Staps 2011/1 n°91

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Article de revue

Le dopage : entre culpabilité individuelle et responsabilité collective

Pages 87 à 99

1Malgré les violations globales des normes, le dopage continue toujours à être déclaré et attribué presque exclusivement au comportement déviant de personnes particulières dans le discours public. Au centre de l’attention se trouvent les athlètes, mais également les entraîneurs, les dirigeants, les managers, les médecins ou les pharmaciens. On leur reproche des actes perfides de tromperie cachés derrière une façade de loyauté, soutenus ou tolérés afin d’augmenter les performances athlétiques ou de supprimer les véritables désavantages ou simplement redoutés par rapport aux concurrents. Dans une telle perspective, on peut désigner clairement et directement les individus qui se trouvent sur une fausse piste ou qui sont des individus fautifs. Plus les noms sont réputés dans la dynamique de scandales de dopage, plus la réaction du public est grande. On présume des facteurs d’impulsion comme une motivation exagérée de réussite, l’addiction à la gloire, la cupidité et la dépravation morale. En fonction de ces facteurs les réactions sont simples. La devise est : « Arrêtez les coupables et punissez-les ! » et on d’avis de mettre durablement à sec les « bas-fonds du dopage » qui s’est développé entre-temps, grâce à la combinaison de contrôles, de punitions et d’un réarmement accompagné moral. Sans clarifier les contextes et les arrière-plans du dopage, on personnalise, moralise et singularise les délits de dopage.

2Si les fédérations sportives, les médias, le droit et l’éducation, et même la majorité des critiques en matière de dopage se concentrent principalement sur les personnes et leurs actions en construisant ainsi une réalité, c’est la tâche des sociologues de contourner ce schéma d’observation largement diffusé et dangereux, et de le compléter par un système plus complexe de la réalité. Par une telle démarche, le comportement fautif des individus ne sera pas relativisé ou excusé, mais simplement mis en évidence dans un contexte plus large. Dans une perspective sociologique, il est clair que le dopage n’est pas une soudaine malédiction à laquelle le sport de haut niveau ne s’attendait pas, ni un but simplement déduit de l’inventaire de la personnalité des athlètes, des entraîneurs, des dirigeants et des médecins. Dans le langage du sociologue américain de technologie Perrow Charles (1) le dopage apparaît plutôt comme un « accident normal » (normal accident), qui se reproduit à nouveau en raison de conditions sociales bien précises.

3Dans la suite, cette idée sera élaborée en trois étapes. Le premier chapitre identifie la constellation d’acteurs déterminants qui, d’une façon structurelle, prêtent main-forte au développement des conduites dopantes ; il indique les conséquences principales qui s’ensuivent et qui se sont produites jusqu’à présent pour le sport de haut niveau. La deuxième partie examine le dopage comme une innovation illégitime. Sous le mot-vedette « management de la constellation », le troisième point fort tire des conclusions concernant les formes futures de prévention ; celles-là ne partent pas du sujet mais impliquent les acteurs qui d’une façon intentionnelle ou inconsciente aident à engendrer le dopage.

1 – Les acteurs de constellation

4L’hypothèse la plus répandue est que certains délinquants individuels se trouvant sur une mauvaise voie, avec des traits de caractère négatifs et de bas motifs sont responsables des pratiques de dopage dans le sport de compétition. La base de cette hypothèse est une des idées culturelles directrices de la société moderne : la notion de l’autonomie du sujet. Les hommes sont et doivent être autodéterminés dans leurs actions. Et si ce n’est pas le cas, ils doivent y être aptes par des mesures éducatives appropriées. Par rapport à cette appréciation élaborée développée au siècle des Lumières, la sociologie adopte une position critique. Les sociologues relativisent l’idée de l’autonomie comme une description de faits ; ils soulignent plutôt l’implication des individus dans des contraintes sociales (2). En employant cette perspective sociologique et critique de la modernité, la pratique universelle du dopage montre que ce sont moins les athlètes individuels qui agissent d’une façon autodéterminée ; ce sont plutôt des constellations d’individus qui sont les vrais acteurs de la violation de normes dans le sport professionnel moderne. Les dynamiques propres à la déviance et au renforcement de la déviance impliquent de plus en plus les athlètes dans le problème du dopage, au niveau national et international et dans presque toutes les disciplines sportives. Le dopage n’est donc pas quelque chose qui survient à un athlète – à l’exception des cas dans lesquels les sportives et les sportifs sont dopés à leur insu. L’abandon de tout esprit de fair-play, la tromperie sont devenus des choix stratégiques, des calculs rationnels faits avec sang-froid par les acteurs sportifs pour s’adapter aux possibilités et aux contraintes de leur milieu. Les fédérations sportives, mais aussi tout le système éducatif, juridique, ainsi que les médias se fondent dans leur explication du recours au dopage sur la volonté autodéterminée d’agir et sur les traits de caractères ; étant donné ce diagnostic, cette explication n’est pas seulement problématique mais empêche la solution du problème (3).

5En essayant de répondre à la question dans quels contextes structurels les figures sociales du sport agissent et comment ce contexte marque leurs actions, l’observateur sociologique tombe d’abord sur la logique du sport de compétition à laquelle les athlètes doivent se soumettre sans réserve. Pour tous ceux qui participent à une compétition les uns contre les autres, l’idée directrice de leurs actions est le code inter--individuel de la victoire et de la défaite. Cette orientation directrice a institutionnalisé des compétitions impitoyables et a stabilisé des concurrences internationales. Une seule personne peut gagner. La devise olympique exprime clairement cette logique, une logique qui vise à augmenter le niveau et à se dépasser : citius, altius, fortius. L’objectif paradoxal de l’action sportive de haut niveau consiste à ne pas exprimer de but final du développement des performances ni à le fixer. La tension issue de l’incertitude de la concurrence et de ses résultats est le corrélatif vécu de situations qui sont soumises à la logique victoire / défaite. Les spectateurs sont fascinés par cela. Ainsi, le deuxième élément de la constellation d’acteurs qui engendre le dopage peut être nommé : le public sportif. Pendant les décennies récentes, le sport d’élite, grâce à une demande accrue et à une amélioration des possibilités techniques, est devenu un élément solide et central des loisirs modernes et de l’industrie des loisirs. Les motifs du public sportif peuvent être nommés comme suit : des compétitions sportives sont passionnantes jusqu’à un degré insupportable, elles forment une île de diversion et d’incertitude divertissante. Les spectateurs en tant qu’observateurs externes peuvent participer à une mise en scène de conflits sociaux, sans qu’il soit exigé d’eux de produire des performances. En observant la maîtrise des crises par les athlètes, le spectateur s’oublie lui-même et ses problèmes ; il atteint ainsi un état d’oubli de lui-même et de son existence. Les compétitions sportives sont toujours intéressantes pour le public, car elles permettent des expériences esthétiques corporelles ; elles permettent des expériences collectives sans avoir besoin d’intimité et de proximité. Dans un monde d’horizons de temps dispersés, des discontinuités et ruptures biographiques, le sport des spectateurs ouvre en outre une sphère de fiabilité et de continuité. Le rythme de compétitions sportives peut apporter un appui, aider à structurer la vie quotidienne et créer un lien avec le passé. Enfin, le sport rend possible un mode inoffensif de culte du héros. Le public peut participer à un monde fermé dans lequel les individus ou les groupes peuvent encore être décisifs de façon visible et compréhensible. Le héros sportif se justifie par ses seules performances, et non par l’application pré-moderne de la distribution des positions, telles que la naissance, l’âge, la religion ou l’origine sociale.

6Qu’est-ce que ces divers intérêts du public ont à faire avec le dopage ? Dans le contexte du problème du dopage, le public sportif apparaît comme une collectivité désorganisée, qui par sa demande e records sportifs distribue de façon sélective l’attention sociale : admiration pour les favoris du succès et privation d’attention pour les perdants. En outre, ce public apporte sa contribution de façon à ce que d’autres groupes de référence découvrent le sport de haut niveau ; ils le confrontent avec de nouvelles possibilités et contraintes. Lorsque des millions de spectateurs allument la télé parce qu’ils veulent participer à un grand événement sportif, ils déclenchent une dynamique que le téléspectateur individuel ne peut pas contrôler. Même les adversaires déclarés du dopage au sein du public sportif feront partie du problème du dopage, car par leur intérêt pour le sport, ils contribuent au fait que les acteurs extra-sportifs développent un intérêt pour le sport de haut niveau ; ceux-ci rendent disponibles des ressources pour ce domaine social et puis ils implanteront une pression énorme concernant les attentes envers ceux qui, en fin de compte, doivent fournir les résultats et qui sont professionnellement dépendants d’eux.

7La demande de performances sportives extraordinaires par le public soulève l’attention des médias. Ainsi, l’acteur suivant de la constellation entre en scène. La radio, la télévision et les journaux n’informent pas leurs auditeurs, leurs lecteurs, leurs téléspectateurs sur des événements sportifs pour des motifs altruistes, ils se servent du sport dans le but de satisfaire leur auto-référentialité de façon optimale. Les médias préfèrent des informations qui possèdent une haute valeur en nouveautés, qui promettent des conflits, qui permettent des compensations quantitatives, qui montrent des rapports locaux, nationaux et internationaux, et qui, en plus, peuvent être personnalisées et moralisées (4). Le sport de haut niveau satisfait ces besoins d’une manière particulière.

8Par leur aptitude à reproduire et à diffuser les interactions avec l’aide de réalisations techniques, les médias suscitent les intérêts de deux autres systèmes sociaux ; ceux-ci –l’économie et la politique – contribuent par leurs orientations spécifiques à favoriser une disposition au dopage dans le sport de haut niveau de façon transintentionnelle. Les deux champs fonctionnels peuvent être désignés comme associés parasites d’un intérêt public élevé et d’une demande des médias. Les sponsors introduisent de l’argent dans le sport, afin d’augmenter le rendement économique maximum avec l’aide d’acteurs sportifs et de situations sportives. Le sport n’est pas seulement un moyen séduisant de publicité, mais aussi un débouché intéressant pour des biens de consommation. La politique subventionne le sport de haut niveau pour l’aider de façon subsidiaire, mais surtout pour attirer l’attention du public sur les politiques et leurs intérêts à être réélus. La politique est une question de pouvoir. Le public sportif est utilisé par les politiques dans le sens d’un « basking in reflected glory » afin de se faire connaître comme quelqu’un qui sponsorise le sport, par sa propre clientèle politique. Quoi de plus efficace pour le rétablissement du sentiment de la collectivité et pour la représentation de la nation à l’étranger que des victoires sportives sur le parquet international ?

9L’économie et la politique ainsi que le public et les médias ne veulent pas comprendre leur implication et leur rôle dans le problème du dopage ; ils confrontent les athlètes et les fédérations avec des pièges relationnels multiples qui se soutiennent mutuellement : les politiques se montrent indignés si des sportifs sont reconnus coupables de dopage ; ils demandent une intervention plus énergique par les fédérations et ils participent avec l’argent des contribuables à la lutte contre le dopage ; en l’absence de médailles, ils diminuent de façon rigoureuse les sommes d’argent, destinées à promouvoir la chasse aux médailles, pour les sports moins éminents. Les sponsors savent que seul un sport qui peut se présenter comme « propre » peut servir leurs intérêts à long terme ; ils introduisent, par conséquent, des clauses antidopage dans les contrats d’athlètes, pour impressionner le public. Si des athlètes parrainés manquent de réussites, les sponsors passent vite à des athlètes ou à des équipes ayant plus de succès. En fin de compte, les entreprises ne veulent pas encourager les perdants d’une discipline, mais produire un transfert de renommée avec l’aide des meilleurs athlètes et des équipes de tête. Mais comment les athlètes internationaux participant à des compétitions de haut niveau sur le plan international peuvent-ils réussir si en raison d’un manque structurel de transparence ils ne peuvent pas connaître exactement les moyens légaux et illégaux utilisés par les concurrents ? Pour éviter des inconvénients réels ou seulement imaginaires, chaque athlète est contraint en quelque sorte d’envisager des formes alternatives et même illicites pour augmenter la performance. Seule la haute performance est garante de l’appui offert par les entreprises et par la politique, ainsi que de l’attention des médias et du public.

10On peut désigner les principales conséquences de l’interdépendance de plus en plus forte entre le sport de haut niveau, le public, les médias, l’économie et la politique de manière précise : il s’agit du code sportif (victoire - défaite) et de l’autoréférentialité du sport de haut niveau déjà orientée vers l’augmentation qui ont explosé démesurément (5) du fait des ressources mises à la disposition par des acteurs venus de l’extérieur. L’argent se déverse dans les clubs et les fédérations. Des centres, des internats et d’autres institutions de promotion du sport de haut niveau peuvent ainsi être mis en place. Des entraîneurs professionnels trouvent un emploi et sont engagés par contrat à la réussite sportive de leurs protégés. Les sportifs qui furent dans le passé des amateurs (priorité : loisirs) deviennent des athlètes professionnels à plein-temps qui se consacrent corps et âme, même dans les sports où coule très peu d’argent. Surtout par l’intermédiaire de la pression de plus en plus montante vers la réussite, les athlètes se trouvent pris dans une situation dans laquelle la forte exigence de hautes performances attendues par public, par les médias, par la politique et par l’économie est inconciliable avec les capacités physiques et mentales des athlètes. Par le déchaînement du code de la victoire on arrive à l’installation d’un surmenage du corps et du psychisme.

11Vu ces conditions, le dopage semble donc être une stratégie pour combler le fossé entre les exigences croissantes du code victoire-défaite déclenchées par l’extérieur d’un côté et les capacités réelles du corps d’un athlète et sa condition psychique de l’autre côté, avec l’aide d’interventions technologiques et pharmacologiques. Malgré cela, l’amélioration des performances ne conduit pas à une satisfaction durable, mais appelle au contraire à toujours davantage de performances. Celui qui gagne aujourd’hui peut déjà être le perdant de demain. Et comme chaque sportif le sait, la spirale de la performance alimentée par les efforts de ceux qui veulent avoir accès aux réussites et victoires de demain est renforcée en permanence. Contrairement à la possibilité de l’augmentation infinie du code victoire-défaite, les capacités du corps et du psychisme de l’athlète sont restreintes et présentent des limites à la croissance.

12Ainsi, une matrice hautement complexe des intérêts d’acteurs différents pour le sport de haut niveau a fait son apparition, dont les attentes inflationnistes se sont propagées rapidement ; les athlètes croient qu’ils pourront les satisfaire seulement par un comportement déviant. Les athlètes sont impliqués dans un réseau relationnel complexe, qui articule de grosses attentes de performance et les fixe même par un contrat. La « totalisation du rôle des athlètes » (6) est le résultat de ce développement. La victoire est devenue une nécessité, à laquelle on ne peut se dérober que difficilement. La pression de succès produit par les structures crée une prédisposition presque irrésistible pour le dopage. Le dopage n’est donc rien d’accidentel, mais l’essence même du sport de haut niveau moderne. Le dopage est le résultat transintentionnel de la totalisation du sport de haut niveau (7).

13Une conséquence supplémentaire du déchaînement du code victoire-défaite est la montée d’une double morale ; elle capote le schéma de la morale sportive traditionnelle et la pervertit. La morale traditionnelle du sport différencie l’évaluation du sport en s’appuyant sur la différence bon / mauvais. Les bons sont ceux qui respectent les règles et les normes du sport, qui aiment le fair-play, qui respectent les postulats de l’égalité formelle et de l’incertitude des résultats ainsi que le droit sportif. Ceux qui manquent à ces lois, sont les mauvais. Quiconque respecte les règles est très estimé, et celui qui les transgresse, est peu estimé et sera sanctionné. La morale clandestine subversive conséquence de la mentalité du dopage dans le sport de haut niveau transforme le code de la morale traditionnelle du sport : ce qui a été jusqu’à présent bon et conforme aux règles devient mauvais, et ce qui est mauvais ou manque de fair-play, devient bon, aussi longtemps que cela n’est pas découvert et socialement diffamé. La double morale résulte par conséquent de l’inversion du schéma traditionnel de la morale. Ce renversement de la morale classique du sport doit toutefois être dissimulé ; sinon les acteurs du sport ne pourraient ni acquérir les ressources externes, ni la politique, les médias et le public du sport de haut niveau ne pourraient en retirer du profit. Les valeurs traditionnelles restent sur le carreau, elles conviennent donc uniquement comme citations que l’on peut ressortir dans des occasions appropriées pour faire preuve de loyauté et de traditionalisme.

14Les conditions pour le pilotage du sport d’élite ont durablement changé en raison de l’alliance avec les médias et avec les pouvoirs économiques et politiques ainsi qu’avec le public. Si la morale du sport traditionnel a été suffisante dans la phase caractérisée par une restriction des exigences pour répondre convenablement à des dysfonctionnements internes, par contre les acteurs corporatifs du sport, les fédérations, reçoivent un appui extérieur massif entraînant des contraintes et des dilemmes d’action qui compliquent et qui empêchent le respect des valeurs traditionnelles. Ceux qui font respecter d’une manière énergique les règles officielles de la lutte antidopage et les comportements exigés par les règles, ceux qui mettent les sportifs déviants hors d’état de se doper afin de protéger les sportifs respectant les règles d’une adaptation par déviance, seront punis de privation de ressources et d’attention par les acteurs externes. L’argent, l’attention des médias et du public ne seront pas donnés en permanence pour une lutte efficace contre le dopage ; ils seront donnés à ceux qui auront des médailles lors des championnats internationaux – et cela dans un sport professionnel d’envergure mondiale où le dopage est monnaie courante. Le fait que l’auto-description officielle du sport contenant « le sport propre » et le « fair-play » ait été contournée et remplacée en cachette par une morale clandestine subversive ne peut pas surprendre, vu les implications et les dilemmes d’action dans ce domaine.

15De nombreuses disciplines scientifiques se sont tournées vers le sport professionnel pour y appliquer leurs compétences ; elles tombent inévitablement dans une situation précaire, causée par le déchaînement du code victoire-défaite, la totalisation du sport de compétition et l’établissement d’une double morale : elles courent le risque d’abandonner les prémisses d’action et les normes éthiques de leur milieu scientifique et de se soumettre sans compromis à ce code impitoyable du sport de compétition – sinon elles ne seront plus demandées par le sport organisé. Les dilemmes d’action et les pièges relationnels, dans lesquels les fédérations sont tombées à travers leurs groupes de confiance, économiques, politiques, les médias ainsi qu’à travers le public du sport, sont acheminés vers des problèmes et au niveau de rôles des métiers appliqués ils peuvent causer des problèmes d’orientation, des conflits de loyauté, et – dans des cas extrêmes – une « illégalité utile » (8). Le danger de tomber dans un remous d’attente illicite est valable en particulier pour les disciplines qui – comme la médecine ou la pharmacologie – ont à faire dans leurs activités professionnelles avec des technologies de sciences naturelles et qui ont pu établir un monopole sur leur utilisation ou divulgation. Les médecins qui s’approchent trop du sport d’élite, qui ne disposent d’alternatives de travail et qui ne sont soumis à aucun contrôle efficace par des pairs, sont particulièrement en danger. Ils trouvent difficile de s’opposer à des attentes excessives par un audacieux « non », parce que cela mettrait leur future carrière en danger. Le sport de haut niveau peut offrir des revenus, le prestige, l’attention des médias, des voyages ou l’accès à des champs de recherche très limités ; cela peut s’avérer comme une liaison dangereuse subtile pour les professions orientées vers l’application. Les scandales de dopage de ces dernières années ont bien montré que certains médecins ont abandonné secrètement leur orientation de différence dominante « santé / maladie » et se sont soumis au code du sport de haut niveau « victoire/défaite ».

2 – Le dopage comme innovation illégitime

16Un secteur social axé sur la performance et le succès comme c’est le cas pour le sport de haut niveau stimule un effort individuel et organisationnel d’innovation correspondant ; l’objectif est d’améliorer les conditions de départ des principaux acteurs et d’établir une certitude d’attente concernant la réalisation des objectifs. Les mesures légitimes utilisées dans le sport sont bien connues : technique, tactique, entraînement, unités administratives sous forme de bases, de centres de préparation olympique, et d’internats d’élite du sport. Ceux-là doivent s’assurer que les athlètes ne prennent pas simplement part à des compétitions, mais qu’ils les terminent couronnés de succès. En plus de ces fautes cachées, de la manipulation de l’équipement sportif, de la corruption, de l’espionnage ou de l’entente malhonnête concernant les résultats d’une compétition, le dopage fait partie des moyens illégitimes pour atteindre la victoire et le succès. Le dopage représente donc un type d’action qui essaie d’imposer une innovation par une déviance secrète au niveau des ressources utilisées. Les athlètes qui se dopent veulent être vus de l’extérieur comme des acteurs respectant les règles officielles de leur sport. Un secteur social qui demande entre-temps des investissements de plus en plus grands pour réaliser des améliorations de performance de plus en plus petites, un secteur social qui, par cette façon d’agir, est confronté à des limites de la faisabilité physique et psychique – ce secteur dévalorise évidemment les formes d’entraînement légitimes comme moteur unique de progrès et d’amélioration pour accroître les performances des athlètes ; sans le demander explicitement, il suggère d’explorer et d’expérimenter dans les zones grises et interdites de la production de résultats. Les fédé-rations sportives formulent déjà un appel implicite au dopage quand elles fixent des normes si élevées pour la participation à des compétitions internationales que les athlètes ne croient pouvoir les atteindre que par des pratiques interdites de dopage. Les performances innovatrices concernent la dimension des résultats, les dimensions, temporelles et sociales du sport de haut niveau. En ce qui concerne la dimension des résultats, le dopage permet une manipulation très différenciée du côté subjectif du sport correspondant aux exigences de ce dernier. Par exemple, il permet d’élargir les limites physiologiques ; il permet d’utiliser les réserves autonomes qui normalement sont inaccessibles à la volonté de l’athlète. Par l’ingestion de médicaments, les athlètes se mettent en mesure de pouvoir réaliser des performances qu’ils ne pourraient pas atteindre sans utiliser de tels médicaments.

17Dans la dimension temporelle, l’utilisation de substances dopantes permet une prolongation de la carrière des athlètes. Avec l’aide de l’utilisation de divers médicaments et de procédures les athlètes pourront se catapulter plus tôt parmi l’élite sportive ; grâce au dopage, ils seront également capables de briser les limites temporelles de leur carrière qui est limitée normalement par le déclin provoqué par l’âge des capacités physiques, c’est-à-dire de la prolonger sur la dimension temporelle. Là où de jeunes corps et des psychismes sont mieux adaptés que les corps adultes aux exigences de l’entraînement et de la compétition, la tentative de freiner ou d’empêcher la croissance naturelle du corps est une tentation - comme par exemple, dans la gymnastique féminine aux agrès.

18Le dopage peut en outre réduire le temps nécessaire pour guérir des blessures ou optimiser la régénération, « rationaliser » et réduire les périodes d’attente « peu productives ». Dans la dimension temporelle, le dopage est donc utile à plusieurs égards : Il accélère et ralentit les carrières sportives, il raccourcit les temps d’arrêt et synchronise la coordination entre le développement du corps et le sport de haut niveau.

19Les rendements sociaux provoqués par l’innovation s’ensuivent dans le contexte de l’escalade de la pression concurrentielle provoquée par le sport moderne de haut niveau. Non freinés par les règles formelles des fédérations, les acteurs du dopage combinent leurs actions déviantes avec l’espérance de pouvoir se procurer des avantages bien calculables dans des situations concurrentielles. Le dopage incarne – au sens propre du terme – le code victoire-défaite de façon pure. Avec l’usage du dopage, les athlètes, les entraîneurs et le soutien des acteurs de l’entourage proche aspirent à une programmation conditionnelle : une relation « si… alors… » aussi précise que possible et au moment voulu entre l’utilisation des ressources et la réalisation des objectifs. L’input du dopage devra produire un output prévisible.

20Le profit souhaité du nouveau bénéfice du dopage ne se limite pas seulement aux athlètes, il laisse également participer d’une façon parasite ceux qui exercent des fonctions assistantes rendant possibles les performances, à l’intérieur et à l’extérieur du sport de haut niveau. La capacité productive professionnelle des entraîneurs ne peut être mesurée en fin de compte que sur les résultats sportifs. Les entraîneurs se voient installés dans une situation confortable de pouvoir accroître leur réputation et leurs revenus à partir des résultats des athlètes rendus possibles par le dopage. Les politiques eux aussi peuvent prendre un bain de soleil dans la chaude lumière des victoires sportives. En plus les sponsors peuvent récolter aussi une certaine attention. Même les spectateurs qui participent aux événements par le mécanisme de l’identification avec les vainqueurs, tirent profit du dopage comme type de déviance ; il a du succès tant qu’il ne se fait pas remarquer. Ils peuvent voir des spectacles extraordinaires qui ne seraient pas possibles sans le dopage. À terme, les médias en bénéficient aussi.

21Ce sont surtout les technologies correspondant à « presser un bouton » des sciences naturelles qui doivent satisfaire le besoin de précision et de réduction de la complexité. Les pilules et les piqûres suggèrent une certitude grâce à un maniement facile et permettent également aux utilisateurs de renoncer facilement à la réflexion. Le dopage est une forme particulière d’une instrumentalisation scientifique et technologique du corps des athlètes ; cette instrumentalisation est conçue pour aider à l’élimination de la complexité existante pour pouvoir franchir ce qui est possible dans le sport. Le corps de l’athlète est la base matérielle et naturelle du sport ; on le fait plier parce que l’adaptation du corps uniquement par l’entraînement ne semble plus suffisante.

22Les conséquences négatives pour la santé déclenchées par le dopage montrent pourtant qu’il y a des limites dans le désir de construire un corps-machine qui peut être manipulé par des technologies : le dopage peut entraîner des maladies et des dommages durables - des cas extrêmes entraînent la mort. Les éventuelles conséquences physiques et psychologiques montrent bien que le dopage ne permet que d’une manière très limitée, une simplification efficace et une banalisation du corps. Les interventions dans le domaine du dopage provoquent des risques énormes ; elles ne sont efficaces que pendant une période déterminée ; on ne peut pas calculer d’une manière précise les résultats et leurs effets. Le dopage apparaît ainsi comme une stratégie paradoxale : les athlètes dopés essayent de faire de leurs efforts un investissement sûr mais qui sont en principe très risqués. Ils ont recours à des procédures dont ils pensent que les succès seront plus sûrs à espérer. Mais ces stratégies qui conduisent à une absorption d’incertitudes et de risques contiennent elles-mêmes beaucoup de risques et augmentent la complexité. Les athlètes peuvent détruire non seulement leur santé et causer de façon irréversible des dégâts ; si leur effort d’innovation illégitime est connu, ils seront punis et publiquement stigmatisés comme athlètes qui portent atteinte aux normes.

23En outre, la situation concurrentielle subie par les athlètes aboutit au fait que l’absorption d’incertitude est contrecarrée encore et encore. La raison : La coïncidence avec le dopage des autres compétiteurs réduit les bénéfices anticipés pour tous les athlètes impliqués. Même les bénéfices pionniers sont rapidement rattrapés grâce à de nouvelles technologies risquées si les autres se réarment également de la même façon. Ainsi le dopage a pour effet au mieux d’éviter un désavantage ; il prend alors le rôle pervers de produire l’égalité de chances dans des disciplines sportives contaminées par le dopage. D’un dopage offensif, dans lequel il n’y a que très peu d’athlètes qui réalisent un avantage secret envers des concurrents non-dopés, résulte rapidement un dopage défensif, dès que les Co-concurrents en ont fait autant. Ainsi se produisent des spirales montantes progressives d’une déviance qui s’intensifie. Les concurrents s’observent pendant les compétitions ou pendant l’entraînement ; malgré cela ils ne peuvent pas acquérir une connaissance profonde et valable concernant les activités dopantes de l’adversaire, ce qui a pour effet de renforcer la déviance. La méfiance reste - même si tous les athlètes affirment solennellement qu’ils seraient « propres ».

24Jusqu’à ce point, il devrait être clair que l’analyse du dopage centrée sur l’individu passe complètement à côté de l’essentiel. Les causes et les dynamiques de la déviance se situent aule niveau interindividuel de constellations sociales complexes. Pourquoi est-ce que de plus en plus d’athlètes se trouvent sous une pression de réussite qui les fait recourir au dopage comme stratégie de solution à leurs problèmes ? On peut bien trouver une réponse précise à cette question en utilisant une analyse de la constellation. Le facteur essentiel est que même les acteurs, qui provoquent la pression pour réussir, ne peuvent pas l’arrêter purement et simplement. Eux aussi n’agissent pas de leur plein gré et ils ne stimulent pas intentionnellement les violations de normes ; mais ils sont soumis à leur tour à des contraintes structurelles. En fin de compte, chaque acteur agit totalement dans son optique de façon rationnelle : les entreprises veulent faire de la publicité avec le sport d’élite et vendre des produits, les hommes politiques veulent se situer à proximité des intérêts du public sportif et accroître ainsi leur chance d’être élus ; les médias veulent augmenter leur audience et réussir un grand tirage. Et le public veut participer à des événements sportifs passionnants, afin de lutter contre l’ennui, vivre des sentiments de communauté et de voyeurisme inoffensifs, accumuler des expériences esthétiques ou admirer les héros.

25Tout cela n’est pas à condamner. Cependant le dopage montre que des actions rationnelles concernant l’objectif visé et orientées vers un but, si elles se produisent dans des contextes de constellations complexes, causent assez souvent des effets non-intentionnels, contre-intuitifs et hautement problématiques ; ils s’enracinent dans une dépendance historique (path dependance) et s’opposent avec obstination à un changement.

3 – La lutte contre le dopage comme un management de constellations : possibilités et limites

26Comme le sport de haut niveau fait partie intégrante d’une constellation stable d’acteurs, une solution radicale (plus de dopage) du problème n’est pas à attendre et ne peut pas être réalisée. Le seul objectif accessible ne peut qu’enrayer le dopage de façon efficace. Les activités de la lutte contre le dopage pratiquées dans le passé peuvent être réparties pour la plupart en deux groupes : contrôles et sanctions d’une part, raffermissement pédagogique de caractère d’autre part. Les contrôles antidopage interviennent après coup - jusqu’à présent avec peu de succès. Mais même si l’on pouvait améliorer sensiblement les mesures de contrôle, il resterait comme inconvénient un dopage inévitable dès le départ. Éventuellement, à la longue, les sanctions pourraient produire un effet de dissuasion, mais seulement avec des contrôles continuels très laborieux.

27Contrairement aux sanctions, qui constituent une forme de conduite extérieure, les efforts pédagogiques visent à ancrer le respect des normes à l’intérieur même du groupe des athlètes. Les initiatives concernant le fair-play et l’éthique essayent de renforcer les capacités de résistance des athlètes au dopage. Du point de vue de la sociologie, la lutte contre le dopage ne peut pas exclusivement et même pas en premier lieu miser sur des mesures fixées à l’individu. Les contrôles et les sanctions ainsi que les mesures renforçant le caractère et les initiatives concernant le fair-play ne sont pas inutiles, mais ils demeurent pour le moins incomplets, s’ils ne sont pas accompagnés de mesures efficaces au niveau structurel et interindividuel. Le dopage étant un phénomène transintentionel de constellations, c’est en fin de compte la constellation qui engendre le dopage : la constellation doit être changée. C’est pourquoi la lutte contre le dopage doit être conçue et réalisée avant tout comme un « management de constellations » (9, 10, 11). Les actions de lutte contre le dopage devraient être coordonnées avec tous les acteurs de la constellation. La devise est : les problèmes générés collectivement ne peuvent être résolus que collectivement. C’est un fait reconnu pas seulement pour le dopage mais aussi pour de nombreux autres problèmes (exemples : la pollution de l’environnement, la maladie de la vache folle, la course aux armements) qui ont surgi dans les sociétés modernes par le fait que les acteurs s’empêtrent dans des problèmes et provoquent des effets transintentionnels.

28Que pourraient faire les groupes de références externes pour aider le sport dans cet essai pour enrayer le dopage ? Dans leur propre intérêt, ils devraient faire valoir leurs langages spécifiques de guidage pour encourager les fédérations sportives à un changement auto-initié. La politique consciente de son importance aurait pour tâche de faire entrer son pouvoir dans le jeu, pour transmettre le message au sport organisé, que le dopage n’est plus rentable. Les instances gouvernementales compétentes pourraient lier l’allocation de subventions à des mesures efficaces de lutte contre le dopage et aider le sport par une loi rigoureuse contre le dopage pour pouvoir attaquer les personnes qui tirent les ficelles et qui sont derrière les athlètes. Les entreprises devraient seulement sponsoriser les fédérations qui soumettent les athlètes à des tests antidopage inopinés et qui ont mis au point un système d’inscription concernant leur lieu de séjour et leurs changements d’adresse. Les organisateurs de meetings ne devraient inviter aux compétitions généreusement rémunérées que les athlètes qui se sont soumis d’une manière incontestable aux obligations de contrôle. Les médias par ex. auraient la tâche d’accompagner la transmission d’informations et de résultats de commentaires critiques sur les événements sportifs. Et le public sportif, bien qu’il ne s’agisse pas d’une collectivité organisée, devrait soutenir la lutte antidopage de mesures d’intérêt ou d’absence délibérée d’intérêt. Les sciences pourraient également accompagner ces initiatives par l’élaboration de méthodes appropriées de détection et par la production de vérités intersubjectives, et aussi par la formulation de savoirs d’orientation. Une « table ronde » devrait coordonner toutes ces actions, c’est ainsi que le sport organisé pourrait apprendre à renoncer au dopage comme une innovation illégitime et mettre en place un changement autonome correspondant.

29Les problèmes suivants concernant le management de constellations sont cependant à attendre – une « table ronde » ou une « action concertée » devrait les résoudre. Premièrement : la diffusion de savoirs sociologiques sur la constellation d’acteurs qui engendrent le dopage est soumise aux critères de sélection et aux règles d’assimilation au sens des médias. Dans ces circonstances, les informations visant des individus et concernant l’existence et le fonctionnement d’une constellation complexe d’acteurs sont difficiles à imposer ; les acteurs des médias sont confrontés au public, qui a la possibilité d’éteindre la télé, de ne pas lire le journal ou de ne pas écouter la radio, et qui disposent donc d‘options efficaces de cessation d’information. Qui importune et ennuie les téléspectateurs avec trop d’informations sur le dopage, risque de rebuter sa clientèle ou même de la perdre.

30Deuxièmement : le discernement des acteurs de la constellation qui sont mêlés au problème du dopage, n’est pas encore très répandue. Les médias, par exemple, ne se voient pas encore comme coproducteurs du problème du dopage, malgré le fait qu’ils sont d’une importance centrale dans la chaîne d’exploitation des actions du sport de haut niveau. Il est de même pour la majorité du public qui fait semblant de ne pas voir les déviances dans le sport de haut niveau, malgré le fait qu’il échauffe la spirale montante de l’attente par son enthousiasme pour le sport, un enthousiasme avec lequel les athlètes, les entraîneurs, les dirigeants sportifs et les médecins se voient ensuite confrontés. Chacun des acteurs de constellation renvoie la responsabilité aux autres et contribue ainsi au fait que le problème du dopage est devenu permanent. La prise d’une telle position est rendue facilitée par le fait que les effets transintentionnels ne peuvent pas être réconduites de façon linéaire à des causes isolées d’origine du problème.

31Troisièmement : Une circonstance aggravante pour la réalisation efficace d’un management de la constellation s’y joint : les différents sous-groupes d’acteurs – par exemple, les différents groupes de communication ou les entreprises – se trouvent dans une situation concurrentielle mutuelle aigüe et tous ne suivent pas le même objectif. Si une station de télé renonce à diffuser un événement sportif majeur en raison des nombreux scandales de dopage, une autre station rit sous cape et prend en charge les droits de diffusion devenus vacants – comme cela s’est produit lors du Tour de France en été 2007. En outre, la concurrence réciproque des nations fait que seulement une partie des acteurs politiques soutient une politique stricte de lutte anti-dopage – surtout quand, apparemment des convictions et des identités nationales sont en cause. Cette attitude défensive, qui se trouve dans chaque groupe d’acteurs, est favorisée par le fait que le risque était reporté jusqu’à présent « avec beaucoup de succès » uniquement au détriment des athlètes (et des figures sociales du milieu encourageant). Ceux-là doivent endosser des dangers potentiels de santé parfois très graves ; ils sont les boucs émissaires qui – s’ils sont démasqués – seront sacrifiés sur l’autel des valeurs très appréciées ; ils seront sanctionnés et bafoués avec tout l’inventaire des cérémonies de dégradation sociale. En renvoyant au sport et à ses acteurs internes, les acteurs externes à la constellation se déchargent de leur complicité.

32Un quatrième obstacle réside dans l’improbabilité d’une synchronisation efficace et durable et de l’internationalisation du management de la constellation. Le sport de haut niveau est devenu un « global player » (un acteur mondial) et il a développé des organisations spécifiquement ciblées. Face à cette situation, le management de la constellation devrait couvrir non seulement les fédérations nationales du sport, mais il devrait également parvenir à réunir des acteurs mondiaux du sport de haut niveau, de l’économie, de la politique et les médias autour d’une « table ronde ». À l’instar du sport, les autres acteurs de constellation ne se sont pas encore réunis d’une manière claire dans des institutions supranationales pour traiter la lutte contre le dopage. Le manque de perspicacité montré par les acteurs en dehors du sport dans le contexte national se double et se renforce par un manque de perspicacité correspondante sur le plan international.

33Dans l’ensemble il est à retenir que les dynamiques de déviance agissent seulement d’une façon inévitable dans le cas où les conditions de la constellation, qui stimulent la déviance, demeurent inchangées. Si l’on veut vraiment agir, il y a des possibilités d’atténuer la déviance, qui pourraient être exploitées dans la lutte contre le dopage. La dynamique des spirales montantes et des effets conduisant à son paroxysme peut être limitée et réduite si l’on fait appel aux groupes producteurs du problème pour participer à la solution du problème si le choix de participer au traitement du problème existe. Reste à voir si les différentes instances montrent un intérêt durable à réaliser un management de constellation et à employer à ce sujet les connaissances sociologiques pour réduire le quota du dopage. À ce jour, il semble qu’il y ait assez d’acteurs dans le sport de haut niveau, dans l’économie, dans la politique, dans les médias et dans le public qui tirent encore grand profit de l’ « illégalité utile » du dopage caché des athlètes ; c’est pourquoi une volonté pressante globale d’un changement de la situation n’est guère probable.

Bibliographie

Réferences bibliographiques

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Mots-clés éditeurs : prévention, collectivité, dopage, responsabilité individuelle, essai

Mise en ligne 03/03/2011

https://doi.org/10.3917/sta.091.0087

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