée de l’air, et où les marines se lancent dans la construction de nouveaux porte-avions.
57Dans ce nouveau contexte et ayant perçu les limites du Béarn et du Commandant Teste, le ministère de la Marine comprend la nécessité de franchir un nouveau pas et se prononce en 1930 pour la construction de deux porte-avions de 15 000 à 18 000 t. Mais de projets en contre-projets (26 pour la période 1928-1939), les porte-avions sont victimes de l’indécision politique. Ceci n’empêche pas des officiers de l’EGN de réfléchir aux caractéristiques et à la doctrine d’emploi du porte-avions, en particulier le LV O’Neil (Le Porte-avions, avril 1936) et le LV Pérék (Étude de l’emploi de l’aviation, du porte-avions dans la flotte de haute mer au combat, mars-avril 1936).
58L’indécision politique vient de l’extrême complexité de la situation globale de la France, de la limitation de ses marges de manœuvres à la suite de la crise économique qui la touche au début des années 1930 et par voie de conséquence de la difficulté à allouer les ressources.
59Le LV O’Neil comprend leur importance grandissante : “…il est certain que … l’apparition de nouveaux porte-avions modifiera considérablement l’équilibre de notre flotte. La question se pose donc… de savoir s’il convient de consacrer une partie de nos ressources à ce type de navire. La décision ne peut plus être reculée. La France doit-elle, ou non, construire actuellement des porte-avions et quelles doivent être leurs caractéristiques ?” [57]. “La décision dépend de la situation financière, très rapidement variable. Mais le programme naval, surtout en matière de porte-avions, doit être envisagé à très longue échéance, et si possible exécuté, sans tenir compte de ces évolutions accidentelles” [58].
L’approche matérielle
60Pour O’Neil, les enseignements tirés de la mise en œuvre du Béarn ne sont pas probants : “Il ne semble pas qu’on ait rapidement tiré de son usage des conclusions nettes quant aux choix des caractéristiques de porte-avions futurs. La nécessité même de ces navires ne rallie pas tous les suffrages” [59]. En conséquence, la France “incertaine encore des caractéristiques à leur attribuer et toujours mal convaincue de leur nécessité ne met pas en chantier de porte-avions à plate-forme” [60].
61Cette indécision contraste avec l’activité étrangère, le perfectionnement de la technique et l’accroissement des missions : “La construction métallique, jointe à la puissance élevée des moteurs, ouvre l’avenir aux appareils de fort tonnage, qui par leur habitabilité, peuvent seuls utiliser une grande autonomie. Le perfectionnement des procédés de navigation et de pilotage facilite leur usage… Les appareils robustes et fins peuvent employer d’une façon courante la méthode nouvelle et précieuse du bombardement en piqué”.
62L’amélioration technique entraîne une évolution des appareils nécessaires à la réalisation de missions. Le LV Pérék dresse une liste qui passe de dix (Exploration, reconnaissance, surveillance, tenue de contact, éclairage, protection sous-marine, chasse, attaque, observation du champ de bataille, observation du tir) à quatre types d’appareils (Sûreté, protection, chasse et attaque) [61]. L’évolution des techniques augmente les capacités et l’efficacité des avions, consolidant leur importance pour la marine. Toutefois, la faible autonomie des appareils “ne permet d’entrevoir la possibilité de baser toute l’aviation à terre. Les progrès aérodynamiques des avions facilitent l’emploi à bord, à première vue incompatible avec les performances élevées” [62]. Pérék conclut de même : “L’emploi d’une aviation venant de terre reste précaire. Étant admis la nécessité de l’aviation d’attaque embarquée, celle du navire porte-avions en résulte”.
Les types de porte-avions
63L’association d’un navire et d’avions embarqués posait un certain nombre de problèmes spécifiques et implique des contraintes propres à l’aéronavale : “Il s’agit en effet d’établir l’utilité et de fixer les caractéristiques de navires que nos constructions navales ne sauraient nous fournir instantanément, même si nous prenions tout de suite la décision de les mettre en chantier. Il faut considérer aussi, que si l’entrée en service des appareils, dont nous pouvons maintenant entrevoir la réalisation, pourra coïncider avec l’achèvement de ces bâtiments, ceux-ci devront durer une vingtaine d’années, tandis qu’il est prudent de ne pas estimer à plus de cinq ans la période de remplacement des appareils par des types nouveaux, auxquels les porte-avions devront encore s’adapter” [63].
64O’Neil perçoit donc très clairement la différence de “temps génétique” entre la plate-forme et la force aérienne embarquée. La plate-forme est construite pour durer plusieurs décennies tandis que le parc aérien, lui, est soumis à un rythme rapide de transformations. Le navire doit néanmoins s’adapter à l’évolution du poids des appareils, à leur nombre et à leur logistique.
65Deux types de porte-avions pouvaient convenir à la marine : ceux de 20 000 t. pour la préparation et la participation au combat aéronaval et ceux entre 7 500 à 14 000 t. pour l’accompagnement de l’escadre et le transport d’aviation. Question classique inévitable faut-il posséder un assez grand nombre de porte-avions de faible et moyen tonnage ou peu de porte-avions de grand tonnage ? O’Neil estime que la position impériale de la France lui impose de disposer de porte-avions de différentes catégories selon le théâtre d’opérations considéré, Atlantique et Méditerranée et les missions à accomplir.
66La question du nombre porte celle du concept d’emploi. La vulnérabilité des porte-avions pourrait être réduite par une répartition des risques sur un plus grand nombre de navires. “En définitive, les raisons qui ont amené à embarquer des appareils sur les bâtiments de combat sont indépendantes de la technique aéronautique et demeurent. Le porte-avions à plate-forme est indispensable pour coordonner dans le temps et dans l’espace l’emploi des forces navales et une action aérienne massive. Il permet l’entretien d’une surveillance continue autour des escadres. Il doit par conséquent être conçu pour ces rôles qu’il est seul à pouvoir jouer”.
67Pour délivrer ses effets sur l’adversaire, l’action aérienne doit être lancée à partir de plates-formes. Cette multiplication permet une mise en œuvre accélérée, élargit la zone d’action et renforce la sauvegarde des forces aériennes, même si d’aventure une des plates-formes était frappée : “Chaque porte-avions offre sa plate-forme aux avions des autres et la mise hors de service de l’une n’entraîne pas l’anéantissement de l’action aérienne … En tactique de porte-avions, la multiplicité des surfaces est favorable à la concentration dans l’effort offensif [64]. Il poursuit : “Cette multiplicité de bases de départ permet d’ailleurs d’intéressantes combinaisons, un porte-avions assurant par exemple la surveillance et les patrouilles d’éclairage, pendant que les deux autres gardent leurs appareils de chasse ou de torpillage massés sur leur pont et prêts au décollage” [65].
68O’Neil avance l’idée que le porte-avions possède la faculté de coordination de l’espace-temps : “Seul, d’ailleurs, il est capable d’assurer la coordination de l’action des forces navales et de l’action aérienne massive, sans laquelle une flotte risque d’être aveugle et impuissante” [66]. Le porte-avions procure l’unité d’action en milieu aéro-maritime, il s’avère “le moyen naturel de coordonner à la mer l’action aérienne et l’action de surface” [67].
Nécessité du porte-avions
69Dans les mers resserrées (Méditerranée, mer du Nord …), les appareils partant de la côte sont théoriquement en mesure de rallier n’importe quel point en mer. Toujours en théorie, l’aviation côtière, reliée par radio avec les navires, est capable d’intervenir à la demande. L’expérience de la seconde guerre mondiale montre par la suite que la contingence et l’incertitude propres à l’action de guerre rendent illusoire la croyance en une disponibilité et en une efficacité permanentes des moyens aériens basés à terre.
Les missions du porte-avions : entre évolution et révolution
70Les défenseurs du porte-avions, présentant cet obstacle, défendent l’idée que la force navale doit disposer de sa propre capacité d’information par vecteurs aériens. Elle fournit ainsi à ses informateurs aériens les éléments de la situation, ses préoccupations et ses besoins. Le point crucial qui justifie in fine la nécessité de l’arme aérienne embarquée est son rôle dans la recherche d’une simultanéité des actions, son concours au raccourcissement de la boucle informationnelle aux fins de localisation, de fixation et de destruction de l’ennemi.
71Le lieutenant de vaisseau Pérék dégage quatre raisons qui justifient la nécessité du porte-avions :
- riposter à l’attaque des avions bombardiers et torpilleurs ennemis ;
atteindre les appareils ennemis qui sont hors de portée de sa DCA ; - protéger ses forces de sûreté (exploration, surveillance, reconnaissance), hors de vue des bâtiments de surface [68] ;
- la possession d’une aviation de sûreté et de combat assure au commandant le respect du principe de la réunion des forces, condition essentielle de la liberté d’action [69].
72O’Neil voit dans le porte-avions un instrument pour la préparation de la bataille et qui, éventuellement, pourrait y participer. Ses outils aériens – chasseur, bombardier en piqué et avion torpilleur – doivent concourir à toutes les phases des opérations, notamment aux opérations visant la supériorité aérienne : “Une bataille sera d’ailleurs le plus souvent précédée ou accompagnée d’une crise aérienne violente, où l’un des partis pourra prendre un avantage décisif, et, seule une chasse nombreuse permettra de la traverser victorieusement… Il faudra débarrasser les forces navales des explorateurs ennemis au contact”. Ce constat était partagé par le lieutenant de vaisseau Delaire, un sous-marinier dont le travail d’entrée à l’EGN portait sur la liaison des armes aériennes et sous-marine [70]. Cible massive, le porte-avions fera l’objet d’attaques puisqu’il porte la force aéro-maritime en passe de devenir décisive dans l’acquisition et l’exploitation de la puissance maritime : “Celui des deux adversaires qui réussira à supprimer les porte-avions de l’autre ne sera pas loin d’avoir réalisé à son profit la maîtrise locale de l’air” [71].
73En 1937, le LV O’Neil rédige un addendum centré sur trois points : l’analyse des kriespiel organisés pour apprécier les capacités aériennes, les possibilités tactiques des porte-avions et la nécessaire et rapide construction d’au moins un porte-avions moderne.
74Les exercices de simulation d’attaques de convois par des avions basés à terre ou embarqués et par des sous-marins, démontrent à la fois l’insuffisance du Béarn et celle de l’aviation basée à terre. Le porte-avions apparaît plus que jamais vulnérable mais également indispensable pour s’assurer la surprise lors de l’engagement [72]. O’Neil envisage l’emploi isolé du porte-avions pour l’éclairage, la lutte anti-sous-marine, l’attaque contre une base ou une flotte au mouillage [73]. Pour ce faire, la TSF devait être améliorée car son importance était cruciale. Elle relie les différentes armes et conditionne la possibilité de l’action aérienne massive, condition sine qua non de la supériorité aéro-maritime “raison d’être des porte-avions” [74].
75Pérék arrive aux mêmes conclusions sur les missions du porte-avions. L’esprit offensif doit les animer : “Quand on se bat, on doit chercher à attaquer avant de songer à se défendre” [75].
76Cette obligation de l’offensive, lorsque le combat est choisi ou imposé, concerne toutes les composantes dont l’aviation embarquée. L’objectif suprême visé est “la destruction de l’ennemi”. Une fois le combat engagé, la sûreté cède le pas à la destruction des forces organisées. “L’attaque, menée comme une véritable charge de cavalerie, amènera chez l’adversaire un trouble considérable, détruira sa cohésion, démoralisera son personnel” [76].
77O’Neil donne un exemple des virtualités de la “cavalerie aéro-maritime” : “Au cours de la traversée Dakar-Casablanca en février 1936, 12 avions du Béarn sont véritablement tombés à bout portant, à travers une couche peu épaisse de nuages, sur deux cuirassés prévenus de leur arrivée. Ceux-ci n’ont pas réagi ou tout au moins leur réaction s’est produite au moment où les avions torpilleurs dégageaient, attaque terminée” [77].
78Il préconise par conséquent deux ou trois plates-formes, en fonction du tonnage. Pérék souhaite pour chaque division navale quatre croiseurs et un porte-avions de 10 000-15 000 t., filant 30-35 nœuds, embarquant environ 45 avions et 1 porte-avions de 15 000-25 000 t. de 30 nœuds et 70 avions. Mais, il réévalue ensuite à la baisse son estimation : un porte-avions de 20 000 t., filant 30-35 nœuds, avec une piste d’envol de 200 m.
79Finalement, on pourrait croire que les travaux débouchent sur l’affirmation de la prééminence du porte-avions sur le cuirassé. Il n’en est rien : “La juste prépondérance rendue aux navires de ligne… nous conduit alors à n’en construire que d’un seul type, principalement destiné à accompagner notre corps de bataille” [78]. La compréhension des capacités de l’aviation embarquée sur porte-avions, les possibilités de le faire évoluer en formation d’attaque, ne vont pas jusqu’à le placer au centre du corps de bataille. La stratégie opérationnelle et la stratégie des moyens continuent, malgré la prise en compte et l’adaptation de leur structure au fait aérien, à conférer aux bâtiments de ligne la qualité d’opérateur stratégique. Car et l’une et l’autre subissent les décisions politiques prises en fonction de l’évolution de la situation internationale. En l’occurrence, le format de la flotte subit les conséquences du réarmement allemand et de l’ambiguïté italienne dont les marines font l’impasse sur le porte-avions.
Conclusion
80L’aéronautique a modifié l’espace-temps des opérations navales, nécessitant une adaptation doctrinale esquissée par l’Escaille et O’Neil. Pourtant, la claire perception des capacités révolutionnaires de l’aéronef ne permet pas de dépasser le conservatisme ambiant : le cuirassé reste perçu comme décisif. Les moyens aériens sont unanimement acceptés mais avant tout pour préparer le combat naval ou, à la rigueur, pour y participer comme force d’attrition. Notons que même les nations qui ont le mieux anticipé la guerre aéronavale n’abandonnent pas le cuirassé qui reste, avec l’aviation basée à terre, un instrument non négligeable des opérations de la seconde guerre mondiale, y compris dans le Pacifique.
81Les pionniers de l’aéronautique maritime se heurtent aux réticences de l’état-major qui reste persuadé de l’impossibilité de mettre en œuvre des avions terrestres embarqués. La France, qui a compris la nécessité d’une aviation navale intégrée, investit pourtant dans l’hydravion et n’opte que tardivement pour le porte-avions. Entre les évolutions de la technique, les essais étrangers, le poids du passé et les relations internationales, le porte-avions, instrument emblématique de l’aéronautique maritime, est tout à fait révélateur de la difficulté de concevoir une stratégie des moyens efficace et interarmées imbriquée dès le temps de paix, dans une stratégie intégrale nationale et impériale.
82La France, puissance océanique et méditerranéenne envisage l’intégration des moyens aéronautiques, y compris embarqués, selon un double niveau d’opérations :
- la défensive stratégique doit assurer la sécurisation des “lignes de communications anglo-saxonnes” et “impériales” (Marseille-Alger ; Casablanca-Dakar) ;
- l’offensive tactique, envisage la destruction du corps de bataille ennemi, le blocus de ce qui reste de ses forces et la frappe aéroterrestre sur ses infrastructures littorales et socioéconomiques [79].
83En fait, la France est la seule puissance méditerranéenne à construire des porte-avions. Il est clair que le mimétisme stratégique, en particulier avec les Britanniques et les Allemands, pèse certainement dans la balance. Si le pouvoir politique et l’Amirauté acceptent la construction de ce genre de navire, c’est parce que démonstration est faite de leur importance en tant qu’instrument naval capable de délivrer les effets de la puissance aérienne sur les profondeurs maritimes et océaniques.
84Si les considérations politiques et internationales retardent la construction de porte-avions, encore faut-il infuser l’innovation doctrinale au niveau des institutions et des organismes existants chargés de la construction des systèmes d’armes [80]. Les stagiaires de l’EGN et du CHEN contribuent à faire prendre conscience de la nécessité du porte-avions et s’emploient à jeter les bases d’une évolution doctrinale. L’idée qui structure et domine les travaux consultés est qu’une doctrine ne doit être, en aucun cas, formulée sous l’empire de “l’émotion technicienne” privilégiant une arme sur une autre, mais fondée sur la dialectique de l’emploi des instruments militaires en fonction des objectifs militaires qui doivent concourir à accomplir les objets politiques visés par les décideurs.
85Aux manœuvres de 1937, décollant et appontant par tout temps, l’aéronautique maritime dissipe les craintes de l’état-major. Les crédits sont débloqués pour la construction de deux porte-avions de 20 000 tonnes, le Joffre et le Painlevé, avec une piste de 200 m, quatre tourelles doubles de 130 mm. Le même tonnage préconisé par O’Neil et Pérék. Hélas, la marine les obtient trop tard. En 1939, elle ne possède pas de porte-avions moderne. Néanmoins, un savoir-faire s’élabore, certes encore insuffisant, mais déterminant pour façonner une “identité aéronavale” dans la marine nationale. Les morts de l’aéronautique maritime donnent naissance à une communauté d’élite dont la mission au service de la défense nationale et de la protection impériale s’exécute sur l’immensité des mers et océans, en renseignant et en frappant depuis le ciel. La suite des événements montre comme le pressentait O’Neil qu’ “entre deux marines destinées à s’affronter au large, dont l’une est pourvue de porte-avions et l’autre n’en possède pas, il n’est pas de terme de comparaison. La seconde est d’un autre temps” [81].
Notes
-
[1]
Claude Carlier et Guy Pedroncini (dirs.), 1916. L’émergence des armes nouvelles dans la Grande Guerre, Actes du colloque, Paris, ISC-IHCC-CHAE-Économica, 1997, 223 p. Voir également Paul-Marie de La Gorce (dir.).
-
[2]
Patrick Facon, Le Bombardement stratégique, Monaco, Edition du Rocher, 1995, 357 p. ; pp. 16-19.
-
[3]
Comme souvent, l’historiographie tombe de Charybde en Scylla. À l’image d’une institution militaire sclérosée, incapable de comprendre, encore moins d’intégrer les transformations de la guerre mécanisée, agrippée sur le fétiche de la défense stratégique symbolisée par la Ligne Maginot, et à jamais identifiée au désastre d’une armée incapable de livrer une guerre à front renversé, succéda à partir des années 1980 un tableau plus nuancé, qu’avait commencé à dresser les Français de Londres, puis le colonel Alphonse Goutard en 1956 avec son livre 1940, La Guerre des occasions perdues, (1956, Hachette) et enfin par l’école révisionniste, essentiellement anglo-saxonne, sans oublier d’importantes contributions françaises. Ces derniers défendent l’idée que les Français et les Soviétiques, auraient mieux intégré que les Allemands les impératifs combinatoires de la dialectique spatio-temporelle inhérente à une guerre industrielle où la recherche de la profondeur stratégique océanique et les effets de la puissance industrielle sont seules capables de produire et d’acheminer les moyens nécessaire à la conduite des opérations aéro-blindées et aéronavales susceptibles d’obtenir la rupture des fronts et l’exploitation vers les centres de gravités. D’où l’idée d’une pensée créatrice mais d’une doctrine ossifiée avec le concept d’institutionnalisation manquée qui pose le problème des relations entre l’armée (les forces armées) et les décideurs politiques. Le caractère “surnaturel de l’effondrement de la République et de ses armées en juin 1940 engendra un débat dont la dimension militaire sur la problématique du degré de responsabilité des forces armées était corrélée à la dimension politique, allant de la faiblesse structurelle d’une république corrompue et d’une démocratie désabusée à l’âge des totalitarismes à la légèreté des élites de gauche et à la trahison des élites sociaux-économique et intellectuelle de droite. Une analyse introductive profonde et solide de l’ensemble de ces questions dans le mémoire d’habilitation à diriger des recherches de Christian Malis, inédit gracieusement transmis par le professeur Coutau-Bégarie, La Pensée stratégique française des années trente à la fin de la guerre froide, mars 2009, (113 p.), pp. 47-64. Quelques développements dans sa biographie intellectuelle du général Gallois, Pierre-Marie Gallois. Géopolitique, histoire, stratégie, Paris, L’Âge de l’Homme, 2009, 750 p. ; pp. 55-58. Voir également Maurice Vaïsse (dir.), Mai-Juin 1940 Défaite française, victoire allemande, sous l’œil des historiens étrangers, Paris, Autrement, édition 2010, 231 p. La synthèse de Jacques Nobécourt, Une histoire politique de l’armée. De Pétain à Pétain, 1919-1940, vol. 1, Paris, Éditions du Seuil, 332 p. ; pp. 55-56, 79-80, pp. 181-196, 211-213, 251-254 et le livre troublant d’Annie Lacroix-Riz, Le Choix de la défaite. Les élites françaises dans les années 30, Paris, Armand Colin, 2e éd., 2010, 679 p.
-
[4]
Martin Motte, “L’après-Grande Guerre dans la Revue Maritime 1920-1923”, in Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’Évolution de la pensée navale, vol. 6, Paris, ISC-Économica, 1997, p. 125.
-
[5]
Au cours de laquelle l’action des sous-marins allemands était proche de la rupture stratégique du flux logistique anglo-saxon.
-
[6]
Une crise des fondements que l’on perçoit chez l’amiral Castex dont la lecture de Corbett détruisit les fausses certitudes, ébranla “les colonnes du temple” de l’école historique ; Les hésitations sur l’aéronautique maritime, le goût des prototypes sur les constructions en série, le scepticisme à l’égard du porte-avions, reflète la peur de l’innovation et l’attrait pour le conformisme.
-
[7]
Martin Motte, Une éducation géostratégique. La pensée navale de la Jeune École à 1914, Paris, ISC-Économica, 2004, pp. 19, 558, 563, 569-572.
-
[8]
Ibid.
-
[9]
Contre-Amiral R. Monaque, L’École de guerre navale, Service historique de la marine, Vincennes, 1995, p. 47.
-
[10]
Amiral Castex, La Liaison des armes, Paris, Économica, 1991. Voir aussi, Hervé Coutau-Bégarie, Castex le stratège inconnu, Paris, Économica, 1987, pp. 47-57.
-
[11]
Une solution ternaire préconisée par l’amiral Aube, mais abandonnée par ses disciples pour raison idéologique. Voir Martin Motte, “La Jeune École et la guerre totale”, in Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’Évolution de la pensée navale, vol. VIII, Paris, ISC-Économica, 2007, pp. 131-182, 131-144.
-
[12]
CF de l’Escaille, Aéronautique tactique, 1921, p. 5.
-
[13]
Ibid., p. 6.
-
[14]
CF de l’Escaille, Aéronautique maritime tactique, EGN, 1922.
-
[15]
Antoine Coudre, “Prédécesseurs et collègues de Castex”, op. cit., p. 218.
-
[16]
Cité par Antoine Coudre, “Prédécesseurs et collègues de Castex. Les cours de stratégie et de tactique de l’École de guerre navale de 1920 à 1930”, Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’Évolution de la pensée navale VIII, Paris, ISC-Économica, 2007, pp. 215-250.
-
[17]
CF. de l’Escaille, Aéronautique maritime tactique, EGN, 1922, p. 8.
-
[18]
Antoine Coudre, op. cit., p. 233.
-
[19]
CC Sire, Tactique appliquée des forces aériennes, ESG, 1925, p. 20.
-
[20]
Note pour le cabinet du ministre, Développement de l’aéronautique maritime française, SHD, 1BB8-026, 20 novembre 1923.
-
[21]
Hervé Coutau-Bégarie, Le Problème du porte-avions, Paris, Économica, 1990, p. 108. Il n’y en aura qu’un seul, le Béarn, lancé en avril 1920.
-
[22]
Conseil supérieur de la marine, Examen du projet de l’aéronautique maritime, le 14 septembre 1920, SHD, 1BB8-041.
-
[23]
Compte rendu de la séance du 14 septembre 1920 par le vice-amiral Salaün, 1BB8.
-
[24]
LV Nomy, Les Aéronautiques italienne et allemandes, 1939, Paris, EGN, 1CC 229, 1939.
-
[25]
LV Barjot, L’Avenir du porte-avions, Paris, EGN, 1CC 265, 1933.
-
[26]
Capitaine de corvette Odend’hal, Conduite des forces maritimes. La guerre aérienne, Paris, EGN, SHD, 1CC203, 33 p, 1933. Capitaine de corvette Amet, La Guerre aérienne, Paris, EGN, SHD, 1CC205, 1938.
-
[27]
Capitaine de corvette Lemaire, Tactique appliquée des forces aériennes, II vol, EGN, 1CC208, 1929-1931. Capitaine de corvette Braxmeyer, Considérations finales sur les éventualités actuelles de guerre aérienne, EGN, 1CC209, 1934 et Tactique appliquée des forces aériennes, II vol, EGN, 1935. Capitaine de corvette Amet, Note sur la solution des problèmes de sûreté aérienne, EGN, 1CC210, 1937-1938 ; Tactique des forces de l’aéronautique navale, IV vol, EGN, 1CC210, 1938.
-
[28]
Organisation aéronautique maritime (Manche-Atlantique) du LV Marloy, Opérations de l’aéronautique en Méditerranée du LV Ven, L’Organisation et les opérations de l’aviation française dans l’Adriatique et la mer Ionienne pendant la guerre du LV Le Merdy, Organisation et opérations de l’aviation maritime française en Égypte et Syrie du LV Mas de Saint-Maurice, Le Rôle de l’aéronautique maritime française dans la protection des communications du LV D’Hespel et L’Aviation maritime en France du LV Pelletier-Doisy.
-
[29]
R.D Layman, Naval Aviation in the First World War, London, Caxton Edition, 1996, 224 p.
-
[30]
Capitaine de corvette, Odend’hal, La Conduite des forces maritimes. La guerre aérienne, Paris, EGN, 1933, p. 25. L’analyse de Odend’hal est particulièrement pénétrante : “Il faut se prémunir contre le danger foudroyant de l’attaque brusquée. Les forces aériennes y travaillent en ce qui les concerne… Ce n’est pas après plusieurs jours de mobilisation que ces bases doivent être en état de repousser une attaque aérienne, c’est au premier jour, à la première heure. Avec l’aviation, née de la vitesse, l’échelle des temps doit être révisée… L’annonce de la déclaration de guerre nous sera peut-être donnée par les bombes des avions ennemis tombant sur nos bases”.
-
[31]
En effet, Barjot n’optera que pendant la seconde guerre mondiale pour le véritable porte-avions. Voir son ouvrage, publié en pleine guerre, La Guerre aéronavale, republié en 1960 par Flammarion.
-
[32]
La reconnaissance est nécessaire pour garder ou retrouver un contact établi par les forces d’exploration. Il y a deux types d’éclairage : à distance, avec les ballons et à vue, avec notamment des hydravions qui établissent le lien entre le corps de bataille et les unités adverses localisées par la reconnaissance et rapproché avec les unités de surface.
-
[33]
“Nous ne concevons pas la France, respectueuse des pactes et des traités, attaquant en pleine paix sans prévis, bombardant la première des populations civiles et employant les procédés barbares de la guerre aérochimique. Il n’en reste pas moins qu’elle doit disposer d’un corps de bombardement apte à rendre coup pour coup et même deux coups pour un… Si la guerre de l’air nous est imposée elle sera terrible, mais il faut que l’étranger sache qu’elle sera terrible pour lui aussi”, cité par Philippe Masson, “De Douhet et de quelques marins”, Revue Historique des Armées, septembre 1988, n° 172, p. 17.
-
[34]
CF de l’Escaille, “De l’aviation d’escadre”, Revue maritime, 1923, p. 291, cité par Martin Motte, “L’après-Grande Guerre dans la Revue maritime. 1920-1923”, op. cit., p. 134.
-
[35]
Réparties de la façon suivante : 57 550 081 millions pour l’entretien des formations existantes, 28 550 081 pour la création de nouvelles escadrilles et 19 490 000 pour la création de nouveaux centres. Cf. Développement de l’aéronautique maritime, SHD, 1BB8, 1923.
-
[36]
Conseil supérieur de la défense nationale, Secrétariat général, note de Laurent-Eynac, sous-secrétaire d’État de l’aéronautique et des Transports aériens, Programme de construction et d’exploitations de ballons dirigeables, SHD, 1BB8-025, 24 mai 1922.
-
[37]
Ministère de la Marine, EMG, 1er bureau, Présentation d’un projet de tactique provisoire de l’aéronautique maritime, Paris, 10 avril 1923, p. 2.
-
[38]
Ibid., p. 4.
-
[39]
La tactique de la saturation est l’adaptation à l’arme aérienne de l’effet de masse théorisée par la Kriegsmarine pour les navires torpilleurs. Voir Martin Motte, “L’après-Grande Guerre dans la Revue maritime 1920-1923”, in Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’Évolution de la pensée navale, vol. 6, Paris, ISC-Économica, 1997, p. 136. Voir aussi Camille Rougeron pour la pérennité du débat sur la tactique de saturation cf. article de Claude d’Apzac Epezy.
-
[40]
Martin Motte, “L’après-Grande Guerre dans la Revue maritime. 1920-1923”, op. cit., p. 125.
-
[41]
CF de l’Escaille, op. cit., p. 6.
-
[42]
Martin Motte, “L’après-Grande Guerre dans la Revue maritime. 1920-1923”, op. cit., p. 130.
-
[43]
Capitaine de frégate de l’Escaille, Aéronautique tactique, 1921, p. 2.
-
[44]
Nous empruntons le concept de “stratégie génétique au général Poirier. Elle contribue à la conception d’un système d’arme, ou plus généralement de l’ensemble de l’outil militaire. Lucien Poirier, Stratégie théorique I, Paris, ISC-Économica, 1997, 407 p., p. 42, pp. 132-133.
-
[45]
L’utilisation de la force aérienne sur des populations dépourvues de parades appropriées avait commencé bien avant le premier conflit mondial : le 1er octobre 1911, l’officier italien Giulio Gavotti effectua un raid sur les lignes ottomanes en Libye. En avril 1914, des tribus marocaines furent frappées par des aéroplanes français pendant plusieurs mois. Cf. Patrick Facon, Le Bombardement stratégique, Monaco, Edition du Rocher, 1996, p. 29. Le bombardement aérien se poursuivit durant la première guerre mondiale, sur mer comme sur terre. Les marins aviateurs français se distinguent à bord de ces hydravions à flotteurs. Ils évoluent au-dessus du désert, localisent les troupes turques, suivent leurs mouvements vers la Mésopotamie et la Syrie, frappent les voies ferrées à la bombe, attaquent les Bédouins à coups de revolver et contribuent à l’échec de toutes les tentatives ottomanes d’attaques surprises sur le canal de Suez.
-
[46]
CF de l’Escaille, Aéronautique maritime tactique, EGN, 1922, p. 7.
-
[47]
CF. de l’Escaille, Aéronautique tactique, op. cit., p. 10.
-
[48]
Ibid., p. 12.
-
[49]
Conseil supérieur de la défense nationale, Secrétariat général, note de Laurent-Eynac, sous-secrétaire d’État de l’aéronautique et des Transports aériens, Programme de construction et d’exploitations de ballons dirigeables, SHD, 1BB8-025, 24 mai 1922.
-
[50]
CC Amet, Tactique des forces de l’aéronautique navale, Paris, EGN, 1938.
-
[51]
Cf. Travail de l’Orza cité par O’Neil.
-
[52]
Jean-Jacques Antier, Histoire de l’aviation navale, Paris, Edition de la cité, 1983, p. 62. La tactique navale est comprise comme l’emploi des moyens aériens dans les opérations navales qui incluent la bataille et le contrôle des communications.
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[53]
D’autant plus que dès la fin de la guerre, l’Escaille rédige un projet de bâtiment doté d’un pont d’envol continu qui sera repris par l’état-major.
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[54]
Sire, op. cit., p. 43.
-
[55]
Ibid., p. 44.
-
[56]
En octobre-novembre 1929, la flottille du Béarn composée d’une escadrille de chasse Dewoitine D1 C1 et Gourdou 22 et de deux escadrilles de bombardement-surveillance Pierre Levasseur PL-4 effectue des opérations “aéropsychologiques” au-dessus des territoires dissidents au Maroc. Une escadrille de l’aviation maritime participe déjà, en 1925, aux opérations au Maroc. Cf. Raoul Castex, Théories stratégiques, vol. I, Paris, ISC-Économica, 1997, p. 333.
-
[57]
LV O’Neil, Le Porte-avions, Travail de présentation à l’École de guerre navale, 1936.
-
[58]
LV O’Neil, Le Porte-avions. Addendum, Paris, EGN, 1937, p. 18.
-
[59]
LV O’Neil, Le Porte-avions. op. cit., p. 7.
-
[60]
Ibid.
-
[61]
LV Pérék, Étude de l’emploi de l’aviation, du porte-avions dans la flotte de haute mer au combat, EGN F.607. 1CC 293, mars/mai 1936.
-
[62]
LV O’Neil, Le Porte-avions, op. cit., p. 14.
-
[63]
Ibid., p. 11.
-
[64]
O’Neil, op. cit., p. 33.
-
[65]
“Les USA auraient donné aux grands porte-avions Lexington et Saratoga, ce rôle de puissante réserve aérienne toujours prête à intervenir en masse”, p. 33.
-
[66]
LV O’Neil, Le Porte-avions, op. cit., pp. 19 et 45.
-
[67]
LV Pérék, Étude de l’emploi de l’aviation, du porte-avions dans la flotte de haute mer au combat, op. cit., p. 3
-
[68]
N’envisage-t-il pas ici la possibilité du combat sinon de l’action transhorizon ?
-
[69]
Principe de liaison des armes qui assure non pas le succès automatique mais une garantie contre un échec cuisant. Un principe pas toujours respecté par les Italiens qui n’ont pu que rarement compter sur les avions de l’armée de l’air basés à terre.
-
[70]
Lieutenant de vaisseau Bertrand Delaire, Essai sur la liaison du sous-marin et de l’avion, Paris, EGN, CHEN, 1932.
-
[71]
Ibid., p. 24.
-
[72]
LV O’Neil, Le porte-avions. Addendum, Paris, EGN, 1937, p. 8 : “Possibilité pour l’aviation embarquée de satisfaire presque tous les besoins essentiels d’une force navale : protection, éclairage, attaque des bâtiments ennemis”.
-
[73]
Ibid., p. 15.
-
[74]
Ibid., p. 17.
-
[75]
LV Pérék, Étude de l’emploi de l’aviation, du porte-avions dans la flotte de haute mer au combat, op. cit., p. 36.
-
[76]
Ce qui avait déjà été vu une décennie plus tôt par le capitaine de frégate Fournié dans son cours de 1926/1927 Cf. Antoine Coudre, “Prédécesseurs et collègues de Castex. Les cours de stratégie et de tactique de l’École de Guerre Navale de 1920 à 1930”, Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’Évolution de la pensée navale VIII, Paris, ISC-Économica, 2007, p. 235. Le capitaine de corvette Amet dans son cours de 1938 à l’EGN La Guerre aérienne, cite l’amiral britannique Richmond pour qui l’arme aérienne est semblable à la “cavalerie ou l’artillerie… et rien de plus”, p. 69.
-
[77]
LV Pérék, op. cit., p. 37.
-
[78]
Ibid., p. 47.
-
[79]
Double, voire triple niveau si l’on y ajoute les opinions politiques, esquissées par le général Mangin dans son livre de 1910, La Force noire : “La diffusion du bien-être et l’ensemble des idées démocratiques” “sont à l’origine de la dénatalité en France”. (Nobécourt) On remédiera à cette “maladie de la volonté” par une législation appropriée et une restauration des “idées les plus élevées”. En attendant, l’empire doit pouvoir pallier avec l’afflux de troupes africaines jetées dans les premières batailles. Et quand bien même les opérations tourneraient mal, “… il ne faudrait pas considérer que nous serions irrémédiablement perdus … Ce serait le plus dangereux des états d’esprit. Le succès final nous attend dans une lutte de longue durée où la puissance du crédit, la maîtrise de la mer, l’entrée en ligne des Alliés lointains, nous procurent sans cesse des forces nouvelles. La force noire s’ajoutera à toutes les autres”. Cité par Jacques Nobécourt, Une histoire politique de l’armée. De Pétain à Pétain, 1919-1940, vol. 1, Paris, Editions du Seuil, pp. 79-80.
-
[80]
Ce constat était partagé par nombre de marines étrangères : les marines, britannique, japonaise et américaine. Cf. James P. Levy, “Race for the decisive weapon. British, American, and Japanese Carrier Fleet, 1942-1943”, Naval War College Review, Hiver 2005, p. 137-150 et Trent Horne, “US Navy surface battle doctrine and victory in Pacific”, Naval War College Review, Hiver 2009, pp. 67-104.
-
[81]
LV O’Neil, Le Porte-avions. Addendum, Paris, EGN, 1937, p. 18.