Notes
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[1]
Les prénoms des personnes interrogées ont été modifiés afin de préserver leur anonymat.
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[2]
Si l’échec scolaire peut s’avérer être à l’origine de la mise à distance des symboles de la France, cela ne peut pas constituer un facteur exclusif d’explication. En effet, comme l’expliquent Stéphane Beaud et Michel Pialoux (2006), des jeunes diplômés peuvent se solidariser de manière ponctuelle à des actions « transgressives » en raison de leurs expériences communes de la reproduction (voire du déclassement) sociale et des stigmatisations dont ils sont les victimes.
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[3]
Farid a obtenu un Brevet de Technicien Supérieur et Yasmina est titulaire d’une licence d’économie.
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[4]
Propos recueillis par Gilles Dhers, Dino Dimeo et David Revault D’Allonnes (journal Libération du 8 octobre 2001).
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[5]
Les entretiens ayant été menés en 2003, il est possible que certains épisodes comme le coup de tête lors de la finale de la coupe du monde 2006 aient provoqué chez certains des changements de prises de positions à l’égard de ce joueur.
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[6]
Propos recueillis par Couturié Martin, (journal Le Figaro du 5 octobre 2001) et par Joël Domenighetti et Régis Testelin, (journal L’Equipe du 5 octobre 2001).
1Le 6 octobre 2001, un match de football opposant l’équipe de France à son homologue algérienne se dispute au Stade de France à Saint-Denis. Cette première rencontre officielle depuis la proclamation de l’indépendance de l’Algérie en 1962 est censée cicatriser les traumatismes liés au passé colonial et à la guerre. Contre toute attente, lors de cette soirée une partie du public siffle la Marseillaise (symbole de la République française) et les joueurs français (représentants de la nation). Zinédine Zidane, le champion français d’origine algérienne bénéficie d’un traitement plus nuancé, sa prestation étant accompagnée d’un mélange de sifflets et d’applaudissements. Finalement, pour la première fois depuis près d’un siècle d’histoire de l’équipe de France, l’arbitre décide un retour prématuré aux vestiaires suite à l’envahissement du terrain à la soixante-seizième minute.
2Ces incidents provoqués par de jeunes français et françaises renvoient aux problématiques identitaires des descendants de l’immigration coloniale (Amara, 2006 ; Gastaut, 2008 ; Harzoune, 2003 ; Ribert, 2006 ; Taïeb, 2003). Bien que la pelouse soit envahie par des individus de différentes origines (Taïeb, 2003), cette étude se focalise sur les enfants d’immigrés algériens. L’objectif consiste à identifier la complexité des rapports qu’ils peuvent entretenir à l’égard d’un tel événement. Il s’agit de mettre en relation leurs manières de construire le match France-Algérie avec leurs différentes manières d’être et de se sentir français.
3Pour comprendre cette problématique relative aux sentiments d’appartenances nationales et culturelles, il s’agit de remonter aux années 1960. Dans cette période, la France accepte en effet d’accueillir des milliers de travailleurs étrangers afin de pallier à une pénurie de main-d’œuvre. Les Algériens participent alors de manière majoritaire à ce flux migratoire en raison des accords d’Evian (signés à la fin de la guerre) facilitant leur venue sur le territoire (Gillette et Sayad, 1976 ; Weil, 1991). En 1974, lorsque le gouvernement français met un terme à cette immigration de travail, les questions liées aux appartenances nationales prennent un sens nouveau (Noiriel, 1988). En effet, avec la phase de regroupement familial qui suit, la présence des immigrés nord-africains sur le territoire s’envisage de manière durable (Weil, 1991). Un nouvel élément intègre alors les discussions : celui des enfants nés en France. Au début des années 1980, ces derniers développent en effet le « mouvement beur » afin, d’une part, de réclamer un droit à « l’égalité », et d’autre part, de marquer leurs différences vis-à-vis non seulement de la « culture française » mais également de celles de leurs pays d’origines (Derderian, 2004). Aujourd’hui, avec cinq millions de Français issus de l’immigration dont 1,3 millions d’origine algérienne ces questions continuent d’alimenter les débats politiques et intellectuels comme ont pu le révéler par exemple les différentes « affaires du foulard ». En effet, en raison de la neutralisation de l’espace public, le port du voile dans les institutions de la République (telles que l’école) est perçu comme une transgression des principes laïques d’intégration à la française.
4Dans ces débats relatifs à l’immigration, le football a toujours occupé une place centrale. D’abord utilisé comme un instrument de domination par les colonisateurs français, ce sport a ensuite constitué un moyen de résistance (Dine, 2002 ; Fatès, 2004). Ainsi, en 1958, Mékloufi et neuf autres joueurs d’origine algérienne membres de la sélection française constituent l’équipe du FLN (Front de Libération Nationale) qui devient le symbole du mouvement algérien de libération (Lafranchi, 1994).
5Par ailleurs, les compositions des équipes de France ont toujours incarné l’histoire de l’immigration. La plupart des plus grandes stars comme Kopa, Platini, Tigana etc. sont des fils d’immigrés (Beaud et Noiriel, 1990 ; Braun, 2000 ; Taïeb, 2001). Lors du match France-Algérie du 6 octobre 2001, les champions s’appellent Zidane, issu de l’immigration algérienne, Djorkaeff, originaire d’Arménie, Viera, né à Dakar etc. Cette même équipe avait été célébrée trois ans auparavant après sa victoire en coupe du monde au Stade de France face au Brésil. Des millions de personnes s’étaient alors réunies sur les Champs Elysées et dans la France entière pour acclamer ces joueurs. Les journalistes, les politiciens et quelques intellectuels n’avaient pas hésité à décrire cette victoire comme la victoire du « multiculturalisme » (Crolley et Hand, 2002 ; Dauncey et Hare, 1999 ; Dauncey et Hare, 2000 ; Dietschy, Gastaut et Mourlane, 2006 ; Dine, 2000 ; Mc Keever, 1999 ; Marks, 1999 ; O’Donnell et Blain, 1999 ; Silverstein, 2000). La sélection française (presque identique à celle alignée face à l’équipe d’Algérie) symbolisait alors la « Nouvelle France », une France « Black-Blanc-Beur » unie en dépit de sa diversité. Zidane constituait alors l’icône parfaite de cette représentation. Plus généralement, cette victoire alimenta les discussions autour des questions d’intégration. Il s’agissait de se demander si cette équipe représentait une réussite du système d’intégration à la française, ou bien si elle constituait une preuve du caractère intégré d’une diversité culturelle participant à l’accomplissement d’un projet national commun (sur le modèle d’intégration des États-Unis qui maintient les différences culturelles plutôt que de chercher à les refouler dans le privé) (Hare, 2003).
Certains préféraient cependant rester prudents en rappelant les risques de surinterprétations des liens entre le football et le social (Hare, 2003). Le sociologue Patrick Mignon (1999) considérait par exemple que France’98 permettait seulement de désavouer les propos de Jean-Marie Le Pen (le chef du Front National) lorsque, à l’occasion de la coupe d’Europe de 1996, il exprimait sa réticence à parler de sélection « française » pour une équipe composée de joueurs « noirs » et « arabes ».
L’épisode France-Algérie confirme que les rapports entre la France et son équipe nationale ne sont pas simples. Le but de cet article consiste donc à replacer cet événement dans sa complexité relative aux processus d’identification en basant l’analyse sur un cadre théorique visant à éviter les amalgames et les interprétations simplistes de la plupart des commentaires contenus dans les journaux au lendemain de la rencontre (Amara, 2006 ; Gastaut, 2008 ; Harzoune, 2003 ; Ribert, 2006 ; Taïeb, 2003).
1 – Cadre théorique
6L’événement ne devant pas se confondre avec ses aspects spectaculaires et instantanés (Bensa et Fassin, 2002), il s’agit d’en dépasser les composantes les plus visibles et de le replacer dans un contexte pertinent. Ainsi cette enquête s’appuie sur les travaux en sociologie de la socialisation inspirés des approches de Pierre Bourdieu (1979, 1980) et de Bernard Lahire (1998, 1999). De nombreuses études dans le domaine de la sociologie du sport ont déjà permis d’établir les liens entre les dispositions socialement construites des individus et la proximité qu’ils peuvent ressentir à l’égard d’une équipe ou de certains joueurs (Bromberger, Hayot et Mariottini, 1995 ; Duret, 1993 ; Faure et Suaud, 1994 ; Faure, 1996). Dans cet article, il s’agit d’examiner le détail des processus de socialisations afin de comprendre dans quelles mesures et de quelles manières des individus sont susceptibles de s’identifier (ou de ne pas s’identifier) à l’équipe de France et Zidane. Nous partons de l’hypothèse selon laquelle ces processus d’identification dépendent des manières d’être et de se sentir français, ces manières étant corrélées aux trajectoires sociales et aux différents modes de socialisations familiales, scolaires et professionnelles.
7Dans cette perspective, l’espace des immigrés (et des enfants d’immigrés) apparaissant hétérogène (Sayad, 1999), les rapports entretenus à l’égard de la France et de ses symboles peuvent donc différer selon les positions et les statuts sociaux des enfants d’immigrés algériens dont il est question dans cet article. Ces rapports sont également susceptibles d’évoluer et de diverger selon leurs trajectoires sociales. Les individus en situation d’ascension sociale développeraient des rapports à la France plus ou moins distincts de ceux s’inscrivant dans une trajectoire inverse.
8Plus précisément, leurs identifications peuvent dépendre de leurs histoires familiales, scolaires et professionnelles. En effet, les socialisations des enfants d’immigrés apparaissent parfois sources de tensions (Cesari, 1998) et à l’origine d’un « paradoxe identitaire » (Sayad, 1999) conduisant à des modes d’identification « mixtes » (Guiraud, 1987). Chaque famille d’origine nord-africaine développe son propre rapport à ce qu’elle associe à la France et à ce qu’elle relie à son pays d’émigration. De même, chaque individu va reconnaître, accepter, incorporer ou écarter tel ou tel élément selon sa position dans la fratrie et selon ses expériences à l’intérieur et à l’extérieur du cadre privé (Zehraoui, 1996). Par conséquent, il s’avère intéressant d’examiner la variable relative au genre des individus. En effet, la « domination masculine » (Bourdieu, 1998) s’exerce à la fois dans le cadre familial et en dehors. Elle concerne les femmes (Guénif Souilamas, 2000) mais aussi, de manière différente, les hommes (Kebabza et Welzer-Lang, 2003). Les différentes socialisations que cela entraîne peuvent conduire à diversifier les manières d’adhérer à ce qui est associé à la France ou à ses origines.
2 – Méthode
9Ce travail s’appuie sur les « consommateurs » (Crawford, 2004) de football au sens large. Il s’agit d’intégrer dans l’analyse les « supporters » pour qui le football occupe une grande place dans leurs vies et qui investissent une charge émotionnelle importante dans certaines rencontres. L’étude porte également sur les individus dont l’intérêt pour le sport apparaît plus lointain. Il existe en effet différentes manières de « consommer » une rencontre sportive et la distance à l’égard du sport n’empêche pas l’émergence de processus d’identification.
10Afin de comprendre comment différentes trajectoires sociales et socialisations entraînent diverses manières d’être français et de construire le match, nous avons choisi de ne pas baser l’enquête sur des données quantitatives. L’analyse par questionnaire n’aurait pas permis de relever dans le détail des histoires individuelles les éléments entraînant telle ou telle attitude à l’égard de la rencontre. Il s’avère donc davantage pertinent de baser l’étude sur des données qualitatives. Malheureusement, il n’a pas été possible d’interroger des jeunes ayant participé à l’envahissement du terrain. Par conséquent, à l’instar de Didier Lapeyronie (2006), qui étudie les émeutes urbaines de novembre 2005 à partir des discours des émeutiers retransmis dans la presse, la première source d’informations provient du visionnage de la soirée et de la lecture de quatre quotidiens nationaux : Libération, Le Figaro, Le Monde et L’Equipe. Les informations contenues dans les différents journaux ont été comparées afin de retenir seulement les données similaires. Ainsi, l’analyse des images et des propos recueillis permet de décrire les faits et constitue un moyen de relever des indications sur les responsables des incidents notamment en ce qui concerne leurs identifications et certaines caractéristiques relatives à leurs styles de vie.
11Ce mode de recueil de données présente néanmoins le risque de reproduire les représentations journalistiques. Par conséquent, ces informations n’ont de sens qu’une fois mises en relation avec les résultats émanant d’entretiens réalisés auprès de fils et de filles d’immigrés algériens. Certains étaient présents au Stade de France (Ali et Farid), d’autres ont visionné la rencontre à la télévision et l’un d’entre eux (Karim) en a entendu parler seulement au journal télévisé. Les interviews effectuées, d’une durée comprise entre 60 et 150 minutes, permettent ainsi d’identifier des divergences et des similitudes dans les prises de position à l’égard du match et certains aspects des styles de vies afin de les mettre en relation avec les particularités des trajectoires sociales et des socialisations.
12Les interviews concernent onze Français (six femmes et cinq hommes âgés de 20 à 33 ans), nés de parents issus de l’immigration algérienne, ayant grandi dans les quartiers populaires. Ils possèdent ainsi certaines caractéristiques sociales proches des jeunes ayant envahi le terrain. Néanmoins, il a été choisi d’interroger des individus dont le statut social implique de défendre et de faire respecter au quotidien les valeurs de la République française. Nous nous sommes donc intéressés à des fonctionnaires de police et des travailleurs sociaux employés par des mairies. Ainsi, si d’emblée la spécificité de cet échantillon laisse présager le rejet des sifflets à l’encontre de la Marseillaise et des joueurs, l’analyse approfondie des récits vise à montrer des variations dans les degrés et les formes d’oppositions. Il s’agit également d’identifier et d’expliquer certaines proximités entre individus que tout semble opposer.
13Dans la même perspective, il est à noter que les individus de l’échantillon possèdent des caractéristiques relativement homogènes du point de vue des positions et des statuts sociaux. L’objectif consiste en effet à repérer dans le détail de leurs socialisations les éléments entraînant des variations dans les processus d’identification. Il s’agit de montrer que des individus que tout semble réunir sont susceptibles de s’éloigner en raison des particularités de leurs histoires personnelles.
Le recueil et l’analyse des données visent ainsi à déconstruire la représentation binaire opposant la « racaille » aux « vrais jeunes » (Beaud et Pialoux, 2006).
3 – Résultats
14La présentation des résultats cherche à mettre en relief la complexité de la construction du match France-Algérie. Il s’agit dans un premier temps de comparer les individus responsables des incidents lors de la rencontre avec ceux interviewés. L’objectif consiste à objectiver les processus d’identification en les mettant en relation avec les positions et les statuts sociaux de chacun ainsi qu’avec leurs trajectoires sociales. Ensuite, l’analyse concerne spécifiquement les entretiens afin de repérer davantage dans les détails des socialisations familiales, scolaires et professionnelles les éléments permettant d’expliquer les attitudes proches et/ou éloignées à l’égard du match. Enfin, en portant le regard sur le cas de Zidane, nous verrons comment des individus adoptant des comportements en apparence similaires peuvent y attribuer des significations différentes (et inversement).
3.1 – Distinction à l’égard des symboles de la France
15En conspuant l’équipe de France et la Marseillaise (symboles de la nation et de la République française) tout en acclamant les joueurs algériens, les jeunes affichent une opposition radicale avec la vision uniformisante exprimée par Le Pen à l’occasion de la coupe d’Europe en 1996 lorsqu’il n’admettait pas que l’équipe de France soit composée de joueurs « noirs » et « arabes ». En outre, ils mettent en exergue une vision alternative au principe « d’uniformité malgré la diversité » promue à l’occasion de la coupe du monde de 1998 lorsque Zidane et ses coéquipiers représentaient l’intégration à la française avec ses principes de différenciation public/privé relatifs à la laïcité.
16Cette théâtralisation de leur « distinction » (Bourdieu, 1979) à l’égard des symboles de la France révèle leur manière de résoudre leur « paradoxe identitaire » (Sayad, 1999). Ce dernier est imputable à leur statut d’enfants d’immigrés algériens vivant en France. Néanmoins, la source principale de tels comportements ne semble pas trouver son origine dans des aspects culturels. Cela reviendrait à dire qu’en raison de leur « culture », ces jeunes ne peuvent pas s’identifier aux symboles de la France. Une telle analyse présente le défaut de fragmenter a priori le social sur une base culturelle (voire ethnique). Cela reviendrait à opérer une séparation entre les Français « de souche » et les Français d’origine algérienne en postulant qu’il existerait des différences fondamentales dans ce qui se caractériserait comme leurs « cultures ». Certes, ces jeunes expriment un sentiment d’appartenance à leurs origines culturelles en rejetant de manière ostentatoire leurs liens à l’égard de la France, mais l’explication d’un tel positionnement semble davantage liée à leurs positions et leurs statuts sociaux. Il s’agit en effet de restaurer une image détériorée par le marché du travail et parfois par l’école [2]. Beaud et Pialoux (2006) expliquent que la plupart des jeunes issus de l’immigration coloniale et des quartiers populaires (comme c’est le cas ici) font souvent l’expérience douloureuse d’un déclassement ou d’une stagnation sociale et d’un racisme ordinaire. Ainsi, dans leur quête de reconnaissance sociale que la société ne peut satisfaire, ils tendent à se replier vers la famille et le quartier pour trouver des réponses à leurs problèmes. S’il arrive que certains se tournent vers l’Islam, ceci exprime davantage une fidélité aux origines qu’un intérêt pour la religion (Tribalat, 1995) et peut s’expliquer également comme le résultat d’une adaptation aux stigmatisations dont ils sont l’objet en raison de leur position dominée dans l’espace social (Cesari, 1998).
17Cette interprétation semble confirmée par la prise de position unanime des agents interviewés dans le cadre de cette enquête. En effet, en raison de leur statut professionnel et de leurs trajectoires sociales, ils rejettent les incidents et cherchent à se démarquer des responsables.
3.2. Rejet des incidents et distinction à l’égard des responsables
18Karim: « C’étaient juste de pauvres idiots qui voulaient foutre le bordel. Ils sont comme ça. Au lieu de travailler et d’essayer de s’en sortir honnêtement, ils veulent juste créer des problèmes en se trouvant des excuses dans le fait qu’ils sont pauvres etc. Moi aussi j’étais pauvre. Je suis aussi un Beur et je ne vais pas sur les terrains pour interrompre une rencontre. Moi aussi quand j’étais petit je n’étais pas un ange. Je n’ai pas fréquenté les meilleures écoles et je n’ai pas toujours été en très bonne compagnie. Mais passé un certain âge, on est conscient de ce qui est bien et de ce qui est mal. Tout le monde peut changer. J’ai choisi de réussir. Ce n’est pas facile tous les jours mais c’est comme ça. »
19Compte tenu de leurs statuts professionnels les amenant à faire respecter les idéaux de la république, il semble inéluctable que les individus interviewés ne s’associent pas aux éléments inattendus lors de la rencontre et à leurs responsables. En effet, en tant que policiers ou travailleurs sociaux, ils se trouvent dans l’impossibilité de cautionner les atteintes aux symboles de la France sous peine d’incohérence avec leurs fonctions. Plus généralement, ce rejet des éléments inattendus se double d’une attitude de distinction à l’égard des responsables. À l’image de Karim, l’ensemble des agents interviewés attribue (avec plus ou moins de véhémence) les différents incidents à une sorte de paresse individuelle. Ils expliquent que leur situation était semblable à celle des jeunes ayant envahi le terrain et qu’ils auraient pu également « mal tourner » (Mohamed, Dounia, Hakim, Amina, Nesrine, Farid). En effet, comme la majorité des enfants d’immigrés (Noiriel, 1988), les individus interrogés ont tous grandi dans des quartiers populaires avec généralement un père ouvrier et une mère au foyer ou femme de ménage (pour Karim, Dounia et Mohamed). Leurs parcours scolaires furent difficiles et ceux parvenus à obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur [3] n’ont pas trouvé d’emploi en lien avec leurs études. Cependant, ils affirment ne pas s’être « laissé aller à se plaindre en permanence » (Amina) en choisissant de « faire des efforts pour s’en sortir » (Hakim). Ils ont donc enchaîné les emplois précaires avant de se retrouver en ascension sociale grâce à l’obtention d’un « emploi-jeune » leur ayant permis de devenir fonctionnaires. En résumé, pour les personnes interviewées, l’invasion du terrain symbolise le manque de respect des règles méritocratiques de la société que le match de football symbolise (Bromberger et al., 1995). Comme Bourdieu (1979) l’a montré, ce comportement est typique des agents dominants et en situation d’ascension sociale. Ils occultent les aspects sociologiques et opèrent une sorte de « psychologisation » du social en insistant sur la responsabilité individuelle dans les choix de vie. Ils affichent alors un discours de rupture relative à l’égard des « transgressions » de l’ordre établi par les dominants. Ce rejet apparaît encore plus virulent s’ils prêtent aux responsables quelques caractéristiques sociales communes aux leurs. Cette distinction comporte néanmoins quelques nuances (comme nous verrons avec le cas de Zidane) et ne doit également pas masquer des constructions du match France-Algérie différenciées parmi les individus interrogés.
3.3 – Distanciation systématique à l’égard des questions relatives aux appartenances
20Karim: « Pour être honnête, je ne savais même pas qu’il y avait un match France-Algérie. J’en ai entendu parler aux informations le lendemain. Cela dit, ce qui s’est passé est ridicule. C’est une grosse honte pour les Arabes. […] Mais il faut dire quand même que c’est juste l’œuvre d’une certaine catégorie d’idiots qui voient peut-être une signification ethnique dans ce qu’ils ont fait. »
21Karim apparaît totalement détaché des questions relatives aux appartenances. Le match France-Algérie ne présente en effet aucun intérêt particulier pour lui : « C’est juste symbolique. Il y a des choses plus concrètes qu’on peut faire pour l’Algérie. » Karim est en effet le seul individu de l’échantillon pour qui le football ne représente rien. Comme il l’explique : « Même si on cherche toujours à trouver des significations, ça reste du football. […] Que ce soit l’équipe de France ou l’équipe d’Algérie, ça reste des mecs qui courent après un ballon avec d’autres gars autour qui gueulent pour qu’ils courent plus vite.[…] J’ai jamais compris comment on pouvait rester devant la télé à crier après des mecs qui peuvent même pas vous entendre (rire). » S’il avait été informé de la programmation de la rencontre, il n’aurait supporté aucune des deux équipes, et même si cette soirée constitue « une grosse honte pour les Arabes, » cela ne l’affecte pas pour autant. De façon générale, il ne se sent pas concerné par les débats relatifs à l’intégration impulsés notamment lors de France’98 dans la mesure où il se considère « complètement français. » En effet, Karim n’adopte aucun comportement à ce qu’il associe à ses origines algériennes : il est athée, mange du porc, boit de l’alcool et valorise une conception « très progressiste » de la place des femmes dans la société. Son rapport à l’intégration consiste à dire « qu’on doit tous se fondre dans la société » affirmant ainsi fermement son opposition au port du voile à l’école.
22Cette distanciation systématique vis-à-vis des questions relatives aux appartenances s’explique par sa socialisation. D’abord, en ne manifestant aucune sensibilité aux problématiques liées au football, Karim cherche à se distinguer du quartier populaire dans lequel il a grandi. « À l’école, à la récré, il y avait que ça. Dans le quartier c’était pareil. Quand il y avait un match, les mecs ils parlaient que de ça. Moi j’ai jamais aimé ce sport. En plus j’étais nul. […] J’aimais bien le sport, j’ai fait un peu de tennis, de badminton et du volley au collège et un peu au lycée mais j’ai jamais été un grand sportif. C’est sûr que pour un mec c’était pas très bien vu dans le quartier ». N’adoptant pas une attitude en adéquation avec les normes et les valeurs du quartier dans lequel il vivait, Karim semble avoir subi une pression de la part de ses camarades de classes et de ses voisins pour qui le sport et en particulier le football constituait, comme souvent dans les quartiers populaires (Lepoutre, 1994), un vecteur important dans la construction de la masculinité. Au contraire, les loisirs de Karim se tournaient davantage vers la lecture et les jeux de rôles (découverts au lycée). Ils s’inscrivent en accord avec la volonté de sa mère de permettre une ascension sociale à ses enfants en orientant toute son éducation vers les loisirs qu’elle percevait comme « intellectuels ». Ainsi, elle contrôlait l’usage de la télévision et leur demandait de lire tous les soir pendant au moins une heure. Ne sachant pas lire, elle vérifiait le travail accompli en se faisant régulièrement raconter les histoires.
23En outre, Karim est le seul parmi les personnes interrogées à affirmer ne jamais avoir souffert d’une quelconque forme de discrimination relative à ses origines. De fait, tout se passe comme si cette absence apparente de domination liée à son statut d’enfant d’immigré (vivant dans les quartiers populaires) lui permettait de considérer son intégration comme allant de soi. De surcroît, Karim (le cinquième d’une famille composée de sept enfants) a été élevé par une mère célibataire qui s’attachait à contourner volontairement les aspects relatifs aux pratiques et aux traditions liées à son origine algérienne afin qu’il s’approprie les normes et les valeurs associées à la France. Karim raconte en effet que bien qu’elle ne parlait pas correctement le français, elle ne s’est jamais adressée à ses enfants en arabe. Il semble donc que certains éléments de la socialisation de Karim ne lui permettent pas de ressentir et d’exprimer un paradoxe identitaire.
3.4 – Distinction relative à l’égard des normes et des valeurs familiales
24Dounia: « Je suis algérienne mais aussi française. Donc si la France joue contre le Japon, l’Italie ou le Maroc, je suis française donc je supporterais l’équipe de France. […] Dans ce cas c’est différent. Mes racines sont en Algérie parce que toute ma famille est née là-bas. Donc pour ce match, c’est différent. Un match nul m’aurait arrangé ! […] Ça me rend folle de rage ce qu’ils ont fait parce qu’ils n’ont pas permis de montrer que le mélange des cultures était possible. »
25Contrairement à Karim, les propos de Dounia révèlent son paradoxe identitaire. Dans l’incapacité de choisir l’équipe à supporter elle espérait un match nul. Si elle s’était rendue au stade, elle affirme qu’elle aurait chanté les deux hymnes (bien qu’elle ne connaisse pas l’hymne algérien) puisque ce match représente « le mélange des cultures. »
26Sa vision de l’intégration consiste à dire que « même si on a une double culture, on doit quand même se fondre dans la société. » Dounia apparaît alors « hyper-acculturée » à sa représentation des normes et des valeurs qu’elle associe à la France : « Je vis ma vie de fille émancipée : je fume, je bois de l’alcool, je mange du porc, je mets des décolletés et je n’ai pas attendu d’être mariée pour avoir ma première relation sexuelle. » Les indicateurs utilisés pour décrire son adhésion à ces valeurs sont liés au corps. Elle affiche de cette manière sa distinction à l’égard des normes et des valeurs familiales en cherchant à mettre à distance une domination masculine dont l’impact sur le corps des femmes lui apparaît plus ostentatoire au sein de sa famille qu’à l’extérieur. En effet, compte tenu de sa position et de sa socialisation dans l’espace familial, Dounia, la plus jeune d’une fratrie de dix enfants et la seule née en France, a vécu cette domination de manière particulièrement prégnante. Elle décrit son éducation comme « traditionnelle » (ils parlaient arabe en famille et la religion musulmane occupait une place très importante) et toute son enfance fut marquée par la présence « oppressante » (selon ses termes) de huit frères. Comme souvent dans ce type de famille (Cesari, 1998 ; Guénif Souilamas, 2000), ils exercèrent une forte pression pour qu’elle se conforme aux pratiques familiales. Par conséquent, son refus actuel de ce style de vie constitue un moyen de négocier cette domination masculine. La radicalité de ce rejet apparaît également à la hauteur de la fermeté de sa socialisation. Actuellement, suite aux conflits engendrés, Dounia se voit contrainte de rompre les liens familiaux. Cette distinction à l’égard des normes et des valeurs familiales demeure néanmoins relative. D’une part, comme elle le confie en fin d’entretien, cette situation la peine énormément et ses problèmes de santé ont débuté juste après qu’elle ait rompu le contact. D’autre part, sa perception du match France-Algérie révèle son très fort attachement à ses origines. En effet, dans la mesure où, selon elle, cette rencontre sportive permettait « de montrer que le mélange des cultures était possible, » son bon déroulement lui aurait permis de justifier son comportement à l’égard de sa famille. Elle explique que cela aurait pu leur prouver que des individus d’origine algérienne pouvaient vivre sereinement en France.
27Par ailleurs, cette soirée constituait également pour elle un moyen de lutte symbolique contre la domination liée à son statut d’enfant de l’immigration coloniale issue des quartiers populaires. Elle déclare en effet avoir fait l’objet d’insultes racistes et de pratiques discriminantes à l’école et sur son lieu de travail. Ainsi, elle explique que le bon déroulement du match « aurait permis de donner une meilleure image des immigrés » aux personnes qui, à l’instar de certains de ses collègues, peuvent tenir des propos discriminatoires.
28Par conséquent, tout se passe comme si cette rencontre lui permettait de légitimer son mode de vie. Ceci explique sa profonde déception et sa condamnation ferme de l’issue de cet événement. Nous verrons que toutes les femmes de l’échantillon expriment la même colère même si leurs manières de construire le match diffèrent.
3.5 – Adaptation aux normes et aux valeurs familiales
29Yasmina: « Pour ce match, j’étais ni pour la France ni pour l’Algérie. Je dirai que j’étais plutôt pour l’amitié. […] Pour moi, c’est gravissime ce qu’ils ont fait. C’était lamentable. Ça n’avait aucune importance que la France ou l’Algérie gagne la rencontre parce que c’était avant tout un événement symbolique. Donc je pense que ceux qui ont envahi le terrain sont déplorables. Ils ont sali le match. »
30Les perceptions de Djamila, Yasmina, Amina et Nesrine demeurent relativement proches de celle de Dounia. Leurs propos révèlent également leur paradoxe identitaire et leur acceptation de ce qu’elles associent aux normes et aux valeurs françaises par comparaisons à celles de leurs familles qu’elles lient à l’Algérie. Cependant, elles se montrent plus nuancées que Dounia. En effet, bien qu’opposées au port du voile à l’école elles adoptent une attitude compréhensive à l’égard des filles qui souhaitent le porter. Par ailleurs, même si elles fument, boivent de l’alcool ou mangent du porc lorsque l’occasion se présente, ces pratiques ne constituent pas un style de vie. Enfin, elles différencient leurs comportements en se conformant aux codes spécifiques du milieu où elles se trouvent. Ainsi, en famille, elles n’affirment pas leurs convictions et adaptent leurs tenues vestimentaires en évitant par exemple les décolletés. Cela permet d’échapper aux confrontations. Comme le montre Nacira Guénif Souilamas (2000) dans ses travaux, cette stratégie d’adaptation aux normes et aux valeurs familiales constitue une forme de lutte contre la domination masculine pouvant opérer dans certaines familles d’origine nord-africaine.
31L’absence de « rupture » semble s’expliquer par leurs positions et leurs socialisations au sein de leurs familles. En effet, alors que Dounia est la plus jeune d’une famille composée en majorité d’hommes, Djamila, Yasmina, Amina et Nesrine sont les premières (pour Djamila), les secondes (pour Yasmina et Amina) et la troisième (pour Nesrine) enfant de familles dont le nombre de femmes est soit proche de celui des hommes soit à leur avantage. Ainsi, même si la place des femmes leur paraît plus difficile au sein de leurs familles qu’à l’extérieur, tout se passe comme si cette domination masculine s’appliquait de manière moins prégnante que pour Dounia. En effet, bien qu’elles remarquent une différenciation des rôles de chacun, elles affirment ne jamais avoir souffert d’une quelconque pression de la part des hommes (et des femmes) de la famille. C’est pourquoi leur résistance à cette domination dans le cadre familial ne demande pas une attitude aussi radicale que dans le cas de Dounia.
32Néanmoins, cela n’empêche pas leur condamnation violente de ceux qui ont « sali le match. » Se représentant cet événement comme un moyen d’exacerber les bienfaits des principes laïques d’intégration à la française, il permettait de justifier leurs pratiques. D’une part, en théâtralisant la possibilité du « mixage des cultures » (Djamila, Amina) il constituait pour elles un moyen de lutte symbolique contre la domination masculine perçue de manière plus prégnante au sein de leurs familles. Comme le dit Nesrine « c’était un geste de la France pour nous. » Ce match leur permettait ainsi de se sentir acceptées et de les conforter dans leur adhésion aux normes sexuées qu’elles associent à la France. D’autre part, en donnant la possibilité de donner une bonne image des Français issus de l’immigration coloniale, cet événement représentait un moyen de lutte contre la domination ressentie à l’extérieur du cadre familial au travers des différentes formes de discriminations dont elles se sentent victimes. Nous verrons que les réactions de Samira apparaissent aussi virulentes même si elles comportent des significations différentes.
3.6 – Distinction relative à l’égard des normes et des valeurs extérieures à la famille
33Samira: « Je suis algérienne avant tout donc je supportais l’équipe d’Algérie. Même pour la coupe du monde, j’étais pour le Brésil […] Si j’étais allée au Stade de France, j’aurais amené mon drapeau de l’Algérie. »
34Contrairement aux autres individus interviewés, Samira affirme ne jamais supporter l’équipe de France. Elle accepte et revendique tous les aspects liés aux normes et aux valeurs familiales rejetant dans le même temps certains éléments qu’elle associe à la France. Ainsi, contrairement aux autres femmes de l’échantillon, elle souhaite se marier uniquement avec un homme d’origine nord-africaine. Selon Guénif Souilamas (1996 ; 2000), cet indicateur constitue une caractéristique forte de l’adhésion des femmes à la tradition familiale. De plus, elle pratique assidûment la religion musulmane (en priant tous les jours), ne mange jamais de porc, ne fume pas, ne boit jamais d’alcool, ne s’oppose pas au port du voile dans les institutions publiques et est membre actif d’une association appelée « Algériens de France ». Par ailleurs, Samira considérait cette rencontre sportive comme un moyen permettant de parler de l’Algérie, pays qu’elle définit comme « son pays » et qu’elle fréquente aussi souvent que possible. Elle apparaît donc très en colère contre les jeunes car elle considère qu’ils ont « pourri » son image. Néanmoins, cette distinction à l’égard des normes et des valeurs extérieures à la famille demeure relative dans la mesure où elle préfère vivre en France qu’en Algérie et qu’elle continue à ajuster ses comportements en fonction du milieu où elle se trouve : « Moi le voile, j’y verrais pas d’inconvénient à l’école ou ailleurs. […] Moi je suis pour le respect des lois du pays, ça me viendrait pas à l’idée d’arriver avec le voile au boulot. »
35L’analyse de la socialisation familiale de Samira semble éclairer ses manières d’agir et de penser. En effet, contrairement aux autres femmes interrogées, elle est l’aînée d’une famille composée de trois femmes (sa mère et sa sœur) et d’un seul homme (son père). Tout se passe comme si elle percevait et vivait la domination masculine de manière beaucoup moins prégnante que les autres femmes de l’échantillon. Elle explique en effet que son père « n’avait pas son mot à dire au milieu de ses filles. » Cette socialisation se traduit par une revendication des statuts différenciés des hommes et des femmes. Elle considère qu’il est « normal que les femmes s’occupent de l’intérieur de la maison et des enfants » et elle s’oppose également à « ces femmes qui ne comprennent pas que chacun a sa place. »
36En outre, sa distinction à l’égard des normes et de valeurs perçues comme extérieures à la famille se comprend également au regard de la domination liée à son statut de femme issue de l’immigration coloniale et des quartiers populaires. Elle explique en effet avoir été victime de discriminations à l’école et au travail et souhaite en conséquence s’attacher aux « valeurs sûres » incarnées, selon elle, par sa famille par opposition à ses expériences à l’extérieur.
Ainsi Samira doit gérer l’idée qu’elle se fait des stéréotypes qui pèsent sur elle en tant que femme issue de l’immigration et de confession musulmane, stéréotypes que le traitement médiatique d’événements tels que les affaires du voile à l’école et le match France-Algérie tendraient à perpétuer. Comme elle l’explique, elle n’est pas « une femme soumise, battue, à qui on a imposé de porter le voile. » Sa manière très active de valoriser les valeurs familiales (au travers notamment de son engagement associatif) ainsi que sa condamnation radicale des responsables des incidents constituent donc un moyen de résoudre cette violence symbolique. Tout se passe comme si ce surinvestissement et cette revendication des valeurs et des pratiques liées à l’Algérie lui permettaient d’invalider la stigmatisation qui pèse sur son statut de femme musulmane née de parents originaires d’Afrique du Nord. Cette hypothèse est confirmée par la manière dont les hommes résolvent leur paradoxe identitaire.
3.7 – Adaptation aux normes et aux valeurs extérieures à la famille
37Ali : « L’équipe de France et l’équipe d’Algérie, ce sont mes deux équipes. Je me suis toujours posé la question de savoir quelle sélection je choisirais si j’étais international. Je crois que je n’aurais jamais pu choisir parce que je suis français de sol et algérien de sang. Donc un match France-Algérie, c’est le match de mes origines contre l’équipe qui m’a vu grandir. S’il y avait eu égalité, ça aurait été mieux pour moi. […] Je ne crois pas que ce soit grave ce qui s’est passé. Il y a des choses plus graves dans la vie qu’une Marseillaise sifflée ou des joueurs hués. C’est un manque de respect cela dit. »
38On retrouve chez Ali, Hakim, Farid et Mohamed les paradoxes relatifs aux sentiments d’appartenances de certains Français d’origine algérienne. En effet, même si tous supportaient l’équipe de France à l’occasion de la coupe du monde France’98, le match France-Algérie conduit à des positionnements moins tranchés. Ali, Farid et Mohamed déclarent ne pas parvenir à déterminer l’équipe à encourager et Hakim tente d’éluder la question en expliquant qu’il soutenait « l’amitié. » Interrogés sur les enjeux du match, ils mettent en avant des lieux communs tels que « la réunion entre les peuples » et expriment une réticence à donner d’autres significations. On remarque néanmoins que leurs styles de vie se conforment à certaines normes et valeurs qu’ils associent à leur origine algérienne. Ils adoptent ainsi des lignes de conduites proches de celles de Samira. De confession musulmane, ils prient de manière assidue, suivent le ramadan, ne mangent pas de porc, ne fument pas et ne boivent pas d’alcool. Ils se sont également mariés (ou souhaitent se marier) uniquement avec des femmes d’origine nord-africaine.
39Par ailleurs, tous rapportent avoir été victimes de propos racistes sur leurs lieux de travail ou de loisirs. Ainsi, à l’instar de Samira, ils se trouvent davantage concernés par la domination liée à leur statut d’enfants de l’immigration coloniale issus des quartiers populaires, mais se montrent moins radicaux et revendicatifs. En effet, contrairement à elle, ils relativisent la gravité des péripéties inattendues du match, ils n’auraient pas amené leurs drapeaux algériens au stade, ils se seraient abstenus de chanter l’hymne algérien et se seraient levés pour la Marseillaise. Contrairement aux autres individus de l’échantillon, ils évitent d’aborder les questions relatives au port du voile. Ceci semble constituer leur manière de gérer les stéréotypes qui pèsent sur eux en particulier lorsqu’ils adoptent des pratiques en lien avec certains éléments sources de stigmatisation (comme la pratique de la religion musulmane par exemple). Comme l’explique Pierre Tévanian (2005), le traitement médiatique des « affaires du foulard islamique » ont construit un bouc émissaire : le garçon arabe de confession musulmane. Ainsi, perçus comme « incivils, » « machistes » ou encore « violents » (Guénif Souilamas et Macé, 2004), il semble plus difficile pour eux d’adopter une attitude revendicatrice. Tout se passe donc comme si leur adaptation aux normes et aux valeurs extérieures à la famille, ainsi que l’absence d’extériorisation des convictions constituaient pour eux une manière de gérer la stigmatisation pouvant peser sur leur statut d’homme d’origine algérienne et de confession musulmane.
40Ainsi, le match France-Algérie cristallise différentes identifications résultant des trajectoires et des socialisations des individus. Un élément demeure néanmoins énigmatique : Zidane. Ce joueur fût en effet à la fois sifflé et acclamé. Ainsi, il divise les responsables des incidents et permet d’en rapprocher certains des individus interrogés.
3.8 – Zinédine Zidane : consensus, divisions et ambivalence
41Un jeune ayant envahi le terrain : « Zidane, il est à nous. » [4]
42Même s’ils adoptent une attitude de rejet des sifflets, concernant le cas de Zidane (relativement épargné par le public) les individus interviewés (tous « pro-Zidane » à l’exception de Karim qui affiche son indifférence à l’égard de ce joueur) semblent se rapprocher de certains des jeunes. Lors des entretiens, ils soulignent l’impossibilité de s’en prendre à ce joueur, adoptant ainsi une attitude compréhensive à l’égard de ces jeunes ayant par ailleurs sifflé les autres joueurs et la Marseillaise : « C’est normal, Zidane c’est Zidane, on peut pas siffler Zidane » dit Dounia ; « C’est notre héros » expliquent Samira et Nesrine. Tout se passe comme si ce joueur incarnait, sous des formes différentes, les luttes symboliques contre les dominations que tous (agents interviewés et transgresseurs) ont pu subir du fait de leur statut commun d’enfants d’immigrés originaires des quartiers populaires. En effet, par-delà les différences statutaires internes, il existe une forme de porosité entre les différentes fractions de la jeunesse des quartiers populaires dans la mesure où leurs origines communes les rassemblent (Beaud et Pialoux, 2006). Ainsi, des individus aux statuts sociaux différents peuvent se solidariser pour des combats ponctuels (comme siffler la Marseillaise) en raison de leurs expériences partagées de discriminations (Mauger, 2006). En ce qui nous concerne, si les individus de l’échantillon se trouvent dans l’impossibilité d’excuser les incidents survenus ce 6 octobre 2001 en raison de leurs statuts professionnels impliquant le respect des symboles de la France, ils semblent néanmoins se solidariser des jeunes ayant envahi le terrain lorsqu’il s’agit de comportements positifs tels que ceux observés à l’égard de Zidane. Même si leurs trajectoires sociales et, pour la plupart, leurs nouveaux lieux de résidence tendent à les éloigner des responsables des incidents, tout se passe comme si ce joueur ranimait des dispositions intégrées lors de leur enfance et leur permettait de trouver une certaine proximité avec ces individus. Cette hypothèse semble corroborée par le cas atypique de Karim, l’unique personne de l’échantillon déclarant ne jamais avoir subi de discrimination. Il est en effet le seul à relever ce qu’il considère comme une incohérence de la part des individus ayant sifflé l’hymne national : « C’est complètement stupide de siffler la Marseillaise et d’acclamer Zidane ensuite. »
43Ce consensus apparent autour de Zidane cache néanmoins des processus d’identification variés et parfois contradictoires révélant l’ambivalence de ce héros sportif. En effet, des individus aux caractéristiques sociales distinctes s’identifient parfois au même champion en lui attribuant néanmoins des significations différentes (Duret, 1993). Ainsi, pour certains jeunes responsables des incidents, tout se passe comme s’il symbolisait leur rupture à l’égard de la France. Pour Samira, ce joueur représente « un immigré resté attaché à son pays » prenant pour preuve toutes ses actions humanitaires menées en faveur de l’Algérie. De même, pour Ali, Hakim, Farid et Mohamed, leur manière d’éluder la question (en mettant l’accent sur leur intérêt pour les compétences techniques du joueur) laisse penser qu’il incarne les valeurs de ce qu’ils associent à leurs origines. Enfin, pour Dounia et les femmes adoptant une attitude d’adaptation à la famille, il symbolise la tradition républicaine d’intégration à la française : « C’est un Beur complètement intégré à la société française mais qui ne dénigre pas ses origines » (Djamila).
44Ces perceptions opposées que cristallise ce joueur s’expliquent par l’ambivalence des images qu’il véhicule. En effet, le caractère contradictoire de ses actions et de ses déclarations permet à un public éclectique de s’identifier à lui. Zidane est en effet le représentant d’un large éventail de marques destinées à des consommateurs occupant des positions sociales très différentes. Il est capable de faire à la fois la publicité d’Audi (l’entreprise d’automobiles pour consommateurs relativement fortunés) et de Leader Price (une chaîne de supermarchés à bas prix destinée aux consommateurs peu aisés). En outre, il apparaît toujours ambigu concernant les questions relatives aux appartenances. En effet, bien qu’il exprime toujours sa solidarité à l’Algérie (comme à la suite des divers tremblements de terre), il marque également une certaine distance en nommant ses enfants Lucas et Enzo. De plus, même s’il caractérisa le succès de l’équipe de France lors du mondial 1998 comme une victoire contre la xénophobie et qu’il le dédia à tous les immigrants algériens et leurs enfants, il exprime toujours une réticence à user de sa popularité pour aider les minorités à se faire reconnaître. Aussi, bien qu’il embrassât son maillot tricolore après son deuxième but lors de la finale de la coupe du monde contre le Brésil et qu’il soit ainsi présenté comme le symbole de l’intégration à la française, il ne défendit jamais cette image localisant plutôt son appartenance à Marseille où il passa son enfance. Enfin, son attitude réservée permet de ne pas choquer les consciences et de laisser place à l’indifférence comme dans le cas de Karim [5].
Avant le match France-Algérie son attitude apparaît également empreinte d’ambiguïté. En effet, en dépit de son embarras lorsque son statut de joueur français d’origine algérienne était abordé par les journalistes et de ses tentatives d’éluder les questions en répondant qu’il s’agissait avant tout d’un match de football, il déclarait qu’il aurait certainement un « pincement au cœur » en rentrant sur le terrain et qu’il ne serait pas mécontent si les deux équipes finissaient ex-aequo [6]. Ainsi, le caractère équivoque de Zidane semble permettre à un public élargi de se reconnaître dans ce joueur.
Cette ambiguïté source de consensus peut néanmoins conduire à des divisions comme c’est le cas dans le groupe des jeunes responsables des sifflets. En effet, les raisons qui permettent de réunir autour d’un même champion des individus aux caractéristiques sociales différentes peuvent également être à l’origine de la séparation de ceux socialement proches. En ce sens, bien que l’ambivalence de l’image de Zidane permette à un large éventail d’individus de se reconnaître, certaines de ses actions peuvent néanmoins apparaître trop contradictoires pour certains. Paul Silverstein (2000 ; 2004) explique par exemple que le choix des prénoms de ses enfants a provoqué quelques déceptions et que certains activistes kabyles regrettèrent son absence de soutien pour l’officialisation du Tamazight comme un langage des minorités dans le processus de législation européenne. Ainsi, les sifflets ayant accompagné sa prestation le 6 octobre 2001 (et qui divisent le groupe des jeunes responsables des incidents) peuvent s’interpréter dans ce sens. Par conséquent, même si Zidane est le support d’identifications se révélant très différentes en raison de la multiplicité des images qu’il véhicule, il ne constitue cependant pas un héros universel dans la mesure où son caractère ambigu peut également engendrer des attitudes en rupture.
4 – Conclusion
45Le match France-Algérie fut présenté comme un événement comportant de fortes connotations politiques en particulier pour l’ensemble des Françaises et des Français d’origine algérienne. En ne nous intéressant pas seulement aux supporters mais plutôt aux « consommateurs » de football au sens large, nous avons pu montrer qu’il existe diverses manières de vivre cette rencontre. L’étude des trajectoires et socialisations a permis de comprendre comment chaque individu construit un rapport particulier au football. D’abord, le cas de Karim rappelle que ce sport n’est pas source d’identifications en soi. Seuls les individus ayant bénéficié d’une socialisation spécifique permettant d’associer le football avec des sentiments d’appartenances nationales ou culturelles se trouvent en mesure de considérer une rencontre pour des éléments dépassant les seuls aspects sportifs. Les autres entretiens, ont également permis de faire la démonstration qu’il n’est pas nécessaire d’être un fervent supporter pour se mobiliser émotionnellement le temps d’un match.
46L’examen détaillé des socialisations familiales, scolaires et professionnelles aide ensuite à comprendre comment les éléments historiques personnels entraînent des différences dans les identifications de chacun. Dans cette perspective, la posture adoptée dans cet article ne consiste pas à trancher dans le débat relatif aux questions d’intégration des individus issus de l’immigration. Ce type d’analyse se baserait en effet sur l’idée d’une division culturelle du social et sur un possible manque d’intégration chez certains (Sayad, 1999). La finalité reviendrait alors à montrer que la France est un pays multiculturel et à chercher à identifier les éléments distinctifs de chaque « culture ». Dans une orientation moraliste, l’étude tendrait à rappeler que tous les individus sont égaux quelles que soient leurs origines et que tout le monde mérite que cette égalité soit reconnue.
47L’analyse qualitative menée dans cette enquête permet au contraire de ne pas fragmenter a priori le social sur une base culturelle. La posture méthodologique adoptée laisse ainsi aux individus le soin d’exprimer eux-mêmes leurs principes de visions et divisions du monde social. En conséquence, certains fabriquent des séparations entre ce qu’ils associent à leurs origines et ce qu’ils caractérisent comme la « culture française ». Cependant, cette construction n’apparaît pas de manière systématique. De plus, lorsqu’elle se produit, elle peut contenir diverses significations et engendrer des pratiques variées. Cela conduit à différentes formes et divers degrés d’identifications à l’équipe de France et à Zidane.
48Les résultats obtenus permettent alors de ranger les individus sur un continuum partant de Karim, qui apparaît détaché des questions relatives aux appartenances, et allant jusqu’aux individus responsables des sifflets qui se démarquent des symboles de la France. Ces résultats recoupent les catégories mises en exergue par l’approche psychosociologique de Camilleri (1998). Cependant, en prenant appui sur les travaux en sociologie de la socialisation nos interprétations diffèrent. En effet, les différentes manières de construire la rencontre du 6 octobre 2001 peuvent se comprendre relativement aux trajectoires sociales ainsi qu’au regard des socialisations familiales, scolaires et professionnelles. Cette approche a également permis de ne pas développer une vision binaire des constructions du match France-Algérie car elle permet de faire la démonstration que des individus que tout oppose peuvent se rejoindre. Le cas de Zidane met en effet en évidence une attitude partagée de « résistance » à la domination subie par les enfants d’immigrés issus des quartiers populaires en dépit de leurs différences statutaires. En outre, les identifications relèvent de significations distinctes. La « zizoumania » (Dauncey et Hare, 1999), c’est-à-dire l’engouement quasi-général autour de Zidane, montre que des attitudes vraisemblablement similaires cachent des significations diverses et parfois opposées.
La suite de l’enquête visera à compléter ces résultats en élargissant la base de données. Il s’agira d’interroger d’autres Français de différents âges et pas nécessairement d’origine algérienne.
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Mots-clés éditeurs : socialisation, immigration, football
Mise en ligne 07/07/2010
https://doi.org/10.3917/sta.088.0043Notes
-
[1]
Les prénoms des personnes interrogées ont été modifiés afin de préserver leur anonymat.
-
[2]
Si l’échec scolaire peut s’avérer être à l’origine de la mise à distance des symboles de la France, cela ne peut pas constituer un facteur exclusif d’explication. En effet, comme l’expliquent Stéphane Beaud et Michel Pialoux (2006), des jeunes diplômés peuvent se solidariser de manière ponctuelle à des actions « transgressives » en raison de leurs expériences communes de la reproduction (voire du déclassement) sociale et des stigmatisations dont ils sont les victimes.
-
[3]
Farid a obtenu un Brevet de Technicien Supérieur et Yasmina est titulaire d’une licence d’économie.
-
[4]
Propos recueillis par Gilles Dhers, Dino Dimeo et David Revault D’Allonnes (journal Libération du 8 octobre 2001).
-
[5]
Les entretiens ayant été menés en 2003, il est possible que certains épisodes comme le coup de tête lors de la finale de la coupe du monde 2006 aient provoqué chez certains des changements de prises de positions à l’égard de ce joueur.
-
[6]
Propos recueillis par Couturié Martin, (journal Le Figaro du 5 octobre 2001) et par Joël Domenighetti et Régis Testelin, (journal L’Equipe du 5 octobre 2001).