Staps 2009/4 n° 86

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Article de revue

Reciprocal peer tutoring: tutor-students' training and cognitive and motor consequences in table tennis

Pages 7 à 21

1 – Introduction

1.1 – Apprentissage assisté par des pairs : tutorat fixe et tutorat réciproque

1L’apprentissage assisté par des pairs désigne l’ensemble des stratégies d’acquisition de connaissances et d’habiletés au travers de l’aide active d’un alter ego (Topping et Ehly, 1998). Ces stratégies sont aujourd’hui reconnues comme un complément, voire une alternative, aux méthodes d’enseignement traditionnelles. De nombreuses études ont montré les bénéfices de l’apprentissage assisté par des pairs relativement à différentes disciplines académiques, auprès d’un public scolaire étendu et à travers un large panel de variables (amélioration des résultats scolaires, élévation de la motivation, etc.). Plus récemment et de manière parcimonieuse, l’apprentissage assisté par des pairs a donné lieu à des investigations dans le champ de l’acquisition des habiletés motrices et de l’Éducation Physique et Sportive (EPS) (Ward et Lee, 2005).

2L’une des mises en œuvre de l’apprentissage assisté par des pairs est le tutorat entre pairs. Ce dernier, dans sa définition stricte, consiste à regrouper deux élèves de niveau d’habileté différent (dyades dissymétriques) et à assigner explicitement au plus compétent le rôle de tuteur (Winnykamen, 1996). La notion d’interaction de tutelle originellement développée par Bruner (1983) est ici centrale. Le tuteur étaye l’activité du novice en apportant l’aide et les encouragements juste nécessaires au tutoré. Les informations délivrées se situent alors à l’intérieur de la zone proximale de développement du novice (Vygotsky, 1934/1985).

3L’exploration récente de la littérature relative à l’apprentissage assisté par des pairs, anglo-saxonne particulièrement, indique que cette forme « fixe » de tutorat entre pairs conduit le plus souvent à une exploitation partielle de son potentiel éducatif (Topping, 2005). Par ailleurs, cette littérature encourage le recours à des formes plus nouvelles de tutorat, notamment au Tutorat Réciproque entre Pairs (TRP). Le TRP est né en réponse au besoin grandissant de découvrir des stratégies efficaces susceptibles d’aider les enfants issus de milieux défavorisés à se sentir compétents sur le plan scolaire et à réaliser des progrès (Fantuzzo, King, et Heller, 1992). Le TRP fonctionne sur le même principe d’assignation préalable des rôles que le tutorat fixe, toutefois il rassemble deux élèves de niveaux de compétence identiques ou proches (dyades symétriques). L’originalité est d’offrir aux élèves de la dyade l’opportunité d’alterner les rôles de tuteur et de tutoré. Les deux apprenants sont ainsi en mesure de récolter les bénéfices liés à la préparation à l’enseignement, l’évaluation et le soutien d’un pair. Ce parti pris empirique s’inscrit à la croisée de deux courants théoriques : le courant socioconstructiviste centré sur le conflit sociocognitif (Perret-Clermont, 1979 ; Mugny et Doise, 1981) et la perspective de l’apprentissage coopératif (Slavin, 1996). Alors que le TRP suscite un intérêt grandissant dans le domaine des disciplines académiques, il reste relativement peu exploré dans le champ de l’acquisition des habiletés motrices et de l’EPS.

4La présente étude s’inscrit dans le prolongement des récents travaux portant sur le tutorat entre pairs en contexte d’acquisition d’habiletés motrices complexes en introduisant un facteur lié à l’échange des rôles tuteur/tutoré. Elle souhaite contribuer à l’identification des conditions favorables à la mise en œuvre d’une procédure TRP dans le cadre de l’apprentissage d’une tâche motrice spécifique en tennis de table au collège. Spécifiquement, nous avons mesuré les conséquences cognitives et comportementales d’une formation des élèves au rôle de tuteur. Par ailleurs, l’influence du genre des élèves sur l’efficacité de la formation a été considérée.

1.2 – Formation d’élèves-tuteurs : bénéfices cognitifs et moteurs

5L’élève, même volontaire et expert dans la maîtrise de la tâche, ne constitue pas forcément un bon tuteur (Winnykamen, 1996). Dans la continuité des recherches conduites outre-Atlantique indiquant la supériorité de tuteurs adultes en comparaison à des tuteurs enfants (Ellis et Rogoff, 1982 ; Shute, Foot et Morgan, 1992), Berzin, Cauzinille-Marmèche et Winnykamen (1996) précisent que l’expert enfant n’adopte pas systématiquement une attitude d’assistance au progrès du partenaire novice. Au contraire, l’enfant tuteur se centre le plus souvent sur ce qu’il est le mieux en mesure de réaliser : la tâche. Marchive (1997) définit une « zone proximale d’enseignement » qui serait l’écart entre ce que le tuteur est capable de réaliser seul, et ce qu’il est capable d’expliquer à autrui.

6Plusieurs recherches ont spécifiquement mesuré l’intérêt de former les élèves-tuteurs, notamment en contexte de tutorat fixe dans la réalisation de tâches de nature cognitive (tableau à double entrée, Berzin, 2001 ; tâche logico-mathématique, Winnykamen et Lorence, 1998). Les résultats indiquent que la formation a eu un effet indéniable à la fois sur l’évolution des compétences tutorielles du tuteur et sur les progrès du tutoré. Ces conclusions ont été étendues au champ de l’acquisition des habiletés motrices et de l’EPS. Dans le cadre d’une procédure de tutorat fixe entre participants du même genre et de même âge (20 ans), Legrain, Arripe-Longueville (d’) et Gernigon (2003) ont montré la supériorité d’une condition de tutelle formée vs spontanée pour la réalisation d’un assaut en boxe française. D’une part, la formation a eu des effets favorables sur les habiletés managériales des participants. Les manageurs formés ont été plus capables de conseiller un partenaire en prélevant des informations pertinentes et en donnant des informations opérantes relatives à des modifications à venir. D’autre part, sur le plan comportemental, les manageurs formés ont obtenu des scores d’efficacité offensive et défensive plus élevés. Les auteurs justifient leurs résultats par la présence d’un « effet-tuteur » (Barnier, 1989). La fonction d’explicitation et la nécessaire mise en mots pour passer d’un savoir-faire à un savoir, obligent le tuteur à se distancier de la tâche par une réflexion métacognitive. En conséquence, aux bénéfices cognitifs immédiats s’ajoute une meilleure mise en application de la part du tuteur de ses connaissances et habiletés dans des situations nouvelles (Bargh et Schul, 1980).

7Plus récemment, dans le cadre d’une procédure de tutorat fixe (imitation interactive) en gymnastique au collège, Cicéro et Lafont (2007) ont confirmé l’apparition conjointe de bénéfices cognitifs et moteurs plus élevés chez les participants d’une condition formée vs spontanée. Les résultats montrent que les tutorés progressent davantage quand leur tuteur a été formé, car ce dernier leur permet de tirer un plus grand profit des aides fournies. Comparé au profil des tuteurs spontanés, celui des tuteurs formés est plus complexe. Les tuteurs formés font en effet appel à des informations plus variées, mieux ancrées dans la réalisation antérieure du tutoré, et donc certainement mieux ajustées à ses besoins? Toutefois, Lafont et al. (2005) soulignent la difficulté de sensibiliser des élèves de collège à la tutelle d’un pair, notamment dans le cas d’habiletés motrices mixtes et/ou topocinétiques à forte contrainte temporelle (service en badminton et départ plongeon en natation). Alors que dans des situations de résolution de problème (mathématiques notamment), les états successifs de résolution peuvent continuer à être visualisés par les deux membres de la dyade, les situations de performance motrice sont éphémères, et posent des problèmes spécifiques de trace en mémoire pendant les interactions de guidage.
Concernant le tutorat réciproque, la littérature indique l’intérêt de prêter une attention particulière à la structuration des séquences interactives. Les travaux mentionnent également la présence systématique, en amont de l’intervention, d’une ou deux séquences courtes visant à clarifier les concepts essentiels au travail en dyade (coopération, entraide, etc.) et à développer certaines compétences en communication (questionner, écouter, encourager, etc.). Par exemple, dans le cadre d’un cours de science au collège, King, Staffieri et Adelgais (1998) ont montré une nette supériorité d’une condition TRP offrant à la fois une sensibilisation aux rôles de tuteur/tutoré et un entraînement spécifique à l’emploi d’un questionnement séquencé sur deux autres conditions TRP moins structurées. À condition de bénéficier d’un contexte interactif structuré qui favorise l’échange mutuel (d’idées, d’explications, de justifications, etc.), des élèves de statuts similaires peuvent développer ensemble de nouvelles formes de pensée et de réflexion. S’agissant du champ des habiletés motrices, quelques études ont considéré les conséquences cognitives et motrices d’une procédure proche du TRP au collège (Reciprocal style of teaching) (voir Ward et Lee, 2005 pour une revue). Ces études mentionnent brièvement la présence d’une préparation des élèves aux rôles « d’exécutant » (doer) et « d’observateur » (observer), notamment à l’emploi de fiches d’observation. Les résultats indiquent que, comparé à une condition contrôle individuelle, les élèves de la condition TRP ont manifesté des progrès moteurs plus importants. Ces derniers, en revanche, ont obtenu des scores identiques à un test écrit de connaissances dans la tâche motrice expérimentale.

1.3 – Tutorat entre pairs et dispositions liées au genre

8Les différences inhérentes aux dispositions sociales manifestées par les garçons et par les filles dans des situations d’apprentissage assisté par des pairs ont été appréhendées à la fois dans le domaine scolaire (Charlesworth et Dzur, 1987) et dans le domaine des habiletés motrices (Arripe-Longueville (d’), 1998). La littérature indique globalement que, dans des situations dyadiques, les filles prêtent davantage d’intérêt à leur partenaire, et présentent significativement plus de dispositions propres à partager et à s’investir dans des tâches impliquant la tutelle d’un pair. Les garçons, en contrepartie, sont plus enclins à diriger leur intérêt vers l’acquisition de connaissances de façon individuelle ou compétitive.

9Toutefois, les recherches conduites dans le cadre particulier de situations de tutorat entre pairs ne confirment qu’en partie cette différenciation en fonction du genre. La littérature se rapportant à l’analyse de l’effet tuteur dans le cadre des tâches cognitives (Topping et Whiteley, 1993) ou motrices (Legrain et al., 2003) révèle des bénéfices identiques, voire plus élevés, au sein des dyades masculines comparées aux dyades féminines. Selon Legrain, l’interprétation des résultats doit se faire avec précaution, eu égard à la forte connotation masculine de l’activité physique impliquée dans ses travaux (boxe française). Par ailleurs, des investigations relatives au tutorat en classe entière indiquent une sensibilité plus importante des filles à la structuration de leur environnement social comparé aux garçons. Les filles tireraient ainsi un plus grand bénéfice de la formation au tutorat en classe entière (Legrain et Heuzé, 2005).

1.4 – Hypothèses et mise en œuvre

10L’hypothèse majeure de cette étude concerne l’effet principal de la formation des élèves au tutorat réciproque. On s’attend à ce que cette formation favorise l’apparition conjointe de bénéfices cognitifs et moteurs chez des élèves de 3e dans le cadre de l’acquisition d’une tâche motrice expérimentale en tennis de table. Par ailleurs, une hypothèse secondaire est envisagée, et s’intéresse à l’effet d’interaction entre la formation et le genre des participants. Il est attendu que les filles tirent un plus grand bénéfice de la formation comparativement aux garçons.
Pour tester l’hypothèse majeure, nous avons comparé trois conditions d’entraînement : une condition de pratique physique associée à l’exercice d’un tutorat réciproque formé (TF), une condition de pratique physique associée à l’exercice d’un tutorat réciproque spontané (TS), et une condition contrôle de pratique physique individuelle n’incluant pas l’exercice du tutorat réciproque (CC). L’hypothèse secondaire a été testée par une répartition équilibrée du genre des participants et par la constitution de dyades non mixtes dans les conditions TF et TS.

2 – Méthode

2.1 – Population

11Quatre-vingt-dix élèves volontaires issus de trois classes de 3e d’un collège urbain de milieu économique aisé ou moyen ont été pré-testés pour composer deux conditions expérimentales (TF et TS) et une condition contrôle (CC). Le pré-test visait notamment l’obtention de trois conditions d’apprentissage homogènes du point de vue du niveau initial dans la tâche-cible (débutant) et de la répartition du genre (équilibrée). L’ensemble des participants avait fourni un accord parental avertissant qu’ils seraient filmés, mais que leur anonymat serait respecté. Soixante-quatorze sujets débutant (38 filles et 36 garçons) ont été retenus, et ont participé à l’expérimentation. La moyenne d’âge était de 15,3 ans (+/- 1,3). Vingt-quatre dyades symétriques (compétence et genre) ont été créées puis distribuées aléatoirement au sein des conditions expérimentales (TF et TS), les 26 sujets restants formant ainsi la condition contrôle (CC).

2.2 – Tâche-cible et dispositif matériel

12La tâche-cible était de nature perceptivo-motrice et décisionnelle. Elle a été conçue en accord avec un spécialiste de l’activité tennis de table (entraîneur et enseignant universitaire). Un adulte expert en tennis de table envoyait vingt balles directement et aléatoirement sur la demi-table du participant. Ce dernier devait réagir et renvoyer la balle après s’être déplacé. Le joueur disposait de deux essais entrecoupés d’un temps-mort d’une minute. L’enregistrement filmé était assuré par la présence d’une caméra numérique placée à une distance de 3 mètres de l’action sur un trépied.

Figure 1

Tâche-cible

Figure 1

Tâche-cible

2.3 – Procédure

13Le protocole expérimental s’est déroulé au sein d’un cycle de tennis de table en EPS (7 séances de 2 h) selon quatre moments : (1) pré-test, (2) traitement, (3) post-test immédiat, et (4) post-test différé. Durant tout le cycle, l’expérimentateur prenait en charge, dans un espace spécifique et isolé, les élèves participant à la réalisation de la tâche expérimentale tandis que le professeur poursuivait son cours avec le reste de la classe. Quatre mesures dépendantes ont été considérées aux différents moments de l’étude : connaissances déclaratives (CD) et compétences motrices (CM) aux moments (1), (3) et (4) ; compétences managériales en situation virtuelle (SV) au moment (3), et compétences managériales en situation réelle (SR) aux moments (3) et (4).

2.3.1 – Pré-test

14Le pré-test s’est effectué à la première séance du cycle, consécutivement à la présentation de la tâche-cible par les expérimentateurs à l’ensemble de la classe. Proposé individuellement à tous les élèves, le pré-test évaluait :

15Connaissances déclaratives à l’égard de la tâche-cible (CD)

16Le test de connaissances déclaratives était un test « papier-crayon ». S’inspirant de travaux antérieurs dans le domaine des habiletés motrices (Darnis-Paraboschi, Lafont, et Menaut, 2005), ce test se présentait sous la forme d’un questionnaire à choix multiples invitant l’élève à prendre des décisions concernant des situations-problèmes inhérentes à l’exécution de la tâche-cible. Chacune des situations-problèmes était formulée ainsi : « si X se produit, alors je dois faire Y… ».

17Compétences motrices dans la tâche-cible (CM)

18Après avoir effectué le test de connaissances déclaratives, le sujet était invité à réaliser la tâche-cible. À l’issue de ses deux essais, l’élève était remercié de sa participation et convié à rejoindre le cours normal d’EPS. L’évaluation des compétences motrices était assurée a posteriori à partir du support vidéo et vérifiée grâce à un double codage d’experts. Seuls les participants ayant obtenu un score de compétences motrices de niveau débutant (compris entre 70 et 170) ont été retenus pour poursuivre le protocole expérimental (cf. 2.4. Mesures). Ce niveau ne reflétait pas un degré totalement novice dans la tâche, toutefois il permettait l’attente raisonnée de progrès significatifs à la fin de l’expérimentation. Au sein de leur classe, les élèves sélectionnés étaient classés en ordre croissant de performance. Ce classement servait de référence pour former les trois conditions d’entraînement et pour constituer des dyades symétriques non mixtes dans les conditions TF et TS. L’avis de l’enseignant a également été sollicité afin d’éviter les appariements entre participants présentant un niveau trop élevé de rejet ou d’affinité.

2.3.2 – Traitement

19Formation au tutorat réciproque

20La formation au tutorat réciproque entre pairs (TRP) a été offerte aux 24 élèves de la condition TF en dehors des cours d’EPS, entre le pré-test et la 1ère séance d’entraînement (séance 2). Le dispositif de formation comportait deux séquences de soixante minutes (espacées de 48 h) et s’inspirait principalement de trois formations d’élèves-tuteurs mises en œuvre récemment dans les domaines des disciplines académiques et des habiletés motrices.

21Conformément à la méthode utilisée par Lorence (2001), la création d’un « contexte communicationnel » a constitué le point d’ancrage majeur de la formation. L’objectif était d’impliquer activement les élèves pour permettre une co-construction du sens et des buts de la fonction de tutelle réciproque. Toutefois, aucune pratique physique n’était proposée afin d’écarter tout biais lié à un temps de pratique en tennis de table plus réduit pour les conditions TS et CC. Les objectifs et modalités de fonctionnement des deux séquences de formation ont été d’emblée explicités aux participants. Ils ont ainsi été informés qu’à l’issue de la première séquence, ils devraient être capables d’expliquer comment observer/évaluer efficacement la prestation d’un partenaire et, qu’après la deuxième séquence, ils devraient être en mesure de formuler les règles essentielles de fonctionnement d’un bon manageur. Par ailleurs, les élèves ont été sensibilisés à la Technique du Groupe Nominale (TGN, Delbecq, Van De Ven, et Gustafson, 1975). Particulièrement efficace en milieu scolaire (MacPhail, 2001), cette technique offre la possibilité à l’ensemble des membres d’un groupe de formuler un avis, par écrit puis verbalement, à propos d’une question ou d’une situation. Ce travail de mise en mots visait à développer les compétences métacognitives de l’élève, et à accroître ainsi ses potentialités explicatives lors de l’exercice de la fonction de tuteur (Marchive, 1997).
Les situations d’observation proposées aux élèves au cours de la formation mobilisaient la présence de l’expert de tennis de table, accompagné de quatre élèves-complices inconnus des participants et débutants dans la tâche. Ces situations, aux caractéristiques proches de la tâche-cible, étaient agencées pour favoriser l’observation d’une seule composante essentielle (déplacement, smash, etc.). Lors de la première séquence de formation, les participants devaient juger la performance des élèves-complices dans le rôle de joueur selon un format précédemment utilisé par Legrain et al. (2003). À la deuxième séquence de formation, ils devaient juger la performance des élèves-complices dans le rôle de manageur. Consécutivement à cette séquence, « 5 règles d’or d’un bon manageur » ont été établies (cf. Tableau 1). Ces règles font toutes références aux grandes fonctions du tuteur dans le champ très spécifique des habiletés motrices complexes (Cicéro et Lafont, 2007 ; Lafont, 1997).

Tableau 1

Les 5 règles d’or d’un bon manageur

Tableau 1
Règle 1 Observe bien ce que fait ton partenaire Règle 2 Rappelle et démontre à ton partenaire ce qu’il faut faire Règle 3 Laisse du temps à ton partenaire pour te poser des questions Règle 4 Réconforte et encourage ton partenaire en difficulté Règle 5 Félicite ton partenaire en réussite

Les 5 règles d’or d’un bon manageur

22Entraînement

23À chacune des séances 2 à 5 du cycle, l’ensemble des participants réalisait une fois la tâche-cible. Quatre par quatre, les élèves d’une même condition d’entraînement étaient successivement et aléatoirement appelés à rejoindre la table expérimentale. Concernant la condition contrôle, chacun des quatre élèves effectuait individuellement la tâche-cible, tandis que les trois autres ramassaient les balles. S’agissant des deux conditions expérimentales, chacune des deux dyades était tour à tour impliquée directement dans la tâche-cible. À la séance 2, les consignes relatives à ces nouvelles modalités de pratique étaient formulées en ces termes :

24

« Dans la séquence suivante, vous serez alternativement joueur et manageur. Le joueur réalise son 1er essai pendant que le manageur l’observe en silence. Pendant le temps-mort, le manageur est libre de donner des conseils au joueur afin qu’il améliore sa performance à l’essai suivant. Le joueur réalise son 2e essai pendant que le manageur l’observe en silence. À la fin de cette séquence, les rôles seront inversés ».

2.3.3 – Post-test immédiat

25Le post-test immédiat a été réalisé à la séance 6. Il incluait, d’une part, l’évaluation des connaissances déclaratives dans des conditions identiques au pré-test et, d’autre part, l’évaluation des compétences motrices selon les mêmes modalités qu’à la séance 2. De plus, les dyades des conditions expérimentales étaient invitées à faire leur temps-mort dans un espace proche de la caméra numérique. Cette consigne visait à disposer de l’enregistrement audio des interactions verbales joueur/manageur et pouvoir, a posteriori, calculer un score de compétences managériales en situation réelle (SR). À la fin de la séance, les participants ont été conviés à regarder un enregistrement vidéo de la tâche-cible exécutée par un élève de 3e débutant et anonyme. L’objectif était d’identifier et de hiérarchiser les principales erreurs commises par l’élève, puis de lui donner virtuellement des conseils dans un tableau spécifique. Les consignes suivantes ont été données aux participants :

26« Vous allez visionner un court extrait vidéo de l’exécution de la situation expérimentale par un élève débutant. Soyez attentifs car une seule diffusion sera proposée. À la fin, vous devrez indiquer dans la colonne de gauche du tableau, par ordre décroissant d’importance, les erreurs que vous aurez identifiées chez l’élève débutant. Vous devrez également inscrire dans la colonne de droite le plus précisément possible les conseils que vous lui donneriez pour qu’il s’améliore ».
À l’issue de la vidéo, les participants disposaient de dix minutes pour compléter leur tableau. Cette démarche visait l’évaluation des compétences managériales en situation virtuelle (SV).

2.3.4 – Post-test différé

27Le post-test différé a été réalisé lors de la 7e et dernière séance du cycle, après les vacances scolaires (2 semaines). Son déroulement était strictement identique au post-test immédiat, excepté l’absence d’évaluation de la mesure dépendante SV.

2.4 – Mesures

28Le détail des modalités de mesure des quatre variables dépendantes est résumé en annexe (Tableau A1).

2.4.1 – Connaissances déclaratives (CD)

29Le test de connaissances déclaratives décrivait cinq situations-problèmes (« si-alors ») nécessitant chacune une prise de décision des élèves et invitant le participant à cocher une seule des quatre propositions offertes. Le score de connaissances déclaratives (CD) était compris entre 0 et 15 points. Ce test a été construit par deux experts en tennis de table et standardisé dans une étude pilote conduite avec 24 débutants filles et garçons de 3e.

2.4.2 – Compétences motrices (CM)

30L’évaluation du score de compétences motrices (CM) était assurée par l’addition de deux scores distincts : l’efficacité de l’action (EA) et la pertinence du choix (PC). CM pouvait varier sur une échelle allant de 0 à 242. Pour valider cette échelle, un test de concordance entre deux juges, experts dans l’activité, a été effectué. Le test montre un accord inter-juges à 91,8 % pour EA et à 95,3 % pour PC.

2.4.3 – Compétences managériales

31Compétences managériales en situation virtuelle (SV)

32Deux experts en tennis de table ont visionné la même séquence vidéo que les participants. Ils ont indépendamment identifié cinq défaillances sur le comportement du joueur : deux majeures, deux secondaires et une mineure. À chaque défaillance correspondait une consigne managériale appropriée. Conformément aux évaluations des experts, chacun des participants s’est vu attribué un score de compétences managériales en situation virtuelle (SV) compris entre 0 et 22. L’accord inter-juges calculé pour ce score était de 94 %.

33Compétences managériales en situation réelle (SR)

34Les échanges verbaux produits par l’ensemble des dyades des conditions expérimentales ont été retranscrits verbatim. À partir de ce support, un tableau à deux colonnes (« Défaillance identifiée » et « Consigne formulée ») a été constitué pour chaque élève aux deux temps de mesures. L’expert a ensuite visionné le premier essai de tous les participants et jugé de la qualité de l’intervention des manageurs. L’attribution du score de compétences managériales en situation réelle (SR) s’est faite selon les mêmes modalités que pour SV. L’accord inter-juges, calculé sur un échantillon de seize participants (huit par condition), était de 93 %.

2.5 – Traitement des données

35Les analyses des résultats ont été menées avec le logiciel SPSS. Selon la mesure dépendante, la nature des analyses et le choix du plan factoriel différaient.

36Concernant CD et CM au pré-test, une analyse de variance à un facteur (ANOVA) et un plan factoriel 3 x 2 ont été utilisés. Le premier facteur concernait la condition d’entraînement (TF vs TS vs CC) et le deuxième facteur renvoyait au genre (Fille vs Garçon). Des analyses de variance à mesures répétées (RMANOVA) ont également été réalisées. Un plan factoriel 3 Condition] x 2 [Genre] x 3 a été considéré, le troisième facteur étant relatif au temps de la mesure (Pré-test vs Post-test immédiat vs Post-test différé).

37S’agissant de SV au post-test immédiat, une ANOVA et un plan factoriel 3 [Condition] x 2 [Genre] ont été utilisés.

38Relativement à SR, une ANOVA a été conduite à chacun des post-tests. Un plan factoriel 2 [Condition] x 2 [Genre] a été choisi, SR ne concernant que les conditions TF et TS.

39L’ensemble des résultats est accompagné du calcul de la taille des effets (ES). Par ailleurs, l’interprétation des effets significatifs a nécessité la comparaison des estimations de moyennes (M) et la correction de Bonferonni a été retenue pour le calcul des intervalles de confiance (CI). La valeur ajustée de l’alpha nécessaire pour indiquer la significativité était p = .007. Enfin, une analyse des corrélations entre l’ensemble des variables dépendantes a été conduite.

3 – Résultats

40Les résultats pour les connaissances déclaratives et les compétences motrices sont présentés au tableau 2. S’agissant des compétences managériales, en situation virtuelle et réelle, les résultats sont affichés au tableau 3.

3.1 – Connaissances déclaratives (CD)

41L’ANOVA montre l’absence d’effet significatif au pré-test. La RMANOVA indique une interaction significative Condition x Temps, Wilks’ ? = 0.30, F(4, 134) = 28.00, p < .001, ES = 0.45. La comparaison d’estimations des moyennes montre que seuls les élèves de la condition TF progressent significativement entre le pré-test (M = 6.17, SD = 0.40, CI.99 = 5.06, 7.27) et le post-test immédiat (M = 12.04, SD = 0.42, CI.99 = 10.89, 13.20) et entre le pré-test et le post-test différé (M = 11.75, SD = 0.40, CI.99 = 10.66, 12.84).

42La formation au TRP a donc permis aux débutants, indépendamment de leur genre, d’améliorer significativement et durablement leur niveau de connaissances déclaratives relatives à la tâche-cible.

3.2 – Compétences motrices (CM)

43L’ANOVA montre uniquement un effet du genre pour le pré-test, F(1,68) = 46.26, p < .001, ES = 0.40. La comparaison d’estimations des moyennes précise que les garçons (M = 146.53, SD = 2.58) obtiennent de meilleures performances que les filles (M = 121.98, SD = 2.52), p < .001, d = 24.55, CI.99 = 14.51, 34.59. La RMANOVA indique une interaction significative Condition x Temps, Wilks’ ? = 0.23, F(4, 134) = 35.63, p < .001, ES = 0.51. La comparaison d’estimations des moyennes montre que seuls les élèves de la condition TF progressent significativement entre le pré-test (M = 132.37, SD = 3.16, CI.99 = 123.58, 141.17) et le post-test immédiat (M = 189.58, SD = 2.94, CI.99 = 181.41, 197.76) et entre le pré-test et le post-test différé (M = 185.67, SD = 3.41, CI.99 = 176.18, 195.15).

44La formation au TRP a donc permis aux débutants, indépendamment de leur genre, d’améliorer significativement et durablement leur niveau de compétences motrices pour l’exécution de la tâche-cible.

Tableau 2

Moyennes et (écarts types) des mesures dépendantes considérées à la fois au pré-test (1), au post-test immédiat (2) et au post-test différé (3)

Tableau 2
Condition d’entraînement Genre Connaissances Déclaratives Compétences Motrices 1 2 3 1 2 3 Tutorat Formé Fille 5.58 (1.67) 11.83 (1.64) 11.83 (1.64) 126.17 (15.72) 185.33 (12.23) 180.92 (12.98) Garçon 6.75 (2.26) 12.25 (1.66) 11.67 (1.30) 138.59 (10.02) 193.83 (12.27) 190.42 (09.85) Tutorat Spontané Fille 6.67 (2.57) 6.59 (2.11) 5.83 (2.59) 121.42 (20.39) 125.50 (11.80) 119.92 (19.79) Garçon 6.33 (1.87) 6.67 (2.06) 6.41 (2.31) 147.67 (10.91) 153.00 (08.35) 150.58 (18.11) Pratique individuelle Fille 6.50 (1.51) 6.50 (2.21) 5.86 (1.66) 118.36 (20.87) 132.21 (20.07) 129.71 (20.64) Garçon 6.25 (1.60) 6.50 (2.39) 6.08 (1.73) 153.33 (09.35) 147.75 (17.21) 145.17 (15.41)

Moyennes et (écarts types) des mesures dépendantes considérées à la fois au pré-test (1), au post-test immédiat (2) et au post-test différé (3)

3.3 – Compétences managériales

45Compétences managériales en situation virtuelle (SV)

46L’ANOVA montre uniquement un effet principal de la condition d’entraînement, F(2,68) = 45.42, p < .001, ES = 0.57. La comparaison des estimations des moyennes indique une supériorité de la condition TF (M = 12.37, SD = 0.68) sur la condition TS (M = 4.54, SD = 0.68), p < .001, d = 7.83, CI.99 = 4.78, 10.89 et sur la condition CC (M = 4.37, SD = 0.66), p < .001, d = 8.00, CI.99 = 5.00, 11.00.

47Compétences managériales en situation réelle (SR)

48Au post-test immédiat, on constate uniquement un effet principal de la condition d’entraînement, F(1,44) = 69.33, p < .001, ES = 0.61. La comparaison des estimations des moyennes indique une supériorité de la condition TF (M = 11.46, SD = 0.76) sur la condition TS (M = 2.54, SD = 0.75), p < .001, d = 8.92, CI.99 = 5.89, 11.95.

49Au post-test différé, l’ANOVA montre uniquement un effet principal de la condition d’entraînement, F(1,44) = 138.18, p < .001, ES = 0.76. La comparaison des estimations des moyennes indique une supériorité de la condition TF (M = 11.04, SD = 0.54) sur la condition TS (M = 2.04, SD = 0.54), p < .001, d = 9.00, CI.99 = 6.83, 11.17.

50La formation au TRP a donc permis aux élèves de la condition TF, indépendamment de leur genre, de manifester de meilleures compétences managériales comparées aux conditions TS et CC en situations virtuelle et réelle.

Tableau 3

Moyennes et (écarts types) des mesures dépendantes relatives aux compétences managériales

Tableau 3
Condition d’entraînement Genre Situation Virtuelle Situation Réelle 2 3 Tutorat Formé Fille 13.75 (5.48) 11.09 (4.81) 10.09 (3.29) Garçon 11.00 (3.33) 11.83 (4.84) 12.00 (3.10) Tutorat Spontané Fille 4.33 (2.74) 2.75 (1.91) 2.17 (2.29) Garçon 4.75 (2.53) 2.33 (1.19) 1.92 (1.56) Pratique individuelle Fille 3.50 (2.79) Garçon 5.25 (2.22)

Moyennes et (écarts types) des mesures dépendantes relatives aux compétences managériales

3.4 – Corrélations entre les variables

51Les corrélations entre les quatre mesures dépendantes sont positives et significatives pour l’ensemble de la population (p < .001). Cependant l’examen pour chacun des groupes montre une seule corrélation positive entre CM et SR pour le groupe des garçons formés. C’est aussi pour ce même groupe que des corrélations positives sont observées (tendance à la significativité) entre CM et SV, et entre SV et SR. Pour chacun des autres groupes aucune consistance ni signification dans les corrélations n’est observée.

4 – Discussion

52L’objectif principal de cette étude était de vérifier l’intérêt de former des élèves débutants à l’exercice de la fonction de tuteur lors de l’emploi d’une procédure TRP dans le cadre de l’acquisition d’une tâche motrice complexe en tennis de table au collège. Un second objectif visait à confirmer la sensibilité plus élevée des filles à la présence d’une formation au tutorat comparé aux garçons. Les résultats confirment en partie nos attentes.

4.1 – Conséquences cognitives et comportementales de la formation au TRP

53Dans le cadre d’une procédure de tutorat fixe en boxe française à l’université, Legrain et al. (2003) ont mis en évidence que la formation du tuteur engendre un effet indéniable à la fois sur ses performances motrices et sur ses compétences managériales. Ces conclusions peuvent être étendues au tutorat réciproque en tennis de table au collège. En effet, dans la condition de tutorat réciproque « formée », les progrès moteurs et cognitifs (immédiats et différés) des participants s’avèrent plus élevés comparés à ceux de la condition de tutorat réciproque « spontanée » et de la condition contrôle individuelle. À l’issue de l’expérimentation, les compétences managériales des élèves de la condition formée (en situations virtuelle et réelle) se révèlent également supérieures à celles des élèves des conditions spontanée et contrôle. Par ailleurs, nous observons l’absence de différence significative entre la condition spontanée et la condition contrôle sur l’ensemble des variables dépendantes mesurées. Il est ainsi possible d’affirmer que la présence d’un entraînement au tutorat, en amont des sessions interactives, est une condition indispensable à l’efficacité du TRP. L’apparition d’un « effet tuteur » (Barnier, 1989) dépend essentiellement de la présence d’une structure offrant aux élèves la possibilité de développer leurs connaissances et métaconnaissances. Conformément à la littérature TRP dans le domaine des disciplines académiques (King et al., 1998), l’exercice spontané de la fonction de tuteur, même réciproque, n’a pas permis de modifier suffisamment les structures cognitives des participants pour accroître leurs performances dans la tâche. À l’inverse, préalablement sensibilisés à l’observation/évaluation de la prestation d’un partenaire et aux règles essentielles de fonctionnement d’un bon tuteur, des adolescents débutants ont pu efficacement s’entraider à progresser dans une tâche motrice nouvelle. En revanche, l’apparition conjointe de bénéfices moteurs et cognitifs en contexte TRP structuré diffère des résultats de travaux inhérents aux procédures interactives proches du TRP en EPS (Reciprocal style of teaching, Ward et Lee, 2005). Nous pouvons expliquer cette différence par le recours original lors de la formation à la Technique du Groupe Nominale (TGN, Delbecq, et al., 1975). Le travail de mise en mots inclus dans cette technique a certainement contribué à améliorer les connaissances déclaratives et potentialités explicatives en situation virtuelle/réelle de managérat de l’élève. Un prolongement de notre étude viserait à mieux cerner l’évaluation de connaissances et métaconnaissances construites dans l’interaction.

4.2 – Effet de la formation au TRP en fonction du genre des élèves

54Contrairement aux résultats des récentes études ayant considéré l’effet du genre dans le cadre du tutorat en classe entière en EPS (Legrain et Heuzé, 2005), la condition TRP structurée par la présence de la formation au managérat n’a pas profité plus aux filles qu’aux garçons. Ces derniers ont notamment manifesté des progrès moteurs identiques, malgré l’obtention de performances supérieures au pré-test. Ce résultat inattendu peut être interprété par la nature différente du contexte expérimental de notre étude, comparé à celui des études relatives au tutorat en classe entière. Celles-ci offraient aux élèves la possibilité de changer de partenaire d’une séquence TRP à l’autre et leur permettaient d’interagir plusieurs minutes sans que l’enseignant ne soit systématiquement présent. Dans notre expérimentation, à l’inverse, les participants disposaient seulement d’une minute de temps-mort pour interagir avec un même partenaire et sous le contrôle permanent de l’expérimentateur. Ce contexte « directif » a certainement contribué à réduire les différences liées au genre en situation d’apprentissage dyadique (Charlesworth et Dzur, 1987 ; Arripe-Longueville (d’), 1998). Par ailleurs, les différences (en termes de tendances) observées pour les filles entre les situations virtuelle/réelle peuvent être interprétées en termes de congruence entre le genre et la situation vécue. Les filles seraient plus en réussite dans des situations virtuelles proches de situations scolaires que dans des situations concrètes.
Enfin, si nous observons des corrélations entre les mesures pour l’ensemble des participants, l’analyse par groupe ne distingue que les garçons formés (corrélation positive entre compétence motrice et managérat réel). Un dispositif plus fin d’observation et de mesure des connaissances et des compétences managériales (en particulier avant tout exercice de la motricité) devrait lever quelques interrogations quant au déclenchement des acquisitions en situation de tutorat réciproque.

5 – Conclusion

55De l’ensemble de cette étude, les conditions favorables à la mise en œuvre du TRP dans le cadre de l’acquisition des habiletés motrices et de l’EPS peuvent être mises à jour. Nos résultats montrent la nécessité d’offrir aux élèves, en amont des séquences interactives TRP, une formation au tutorat. Cette dernière s’est avérée en effet indispensable à l’apparition de progrès moteurs et cognitifs durables chez des élèves débutants en tennis de table au collège. À l’inverse, l’exercice spontané de la fonction de tuteur ou la seule pratique physique individuelle de la tâche expérimentale n’ont produit aucun effet. En nous référant aux récentes revues de littérature PAL dans le domaine des disciplines académiques (Rohrbeck et al., 2003 ; Topping, 2005), il nous paraît intéressant de réfléchir à une mise en œuvre fonctionnelle d’une formation au tutorat réciproque en classe entière. Avec ce passage à des conditions plus écologiques, l’interrogation majeure deviendrait alors : comment préparer les enseignants à mettre en œuvre efficacement le TRP ? Comment incorporer les séquences de formation des élèves dans le déroulement normal du cours d’EPS ?

56Par ailleurs, nos résultats soulignent l’absence d’effet du genre sur l’intérêt de la formation. Celle-ci s’est révélée aussi efficace chez les filles que chez les garçons. Cependant, l’étude s’est centrée uniquement sur des dyades non mixtes. Or au sein d’un groupe classe, la répartition du genre des élèves est rarement équilibrée et l’usage de la mixité dans les groupes de travail reste problématique, notamment en EPS. Ainsi, nous envisageons d’étudier les effets du TRP, avec ou sans formation, auprès de dyades mixtes.


Annexe
Tableau A1

Modalités de mesure de l’ensemble des variables dépendantes

Tableau A1
Mesures Connaissances déclaratives (CD) Compétences motrices (CM) Compétences managériales en situation virtuelle (SV) Compétences managériales en situation réelle (SR) Temps mesure Pré-test ; Post-tests immédiat et différé Pré-test ; Post-tests immédiat et différé Post-test immédiat Post-tests immédiat et différé Support QCM : 5 questions, 4 choix Support vidéo tâche-cible Grille-élèves analyse vidéo Verbatim des manageurs Analyse Dépouillement QCM Double codage d’expert Dépouillement grille-élèves Double codage d’expert Critères À chacune des questions correspondaient : - 1 choix correct : 3pts - 2 choix ½ corrects : 1pt - 1 choix incorrect : 0pt Efficacité Action + Pertinence Choix À chaque renvoi : - 0 < EA < 6 selon type frappe et zone impact - 0 < PC < 2 selon type frappe/type trajectoire Défaillance identifiée + Consigne formulée 4 niveaux Besoin/Conseil : - Majeur : 3pts - Secondaire : 2pts - Mineur : 1pt - Non identifié : 0pt Idem SV Échelle 0 < CD < 15 0 < CM < 242 0 < SV < 22 0 < SR < 22

Modalités de mesure de l’ensemble des variables dépendantes

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Mots-clés éditeurs : tutorat réciproque entre pairs, formation, connaissances, genre, tennis de table

Date de mise en ligne : 01/01/2010

https://doi.org/10.3917/sta.086.0007

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