1 – Introduction
1Dans le secteur de l’éducation et dans celui de la santé, une des tendances actuelles dans les pays occidentaux est de renforcer ou de consolider la présence de l’éducation à la santé en milieu scolaire. Cet effort découle des préoccupations soulevées par les données épidémiologiques recueillies auprès des jeunes, qui montrent l’urgence d’agir sur les habitudes de vie des enfants et des adolescents afin de les aider à adopter des comportements favorables à leur état de santé et de bien-être. Dans une telle perspective, la discipline scolaire qu’est l’éducation physique peut contribuer substantiellement à l’amélioration des habitudes de vie des jeunes, leur offrir des occasions de pratiques d’activités physiques et promouvoir la pratique de celles-ci. Cependant, il s’avère essentiel de bien connaître les caractéristiques propres au champ disciplinaire de l’éducation à la santé afin d’orienter les interventions réalisées par les enseignants en éducation physique. Ce texte a donc pour objet de situer le domaine de l’éducation à la santé en tant que champ disciplinaire de l’éducation afin de supporter l’action pédagogique des enseignants du domaine de l’éducation physique.
2L’éducation à la santé fait partie des actions menées en promotion de la santé. La mise en œuvre d’actions en promotion de la santé consiste à rendre les individus aptes à mieux contrôler leur propre état de santé en leur donnant les moyens de l’améliorer. L’Organisation mondiale de la santé (OMS, 1986) identifie une variété importante de stratégies favorisant la mise en œuvre de ces actions, soit : (a) l’élaboration de politiques en faveur de la santé ; (b) la création d’environnements favorables ; (c) le renforcement de l’action communautaire ; (d) la réorientation des services de santé et (e) l’acquisition d’aptitudes individuelles. Parmi l’ensemble de ces stratégies, l’acquisition d’aptitudes individuelles représente la principale stratégie de promotion de la santé conduite par les enseignants en éducation physique. L’acquisition d’aptitudes individuelles a pour objectif de donner aux individus davantage de possibilités de contrôle de leur propre santé ainsi que de leur environnement, ce qui accroît les capacités à faire des choix ultérieurs judicieux pour leur santé. Cette stratégie s’inscrit dans les actions menées dans le domaine de l’éducation à la santé où un rôle important est dévolu à l’éducateur physique.
2 – L’éducation à la santé : modification des comportements ou processus éducatif
3La première tendance gravite autour de la notion de modification des comportements au moyen d’un processus d’apprentissage. La définition la plus couramment citée pour définir l’éducation à la santé en lien avec cette tendance est celle établie par l’OMS. Selon l’OMS, l’éducation pour la santé est un concept employé pour désigner les occasions d’apprentissage délibérément suscitées pour faciliter les changements de comportement en vue d’atteindre un objectif déterminé à l’avance. Comme le souligne Hagan (1988), l’éducation à la santé a été étroitement liée à la prévention de la maladie, en tant que moyen de changer des comportements qui ont été identifiés comme des facteurs de risque pour certaines maladies. Il est donc logique de constater la relation étroite qui unit cette définition à la tradition dominante de l’éducation à la santé en sciences médicales. Ainsi, l’éducation à la santé est centrée sur l’apprentissage des comportements favorables à la prévention des risques existants pour la santé.
4La deuxième tendance contraste avec celle qui vient d’être mentionnée, en délaissant la notion de modification de comportements pour s’orienter vers le développement d’un processus éducatif en matière de santé et de bien-être. Cette tendance a pour objectif de mettre en œuvre une éducation à la santé permettant une gestion appropriative de sa santé. En fait, la conception sous-jacente à cette deuxième tendance suppose une éducation à la santé médiatrice entre un individu et son environnement et non prescriptive quant à une modification d’un comportement spécifique. L’aspect de médiation joue un rôle déterminant dans la mise en œuvre des actions de promotion de la santé associées à cette tendance. À cet égard, Coppé et Schoonbroodt (1992) ont relevé cette définition qui décrit le mieux l’aspect médiateur que doit jouer l’éducation à la santé entre l’individu et sa santé personnelle.
« L’éducation pour la santé est un processus d’enseignement-apprentissage visant à développer les capacités d’adaptation des gens à leur environnement et à les orienter dans la transformation de cet environnement quand ses variations dépassent leurs capacités. Éduquer pour la santé consiste à travailler avec d’autres pour trouver ensemble une façon de vivre plus saine. Ce travail ne doit pas se limiter à une simple transmission de connaissances. Il doit développer une vision plus critique de la réalité et stimuler des comportements plus efficaces dans la prévention des problèmes de santé. En d’autres termes, il s’agit d’obtenir que les gens perçoivent plus clairement les risques pour leur santé physique, mentale et sociale existant autour d’eux et qu’ils puissent et veuillent choisir les comportements les plus efficaces et intelligents pour affronter ces risques ou les éviter, tant sur le plan individuel que collectif. »
6Ainsi, ces deux tendances apparemment opposées s’affrontent pour définir l’éducation à la santé, à savoir une tendance axée sur la modification de comportements et l’autre axée sur la gestion appropriative. Elles évoquent deux points de vue très différents quant à leur perspective d’application dans le domaine de l’éducation. La position occupée par l’éducation à la santé dans le domaine des sciences de l’éducation est directement influencée par ces deux tendances. Toutefois, la centration sur la modification des comportements demeure la tendance principale de l’éducation à la santé qui est encore aujourd’hui comprise et abordée sous l’angle des sciences de la santé.
7Ces deux tendances influencent directement l’orientation des interventions menées en éducation à la santé. Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM, 2001), la première tendance axée sur la modification de comportements repose sur une approche expérimentale, alors que la deuxième tendance axée sur la gestion appropriative repose sur une approche développementale. Au niveau de la modification de comportements, la sélection des objectifs d’apprentissage est réalisée afin de répondre au but du programme qui est d’amener un individu à adopter un comportement favorable à l’égard de sa santé et son bien-être. À l’opposé, au niveau de la gestion appropriative, la sélection des objectifs d’apprentissage est en relation avec l’idée de rendre la personne plus autonome dans la gestion de sa santé et de son bien-être. Ainsi, pour répondre aux priorités de ces deux tendances, les objectifs d’apprentissage ne peuvent pas être de même nature.
8Puisque l’objectif principal de la promotion de la santé est de rendre autonomes les populations face à leur santé, les actions réalisées en éducation à la santé doivent donc s’inscrire dans une approche accompagnatrice de développement dans lequel l’élève joue un rôle actif. Pour Sandrin Berthon (1997), l’apprentissage en éducation à la santé doit éviter le rationalisme, la médicalisation et la culpabilité pour s’orienter vers l’apprentissage du savoir-être. Celui-ci est le résultat tangible d’une éducation à la santé qui dépasse le cadre de la transmission de savoir-faire et de savoirs qui ne tiennent pas compte de toutes les dimensions de la personne humaine et de ses conditions objectives de vie. Ainsi, les méthodes actives et non directives s’inscrivent directement dans la deuxième tendance axée sur la gestion appropriative de sa santé et de son bien-être. Elles s’appuient sur l’intérêt de l’élève et son implication dans le processus d’apprentissage. Pour Coppé et Schoonbroodt (1992), la gestion appropriative encourage l’enfant à explorer ses propres attitudes et opinions, à clarifier ses valeurs et celles des autres, à analyser les diverses étapes du processus de décision menant à ses choix concernant sa santé et son bien-être.
3 – Les théories et modèles de référence en éducation
9À première vue, le défi des éducateurs physiques peut paraître limité à la possibilité de mettre en œuvre diverses actions qui tiennent compte des particularités caractérisant les deux tendances présentées précédemment. Or les assises éducationnelles propres aux domaines de l’éducation à la santé et de l’éducation physique guident les actions menées par les intervenants de chacun de ces domaines. Les assises éducationnelles correspondent aux principes fondateurs d’un domaine d’activité. Ainsi, la mise en œuvre d’actions en éducation à la santé, de la part des éducateurs physiques, repose sur l’interconnexion des assises éducationnelles spécifiques au domaine de l’éducation à la santé à celles du domaine de l’éducation physique. En conséquence, l’analyse des assises éducationnelles qui inspirent ces domaines est essentielle afin de mieux comprendre les effets potentiels des actions réalisées par les enseignants du domaine de l’éducation physique en éducation à la santé. La typologie de Joyce, Weil et Calhoun (2004), développée en sciences de l’éducation, servira de cadre d’analyse afin de distinguer les assises éducationnelles présentes en éducation à la santé et en éducation physique. Cette typologie est constituée de quatre familles de modèles d’enseignement regroupés en fonction d’une orientation similaire qui est partagée quant à la conception qu’ils véhiculent de l’être humain et la manière dont elles envisagent l’apprentissage. En voici une brève description.
10Premièrement, les modèles inspirés de la personne ont comme postulat le développement intégral d’un individu à partir de ses caractéristiques personnelles. En fait, ils portent une attention particulière au respect du rythme et du style d’apprentissage de chaque individu afin de satisfaire les besoins individuels de chacun. Parmi les modèles de ce genre, certains s’inscrivent dans une optique de non-directivité pédagogique où l’enseignant exerce un faible contrôle sur le choix des objectifs ainsi que sur les activités de l’élève. Dans l’ensemble de ces modèles, l’enseignant est celui qui provoque les situations d’apprentissage afin de rendre les apprenants actifs et les modèles de cette famille tendent au développement de l’autonomie des individus afin de les rendre responsables de leur propre destinée.
11Deuxièmement, les modèles d’interaction sociale mettent l’accent sur la synergie qui est construite lors d’un travail collectif. Ils portent une attention particulière à la façon dont les individus interagissent et à la qualité des relations qu’ils élaborent afin de résoudre une problématique particulière. Ils reposent sur la réflexion d’individus engagés dans un processus de résolution de problèmes, ce qui leur permet de construire leur vécu social à partir des interactions avec les autres.
12Troisièmement, les modèles inspirés du traitement de l’information mettent l’accent sur le sens donné par un individu aux informations perçues et analysées ainsi qu’aux réponses produites en solution aux différents problèmes. L’objectif de ces modèles est que les apprenants s’approprient leur processus d’apprentissage, acquièrent de nouvelles données et soient en mesure de les structurer. Ces modèles visent le développement des habiletés nécessaires à la compréhension des concepts et à la transférabilité.
13Quatrièmement, les modèles inspirés de la modification du comportement rapportés font référence aux théories psychologiques du comportement où le résultat attendu est fonction du stimulus appliqué. Ces modèles s’inscrivent dans une optique de directivité pédagogique où l’environnement est très structuré par l’enseignant. Dans ces types de modèles, le transfert des apprentissages est très difficile puisque l’individu fait rarement appel à un processus d’acquisition qui nécessite un travail intellectuel de niveau supérieur. En ce sens, la variable la plus influente est la manipulation de l’environnement afin de répondre adéquatement aux différents déterminants de la situation d’apprentissage.
14La présence de ces différentes familles de modèles d’enseignement montre qu’il n’existe pas une seule façon d’intervenir auprès d’une clientèle particulière, d’où la nécessité d’analyser l’ensemble des caractéristiques d’une situation d’apprentissage avant de sélectionner le ou les modèles permettant l’atteinte des objectifs d’apprentissage. Le choix d’un modèle d’enseignement de la part d’un enseignant est donc une étape réfléchie dans le processus d’intervention pédagogique en fonction de la problématique à résoudre et du contexte dans lequel cette problématique s’inscrit. Les spécificités respectives des quatre familles de modèles d’enseignement montrent l’importance d’une analyse préalable des conditions d’apprentissage ainsi que la prise en compte des effets recherchés. À certains moments, la complémentarité de modèles issus de différentes familles peut s’avérer opportune, en particulier en éducation à la santé où les dimensions d’apprentissage (cognitive, affective, sociale et motrice) qui émergent des assises éducationnelles sont variées. Un enseignant dans le domaine de l’éducation à la santé doit donc maîtriser une variété de modèles lui permettant d’intervenir sur chacune des dimensions d’apprentissage impliquées en éducation à la santé.
15Ces quatre familles de modèles d’enseignement constituent le cadre d’analyse permettant de caractériser les assises éducationnelles du domaine de l’éducation à la santé et de celui de l’éducation physique. Ainsi, l’analyse des principes fondateurs de l’éducation à la santé et de l’éducation physique à partir des quatre familles de modèles d’enseignement permet d’apprécier le possible degré d’interconnexion entre les assises éducationnelles des deux domaines.
4 – Les théories et modèles de référence en éducation à la santé
16Le domaine de l’éducation à la santé est, pour sa part, influencé par une multitude de théories et de modèles ayant deux visées distinctes, soit de favoriser l’identification des facteurs psychosociaux qui détermine l’adoption ou non d’un comportement donné en matière de santé et de bien-être soit de favoriser le processus de changement d’un comportement. Ces deux visées sont présentées ci-dessous.
4.1 – L’identification des facteurs psychosociaux
17Les théories et modèles d’éducation à la santé sont limités dans leur capacité d’expliquer les comportements des individus. Ainsi, il serait illusoire de penser qu’une seule théorie est suffisante pour expliquer une situation particulière. En fait, la combinaison de certaines caractéristiques appartenant à plusieurs théories semble une démarche susceptible de mieux expliquer les facteurs déterminants d’un comportement donné. Un nombre restreint de concepts permet d’expliciter les principales caractéristiques de ces modèles. Le modèle intégrateur de Godin (2002) résume bien les déterminants de l’adoption des comportements liés à la santé. Selon ce modèle, le comportement serait prédit par l’intention, pourvu que les conditions soient favorables à la concrétisation de cette dernière. Ces conditions sont reliées aux ressources et aux facteurs facilitant l’adoption du comportement. À titre d’exemple, pour pratiquer le ski alpin, il est nécessaire d’avoir le matériel requis (skis et bâtons) en plus d’avoir accès à une montagne afin de pratiquer cette activité sportive. Les variables externes, constituées des caractéristiques individuelles (âge, sexe, personnalité, entre autres) et environnementales (milieu socio-économique, culture, entre autres), présentes dans le modèle, n’interfèrent pas directement au niveau de l’intention qui définit la nature du comportement. Cependant, ces variables peuvent avoir une incidence sur une ou plusieurs catégories de facteurs (attitudes, normes perçues et contrôle perçu) et ainsi influencer les déterminants ayant un impact réel sur le comportement à adopter.
Modèle intégrateur de Godin (2002)
Modèle intégrateur de Godin (2002)
18L’intention est définie par huit variables regroupées en trois catégories de facteurs. La première catégorie de facteurs concerne l’attitude des personnes à l’égard du comportement à adopter. Cette attitude peut s’exprimer sous deux formes, à savoir les composantes cognitive et affective. D’une part, la composante cognitive est le résultat d’une analyse subjective des avantages et désavantages qui résulteraient de l’adoption du comportement. Cette analyse correspond au sens donné par un individu aux croyances face aux conséquences d’un comportement donné et/ou à l’évaluation de ces conséquences. Pour entreprendre un programme d’activités physiques, il est nécessaire d’évaluer au préalable les coûts et bénéfices rattachés à ce changement de comportement. D’autre part, la composante affective est reliée aux sentiments et aux émotions ressentis face à l’adoption ou non d’un comportement ainsi qu’aux regrets anticipés. À titre d’exemple, certains individus peuvent trouver les sensations corporelles déplaisantes suite à un effort physique.
19La deuxième catégorie de facteurs, au centre du modèle, est formée des normes perçues, au nombre de quatre, qui agissent de différentes façons sur la motivation à agir chez un individu. En premier lieu, il y a la norme sociale qui correspond à la perception individuelle d’un individu aux attentes formulées par les personnes de son entourage social concernant l’adoption d’un comportement. Cette norme est définie par les croyances normatives qui font référence au degré d’approbation de personnes importantes dans l’entourage d’un individu et les pressions ressenties qui correspondent aux pressions exercées par d’autres personnes sur cet individu. À titre d’exemple, le fait de faire partie d’un réseau social qui considère important de pratiquer régulièrement des activités physiques peut s’avérer un incitatif majeur dans notre propre pratique d’activités physiques. En second lieu, il y a la norme comportementale qui prévaut dans notre environnement social et qui dicte les conduites individuelles. Par exemple, les adolescents dont les parents font régulièrement de l’activité physique sont influencés positivement par ces derniers puisqu’ils en font eux-mêmes plus souvent que les adolescents dont les parents n’adoptent pas une pratique régulière de l’activité physique. En troisième lieu, il y a la croyance dans les rôles sociaux. Cette norme est la perception d’un individu, de ce que doit faire une personne occupant une position similaire à la sienne dans la structure sociale, en regard du comportement visé. À titre d’exemple, l’image attendue d’un enseignant en éducation physique est celle d’une personne physiquement active qui prend soin de son état de santé et de son bien-être. Selon cette norme, l’éducateur physique doit donc être un modèle pour l’ensemble des populations avec lesquelles il intervient. Finalement, il y a la norme morale qui s’exprime à travers les convictions personnelles reliées aux principes moraux propres à chaque individu et qui sont issues de l’éducation reçue des parents et des autres organismes autorisés (milieu scolaire, milieu de garde, entre autres).
20La troisième catégorie de facteurs représente le contrôle perçu par un individu à adopter un comportement. Les barrières perçues représentent ce qui empêche l’adoption d’un comportement. Ces barrières sont d’ordre physique ou psychologique. À titre d’exemple, les enfants ont un contrôle limité sur l’alimentation privilégiée en milieu familial qui est sous le contrôle des parents. L’efficacité personnelle (auto-efficacité) représente la capacité pour un individu à adopter un comportement peu importe la situation qui prévaut et les difficultés qui peuvent surgir en cours de route. Par exemple, pour entreprendre un programme d’activités physiques sur une base régulière, il est nécessaire de croire en sa capacité d’exécuter sur une base régulière ce programme.
21Pour un enseignant en éducation physique, la prise en compte des trois catégories de facteurs (attitudes, normes perçues et contrôle perçu) influence la manière d’intervenir lorsqu’il est question de la santé et du bien-être. En fait, l’intervention peut s’exécuter de deux manières différentes, soit : (a) en agissant directement sur les facteurs ayant une influence sur l’adoption d’un comportement ou soit (b) en développant des activités et des structures qui ont pour but d’avoir un impact direct sur ces facteurs afin de favoriser, dans un avenir rapproché ou à long terme, l’adoption et le maintien d’un comportement favorable pour sa santé et son bien-être. Pour un éducateur physique, le fait d’être un acteur principal en promotion de la santé implique de connaître ces deux manières d’intervenir. Toutefois, la tâche principale d’un enseignant en éducation physique est le développement d’activités et de structures permettant d’adopter un mode de vie sain et physiquement actif. Les deux exemples suivants illustrent ces deux manières :
22Exemple 1 : le manque de plaisir est une des raisons de l’abandon d’une pratique régulière d’activité physique le plus souvent mentionné par les adolescents. Dans un premier temps, l’intervention est basée sur l’identification des motifs expliquant cette perte de plaisir. Ces motifs permettront d’élaborer une stratégie afin de contrer les émotions négatives ressenties par l’adolescent de manière à atténuer l’impact négatif que suscite sa pratique actuelle de l’activité physique.
23Exemple 2 : le fait d’orienter le développement de l’élève en milieu scolaire vers la maîtrise d’une variété d’habiletés motrices et sportives favorise l’émergence du sentiment de compétence chez ce dernier. Ce sentiment de compétence agit fortement sur la motivation intrinsèque de l’élève et influence positivement ses attitudes et son niveau de contrôle perçu dans l’adoption d’une pratique régulière de l’activité physique.
4.2 – Le processus de changement de comportement
24L’identification des facteurs psychosociaux ne permet pas à elle seule d’élaborer des programmes d’intervention en éducation à la santé. Les théories psychosociales doivent être jumelées à un modèle favorisant la mise en œuvre d’un processus de changement de comportement. Le modèle transthéorique de Prochaska et DiClemente (1994) est un exemple d’un modèle axé sur le processus de changement individuel, alors que l’empowerment (Ninacs, 1996 ; Zimmerman et Martinez-Pons, 1988) est un modèle axé sur le processus d’appropriation décisionnel. Le modèle transthéorique est composé de cinq stades à l’intérieur desquels un individu doit évoluer afin de modifier et maintenir un nouveau comportement. Les deux premiers stades (précontemplation et contemplation) représentent le niveau de prise de conscience face aux effets de ses comportements. En précontemplation, l’individu dénie les effets d’un comportement sur sa santé et son bien-être alors qu’en contemplation, il reconnaît les effets potentiels de ce comportement et il est conscient qu’il doit modifier ce dernier pour améliorer son état de santé et de bien-être. Le stade de préparation permet à l’individu de mettre à l’essai certaines mesures afin de modifier son comportement alors qu’au stade de l’action, il choisira et organisera ces mesures afin de les appliquer de façon régulière. Enfin, le dernier stade est celui du maintien où l’individu adopte à long terme le nouveau comportement. Ces cinq stades représentent donc un cheminement progressif permettant à un individu d’adapter un comportement donné. D’un point de vue temporel, le passage d’un stade à un autre est associé à la possibilité pour un individu de mettre en œuvre les actions nécessaires au prochain stade. Ainsi, ce cheminement entre les différents stades diffère d’une personne à une autre. De plus, il est également possible de régresser à un stade antérieur durant le processus de changement de comportement ou même lorsqu’un individu est à l’étape de maintien depuis une longue période de temps.
25Ces modèles ont un rôle important à jouer dans la prise en compte de la responsabilité individuelle face aux événements qui agissent sur la santé de l’individu et sur le développement de son autonomie personnelle. Selon Parcel, Kelder et Basen-Engquist (2000), l’empowerment est le modèle émergent actuellement dans le domaine de l’éducation à la santé en milieu scolaire. Ces auteurs précisent que l’implantation de ce modèle nécessite de s’éloigner des approches traditionnelles d’éducation à la santé. En effet, à l’intérieur de ce modèle, les étapes amenant au processus de changement sont sous le contrôle des élèves et non sous le contrôle des enseignants. De plus, selon French (1990), l’amélioration de la santé par l’éducation à la santé doit s’exercer en développant pour chaque individu la capacité de comprendre et de contrôler soi-même son état de santé. À cet égard, les modèles qui agissent sur le processus de modification des comportements sont d’une grande importance afin d’intégrer les changements envisagés dans une démarche éducative.
26En somme, l’identification des facteurs psychosociaux s’avère une étape préalable à l’usage des modèles axés sur le processus de changement de comportement. La connaissance des facteurs psychosociaux permet d’identifier les pistes d’actions susceptibles de faciliter la démarche de changement de comportement. Ainsi, les interventions menées dans les différents stades de changement de comportement doivent tenir compte des facteurs psychosociaux expliquant les comportements des individus.
5 – Les assises éducationnelles des domaines de l’éducation à la santé et de l’éducation physique
27Puisque le but des théories et modèles présents en éducation à la santé est d’identifier et de prédire les paramètres qui expliquent les différents types de comportements ainsi que de modifier les comportements, il n’est guère surprenant de constater la ressemblance avec les modèles axés sur la modification du comportement. Toutefois, l’analyse des différentes variables du modèle intégrateur de Godin (2002) montre des caractéristiques qui permettent de les associer à d’autres familles de modèles d’enseignement de la typologie de Joyce et al. (2004).
28À la similitude des modèles axés sur la modification du comportement dans la typologie de Joyce et al. (2004), s’ajoute la similitude des trois autres familles de modèles d’enseignement à savoir les familles de modèles d’enseignement inspirés de la personne, d’interaction sociale et du traitement de l’information. En effet, le concept d’attitude correspond à un processus de réflexion cognitif directement relié à la famille des modèles axés sur le traitement de l’information. La famille de modèles d’enseignement axés sur l’interaction sociale se retrouve à l’intérieur des normes perçues et au sein du concept d’efficacité personnelle qui provient directement de la théorie sociale cognitive de Bandura (1977). La théorie sociale cognitive est le reflet d’un jumelage des modèles d’enseignement axés sur l’interaction sociale et sur le traitement de l’information. Les modèles axés sur les caractéristiques de la personne sont, quant à eux, présents à l’intérieur de la démarche générale d’analyse qui s’inscrit dans un cheminement personnel. Ce processus favorise l’usage de certains modèles en lien avec cette famille de modèles d’enseignement. La relation entre les différentes variables du modèle d’identification et de prédiction du comportement montre donc la diversité des familles de modèles du domaine de l’éducation présentes en éducation à la santé : l’approche comportementale continue à prédominer de manière significative. Les assises éducationnelles du domaine de l’éducation à la santé sont donc constituées de l’ensemble des familles de modèles d’enseignement que l’on retrouve dans les sciences de l’éducation.
29La diversité des modèles d’enseignement présents en éducation à la santé fait apparaître une divergence importante face au domaine de l’éducation physique. En effet, le développement du domaine de l’éducation physique s’est principalement effectué en relation avec les apprentissages moteurs des différentes activités physiques. L’objet d’enseignement est donc principalement centré sur le développement des habiletés motrices nécessaires à la réalisation d’une activité sportive particulière. Ainsi, le domaine de l’éducation physique a fait un usage presque exclusif de la famille de modèles axés sur la modification du comportement (Florence, Brunelle & Carlier, 1998) et dans une moindre mesure des modèles axés sur le traitement de l’information. En particulier, la position dominante qu’occupe le modèle comportemental dans l’enseignement de l’éducation physique reflète une pratique principalement axée sur l’enseignement de contenus à caractère gestuel. Comme le souligne Giordan (1993), les théories behavioristes ont eu beaucoup d’influence sur l’enseignement de l’éducation physique et encore aujourd’hui, leurs effets sont présents dans de nombreux programmes. Or l’approche comportementale ne suffit pas à elle seule pour organiser et effectuer l’intervention éducative face aux différentes problématiques en éducation à la santé. La remise en question de l’approche comportementale dans le processus d’enseignement-apprentissage a permis aux approches cognitives de s’intégrer graduellement à l’enseignement de l’éducation physique. Les approches cognitives sont apparentées aux modèles d’enseignement axés sur le traitement de l’information. Cependant, l’apport des théories cognitives au domaine de l’éducation physique n’a pas entraîné, pour autant, une véritable modification du processus d’enseignement-apprentisage régi par les éducateurs physiques, à savoir l’approche comportementale.
30En somme, il y a des ressemblances, mais aussi des distinctions importantes entre l’éducation à la santé et l’éducation physique quant à leurs assises éducationnelles. En ce sens, il n’est guère étonnant de constater que certaines pratiques d’intervention mises en place par des éducateurs physiques sont généralement en décalage avec les pratiques propres au domaine de l’éducation à la santé (Cogérino, 1999 ; Turcotte, 2006). Il s’avère essentiel de présenter ses pratiques afin d’analyser leurs effets potentiels dans le développement de la gestion individuelle de sa santé et de son bien-être.
6 – Les interventions menées par les enseignants du domaine de l’éducation physique en éducation à la santé
31Les pratiques d’intervention des éducateurs physiques dans le domaine de l’éducation à la santé montrent la prééminence des dimensions motrices (savoir-faire) et cognitives (savoirs théoriques) au niveau des dispositifs utilisés par ces derniers (Turcotte, 2006). Au niveau de la dimension motrice, les éducateurs physiques favorisent le développement des habiletés motrices ainsi que de la capacité cardiovasculaire et de la vigueur musculaire, alors qu’au niveau de la dimension cognitive, les éducateurs physiques tendent à informer et à donner des conseils en relation avec différentes thématiques. Quels sont les réels impacts de ces pratiques d’intervention en sachant que l’objectif de la promotion de santé est de rendre les individus aptes à mieux contrôler leur propre état de santé ?
32D’une part, la mise en œuvre de l’éducation à la santé en éducation physique est caractérisée par une prévalence de la santé physiologique au détriment des autres dimensions de l’éducation à la santé telles que les dimensions affective et sociale. À titre d’exemple, la pratique ludique, les courses de longue durée, le développement d’une bonne condition physique et la prise de connaissances factuelles (pulsations cardiaques, vitesse de course, intensité de la charge, durée de l’activité, dosage de l’effort, etc.) sont des exemples de ce type de mise en œuvre. Plusieurs avantages découlent de cette façon d’intervenir en éducation à la santé. Les objectifs à atteindre sont déterminés par l’enseignant qui a comme mandat de mettre en place des activités d’apprentissage favorisant l’atteinte de ces objectifs. Les objectifs sont généralement des conduites nécessitant une modification spécifique à court terme. Pour l’enseignant, ce type de mise en œuvre lui permet d’observer les changements et d’ajuster les exigences en cas de problématiques pouvant survenir durant le processus d’intervention. La démarche d’intervention est donc contrôlée par l’enseignant alors que l’élève pris en charge doit simplement exécuter les activités proposées par l’enseignant. Cette façon d’intervenir comporte également certains désavantages qui doivent être pris en compte pour bien comprendre les effets potentiels sur les individus. Selon Cogérino (2000), les moyens mis en place lors de ces interventions sont insuffisants pour orienter les individus vers une pratique assumée, choisie et régulière d’activités physiques. Les pratiques d’interventions signifiantes doivent permettre un engagement personnalisé dans un processus de transformation personnelle afin de développer des attitudes et des compétences favorables à l’adoption d’un mode de vie sain, ce qui n’est pas le cas lorsque les interventions ciblent uniquement la dimension motrice. On pourrait donc caractériser ce type d’intervention d’éducation pour la santé et non d’éducation à la santé puisque l’objectif recherché est centré sur l’amélioration de l’état de santé des individus et non sur le transfert de moyens favorisant l’autonomie individuelle. Il s’agit donc d’interventions de nature prescriptive. Cependant, ce type d’intervention peut sans contredit s’avérer opportun et utile dans certaines situations.
33D’autre part, à l’autre pôle de cette approche pédagogique centrée sur la prévalence de la santé physiologique, plusieurs interventions menées en éducation à la santé reposent sur l’acquisition de différents savoirs théoriques reliés à différentes thématiques de l’éducation à la santé. Les interventions réalisées à partir de la dimension cognitive contrastent avec les interventions menées à partir de la dimension motrice. Voici quelques exemples d’interventions reliées aux savoirs théoriques : la présentation des effets de la sédentarité, l’explication des bienfaits associés à la pratique régulière de l’activité physique, l’apprentissage des structures et des différents systèmes fonctionnels du corps humain, etc. Elle correspond au modèle informationnel (Parcel et al., 2000) qui suppose que si les élèves ont acquis les connaissances relatives à la santé et au bien-être ou qu’ils comprennent les conséquences négatives reliées à certains comportements, ils n’adopteront pas ces derniers. Or l’analyse de plusieurs programmes d’éducation à la santé basés sur le modèle informationnel a démontré le faible impact de ce type de modèle sur les changements de comportements. En fait, l’incapacité du modèle informationnel à favoriser la modification des comportements a provoqué l’apparition de nouveaux modèles d’intervention (entre autres, les modèles axés sur le changement de comportement présentés en 4.2).
34Ces deux approches constituent les deux manières possiblement les plus importantes qui fondent et inspirent des façons différentes d’inclure l’éducation à la santé dans le domaine de l’éducation physique. Les caractéristiques propres à ces deux approches illustrent clairement les limites associées aux interventions menées par les enseignants du domaine de l’éducation physique en éducation à la santé. En fait, cette analyse montre une faible intégration des assises éducationnelles du domaine de l’éducation à la santé sur lequel s’appuient les actions menées en ce domaine de la part des éducateurs physiques. Ainsi, le développement de la gestion individuelle de sa santé et de son bien-être ne peut pas s’exécuter à partir de ces deux approches. Il reste maintenant à décrire comment un enseignant du domaine de l’éducation physique peut intégrer les assises éducationnelles du domaine de l’éducation à la santé afin de favoriser l’adoption d’un comportement favorable à la santé et au bien-être d’un individu.
7 – Structuration d’une démarche d’intervention en éducation à la santé
35Une démarche d’intervention favorisant l’inclusion de l’éducation à la santé dans le domaine de l’éducation physique a été élaborée afin d’intégrer l’ensemble des familles de modèles d’enseignement (de la personne, d’interaction sociale, du traitement de l’information et de la modification du comportement) que l’on retrouve dans les assises éducationnelles de l’éducation à la santé. Cette démarche d’intervention implique l’intégration de quatre dimensions d’apprentissage : cognitive, sociale, affective et motrice. Les caractéristiques spécifiques de chacune des dimensions impliquées dans cette démarche sont reliées aux éléments propres du domaine de l’éducation à la santé. Cette démarche permet donc d’illustrer les points d’ancrage nécessaires d’une éducation à la santé incluse en éducation physique. Les principales caractéristiques des différentes dimensions sont présentées ci-après.
36La dimension cognitive a pour but de favoriser l’acquisition de connaissances, la prise de décisions, le raisonnement des avantages et des désavantages d’adopter un comportement et de favoriser la résolution de problèmes de santé. Cette dimension est régulièrement utilisée comme porte d’entrée aux autres dimensions. En effet, l’acquisition de connaissances est un préalable à la mise en application favorisant un changement de comportement, ce qui explique pourquoi cette dimension précède régulièrement les autres dimensions ou s’exécute en concomitance en fonction de la problématique traitée. La dimension sociale cherche à identifier les attentes des personnes de l’entourage social et les pressions ressenties face à l’adoption d’un comportement, de renforcer les conduites individuelles et d’agir afin d’assurer la transformation de l’environnement immédiat. L’interaction entre plusieurs individus n’est pas suffisante pour assurer la mise en œuvre de cette dimension. En effet, l’interaction recherchée au niveau de la dimension sociale a pour but d’agir directement sur les caractéristiques sociales influençant les comportements de santé. Donc, le fait de travailler en équipe n’assure aucunement le développement de cette dimension à moins que l’intervention porte directement sur une des caractéristiques énoncées précédemment. La dimension affective a trait à des valeurs, à des intérêts, à des attitudes, au sentiment d’efficacité personnelle et à la motivation personnelle. Enfin, la dimension motrice vise l’édification d’attitudes et de valeurs de promotion de la santé grâce à la pratique de diverses activités physiques et au développement des habiletés motrices. Ces quatre dimensions doivent être traitées conjointement dans la mise en place d’une intervention en éducation à la santé. L’adéquation des quatre dimensions favorise l’intégration des assises éducationnelles présentes en éducation à la santé. Ainsi, les interventions menées sont multiples et orientées vers un but commun. L’exemple suivant illustre cette démarche d’intervention.
37Cet exemple est un projet qui a été réalisé en milieu scolaire québécois. Ce projet, initié par un éducateur physique d’une école primaire (6 à 12 ans), a pour objectif de favoriser l’adoption d’une pratique régulière de l’activité physique en milieu scolaire avec des enfants de 10 à 12 ans. Les résultats des élèves de 10 à 12 ans à différents tests mesurant leur condition physique sont à l’origine de ce projet. Les données recueillies lors de ces tests ont montré qu’une majorité des élèves de cet âge ne répondent pas aux normes d’une bonne condition physique. Une analyse préliminaire des besoins des enfants de cette école a permis d’identifier le désengagement des jeunes face à l’activité physique comme étant un des principaux facteurs expliquant les résultats obtenus aux tests de condition physique par les élèves. L’éducateur physique de cette école a donc décidé d’intervenir sur ce facteur et d’identifier les pistes d’intervention susceptibles d’accroître la pratique régulière des enfants ciblés par ce projet. La démarche de cet éducateur physique s’inscrit dans une approche favorisant le processus éducatif en matière de santé et de bien-être. En effet, ses visées professionnelles reposent sur le développement de la gestion appropriative par les élèves de leur santé et de leur bien-être. À court terme, la finalité recherchée dans ce projet est donc le développement et le transfert de moyens favorisant une pratique régulière de l’activité physique et non l’amélioration de l’état de santé des élèves par la mise en œuvre de diverses activités physiques sollicitant les différents systèmes corporels.
38Au niveau de la dimension cognitive, l’éducateur physique renseigne les élèves sur les types (compétitif, récréatif ou libre) et les niveaux de pratique (intensité, durée et fréquence) d’activités physiques. Les informations transmises aux élèves constituent le corpus de connaissances nécessaire afin d’amener les élèves à évaluer judicieusement leur pratique personnelle d’activités physiques et à établir de nouvelles lignes de conduite afin d’ajuster leur propre pratique en fonction des caractéristiques associées aux types et aux niveaux de pratique. L’enseignant privilégie principalement les capsules-santé comme moyen pédagogique. L’instauration de capsules-santé s’effectue par la mise en place de courtes sessions d’informations présentées aux élèves à différents moments de la séance.
39Par la suite, l’enseignant diversifie les activités pratiquées lors des séances d’enseignement (dimension motrice) afin que les élèves puissent expérimenter les différents niveaux de pratique identifiés dans les activités d’enseignement précédentes. Cette expérimentation constitue une activité de laboratoire qui permettra aux élèves d’élaborer une programmation de pratiques d’activités physiques en tenant compte des types et des niveaux de pratique. Le laboratoire est un moyen pédagogique favorisant la comparaison d’exercices physiques permettant d’analyser leurs caractéristiques afin d’identifier leur incidence sur le fonctionnement du corps humain. À titre d’exemple, l’enseignant modulait l’intensité lors de courses de distances variées afin que les élèves expérimentent en situation réelle l’effet de l’intensité sur le système cardio-vasculaire.
40Les activités d’enseignement-apprentissage en relation avec les dimensions cognitive et motrice ont permis à l’enseignant d’outiller les élèves pour mieux gérer l’adoption d’une pratique régulière de l’activité physique favorable à sa santé et à son bien-être. Ainsi, l’élève peut maintenant établir sa pratique régulière de l’activité physique en considérant les différentes possibilités qui s’offrent à lui. Cette démarche doit s’effectuer en dehors des heures de classe avec un autre élève ou avec les parents (dimension sociale) et amène l’élève à s’engager dans une pratique régulière d’activités physiques. Dans ce cas-ci, les moyens pédagogiques utilisés sont les projets-santé avec la famille ou la communauté.
41Enfin, la dimension affective est traitée consécutivement à une réflexion personnelle de l’élève sur son niveau de pratique régulière d’activités physiques avant et après le projet. Cette réflexion personnelle conduit l’élève à analyser les caractéristiques associées à sa pratique régulière de l’activité physique et ainsi à questionner ses valeurs et ses attitudes personnelles au sujet de cette pratique.
42Les liens établis entre les différentes dimensions d’apprentissage ont pour but d’accentuer la possibilité pour l’élève d’adopter une pratique régulière de l’activité physique, mais également de maintenir cette pratique à la fin du processus d’intervention. La variété des moyens pédagogiques utilisés dans cet exemple (capsules-santé, laboratoire, projets-santé et réflexion personnelle) illustre l’importance de l’intégration des activités d’enseignement reliées aux différentes dimensions présentes à l’intérieur de cette démarche d’intervention. La présence des dimensions sociale et affective permet de pallier les limites identifiées dans l’analyse des interventions menées dans le domaine de l’éducation à la santé par les enseignants du domaine de l’éducation physique. La mise en place de projets ou d’activités d’enseignement qui respectent les quatre dimensions accentue la possibilité de développer l’autonomie et la responsabilisation face à ses propres comportements. Il est donc possible pour des éducateurs physiques d’outiller et de donner des moyens favorisant la gestion individuelle de sa santé et de son bien-être. Pour y arriver, l’utilisation de moyens pédagogiques mettant les élèves en situation de participation active en éducation à la santé s’avère des pratiques à privilégier. Ainsi, l’éducateur physique devient un acteur de premier plan dans la recherche de la médiation entre l’élève et son environnement.
43La mise en œuvre de cette démarche d’intervention exige l’établissement d’un partenariat avec d’autres intervenants provenant des milieux scolaire, communautaire, médical, familial, ou sportif. La question du partenariat est essentielle en éducation à la santé (Mérini, Jourdan, Victor, Berger & de Peretti, 2004), particulièrement lorsque l’on considère la variété des objets d’enseignement-apprentissage du domaine de l’éducation à la santé (Motta, 1998). Cette variété nécessite la collaboration de plusieurs intervenants afin de bien cerner les particularités de chacun de ces objets. De plus, les actions concertées entre intervenants permettent d’assurer un suivi des apprentissages. À titre d’exemple, une intervention réalisée en milieu scolaire sur les besoins nutritionnels devrait également avoir des répercussions au niveau du service alimentaire de l’école ainsi qu’auprès du milieu familial pour assurer une extension des apprentissages à l’environnement immédiat des jeunes. Ces actions concertées favorisent l’établissement d’une cohérence dans les messages véhiculés, ce qui constitue une condition essentielle pour assurer la réussite des interventions menées en éducation à la santé. Cette vision élargie de la place que doit occuper l’éducation à la santé provoque un changement important dans la culture d’intervention des enseignants en éducation physique.
8 – Conclusion et perspectives
44L’interconnexion du champ disciplinaire de l’éducation à la santé à celui de l’éducation physique soulève plusieurs questions quant aux interventions susceptibles d’aider les jeunes à adopter des comportements favorables à leur santé et à leur bien-être. La réflexion théorique présentée dans cet article montre clairement la nécessité pour les enseignants en éducation physique d’adapter leurs pratiques d’intervention afin d’intégrer les caractéristiques propres aux assises éducationnelles du domaine de l’éducation à la santé. Le développement de l’autonomie et de la responsabilisation individuelle en matière de santé et de bien-être de la part des jeunes passe inévitablement par la mise en œuvre d’activités d’enseignement tenant compte des quatre dimensions d’apprentissage. Nul doute que les recherches futures à réaliser en lien avec l’inclusion de l’éducation à la santé doivent inévitablement viser une meilleure compréhension du degré d’interconnexion entre les deux champs disciplinaires. Par ailleurs, l’acquisition de compétences psychosociales de la part des jeunes exige une relation étroite entre les objets d’enseignement-apprentissage et les compétences psychosociales. Actuellement, cette relation est loin d’être considérée dans l’inclusion de l’éducation à la santé en éducation physique. Ainsi, des recherches futures qui lieraient les objets d’enseignement-apprentissage aux compétences psychosociales favoriseraient le développement d’une didactique de l’éducation à la santé en éducation physique. Enfin, il est également important de s’attarder à la transformation des pratiques d’intervention des enseignants en éducation physique afin qu’ils intègrent les pratiques propres au domaine de l’éducation à la santé. Axées sur la personne et sur son développement professionnel, ces dynamiques de recherche permettent d’accompagner les enseignants dans une perspective de transformation de leur pratique professionnelle. En ce sens, des programmes de recherche-action et de recherche collaborative s’avèrent judicieux.
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Mots-clés éditeurs : dimensions d'apprentissage, intervention pédagogique, éducation physique, théories et modèles de référence, éducation à la santé
Date de mise en ligne : 23/08/2007
https://doi.org/10.3917/sta.077.0063