Notes
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Cette recherche a été soutenue par les Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC).
1 – Problématique
1Cette recherche soulève le problème de l’inclusion de l’éducation à la santé en éducation physique, ce qui constitue une réalité dans les écoles du Québec depuis la récente réforme des programmes de formation en enseignement préscolaire et primaire (MEQ, 2001) et au secondaire (MEQ, 2003). En effet, de nouvelles orientations ministérielles se traduisent par une modification du rôle de l’éducation physique en incluant dans ses objets l’enseignement d’une nouvelle compétence disciplinaire, à savoir : Adopter un mode de vie sain et actif. L’ajout de cette compétence au programme d’éducation physique occasionne un élargissement des objets d’enseignement-apprentissage rattachés à cette discipline. Cette transformation des programmes d’enseignement en éducation physique est le reflet d’une réflexion quant à l’apport de cette discipline dans le développement global des jeunes et face aux attentes sociales concernant l’état de santé et de bien-être des jeunes. Pour plusieurs auteurs, le nouveau mandat de l’éducation physique doit amener l’ensemble des acteurs de l’éducation physique à reconsidérer radicalement leur rôle respectif pour situer leur action dans une perspective sociale (Andrieu, 2001 ; Brunelle, 2002 ; Siedentop et Locke, 1997). À l’heure où l’éducation à la santé devient une réalité à l’intérieur du programme d’éducation physique pour devenir éducation physique et à la santé, elle marque davantage sa présence en sciences de l’éducation. Ce changement important en éducation physique exige de la part des enseignants de ce domaine l’appropriation des objets d’enseignement-apprentissage relatifs à l’éducation à la santé et un ajout aux compétences d’enseignement pour s’adapter aux particularités propres aux interventions menées dans le champ de l’éducation à la santé. Étant donné ces circonstances, lorsque les enseignants d’éducation physique enseignent en éducation à la santé, ils sont confrontés au défi important de l’application quotidienne de l’inclusion de l’éducation à la santé en éducation physique.
2Les recherches menées sur l’inclusion de l’éducation à la santé en éducation physique montrent une multitude d’obstacles et de réticences qui, aux yeux d’éducateurs physiques, influencent négativement l’inclusion de l’éducation à la santé en éducation physique (Cogérino, 2000 ; Michaud, 2002). En particulier, une opposition est décelable au niveau des points de vue des praticiens sur la présence ou l’absence des contenus d’enseignement-apprentissage associés à l’objectif d’éducation à la santé dans les programmes d’éducation physique. En outre, la recherche menée en France par Cogérino, Marzin et Méchin (1998), portant sur les pratiques déclarées et les représentations des enseignants d’éducation physique, montre que peu d’éducateurs physiques interrogés ont procédé à un réaménagement des contenus disciplinaires pour s’ajuster aux nouvelles exigences posées par l’éducation à la santé. En fait, les objets d’enseignement-apprentissage privilégiés par les éducateurs physiques reposent principalement sur la santé physiologique et répondent à ce que les enseignants faisaient déjà auparavant. Selon Cogérino (2000), les pratiques pédagogiques de l’enseignement de l’éducation physique sont généralement en décalage avec les pratiques nécessaires à l’enseignement en éducation à la santé. En effet, apprendre aux élèves à s’entraîner sollicite des pratiques pédagogiques telles que : individualiser l’enseignement, mettre l’élève en situation d’autonomie, pratiquer une évaluation formative et formatrice (Mérand et Dhellemmes, 1988). En ce sens, la simple pratique ludique, la prise de connaissances factuelles (pulsations cardiaques, vitesse de course, intensité de la charge, etc.) sont à elles seules des moyens insuffisants pour orienter les élèves vers une pratique assumée, choisie et régulière d’activité physique (Cogérino, 2000). Les pratiques pédagogiques signifiantes doivent permettre aux élèves de s’engager dans un processus de transformation personnelle de leurs propres habitudes de vie. Ce point de vue ressemble à celui de Kimiecik et Lawson (1996) pour qui l’enseignement de l’éducation physique aux États-Unis doit modifier ses méthodes essentiellement prescriptives pour des pratiques plus propices à l’intégration par l’élève d’attitudes et de compétences favorables à l’adoption d’un mode de vie physiquement actif. Au Québec, la recherche effectuée par Michaud (2002), axée sur les perceptions des éducateurs physiques, montre que les éducateurs physiques perçoivent que les noyaux centraux de l’enseignement en éducation à la santé devraient porter sur la pratique régulière d’activités physiques et sur le conditionnement physique, ce qui correspond aux données recueillies auprès des éducateurs physiques français. Ainsi, il convient de se demander dans quelle mesure l’éducation à la santé est réellement enseignée par les éducateurs physiques et particulièrement à partir de quels objets d’enseignement-apprentissage les éducateurs physiques abordent cette matière dans leur enseignement quotidien. Ce questionnement déborde la limite des études antérieures sur l’inclusion de l’éducation à la santé qui ont porté sur les pratiques déclarées et les perceptions des éducateurs physiques. La présente recherche a exploré le phénomène de l’inclusion de l’éducation à la santé en éducation physique sous l’angle des pratiques pédagogiques en éducation à la santé telles qu’elles apparaissent dans l’enseignement au niveau primaire.
3L’analyse de la pratique pédagogique met en relief deux catégories de pratiques. D’une part, comme le soulignent Marcel et al. (2002), lorsque le chercheur utilise le sujet en tant que médiateur de la connaissance de ses propres pratiques personnelles, il a recours aux pratiques déclarées comme porte d’entrée à la pratique enseignante. D’autre part, lorsque le chercheur accède directement aux pratiques du sujet lorsque ce dernier est en action, il a recours aux pratiques constatées. Cette distinction entre les pratiques déclarées et constatées constitue un élément important dans l’analyse des pratiques réalisées dans la présente recherche et dans les choix méthodologiques ultérieurs. Dans la présente recherche, l’analyse des pratiques pédagogiques est effectuée sous l’angle des pratiques déclarées et constatées des éducateurs physiques. Celles-ci sont étudiées à partir de leur analyse personnelle (questionnaire) et observées lorsqu’ils enseignent l’éducation à la santé, sans étudier l’élève dans le processus d’enseignement-apprentissage. Ces observations sont cependant jumelées aux motifs invoqués (entrevue) par les éducateurs physiques eux-mêmes dans leur choix de ces pratiques.
4C’est dans cette perspective que la présente recherche examine les pratiques pédagogiques d’éducateurs physiques afin de mieux comprendre l’inclusion de l’éducation à la santé en éducation physique. Le but de cet article est de présenter les objets d’enseignement-apprentissage privilégiés par les éducateurs physiques dans l’enseignement en éducation à la santé et d’identifier les motifs invoqués par ces derniers dans le choix de ces objets. Les objets d’enseignement-apprentissage dont il est question ici correspondent aux contenus qu’enseignent principalement des éducateurs physiques du primaire lorsqu’ils se trouvent à inclure l’éducation à la santé en éducation physique. Les objets d’enseignement-apprentissage sont constitués des savoirs essentiels utilisés, des contenus santé enseignés en relation avec les savoirs essentiels et des dimensions d’apprentissage privilégiées. Cette recherche cible plus particulièrement l’ordre d’enseignement primaire parce que c’est à cet ordre que l’implantation du nouveau curriculum a été effectuée au Québec.
2 – Méthodologie
5Une approche qualitative/interprétative a été choisie afin de caractériser les pratiques pédagogiques et de les utiliser pour voir comment l’éducation à la santé est incluse en éducation physique. La démarche méthodologique repose sur l’étude de cas. Il existe différents types d’études de cas. Stake (1994) en distingue trois, soit l’étude de cas intrinsèque, l’étude de cas instrumentale et l’étude de cas multiples. La présente recherche repose sur l’étude de cas multiples. L’étude de cas multiples permet de découvrir des convergences entre les différents cas à l’étude, tout en considérant les particularités propres à chacun des cas.
6Par ailleurs, le modèle de Dunkin et Biddle (1974) a été utilisé afin de déterminer les éléments constitutifs du processus d’enseignement-apprentissage utile pour l’analyse des pratiques pédagogiques. Le modèle de Dunkin et Biddle est constitué de quatre variables soit : les variables de présage (les éléments liés à l’enseignant), de contexte (les éléments liés aux élèves et au contexte d’enseignement), de processus (processus d’interactions entre les comportements de l’enseignant et les comportements de l’élève) et de produits (les effets immédiats et à long terme sur l’élève). Ce modèle soutient la construction des instruments de cueillette de données à partir d’une Table de spécifications comportant des variables de ce modèle, en excluant les variables de contexte et de processus se rapportant à l’élève ainsi que les variables de produits. En outre, la variable programme (les éléments liés au programme du MEQ) de Brunelle et al. (1988) a été intégrée au modèle de Dunkin et Biddle afin de tenir compte de l’influence du nouveau curriculum québécois sur les pratiques pédagogiques. Le modèle n’est pas utilisé ici pour analyser le processus d’enseignement-apprentissage puisque notre intérêt réside uniquement dans l’analyse des pratiques pédagogiques des éducateurs physiques. En conséquence, il n’est pas nécessaire de recourir à d’autres modèles utilisés dans l’analyse des pratiques pédagogiques tels que les modèles systémiques, interactifs ou écologiques, puisque celui de Dunkin et de Biddle convient très bien pour mettre en relief les comportements des éducateurs physiques. La partie de la recherche présentée ici tient uniquement compte des variables de processus.
2.1 – Participants
7Un échantillonnage intentionnel des participants a été effectué afin de diversifier le profil des éducateurs physiques. Cet échantillonnage repose sur l’identification de caractéristiques précises afin de spécifier l’objet de la recherche (Deslauriers et Kérisit, 1997). À cet effet, trois paramètres de diversification ont été retenus préalablement : le sexe, l’indice de milieu socioéconomique de l’école et l’expérience d’enseignement. Ces paramètres ont été choisis parce qu’ils sont associés au profil des éducateurs physiques (sexe et expérience d’enseignement) ou à celui des écoles (l’indice de milieu socioéconomique). Les participants à la recherche sont des enseignants du primaire sélectionnés selon ces paramètres. Ainsi, cet échantillon ne recherche pas la représentativité d’un profil particulier, mais bien une hétérogénéité illustrée par les profils correspondant à toutes les combinaisons possibles des trois paramètres et affiche donc l’échantillon théorique de cette recherche.
8Pour participer à la recherche, les sujets devaient obligatoirement réaliser des interventions éducatives du domaine de l’éducation à la santé en éducation physique. Ce critère a été pris en compte pour constituer l’échantillon réel de recherche ; il est relié à l’objet même de la recherche qui est l’analyse des pratiques pédagogiques de l’enseignement en éducation à la santé. Six hommes et quatre femmes composent donc l’échantillon réel. La proportion d’hommes intervenant dans chacun des milieux socio-économiques est égale, soit trois enseignants par milieu. Toutefois, la répartition de ces derniers selon l’expérience d’enseignement montre que pour chacun des milieux socio-économiques deux enseignants ont plus de 15 années d’enseignement, alors que l’expérience du troisième enseignant est de moins de 5 années. Ainsi, le recrutement d’enseignants masculins n’a pas permis de trouver des participants ayant entre 6 et 14 années d’expérience d’enseignement. Chez les femmes, la proportion de celles intervenant dans chacun des milieux socio-économiques est égale, soit deux enseignantes par milieu. Les deux enseignantes dont le niveau socioéconomique de l’école est de élevé à aisé ont la même expérience d’enseignement, alors que celles dont le niveau socioéconomique de l’école va de moyen à faible ont une expérience très différente : une a moins de 5 années d’expérience d’enseignement, alors que l’autre a plus de 15 années.
9L’échantillon réel qui est composé de 10 éducateurs physiques, six hommes et quatre femmes, âgés entre 24 et 51 ans et provient de six commissions scolaires des régions administratives de Montréal et de la Montérégie. Ces éducateurs physiques ont participé sur une base volontaire. Parmi ces enseignants, sept ont un statut permanent à leur commission scolaire, soit quatre hommes et trois femmes, alors que les trois autres ont un statut non permanent, soit deux hommes et une femme. Parmi ces 10 éducateurs physiques, neuf sont détenteurs d’un baccalauréat en enseignement en éducation physique. L’année d’obtention du diplôme se situe entre 1976 et 2002. Un enseignant détient un baccalauréat récent en enseignement de l’éducation physique et à la santé. Enfin, un autre enseignant a lui aussi un baccalauréat récent, mais en enseignement des sciences au secondaire (biologie et chimie) obtenu en 2002, et il n’a pas de formation spécifique en éducation physique.
2.2 – Instrumentation
10La collecte de données s’est échelonnée sur une période de quatre mois, soit de mars 2004 à juin 2004. Chacun des participants devait répondre à un questionnaire, être filmé lors de l’enseignement en éducation à la santé et participer à une entrevue. Cependant, l’enseignant 10 n’a pas pu recevoir l’autorisation nécessaire pour procéder à l’observation des séances d’enseignement et à la réalisation de l’entrevue. Ainsi, 10 enseignants ont répondu au questionnaire, mais neuf ont participé à des séances d’observation et à des entrevues.
2.2.1 – Le questionnaire
11Le questionnaire a été remis personnellement à chacun des enseignants lors de la première rencontre de planification de la collecte de données et les directives pour le compléter ont été données individuellement et expliquées oralement à ce moment. Ce questionnaire est donc auto-administré et il devait avoir été complété avant l’observation des séances d’enseignement. Les questions posées se rapportaient aux pratiques pédagogiques de l’année scolaire 2003-2004. Parmi l’ensemble des questions composant le questionnaire, deux d’entre elles sont reliées aux objets d’enseignement-apprentissage. La première question réfère aux différents savoirs essentiels du programme de formation de niveau préscolaire et primaire du ministère de l’Éducation (2001), soit la pratique régulière d’activités physiques, la pratique sécuritaire d’activités physiques, la condition physique, l’hygiène corporelle, la relaxation, la gestion du stress, les effets de la sédentarité, la structure et le fonctionnement du corps. L’enseignant devait encercler le degré d’enseignement de chacun des savoirs essentiels pour chacun des cycles d’études. À titre d’exemple, la question est présentée ci-dessous à partir des éléments en lien avec la pratique régulière d’activités physiques.
Question référant aux savoirs essentiels du programme de formation de niveau préscolaire et primaire
Question référant aux savoirs essentiels du programme de formation de niveau préscolaire et primaire
12La deuxième question fait référence aux quatre dimensions d’apprentissage, à savoir les dimensions motrice, cognitive, affective et sociale. Chacune de ces dimensions est composée de trois énoncés spécifiques à chacune d’entre elles. L’enseignant devait donc répondre à 12 énoncés en lien avec les dimensions d’apprentissage. La question est présentée ci-après à partir d’un énoncé en lien avec la dimension affective. En fonction des actions d’enseignement suivantes, estimez leur présence dans vos interventions d’éducation à la santé : mon enseignement tend-il à la modification des intérêts, des attitudes et des valeurs des élèves à l’égard de leur état de santé et de bien-être ? Pour cette question, l’échelle de réponses était la suivante : jamais, peu souvent, souvent, très souvent et toujours.
13La première version du questionnaire a été examinée selon une méthode par jugements en vue de procéder à la validation du contenu de ce questionnaire. Cette validation a été réalisée par trois spécialistes en éducation, à savoir un du domaine de l’intervention en éducation physique, un autre du domaine de l’éducation à la santé et un dernier du domaine de l’évaluation et de la recherche méthodologique. Ces trois experts sont des professeurs à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal. Plusieurs modifications du questionnaire ont eu lieu pour tenir compte des recommandations émises par les juges. Ensuite, quatre intervenants dans le domaine de l’éducation physique ont répondu au questionnaire individuellement : un conseiller pédagogique en éducation physique d’une commission scolaire, un superviseur universitaire de stages en milieu scolaire et deux éducateurs physiques enseignant au niveau primaire. Par la suite, une rencontre individuelle avec chacun de ces intervenants a eu lieu pour obtenir leurs commentaires sur le contenu du questionnaire et sur la facilité de compréhension des questions. Quelques modifications ont été apportées au questionnaire avant de procéder à la cueillette des données. Ces modifications touchaient principalement une meilleure précision des termes utilisés dans le nouveau programme de formation du ministère de l’Éducation afin de les rendre plus explicites et l’ajout de certains choix de réponses.
14L’analyse des réponses fournies au questionnaire par les participants a été effectuée à l’aide de statistiques descriptives telles que des moyennes, des écarts types, des pourcentages et des fréquences. Le traitement des données a été effectué à partir du logiciel d’analyse SPSS.
2.2.2 – L’observation
15Au total, 45 séances d’enseignement en éducation physique et à la santé ont été filmées durant l’année scolaire 2003-2004, quatre séances pour deux enseignants, cinq séances pour cinq enseignants et six séances pour deux enseignants. La classification des 45 séances d’enseignement montre que huit d’entre elles ont eu lieu avec des élèves de 1er cycle, 11 avec ceux du 2e cycle et 18 séances avec les élèves de 3e cycle. Les huit autres séances se sont déroulées soit avec des élèves de maternelle, soit avec un mélange d’élèves de cycles différents ou avec l’ensemble des élèves de l’école. Ces huit séances ont été nommées Autres afin de les classifier dans une catégorie permettant de différencier les élèves de chacun des cycles d’études. La durée des séances d’éducation physique et à la santé variait de 35 à 75 minutes. Pour ne pas nuire aux enseignants, ni influencer le déroulement des séances d’enseignement, chacune d’entre elles a été filmée dans sa totalité et non uniquement lors de l’enseignement en éducation à la santé. Enfin, l’ensemble des groupes d’élèves choisis par les enseignants constituaient des classes régulières d’éducation physique.
16Les séances d’enseignement ont été enregistrées sur bande vidéo. Deux caméras vidéo étaient en fonction durant l’observation des séances d’enseignement. L’utilisation d’une première caméra vidéo a permis des prises de vue à partir d’un coin isolé et non utilisé du plateau d’enseignement, afin que l’enseignant et le plus grand nombre d’élèves possible apparaissent simultanément dans le champ de la caméra. Une seconde caméra, utilisée en plan rapproché, était destinée à l’enregistrement des comportements et du contenu verbal de l’enseignant. Cette caméra était reliée à un micro sans fil porté par l’enseignant. Une stratégie d’analyse en différé sur vidéo a permis le repérage des épisodes d’enseignement en éducation à la santé. Trois observateurs ont été impliqués dans le repérage des épisodes d’enseignement.
17La grille d’observation utilisée en est une à catégories prédéterminées, à l’exception de deux catégories (les savoirs essentiels, ainsi que le matériel et les outils didactiques) où d’autres réponses pouvaient se greffer à celles identifiées au départ. Cette grille d’observation était basée sur une stratégie d’observation événementielle, c’est-à-dire que les épisodes étaient notés selon leur moment d’apparition au cours d’une séance d’éducation physique et à la santé. La grille d’observation réunissait 13 catégories dont une identifiait les savoirs essentiels utilisés par les enseignants. Les trois observateurs ont été formés à l’utilisation de la grille d’observation et ils ont codé en différé les épisodes d’enseignement en éducation à la santé. Préalablement au codage de ces épisodes, ils ont suivi une séance de formation servant à les familiariser avec la description et la compréhension des différentes catégories de la grille d’observation et à les entraîner à l’utiliser. Au total, pour l’ensemble des 45 séances, 547 épisodes d’enseignement-apprentissage en éducation à la santé ont été identifiés auprès des neuf enseignants. Durant l’analyse des données, 10 tests de fidélité ont été exécutés et un taux d’accord de 83 % a finalement été obtenu quant au repérage des épisodes d’enseignement. Lors de ces 10 tests de fidélité, et à deux occasions, les coefficients de fidélité des savoirs essentiels étaient en dessous de 85 %, soit de 61 % et de 82 %.
18L’analyse des contenus santé enseignés et des dimensions d’apprentissage repose sur une analyse inductive des 547 épisodes reliés aux interventions d’apprentissage. Les propos tenus pendant les 547 épisodes d’enseignement en éducation à la santé identifiés lors du codage des séances d’observation ont été transcrits intégralement. En effet, deux codeurs ont procédé à cette transcription sur support informatique. La stratégie d’analyse utilisée pour ces éléments d’observation est la même que celle utilisée pour les entrevues. Elle consiste en une analyse de contenu adaptée de celle de L’Écuyer (1987) et elle a été effectuée à partir de la transcription des épisodes. La démarche d’analyse est présentée plus loin.
2.2.3 – L’entrevue
19Neuf des 10 participants ont été rencontrés en entrevue individuelle durant la semaine suivant la fin de l’enregistrement des séances d’enseignement. Les motifs invoqués par l’enseignant dans le choix des pratiques pédagogiques en éducation à la santé ont été recueillis au cours de ces entrevues semi-dirigées dont la durée variait de 60 à 90 minutes. Ces entrevues ont été réalisées dans le milieu de travail de l’enseignant qui avait choisi un endroit calme à l’intérieur de l’école pour ce faire. Les propos des éducateurs physiques ont été enregistrés sur des cassettes audio. Ils ont ensuite été transcrits intégralement afin de conserver l’ensemble des points de vue exprimés.
20À l’intérieur du guide d’entrevue, les objets d’enseignement-apprentissage ont été abordés à l’intérieur des sections 2 et 3 en fonction des pratiques pédagogiques déclarées et constatées de chacun des enseignants. Les enseignants devaient répondre aux cinq questions suivantes en lien avec les contenus santé enseignés, les savoirs essentiels utilisés et les dimensions d’apprentissage privilégiées : 1) qu’est-ce qui vous a conduit à ces choix ? 2) quelle est l’intention qui supporte ces choix ? 3) modifications de ces choix en cours de route ? 4) qu’est-ce qui explique les modifications ? 5) que pensez-vous des choix effectués jusqu’à maintenant ?
21Les données qualitatives recueillies à l’aide des entrevues semi-dirigées ont été traitées selon une stratégie d’analyse mixte (Landry, 1998) à partir du processus d’analyse de contenu décrit par L’Écuyer (1990). Cependant, la démarche d’analyse a été adaptée dans le cadre de la présente recherche, étant donné que les éléments constitutifs des variables de processus déterminent les unités de classification des données. Par conséquent, la stratégie d’analyse utilisée comporte quatre étapes au lieu de six, à savoir : lectures préliminaires des données et l’établissement de la liste d’énoncés, le regroupement des énoncés, l’identification des sous-catégories et la description des résultats.
3 – Résultats
22Les données provenant des questionnaires et des observations (pratiques déclarées et constatées) révèlent que, parmi l’ensemble des savoirs essentiels jugés indispensables au niveau du programme de formation, les enseignants en privilégient seulement quelques-uns. Ce sont ceux de la pratique sécuritaire d’activités physiques, de la condition physique et des structures et du fonctionnement du corps humain. Ainsi, certains savoirs essentiels sont peu utilisés par les enseignants, dont la pratique régulière de l’activité physique, la relaxation, l’hygiène corporelle, les effets de la sédentarité et la gestion du stress. Plus particulièrement, les observations effectuées (n = 375/547) en lien avec les savoirs essentiels du programme de formation de niveau préscolaire et primaire du ministère de l’Éducation (2001) sont les suivantes : la pratique régulière d’activités physiques (25), la pratique sécuritaire d’activités physiques (154), la condition physique (98), l’hygiène corporelle (7), la relaxation (14), la gestion du stress (0), les effets de la sédentarité (0), la structure et le fonctionnement du corps (77). Cependant, les savoirs essentiels utilisés par les éducateurs physiques de cette recherche sont plus nombreux et variés que ceux prescrits à l’intérieur du programme de formation en éducation physique et à la santé. En effet, l’observation a permis d’identifier sept savoirs essentiels qui ne font pas partie du programme de formation au primaire et que les enseignants enseignent dans le domaine de l’éducation à la santé. Ces savoirs et le nombre d’épisodes observés (n = 93/547) pour chacun d’entre eux sont les suivants : l’alimentation (n = 32), les premiers soins (n = 25), l’éthique sportive (n = 20), l’exercice physique et le bien-être (n = 11), le sommeil (n = 3), les produits toxiques (n = 1) et les drogues (n = 1). L’alimentation a été relevée dans les observations de sept des neuf enseignants. L’alimentation est donc un savoir essentiel intégré à l’enseignement de la majorité des enseignants, alors que les autres savoirs ajoutés sont l’affaire de quelques-uns. De plus, certains enseignants combinent un ensemble de savoirs essentiels (79 / 547) afin d’intégrer un plus grand nombre d’éléments à la fois. Voici les combinaisons relevées : les habitudes de vie (n = 36), l’endurance cardiovasculaire et la vigueur musculaire (n = 21), les structures du corps humain et l’alimentation (n = 16), l’alimentation, l’endurance cardiovasculaire et la vigueur musculaire (n = 4), la perte de poids et le fonctionnement du corps humain (n = 1) et le sommeil et la relaxation (n = 1). Il apparaît donc que les savoirs essentiels utilisés par les enseignants en éducation à la santé présentent certaines divergences avec ceux présents dans le programme de formation (MEQ, 2001). Ces divergences dans le choix des savoirs essentiels en éducation à la santé impliquent les procédures utilisées par les éducateurs physiques pour sélectionner leur contenu d’enseignement. Parmi les éducateurs physiques participant à cette recherche, un seul mentionne se fier presque exclusivement au programme de formation dans le choix des objets d’enseignement-apprentissage à enseigner en éducation à la santé ; les autres utilisent d’autres ouvrages dans le domaine ou se fient à leur « gros bon sens ». Il en résulte qu’une grande variété de savoirs reliés à l’éducation à la santé se trouvent inclus dans les cours d’éducation physique à l’école primaire. De plus, les éducateurs physiques ont des interprétations variables des savoirs essentiels proposés dans le programme officiel de formation en éducation physique et à la santé. D’une part, la majorité des enseignants relient la pratique régulière d’activités physiques à l’importance de faire bouger les enfants à l’école ou à la maison. Ils interprètent cet objet d’enseignement-apprentissage comme étant un moyen pour l’élève de pratiquer un éventail d’activités physiques en dehors des cours d’éducation physique et à la santé, alors que dans le programme de formation cet objet est en lien avec les différents types de bienfaits qu’elle apporte au niveau de la santé et du bien-être (physiologiques, psychologiques et sociaux). Les bienfaits associés à la pratique régulière d’activités physiques sont donc évacués de l’enseignement en lien avec ce savoir. D’autre part, nos résultats indiquent que la pratique sécuritaire d’activités physiques est un savoir essentiel rarement rattaché à la santé, à sa prévention comme à sa promotion, par les éducateurs physiques. En fait, ce savoir essentiel est principalement orienté dans le but de sécuriser le déroulement des activités d’enseignement-apprentissage. De plus, parmi les différents éléments caractérisant ce savoir essentiel, le dosage de l’effort est apparu beaucoup plus clairement relié à la condition physique, puisque ce savoir est principalement lié aux principes de planification de l’entraînement permettant de jauger l’intensité d’une variété d’exercices en relation avec l’endurance cardiovasculaire et avec la vigueur musculaire.
23Il ressort également des résultats une diversité importante du répertoire constitué sur le plan des contenus d’enseignement, ainsi qu’une grande variabilité entre les enseignants quant à l’utilisation de ces contenus. Plus particulièrement, une importante diversité des contenus d’enseignement en lien avec la pratique régulière d’activités physiques, l’endurance cardiovasculaire, la vigueur musculaire, la relaxation, les structures du corps, le fonctionnement du corps, l’alimentation et les habitudes de vie. La majorité de ces contenus sont apparus dans les épisodes observés pour un seul des enseignants, alors que plusieurs enseignants utilisent les mêmes contenus lorsqu’il est question de l’alimentation, des structures et du fonctionnement du corps humain. De plus, la répartition des contenus d’enseignement aux trois cycles d’études est rarement associée à la séquence proposée dans le programme de formation. La mise en œuvre des savoirs essentiels est donc éclatée et prend de multiples directions en fonction de l’approche d’enseignement privilégiée par chacun des enseignants.
24L’analyse des savoirs essentiels utilisés et des contenus santé enseignés révèle l’importance que les enseignants accordent aux dimensions motrice et cognitive en éducation à la santé, mais la dimension motrice est celle qui domine. En effet, les données du questionnaire indiquent l’importance relative des dimensions cognitive, motrice et affective dans l’enseignement en éducation à la santé alors que la dimension sociale est peu intégrée par les enseignants. Cependant, la prééminence des dimensions cognitives et motrices ne fait pas de doute dans les dispositifs pédagogiques des 45 séances d’enseignement observées. Les analyses des 547 épisodes d’apprentissage révèlent que la totalité de ces épisodes s’orientent principalement vers la transmission de connaissances et l’amélioration de la condition physique des élèves, et ce, pour l’ensemble des enseignants participant. Au niveau de la dimension cognitive, les enseignants tendent à informer les élèves à partir des multiples savoirs identifiés préalablement, alors qu’au niveau de la dimension motrice, ils favorisent le développement des habiletés motrices ainsi que de l’endurance cardiovasculaire et la vigueur musculaire. Toutefois, il est difficile de juger du véritable apport de chacune des dimensions d’apprentissage puisque l’analyse se concentre sur les pratiques pédagogiques de l’enseignant, bien que l’élève soit un élément essentiel dans la compréhension de la portée des dispositifs pédagogiques mis en action. Ainsi, malgré que la majorité des observations concernent les dimensions cognitives et motrices, l’apport des dimensions sociales (l’environnement social, l’influence des autres et des modèles à imiter) et affectives (attitudes, valeurs, intérêts personnels et le sentiment de responsabilité individuel) dans les activités d’apprentissage des enseignants ne fait aucun doute si on considère, par exemple, leurs réponses au questionnaire et les propos analysés à partir des entrevues. Cependant, il n’y a pas eu d’activités d’apprentissage directement reliées à ces deux dimensions lors des 45 séances d’enseignement, quoiqu’elles soient évoquées dans les intentions pédagogiques de certaines activités.
4 – Discussion
25Le but de cette étude était d’illustrer l’inclusion de l’éducation à la santé en éducation physique à partir de la mise en œuvre des objets d’enseignement-apprentissage privilégiés par les éducateurs physiques dans l’enseignement en éducation à la santé et d’identifier les motifs invoqués par ces derniers dans le choix de ces objets.
26Les résultats présentés dans cette étude vont dans le sens de ceux obtenus par d’autres chercheurs, tels Cogérino et al. (1998) qui soutiennent que l’éducation à la santé, telle que pratiquée par les éducateurs physiques en France, est caractérisée par une prévalence de la santé physiologique au détriment de ses autres dimensions. Le fait que l’éducation physique repose sur l’apprentissage par le mouvement amène plusieurs enseignants à rechercher des objets d’enseignement-apprentissage d’éducation à la santé qui suscitent le même type d’apprentissage qu’en éducation physique. Ainsi, les objets d’enseignement-apprentissage inhérents à l’intervention pédagogique en éducation à la santé au primaire sont directement influencés par le domaine de l’éducation physique. En fonction de ses objets d’enseignement-apprentissage, l’éducation à la santé qui se trouve incluse en éducation physique a toutes les chances d’emprunter une démarche de prévention ou de développement de la santé et du bien-être centrée principalement sur le corps en action et soutenue par divers types d’activités physiques. Dans cette optique, l’éducation à la santé s’emmêle avec les pratiques de maintien de la condition physique.
27Autrement dit, selon nos résultats, l’éducation à la santé, lorsqu’elle est incluse en éducation physique au primaire, a pour véritable objet d’enseignement-apprentissage l’amélioration de la condition physique. Ce type d’inclusion de l’éducation à la santé en éducation physique trouve largement écho dans la littérature scientifique. En effet, des études de plusieurs pays font état d’une propension chez les éducateurs physiques à considérer l’amélioration de la condition physique comme un des objectifs majeurs de l’éducation à la santé. Ainsi, aux États-Unis (Manidi et Dafflon-Arvanitou, 2000) et au Royaume-Uni (Harris, 1997), l’éducation à la santé en éducation physique est pratiquement synonyme d’amélioration de la condition physique pour les enseignants d’éducation physique. Au Québec, l’étude de Michaud (2002) auprès d’enseignants de ce domaine propose des conclusions de même ordre. Cette auteure indique que les enseignants considèrent que la pratique régulière d’activités physiques et le conditionnement physique forment les noyaux centraux du programme d’éducation à la santé en éducation physique. Klein (1997), pour sa part, abonde dans le même sens et ajoute que, dans certains programmes d’éducation physique, l’éducation à la santé n’occupe qu’une position instrumentale.
28Selon nos résultats, toutefois, la dimension cognitive a une place importante dans l’enseignement en éducation à la santé (cette dimension est absente en éducation à la santé dans le cas d’un seul des enseignants interrogés), ce qui démontre que la dimension physiologique n’est pas la seule privilégiée par les éducateurs physiques. Ainsi, la majorité des enseignants participant à note recherche font faire aux élèves, soit à l’occasion ou de façon régulière, des activités d’apprentissage uniquement en lien avec la dimension cognitive. Cet apport de la dimension cognitive dans l’enseignement en éducation à la santé est nettement plus important que ce qui est rapporté dans la recherche menée par Cogérino (1999) et concorde avec les propos tenus par les éducateurs physiques de l’étude de Michaud (2002), lesquels précisent devoir transmettre des connaissances aux élèves afin de réaliser leur enseignement dans le domaine de l’éducation à la santé.
29Selon nos résultats, la majorité des activités d’apprentissage comportant une dimension cognitive sont axées sur la stricte acquisition de connaissances. Cette importance accordée à cette dimension en éducation à la santé par les éducateurs physiques remet en question les procédés adoptés pour la mettre en œuvre tel que prévu dans le programme d’éducation physique et à la santé pour la troisième compétence disciplinaire Adopter un mode de vie sain et actif. Cela va à l’encontre des avis de plusieurs auteurs (par exemple, Parcel et al., 2000 ; Mérini et al., 2004) qui rappellent que la seule transmission d’informations est insuffisante pour produire une modification des comportements ou des conduites individuelles. Manidi et Dafflon-Arvanitou (2000) soutiennent même que l’acquisition de connaissances est incomplète dans le cadre d’un programme d’éducation à la santé si elle n’est pas jumelée à un procédé d’analyse des conditions personnelles et sociales des habitudes de vie et de santé. Par conséquent, l’apport de la dimension cognitive dans l’enseignement en éducation à la santé doit aller au-delà de la simple acquisition de connaissances qui est trop restrictive et ne favorise pas la prise en charge par les élèves de leur état de santé et de bien-être. À ce sujet, Sandrin Berthon (1997) souligne à juste titre qu’une éducation à la santé centrée sur la prise en charge de sa propre santé doit aider l’élève à se construire une opinion, à découvrir ce qui influence son comportement et à développer ses capacités d’écoute, d’expression, de réflexion et d’analyse.
30La difficulté qui prévaut actuellement dans l’identification des objets d’enseignement-apprentissage de l’éducation à la santé en éducation physique amène un questionnement sur le contexte de réalisation de la troisième compétence disciplinaire Adopter un mode de vie sain et actif. Selon le MEQ (2001), le programme de formation en éducation physique et à la santé doit traiter uniquement des objets spécifiques à la discipline, ce qui explique pourquoi la troisième compétence disciplinaire doit s’appuyer sur les deux premières compétences disciplinaires Agir et Interagir. Ce contexte de réalisation devrait être le facteur déterminant dans le choix des objets d’enseignement-apprentissage propres à cette inclusion. Or, l’ajout d’autres objets d’enseignement-apprentissage à ceux du programme de formation et la description de certains objets révèlent un arrimage de cette inclusion à des objets d’enseignement plus généraux et non spécifiques à la discipline. Cet arrimage avec des objets d’enseignement-apprentissage plus généraux permet de supposer que l’enseignement en éducation à la santé peut difficilement s’appuyer uniquement sur les deux autres compétences disciplinaires (Agir et Interagir). La modification effectuée par les éducateurs physiques au niveau de ce contexte de réalisation de leur enseignement met en évidence la difficulté qu’ils éprouvent dans la sélection des objets d’enseignement-apprentissage reliés au domaine de l’éducation à la santé. Cela rejoint la réflexion de Motta (1998) qui, dans son analyse des recherches anglo-saxonnes, souligne que les rapports entre le domaine de l’éducation à la santé et celui de l’éducation sont très variables et il est difficile de trouver le meilleur emplacement pédagogique pour l’éducation à la santé à l’école.
31Ce problème de sélection des objets d’enseignement-apprentissage se répercute sur les cadres d’intervention pédagogiques. L’éducation à la santé en éducation physique se fait, en effet, soit par projet-école, soit à l’intérieur des cours d’éducation physique et à la santé ou des cours axés sur l’enseignement théorique. Ces cadres d’intervention pédagogiques permettent aux enseignants d’utiliser des objets d’enseignement-apprentissage généraux et spécifiques dans leur enseignement en éducation à la santé. Une précision des objets d’enseignement-apprentissage en lien avec la troisième compétence disciplinaire Adopter un mode de vie sain et actif favoriserait une meilleure utilisation et répartition des objets d’enseignement-apprentissage à travers les trois cycles d’études en plus de spécifier les cadres d’intervention pédagogiques susceptibles de favoriser l’enseignement de l’éducation à la santé en éducation physique.
5 – Conclusion
32La préoccupation centrale de cet article était de mettre en évidence comment se manifeste l’inclusion de l’éducation à la santé en éducation physique par l’entremise des objets d’enseignement-apprentissage des éducateurs physiques du primaire. Au Québec, l’arrivée du nouveau programme de formation aux niveaux préscolaire et primaire (MEQ, 2001) n’a pas permis, pour l’instant, un remaniement et une transformation réelle des objets d’enseignement-apprentissage. En fait, il serait plus juste de parler d’une transposition des objets d’enseignement-apprentissage de l’éducation physique à l’éducation à la santé. L’analyse approfondie des objets d’enseignement-apprentissage des participants à cette étude met en lumière cette transposition. Par conséquent, la jonction entre les objets d’enseignement-apprentissage du champ disciplinaire de l’éducation à la santé et celles de l’éducation physique en est encore à une étape de familiarisation et ce, quatre ans après la mise en application du programme de formation aux niveaux préscolaire et primaire. Cette jonction rend compte d’un faible degré d’interconnexion entre les deux champs disciplinaires, ce qui constitue un élément majeur dans la compréhension et l’explicitation des difficultés que pose l’enseignement en éducation à la santé, et explique la difficulté perçue dans l’inclusion de l’éducation à la santé en éducation physique. Autrement dit, l’enseignement de l’éducation à la santé en éducation physique est caractérisé par l’utilisation des pratiques pédagogiques que l’on retrouve habituellement dans l’enseignement de l’éducation physique.
33En outre, et il s’agit d’une conclusion majeure à tirer de cette recherche, l’inclusion de l’éducation à la santé par les participants de cette recherche remet en question la portée de son enseignement surtout centré sur les activités d’apprentissage en lien avec la pratique régulière d’activités physiques, la condition physique et l’acquisition de connaissances. L’enseignement de l’éducation à la santé diffère de la conception véhiculée par les programmes de formation de l’école québécoise (MEQ, 2001 et 2003) et des définitions rédigées en termes de développement d’un processus éducatif en matière de santé et de bien-être. L’incidence de ces pratiques pédagogiques « déviantes » sur l’apprentissage des élèves demeure inconnue puisque cet aspect n’a pas été investigué dans cette recherche. Il s’agirait sans contredit d’un champ d’étude pertinent. Toutefois, il est évident que ces pratiques limitent clairement l’apport actuel des enseignants en éducation physique dans l’éducation à la santé dans une perspective de promotion et de prévention de la santé. Il devient donc indispensable de préciser et de clarifier le niveau d’interdisciplinarité plausible entre les deux champs disciplinaires afin d’identifier les points d’ancrage d’une éducation à la santé incluse, certes, mais surtout véritablement présente en éducation physique.
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Mots-clés éditeurs : éducation physique, pratiques pédagogiques, éducateurs physiques, objets d'enseignement-apprentissage, éducation à la santé
Mise en ligne 01/03/2007
https://doi.org/10.3917/sta.075.0115Notes
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Cette recherche a été soutenue par les Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC).