Notes
-
[1]
Ingemar Dörfer, “La Scandinavie ou la défense de la virginité nucléaire”, in Pierre Lellouche (dir.), Pacifisme et dissuasion, Paris, Économica, Travaux et recherches de l’IFRI, 1983, p. 115.
-
[2]
Vincent Simoulin, La Coopération nordique, Paris, L’Harmattan, Logiques politiques, 1999, p. 54.
-
[3]
Uffe Østergaard, “Danish National Identity : Between Multinationalism Heritage and Small State Nationalism”, in Hans Branner/ Morten Kelstrup (dir.), Denmark’s Policy towards Europe after 1945, Odense, Odense University Press 2000, p. 140.
-
[4]
Très bien démontré dans Thorleif Petterson/Ole Riss, Scandinavian Values. Religion and Morality in the Nordic Countries, Uppsala, Acta Universitatis Upsaliensis, 1994.
-
[5]
Sur le concept de l’influence des normes nordiques sur la scène internationale voir Christine Ingebritsen, “Norms Entrepreneurs. Scandinavia’s Role in World Politics”, Cooperation and Conflict, vol. 37, n° 1, mars 2002, pp. 11-23.
-
[6]
Rappelons que la Norvège acquit son indépendance en 1905, la Finlande en 1917 et l’Islande en 1944.
-
[7]
Le Norden est un terme qui entend englober les cinq pays nordiques (Islande, Norvège, Suède, Finlande et Danemark) et les trois territoires autonomes (Groenland, Îles Åland et Îles Féroé).
-
[8]
Karl W. Deutsch et alii., Political Community and the North Atlantic Area : International Organization in the Light of Historical Experience, Princeton, Princeton University Press, 1957, p. 5. L’existence des communautés de sécurité telles que définies par Karl Deutsch (celles qui reposent sur “la conviction des individus et des groupes qu’ils sont arrivés à un accord sur un point au moins, à savoir que les problèmes sociaux communs doivent et peuvent être résolus par des mécanismes de changement pacifique”) nécessite trois conditions : des valeurs partagées, l’anticipation d’avantages économiques et un vouloir vivre en commun des populations concernées. Ces communautés peuvent prendre deux formes : les communautés de sécurité pluralistes et les communautés de sécurité amalgamées. Les communautés pluralistes ont pour principal objectif de renforcer la paix entre des États souverains. Trois conditions doivent être réunies pour envisager leur création : une compatibilité des régimes politiques, l’abandon du recours à la force dans les relations entre les membres et des comportements politiques, économiques et sociaux prédictibles. Les communautés de sécurité amalgamées n’ont pas seulement pour objectif de préserver la paix, mais visent également à la définition d’une identité commune. À la différence des communautés pluralistes, elles peuvent impliquer des abandons de souveraineté de la part des États-membres ; ces communautés doivent générer un sentiment d’identité commune et ouvrent la voie à une union d’États.
-
[9]
Håkan Wiberg, “Scandinavia”, in Richard Dean Burns (dir.), Encyclopaedia of Arms control and Disarmament, vol. 1, New York, Charles Scribner’s Sons, 1993, p. 211.
-
[10]
Encore que cette affirmation soit à nuancer dans la mesure où la Finlande, cobelligérante de l’Allemagne nazie, avait attendu que les Soviétiques l’attaquent pour à son tour leur déclarer la guerre.
-
[11]
Á l’exception de la Guerre civile finlandaise en 1918. Cette guerre, néanmoins, est la conséquence directe des bouleversements induits par la Révolution russe de 1917 et doit donc être replacée dans un contexte particulier.
-
[12]
Clive Archer, “The Nordic Area as a "Zone of Peace"”, Journal of Peace Research, vol. 33, n° 4, novembre 1996, pp. 445-467. Cf. aussi Clive Archer/Pertti Joenniemi, The Nordic Peace, Ashgate, 2003.
-
[13]
Serge Sur, Relations internationales, Paris, Montchrestien, collection Domat politique, 1995, p. 277.
-
[14]
J. H. Marshall Cornwall, Geographic Disarmament. A Study of Regional Demilitarization, Londres, Oxford University Press, 1935, préface, p. 5.
-
[15]
Cf. Matthieu Chillaud, “Les Îles Åland : un laboratoire insolite du désarmement géographique ?”, Annuaire français de relations internationales, Bruxelles, Bruylant, 2007.
-
[16]
Anecdote rapportée par Jan Prawitz, SIPRI at 40 : 1966 to 2006, SIPRI Stockholm, 2006, pp. 16-17.
-
[17]
Le droit international positif reconnaît une myriade de formes de neutralité. Ainsi, le Dictionnaire de Droit international public dirigé par Jean Salmon en identifie une dizaine : la neutralité absolue ou parfaite, la neutralité qualifiée, la non-belligérance, la neutralité armée, la neutralité humanitaire, la neutralité qualifiée ou différentielle, la neutralité bienveillante, la neutralité permanente ou perpétuelle et la neutralisation. Jean Salmon (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 738-740.
-
[18]
Maurice Torrelli, “La neutralité en question”, Revue générale de droit international public, tome 96, 1992/1, p. 10.
-
[19]
Ibid., p. 30.
-
[20]
La Suède souscrivit à la neutralité en 1815. Le Danemark, après avoir été écrasé en 1864 par les troupes prussiennes et autrichiennes, se réfugia lui aussi dans une politique de neutralité. La Norvège, qui obtint son indépendance en 1905, adopta naturellement le statut de neutre, à l’instar de ses deux voisines scandinaves. L’Islande, de son côté, qui acquit davantage d’autonomie par la signature de l’Acte d’Union avec le Danemark en 1918, s’engagea par ce traité à une “neutralité perpétuelle”. Quant à la Finlande, elle imita ses voisines nordiques dès qu’elle conquit son indépendance en 1917. En outre, par deux fois, tous les pays nordiques s’engagèrent dans des règles communes de neutralité : le 21 décembre 1912, “en vue de fixer des règles similaires de neutralité s’accordant avec ces dispositions conventionnelles”, le Danemark, la Norvège et la Suède publièrent une déclaration commune concernant les règles de neutralité en cas de guerre de guerre navale et proclamèrent conjointement leur neutralité en août 1914 ; le 27 mai 1938, les ministres des Affaires étrangères des cinq États nordiques adoptèrent un document intitulé “Règles nordiques de la neutralité”, afin de renforcer leur statut international en constituant un bloc régional homogène et apparemment solidaire.
-
[21]
Cf. Matthieu Chillaud/Sophie Enos-Attali, “La coopération stratégique entre les pays nordiques. Chimères et réalités”, Annuaire français de relations internationales 2005, Bruxelles, Bruylant.
-
[22]
Ingemar Dörfer, “La Scandinavie ou la défense de la virginité nucléaire”, op. cit., p. 110.
-
[23]
Johan Jørgen Holst, The Pattern of Nordic Security, Oslo, NUPI notat, n° 273, juin 1983, p. 3.
-
[24]
Niels Ørvik (dir.), Semialignment and Western Security, Worcester, Billy & Sons, 1986. Cf. aussi Carsten Holbraad, Danish Neutrality. A Study in the Foreign Policy of a Small State, Oxford/New York, Clarendon Press Oxford, 1991.
-
[25]
Effectivement, le concept de “neutralité” et celui de “désarmement” n’ont a priori aucun lien, contrairement à celui de “neutralisation”. Selon Loïc-Charles Marion, “les deux notions ne peuvent pas être confondues. Autant la neutralité est une institution-norme solidement encadrée par le droit international, autant la neutralisation apparaît comme un concept beaucoup mieux adapté à la stratégie diplomatique qu’à la démarche juridique”. Loïc-Charles Marion, “L’introuvable neutralisation du canal de Suez”, Stratégique, n° 54, 1992-2, p. 227.
-
[26]
Maurice Torrelli, op. cit., p. 34.
-
[27]
Ingemar Dörfer, “La Scandinavie ou la défense de la virginité nucléaire”, art. cit., p. 116.
-
[28]
L’histoire, toutefois, a prouvé que des démocraties pouvaient avoir des comportements bellicistes tandis que des dictatures pouvaient osciller entre l’apaisement et l’affrontement.
-
[29]
Hervé Savon, “Les trois étapes de la Peace research”, Études polémologiques, n° 19, février 1976, p. 63
-
[30]
Cf. Nathalie Blanc-Noël/Matthieu Chillaud, “Les instituts de recherche dans les pays nordiques. Le paradoxe de la démesure”, Annuaire français de relations internationales 2004, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 700-721.
-
[31]
Cf. David J. Dunn, The First Fifty Years of Peace Research. A Survey and Interpretation, Ashgate, 2005.
-
[32]
Cf. par exemple Johan Galtung, “Alternatives to the Nuclear Arms Race. Ten Proposals for Concrete Peace Politics for the 1980s”, Bulletin of Peace Proposals, vol. 12, n° 4, 1981, pp. 361-364.
-
[33]
Il établit ainsi une distinction entre “paix négative” (1. Absence de guerre, 2. Absence de violence personnelle 3. Absence de violence structurelle et personnelle) et “paix positive” (1. Intégration et coopération, 2. Absence de violence structurelle, 3. Développement personnel). Cf. Johan Galtung, “Editorial”, Journal of Peace Research, vol. 1, n° 1, 1964. Son intérêt pour les communautés humaines - et non pour les États - s’avèrera effectivement novateur ; jusqu’alors, les études sur la paix n’étaient alors conçues que comme l’absence de violence organisée.
-
[34]
Après avoir été ambassadeur de Suède en Inde, elle fut secrétaire d’État au désarmement, et participa activement aux négociations internationales qui aboutirent au Traité de non-prolifération de 1968, avant d’obtenir, en 1982, le prix Nobel de la paix. Alva Myrdal présida le comité chargé de créer le SIPRI et fut la première présidente de son bureau.
-
[35]
En Suède, il existe une myriade d’instituts universitaires de Peace research qui ont travaillé sur le désarmement nucléaire. Le DPCR (Department of Peace and Conflict Research) est un centre de recherche intégré à l’université d’Uppsala et mis en place en 1971. Il est actuellement dirigé par Peter Wallenstein et dispose d’une chaire Dag Hammarskjöld de “Peace and Conflict research”, créée en 1985. Le PADRIGU (Peace and Development Research Gothenburg University) est un centre intégré à l’université de Göteborg, dont les axes de recherche ont surtout porté sur le développement, thème cher aux Suédois. À Lund, la TFF (Transnational Foundation for Peace and Future Research), créée en 1985, est le successeur du LUPRI (Lund International Peace Research Institute). Dirigée par Jan Øberg et Cristina Spännar, spécialistes de Gandhi, ses travaux de recherches et ses publications sont très influencés par les idées de Galtung.
-
[36]
Le COPRI, créé sur décision du Parlement en 1983 dans le contexte de la crise des Euromissiles, avait pris la succession de l’Institute for Peace and Conflict Research (équivalent danois du PRIO), créé en 1969, mais dissout en 1971.
-
[37]
Nathalie Blanc-Noël et Matthieu Chillaud, art. cit.
-
[38]
Nathalie Blanc-Noël, “Quel pacifisme nordique ? Les ambiguïtés de la culture de la paix dans les pays nordiques”, Nordiques, n° 11, automne 2006, p. 70.
-
[39]
Hervé Coutau-Bégarie, Traité de stratégie, Paris, ISC-Economica, 5e éd. 2005, p. 46.
-
[40]
Shepard Jones, The Scandinavian States and the League of Nations, Princeton, Princeton University Press, 1939, pp. 217-251.
-
[41]
Magne Skodvin, “Norwegian Neutrality and the Question of Credibility”, Scandinavian Journal of History, n° 2, 1977, p. 129. Cf. aussi l’introduction de l’ouvrage de François Kersaudy, Stratèges et Norvège. 1940, Paris, Hachette, 1977. L’auteur y détaille l’état de délabrement effarant de la défense norvégienne, à l’orée de la seconde guerre mondiale, suite à la politique de désarmement entreprise par Oslo.
-
[42]
Alain Carton, Les Neutres, la neutralité et l’Europe, Paris, FEDN, 1991, pp. 60-61.
-
[43]
Texte reproduit dans Disarmament Diplomacy, n° 50, septembre 2000.
-
[44]
Ministry for Foreign Affairs, Sweden, Stockholm Initiative on Disarmament Demobilisation Reintegration, Final report, février 2006, (www.sweden.gov.se/siddr).
-
[45]
Depuis 1918, il est interdit d’exporter, sans autorisation gouvernementale, du matériel de guerre. Le gouvernement décide de l’exportation des équipements militaires et des éventuels pays acheteurs. Élaboré en 1971, le code de conduite, approuvé par le Riksdag, prévoit que la Suède ne doit pas exporter d’armes lorsqu’il y a une interdiction posée par un traité international, un embargo résultant d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU ou si la vente constitue une infraction au droit international. L’exportation est interdite vers des pays qui sont impliqués dans des conflits internationaux ou déchirés par la guerre civile, ou ceux qui se trouvent dans une situation internationale et interne telle qu’elle risque de déboucher sur la guerre. Après l’affaire sur les ventes d’armes illicites, il s’avéra nécessaire, pour le pays, d’entreprendre une refonte de la réglementation. Le scandale avait éclaté en 1984, quand un mouvement pacifiste, l’Association pour la paix et l’arbitrage, révéla que plusieurs entreprises, comme Bofors et Nobel Kemi, avaient enfreint les règlements et que du matériel militaire suédois était ainsi utilisé dans certains conflits. On apprenait peu après le “mystérieux” décès du chef de l’inspection suédoise du matériel de guerre (KMI), le contre-amiral Carl-Fredrik Algernon, personnageclé dans l’affaire des exportations illégales de matériel militaire, écrasé par une rame de métro. Plusieurs commissions chargées de mettre en lumière les conditions dans lesquelles le pays avait exporté illégalement du matériel de guerre furent constituées, mais aucune d’entre elle ne s’avéra capable de démêler cette intrigue. Le gouvernement suédois, en 1993, décidait donc de moderniser sa législation, en matière d’exportation des armements, invoquant leur nécessaire adaptation aux pratiques européennes. La principale nouveauté fut la distinction entre les équipements destinés au combat et susceptibles d’avoir une portée destructrice (artillerie, avions de combat, missiles, etc.) et ceux conçus pour des objectifs non destructifs, mais spécifiquement mis au point à des fins militaires (équipement de reconnaissance, patrouilles maritimes, radars).
-
[46]
Par exemple, c’est en Finlande qu’ont débuté les négociations SALT.
-
[47]
Cité par Michael Corgan, Iceland and its Alliances : Security for a Small State, Lewiston, The Edwin Ellen Press, Scandinavian Studies, vol. 8, 2003, p. 161.
-
[48]
Lors de la Conférence de Stockholm en janvier 1984, le ministre islandais des Affaires étrangères souleva la question des mesures de confiance et de sécurité (MDCS) navales, primordiale pour son pays car si un accident impliquant des armes nucléaires devait survenir, cela serait désastreux pour ses ressources halieutiques.
-
[49]
Albert Jónsson, Iceland, NATO and the Keflavík Base, Reykjavík, Icelandic Commission on Security and International Affairs, 1989, p. 19.
-
[50]
Le vendredi 7 avril 1989, un sous-marin nucléaire soviétique de type Mike sombrait dans les eaux internationales en mer de Norvège, au sud-ouest de l’île aux Ours. Les Soviétiques affirmèrent que les torpilles du Mike étaient conçues pour empêcher toute fuite de radiations de leur charge nucléaire et que leur enveloppe était capable de résister aux hautes pressions d’une longue immersion en profondeur.
-
[51]
Cité par Albert Jónsson, op. cit., p. 20.
-
[52]
Cette proposition devait faire suite au “Plan Rapacki” d’octobre 1957 (rejeté par les États-Unis cinq ans plus tard) dont les dispositions prévoyaient l’interdiction de la production et du stockage d’armes nucléaires en Pologne, en Tchécoslovaquie et dans les deux Allemagnes.
-
[53]
Sur les avatars du projet d’établissement d’une ZEAN en Europe septentrionale, cf. Sverre Lodgaard/Marek Thee, Nuclear Disengagement in Europe, Stockholm, SIPRI, 1983.
-
[54]
Nathalie Blanc-Noël, La Politique suédoise de neutralité active, Paris, CAPC/ISC, Economica, 1998, p. 125.
-
[55]
Ingemar Lindahl, The Soviet Union and the Nordic Nuclear-Weapons-Free-Zone Proposal, Londres, McMillan Press, 1988, p. 81.
-
[56]
Cité par Egil Ulstein, Nordic Security, Adelphi Papers, n° 81, Londres, International Institute for Strategic Studies, 1971, p. 10.
-
[57]
En 1951, Danois et Américains avaient conclu un accord de défense bilatéral, confiant aux seconds la charge de la défense du Groenland. Cet accord accordait aux États-Unis un contrôle quasisouverain sur trois bases : Narsarsuaq (dans la partie méridionale du Groenland), Kangerlussuaq (Sondre Strønfjord, à l’ouest) et Thulé (dans le nord-ouest). Aujourd’hui, seule Thulé est toujours une base militaire. Cf. Matthieu Chillaud, “Le Groenland : entre contraintes géographiques et vertus stratégiques”, Annuaire français de relations internationales 2003, Bruxelles, Bruylant. Par ailleurs, le Groenland faisait manifestement exception au principe danois de refus d’abriter des armes nucléaires. En 1957, Hans Christian Hansen, alors Premier ministre, annonçait officiellement que son pays n’accepterait en aucune façon d’accueillir des armes nucléaires, tout en faisant savoir, par une note secrète, aux autorités américaines que cette règle pouvait ne pas s’appliquer au territoire groenlandais. Seuls Jens Otto Krag, alors ministre des Affaires étrangères, ainsi qu’un ou deux fonctionnaires, étaient au courant de cet accord informel. Ni le gouvernement, ni le Parlement ne l’étaient. Selon le Danish Institute of International Affairs (DUPI) qui a entrepris une étude sur cette question, sous le titre Grøland under der kolde krig, une accord tacite liait le Danemark aux États-Unis : Washington acceptait de soutenir la politique officielle du Danemark à la seule condition que ce dernier accepte que les États-Unis puissent entreposer des armes nucléaires sur le territoire groenlandais. Cf. Hans Mouritzen, “Thule and Theory : Democracy vs. Elitism in Danish Foreign Policy”, Danish Foreign Policy Yearbook 1998, Copenhague, DUPI, pp. 79-101 et Nikolaj Petersen, “The H.C. Hansen Paper and Nuclear Weapons in Greenland”, Scandinavian Journal of History, vol. 23, n° 1-2, 1998, pp. 20-43.
-
[58]
Pourtant, Copenhague avait donné son accord à Washington pour que la base de Thulé au Groenland puisse abriter un radar d’alerte avancée dans le cadre de l’IDS. Mais le Groenland était si loin du Danemark…
-
[59]
Alain Debove, “Danemark : maillon faible de l’OTAN ? La défense, otage des pacifistes”, Le Monde, 14 avril 1988.
-
[60]
Alain Debove, “Danemark : les élections législatives anticipées du 10 mai. Le gouvernement de M. Schlüter fait de la fidélité à l’OTAN l’enjeu central du scrutin”, Le Monde, 8 mai 1998.
-
[61]
Bjorn Bjarnason, “The Security of Iceland”, in Johan Jørgen Holst (ed.), Five Roads to Nordic Security, Oslo, Universitetsforlaget, 1973, p. 63.
-
[62]
Michael Corgan, op. cit., pp. 65-68.
-
[63]
Cité par Tomas Valasek, “Europe’s Role in National Missile Defense”, Center for Defense Information (www.cdi.org/hotspots/issuebrief/ch8/).
-
[64]
Cf. Matthieu Chillaud, “Le Groenland : entre contraintes géographiques et vertus stratégiques”, art. cit.
-
[65]
Globus II devait prendre le relais de Globus I (ou Creek Maid, pour les Américains), radar construit dans les années 1960, avec l’assistance des Américains, pour surveiller les tests de missiles sous-marins des Soviétiques, à partir de la mer de Barents.
-
[66]
Elizabeth Becker, “Russians Challenge U.S. Over Radar in Norway”, The New York Times, 22 février 2000.
-
[67]
Au nombre total de huit dans le cadre de la MD, les radars de discrimination (ou à large bande) ont pour vocation d’analyser la tête à intercepter par rapport aux objets qui l’entourent (leurres ou fragments). Cette technique d’“empreintes digitales” permet donc d’identifier en temps réel la nature du missile à intercepter. Pour un radar, l’appellation “bande X” désigne sa fréquence, c’est-à-dire sa longueur d’onde, qui en l’occurrence est dans le domaine centimétrique. Il s’agit d’un radar de poursuite ou de trajectographie. Quant au radar d’alerte avancée, il a pour fonction principale de détecter la mise à feu du missile attaquant et les premières minutes de son vol et de signaler au système de commandement l’origine du lancement afin que celui-ci initie la procédure de suivi et d’interception. Initialement développés et déployés durant la guerre froide, ces radars devaient assurer aux forces de représailles américaines le temps de réaction requis pour le déclenchement de la frappe en second, renforçant ainsi la crédibilité des forces de riposte américaines.
-
[68]
Cité par Tomas Valasek, “Norwegian Radar Site Controversy Flares Anew”, CDI Weekly Defense Monitor, 20 juillet 2000.
-
[69]
Nicolai Proskov, “The World is Tottering on the Edge of the Nuclear Anarchy”, entretien avec le colonel-général Vladimir Yakovlev, n° 25, juin 2000. [Note n° 81 in Martin Broeker/Frank Slijper, Theatre Missile Defence : First steps towards global missile defence, Peace Research Institute Frankfurt, bulletin n° 22, mai 2001].
-
[70]
Pressemelding, The Globus II radar and Norwegian surveillance activities in the North, n° 09/2000, 25.02.00. (http://odin.dep.no/odinarkiv/norsk/dep/fd/2000/eng/010011-070024/dok-bn.html).
-
[71]
“Norwegian radar Target for Russian Nuclear Weapons”, The Norway Post, 17 juillet 2000.
-
[72]
Jacques Isnard, “La sainte alliance de l’espionnage”, Le Monde, 30 mars 2000.
-
[73]
Jørgen Dragsdahl, “The Danish Dilemma”, Bulletin of the Atomic Scientists, septembre/octobre 2001, vol. 57, n° 5, pp. 45-50. La Grande-Bretagne a réagi bien moins timidement, au sujet de la base de Fylingdales (qui doit aussi accueillir un radar d’alerte avancée) que le Danemark pour la base de Thulé. Les Britanniques craignent que leur statut de puissance nucléaire moyenne ne soit affecté par la reprise de la course aux armements consécutive à un déploiement de la MD.
-
[74]
Ces propos sur la nature des missions qui pourraient être confiées à Thulé dans le cadre de la MD (détection et non interception) semblent révéler qu’une réflexion a été entreprise à Copenhague, avec ou sans la participation américaine, sur la mise à disposition de la base.
-
[75]
On remarquera que, de tous les pays nordiques, seule la Suède s’est résolument manifestée contre le bouclier antimissile américain : “Les plans qu’ont les USA de se retirer du traité sur la limitation des systèmes de missiles antiballistiques peuvent avoir des conséquences fâcheuses”, Communiqué de presse du ministère des Affaires étrangères, 13 décembre 2001. Voir aussi Ingemar Dörfer, “National Missile Defense : A Swedish View”, Pugwash Occasional Papers, mars 2001. (http://www.pugwash.org/reports/nw/op2_2/opv2n2_9.htm).
-
[76]
Bien que la Suède n’ait révélé officiellement l’ensemble de son programme nucléaire que tardivement, il existe pourtant une littérature ancienne sur cette question. L’opacité de son programme concernait surtout la période allant de la signature du TNP à 1972, date à laquelle la Suède abandonna les tests de plutonium. Elle démantela les facilités de plutonium en 1974 et réorganisa le FOA. Cf. Jan Prawitz, “A Nuclear Doctrine for Sweden”, Cooperation and Conflict, n° 3, 1968, pp. 184-193, ainsi que George H. Quester, “Sweden and the Nuclear Non-Proliferation Treaty”, Cooperation and Conflict, n° 5, 1970, pp. 54-64 et Jerome Garris, “Sweden’s Debate on the Proliferation of Nuclear Weapons”, Cooperation and Conflict, n° 8, 1973, pp. 189-208. Pour les études plus récentes, voir Paul Cole, Sweden Without the Bomb : The Conduct of a Nuclear-Capable Nation without Nuclear Weapons, Santa Monica, Rand Corporation, 1994 et, du même auteur, “Atomic Bombast : Nuclear Weapon Decision-Making in Sweden, 1946-72”, The Washington Quarterly, vol. 20, n° 2, printemps 1997. Cf. aussi Thomas Jonter, Nuclear weapons research in Sweden : the co-operation between civilian and military research, 1947-1972, Stockholm, 2002, Statens kärnskraftinspektion, SKI, et, du même auteur, Sweden and the bomb : the Swedish plans to acquire nuclear weapons, 1945-1972, Stockholm, 2001, Statens kärnskraftinspektion, SKI.
-
[77]
Le FOA (Defence Research Establishment), devenu le FOI (Totalförsvarets forskningsinstitut) après sa fusion avec le FFA (Aeronautical Research Institute), est un institut comparable à la RAND américaine, dont la vocation principale est de conseiller et d’orienter le gouvernement, en matière de choix politico-stratégiques.
-
[78]
Eric Arnett, “Norms and nuclear proliferation : Sweden’s lessons for assessing Iran”, The Nonproliferation Review, hiver 1998, pp. 32-43.
-
[79]
Betänkande av Neutralitetspolitikkommissionen, Om kriget kommit … Förberedelser för mottagande av militärt bistånd 1949-1969, [Si la guerre était survenue … Préparations pour la réception d’une assistance militaire 1949-1969], SOU, 1994.
-
[80]
Robert Daljö, “A Swedish Perspective on the Treaty on Conventional Forces in Europe”, Baltic Defence Review, vol. 7, 2002, pp. 171-184.
-
[81]
Ainsi, par exemple, la Russie et la Finlande ont signé un accord en 2000 au terme duquel chacun des deux pays a des droits de visite sur l’autre (dans le district militaire de Leningrad pour la Russie). Cet arrangement doit être renouvelé automatiquement tous les ans.
-
[82]
Chacun d’eux se voit affecter un plafond national (il limite le nombre d’équipements que l’État peut détenir dans la zone d’application ; il correspond, dans le traité adapté, à la transcription des niveaux maximaux de dotations existants dans le traité actuel) et un plafond territorial (il limite le nombre d’équipements terrestres que l’on peut déployer sur le territoire de l’État, quelle que soit leur origine). Les plafonds territoriaux sont destinés à remplacer le système actuel de limitations par zone, conçu pour prévenir toute accumulation déstabilisatrice des forces.
-
[83]
L’Alliance atlantique a clairement conditionné la ratification du “nouveau” traité FCE au respect, par les Russes, de la règle des flancs, issue de l’“ancien” traité. Cette condition est donc préalable à toute ratification, par les Occidentaux, du traité adapté. Or, à l’heure actuelle, non seulement les Russes ne semblent pas prêts à respecter les engagements pris à Istanbul lors de la signature du traité adapté, mais la question même de la survie du régime FCE se pose depuis que Vladimir Poutine a annoncé un moratoire sur l’application du traité en Russie.
-
[84]
Pour certains militaires finlandais si leur pays devait rejoindre l’OTAN, il serait alors couvert par la dissuasion nucléaire de l’Alliance, ceci constituant un ersatz aux mines antipersonnel : une option économiquement bon marché mais politiquement onéreuse.
-
[85]
Cité par Robert Carmona, “Panorama des pays nordiques”, Défense nationale, mars 1986, p. 69.
-
[86]
Ola Tunander, op. cit., p. 177.
-
[87]
Nathalie Blanc-Noël, La Politique suédoise…, op. cit., pp. 224-225.
J’aime mieux un vice commode qu’une fatigante vertu.
1Parmi les très nombreuses affinités que partagent les cinq États nordiques (Islande, Norvège, Suède, Finlande et Danemark), dans le domaine de la politique étrangère, la diplomatie active du désarmement est certainement l’une des plus saillante. Cela était particulièrement vrai pendant la guerre froide, époque durant laquelle on considérait les hostilités latentes entre les deux blocs et la course aux armements “comme des erreurs engendrées par une chaîne d’actions/réactions, par une spirale « d’incompréhension et de peur »” [1]. Cette ingénuité manifeste faisait dire au Norvégien Johan Jørgen Holst que les Nordiques se complaisaient dans la “nostalgie de l’innocence”. Il est vrai que, durant la guerre froide, et même encore aujourd’hui, ils ont toujours eu tendance à s’estimer dépositaires d’une vocation messianique qui les oblige à promouvoir la paix, le désarmement et les valeurs démocratiques ; “petits, développés, neutres ou, à tout le moins, très indépendants, à la fois capitalistes et d’inspiration sociale-démocrate, ils sont exceptionnellement bien placés pour jouer les "honnêtes courtiers" entre les grandes puissances et les blocs” [2]. Ils ne cessent de rappeler que, du fait de leur petitesse, ils pèsent peu mais, en même temps, avec une aura d’impartialité, de justice, de connaissance de ce qui est “bien”, ils estiment avoir le droit et le devoir de prêcher la bonne parole [3]. Contournant leurs handicaps de “petites puissances”, ils tirent parti de leur faiblesse, en habillant leur diplomatie multilatérale d’éthique et de rectitude morale, attitude découlant en partie des valeurs du protestantisme luthérien [4]. D’ailleurs, au sein des instances internationales, le label “pays nordique” a toujours été synonyme – à tort ou à raison – d’impartialité politique. N’ayant pratiquement aucun passé colonial, les Nordiques, outre le fait qu’ils ont fréquemment occupé des responsabilités de première importance au sein des Nations unies, ont participé à la majorité des opérations internationales de maintien de la paix. Ils ont souvent proposé leurs bons offices en matière de médiation internationale et ont forgé une diplomatie du désarmement très active [5].
2Pourtant, loin de constituer une donnée sui generis, cette recherche zélée de codification d’une authentique déontologie est construite sur un certain nombre de données historiques qui ont vu, à partir du xviiie siècle, les pays nordiques (ou plus exactement le Danemark et la Suède car il s’agissait des seuls États nordiques souverains [6]) adopter bon an, mal an, une politique de repli de puissance pour pratiquer, et revendiquer, jusqu’à maintenant, un profil de “puissance pacificatrice”, au terme duquel toutes les manifestations belligènes (politiques, économiques et sociales) susceptibles de dégénérer en conflit ouvert sont “naturellement” résolues par des moyens non-militaires. Si la sagesse consiste en une limitation volontaire d’objectifs territoriaux, leurs nombreuses défaites militaires les avaient poussés, réalisme oblige, à se forger une certaine “maturité”. À partir de la signature du traité de Kiel en 1814, qui marqua le point d’orgue de la puissance des pays nordiques, la politique insolite de repli de puissance amorcée par la Suède, imitée, à des degrés divers, par le Danemark puis par les autres pays nordiques, s’est accompagnée d’une posture normative incarnant des principes moraux et rappelant aux autres États une éthique internationale. L’un des aspects les plus illustratifs de cette nouvelle posture fut la pacification assez rapide des relations entre les pays nordiques. Pourtant si, de nos jours, les États qui composent le Norden [7] constituent, comme le note le politiste américain Karl Deutsch, l’exemple même de la communauté de sécurité pluraliste [8], dans laquelle il serait inimaginable qu’un pays soit en guerre contre un autre, il n’était pas évident, au vu des très nombreux conflits armés qui opposèrent la Suède au Danemark, que les pays nordiques pussent constituer une région dans laquelle l’idée de belligérance serait si vite bannie. Ainsi, Håkan Wiberg remarque que “durant les cinq derniers siècles, il y a eu plus de cinquante guerres civiles ou internationales dans la zone nordique. La fréquence des guerres intra-nordiques diminua d’une façon drastique seulement au xixe siècle” [9]. Aucun des pays nordiques, depuis 1809, n’a été en guerre l’un contre l’autre (depuis 1945, aucun état-major d’un pays nordique n’a prévu de plan pour envahir ou se défendre contre un autre pays nordique) ; aucun d’eux, par ailleurs, n’a déclaré la guerre à un pays tiers (à l’exception de la Finlande lors de la guerre de Continuation [10]) ; aucun État nordique ne considère son voisin nordique comme un État prédateur.
3Pour certains, c’est la nature démocratique des régimes politiques des États qui provoque les comportements belliqueux. Or, depuis le début du xixe siècle, aucun des pays nordiques n’a connu de régimes politiques autoritaires ; la conscience démocratique est fortement présente dans l’imaginaire collectif. Les conflits “domestiques”, en outre, ont tous été résolus, sans recours à des manifestations armées [11]. Le professeur Clive Archer parle ainsi de zone de paix pour qualifier l’ensemble des pays nordiques [12]. Cette “impossibilité” de la guerre encourage et renforce le discours sur les droits et la nécessité de leur extension au monde entier. L’éthique nordique s’articule autour d’une logique messianique et d’une responsabilité acceptée, celle de l’éducation du reste du monde par le “haut”. L’objectif affiché des pays nordiques se veut donc pédagogique : enseigner aux pays non-nordiques les vertus de la sécurité par le désarmement.
4Cette diplomatie du désarmement n’est pas, néanmoins, exclusivement philanthropique. Elle englobe aussi une posture beaucoup plus réaliste. La technique de l’équilibre constitue le degré zéro du système de sécurité, en ce sens que l’on s’y réfère, faute de mieux, pour lui assurer une certaine pérennité. Les pays nordiques ont utilisé, d’une certaine manière, leur diplomatie du désarmement de manière tactique : démontrer “généreusement” leur attachement au concept de désarmement dans le but moins avouable de pérenniser “égoïstement” leur propre sécurité. Cette posture ira même prendre une coloration scientifique dans le paradigme de la Peace research.
La structuration des équilibres stratégiques par le désarmement
5Les pays nordiques ont longtemps pratiqué une politique visant globalement à se soustraire au “continent” européen et, s’ils furent amenés à s’associer militairement à d’autres États, ce fut le plus souvent dans une stratégie d’équilibre régional. Nous reprendrons ici la différenciation opérée par le professeur Serge Sur qui distingue la stratégie de “soustraction” et celle de l’“addition” des petits États ; “Une question majeure est généralement pour eux [les petits États] celle de leur sécurité. Leur dimension territoriale, leur situation géopolitique, leur état démographique, leur faiblesse militaire ne leur permettent pas de l’assurer par eux-mêmes. Ils sont objectivement vulnérables, ou dépendants à cet égard. Deux grands types de réponses sont possibles : la soustraction, qui consiste à se mettre à l’écart des vicissitudes extérieures (…) par une politique neutraliste – la Finlande, la Suède, à l’époque de la confrontation Est-Ouest. (…) L’autre formule, l’addition, est celle des alliances, l’appui sur un groupement plus solide animé par une ou des grandes puissances – ainsi l’Islande ou la Norvège et l’OTAN” [13]. La notion de soustraction correspond, dans une définition lato sensu, à la volonté des États de pratiquer le désarmement géographique, c’est-à-dire de “zoner” certains espaces terrestres, maritimes et ou aériens qui leur sont contigus en les neutralisant ou en les démilitarisant, ou bien de se soustraire à la formation d’alliances, et plus généralement à la formation d’organisations internationales ayant des compétences supranationales, tandis que celle d’“addition”, inversement, correspond à la volonté d’y adhérer. Les pays nordiques ont voulu renforcer leur stratégie de soustraction et d’addition par une diplomatie du désarmement très active. Cette “recette nordique” prit la forme soit du désarmement géographique, soit de la neutralité.
Le désarmement géographique
6D’après le Britannique J. H. Marshall Cornwall, à qui l’on doit l’une des premières études exhaustives sur ce concept, le désarmement géographique peut se définir comme “la restriction ou l’interdiction d’armements et de forces armées dans des zones territoriales bien définies” [14]. En fait, chronologiquement, le désarmement géographique concerne, en premier lieu, les espaces maritimes, en l’occurrence la mer Baltique, pour des motifs essentiellement commerciaux, dans un contexte de rivalité entre les deux grandes puissances régionales qu’étaient la Suède et le Danemark. Les motivations du désarmement géographique sont, par la suite, devenues stratégiques, lorsque la Russie s’est peu à peu imposée dans la région. Les acteurs de la région ont longtemps tenté nolens volens de pacifier cette zone par les deux grandes formes du désarmement géographique que sont la neutralisation (que l’on ne confondra pas avec “neutralité”) et la démilitarisation, deux notions qui relèvent de deux logiques manifestement différentes, bien qu’il puisse encore exister des incertitudes sémantiques et même juridiques. Même s’il est vain, d’un point de vue purement juridique, de prétendre établir entre elles une séparation rigoureuse, car tout dépend du traité qui l’institue, d’un point de vue politico-stratégique, la démilitarisation et la neutralisation renvoient à deux logiques différentes et complémentaires : la première a vocation à prohiber l’installation d’armements sur un territoire donné, en temps de paix, dans l’objectif implicite d’y interdire les actes d’hostilité en temps de guerre, alors que la seconde n’interdit pas forcément l’installation d’ouvrages militaires sur le territoire en question, mais elle interdit explicitement les actes d’hostilité.
7L’Europe du Nord a ainsi connu une myriade d’exemples de démilitarisation et de neutralisation. Les îles Åland furent démilitarisées au lendemain de la guerre de Crimée, par une convention, annexée au traité de Paris et signée le 30 mars 1856 par la Russie, la France et la Grande-Bretagne. Elles furent ensuite neutralisées par une convention signée à Genève le 20 octobre 1921 [15]. Un autre exemple de désarmement géographique, moins connu mais sans doute plus cocasse, concerne la démilitarisation et la neutralisation de la frontière suédo-norvégienne opérée au moment de la dissolution de l’Union entre les deux pays en 1905. Le traité fut dénoncé en 1993 quand les autorités norvégiennes se rendirent compte que la construction d’un nouvel aéroport militaire constituait un casus fœderis avec le traité. Sa dénonciation fut, en outre, facilitée par l’intervention de Ingemar Dörfer, alors conseiller du ministre suédois des Affaires étrangères, qui se plaignait que la moitié de la cuisine de sa maison de campagne fût dans la dite zone [16]. Quant à l’archipel du Spitzberg, dont la souveraineté fut confiée par le traité de Paris du 9 février 1920 (entré en vigueur le 14 août 1925) à la Norvège, il s’agit aussi d’un territoire neutralisé. On peut aussi mentionner le traité de Tartu du 14 octobre 1920 qui marque la reconnaissance par la Russie soviétique de la Finlande et qui organise la neutralisation de tous les espaces maritimes de cette dernière (de la mer Baltique à l’Arctique). Mais il existe d’autres parangons de désarmement géographique comme, par exemple, la politique de retranchement de la Norvège et du Danemark dans le cadre de l’OTAN. Les deux pays s’étaient très tôt imposés une triple règle de conduite militaire ; en temps normal, ne pas autoriser, sur leur territoire métropolitain, le stationnement sur leur territoire de troupes étrangères (base policy), ni d’armes nucléaires (ban policy) et éviter tout déploiement de forces au voisinage immédiat de l’URSS.
8La pérennité des mesures prises dans le cadre du désarmement géographique est le plus souvent hasardeuse, car cette forme de désarmement ne peut fonctionner que si les grandes puissances y ont intérêt. Plus les grandes puissances auront confiance dans la crédibilité des mesures prises dans le cadre du désarmement géographique, moins elles seront tentées de les bafouer. Ce climat d’instauration de confiance fut éminemment propice à l’épanouissement du concept de désarmement géographique. Son succès découle incontestablement de la forme indirecte de mesure de confiance, soit entre les pays nordiques (par exemple, dans le cas des îles Åland entre la Suède et la Finlande) soit entre les pays nordiques et les pays tiers (dans le cas du Spitzberg entre la Norvège et l’URSS).
Neutralité, semi-alignement et désarmement
9La neutralité consiste en un ensemble d’actions et de mesures en vue de ne pas se trouver impliqué dans une guerre [17] et les cinq États nordiques furent tous, à un moment donné de leur histoire, concernés par une forme ou une autre de ce concept. Avant la seconde guerre mondiale, le mot “neutralité” était utilisé sans aucune restriction, dans la mesure où elle correspondait à une stratégie figée par le droit international qui ne s’éprouvait qu’à l’occasion des guerres. Les cinq pays nordiques neutres, même en temps de paix, engagèrent une diplomatie active du désarmement, non pas pour crédibiliser leur statut de neutre, mais précisément pour éviter d’être entraînés dans une situation belliqueuse. Or, la neutralité, après 1945, connut des transformations profondes. Comme le note Maurice Torrelli, “Elle devient essentiellement une notion du temps de paix et, à ce titre, elle n’intéresse que la neutralité permanente. Les États qui s’en prévalent vont alors la promouvoir par une politique dite de « neutralité active »” [18]. Cette neutralité active ne devra plus être considérée sous l’angle des intérêts égoïstes des États qui la revendiquent, mais de préférence à la lumière de ses “vertus pacificatrices” sur la société internationale. “Plus que dans la guerre, c’est dans la paix qu’elle doit s’épanouir. De principe d’abstention, elle devient un principe d’action visant à la construction de la paix” [19]. Ainsi, durant la guerre froide, s’est donc substituée à la conception lato sensu de la neutralité, la pratique du neutralisme dans laquelle la diplomatie active du désarmement occupait une place prépondérante.
10Si, jusqu’à la seconde guerre mondiale, les pays nordiques avaient inscrit dans le marbre de la neutralité leur statut politico-stratégique [20], c’est en fait l’expérience de la guerre qui modifia manifestement l’attitude des pays nordiques vis-à-vis d’un statut bien trop précaire. Des cinq pays, seule la Suède avait pu échapper aux hostilités : la Finlande fut attaquée par l’URSS et le Danemark et la Norvège par l’Allemagne, tandis que l’Islande fut occupée par les troupes britanniques puis américaines. De fait, dans la seconde moitié des années 1940, chaque pays fit des choix stratégiques différents, rompant ainsi avec l’unité antérieure. L’Islande accueillit une base militaire américaine sur son territoire et adhéra à l’OTAN. La Finlande, plus ou moins contrainte d’accepter de conclure avec Moscou un traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle (1948), se réfugia dans la neutralité pour éviter de passer totalement sous orbite soviétique et ainsi se maintenir comme pays souverain. Quant à l’initiative suédoise de former, avec le Danemark et la Norvège, une alliance de pays neutres, indépendante vis-à-vis de l’Est comme de l’Ouest, qui reposerait sur une déclaration de non-engagement et un système de défense solide, elle échoua. De leur côté, la Norvège et le Danemark décidèrent finalement d’adhérer à l’OTAN (1949) [21]. Néanmoins, les trois pays membres de l’OTAN cherchaient à se soustraire à un certain nombre d’obligations. L’OTAN, pour l’Islande, la Norvège et le Danemark, était une organisation fondamentalement fonctionnelle et non pas idéologique ; il s’agissait d’un instrument efficace pour assurer leur sécurité. Ainsi, comme le note Ingemar Dörfer, “la Norvège et le Danemark participent à l’OTAN d’une manière marginale, en vertu de conditions d’adhésions minimales, et cette situation passe pour favoriser aussi les intérêts de la Suède et de la Finlande” [22]. L’objectif constant de la Norvège et du Danemark était donc d’assurer l’Alliance Atlantique de leur loyauté, tout en calmant les appréhensions soviétiques. S’ils avaient rejoint l’OTAN, c’était pour assurer la sécurité de la péninsule fennoscandinave ; le refus d’abriter des troupes étrangères sur les territoires du Danemark métropolitain et de la Norvège s’inscrivait d’ailleurs dans cette logique, la simple qualité de membre de l’OTAN suffisait [23]. Pour désigner cette pratiquement de retranchement adoptée par les trois pays nordiques, nous reprendrons ici le qualificatif de semi-alignement proposé par Niels Ørvik pour désigner le statut de ces trois pays [24].
11Il est vrai que le pays neutre (ou semi-aligné) n’a pas, en principe, à appliquer le désarmement et, s’il est amené à le faire, cela n’est pas une obligation juridiquement inhérente à son statut [25].
12Les États nordiques, néanmoins, ont été amenés à lier de façon inextricable les concepts de neutralité et de désarmement, car non seulement le désarmement est supposé atténuer les risques de conflit (le désarmement ne constitue-t-il pas le moyen idéal pour réduire, voire rendre impossible, la violence ?), mais en plus il permet de crédibiliser auprès des États tiers sa propre neutralité, en donnant une image “vertueuse” et positive à la communauté internationale. Pour Maurice Torrelli, “le paradoxe n’est qu’apparent : toute limitation de l’armement des tiers peut permettre de compenser la faiblesse relative des moyens militaires du neutre. Sa participation active à la recherche du désarmement conçue comme un moyen d’empêcher la guerre, le fait apparaître comme un acteur au service de la paix et de la sécurité internationale. Il n’hésite pas à prêter sa capitale, Helsinki, Genève, Stockholm, Vienne, ce qui valorise son image” [26]. Généralement stigmatisée par les grandes puissances, la neutralité, pour être effective, doit être légitime. Or, pour être légitimée, elle doit offrir aux grandes puissances plus d’avantages que d’inconvénients, à défaut de quoi elle se verra niée en cas de conflit. La neutralité doit donc être pratiquée. Elle est le fruit d’une dynamique constante visant à justifier, à prouver et à crédibiliser son caractère. Pour les pays nordiques, la diplomatie du désarmement est autant un moyen qu’un objectif pour asseoir la crédibilité de leur statut : soit celui de neutre stricto sensu (Suède et Finlande), soit celui de semialigné (Danemark, Norvège et Islande).
La peace research, coloration de la pensée stratégique en matière nucléaire ?
13Durant la guerre froide, toutes les questions relatives au facteur nucléaire suscitaient, chez les responsables politiques nordiques, une certaine “aversion”. Absentes de leur cultures stratégiques, les questions nucléaires étaient généralement monopolisées par un tout petit nombre de responsables politiques qui, réalistes, préféraient éviter d’amorcer un quelconque débat sur une question si sensible. Pour eux, tout discours vantant les vertus de la dissuasion nucléaire s’apparentait à un “suicide politique”. D’ailleurs, pour certains d’entre eux, la notion même de parapluie nucléaire n’avait aucune raison de s’appliquer dans un “petit monde bien tranquille” [27] qui gagnait sa propre détente par l’apanage de ses moyens, en restant à l’écart de la compétition suicidaire des grandes puissances.
14Ce discours sur les méfaits du nucléaire a été nourri et relayé par les nombreux instituts de Peace research nordiques prompts à renvoyer dos à dos les deux superpuissances.
15La Peace research est née dans les années 1950 en pleine guerre froide. Le refus d’un nouveau conflit international a favorisé l’émergence d’un paradigme “moderne”, qui entend non plus exorciser le passé, en analysant les deux grandes guerres du xxe siècle, mais évaluer les périls du présent. La Peace research ambitionne de prendre la relève d’une science des relations internationales dont les événements, selon elle, auraient prouvé la faillite. Elle estime que la violence n’est pas inhérente, mais qu’elle est comportementale, subjective et manipulée ; elle peut donc se dompter. Par ailleurs, la paix n’existe toujours pas en l’absence de guerre ou en l’absence de violence ; elle est atteinte une fois l’harmonie (ré)établie. Héraut de la pacification de l’anarchie internationale et de la “paix démocratique” (la thèse kantienne a toujours été très chère aux Peace researchers nordiques : caractère belligène des dictatures, régimes aux pouvoirs incontrôlés et tournés vers l’exaltation de la force, par opposition aux démocraties libérales fondées sur le contrôle du pouvoir et sur la recherche du compromis) [28] elle entend dénoncer les dangers que font courir au monde les thèses réalistes et se donne pour mandat d’étudier les conditions de la paix et du désarmement. Afin de prévenir toutes situations belligènes, il faut instaurer une paix fondée sur la coopération et le droit.
16Ce paradigme a élaboré une méthodologie souvent contestée. L’ambiguïté du terme Peace research vient du fait qu’il signifie, en français, à la fois, “Recherche sur la paix” et “Recherche de la paix” ; la première signification se réfère à l’étude scientifique de la guerre et de la paix tandis que la deuxième renvoie à une conception militante et politique de l’action pacifiste [29]. La structure de recherche a donc une tendance qui dépend de l’importance qu’elle accorde à l’une ou l’autre des définitions. Si la stratégie, en tant que science, est la réflexion sur la guerre, la Peace research se réfère donc à une démarche de réflexion et de proposition sur l’étude de la paix. Toutefois, la Peace research nordique est avant tout une science qui se veut “vertueuse” et déjà acquise à une cause militante, pacifiste [30]. Le peace researcher nordique, étudiant les conditions optimales d’établissement de la paix, se doit d’être un chercheur engagé. Le postulat selon lequel les peuples sont plus pacifiques que leurs dirigeants (si l’on montre aux hommes quel est exactement le rapport entre les pertes et les gains, ils choisiront inévitablement la solution présentant le plus grand bénéfice) illustre ce militantisme [31].
17En Norvège, le PRIO (Peace Research Institute of Oslo) fut très longtemps associé à Johan Galtung qui s’illustra notamment par une dénonciation systématique du nucléaire [32]. Il fut, par ailleurs, à l’origine d’une théorie très novatrice sur la paix : la paix n’est pas seulement l’absence de violence et la violence n’est pas seulement l’usage de la force. Elle est plutôt tout ce qui empêche la réalisation de l’individu, à savoir les inégalités de développement, les multiples formes de domination économique, les menaces pesant sur les modèles sociaux ou culturels des nations les plus faibles. Pour que les conditions optimales de la paix soient réunies, il faut non seulement une absence de guerre, mais aussi une absence de violence structurelle. Les conditions d’une paix durable exigent, selon lui, que toutes les formes de violence indirecte (injustice, pauvreté, oppression) disparaissent [33]. Ce n’est pas une coïncidence si cette définition “extensive” de la paix fut aussi celle des très nombreux mouvements pacifistes nordiques qui militaient non seulement pour l’absence de la guerre mais aussi et surtout pour la justice, les droits de l’homme, la stabilité des relations internationales et bien entendu le désarmement.
18En Suède, la création du SIPRI (Stockholm International Peace research Institute), doit beaucoup à une grande figure du mouvement pour la paix suédois, Alva Myrdal [34]. Bien qu’ayant une vocation internationale, et donc à ce titre, sans lien formel avec le gouvernement suédois, le SIPRI fut souvent accusé – à tort ou à raison – de refléter les positions du gouvernement, notamment en matière nucléaire. Il est vrai que la création du SIPRI devait correspondre à une époque dans laquelle la Suède portait sur les fonts baptismaux une multitude de propositions dans le domaine du désarmement, surtout nucléaire [35].
19Enfin, en Finlande, le TAPRI (Tampere Peace Research Institute of Tampere) prônait une Ostpolitik ambitieuse et était très favorable aux positions soviétiques, surtout sur les questions relatives à la création d’une zone nordique exempte d’armes nucléaires. Au Danemark, la Peace research fut moins puissante que dans les trois autres pays nordiques. Le COPRI (Copenhagen Peace Research Institute), fondé en 1985 [36], fut absorbé en 2002 par un grand centre de recherche (Danish Institute for International Studies) dont les travaux n’ont plus rien à voir avec la Peace Research. Le PRIO, le COPRI, le SIPRI et, dans une moindre mesure, le TAPRI, appelaient à une réalisation d’envergure du désarmement et se méfiaient tout particulièrement, à l’instar de leurs gouvernements respectifs, de l’Arms control qui leur inspirait une certaine méfiance, car elle tendait à perpétuer la compétition technico-stratégique des deux Grands [37].
La puissance incertaine du concept de sécurité par le désarmement
20Après 1918, les Nordiques, déjà très favorables au désarmement et à l’arbitrage international, furent logiquement dans leur élément au sein de la Société des Nations (SDN) [38], organisation qui allait porter sur les fonts baptismaux une paix qui devait donner lieu à une réduction générale des armements et à la mise en place de mécanismes d’arbitrage destinés à prévenir la guerre [39]. La diplomatie du désarmement fut amorcée, d’abord par la Suède, au lendemain de la première guerre mondiale. Le Premier ministre suédois Hjamar Brantling, estimant qu’il n’existait plus de menace allemande ou russe, décida unilatéralement de diminuer le budget du pays consacré à la défense, politique suivie par son successeur Rickard Sandler en 1925 lorsqu’il ordonna de réduire le format des forces armées. À partir de 1925, tous les pays scandinaves amorcèrent leur désarmement unilatéral. Ils furent, par ailleurs, à l’origine de la création d’une Section du désarmement au sein du secrétariat de la SDN. La Suède défendit avec véhémence des plans ambitieux de désarmement régional et combattit l’idée selon laquelle il était nécessaire de prévoir des garanties ou des sanctions, car une réduction générale des armements constituerait en elle-même une garantie pour la sécurité des États [40].
21À la politique d’idéalisme pacifique succéda une stratégie de réarmement, fait d’autant plus remarquable que les Nordiques avaient été les premiers à désarmer. Des quatre pays nordiques, néanmoins, seules la Suède et la Finlande augmentèrent sensiblement le budget alloué à la défense, la Norvège et le Danemark, pensant encore pouvoir échapper aux hostilités, préférèrent miser sur les vertus de la sécurité par le désarmement [41].
22Cette vision idyllique des vertus de la sécurité par le désarmement fut reprise au sein de l’ONU, où les cinq pays nordiques poursuivirent une politique active en matière de promotion du désarmement. Ils soutinrent, soit conjointement, soit séparément, une myriade d’initiatives dans le domaine du désarmement dont on ne peut donner ici une liste exhaustive, mais seulement quelques exemples.
23Pour la Suède, la confiance entre les deux blocs était vitale. Sa politique s’était donc orientée vers des mesures à accroître la confiance et les divers régimes de maîtrise des armements entre les deux camps (espace démilitarisé, limitation des ventes d’armes, interdiction des essais nucléaires, non-prolifération, etc.) [42]. Sa contribution essentielle en la matière fut l’organisation, en 1986, de la Conférence de Stockholm sur les mesures de confiance dans le cadre de la Conférence pour la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE). Elle devint membre de la Conférence du Désarmement de Genève en 1961, date à laquelle l’ordre du jour, pour les délégués suédois, était le “désarmement général et complet”. Cinq ans plus tard, elle décidait de créer le SIPRI, dont la vocation serait d’entreprendre des études sur le désarmement et la maîtrise des armements. Elle fut aussi à l’origine d’un certain nombre de propositions de zones exemptes d’armes nucléaires et sa politique en faveur d’une suppression de l’arme nucléaire n’a pas faibli, même depuis la fin de la guerre froide. La Suède est toujours très active pour promouvoir les zones exemptes d’arme nucléaire : elle a ainsi vigoureusement soutenu la “Déclaration d’Uppsala” en 2000 appelant à la multiplication de zones exemptes d’armes nucléaires avant un désarmement nucléaire complet [43]. Elle a été à l’origine de la création, en 2003, de la Commission internationale pour la destruction des armes de destruction massive (ADM), commission indépendante financée par le gouvernement suédois, dirigée par Hans Blix, ancien chef des inspecteurs de l’ONU en Iraq et a œuvré à l’adoption de la première Stratégie de l’Union européenne contre la prolifération des ADM. Elle s’est récemment illustrée dans la promotion du concept de “mico-désarmement”, en lançant l’Initiative de Stockholm sur le Désarmement, la Démobilisation et la Réintégration (DDR) [44]. En outre, parce que la Suède est à la fois une puissance industrielle d’armements de première importance et, en même temps, un pays neutre, elle dispose d’un arsenal juridique en matière d’exportations d’armements très restrictif [45].
24Quant à la Finlande, elle s’était illustrée par l’organisation de la Conférence sur la sécurité et la Coopération en Europe (CSCE), qui déboucha sur les accords d’Helsinki en 1975. Elle fut aussi très active pour promouvoir l’idée d’une zone nordique exempte d’armes nucléaires (plan Kekkonen). Membre, depuis 1996, de la Conférence sur le désarmement de Genève, elle a souscrit à pratiquement tous les traités de mesures de confiance, de maîtrise des armements et de désarmement, à l’exception notable de la Convention d’Interdiction des mines antipersonnel. Autre exemple d’influence, le directeur adjoint actuel de l’Agence internationale de l’énergie atomique, Olli Heinonen, est Finlandais. La Finlande a même participé à la Commission chargée du désarmement de l’Irish Republican Army (IRA). Par ailleurs, la Finlande et l’Islande, en mettant à disposition leur capitale pour une négociation sur le désarmement à laquelle elles n’étaient pas partie ou pour des rencontres entre les dirigeants des Grands, ont réussi à donner l’image d’une diplomatie généreuse et désintéressée [46].
25L’Islande, de son côté, se voulait surtout à la pointe de la maîtrise des armements navals. Au début des années 1980, alors que les Soviétiques accroissaient leur présence militaire dans les eaux islandaises, Reykjavik craignait que les Américains ne décidassent d’étendre leur présence sur l’île ; “les océans autour de l’Islande deviendront le principal arsenal d’armes nucléaires à la fin de la décennie” prédisait Olafur Ragnar Gríson [47]. Se fondant sur un rapport de l’Icelandic Commission on Security and International Affairs appelant à l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires, l’Althing, en mai 1985, vota unanimement une résolution demandant au gouvernement islandais de faire du désarmement la priorité de sa politique étrangère [48]. La résolution comportait, en outre, un appel en faveur de l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires. L’Islande s’impliqua de plus en plus dans l’OTAN afin que celle-ci inclût dans sa diplomatie du désarmement des aspects navals, d’autant plus que l’Union soviétique avait proposé, lors de la rencontre entre les dirigeants américain et soviétique, dans la capitale islandaise, un projet “d’un monde dénucléarisé pour l’an 2000”. Au début de l’année 1989, le ministre islandais des Affaires étrangères annonça que son pays allait énoncer un certain nombre de propositions en matière de désarmement naval après que les négociations sur les Forces conventionnelles en Europe (FCE) eurent abouti [49]. L’accident, le 7 avril 1989, d’un sous-marin soviétique à propulsion nucléaire au large de l’île aux l’Ours [50] donna une impulsion aux propositions islandaises. La politique islandaise, selon le ministre, sera d’« arrêter la course aux armements sur les mers, réduire le nombre de navires à propulsion nucléaire, mettre des limites au transit des armes nucléaires sur la mer et développer les mesures de confiance et la vérification avec des sonars” [51].
26Enfin, la Norvège et le Danemark, en dépit de leur appartenance à l’OTAN, ont adopté des positions en matière de désarmement plus proches de celles des pays neutres que de celles des pays membres de l’Alliance, au point de s’être heurtés, à certaines reprises, à la doctrine nucléaire de l’OTAN. Ce fut notamment le cas lorsque les deux pays cherchèrent à s’opposer à la doctrine des “représailles massives”. Logiquement, ils furent très actifs pour promouvoir le Traité de Non-Prolifération (TNP) et ils soutenaient aussi l’idée d’une zone nordique exempte d’armes nucléaires.
Limites et ambiguïtés de la politique nordique du désarmement
27La diplomatie du désarmement, sans pour autant être foncièrement manipulée, fut en grande partie fonctionnalisée par les pays nordiques dans le but de consolider leur sécurité. Cette stratégie a surtout concerné la question nucléaire, qu’il s’agisse du projet d’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires en Europe septentrionale, de la position de la Norvège, du Danemark et de l’Islande face à la doctrine nucléaire de l’OTAN et du soutien affiché du Danemark et probable de la Norvège aux États-Unis dans le déploiement de la Missile Defense. Par ailleurs, en dépit d’une politique active du désarmement, la Suède a conduit, pendant une vingtaine d’années, un programme nucléaire. Enfin, la Suède et surtout la Finlande se sont heurté à leur doctrine de défense territoriale lorsque les deux pays furent amenés à se prononcer sur deux régimes de désarmement classique.
L’arlésienne de la zone nordique exempte d’armes nucléaires
28L’idée de l’établissement d’une zone nordique exempte d’armes nucléaires (ZEAN) remonte à 1957, date à laquelle le Premier ministre soviétique Boulganine envoya une note aux gouvernements danois et norvégien afin de leur signifier que s’ils devaient accepter d’entreposer sur leur territoire des armes nucléaires, l’URSS pourrait être amenée à considérer ce geste comme un casus belli, tout en invitant les pays scandinaves à réfléchir en concertation avec l’URSS à la création d’une “zone exempte de fusées et d’armes atomiques dans la péninsule scandinave et la zone de la Baltique” [52]. Jusque au tout début de la décennie 1990, la question de l’établissement d’une ZEAN fut récurrente [53]. Il s’avérait, néanmoins, que les différentes propositions visant à créer une telle zone étaient manipulées par tous les acteurs de la région. Forts d’une rhétorique spécieuse, les Soviétiques voulaient faire passer les États nordiques d’un statut de zone exempte d’armes nucléaires de facto à une zone exempte d’armes nucléaires de jure. L’URSS entendait affaiblir l’OTAN en exploitant le penchant pacifiste des Nordiques en popularisant la thématique antinucléaire. Elle espérait que, par un effet de ricochet, l’établissement d’une telle zone entraînerait une réaction en chaîne dans les autres petits pays membres de l’OTAN chez lesquels le militantisme pacifiste était particulièrement développé [54]. Les Nordiques, partagés entre leur aspiration fondamentale à la paix et au désarmement et l’impératif de leur sécurité, tout en cultivant le souci de ne pas provoquer leur puissant voisin par un refus catégorique, n’ont finalement pas donné de réponse cohérente. Si le projet d’une ZEAN était, comme le remarque pertinemment Ingemar Lindahl, “irréaliste depuis le commencement” [55], il constituait un instrument formidable pour consolider leurs différentes stratégies : la Suède et la Finlande pouvaient prétendre raffermir leur neutralité en prêchant pour la création d’une telle zone, alors que la Norvège, le Danemark et, dans une moindre mesure, l’Islande pouvaient convaincre leur opinion publique que l’on pouvait très bien concilier appartenance à l’OTAN et désarmement nucléaire. Si les puissants mouvements pacifistes militaient en faveur de la création d’une zone exempte d’armes nucléaires, aucun grand parti politique, pas même les sociaux-démocrates au sein desquels existaient des tendances profondément pacifistes, ne semblait prêt à isoler les données stratégiques régionales de celles de l’ensemble du continent. Les partis et gouvernements d’Europe du Nord, en fait, recherchaient surtout à accroître leur capacité d’influence sur la politique des grandes puissances, et notamment des deux Grands, en faveur d’une réduction équilibrée et négociée des armements.
29Les Nordiques savaient pertinemment qu’il était hautement improbable qu’une telle zone pût être créée, dans la mesure où ils exigeaient invariablement l’inclusion dans cette ZEAN d’une partie du territoire soviétique (avec le gigantesque arsenal de la péninsule de Kola et dans les grands chantiers navals de Kronstadt et de Riga, qui assuraient l’entretien de nombreux navires porteurs d’armes nucléaires), ce que l’URSS refusait tout aussi immanquablement.
La dimension nucléaire dans les statuts spéciaux des pays nordiques membres de l’OTAN
30Le Danemark et la Norvège prirent, dès leur adhésion à l’OTAN, la décision de ne pas abriter sur leur territoire métropolitain des troupes armées. La politique de sécurité des deux États, avec le temps, se caractérisa par un souci d’autolimitation, symbolisé par une série de déclarations unilatérales cherchant ainsi à se soustraire aux contraintes qu’auraient impliquées la présence permanente de troupes alliées aux portes de l’URSS.
31Selon Oslo, le danger principal était l’URSS (elle était le seul pays membre de l’OTAN, avec la Turquie, à avoir une frontière commune avec l’Union soviétique), et plus précisément la péninsule de Kola. Dans la logique soviétique, à la fin des années 1940, l’adhésion de la Norvège à l’OTAN aurait été forcément synonyme de la présence de forces armées américaines sur le sol norvégien. Or, les navires qui mouillaient à Mourmansk devaient longer les côtes norvégiennes pour se rendre dans l’Atlantique ; les Norvégiens, conscients de la crainte des Soviétiques d’exposer leurs navires à des bases de l’OTAN installées à proximité des côtes, ne voulaient pas provoquer Moscou en autorisant des troupes de l’Alliance atlantique à s’installer sur leur territoire, tant que leur pays ne serait pas attaqué ou menacé d’être attaqué. Afin de ne pas heurter l’opinion publique nationale qui, en dépit du consensus national sur l’appartenance du pays à l’OTAN, était majoritairement hostile, le gouvernement norvégien a, dès son adhésion à l’Alliance atlantique, limité ses engagements avec ses alliés (manœuvres en temps de paix, dépôt d’armes nucléaires et bases militaires). Quant au Danemark, il s’est aligné sur l’option norvégienne en 1953, en déclinant une offre de stationnement de l’US Air Force sur son territoire ; selon le Premier ministre danois : “le Gouvernement considère qu’il est indiscutable que le Danemark a le droit de recevoir une telle assistance mais au vu de la situation actuelle il ne serait pas opportun d’accepter une telle offre” [56]. À l’exception des bases au Groenland [57], la politique du Danemark était tout à fait comparable à celle de la Norvège : les deux pays refusaient, non seulement, tout stockage d’armes nucléaire, mais aussi, le stationnement permanent de troupes étrangères.
32La politique officielle de la Norvège et du Danemark, dans le domaine nucléaire, semblait donc relativement semblable : par d’armes nucléaires, sauf en cas de guerre ou en cas de menace de guerre. La formule danoise (“suivant les circonstances du moment”), proche de celle de la Norvège (pas de préstockage “en temps de paix”) était, à cet égard, assez subtile. Elle avait, en effet, l’avantage d’évacuer la question nucléaire, et indirectement celle de l’OTAN, dans le débat public. Si les responsables danois et norvégiens savaient pertinemment qu’ils bénéficiaient des garanties nucléaires des États-Unis, ils n’avaient pas à l’expliquer au corps électoral dans la mesure où ce parapluie nucléaire était tout aussi indolore qu’invisible. La question nucléaire devait rebondir en lorsque l’OTAN, sur insistance des États-Unis, décida en 1954 d’adopter la stratégie des “représailles massives”. Les Danois et les Norvégiens cherchèrent alors, en vain, à s’opposer à cette nouvelle doctrine. Ils demandèrent, parallèlement, aux membres de l’Alliance de reporter sine die la décision prise par le Sommet de l’OTAN en 1957 de déployer des missiles, le temps que les négociations en matière d’arms control avec les Soviétiques aboutissent.
33Dans le contexte de la crise des euromissiles, le Danemark s’illustra par une volonté saillante de se soustraire davantage à ses obligations vis-à-vis de l’OTAN, au point d’imposer à l’Alliance atlantique un ajout, à la fin de chaque communiqué, une mention selon laquelle Copenhague était hostile au déploiement du système américain de défense anti-missiles [58]. Jamais le sobriquet donné à la stratégie du Danemark, de pays de “note en bas de page” (footnote), ne fut aussi pertinent. C’est d’ailleurs durant cette période que le néologisme danemarkisation – calqué sur celui de finlandisation – fit son apparition ; expression plutôt péjorative renvoyant à un membre de l’Alliance faisant cavalier seul, peu disposé à accroître ses capacités de défense et peu fiable sur les questions d’armement. La contagion “pacifiste” dans les pays nordiques obligea le gouvernement minoritaire de centre-droit dirigé par Poul Schlüter à mener une politique délibérément en retrait par rapport à celles menées par les autres pays membres de l’Alliance atlantique [59], refusant par exemple d’augmenter son budget de défense (le plus bas de ceux des membres de l’OTAN) à 3% du PNB. En avril 1988, le Parlement danois alla jusqu’à interdire aux bâtiments porteurs d’armes nucléaires l’accès aux eaux territoriales du pays, provoquant une vive réaction des États-Unis et du Royaume-Uni [60].
34L’Islande, enfin, était dans une situation différente de celle du Danemark et de la Norvège bien que sa politique étrangère fut largement fonction de celles des deux autres pays nordiques membres de l’OTAN [61]. Ne disposant déjà pas d’armée (ce qui est une forme de désarmement unilatéral, ou plus exactement de nonarmement unilatéral), l’objectif du pays fut surtout d’éviter une nucléarisation latente de l’Europe septentrionale. Déjà, lorsque l’Islande avait signé avec les États-Unis un accord leur confiant la responsabilité de la défense de l’île, elle avait posé des restrictions, en interdisant la présence d’armes nucléaires sur son sol [62]. Si l’accord de défense entre l’Islande et les États-Unis de 1951 ne faisait aucune allusion explicite aux armes nucléaires, les Islandais, se fondant sur son article 3 stipulant que la composition des forces armées américaines devra être avalisée par l’Islande, estimaient que l’introduction sur leur territoire d’armes nucléaires devait faire l’objet de consultations entre les deux pays.
La connivence du Danemark et de la Norvège dans le bouclier antimissiles américain
35Lors d’une audition au Sénat américain en juillet 2000, le secrétaire à la Défense, répondant à la question de savoir s’il était possible de construire une défense antimissiles sans le concours européen, rétorqua “la réponse à ce jour serait non (…) si vous n’avez pas des radars de système d’alerte avancée et à bande X, alors vous ne pouvez pas voir venir les missiles” [63]. Or, le déploiement du bouclier antimissiles américain Missile Defense, qui a abouti à la dénonciation par Washington du traité ABM (Anti Ballistic Missile) en juin 2002, a non seulement concerné officiellement les deux pays chargés d’accueillir un système de radar avancé, en l’occurrence la Grande-Bretagne (Fylingdales) et le Danemark (Thulé [64]), mais aussi officieusement la Norvège. Moscou, en effet, soupçonne les États-Unis d’avoir déployé sur le territoire norvégien, à la frontière avec la Russie, un autre radar qui, lui aussi, ferait partie du système de défense antimissiles. Néanmoins, l’insertion éventuelle du radar de Vardø (Globus II [65] pour les Norvégiens et Have stare pour les Américains), situé à l’extrême nord de la Norvège, à cinquante kilomètres de la frontière russe, dans l’architecture de la MD n’a pas été, pour l’instant, confirmée par Washington et cela contrairement à l’utilisation des deux autres radars [66]. Le véritable rôle du radar de Vardø serait probablement celle de surveillance des tests balistiques russes, fonction rentrant dans le cadre de la MD ; il s’agirait donc vraisemblablement d’un “super” radar de discrimination à bande X [67], beaucoup plus puissant que celui installé à Thulé.
36La Russie, très hostile au projet américain de défense antimissiles, a logiquement tenté de faire pression sur la Norvège. Ainsi, le président Vladimir Poutine, en juin 2000, prévenait les alliés européens des États-Unis qu’ils “prenaient le risque d’être entraînés dans un processus qui résultera d’une perte imprévisible de stabilité stratégique” [68]. Les Russes ont, de même, tenté de faire pression sur la Norvège, en demandant notamment à Oslo la possibilité de pouvoir inspecter le site de Vardø. En juin 2000, le général russe Vladimir Yakovlev, commandant des Forces stratégiques, déclarait à la télévision norvégienne : “Il y a deux radars en Norvège, Globus I et Globus II. S’ils sont liés avec le radar en Alaska, ils pourront s’attaquer aux tâches de la NMD. Le radar norvégien maîtrise les secteurs dans lesquels navigue notre marine dans la mer de Barents (…) Si la station fonctionne conjointement avec les radars des croiseurs avec des missiles guidés, que la Norvège recevra prochainement et qui peuvent armés avec les systèmes antimissiles Standard et Aegis [les frégates de type Aegis, que la Norvège comptait alors acheter, sont en mesure depuis 2005 d’embarquer une vingtaine d’intercepteurs spécialisés dans la destruction de missiles dès les premières minutes après leur lancement], le système peut être utilisé pour détruire nos missiles lors de leur phase de lancement” [69]. Selon les Russes, le radar de Vardø est donc directement dirigé contre eux, ce que nient évidemment les Norvégiens [70]. Pour le général Ivashov “selon nos analystes, la station [le radar de Vardø] fera intégralement partie de système de défense antimissiles [NMD]”, la Russie se réservant le droit de prendre des mesures non-spécifiées, à moins que la Norvège ne ferme le radar durant leurs exercices militaires [71].
37Deux éléments de réponse peuvent être avancés pour expliquer l’attitude des élites norvégiennes. Le premier a trait au tropisme atlantique d’Oslo, surtout depuis la fin de la guerre froide. Bien que ne manquant jamais de souligner que le traité ABM était un élément clé de la stabilité internationale, la Norvège, au risque de se rendre complice de la dénonciation de celui-ci, y avait vu un excellent moyen pour renforcer le lien transatlantique. Le second est davantage lié à sa recherche systématique de l’influence qu’elle entend conserver, voire développer, dans le cadre des relations transatlantiques, et par ricochet dans l’OTAN, organisation qui a eu tendance à se désengager de son flanc septentrional. La coopération entre les services de renseignement norvégiens et leurs homologues américains, en outre, est si intime qu’on prête même à la Norvège une participation active au programme américain Echelon [72].
38Cette analyse pourrait aussi s’appliquer au cas de Thulé lorsque le Danemark, après une période d’hésitation [73], a été amené à donner son aval pour la modernisation du radar américain. Lorsque le ministre danois des Affaires étrangères a voulu se justifier, il a précisé que le projet américain était fondé sur un certain nombre de menaces (prolifération balistique et augmentation de la menace provenant des États parias), et que, contrairement à l’Initiative de Défense Stratégique (IDS) du président Reagan, il n’était pas dirigé contre la Russie ; au sujet de Thulé, il a insisté sur le fait que le système de radars ne serait qu’“un élément du système de détection de lancements de missiles” et sur le fait qu’il ne serait “pas question d’installer sur la base des missiles d’interception [74]” : en tout état de cause, le gouvernement danois souhaiterait que “l’utilisation de la base radar de Thulé ne contrevienne pas aux accords internationaux en vigueur”. Le Danemark, tout en soutenant le traité ABM, a, néanmoins, contribué indirectement à sa dénonciation [75].
39Le fait que les États-Unis aient clairement annoncé que la base de Thulé allait abriter un radar d’alerte avancée, mais qu’ils aient nié que le radar de Vardø fît partie de la MD, tient certainement à la position géographique de ceux-ci. Il est plus crédible de dire que la MD n’est pas dirigée contre la Russie pour un radar installé au Groenland que pour un radar situé en Norvège, à seulement une cinquantaine de kilomètres de la frontière russe. Il s’agit d’ailleurs là de l’argument principal de ceux qui nient que Vardø fasse partie de la MD : ce radar étant à proximité de la frontière avec la Russie, il serait certainement détruit en premier si un conflit devait éclater.
La tentation nucléaire de la Suède
40Le programme nucléaire suédois dura officiellement de 1946 à 1968, date à laquelle la Suède signa le traité de non prolifération (TNP). En fait, des travaux récents ont prouvé que le programme continua jusqu’en 1972 [76].
41Á peine deux semaines après le bombardement de Hiroshima, le gouvernement suédois confia au FOA [77], nouvellement créé, un vaste projet d’étude sur la faisabilité de l’acquisition de l’arme nucléaire. À partir de 1952, les recherches furent amorcées. En dépit de l’aversion que suscitaient les questions nucléaires dans le pays, l’acquisition de l’arme atomique semble avoir fait l’objet curieusement d’un large consensus parmi les élites politiques, l’objectif étant de crédibiliser la neutralité par l’atome dans un contexte stratégique international marqué la guerre froide. Le gouvernement suédois planifiait alors de créer une capacité domestique qui inclurait toutes les composantes nécessaires pour la production d’une bombe : uranium minier et retraité, production de plutonium, conception, tests et stockages d’armes. Le programme reposait sur la combinaison uranium naturel et eau lourde. Au début des années 1960, il donna naissance à deux petits réacteurs prototypes ; le projet d’un réacteur de taille moyenne produisant de l’électricité fut adopté (il incluait la possibilité de produire du plutonium à usage militaire). La Suède mena en 1971 et 1972 dix tests souterrains. Bien que les explosions ne fussent pas nucléaires, en ce sens qu’elles ne dégagèrent pas d’énergie dérivant de la fission de l’atome, ces tests étaient techniquement de même nature que ceux menés en vue d’acquérir la maîtrise militaire du nucléaire [78].
42Le souhait d’acquérir la maîtrise militaire de l’atome semble avoir buté autant sur des obstacles financiers que politiques. Ainsi, pour certains militaires, l’intérêt de l’acquisition de l’arme nucléaire n’était pas pertinent dans la mesure où le pays bénéficiait par ricochet du parapluie nucléaire occidental [79]. Ils craignaient que les crédits affectés à la recherche n’imposent une réduction des moyens alloués à la défense classique. Il est certain, en outre, que l’abandon par la Suède de son programme nucléaire fut accéléré par sa diplomatie du désarmement, de plus en plus active. La politique de non-proliférations des Américains, par ailleurs, au début des années 1960, les avait poussés à tenter de dissuader les Suédois de se procurer l’arme atomique et à opposer une fin de non-recevoir aux demandes répétées de Stockholm qui avait tenté d’obtenir, entre 1954 et 1960, de leur part des armes nucléaires.
Les pays neutres et les régimes de désarmement classique
43Si la Finlande et la Suède, de par leur qualité de “pays nordiques”, ont toujours été à la pointe du désarmement, les deux pays se sont heurté à leur doctrine de défense lorsqu’ils ont dû se prononcer sur le traité FCE. En fait, le traité FCE, signé le 10 novembre 1990 et entré en vigueur le 17 juillet 1992, avait été conçu dans une philosophie d’alliances militaires (OTAN vs Pacte de Varsovie) et ne laissait pas la possibilité à des États tiers d’y adhérer. Or, du fait de la fin de la guerre froide, de la dissolution du Pacte de Varsovie et de l’URSS et de la normalisation des relations entre l’Ouest et l’Est, les deux États neutres cherchaient logiquement à s’insérer davantage dans les régimes de désarmement classique en Europe [80]. Pour autant, il leur était impossible de rejoindre le traité FCE, non seulement parce qu’il est de facto un traité fermé, mais surtout parce qu’elles ne voulaient surtout pas permettre à des États tiers de pouvoir mener des investigations sur leur territoire et dévoiler ainsi les plans de mobilisation massive et les très nombreux matériels militaires entreposés dans des endroits tenus secrets, système constituant la clef de voûte de leur concept de défense territoriale. Conformément à leur stratégie de défense totale, la majeure partie de l’équipement de combat est entreposée dans des dépôts de matériel répartis sur tout le territoire, afin de permettre une mobilisation rapide et décentralisée. Or, si les deux États neutres avaient postulé au régime FCE dans la décennie 1990, les mesures de transparence imposées par le traité auraient été manifestement incompatibles avec leur stratégie de défense. C’est pourquoi les deux pays neutres ont davantage misé pour un développement des Mesures de Confiance et de Sécurité (MDCS) jugées, quant à elles, acceptables avec leur système de défense [81].
44La signature du traité FCE adapté en 1999 laissait présager un changement radical pour les deux pays neutres, dans la mesure où la philosophie d’alliances qui caractérisait l’ancien traité a laissé la place à un schéma basé sur la participation individuelle de chaque État partie [82]. Néanmoins, comme le traité adapté n’est toujours pas en vigueur, la Finlande et la Suède continuent à se baser sur l’“ancien” traité pour formater leur MDCS [83].
45Un autre régime de désarmement classique plonge dans un certain embarras la Finlande : le traité d’Ottawa bannissant les mines antipersonnel qu’elle n’a pas encore signé. Le déploiement des mines antipersonnel a toujours été analysé par les militaires finlandais comme un moyen peu coûteux et indispensable pour réduire les risques d’une attaque surprise massive [84], sa stratégie de défense territoriale reposant notamment sur la possibilité de déployer en un temps minimum des mines le long de sa frontière orientale. Durant les négociations qui ont mené à la convention d’Ottawa, la Finlande s’est retrouvée auprès de pays aussi éclectiques que les États-Unis, la Chine, la Russie et la Corée du Nord pour soutenir le droit légitime des États de pouvoir se défendre même avec des mines antipersonnel. Elle annonça, en septembre 2004, qu’elle ne signerait pas la convention avant 2012. Helsinki justifie sa position en soulignant que les mines antipersonnel sont moralement acceptables, car ce ne sont pas des armes offensives.
Conclusion
46Durant la guerre froide, le flanc septentrional de l’Europe semblait se situer à la périphérie des préoccupations stratégiques des Occidentaux, contrairement au front central européen, ce qui arrangeait bien les pays nordiques membres de l’Alliance, pour qui le sobriquet affublé à leur région de “flanc oublié de l’OTAN” signifiait que moins on parlait d’eux plus ils se sentaient en sécurité. Mais cette diplomatie de la discrétion ne signifiait pas pour autant que les deux camps ne s’intéressaient pas à cette région. En effet, durant la guerre froide, la région de l’Europe septentrionale était, pour les deux camps, d’une grande importance stratégique – “La troisième guerre mondiale ne sera peut-être pas gagnée sur le flanc nord mais elle pourrait certainement y être perdue” prédisait ainsi un expert américain [85]. Il est incontestable que la diplomatie nordique du désarmement a largement contribué à soustraire l’Europe septentrionale des rivalités des blocs. Certes, la fin de la guerre froide a rimé avec la fin de l’équilibre nordique et, depuis le début des années 1990, cette région a indubitablement perdu de sa pertinence stratégique, les puissances alliées au sein de l’OTAN ayant, dans une certaine mesure, revu à la baisse leur intérêt pour le flanc nord européen, la menace russe n’étant manifestement plus privilégiée. Les États-Unis ont même décidé unilatéralement, au début de l’année 2006, de se retirer d’Islande. Pour autant, les radars d’alerte avancée, avéré au Groenland, supposé en Norvège, attestent encore d’un certain intérêt de Washington pour la région. De leurs côtés, les pays nordiques partagent encore un “strabisme” sur la menace russe qui n’a pas totalement disparu, comme en témoigne notamment la réticence de la Suède et surtout de la Finlande face à l’évolution des régimes de désarmement classique, les deux pays partageant des perceptions datant de la guerre froide et une logique voulant “se préparer au pire”. Mais, si d’un point de vue stratégique, le choix de la Finlande de rester à l’écart du processus d’Ottawa est logique, dans la mesure où sa frontière orientale est protégée par plusieurs centaines de milliers de mines, d’un point de vue “moral”, cette situation la met en porte-à-faux vis-à-vis de la communauté internationale. Aussi compréhensible soit-il, le manque flagrant d’enthousiasme en Suède et surtout en Finlande pour appliquer dans leur propre pays des régimes de désarmement contraste largement avec la culture messianique des pays nordiques dans le domaine de la promotion du désarmement. Dans le cas des radars de Thulé et de Vardø, on retrouve cette ambiguïté du double discours. Si, officiellement, la Norvège et le Danemark soutenaient l’idée qu’il fallait impérativement préserver le traité ABM, ils ont indirectement contribué à sa fin. Pour autant, ce contraste existait aussi, et même surtout, durant la guerre froide. Il n’était effectivement pas rare que les élites politiques s’affranchissent de leurs traditions de transparence lorsque des “intérêts fondamentaux” étaient en jeu, le quitus secret donné par Copenhague à Washington pour stocker des armes nucléaires au Groenland étant un des exemples les plus illustratifs. Á plusieurs occasions, des décisions concernant notamment le déploiement d’armes nucléaires furent prises sans que les plus hautes instances politiques et a fortiori l’opinion publique fussent informéees. Ola Tunander parle de “double-politique” basée “sur une séparation entre les hiérarchies de l’État-nation, d’une part, et les hiérarchies supranationales de l’OTAN, de l’autre”, pour qualifier la stratégie des pays nordiques [86] : le désarmement avait une fonction connexe qui s’inscrivait fondamentalement dans la high politics : la régulation des équilibres stratégiques en Europe septentrionale. De cette “dynamique des contraires” découlait, et découle encore, un décalage manifeste entre le discours empreint d’une certaine éthique et la pratique, avant tout réaliste. On ne pourrait éclaircir cette ambiguïté si l’on devait faire abstraction des vertus discursives de cette diplomatie nordique du désarmement. Dans son ouvrage sur la neutralité suédoise, Nathalie Blanc-Noël note ainsi que “les actions fondamentales de la politique étrangère suédoise (…), sont des actions essentiellement verbales. Pour une petite nation qui poursuit une politique mondiale, le verbe est une ressource inépuisable” [87], remarque qui serait mutatis mutandis tout aussi pertinente pour les autres pays nordiques. Si cette diplomatie était surtout discursive, c’est bien parce que les Nordiques étaient conscients que le discours sur le désarmement produisait bien plus de sécurité que le processus de désarmement en lui-même.
Notes
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[1]
Ingemar Dörfer, “La Scandinavie ou la défense de la virginité nucléaire”, in Pierre Lellouche (dir.), Pacifisme et dissuasion, Paris, Économica, Travaux et recherches de l’IFRI, 1983, p. 115.
-
[2]
Vincent Simoulin, La Coopération nordique, Paris, L’Harmattan, Logiques politiques, 1999, p. 54.
-
[3]
Uffe Østergaard, “Danish National Identity : Between Multinationalism Heritage and Small State Nationalism”, in Hans Branner/ Morten Kelstrup (dir.), Denmark’s Policy towards Europe after 1945, Odense, Odense University Press 2000, p. 140.
-
[4]
Très bien démontré dans Thorleif Petterson/Ole Riss, Scandinavian Values. Religion and Morality in the Nordic Countries, Uppsala, Acta Universitatis Upsaliensis, 1994.
-
[5]
Sur le concept de l’influence des normes nordiques sur la scène internationale voir Christine Ingebritsen, “Norms Entrepreneurs. Scandinavia’s Role in World Politics”, Cooperation and Conflict, vol. 37, n° 1, mars 2002, pp. 11-23.
-
[6]
Rappelons que la Norvège acquit son indépendance en 1905, la Finlande en 1917 et l’Islande en 1944.
-
[7]
Le Norden est un terme qui entend englober les cinq pays nordiques (Islande, Norvège, Suède, Finlande et Danemark) et les trois territoires autonomes (Groenland, Îles Åland et Îles Féroé).
-
[8]
Karl W. Deutsch et alii., Political Community and the North Atlantic Area : International Organization in the Light of Historical Experience, Princeton, Princeton University Press, 1957, p. 5. L’existence des communautés de sécurité telles que définies par Karl Deutsch (celles qui reposent sur “la conviction des individus et des groupes qu’ils sont arrivés à un accord sur un point au moins, à savoir que les problèmes sociaux communs doivent et peuvent être résolus par des mécanismes de changement pacifique”) nécessite trois conditions : des valeurs partagées, l’anticipation d’avantages économiques et un vouloir vivre en commun des populations concernées. Ces communautés peuvent prendre deux formes : les communautés de sécurité pluralistes et les communautés de sécurité amalgamées. Les communautés pluralistes ont pour principal objectif de renforcer la paix entre des États souverains. Trois conditions doivent être réunies pour envisager leur création : une compatibilité des régimes politiques, l’abandon du recours à la force dans les relations entre les membres et des comportements politiques, économiques et sociaux prédictibles. Les communautés de sécurité amalgamées n’ont pas seulement pour objectif de préserver la paix, mais visent également à la définition d’une identité commune. À la différence des communautés pluralistes, elles peuvent impliquer des abandons de souveraineté de la part des États-membres ; ces communautés doivent générer un sentiment d’identité commune et ouvrent la voie à une union d’États.
-
[9]
Håkan Wiberg, “Scandinavia”, in Richard Dean Burns (dir.), Encyclopaedia of Arms control and Disarmament, vol. 1, New York, Charles Scribner’s Sons, 1993, p. 211.
-
[10]
Encore que cette affirmation soit à nuancer dans la mesure où la Finlande, cobelligérante de l’Allemagne nazie, avait attendu que les Soviétiques l’attaquent pour à son tour leur déclarer la guerre.
-
[11]
Á l’exception de la Guerre civile finlandaise en 1918. Cette guerre, néanmoins, est la conséquence directe des bouleversements induits par la Révolution russe de 1917 et doit donc être replacée dans un contexte particulier.
-
[12]
Clive Archer, “The Nordic Area as a "Zone of Peace"”, Journal of Peace Research, vol. 33, n° 4, novembre 1996, pp. 445-467. Cf. aussi Clive Archer/Pertti Joenniemi, The Nordic Peace, Ashgate, 2003.
-
[13]
Serge Sur, Relations internationales, Paris, Montchrestien, collection Domat politique, 1995, p. 277.
-
[14]
J. H. Marshall Cornwall, Geographic Disarmament. A Study of Regional Demilitarization, Londres, Oxford University Press, 1935, préface, p. 5.
-
[15]
Cf. Matthieu Chillaud, “Les Îles Åland : un laboratoire insolite du désarmement géographique ?”, Annuaire français de relations internationales, Bruxelles, Bruylant, 2007.
-
[16]
Anecdote rapportée par Jan Prawitz, SIPRI at 40 : 1966 to 2006, SIPRI Stockholm, 2006, pp. 16-17.
-
[17]
Le droit international positif reconnaît une myriade de formes de neutralité. Ainsi, le Dictionnaire de Droit international public dirigé par Jean Salmon en identifie une dizaine : la neutralité absolue ou parfaite, la neutralité qualifiée, la non-belligérance, la neutralité armée, la neutralité humanitaire, la neutralité qualifiée ou différentielle, la neutralité bienveillante, la neutralité permanente ou perpétuelle et la neutralisation. Jean Salmon (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 738-740.
-
[18]
Maurice Torrelli, “La neutralité en question”, Revue générale de droit international public, tome 96, 1992/1, p. 10.
-
[19]
Ibid., p. 30.
-
[20]
La Suède souscrivit à la neutralité en 1815. Le Danemark, après avoir été écrasé en 1864 par les troupes prussiennes et autrichiennes, se réfugia lui aussi dans une politique de neutralité. La Norvège, qui obtint son indépendance en 1905, adopta naturellement le statut de neutre, à l’instar de ses deux voisines scandinaves. L’Islande, de son côté, qui acquit davantage d’autonomie par la signature de l’Acte d’Union avec le Danemark en 1918, s’engagea par ce traité à une “neutralité perpétuelle”. Quant à la Finlande, elle imita ses voisines nordiques dès qu’elle conquit son indépendance en 1917. En outre, par deux fois, tous les pays nordiques s’engagèrent dans des règles communes de neutralité : le 21 décembre 1912, “en vue de fixer des règles similaires de neutralité s’accordant avec ces dispositions conventionnelles”, le Danemark, la Norvège et la Suède publièrent une déclaration commune concernant les règles de neutralité en cas de guerre de guerre navale et proclamèrent conjointement leur neutralité en août 1914 ; le 27 mai 1938, les ministres des Affaires étrangères des cinq États nordiques adoptèrent un document intitulé “Règles nordiques de la neutralité”, afin de renforcer leur statut international en constituant un bloc régional homogène et apparemment solidaire.
-
[21]
Cf. Matthieu Chillaud/Sophie Enos-Attali, “La coopération stratégique entre les pays nordiques. Chimères et réalités”, Annuaire français de relations internationales 2005, Bruxelles, Bruylant.
-
[22]
Ingemar Dörfer, “La Scandinavie ou la défense de la virginité nucléaire”, op. cit., p. 110.
-
[23]
Johan Jørgen Holst, The Pattern of Nordic Security, Oslo, NUPI notat, n° 273, juin 1983, p. 3.
-
[24]
Niels Ørvik (dir.), Semialignment and Western Security, Worcester, Billy & Sons, 1986. Cf. aussi Carsten Holbraad, Danish Neutrality. A Study in the Foreign Policy of a Small State, Oxford/New York, Clarendon Press Oxford, 1991.
-
[25]
Effectivement, le concept de “neutralité” et celui de “désarmement” n’ont a priori aucun lien, contrairement à celui de “neutralisation”. Selon Loïc-Charles Marion, “les deux notions ne peuvent pas être confondues. Autant la neutralité est une institution-norme solidement encadrée par le droit international, autant la neutralisation apparaît comme un concept beaucoup mieux adapté à la stratégie diplomatique qu’à la démarche juridique”. Loïc-Charles Marion, “L’introuvable neutralisation du canal de Suez”, Stratégique, n° 54, 1992-2, p. 227.
-
[26]
Maurice Torrelli, op. cit., p. 34.
-
[27]
Ingemar Dörfer, “La Scandinavie ou la défense de la virginité nucléaire”, art. cit., p. 116.
-
[28]
L’histoire, toutefois, a prouvé que des démocraties pouvaient avoir des comportements bellicistes tandis que des dictatures pouvaient osciller entre l’apaisement et l’affrontement.
-
[29]
Hervé Savon, “Les trois étapes de la Peace research”, Études polémologiques, n° 19, février 1976, p. 63
-
[30]
Cf. Nathalie Blanc-Noël/Matthieu Chillaud, “Les instituts de recherche dans les pays nordiques. Le paradoxe de la démesure”, Annuaire français de relations internationales 2004, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 700-721.
-
[31]
Cf. David J. Dunn, The First Fifty Years of Peace Research. A Survey and Interpretation, Ashgate, 2005.
-
[32]
Cf. par exemple Johan Galtung, “Alternatives to the Nuclear Arms Race. Ten Proposals for Concrete Peace Politics for the 1980s”, Bulletin of Peace Proposals, vol. 12, n° 4, 1981, pp. 361-364.
-
[33]
Il établit ainsi une distinction entre “paix négative” (1. Absence de guerre, 2. Absence de violence personnelle 3. Absence de violence structurelle et personnelle) et “paix positive” (1. Intégration et coopération, 2. Absence de violence structurelle, 3. Développement personnel). Cf. Johan Galtung, “Editorial”, Journal of Peace Research, vol. 1, n° 1, 1964. Son intérêt pour les communautés humaines - et non pour les États - s’avèrera effectivement novateur ; jusqu’alors, les études sur la paix n’étaient alors conçues que comme l’absence de violence organisée.
-
[34]
Après avoir été ambassadeur de Suède en Inde, elle fut secrétaire d’État au désarmement, et participa activement aux négociations internationales qui aboutirent au Traité de non-prolifération de 1968, avant d’obtenir, en 1982, le prix Nobel de la paix. Alva Myrdal présida le comité chargé de créer le SIPRI et fut la première présidente de son bureau.
-
[35]
En Suède, il existe une myriade d’instituts universitaires de Peace research qui ont travaillé sur le désarmement nucléaire. Le DPCR (Department of Peace and Conflict Research) est un centre de recherche intégré à l’université d’Uppsala et mis en place en 1971. Il est actuellement dirigé par Peter Wallenstein et dispose d’une chaire Dag Hammarskjöld de “Peace and Conflict research”, créée en 1985. Le PADRIGU (Peace and Development Research Gothenburg University) est un centre intégré à l’université de Göteborg, dont les axes de recherche ont surtout porté sur le développement, thème cher aux Suédois. À Lund, la TFF (Transnational Foundation for Peace and Future Research), créée en 1985, est le successeur du LUPRI (Lund International Peace Research Institute). Dirigée par Jan Øberg et Cristina Spännar, spécialistes de Gandhi, ses travaux de recherches et ses publications sont très influencés par les idées de Galtung.
-
[36]
Le COPRI, créé sur décision du Parlement en 1983 dans le contexte de la crise des Euromissiles, avait pris la succession de l’Institute for Peace and Conflict Research (équivalent danois du PRIO), créé en 1969, mais dissout en 1971.
-
[37]
Nathalie Blanc-Noël et Matthieu Chillaud, art. cit.
-
[38]
Nathalie Blanc-Noël, “Quel pacifisme nordique ? Les ambiguïtés de la culture de la paix dans les pays nordiques”, Nordiques, n° 11, automne 2006, p. 70.
-
[39]
Hervé Coutau-Bégarie, Traité de stratégie, Paris, ISC-Economica, 5e éd. 2005, p. 46.
-
[40]
Shepard Jones, The Scandinavian States and the League of Nations, Princeton, Princeton University Press, 1939, pp. 217-251.
-
[41]
Magne Skodvin, “Norwegian Neutrality and the Question of Credibility”, Scandinavian Journal of History, n° 2, 1977, p. 129. Cf. aussi l’introduction de l’ouvrage de François Kersaudy, Stratèges et Norvège. 1940, Paris, Hachette, 1977. L’auteur y détaille l’état de délabrement effarant de la défense norvégienne, à l’orée de la seconde guerre mondiale, suite à la politique de désarmement entreprise par Oslo.
-
[42]
Alain Carton, Les Neutres, la neutralité et l’Europe, Paris, FEDN, 1991, pp. 60-61.
-
[43]
Texte reproduit dans Disarmament Diplomacy, n° 50, septembre 2000.
-
[44]
Ministry for Foreign Affairs, Sweden, Stockholm Initiative on Disarmament Demobilisation Reintegration, Final report, février 2006, (www.sweden.gov.se/siddr).
-
[45]
Depuis 1918, il est interdit d’exporter, sans autorisation gouvernementale, du matériel de guerre. Le gouvernement décide de l’exportation des équipements militaires et des éventuels pays acheteurs. Élaboré en 1971, le code de conduite, approuvé par le Riksdag, prévoit que la Suède ne doit pas exporter d’armes lorsqu’il y a une interdiction posée par un traité international, un embargo résultant d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU ou si la vente constitue une infraction au droit international. L’exportation est interdite vers des pays qui sont impliqués dans des conflits internationaux ou déchirés par la guerre civile, ou ceux qui se trouvent dans une situation internationale et interne telle qu’elle risque de déboucher sur la guerre. Après l’affaire sur les ventes d’armes illicites, il s’avéra nécessaire, pour le pays, d’entreprendre une refonte de la réglementation. Le scandale avait éclaté en 1984, quand un mouvement pacifiste, l’Association pour la paix et l’arbitrage, révéla que plusieurs entreprises, comme Bofors et Nobel Kemi, avaient enfreint les règlements et que du matériel militaire suédois était ainsi utilisé dans certains conflits. On apprenait peu après le “mystérieux” décès du chef de l’inspection suédoise du matériel de guerre (KMI), le contre-amiral Carl-Fredrik Algernon, personnageclé dans l’affaire des exportations illégales de matériel militaire, écrasé par une rame de métro. Plusieurs commissions chargées de mettre en lumière les conditions dans lesquelles le pays avait exporté illégalement du matériel de guerre furent constituées, mais aucune d’entre elle ne s’avéra capable de démêler cette intrigue. Le gouvernement suédois, en 1993, décidait donc de moderniser sa législation, en matière d’exportation des armements, invoquant leur nécessaire adaptation aux pratiques européennes. La principale nouveauté fut la distinction entre les équipements destinés au combat et susceptibles d’avoir une portée destructrice (artillerie, avions de combat, missiles, etc.) et ceux conçus pour des objectifs non destructifs, mais spécifiquement mis au point à des fins militaires (équipement de reconnaissance, patrouilles maritimes, radars).
-
[46]
Par exemple, c’est en Finlande qu’ont débuté les négociations SALT.
-
[47]
Cité par Michael Corgan, Iceland and its Alliances : Security for a Small State, Lewiston, The Edwin Ellen Press, Scandinavian Studies, vol. 8, 2003, p. 161.
-
[48]
Lors de la Conférence de Stockholm en janvier 1984, le ministre islandais des Affaires étrangères souleva la question des mesures de confiance et de sécurité (MDCS) navales, primordiale pour son pays car si un accident impliquant des armes nucléaires devait survenir, cela serait désastreux pour ses ressources halieutiques.
-
[49]
Albert Jónsson, Iceland, NATO and the Keflavík Base, Reykjavík, Icelandic Commission on Security and International Affairs, 1989, p. 19.
-
[50]
Le vendredi 7 avril 1989, un sous-marin nucléaire soviétique de type Mike sombrait dans les eaux internationales en mer de Norvège, au sud-ouest de l’île aux Ours. Les Soviétiques affirmèrent que les torpilles du Mike étaient conçues pour empêcher toute fuite de radiations de leur charge nucléaire et que leur enveloppe était capable de résister aux hautes pressions d’une longue immersion en profondeur.
-
[51]
Cité par Albert Jónsson, op. cit., p. 20.
-
[52]
Cette proposition devait faire suite au “Plan Rapacki” d’octobre 1957 (rejeté par les États-Unis cinq ans plus tard) dont les dispositions prévoyaient l’interdiction de la production et du stockage d’armes nucléaires en Pologne, en Tchécoslovaquie et dans les deux Allemagnes.
-
[53]
Sur les avatars du projet d’établissement d’une ZEAN en Europe septentrionale, cf. Sverre Lodgaard/Marek Thee, Nuclear Disengagement in Europe, Stockholm, SIPRI, 1983.
-
[54]
Nathalie Blanc-Noël, La Politique suédoise de neutralité active, Paris, CAPC/ISC, Economica, 1998, p. 125.
-
[55]
Ingemar Lindahl, The Soviet Union and the Nordic Nuclear-Weapons-Free-Zone Proposal, Londres, McMillan Press, 1988, p. 81.
-
[56]
Cité par Egil Ulstein, Nordic Security, Adelphi Papers, n° 81, Londres, International Institute for Strategic Studies, 1971, p. 10.
-
[57]
En 1951, Danois et Américains avaient conclu un accord de défense bilatéral, confiant aux seconds la charge de la défense du Groenland. Cet accord accordait aux États-Unis un contrôle quasisouverain sur trois bases : Narsarsuaq (dans la partie méridionale du Groenland), Kangerlussuaq (Sondre Strønfjord, à l’ouest) et Thulé (dans le nord-ouest). Aujourd’hui, seule Thulé est toujours une base militaire. Cf. Matthieu Chillaud, “Le Groenland : entre contraintes géographiques et vertus stratégiques”, Annuaire français de relations internationales 2003, Bruxelles, Bruylant. Par ailleurs, le Groenland faisait manifestement exception au principe danois de refus d’abriter des armes nucléaires. En 1957, Hans Christian Hansen, alors Premier ministre, annonçait officiellement que son pays n’accepterait en aucune façon d’accueillir des armes nucléaires, tout en faisant savoir, par une note secrète, aux autorités américaines que cette règle pouvait ne pas s’appliquer au territoire groenlandais. Seuls Jens Otto Krag, alors ministre des Affaires étrangères, ainsi qu’un ou deux fonctionnaires, étaient au courant de cet accord informel. Ni le gouvernement, ni le Parlement ne l’étaient. Selon le Danish Institute of International Affairs (DUPI) qui a entrepris une étude sur cette question, sous le titre Grøland under der kolde krig, une accord tacite liait le Danemark aux États-Unis : Washington acceptait de soutenir la politique officielle du Danemark à la seule condition que ce dernier accepte que les États-Unis puissent entreposer des armes nucléaires sur le territoire groenlandais. Cf. Hans Mouritzen, “Thule and Theory : Democracy vs. Elitism in Danish Foreign Policy”, Danish Foreign Policy Yearbook 1998, Copenhague, DUPI, pp. 79-101 et Nikolaj Petersen, “The H.C. Hansen Paper and Nuclear Weapons in Greenland”, Scandinavian Journal of History, vol. 23, n° 1-2, 1998, pp. 20-43.
-
[58]
Pourtant, Copenhague avait donné son accord à Washington pour que la base de Thulé au Groenland puisse abriter un radar d’alerte avancée dans le cadre de l’IDS. Mais le Groenland était si loin du Danemark…
-
[59]
Alain Debove, “Danemark : maillon faible de l’OTAN ? La défense, otage des pacifistes”, Le Monde, 14 avril 1988.
-
[60]
Alain Debove, “Danemark : les élections législatives anticipées du 10 mai. Le gouvernement de M. Schlüter fait de la fidélité à l’OTAN l’enjeu central du scrutin”, Le Monde, 8 mai 1998.
-
[61]
Bjorn Bjarnason, “The Security of Iceland”, in Johan Jørgen Holst (ed.), Five Roads to Nordic Security, Oslo, Universitetsforlaget, 1973, p. 63.
-
[62]
Michael Corgan, op. cit., pp. 65-68.
-
[63]
Cité par Tomas Valasek, “Europe’s Role in National Missile Defense”, Center for Defense Information (www.cdi.org/hotspots/issuebrief/ch8/).
-
[64]
Cf. Matthieu Chillaud, “Le Groenland : entre contraintes géographiques et vertus stratégiques”, art. cit.
-
[65]
Globus II devait prendre le relais de Globus I (ou Creek Maid, pour les Américains), radar construit dans les années 1960, avec l’assistance des Américains, pour surveiller les tests de missiles sous-marins des Soviétiques, à partir de la mer de Barents.
-
[66]
Elizabeth Becker, “Russians Challenge U.S. Over Radar in Norway”, The New York Times, 22 février 2000.
-
[67]
Au nombre total de huit dans le cadre de la MD, les radars de discrimination (ou à large bande) ont pour vocation d’analyser la tête à intercepter par rapport aux objets qui l’entourent (leurres ou fragments). Cette technique d’“empreintes digitales” permet donc d’identifier en temps réel la nature du missile à intercepter. Pour un radar, l’appellation “bande X” désigne sa fréquence, c’est-à-dire sa longueur d’onde, qui en l’occurrence est dans le domaine centimétrique. Il s’agit d’un radar de poursuite ou de trajectographie. Quant au radar d’alerte avancée, il a pour fonction principale de détecter la mise à feu du missile attaquant et les premières minutes de son vol et de signaler au système de commandement l’origine du lancement afin que celui-ci initie la procédure de suivi et d’interception. Initialement développés et déployés durant la guerre froide, ces radars devaient assurer aux forces de représailles américaines le temps de réaction requis pour le déclenchement de la frappe en second, renforçant ainsi la crédibilité des forces de riposte américaines.
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[68]
Cité par Tomas Valasek, “Norwegian Radar Site Controversy Flares Anew”, CDI Weekly Defense Monitor, 20 juillet 2000.
-
[69]
Nicolai Proskov, “The World is Tottering on the Edge of the Nuclear Anarchy”, entretien avec le colonel-général Vladimir Yakovlev, n° 25, juin 2000. [Note n° 81 in Martin Broeker/Frank Slijper, Theatre Missile Defence : First steps towards global missile defence, Peace Research Institute Frankfurt, bulletin n° 22, mai 2001].
-
[70]
Pressemelding, The Globus II radar and Norwegian surveillance activities in the North, n° 09/2000, 25.02.00. (http://odin.dep.no/odinarkiv/norsk/dep/fd/2000/eng/010011-070024/dok-bn.html).
-
[71]
“Norwegian radar Target for Russian Nuclear Weapons”, The Norway Post, 17 juillet 2000.
-
[72]
Jacques Isnard, “La sainte alliance de l’espionnage”, Le Monde, 30 mars 2000.
-
[73]
Jørgen Dragsdahl, “The Danish Dilemma”, Bulletin of the Atomic Scientists, septembre/octobre 2001, vol. 57, n° 5, pp. 45-50. La Grande-Bretagne a réagi bien moins timidement, au sujet de la base de Fylingdales (qui doit aussi accueillir un radar d’alerte avancée) que le Danemark pour la base de Thulé. Les Britanniques craignent que leur statut de puissance nucléaire moyenne ne soit affecté par la reprise de la course aux armements consécutive à un déploiement de la MD.
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[74]
Ces propos sur la nature des missions qui pourraient être confiées à Thulé dans le cadre de la MD (détection et non interception) semblent révéler qu’une réflexion a été entreprise à Copenhague, avec ou sans la participation américaine, sur la mise à disposition de la base.
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[75]
On remarquera que, de tous les pays nordiques, seule la Suède s’est résolument manifestée contre le bouclier antimissile américain : “Les plans qu’ont les USA de se retirer du traité sur la limitation des systèmes de missiles antiballistiques peuvent avoir des conséquences fâcheuses”, Communiqué de presse du ministère des Affaires étrangères, 13 décembre 2001. Voir aussi Ingemar Dörfer, “National Missile Defense : A Swedish View”, Pugwash Occasional Papers, mars 2001. (http://www.pugwash.org/reports/nw/op2_2/opv2n2_9.htm).
-
[76]
Bien que la Suède n’ait révélé officiellement l’ensemble de son programme nucléaire que tardivement, il existe pourtant une littérature ancienne sur cette question. L’opacité de son programme concernait surtout la période allant de la signature du TNP à 1972, date à laquelle la Suède abandonna les tests de plutonium. Elle démantela les facilités de plutonium en 1974 et réorganisa le FOA. Cf. Jan Prawitz, “A Nuclear Doctrine for Sweden”, Cooperation and Conflict, n° 3, 1968, pp. 184-193, ainsi que George H. Quester, “Sweden and the Nuclear Non-Proliferation Treaty”, Cooperation and Conflict, n° 5, 1970, pp. 54-64 et Jerome Garris, “Sweden’s Debate on the Proliferation of Nuclear Weapons”, Cooperation and Conflict, n° 8, 1973, pp. 189-208. Pour les études plus récentes, voir Paul Cole, Sweden Without the Bomb : The Conduct of a Nuclear-Capable Nation without Nuclear Weapons, Santa Monica, Rand Corporation, 1994 et, du même auteur, “Atomic Bombast : Nuclear Weapon Decision-Making in Sweden, 1946-72”, The Washington Quarterly, vol. 20, n° 2, printemps 1997. Cf. aussi Thomas Jonter, Nuclear weapons research in Sweden : the co-operation between civilian and military research, 1947-1972, Stockholm, 2002, Statens kärnskraftinspektion, SKI, et, du même auteur, Sweden and the bomb : the Swedish plans to acquire nuclear weapons, 1945-1972, Stockholm, 2001, Statens kärnskraftinspektion, SKI.
-
[77]
Le FOA (Defence Research Establishment), devenu le FOI (Totalförsvarets forskningsinstitut) après sa fusion avec le FFA (Aeronautical Research Institute), est un institut comparable à la RAND américaine, dont la vocation principale est de conseiller et d’orienter le gouvernement, en matière de choix politico-stratégiques.
-
[78]
Eric Arnett, “Norms and nuclear proliferation : Sweden’s lessons for assessing Iran”, The Nonproliferation Review, hiver 1998, pp. 32-43.
-
[79]
Betänkande av Neutralitetspolitikkommissionen, Om kriget kommit … Förberedelser för mottagande av militärt bistånd 1949-1969, [Si la guerre était survenue … Préparations pour la réception d’une assistance militaire 1949-1969], SOU, 1994.
-
[80]
Robert Daljö, “A Swedish Perspective on the Treaty on Conventional Forces in Europe”, Baltic Defence Review, vol. 7, 2002, pp. 171-184.
-
[81]
Ainsi, par exemple, la Russie et la Finlande ont signé un accord en 2000 au terme duquel chacun des deux pays a des droits de visite sur l’autre (dans le district militaire de Leningrad pour la Russie). Cet arrangement doit être renouvelé automatiquement tous les ans.
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[82]
Chacun d’eux se voit affecter un plafond national (il limite le nombre d’équipements que l’État peut détenir dans la zone d’application ; il correspond, dans le traité adapté, à la transcription des niveaux maximaux de dotations existants dans le traité actuel) et un plafond territorial (il limite le nombre d’équipements terrestres que l’on peut déployer sur le territoire de l’État, quelle que soit leur origine). Les plafonds territoriaux sont destinés à remplacer le système actuel de limitations par zone, conçu pour prévenir toute accumulation déstabilisatrice des forces.
-
[83]
L’Alliance atlantique a clairement conditionné la ratification du “nouveau” traité FCE au respect, par les Russes, de la règle des flancs, issue de l’“ancien” traité. Cette condition est donc préalable à toute ratification, par les Occidentaux, du traité adapté. Or, à l’heure actuelle, non seulement les Russes ne semblent pas prêts à respecter les engagements pris à Istanbul lors de la signature du traité adapté, mais la question même de la survie du régime FCE se pose depuis que Vladimir Poutine a annoncé un moratoire sur l’application du traité en Russie.
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[84]
Pour certains militaires finlandais si leur pays devait rejoindre l’OTAN, il serait alors couvert par la dissuasion nucléaire de l’Alliance, ceci constituant un ersatz aux mines antipersonnel : une option économiquement bon marché mais politiquement onéreuse.
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[85]
Cité par Robert Carmona, “Panorama des pays nordiques”, Défense nationale, mars 1986, p. 69.
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[86]
Ola Tunander, op. cit., p. 177.
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[87]
Nathalie Blanc-Noël, La Politique suédoise…, op. cit., pp. 224-225.