Staps 2011/4 n°94

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Article de revue

Des activités athlétiques a l'école entre santé et performance

Pages 85 à 102

Notes

  • [1]
    De nombreux éléments de réflexion se trouvent dans l’ouvrage : Terret Thierry, Fargier Patrick, Rias Bernard, Roger Anne, L’athlétisme et l’école. Histoire et épistémologie d’un sport éducatif, Paris, L’Harmattan, 2002.
  • [2]
    L’USFSA avait été créée le 31 janvier 1889, sur l’initiative de Georges de Saint-Clair, à partir de l’ancienne Union des Sociétés Françaises de Course à pied (USFCP). Elle s’élargit très vite à la plupart des sports pour qui elle organise les divers championnats.
  • [3]
    Marianne Lassus (2000) précise notamment à ce sujet que l’athlétisme semble s’être « d’abord constitué sur un modèle professionnel, avant que la discipline ne soit peu à peu contrôlée par les élites sociales sur le modèle anglais ». Elle évoque deux types de pratiques professionnelles : le « pédestrianisme » et « l’athlétisme exhibition », dans lesquelles les pratiquants gagnaient de l’argent. Elles coexistent jusqu’à la Première Guerre mondiale puis progressivement le modèle amateur va s’imposer.
  • [4]
    Georges Hébert, Le Code de la force, Paris, Vuibert, 1911.
  • [5]
    On en trouve un exemplaire dans le supplément sur le BSP dans L’Athlétisme, n° 107, 15 avril 1937.
  • [6]
    Manuel d’exercices physiques et de jeux scolaires, Paris, Hachette, 1918, p. 265.
  • [7]
    « L’athlétisme est la meilleure méthode d’éducation physique », Athletic, n° 77, 26 octobre 1933.
  • [8]
    Gaston Meyer, L’athlétisme, 1956, p. 252.
  • [9]
    Roland Hervet, « Une opinion », L’Athlétisme, n° 90, février 1951.
  • [10]
    Paul Méricamp, L’appel à l’athlétisme, L’athlétisme, n° 12, 15 avril 1946.
  • [11]
    André Gardien, Athlétisme sport de base ou la charrue avant les bœufs, L’athlétisme, n° 51, février 1948.
  • [12]
    Instruction du 20 juin 1959. Complément à l’instruction du 1er octobre 1945 à l’usage des professeurs et maîtres d’éducation physique et sportive
  • [13]
    Ibid.
  • [14]
    Joseph Maigrot, Un précurseur de l’entraînement moderne, in Merci Joseph !, n° spécial de l’Amicale des Entraîneurs français d’athlétisme.
  • [15]
    Pas de course de steeple, de lancer de marteau, de marathon par exemple…
  • [16]
    Le coefficient VARF correspond à un indice de robusticité calculé dans les années 1930 par le docteur Marc Bellin du Coteau sur la base de l’évaluation des quatre grandes qualités physiques : vitesse, adresse, force et résistance (voir M. Labbé, Traité d’Éducation physique, 1930). L’évaluation se fait essentiellement sur la base d’épreuves de course et de lancer.
  • [17]
    Marcel Berge, in L’EPS face au sport, 15 acteurs témoignent, Centre EPS et Société, 1999.
  • [18]
    Titre de l’ouvrage publié par Robert Bobin en 1967 aux éditions Amphora et republié à de nombreuses reprises.
  • [19]
    Athlétisme, basket-ball, football, gymnastique, hand-ball, judo, natation, rugby, voile, volley-ball pour l’enfant, Mémento FSGT, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1970, p. 2.
  • [20]
    Claude Vasseur, Athlétisme, Mémento FSGT, 1974, p. 18.
  • [21]
    Instructions Officielles 1967.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    Ibid.
  • [24]
    En mai 2010, est renouvelée la convention signée entre la FFA et le ministère de l’Éducation nationale. À cette occasion, Bernard Amsalem, président de la FFA affirme : « L’école doit rester le vivier de nos clubs et donner envie aux jeunes de pratiquer l’athlétisme, quel que soit leur niveau. » Concrètement, cette nouvelle convention doit notamment « favoriser la pratique de l’athlétisme dans le cadre obligatoire de l’EPS à l’école et lors des activités périscolaires ainsi que l’organisation et la participation des élèves aux rencontres sportives ».
  • [25]
    Jacques Piasenta, L’éducation athlétique, Paris, INSEP, 1988, p. 242.
  • [26]
    C’est le début des rencontres nationales comme les Jeux de l’UNSS dont la première édition a lieu en 1980.
  • [27]
    Charles Gozzoli et Jean-Paul Bourdon, L’athlétisme éducatif. Savoir Gagner, 2006.
  • [28]
    Raymond Dhellemmes, Quelles pratiques d’enseignement de l’EPS en Activités Athlétiques Scolaires? Une démarche et un outil d’analyse, Revue Contrepied, n° 19, 2006.
  • [29]
    Dans l’ouvrage EPS au collège et athlétisme, INRP, 1995, Raymond Dhellemmes propose une démarche permettant de rompre avec une approche formelle pour se centrer sur l’activité adaptative de l’élève confronté à l’athlétisme au travers de trois activités : triple saut, course de haies et lancer du javelot.
  • [30]
    Dhellemmes, 2006.
  • [31]
    Ibid.
  • [32]
    Thierry Tribalat, Statistiques aux examens : quelques remarques, Revue Contrepied, 2006, n° 19.
  • [33]
    La circulaire n° 84-295 du 10 août 1984 portant organisation de l’épreuve d’EPS des baccalauréats et brevets de techniciens précise que les candidats effectueront une course de durée, une course (vitesse, haies, 1500 m), un saut et un lancer. On constate la permanence de la course d’endurance (continuité d’une référence à la santé et à la robustesse physique) ainsi qu’une conception d’un athlétisme polyvalent.
  • [34]
    Alain Soler, Regard sur l’évaluation certificative en EPS, Revue EPS, n° 301, 2003.
  • [35]
    Voir également à ce sujet : Alain Soler, L’inévitable originalité et l’indispensable authenticité des formes scolaires de la pratique de l’athlétisme scolaire, Regards croisés, 2006, pp. 17-26.
  • [36]
    Thierry Tribalat, Statistiques aux examens : quelques remarques. Revue Contrepied, 2006, n° 19.
  • [37]
    La publication du rapport INRP signé par Robert Mérand et Raymond Dhellemmes en 1988 intitulé : Éducation à la santé, endurance aérobie, contribution de l’EPS, nous semble être révélatrice de ce tournant.
  • [38]
    Francis Bergé et Marie Marion, La course en durée pour l’entretien de soi, est-ce encore de l’athlétisme ?, in Anne Roger (éd.), Regards croisés sur l’athlétisme. AFRAPS, 2006.
  • [39]
    Regards croisés, 2006, p. 65.
  • [40]
    Les programmes du collège de l’enseignement de l’éducation physique et sportive du 28 août 2008 font apparaître les activités athlétiques suivantes : demi-fond, haies, hauteur, javelot, multi bond, relais-vitesse.
  • [41]
    Programmes du collège de l’enseignement de l’éducation physique et sportive du 28 août 2008.

1Les activités athlétiques occupent une place centrale dans la formation des élèves depuis la fin du XIXe siècle. Que ce soit au travers d’exercices athlétiques issus de la méthode naturelle, d’athlétisme ou de formes de pratiques scolarisées, l’évolution de la place et du statut des activités athlétiques est révélatrice des mutations de l’Éducation Physique scolaire, mais questionne également le champ social de la pratique athlétique. Il s’agit ici de caractériser les relations entre les pratiques athlétiques sociales et scolaires, de tenter d’expliquer comment et pourquoi des activités athlétiques sont intégrées en EP sous une forme particulière et de cerner la dynamique d’appropriation par l’école de pratiques sociales existant en dehors d’elle, afin de repérer comment ces pratiques, une fois entrées dans la leçon d’EPS, se transforment en intégrant les contraintes institutionnelles jusqu’à devenir spécifiquement scolaires (Arnaud, 1985).

2Sur une période de plus d’un siècle, les réponses apportées à ces interrogations supposent de tenir compte à la fois de l’évolution du système éducatif et de l’état du champ social de référence, celui de la pratique des activités athlétiques.

3Avant d’aller plus loin, la notion polysémique d’« activités athlétiques » appelle un éclairage. Parler d’activités athlétiques, c’est en effet ne pas se circonscrire à la pratique d’un athlétisme fédéral, codifié, institutionnalisé et de performance. Celles-ci l’englobent mais elles ne s’y restreignent pas. Dès lors, l’article questionne plus largement les pratiques mettant en jeu les actions athlétiques telles que courir, sauter, lancer et marcher sans qu’elles ne soient forcément liées à la production d’une performance maximale dans un cadre compétitif. L’un des enjeux de la réflexion réside d’ailleurs dans la définition, à la fois sociale et scolaire, de ces activités athlétiques à chacune des sous-périodes envisagées.

4De façon synthétique, il semble possible d’affirmer que l’on est passé, à l’école, d’exercices athlétiques au service de la santé physique et morale de la nation, à un athlétisme « sport de base » qui participe à la légitimation scolaire et culturelle de l’EPS pour aboutir à des activités athlétiques spécifiquement scolaires visant des apprentissages sur la base de savoirs préalablement identifiés et explicités [1].

1 – Des exercices athlétiques parmi d’autres au service de la santé physique et de la moralité (fin xixe - 1941)

1.1 – Le contexte de pratique de l’athlétisme

5De la fin du XIXe siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le champ de l’athlétisme est traversé par plusieurs logiques (Roger, 2003). Une conception sportive de l’athlétisme semble d’abord se développer en France dans le cadre de l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (USFSA [2]) mais également au préalable par le biais d’initiatives privées, notamment celles des coureurs professionnels [3] puis celles qui amènent des lycéens à pratiquer l’athlétisme en dehors de leur temps scolaire. La course à pied occupe une place centrale parmi les activités pratiquées, même si l’USFSA organise des compétitions où toutes les spécialités sont représentées, celles-ci commençant à fleurir dès le milieu du XIXe siècle en Grande-Bretagne. L’athlétisme fait ensuite figure de premier sport olympique dès la rénovation des Jeux. La pratique amateur supplante dès lors la pratique professionnelle, pourtant très présente au début de la période, et sur laquelle le discrédit est jeté par les dirigeants fédéraux.

6Parallèlement à cette conception sportive, des conceptions hygiéniques et utilitaires sont également véhiculées par la Fédération Française d’Athlétisme (F.F.A.) dès sa création en 1920, après l’éclatement de l’USFSA en une multitude de fédérations autonomes. Dans cette logique, que l’on peut caractériser d’hygiénique, l’athlétisme est mis au service de la régénération de la race, de la sauvegarde de la nation. Ce qui compte, avant toute chose, c’est la formation polyvalente et l’entraînement menant à une condition physique satisfaisante. La F.F.A. devient ainsi le fer de lance du Brevet Sportif Populaire (B.S.P.) dans le projet de régénération de la race et/ou de la performance sportive (Roger, 2010). Très investie dans son organisation par l’intermédiaire des ligues et des clubs, elle organise plus de 1080 sessions en 1937. À la fin du mois de mars 1938, elle décerne 61 422 diplômes sur presque 69 882 candidats présentés. Le BSP fait ainsi écho à une conception de l’athlétisme comme sport de masse destiné à donner ou évaluer la santé physique des Français mais les dirigeants fédéraux voient également en lui une aubaine pour le développement de l’athlétisme national. Le souci de santé publique croise celui de la performance sportive et les activités athlétiques se présentent comme les activités éducatives à la santé par excellence. L’exemple du BSP traduit ici une convergence d’intérêts et un croisement de conceptions. Le BSP est, certes, défendu par la FFA qui y voit un enjeu en termes de sensibilisation à l’athlétisme, mais il se construit sur le modèle du Code de la force d’Hébert [4], récompensant la régularité et des performances de base plutôt que les exploits sportifs.

7Les activités athlétiques sont donc considérées par le milieu fédéral comme une pratique sportive certes, mais également salvatrice, permettant aux individus de se maintenir en bonne santé, de se construire un corps sain et robuste et de forger une nation dynamique. L’affiche de propagande concernant le BSP et diffusée par la FFA est claire : « Amener au sport le plus grand nombre, sans souci du résultat, n’est-ce pas, plus que la recherche des performances, le but essentiel de nos fédérations ? » [5]. La logique sportive défendue par la FFA est ici mise à l’épreuve de la mission d’utilité publique dont elle est chargée depuis 1925. Les athlètes sont invités à servir d’exemples. L’effort est élevé au rang de slogan mobilisateur : « Au travail ! » semblent s’écrier de concert les différents responsables.

1.2 – Des conceptions d’EP qui intègrent chacune à leur façon les activités athlétiques

8À côté de cette conception fédérale à deux niveaux de la pratique de l’athlétisme : orientée vers la performance d’un côté et vers la pratique de masse de l’autre, comme d’ailleurs les gymnastiques, certaines conceptions de l’EP qui se développent durant cette période prennent appui sur les activités athlétiques, mais celles-ci sont traitées différemment en fonction des finalités poursuivies.

9Georges Hébert (L’EP virile et morale par la méthode naturelle. Tome 2 (3e édition 1949) : Technique des exercices. Technologie, course, marche, saut), dans sa proposition de méthode naturelle, utilise les actions athlétiques comme faisant partie des dix familles d’activités physiques fondamentales identifiées pour développer complètement l’individu : marche, course, saut, quadrupédie, grimper, équilibrisme, lever-porter, lancer, défense et natation. Quatre de ces familles d’exercices renvoient donc à des actions athlétiques. Mais Hébert ne les réfère pas exclusivement à l’athlétisme. Il ne veut en aucun cas être assimilé au monde sportif. Pour lui, le sport n’est pas utile alors que sa méthode est essentielle et surtout fonctionnelle. La motricité mise en œuvre dans les dix familles se veut être naturelle, utile et non sportive, c’est-à-dire non compétitive.

10Parmi les exercices athlétiques proposés, la course tient une place particulière. « Par suite de la valeur de ses effets organiques généraux, la course doit être considérée comme le plus important des exercices de développement, aussi bien que le meilleur des exercices d’entretien pour la conservation des aptitudes » (Hébert, 1949, p. 237). Cette pratique est largement proposée pour des raisons fonctionnelles et organiques et doit préparer aux efforts violents. « Sans la course, il ne serait pas possible de développer au maximum la puissance cardiaque et respiratoire, ni de porter au plus haut degré les aptitudes athlétiques » (Hébert, 1949, p. 238). Les sauts sont quant à eux envisagés comme pouvant présenter davantage d’intérêts du point de vue articulaire, musculaire et moral. Chaque catégorie d’exercice issue des activités athlétiques renvoie à un objectif précis et contribue à cette méthode utilitaire.

11En termes de vocabulaire, Hébert évoque également les exercices athlétiques puis les jeux athlétiques intégrant ces dix familles en les différenciant des exercices gymniques, sportifs ou encore acrobatiques. Les exercices athlétiques sont des exercices « réclamant des aptitudes exceptionnelles, innées ou cultivées » (Hébert, 1949, p. 9). À ce titre, ils sont considérés comme hautement éducatifs. Ces exercices peuvent être, suivant le cas, « naturels et utilitaires ou entièrement conventionnels » (p. 9). Ainsi, les activités athlétiques ne sont pas envisagées comme associées inévitablement à une performance chiffrée, ni même à la santé, mais plutôt considérées d’une part pour les qualités qu’elles nécessitent et qu’elles sollicitent et par ailleurs pour celles qu’elles permettent de développer. Pour Hébert, elles sont celles qui permettront de réaliser une éducation physique utilitaire avec le plus de pertinence. Sans aller plus loin dans le cadre des exemples, il apparaît ici que les exercices athlétiques ont une place et un statut privilégiés dans le cadre de la conception d’Hébert parce qu’ils renvoient à des actions considérées comme naturelles (Delaplace, 2005).

12Durant la même période, le Règlement général d’EP (Règlement général d’EP (méthode française) - 2e partie (1931) consacrée à l’entraînement sportif) publié par l’École de Joinville traite dans sa deuxième partie de l’entraînement sportif dans les sports individuels et les sports collectifs. Même s’il ne fait pas référence au domaine scolaire, il est intéressant de repérer les traitements appliqués aux activités athlétiques. Dans les sports individuels, on trouve trois groupes. Dans le premier groupe figurent les activités suivantes : marche (normale et athlétique), course (vitesse, relais, haies, demi-fond, fond), saut (longueur, triple saut, hauteur, perche), lancement (poids, disque, javelot, marteau). On s’éloigne ici de la description d’actions athlétiques ou d’exercices athlétiques pour aller vers des spécialités athlétiques codifiées, reconnues institutionnellement, et une proposition de démarche d’apprentissage analytique organisée autour des techniques sportives.

13Sans prétendre à l’exhaustivité, l’exemple de ces deux conceptions, celle d’Hébert et celle de la Méthode française, partie entraînement sportif, permet de conclure à une utilisation variée des activités athlétiques pouvant être définies tantôt comme des exercices athlétiques, tantôt comme de l’athlétisme de performance ou encore comme un ensemble de techniques parfois isolées du contexte de performance qui leur donne sens.

1.3 – Et à l’école ? Contexte scolaire et EP

14Le Manuel d’exercices physiques et de jeux scolaires de 1907, dans la lignée des manuels précédents, peut être un élément pertinent de caractérisation des contenus scolaires concernant les activités athlétiques jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, même s’il n’est pas forcément mis en œuvre. Pour rappel, dans ce manuel, les leçons d’EP d’une heure contiennent sept séries d’exercices. Parmi celles-ci, trois renvoient plus particulièrement à ce que nous nommons des activités athlétiques.

15Pour les enfants de moins de 13 ans (c’est-à-dire la majorité des enfants scolarisés), ces séries renvoient à des courses, sautillements, danses et jeux impliquant l’action de courir, des sauts variés de pied ferme et avec élan et des jeux gymniques impliquant le saut. Mais les exercices préconisés ne renvoient pas à des activités de performance et de compétition. On trouve par exemple du pas de course, des sauts à cloche-pied, des jeux tels que le chat perché et Colin Maillard dans lesquels des actions de courir et sauter sont concomitantes et repérées. Ces actions ne sont pas au service de la performance mais au service du jeu.

16Pour les enfants de plus de 13 ans, on repère une évolution dans la forme que peuvent prendre ces activités athlétiques. Ainsi par exemple, au chapitre des courses, on trouve des courses à cadences variées (entre 100 à 115 pas complets à la minute, au-delà de 120 on passe dans les courses de vélocité). On trouve également des courses de vitesse graduées avec 30 mètres maximum pour les filles et 60 mètres maximum pour les garçons et enfin des courses de fond graduées sur 3 minutes maximum. Le lancer de boulet est évoqué.

17Pour les élèves de 16 ans et plus, les courses de fond graduées peuvent atteindre 5 minutes et les courses de vitesse jusque 80 mètres. Au programme figurent également pour eux des rallye-paper et des courses au clocher qui sont caractérisées comme des courses de grand fond ne pouvant être réalisées sans entraînement préalable et sans avis médical (7 à 8 km à travers champs). Concernant les sauts, en plus des sauts à la perche (sauts préparatoires, sauts en profondeur, sauts en longueur avec élan, sauts en hauteur avec élan, mélange des sauts), des sauts successifs sont évoqués (franchir la plus grande distance possible en trois enjambées après 10 m d’élan et appel à partir d’une zone tracée au sol) et des sauts de haies : course de 10 m environ puis haies successives (de 3 à 10) espacées de 10 m et hautes de 80, 90 cm ou 1 m. On entre cette fois, pour les plus âgés, dans la logique de performance en passant progressivement d’actions décontextualisées du contexte de performance ou de victoire athlétique, au service d’un autre but que leur simple efficacité, à des activités qui intègrent ce contexte.

18Au-delà de l’exemple du Manuel de 1907, on peut se demander pourquoi ces activités sont programmées et choisies durant cette période. Les activités athlétiques entrent dans la gymnastique d’application, c’est-à-dire dans la seconde partie de la leçon de la Méthode française. Ce sont des exercices généralisés qui visent majoritairement une dimension hygiénique et trouvent des applications utiles. Elles renvoient sans aucun doute à la méthode naturelle mais trouvent dès le début du siècle leur place dans l’évaluation des effets de l’EP (voir la fiche d’évaluation proposée à la fin du Manuel) : « Les résultats individuels de l’EP doivent en définitive, se manifester par des choses tangibles […] ce sont une marche et une course de résistance plus durables, une course de vélocité plus vive. Ce sont des sauts plus hauts et plus longs, des chutes plus assurées. C’est une habileté à grimper ou à franchir des obstacles ; une adresse plus grande à lancer des projectiles ; une aptitude plus grande à se mesurer avec un adversaire… » [6]. Dans le tableau d’évaluation intégré au manuel, on trouve ainsi une partie réservée aux activités athlétiques qui sont le témoin de progrès réalisés en EP. Les épreuves sont les suivantes : course de vitesse et de durée, sauts avec et sans élan en hauteur et en longueur.

19Ainsi, les activités athlétiques sont très présentes, comme support d’une partie de la leçon mais aussi comme outil d’évaluation. Elles permettent d’évaluer les effets de l’EP sans qu’aucune justification ne soit pourtant apportée. Pour la majorité des élèves, la pratique se restreint à des pratiques décontextualisées de la performance. La forme des activités athlétiques est donc en phase avec la définition de l’EP scolaire : une EP dans laquelle le sport n’a pas encore droit de cité. Rien d’étonnant dans la mesure où l’EP n’est pas encore sportive (Arnaud, 1995).

20L’athlétisme en tant que pratique sportive n’a donc pas sa place en tant que telle dans l’école, ou à la marge. Il s’agit de redresser et de développer les corps par des exercices éducatifs puis de mettre en œuvre les qualités travaillées à travers des exercices d’application. Cet état de fait est en totale cohérence avec les pédagogies scolaires dans lesquelles il s’agit d’apprendre une règle, de répéter des exercices visant à l’intérioriser puis à l’appliquer à travers un problème. Les activités (exercices, techniques ou actions) athlétiques en font partie au même titre que les jeux qui eux sont plus généraux. Elles semblent ainsi représenter une possible transition entre des exercices de développement et des applications de type « jeux » (Terret, 2002). Le milieu fédéral en est cependant persuadé, l’athlétisme doit avoir une place plus large dans la leçon : «… l’athlétisme nous paraît être la méthode d’éducation physique qui s’impose et qui convient le mieux à la jeunesse française. Du reste, toutes les méthodes actuellement préconisées réservent une large part aux courses et concours athlétiques ; alors pourquoi ne pas décréter l’athlétisme méthode nationale d’éducation physique. Car enfin, l’athlétisme est à la base de tous les exercices physiques et de tous les sports [7]. » La période suivante sera celle de la mise en œuvre ce projet.

2 – L’athlétisme sport de base au service des valeurs scolaires et d’une nouvelle légitimité de l’EPS (1941-1967)

2.1 – Le contexte fédéral

21À partir des années 1940, la pratique fédérale se centre de plus en plus exclusivement sur la performance. Celle-ci se diversifie et prend plusieurs formes en même temps que les jeunes athlètes, filles et garçons, femmes, deviennent un public qu’il faut prendre en considération et à qui il faut donner la possibilité de pratiquer davantage et autrement (Roger, 2002 ; Rosol, 2005). Compétitions adaptées, épreuves de masse, pédagogies nouvelles autour du jeu et conquête de l’école sont autant de réponses prenant en compte la nécessité de commencer la formation sportive plus tôt pour espérer voir fleurir des champions français. L’athlétisme devient un sport d’enfant, alors qu’il était jusqu’alors, au niveau fédéral, réservé aux adultes. En 1952, la FFA reconnaît la catégorie minime, puis la catégorie benjamin en 1967 (Roger, 2002).

22Ainsi, les conceptions de l’entraînement athlétique sont questionnées par rapport à ce nouveau public et les programmes scolaires le sont aussi. L’EPS est en effet envisagée par les dirigeants de la FFA comme une propédeutique à l’entraînement en athlétisme : « tant que les professeurs d’éducation physique n’auront pas pour mission essentielle d’enseigner l’athlétisme » [8], le niveau des athlètes français ne pourra augmenter. Pour eux, l’entraînement ne peut être pensé qu’en continuité avec le travail réalisé à l’école par les jeunes athlètes. De la même manière, pour la majorité des dirigeants, « il va de soi que les trois branches classiques de l’athlétisme : course, saut, lancer, constituent le véritable alphabet des jeux scolaires » [9]. Le plan de formation de l’athlète devient clair. L’école doit se charger de l’initiation et de l’orientation, la FFA se chargera du perfectionnement des athlètes afin de l’emmener vers la performance.

23Dans ce concert de déclarations des responsables fédéraux, il semble se dessiner l’idée que l’athlétisme est un sport de base et, à ce titre, incontournable. Dans la lignée des années 1930, l’athlétisme tient une position dominante, idéologiquement du moins. Tout d’abord, l’athlétisme s’appuie sur une motricité supposée « naturelle » et utilitaire. Il est perçu comme le premier des sports pratiqués par l’humanité et ferait à ce titre partie du patrimoine anthropologique de l’homme. De cela naîtra bientôt l’idée qu’il est donc un sport de base. Il est d’ailleurs celui qui est le plus prisé des journaux de l’époque par rapport aux sports collectifs notamment. Le glissement s’opère d’un sport originel, pratiqué de tout temps par les hommes, le premier sport, à l’idée d’un sport de base (Terret, 1998).

24Ensuite, l’athlétisme renvoie à des valeurs attendues dans l’institution scolaire : effort et mesure. Ainsi, contrairement aux autres sports présentés comme une alternative à l’EP traditionnelle, l’athlétisme semble au contraire s’inscrire dans la continuité. Il est présenté comme une pratique ingrate et fatigante. Il est synonyme de souffrance physique et morale, d’ascétisme. Il est un modèle de méritocratie. Cette vision s’accorde bien avec les valeurs de l’école. L’athlétisme est ainsi considéré pour la part de lui-même compatible avec l’école.

25De plus, en athlétisme, les performances sont mesurées et repérées par le chiffre. Il existe des tables de cotation et des comparaisons possibles entre individus. Cette caractéristique est particulièrement intéressante au moment où l’évaluation au baccalauréat devient obligatoire en 1959 (Terret, 2002).

26Enfin, l’athlétisme est investi également d’une mission de préparation aux autres sports. Il hérite ainsi d’un statut privilégié dans le cadre des apprentissages sportifs. Il est donc tout à la fois prolongement et fondement de l’EP. Il est envisagé comme le sport par excellence, fondement et synthèse de tous les autres. « Si l’on ne sait pas courir, sauter et lancer, on ne peut décemment se livrer à aucun sport [10]. » On est ici au cœur de la notion de « sport de base ». Dès lors, l’athlétisme et plus précisément le savoir athlétique devient propédeutique à tous les apprentissages sportifs et s’impose comme contenu d’enseignement prioritaire à l’école mais également dans le monde sportif [11]. La convergence de ces facteurs fait de l’athlétisme une référence culturelle pour l’EP : sport de base, valeurs et mesure (Terret, 2006).

2.2 – Maurice Baquet et Jean Vivès : deux conceptions incontournables

27Jusqu’aux IO de 1967, Maurice Baquet (directeur de l’INS et entraîneur de haut niveau) et Jean Vivès (enseignant à l’ENSEP) marquent les travaux concernant l’enseignement de l’athlétisme. Les savoirs athlétiques à transmettre aux élèves se fondent sur deux aspects développés par ces auteurs : des valeurs et des techniques. Baquet, dans Éducation sportive, initiation et entraînement (Godin, 1942), pose les bases des représentations dont il vient d’être question : l’athlétisme et plus particulièrement les courses sont considérés comme le sport de base par excellence. Quatre raisons majeures sont avancées : c’est un sport utile (se sauver d’un danger), hygiénique, à la base de l’entraînement de tous les sports collectifs et il a une influence non seulement sur le développement des qualités physiques (résistance et vitesse en particulier) mais également sur les qualités morales. Pour lui, il faut commencer par développer la résistance grâce à la course de demi-fond puis seulement ensuite s’attaquer à la vitesse. On parle ici de spécialités athlétiques et de performance.

28Au-delà des aspects physiques, il envisage l’athlétisme comme une véritable école de la vie. La compétition, que l’on ne peut dissocier de la pratique de l’athlétisme, est de ce point de vue un moyen pédagogique adapté car elle engendre des progrès et les stimule. Elle permet la formation du caractère. Elle est une voie d’accès à un savoir moral. Cependant elle nécessite des ajustements scolaires. Pour Baquet, il convient de procéder par groupes de niveaux et classements collectifs pour éviter le culte individuel. Enfin, l’athlétisme permet de donner le goût de l’effort, l’ascétisme car la performance en athlétisme ne vient qu’après le travail.

29Chez Vivès, le positionnement est différent mais pas contradictoire. « En athlétisme, un écart quel qu’il soit : écart de vie, d’entraînement, de technique, est immédiatement sanctionné. L’athlétisme ne fait pas crédit. Mais il rembourse largement, si on lui a beaucoup sacrifié… » (p. 27). L’ouvrage qu’il publie en collaboration avec A. Leroy en 1949, Pédagogie sportive et athlétisme, porte un sous-titre révélateur des intentions des auteurs : « Pourquoi enseigner le sport, comment l’enseigner ; étude rationnelle de l’athlétisme ». Il s’agit pour eux de proposer une conception ludique de l’athlétisme opposée à l’ennui et à la souffrance qui semblent lui être associés. L’idée est de rénover l’enseignement de l’athlétisme et de privilégier à cette fin le jeu global plutôt que les apprentissages analytiques. Il s’agit d’allier rationnellement le travail technique avec le travail foncier, sans dissocier dans l’enseignement le développement des qualités physiques (perfectionnement foncier obtenu par des éducatifs spéciaux et des activités et sports complémentaires) et le perfectionnement technique, et sans dissocier non plus initiation et compétition envisagées comme « complémentaires et nécessaires toutes les deux à l’éducateur » (p. 21).

30Dans leurs propositions, des pistes d’innovation apparaissent autour du type de pédagogie à mettre en œuvre : « … encourager les élèves à rechercher les solutions de courts problèmes techniques ou tactiques » (p. 33) et corriger les fautes, « non dans l’effet uniquement, mais dans la cause ». Les propositions de Vivès et Leroy apparaissent comme extrêmement novatrices au regard du contexte mais elles tarderont cependant à se concrétiser dans les pratiques. Un des axes forts de ces propositions est la prégnance d’un athlétisme ludique en opposition avec les valeurs scolaires centrées sur l’austérité. Avec ces auteurs, l’athlétisme devient une pratique fondamentale parmi d’autres plutôt que le sport de base par excellence.

2.3 – L’athlétisme au service de l’EPS

31À l’école, il revient surtout aux IO de 1959 de réaliser l’intégration de l’athlétisme au rang de sport de base, du moins en théorie, dans les textes. L’initiation sportive entre dans la partie « gymnastique fonctionnelle » de la leçon alors qu’elle était prescrite jusqu’alors dans le cadre de la demi-journée de plein air. Le texte de 1959 propose dans ce cadre d’accorder « une attention particulière […] à la trilogie : courses, sauts, lancers, afin de préparer les élèves d’une part aux épreuves physiques des examens traditionnels, d’autre part, à la pratique future de l’athlétisme, discipline essentielle » [12]. L’athlétisme (au sens d’activité sportive sur le modèle fédéral) prend sa place dans la partie fonctionnelle de la leçon sous la forme d’un apprentissage technique (initiation sportive) tout comme les activités athlétiques contribuant au développement normal de l’enfant, au développement des capacités organiques et foncières ou à l’affinement du geste naturel. Qualités physiques, gestes techniques, gestes naturels, valeurs… toutes ces composantes sont ainsi présentes en un même temps scolaire et brouillent les cartes entre un athlétisme sportif et un athlétisme « naturel ». En tout état de cause, le texte rappelle bien que « la place faite au sport proprement dit (compétitions et performances codifiées) se situe sauf exception non pas au coin de ces deux heures mais dans le cadre des séances de plein air où la plus large part lui sera réservée par tout professeur ou maître et, il va de soi dans le cadre de l’association sportive scolaire » [13].

32Ainsi, si dès les années 1940, l’hébertisme est utilisé pour assurer une formation pré-sportive aux élèves, les familles marche, course, saut et lancer peuvent constituer une forme transitionnelle vers l’athlétisme. On passe progressivement des techniques utilitaires aux techniques sportives. Une complémentarité se dessine entre méthode naturelle et athlétisme (Roger, 2010), la première servant de préparation au second dans de nombreux discours d’entraîneurs par exemple comme Joseph Maigrot, entraîneur national à l’INS [14]. Dans les années 1950, l’athlétisme devient le sport par excellence, celui auquel une attention particulière doit être accordée. Seules les spécialités compatibles avec l’espace scolaire entrent cependant à l’école [15].

33Son statut particulier transparaît encore plus clairement dans la place qu’il occupe dans l’évaluation au sein du système scolaire français très sensible au contrôle des résultats (Maccario, 1982). Les activités athlétiques occupent bien avant 1945 une place particulière dans les évaluations proposées en EP du Code de la force d’Hébert (1911) en passant par la mesure de la « VARF » [16] ou le BSP. Toutes les évaluations s’appuient en effet sur des épreuves athlétiques, ce qui est encore le cas pour l’évaluation facultative d’EP au baccalauréat de 1941. La réforme du CAP en 1953 aboutit à un examen constitué d’épreuves de saut en hauteur, poids, vitesse, résistance (garçons seulement) et en 1959 l’évaluation obligatoire comprend trois épreuves athlétiques. Ces textes ne changeront pas avant 1983.

34L’athlétisme donne les moyens aux enseignants de contrôler les savoirs enseignés. Cependant, l’enseignant est limité à l’évaluation des performances et n’évalue pas l’apprentissage des savoirs athlétiques (valeurs ou techniques). Les tables de conversion des performances en points, telle la table Letessier (Fortune et Saint-Martin, 2008), vont dès lors devenir un des outils les plus utilisés par les enseignants. Ainsi, comme le confirme Thierry Terret (2002, pp. 55-56), « par l’intermédiaire de la mesure athlétique, l’EPS accentue sa valeur scolaire offrant ainsi à l’athlétisme un nouveau levier pour sa propre légitimité ». La mesure des performances rend ainsi légitimes les activités athlétiques en milieu scolaire de par leur conformité avec les valeurs du système éducatif : classement et rigueur par exemple.

3 – L’athlétisme scolaire comme préalable à l’athlétisme de compétition (1967-1980)

3.1 – Le contexte fédéral

35Si, dans la période précédente, les jeunes athlètes deviennent un sujet de réflexion, les premières étapes s’appuient essentiellement sur l’organisation de compétitions leur étant ouvertes. Dans les années 1960-70, la FFA va plus loin sous l’impulsion du directeur technique Robert Bobin. Elle met en place des structures pour organiser la pratique des jeunes athlètes et forme des cadres pour un entraînement spécifiquement conçu pour les jeunes catégories. Il ne s’agit plus seulement de les licencier mais de leur offrir des possibilités de pratiques et contenus adaptés. La « révolution copernicienne fédérale » que nous évoquons par ailleurs (Roger, 2002, p. 94) semble être en marche. La création des écoles d’athlétisme en 1973 dans le cadre de la politique de développement mise en place par Robert Bobin en est une des étapes.

36Le contexte de ces années s’avère compliqué car le discours fédéral se trouve confronté aux réflexions nouvelles des acteurs de l’EPS qui revendiquent une centration sur « l’appropriation, et non plus sur la transmission, par un élève en activité, des savoirs sportifs… » [17]. Des propositions très différentes cohabitent autant dans le milieu fédéral que scolaire. Il est donc particulièrement délicat de caractériser une conception fédérale unique, d’autant plus que certains enseignants d’EPS sont également investis dans ce milieu. Ce qui semble pourtant faire consensus, c’est la conception d’un athlétisme de performance décliné pour différents publics.

3.2 – Les propositions fédérales autour de Robert Bobin : Athlétisme pour tous [18]

37La nouveauté des propositions faites par Robert Bobin en direction des jeunes athlètes concernant l’entraînement en athlétisme passe essentiellement, dans la lignée directe de Vivès, par l’affirmation de la nécessité d’entretenir une dimension ludique. La volonté d’identifier des éléments techniques de base plus simples que ceux mis en œuvre par les sportifs de haut niveau est également caractéristique de sa conception. La forme collective dans les compétitions et la pratique multiforme tiennent une place importante. Plus qu’une réflexion sur les savoirs athlétiques à enseigner, c’est davantage le type de pédagogie employé qui est ici mis en question. Les techniques restent le support essentiel de l’initiation athlétique mais elles se fondent sur des objectifs éducatifs intégrant l’enfant.

38La publication du numéro spécial de la revue de l’AEFA « Écoles d’athlétisme » en 1973 constitue un événement important concernant les conceptions de l’athlétisme à proposer à l’enfant. Il se veut une synthèse ouverte des conceptions existantes. Robert Bobin y affirme la nécessité d’expliciter « une approche technique et pédagogique de l’enseignement de l’athlétisme au bénéfice des jeunes » et de rénover également le programme de compétitions et les structures d’accueil les concernant. L’enfant doit apprendre les principes clés de tous les gestes techniques sans spécialisation ou encore les « techniques de base » de toutes les spécialités avec des moyens appropriés. Il doit vivre selon les mots de Bobin, « un athlétisme de formation » dans lequel il construira « les bases élémentaires des gestes athlétiques » avant d’aller vers une activité plus complexe. Cette approche, très proche des conceptions de l’EP scolaire des années 1940-1960 organisée autour d’exercices éducatifs appliqués ensuite dans un cadre plus complexe ou exigeant, est relayée et diffusée par la revue de l’amicale des entraîneurs français (A.E.F.A), largement associée à la dimension collective de la pratique de l’athlétisme. L’apprentissage passe bien d’abord par une « décomplexification ». Dès 1959, la mise en place des nouveaux programmes de formation des entraîneurs intègre cette démarche et contribue à la généralisation du modèle. Le public des « jeunes » y est pour la première fois traité comme un public spécifique. Le jeune athlète n’est plus perçu comme un adulte en miniature, mais comme un être spécifique doté d’une -provisoire- finitude. Cependant, même si un frémissement se fait jour, les pratiques dominantes ne mettent toujours pas l’enfant au centre des réflexions. Le poids des traditions est important et la FFA reste une fédération au service des adultes comme à son origine. L’institution s’est construite dans cette logique et les acteurs ont du mal à s’en affranchir.

3.3 – Les stages Maurice Baquet et l’Amicale de l’ENSEP

39Cette volonté de prendre en compte les enfants comme public à part entière et de concevoir « un sport à la mesure de l’enfant, c’est-à-dire un sport qui ne doit prendre ni l’aspect d’une pratique inconsidérée, ni celui d’une pratique inconsistante » [19] est clairement affichée dans le mémento FSGT publié en 1970. En 1974, des illustrations détaillées sont publiées concernant l’athlétisme. « Nous sommes réso-lument tournés vers un athlétisme de déve-loppement. Nous recherchons des situations pédagogiques où l’enfant pourra inventer ses propres réponses et déployer une activité véritable [20]. » La différence de démarche est clairement posée entre les documents fédéraux (FFA) insistant essentiellement sur la dimension ludique mais en gardant une centration sur les « gestes justes », « les techniques » et cette démarche nouvelle issue du monde scolaire et en EPS du courant scientifique, portant sur l’activité de l’enfant et la prenant comme point de départ (Goirand et al., 2004). L’ouvrage de l’amicale de l’ENSEP, intitulé L’activité physique de l’enfant paraît en 1977 ; il insiste également sur le caractère inadéquat des propositions fédérales : « Poser le problème des progrès de l’enfant à partir d’exercices-clés est un non-sens. Il est préférable de fonder la démarche pédagogique sur l’activité de l’enfant » (p. 16). Ainsi, ces publications engagent à passer d’une pratique de l’athlétisme proposée aux enfants à une activité athlétique intégrant l’enfant, « d’un sport pour l’enfant à un sport de l’enfant ».

3.4 – L’athlétisme dans la programmation et les IO de 1967

40Qu’en est-il dans le texte central de cette période : les IO de 1967 ? Elles citent cette fois explicitement l’athlétisme comme une activité à programmer alors que les autres activités (sauf natation et gymnastique) sont citées sous forme de familles. La programmation de l’athlétisme représente 20 à 25 % des activités programmées en collège et visant la finalité de maîtrise du milieu. « Les obstacles y sont normalisés et les règles sportives permettent de les affronter dans des conditions bien définies telles que l’élève ou l’étudiant puisse mesurer ses progrès, par rapport à lui-même et aux autres [21]. » Il nécessite un « ajustement du comportement psychomoteur au cadre physique… » [22] et vise le développement des aptitudes physiques et psychomotrices de l’élève. Ainsi, au chapitre des effets attendus, les dimensions organiques et foncières et la coordination motrice générale sont centrales concernant l’athlétisme. Cependant, il contribue également à développer un certain nombre de valeurs liées à la morale de l’effort. « L’éducateur qui utilise ces types d’activités se donne pour objet de faire acquérir à l’élève ou à l’étudiant le goût de l’effort, l’aptitude au dépassement de soi, l’ambition de s’imposer dans le cadre de sa vie active (IO 1967) [23]. » Ce discours renvoie sans aucun doute à ceux de Maurice Baquet ou Jean Vivés quelques années plus tôt.

41Enfin, concernant le programme pour l’athlétisme, un équilibre est observé entre courses, sauts et lancers et la démarche s’organise comme suit : fixation d’objectifs techniques pour chaque niveau de classe, recherche de la forme adaptée du geste, utilisation de ces gestes en compétition.

42Finalement, au moment où les instructions officielles de 1967 et la programmation jointe font office de guide pour les enseignants, les démarches et les contenus d’enseignement sont questionnés. En athlétisme, comme dans les autres APS, différents modèles émergent allant de démarches technicistes à des démarches plus constructivistes, les premières étant majoritaires. À titre d’exemple, il est visé pour les 6e-5e en saut en hauteur « le ciseau simple sur trois, quatre, cinq foulées », alors que pour le saut en longueur, il est préconisé de « courir régulièrement et chercher à sauter loin vers l’avant avec une zone d’appel large et des formes compétitives diverses, collectives ou individuelles ». Deux modèles sont donc ici présents pour une même APS dans un même texte, même si cela concerne deux spécialités différentes. Dans les textes du moins, la place de l’athlétisme semble être devenue moins importante que dans la période précédente, car partageant le temps d’éducation avec d’autres familles d’APS, avec une centration sur les dimensions techniques, organiques et foncières et morales de l’activité. Toutefois, la place centrale dans l’évaluation reste de mise, bien que l’influence des sports collectifs grandisse durant cette période aussi bien dans le sport fédéral que dans l’éducation physique scolaire.

4 – Les activités athlétiques, des activités parmi d’autres mais de plus en plus « scolaires » (des années 1980 à nos jours)

4.1 – Les pratiques sociales entre santé, loisir, plaisir et performance

43Cette période est caractérisée par une évolution forte des pratiques sociales ayant pour objet l’athlétisme dans toutes ses dimensions : pratiques de loisir et de santé, évolution du registre de compétitions à destination de tous les publics, prolongation de l’ouverture des pratiques envers les plus jeunes. La conquête du système scolaire est réaffirmée comme un enjeu pour la FFA afin d’alimenter les clubs [24] et d’enrayer la perte du nombre de licenciés dans les jeunes catégories. Pour concrétiser ce projet, et grâce notamment à l’interface que représente le sport scolaire, la FFA tente de retisser, après une rupture qui semblait s’être opérée entre les mondes fédéral et scolaire au milieu des années 1970, des liens avec les enseignants d’EPS à partir de différentes stratégies : propositions de nouvelles formes de pratiques, formations des enseignants d’EPS, conceptions d’outils didactiques et pédagogiques pour les aider à enseigner l’athlétisme.

44Ainsi, suite à la réduction du forfait d’animation de l’AS de trois à deux heures en 1978, la profession s’engage dans un travail de réflexion sur les contenus et pratiques du sport scolaire. Jacques Piasenta développe au sein de l’Union Nationale du Sport Scolaire (UNSS) une formule intitulée « Athlétisme 80 ». Ce dispositif s’ancre sur les objectifs suivants : « découverte de l’éventail du registre athlétique, pratique à la carte pour l’élève, permettre à tous les élèves de se distinguer, favoriser la compétition par équipe et prendre en compte le droit à l’erreur et développer la responsabilisation des jeunes » [25]. La cotation individuelle des performances de chacun au service de la performance collective d’une équipe [26] rompt avec le jugement individuel dominant tant en EPS qu’au sein de l’athlétisme fédéral. L’athlétisme revisite ainsi la conception d’une activité réglementairement centrée sur la performance et l’activité individuelles du pratiquant. Le collectif, l’équipe ou les autres sont garants d’un athlétisme scolaire spécifique et différent du milieu fédéral.

45Ce sport scolaire apparaît ainsi comme une voie de rénovation possible de l’enseignement de l’athlétisme, une voie de transition entre un enseignement traditionnel et un enseignement plus collectif et ludique mettant véritablement en activité athlétique l’élève. Cette conception émanant de l’UNSS sera à l’origine des évolutions fédérales concernant la formation du jeune athlète que l’on retrouve notamment dans L’athlétisme éducatif de Charles Gozzoli et Jean-Paul Bourdon (2006) [27].

4.2 – Des propositions diverses pour un athlétisme scolaire

46En s’appuyant sur l’analyse proposée par Raymond Dhellemmes [28], il semble possible d’identifier trois conceptions de l’enseignement de l’athlétisme sur la période considérée : une conception formelle toujours présente et déjà identifiée dans les périodes précédentes, une conception fonctionnelle également identifiée, mais balbutiante et une conception stratégique qui semble pouvoir caractériser les évolutions les plus récentes [29].

47Le premier virage dans la lignée de celui amorcé par les stages Maurice Baquet, est la formalisation d’une approche s’inscrivant en rupture avec un athlétisme formel pour aller vers une démarche plus fonctionnelle [30] au milieu des années 1970. La critique essentielle du modèle formel est une centration sur une forme d’exécution finalisée par une performance mesurée selon les standards fédéraux. Des tentatives pour une démarche plus fonctionnelle, ciblée sur l’accès pour les élèves au sens des pratiques athlétiques, conduisent à des propositions qui « recourent toutes à des mises en situation compétitives et surtout ludiques » [31], mais aussi à l’acquisition de compétences techniques ainsi que la valorisation des motivations, du plaisir et de la réflexion sur la pratique. Cette évolution se poursuit par la proposition d’une approche stratégique allant dans le sens d’une mise en activité technique des élèves. Les épreuves certificatives pensées dans les années 1990 semblent aller dans ce sens en intégrant dans l’évaluation la dimension « projet » de l’élève. Selon Raymond Dhellemmes, le type d’approche adopté par les enseignants varie en fonction des spécialités enseignées. Ainsi, « les courses de relais et de demi-fond s’appuient souvent sur une approche stratégique, les concours saut en hauteur et lancer, la course de vitesse sur une approche plutôt formelle, les courses d’obstacles et multi-sauts sur une approche fonctionnelle ». Finalement, l’enseignement de l’athlétisme en l’EPS se caractérise par un éclectisme de conceptions et Thierry Tribalat signale même une contradiction entre l’athlétisme enseigné et l’athlétisme évalué, le premier étant davantage à dominante fonctionnelle quand les textes tirent vers un athlétisme stratégique [ 32].

4.3 – L’athlétisme dans les programmes, les programmations et l’évaluation

48Au début des années 1980, les programmes d’EPS étant toujours peu contraignants, l’athlétisme conserve une place de choix dans les programmations des établissements malgré l’existence de sept groupements d’activités physiques et sportives. Cette place privilégiée est renforcée par les textes de 1984 relatifs aux examens où l’athlétisme fait toujours partie des épreuves obligatoires (avec la natation et la gymnastique). Les conditions de pratique et les modalités d’évaluation au baccalauréat font que les activités athlétiques sont donc massivement enseignées. Les contenus d’évaluation se centrent sur des épreuves « traditionnelles » [33] conformes à la culture athlétique de référence, mais intégrant des modalités d’évaluation prenant en compte l’activité de l’élève (maîtrise de l’exécution et connaissances pratiques). Dans le cadre plus général de la rénovation des contenus d’enseignement et de l’évaluation en EPS (notamment avec l’impact du nouveau bac en 1984), on assiste à une limitation de la prise en compte de la performance par une centration sur les apprentissages des facteurs d’exécution rendant possible cette performance au regard des ressources de l’élève.

49Après quelques tentatives en 1993, l’évaluation en EPS pour le baccalauréat est de nouveau rénovée en 1995. L’athlétisme appartient cette fois à un groupement d’activités parmi d’autres et perd ainsi sa position dominante (avec la gymnastique et la natation). Les programmes à partir de 1996 évoquent des spécialités athlétiques sans évoquer l’athlétisme de façon globale. Certaines spécialités sont d’ailleurs écartées des listes nationales et tout l’athlétisme ne peut donc plus être enseigné (il ne l’était déjà pas totalement : marteau, perche, 3000 steeple). La construction d’épreuves scolaires permettant de répondre aux objectifs de la discipline ainsi qu’aux motivations des élèves devient une volonté organisatrice. Ainsi, les épreuves de 3x500 m et de pentabond apparaissent dans les épreuves d’évaluation et sont dans un premier temps largement critiquées quant à leur manque apparent d’ancrage culturel. Pourtant, Alain Soler évoque à leur sujet en 2003 « des épreuves non fédérales mais vraiment culturelles » [34] mettant l’accent sur les émotions athlétiques qu’elles permettent de vivre et les savoirs athlétiques qu’elles impliquent et montrant à quel point elles se rapprochent de ce qui est mis en jeu dans la pratique d’athlétisme de haut niveau [35].

50Concernant la programmation des activités athlétiques, l’étude réalisée dans l’académie d’Aix-Marseille entre 2004 et 2006 montre une persistance forte des spécialités athlétiques dans les établissements malgré un contexte difficile où elles apparaissent comme des activités austères, ennuyeuses et répétitives, saturées de qualités innées. Ainsi, l’étude évalue l’ensemble des spécialités athlétiques programmées à un peu plus de 20 % du volume total des pratiques proposées aux élèves, contre 30 % aux sports collectifs, 16 % aux activités de raquettes, 10 % aux activités gymniques et moins de 6 % pour les activités de combat. Évidemment, ces chiffres demandent à être nuancés dès lors que l’on entre dans une analyse fine de la répartition entre les spécialités elles-mêmes. Un déséquilibre fort en faveur des courses longues (1/2 fond, course en durée et 3x500 m) est en effet repérable, les sauts et les lancers étant majoritairement délaissés. Pour aller plus loin, les chiffres proposés cette fois par Thierry Tribalat à propos du baccalauréat d’EPS en 2006 pour l’académie de Lille [36], sont également très instructifs. Si on enlève les épreuves de durée et de demi-fond, les épreuves athlétiques représentent à peine 4 % de la notation. Par contre les quatre épreuves : badminton, course de demi-fond, de durée et volley-ball représentent à elles seules 44 % des notes.

Les activités athlétiques à l’école : entre Compétence propre n° 1 et Compétence Propre n° 5, entre performance et santé ?

51Alors que l’athlétisme s’était éloigné d’un de ses objectifs originels, la santé, la discipline renoue fortement avec cette problématique historique au milieu des années 1990 [37]. Ainsi, la course de durée, activité physique prometteuse de santé, trouve des répercussions concrètes dans l’enseignement de l’EPS avec les Activités de Développement et d’Entretien Personnel (A.D.E.P.), associées à la compétence culturelle n° 5 puis aujourd’hui à la compétence propre n° 5. Ces pratiques centrées sur l’entretien de soi et la pratique individuelle existent et se développent dans le champ social de l’athlétisme : la course sur route dont l’essor date des années 1980 (Defrance 1989), l’athlétisme « loisir-santé » avec à titre d’exemple la marche nordique pour laquelle la FFA a reçu une délégation de la part du ministère des Sports, les épreuves de trail (courses en nature). On observe ainsi dans les textes un glissement des activités athlétiques traditionnellement centrées sur des performances mesurées et des confrontations vers un athlétisme pour soi, de loisir et de bien-être. La question est ainsi posée par Francis Bergé et Marie Marion : « la course en durée pour l’entretien de soi, est-ce encore de l’athlétisme ? » [38]. Et la réponse est claire : « L’activité course en durée doit donc être considérée comme une activité physique d’entretien de soi. Cette activité est en rupture totale avec la course de demi-fond ou la course de longue durée qui, elles, se réfèrent explicitement à des disciplines de l’athlétisme et donc au premier type de compétence : réaliser une performance mesurée à une échéance donnée [39]. » Ainsi, si le constat des pratiques athlétiques au lycée montre une domination sans partage des activités de course longue : demi-fond, 3x500 m aux examens, course en durée, il convient de distinguer des statuts différents en fonction des finalités assignées. Différentes modalités de pratiques athlétiques coexistent donc.

52Néanmoins, cette typologie de pratiques n’est pas identique au collège (Couturier, 2006). La programmation des activités athlétiques y est plus diversifiée (mais toutefois circonscrite à certaines spécialités [40]) et les formes scolaires de pratique dépassent la seule course de durée. L’EPS au collège s’inscrit davantage dans une pratique polyvalente avec pour objectif la formation de l’athlète complet. Ainsi, nous pouvons conclure que l’athlétisme en EPS s’inscrit dans un projet technique de formation de l’élève ayant comme objectif d’atteindre « le niveau 2 de compétence dans au moins une APSA de chacun des huit groupes d’activités à l’issue du collège » [41]. Concernant le lycée, la domination des activités de locomotion de durée (de courte durée comme le demi-fond et de longue durée comme les activités de la CP5) est effective. L’athlétisme est ici une pratique permettant d’accéder à une finalité essentielle et historique de l’EPS : la santé.

53Finalement, la place et le statut des activités athlétiques se sont transformés depuis la fin du XIXe siècle selon plusieurs axes. Le balancement entre athlétisme et activités athlétiques en fonction des finalités et de la conception plus ou moins sportive de l’EP en est un. La performance est ainsi tantôt un moyen d’évaluer l’efficacité de l’EP, tantôt une fin en soi, tantôt la grande absente. Les pratiques se structurent, se développent et évoluent en fonction des dynamiques de l’athlétisme fédéral et des spécificités du système éducatif. D’exercices athlétiques issus de la méthode naturelle de Georges Hébert à des formes de pratiques scolaires athlétiques influençant l’athlétisme fédéral des jeunes, les activités athlétiques ont revêtu des formes diverses et plurielles dont nous avons tenté de montrer les transformations.

54De la fin du XIXe siècle jusqu’à Vichy, les pratiques athlétiques, conformément à la demande sociale, répondent à des finalités hygiéniques. Le symbole de cette période est le BSP et son contenu athlétique référé à un projet de santé pour tous. L’EPS recherche également cette finalité de façon prioritaire en utilisant des contenus athlétiques ciblés sur la méthode naturelle. Dans cette période émerge la volonté de développer un athlétisme de performance qui serait la continuité de la condition physique. Enfin, les activités athlétiques n’ont pas obligatoirement un caractère austère, les jeux athlétiques et formes collectives existant également.

55Dans la période suivante jusqu’aux IO de 1967, l’athlétisme intègre le système éducatif comme un certain nombre d’autres APS qui fonderont le socle des sports de base (athlétisme, gymnastique, sports collectifs, la natation ayant ce statut également, mais la réalité des installations sportives faisant qu’elle était moins pratiquée). L’athlétisme occupe une place centrale dans les contenus scolaires, place qui sera renforcée par l’évaluation. On observe une continuité des pratiques athlétiques : enseignement dans le cadre de l’EPS, certification aux examens, pratique compétitive au sein de l’AS et ensuite pratique fédérale au sein des clubs de la FFA. C’est à cette période que les conceptions fédérales et scolaires sont formalisées par des protagonistes ayant souvent une implication plurielle (notamment Maurice Baquet et Jean Vivès) : entraînement sportif, formation des cadres, méthodes d’enseignement de l’athlétisme en EPS. L’athlétisme épouse ainsi les valeurs du système scolaire : ordre, rigueur, mesure, classement et compétition. Les activités athlétiques deviennent, pour l’EPS, l’outil de mesure des aptitudes sportives et athlétiques.

56De 1967 aux années 1980, les pratiques athlétiques dans les milieux scolaire et fédéral, prennent en compte davantage l’enfant et ses ressources. Un athlétisme se structure avec des compétitions adaptées aux motivations des élèves et des pratiquants et les formes de collaboration se multiplient entre les enseignants d’EPS et les entraîneurs d’athlétisme. Le lien entre ces deux champs se structurera fortement autour du sport scolaire et des formes de pratiques, avec notamment l’émergence d’un athlétisme collectif. Les activités athlétiques occupent une place toujours aussi significative dans les programmations d’APS ainsi que dans les épreuves de certification.

57Concernant les trente dernières années, l’athlétisme se transforme avec un retour à une de ces finalités originelles : la santé et le bien-être. Les pratiques athlétiques sont donc plurielles et se démultiplient en fonction des mobiles d’agir des pratiquants : compétitions, courses hors stade, pratiques non compétitives. Chacune de ces modalités de pratique se retrouve en milieu scolaire : courses de haies, multibonds, lancers… (CP n° 1), course tout terrain (CP n° 2) ou course en durée appartenant à la CP n° 5. Mais l’évolution des programmes d’EPS fait passer les activités athlétiques d’un statut de pratique dominante à une activité programmée comme les autres APS. Cette réduction implique une redéfinition dans le choix des activités athlétiques à l’école. Ainsi, la course de demi-fond devient le socle commun des pratiques athlétiques scolaires au détriment des autres secteurs comme les sauts et les lancers, la course longue ayant un lien ténu avec les notions de condition physique et de santé.

Bibliographie

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : valeurs, conceptions, école, programmes scolaires, athlétisme (et/ou activités athlétiques), éducation physique et sportive

Mise en ligne 09/12/2011

https://doi.org/10.3917/sta.094.0085

Notes

  • [1]
    De nombreux éléments de réflexion se trouvent dans l’ouvrage : Terret Thierry, Fargier Patrick, Rias Bernard, Roger Anne, L’athlétisme et l’école. Histoire et épistémologie d’un sport éducatif, Paris, L’Harmattan, 2002.
  • [2]
    L’USFSA avait été créée le 31 janvier 1889, sur l’initiative de Georges de Saint-Clair, à partir de l’ancienne Union des Sociétés Françaises de Course à pied (USFCP). Elle s’élargit très vite à la plupart des sports pour qui elle organise les divers championnats.
  • [3]
    Marianne Lassus (2000) précise notamment à ce sujet que l’athlétisme semble s’être « d’abord constitué sur un modèle professionnel, avant que la discipline ne soit peu à peu contrôlée par les élites sociales sur le modèle anglais ». Elle évoque deux types de pratiques professionnelles : le « pédestrianisme » et « l’athlétisme exhibition », dans lesquelles les pratiquants gagnaient de l’argent. Elles coexistent jusqu’à la Première Guerre mondiale puis progressivement le modèle amateur va s’imposer.
  • [4]
    Georges Hébert, Le Code de la force, Paris, Vuibert, 1911.
  • [5]
    On en trouve un exemplaire dans le supplément sur le BSP dans L’Athlétisme, n° 107, 15 avril 1937.
  • [6]
    Manuel d’exercices physiques et de jeux scolaires, Paris, Hachette, 1918, p. 265.
  • [7]
    « L’athlétisme est la meilleure méthode d’éducation physique », Athletic, n° 77, 26 octobre 1933.
  • [8]
    Gaston Meyer, L’athlétisme, 1956, p. 252.
  • [9]
    Roland Hervet, « Une opinion », L’Athlétisme, n° 90, février 1951.
  • [10]
    Paul Méricamp, L’appel à l’athlétisme, L’athlétisme, n° 12, 15 avril 1946.
  • [11]
    André Gardien, Athlétisme sport de base ou la charrue avant les bœufs, L’athlétisme, n° 51, février 1948.
  • [12]
    Instruction du 20 juin 1959. Complément à l’instruction du 1er octobre 1945 à l’usage des professeurs et maîtres d’éducation physique et sportive
  • [13]
    Ibid.
  • [14]
    Joseph Maigrot, Un précurseur de l’entraînement moderne, in Merci Joseph !, n° spécial de l’Amicale des Entraîneurs français d’athlétisme.
  • [15]
    Pas de course de steeple, de lancer de marteau, de marathon par exemple…
  • [16]
    Le coefficient VARF correspond à un indice de robusticité calculé dans les années 1930 par le docteur Marc Bellin du Coteau sur la base de l’évaluation des quatre grandes qualités physiques : vitesse, adresse, force et résistance (voir M. Labbé, Traité d’Éducation physique, 1930). L’évaluation se fait essentiellement sur la base d’épreuves de course et de lancer.
  • [17]
    Marcel Berge, in L’EPS face au sport, 15 acteurs témoignent, Centre EPS et Société, 1999.
  • [18]
    Titre de l’ouvrage publié par Robert Bobin en 1967 aux éditions Amphora et republié à de nombreuses reprises.
  • [19]
    Athlétisme, basket-ball, football, gymnastique, hand-ball, judo, natation, rugby, voile, volley-ball pour l’enfant, Mémento FSGT, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1970, p. 2.
  • [20]
    Claude Vasseur, Athlétisme, Mémento FSGT, 1974, p. 18.
  • [21]
    Instructions Officielles 1967.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    Ibid.
  • [24]
    En mai 2010, est renouvelée la convention signée entre la FFA et le ministère de l’Éducation nationale. À cette occasion, Bernard Amsalem, président de la FFA affirme : « L’école doit rester le vivier de nos clubs et donner envie aux jeunes de pratiquer l’athlétisme, quel que soit leur niveau. » Concrètement, cette nouvelle convention doit notamment « favoriser la pratique de l’athlétisme dans le cadre obligatoire de l’EPS à l’école et lors des activités périscolaires ainsi que l’organisation et la participation des élèves aux rencontres sportives ».
  • [25]
    Jacques Piasenta, L’éducation athlétique, Paris, INSEP, 1988, p. 242.
  • [26]
    C’est le début des rencontres nationales comme les Jeux de l’UNSS dont la première édition a lieu en 1980.
  • [27]
    Charles Gozzoli et Jean-Paul Bourdon, L’athlétisme éducatif. Savoir Gagner, 2006.
  • [28]
    Raymond Dhellemmes, Quelles pratiques d’enseignement de l’EPS en Activités Athlétiques Scolaires? Une démarche et un outil d’analyse, Revue Contrepied, n° 19, 2006.
  • [29]
    Dans l’ouvrage EPS au collège et athlétisme, INRP, 1995, Raymond Dhellemmes propose une démarche permettant de rompre avec une approche formelle pour se centrer sur l’activité adaptative de l’élève confronté à l’athlétisme au travers de trois activités : triple saut, course de haies et lancer du javelot.
  • [30]
    Dhellemmes, 2006.
  • [31]
    Ibid.
  • [32]
    Thierry Tribalat, Statistiques aux examens : quelques remarques, Revue Contrepied, 2006, n° 19.
  • [33]
    La circulaire n° 84-295 du 10 août 1984 portant organisation de l’épreuve d’EPS des baccalauréats et brevets de techniciens précise que les candidats effectueront une course de durée, une course (vitesse, haies, 1500 m), un saut et un lancer. On constate la permanence de la course d’endurance (continuité d’une référence à la santé et à la robustesse physique) ainsi qu’une conception d’un athlétisme polyvalent.
  • [34]
    Alain Soler, Regard sur l’évaluation certificative en EPS, Revue EPS, n° 301, 2003.
  • [35]
    Voir également à ce sujet : Alain Soler, L’inévitable originalité et l’indispensable authenticité des formes scolaires de la pratique de l’athlétisme scolaire, Regards croisés, 2006, pp. 17-26.
  • [36]
    Thierry Tribalat, Statistiques aux examens : quelques remarques. Revue Contrepied, 2006, n° 19.
  • [37]
    La publication du rapport INRP signé par Robert Mérand et Raymond Dhellemmes en 1988 intitulé : Éducation à la santé, endurance aérobie, contribution de l’EPS, nous semble être révélatrice de ce tournant.
  • [38]
    Francis Bergé et Marie Marion, La course en durée pour l’entretien de soi, est-ce encore de l’athlétisme ?, in Anne Roger (éd.), Regards croisés sur l’athlétisme. AFRAPS, 2006.
  • [39]
    Regards croisés, 2006, p. 65.
  • [40]
    Les programmes du collège de l’enseignement de l’éducation physique et sportive du 28 août 2008 font apparaître les activités athlétiques suivantes : demi-fond, haies, hauteur, javelot, multi bond, relais-vitesse.
  • [41]
    Programmes du collège de l’enseignement de l’éducation physique et sportive du 28 août 2008.
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