Notes
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[1]
Le taux d’activité des femmes de 25 à 54 ans passe de 45 % en 1968 à 79 % en 1994 (Données sociales, 1996, INSEE).
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[2]
« Je ne dis pas ça pour la frime, mais j’étais la plus féminine (des candidates) et ça…Il m’a dit (le président) « il faut ressembler à une fille quand tu viens parmi les machos pour les convaincre », entretien de Marylou réalisé le 25.03.1996.
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[3]
« Je n’arrête pas de leur dire aux filles (de l’équipe de France) : « soyez féminines, soyez gracieuses, essayer de ressembler à des filles… ». D’ailleurs, elles vont avoir des tailleurs, c’est plus joli que de se déplacer en survêtement ou en jean », Marylou, entretien du 25.03.1996.
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[4]
Nous entendons par stratégie les « procédures mises en œuvre (de façon consciente ou inconsciente) par un acteur (individuel ou collectif) pour atteindre une ou des finalités (définies explicitement ou se situant au niveau de l’inconscient), procédures élaborées en fonction de la situation d’interaction, c’est-à-dire en fonction des différentes déterminations (socio-historiques, culturelles, psychologiques) de cette situation » (Lipiansky, Taboada-Léonetti et Vasquez, 1990, p.24).
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[5]
D’origine populaire, J. H. effectue ses études de professeur d’EPS à l’Ecole Normale Supérieure d’Education Physique, tout en acquérant des compétences de haut-niveau dans les sports de combat. Il poursuit son cursus universitaire en obtenant le diplôme de l’INSEP et en soutenant une thèse de droit sur le sport. Il intègre ensuite l’Ecole Nationale d’Administration et occupe actuellement un poste de magistrat à la Cour Régionale des Comptes. On comprend mieux à la fois ses préoccupations éducatives et son souci de préserver l’amateurisme de la boxe française, en la distinguant des boxes professionnalisées, qu’il considère comme dévoyées.
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[6]
Les membres (ou ex-membres) de la commission féminine de boxe française rencontrées au cours de l’enquête possèdent toutes au moins un diplôme supérieur ou égal à bac+2, tandis que les membres de la commission de football ont un niveau de diplôme inférieur ou égal au baccalauréat. Nos données ne nous permettent cependant pas de généraliser cette analyse à l’ensemble des membres de ces commissions.
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[7]
Lettre d’E. H. du 06.06.1988, dossier CF. L’absence de documents de ce type et de manière plus générale de tous documents polémiques dans les documents de la fédération de football auxquels j’ai eu accès ne signifie pas forcément leur inexistence, mais exprime tout du moins la volonté de masquer systématiquement les désaccords à l’égard de la politique fédérale.
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[8]
La commission féminine organise en 1985 des combats féminins. Précédant la demande de la fédération, elle convoque un médecin qui rédige un rapport favorable, coupant court à l’un des arguments des hommes (compte rendu de la réunion du 22.11.1985, dossier CF).
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[9]
De la même manière, la féminisation précoce et importante de la pratique du handball, sport collectif de « contact », peut surprendre au regard des difficultés rencontrées par le football féminin. Ce sport collectif se développe cependant dans une conjoncture sociale et sportive, les années 1950, nettement plus favorable aux femmes que le début du xxe siècle, période d’institutionnalisation du football en France. Par ailleurs, la promotion du handball est essentiellement assurée par des professeurs d’éducation physique, a priori ouverts à la mixité de la pratique.
1 Au cours du xxe siècle, les revendications des femmes, relayées par les mouvements féministes, se sont particulièrement affirmées et ont contribué à l’évolution de la place des femmes dans la société et, conjointement, des représentations collectives des rôles assignés à l’un ou l’autre sexe. Cependant, les travaux menés sur les rapports sociaux de sexe (Kergoat, 1992) ou sur la construction du genre ou « sexe social » (Mathieu, 1991) montrent que dans tous les domaines, du marché du travail à l’espace privé, les processus de discrimination et de hiérarchisation entre les sexes persistent. Ainsi, si les femmes investissent aujourd’hui massivement le marché du travail, elles sont plus concernées que les hommes par les emplois précaires, à temps partiel, et se trouvent plus exposées au chômage (Maruani, 1998). De la même manière, la meilleure réussite scolaire des filles ne se concrétise pas par une égalisation des parcours scolaires, les choix d’orientation restant sexués (Baudelot & Establet, 1992). Au sein du système scolaire, comme sur le marché du travail, la mixité n’implique pas la disparition des stéréotypes sexués (Fortino, 2002 ; Zaidman, 1996). Ces processus reposent largement sur l’idée d’un ordre naturel des sexes, justifiant les hiérarchies et la division sexuée du travail par une biologisation du social (Bourdieu, 1998 ; Delphy, 1991).
2 Les pratiques sportives constituent l’un des domaines sociaux les plus intéressants pour analyser ces processus dans le sens où la mise en jeu des corps favorise de manière plus accentuée qu’ailleurs une reproduction des différences entre les sexes, souvent légitimée par un discours essentialiste. En même temps, l’évolution des pratiquants (et notamment des pratiquantes) dans les différentes modalités de pratiques et l’entrée progressive des femmes dans des sports dits masculins questionnent les définitions dominantes des catégories sexuées (Mennesson, 2002). De ce fait, le monde sportif peut être considéré comme un analyseur particulièrement pertinent d’un enjeu central du xxie siècle : l’évolution du processus de domination masculine, défini ici comme un principe de division sexuelle du travail et de vision du monde social, présent à l’état objectivé dans le monde social et à l’état incorporé dans les habitus, qui considère l’homme comme un être universel, socialement autorisé et préparé à entrer dans les luttes de pouvoir (Bourdieu, 1998).
3 Dans cet article, nous proposons d’étudier les manières dont se manifeste la domination masculine au sein des fédérations de football et de boxe française à partir de l’analyse des politiques fédérales à l’égard de la pratique des femmes et du mode de fonctionnement des commissions féminines. Ces indicateurs permettent de mettre en évidence des différences entre les deux disciplines dans le processus de structuration et d’intégration de la pratique des femmes aux fédérations initialement masculines (Mennesson, 2000a). Après quelques précisions sur le cadre d’analyse et sur le positionnement très différent des deux disciplines étudiées dans l’espace des sports français, nous aborderons successivement le cas du football puis celui de la boxe française en analysant à chaque fois les relations entre la politique fédérale à l’égard des femmes et les stratégies développées par les membres des commissions féminines pour promouvoir la pratique des femmes.
1 – Cadre d'analyse
1.1 – La problématique des rapports sociaux de sexe
4 Deux axes de réflexion organisent le cadre d’analyse. La sociologie des rapports sociaux de sexe et les « gender studies » structurent le premier axe d’analyse. Dans cette perspective, les catégories sexuées socialement construites et hiérarchisées constituent l’un des fondements de l’organisation des sociétés humaines (Héritier, 1996 ; Mathieu, 1991). La domination masculine, objectivée et incorporée, structure les trois niveaux de construction des identités sexuées repérés par Harding (1986) : le niveau symbolique ou celui des représentations collectives qui fixe les images et les modèles féminin et masculin ; le niveau institutionnel, ensuite, qui oriente la politique en matière de féminisation ; le niveau des stratégies individuelles enfin, qui correspond aux expériences des diverses formes de féminité et de masculinité. Par ailleurs, les manières de construire les genres diffèrent en fonction des groupes sociaux d’appartenance, sans que l’on puisse pour autant repérer de principe homogène expliquant les variations des identités sexuées d’un bout à l’autre de l’échelle sociale (de Singly, 1996). L’identité sociale des acteurs institutionnels influence en partie leurs positions à l’égard de la pratique des femmes. Enfin, le sport moderne peut être considéré comme un lieu privilégié de construction d’une masculinité « virile » dominante (Messner & Sabo, 1990, 1994). Ce lien originel entre sport et masculinité reste d’actualité dans la plupart des sports médiatisés et, en particulier, dans les sports « populaires » mettant en jeu un certain niveau de violence physique (Sabo & Panepinto, 1990). On peut donc faire l’hypothèse que le processus d’intégration de la pratique des femmes dans ces disciplines pose des problèmes génériques, mais qu’il suscite également des réactions spécifiques en fonction des enjeux relatifs à la féminisation au sein des différentes fédérations.
5 Le deuxième axe d’analyse s’appuie sur certaines problématiques de la sociologie de la culture et de l’histoire sociale appliquées au sport. Il appréhende le monde sportif comme un champ structuré autour d’enjeux spécifiques et disposant d’une relative autonomie (Bourdieu, 1980 ; Defrance, 1995). La participation sportive des femmes constitue un des éléments pertinents pour différencier symboliquement les pratiques entre elles. Elle est en effet d’autant plus forte que le mode de mise en jeu du corps favorise la dimension esthétique et hygiénique et que la pratique est investie majoritairement par les membres des groupes sociaux culturellement favorisés (Louveau, 1991). En ce sens, la position des fédérations au sujet de l’intégration institutionnelle de la pratique des femmes se situe au cœur d’enjeux qui participent à la définition de l’identité de la discipline (Mennesson, 2000a).
6 Enfin, le monde sportif subit les effets des conjonctures historiques successives (Clément & Defrance, 1987 ; Clément, Defrance & Pociello, 1994), précisant notamment les représentations dominantes à un moment donné des rôles féminins et masculins. Autrement dit, la féminisation des pratiques sportives ne peut se comprendre sans prendre en compte les évolutions sociales et culturelles. Ainsi, il s’agit non seulement de considérer l’état du système des sports à un moment donné, mais également d’analyser l’inscription de ce système dans une conjoncture historique particulière. Nous pensons en effet que ces deux aspects, difficiles à distinguer dans l’analyse, influencent conjointement le processus d’institutionnalisation de la pratique sportive des femmes et expliquent en partie les différences importantes constatées au niveau du statut de la pratique des femmes entre le football et la boxe française.
7 Les données utilisées dans ce travail proviennent d’une part de l’analyse des archives des fédérations, notamment des documents relatifs à la pratique des femmes ou émanant de la commission féminine, et, d’autre part, d’entretiens avec des actrices du milieu fédéral impliquées dans la gestion de la pratique des femmes.
Méthodologie
Pour le football, le travail d’analyse des archives se base sur l’étude des revues « France Football Officiel » (FFO pour les citations dans le texte) et « Foot » (F pour les citations dans le texte), éditées par la fédération française de football, et qui publient notamment les comptes rendus des assemblées générales, des comités directeurs et, parfois, des différentes commissions, ainsi que des articles sur les évènements organisés par la fédération (pour la revue « Foot »). La période analysée va de 1970 (année de la création de la commission féminine) à 1999. Pour la boxe, en plus de la revue fédérale « La lettre de la Boxe Française » (LBF pour les citations dans le texte), j’ai eu accès aux archives de la commission féminine (CF pour les citations dans le texte), qui contiennent, outre les décisions officielles, les comptes rendus exhaustifs des réunions de la commission et certains courriers adressés à la commission. La période d’analyse débute en 1980, mais les premiers documents disponibles dans les archives de la commission datent de 1985.
Méthodologie
Les données exploitées dans ce travail sont issues d’une enquête plus large comprenant une cinquantaine d’entretiens biographiques de sportives, de dirigeantes et d’entraîneurs (Mennesson, 2000a). Pour cet article, les entretiens réalisés avec des membres (ou d’anciens membres féminins) des commissions féminines nationales et des dirigeantes ayant au moins une responsabilité au niveau des ligues ont été privilégiés (soit une dizaine d’entretiens d’une heure trente à deux heures). Les femmes exerçant une responsabilité particulière au sein des fédérations (membre du comité directeur, conseillère technique régionale, entraîneur de l’équipe de France féminine) font toutes partie de la population enquêtée. Dans tous les entretiens, la politique menée par la fédération à l’égard des femmes et les stratégies mises en œuvre par la commission féminine ont été largement commentées.
1.2 – Des positions différentes dans le champ sportif français
8 La position spécifique des deux pratiques dans le champ sportif français, leur pourcentage respectif de pratiquantes, et la différence de conjoncture sportive et sociale au moment de la création des commissions féminines au sein des deux fédérations (1970 pour le football et 1985 pour la boxe française), permettent de penser que les enjeux relatifs à la féminisation de ces deux disciplines ne sont pas comparables.
9 Historiquement, les premières équipes de football féminin apparaissent vers 1917 (Prudhomme, 1996 ; Wahl, 1989). Cette première tentative, gérée de manière autonome par des associations sportives exclusivement destinées aux femmes, connaît un succès éphémère. Les équipes féminines disparaissent dans les années 1930. Le football féminin réapparaît, plus de trente ans plus tard, en 1968. Des équipes féminines évoluent au cours de festivités au sein de clubs masculins et un début d’organisation de la pratique se met en place dans certaines régions. Le 28 mars 1970, le conseil fédéral de la fédération française de football reconnaît le football féminin et désigne une commission d’étude chargée de son organisation (Prudhomme, 1996). Le premier championnat national est créé en 1974-1975.
10 Au niveau international, l’UEFA (Union Européenne de Football Association) décide de prendre en charge le football féminin en 1971. Il faut cependant attendre 1982 pour que la mise en place d’un championnat d’Europe féminin soit effective et 1991 pour la création d’une coupe du monde féminine.
11 Le début du processus de reconnaissance de la pratique féminine par les instances nationales et internationales s’effectue au début des années 1970, dans une conjoncture marquée par un questionnement important des formes d’organisation sociales dominantes, tant dans le système éducatif, que dans la famille ou le monde du travail. La question de l’évolution des rôles sociaux dévolus aux femmes occupe une place importante dans ces débats, animés par des mouvements féministes particulièrement actifs (Ergas, 1992). Cependant, si cette conjoncture sociale favorise globalement le développement du sport féminin, notamment en permettant de dénoncer les discours explicites d’exclusion des femmes, le monde du football résiste à ces incitations sociales, politiques et culturelles en faveur des femmes. En effet, au début des années 1970 le monde sportif est encore dominé par le modèle sportif compétitif, porté par les fédérations traditionnelles en pleine expansion. Le football, discipline dominante sur le plan national en termes de licenciés (quasi exclusivement masculins), double ses effectifs en dix ans (de 602 000 licenciés en 1968 à 906 450 en 1973 et 1 309 878 en 1978) (Herr, 1981). Pendant la même période, les enjeux économiques liés à la médiatisation de la pratique augmentent considérablement, inaugurant « l’ère de la déraison » (Wahl, 1989). Dans ce contexte, on comprend aisément le manque d’intérêt des dirigeants du football à l’égard de la pratique des femmes. De fait, en football, l’objectif principal réside davantage dans le contrôle des pratiquantes que dans la « féminisation » de la pratique. Cette absence de politique en faveur de la pratique féminine s’objective clairement dans l’évolution des effectifs féminins. Après une courte période d’augmentation au début des années 1970, ces derniers stagnent et connaissent même une période de régression au milieu des annɥs 1980. En 2000, les footballeuses représentent seulement 1,4 % des effectifs de la fédération (soit 28 065 licenciées), soit l’un des taux les plus faibles des pays occidentaux. La modification très récente des positions de la fédération à l’égard des femmes résulte en fait davantage de la pression des instances internationales (UEFA, FIFA) et d’une conjoncture nationale particulière (politique récente du ministère de la Jeunesse et des Sports en faveur des femmes), que d’une mansuétude soudaine à l’égard des femmes.
12 Dans le cas de la boxe française, les effets des conjonctures socio-historique et sportive se conjuguent pour placer la pratique des femmes au centre d’enjeux liés à l’identité et au développement de la discipline.
13 L’institutionnalisation de la pratique des femmes en boxe française débute au cours des années 1980. Le premier championnat de France féminin, créé en 1982, précède la mise en place de la commission féminine en 1985. L’organisation de la pratique des femmes s’inscrit ainsi dans un contexte historique différent de celui des années 1970 en termes de rôles et de statuts des femmes. Si les mouvements féministes ont perdu de leur puissance militante, le modèle de la femme active et salariée s’est définitivement imposé [1]. L’état des rapports sociaux de sexe au sein de la société française au moment de la création des commissions féminines influe certainement sur les stratégies des membres de ces commissions, même si cette relation reste difficile à établir objectivement.
14 Par ailleurs, le contexte sportif des années 1980 diffère également sur bien des points de celui des années 1970. Le modèle sportif compétitif organisé dans le cadre fédéral est concurrencé par de nouvelles formes de pratiques dites libres et informationnelles valorisant de nouveaux modes d’organisation et de motricités (Pociello, 1995). Au-delà de cette « crise » du modèle sportif traditionnel, la boxe française, sport relativement marginal, se trouve confrontée dans le sous-espace des pratiques pugilistiques à une concurrence intense pour la définition des formes légitimes d’opposition. Dominée depuis la fin du xixe siècle par les valeurs de l’académisme et de l’esthétique (Loudcher, 1996), la boxe française résiste mal à la montée dans les années 1980 de formes d’affrontements plus durs et moins civilisés (kick-boxing, full contact, boxe thaï…). Entre 1982 et 1991, le nombre de licenciés stagne, oscillant entre 17 000 et 20 000 (données fédération). Dans ce contexte, la pratique féminine apparaît rapidement comme un enjeu central pour la fédération, devenant ainsi l’un des aspects essentiels de l’identité de la discipline. Non seulement les pratiquantes féminines peuvent permettre de limiter les pertes en termes de nombre de licenciés, mais elles symbolisent parfaitement la stratégie fédérale consistant à défendre le « produit » boxe française en vantant ses perspectives éducatives et son ouverture à différents publics (hommes, femmes et enfants, mais aussi compétition et loisir). Cette politique volontariste de féminisation permet à la fédération de maintenir puis d’accroître le nombre global de licenciés, en partie grâce à l’accroissement des effectifs féminins (les licenciées représentent 7,4 % des effectifs en 1982, 12,2 % en 1991 et 17 % en 1998 pour 26 654 licenciés).
15 On le voit, l’institutionnalisation de la pratique des femmes au sein des fédérations de football et de boxe française s’effectue dans des conjonctures socio-historiques et sportives différentes. De la même manière, la position des deux disciplines dans le champ sportif français modifie de façon importante les enjeux liés au développement de la pratique féminine. Si la relative autonomie du champ sportif rend difficile la mise en évidence de relations directes entre conjoncture socio-historique et conjoncture sportive, ces deux niveaux d’analyse sont cependant indispensables pour comprendre le sens des politiques fédérales à l’égard des femmes et étudier les stratégies des membres des commissions féminines.
2 – Le football: une politique de développement de la pratique des femmes lacunaire
2.1 – Une évolution contrainte
16 L’intégration du football féminin dans la fédération et la mise en place d’une commission chargée de gérer son développement visent à contrôler une pratique jugée inappropriée pour les femmes. Le rapport moral du directeur général de la fédération, rédigé à l’occasion du conseil fédéral de 1970, illustre clairement cette volonté :
17 « Ainsi le veut notre temps. En foot comme dans d’autres domaines, la femme a fait reconnaître ses droits. Ne nous plaignons pas. Les membres de votre conseil ne sont pas des misogynes. Dès le 30 Août, ils reconnaissaient le football féminin que l’article 1 des statuts charge d’ailleurs la FFF d’organiser, de développer et de contrôler » (FFO, juillet 1970).
18 Contraints par les évolutions sociales et culturelles, les dirigeants de la fédération, choisissent de contrôler le développement de la pratique féminine plutôt que de l’ignorer. La reconnaissance de la pratique des femmes par l’UEFA s’inscrit dans la même perspective :
19 « le nombre des femmes pratiquant le football s’accroît sans cesse dans beaucoup de pays européens, bien que les mass médias ne le reconnaissent pas et expriment plutôt leur désaccord. Pour contrôler efficacement ce mouvement, l’UEFA a nommé une commission spéciale » (FFO, juin 1973). D’une certaine manière, les dirigeants du football européen rassurent un milieu largement défavorable à la pratique des femmes par une volonté de contrôle.
20 Si la reconnaissance de la pratique des femmes par la fédération française de football précède celle des instances européennes, l’organisation du football féminin français accuse cependant un retard considérable par rapport à bon nombre de pays européens (notamment l’Allemagne et les pays nordiques). Dans cette conjoncture, les dirigeants français sont contraints d’accepter une certaine évolution pour respecter les directives de l’UEFA, sans pour autant s’engager dans une politique de développement de la pratique des femmes. Le secrétaire général de la fédération et délégué à l’UEFA, informé de la décision de l’UEFA d’accepter cette nouvelle discipline, demande dès 1972 à la commission féminine de respecter les directives européennes et justifie la création d’une commission restreinte chargée de les appliquer (FFO, avril 1972).
21 L’ignorance teintée de mépris à l’égard de la pratique des femmes s’exprime en quelque sorte par le silence des structures fédérales sur cette discipline dans tous les textes de bilan ou de prospective (rapports moraux, plan d’action…). Le plan d’action pour 1993/1996, présenté par le président de la fédération, n’évoque à aucun moment les féminines, mais insiste sur l’accueil de la masse et des jeunes… masculins (F, juillet 1993). Pour les 25 ans du football féminin, le nouveau président de la FFF, y consacre un éditorial pour souligner que le football féminin « souffre de n’être que peu ou mal connu et de trop de clichés et d’idées reçues ». Il invite le nouveau Conseil National du Football Amateur (CNFA) à intensifier ses efforts et, « sans aller jusqu’à dire que la féminine est l’avenir du football, elle doit très largement y contribuer » (F, avril 1995). En 1996 pourtant, lors de l’assemblée générale, il établit un bilan en quatre points : l’équipe de France, nos espoirs, nos militaires et nos cadets. Le football pratiqué par les femmes n’est toujours pas évoqué (F, février 1996). Le plan d’action pour 1996/2000, pour le premier mandat du CNFA, n’évoque pas davantage la pratique féminine. La séparation avec la pratique professionnelle ne favorise pas davantage le football féminin. Le premier axe développé s’intitule pourtant « foot et société », société apparemment exclusivement masculine. En 1999, au cours de son allocution, le président reprend les trois axes développés par le directeur technique national et évoque le souhait d’Aimé Jacquet, auréolé du prestige des vainqueurs de la coupe du monde, d’apporter beaucoup d’attention au développement du football féminin, des petits clubs et du foot d’entreprise (F, février 1999). Ce soutien appuyé d’Aimé Jacquet au football féminin a été vécu comme un événement important dans le milieu du football, ce qui témoigne paradoxalement des pesanteurs de cette institution à l’égard des femmes. Le premier bilan évoquant le football féminin en 1998 le situe parmi les « actions non réalisées », confirmant ainsi cette situation. Plus récemment, l’ignorance de la pratique féminine semble progressivement (et timidement) remise en question. L’allocution du président à l’assemblée générale du 12 juin 1999 explique en partie les raisons d’une telle évolution. Signalant la position réservée de beaucoup de clubs à l’égard de la pratique féminine, il affirme :
22 « Cela doit être une de nos priorités dans les années à venir pour rivaliser avec les fédérations, notamment en Europe, très en avance par rapport à nous » (F, juin 1999).
23 La France fait figure de pays rétrograde en matière de football féminin et les mauvais résultats internationaux d’une équipe disposant de moyens ridicules comparés à ceux de ses rivales européennes objectivent l’absence de politique de développement. Par ailleurs, les récentes incitations ministérielles en faveur de la pratique féminine menacent de sanctionner une fédération qualifiée de « machiste », notamment lors des Assises Nationales sur le sport féminin (29 au 29 mai 1999).
2.2 – Une relative permanence des stéréotypes sexués
24 L’importance des représentations très stéréotypées du féminin dans le milieu des instances dirigeantes du football explique en partie les difficultés d’organisation de la pratique des femmes. Au début des années 1970, en France comme en Europe, la mise en place de compétitions est laborieuse. Les dirigeants souhaitent « ne pas se précipiter pour le moment » et « envisager la création d’épreuves féminines après un examen approfondi » (FFO, septembre 1969 et juin 1973). Les modalités d’adaptation des règlements proposées par les dirigeants révèlent une représentation particulière des capacités des femmes. Ces dernières doivent jouer avec un ballon « minime » et la durée des matchs est limitée à 2 fois 35 minutes (FFO, avril 1970). Le passage de la durée réglementaire des matchs féminins à 2 fois 45 minutes est imposé par l’UEFA seulement en 1992, malgré les réticences de nombre de dirigeants français. Le dirigeant du club de B. M. déclare par exemple :
25 « Je suis surpris de cette décision, les filles n’ont pas les mêmes qualités athlétiques que les garçons » (F, septembre 1993).
26 Ces propos synthétisent les résistances de la plupart des dirigeants fédéraux à l’égard de la pratique des femmes. Difficiles à repérer dans les journaux fédéraux en raison de leur position « politiquement » incorrecte, les propos de responsables fédéraux stigmatisant le niveau de jeu des femmes et le manque de conformité sexuée des joueuses sont récurrents (Mennesson, 2000).
27 Conformément à ce que les historiens du sport et de l’éducation physique repèrent systématiquement, les références au discours médical pour justifier l’inadaptation des femmes à la pratique, ou tout du moins les spécificités de son jeu, sont fréquentes. Dès 1969, un rapport sur le football féminin est demandé à la commission médicale de la FFF (FFO, septembre 1969). Cette demande est réitérée à intervalles réguliers. Les conclusions des rapports les plus récents sont éloquents et réaffirment la hiérarchie des pratiques entre les hommes et les femmes. En 1995, les « experts médicaux » affirment la spécificité du jeu des jeunes femmes :
28 « médicalement, les filles s’orienteront vers un football joué par les filles et psychologiquement, l’affirmation de la féminité orientera différemment les comportements des femmes vers plus de finesse et de subtilité » (F, avril 1995).
29 Ces déclarations, légitimées par le statut médical de leurs auteurs et largement diffusées dans la revue fédérale, témoigne de la permanence de représentations très traditionnelles des femmes dans le milieu fédéral. En 1998, un article présente les particularités médico-physiologiques du football féminin en affirmant : « les blessures seraient deux fois plus nombreuses chez les femmes et il est également possible qu’un problème de proprioception soit plus fréquent chez la femme » (F, avril 1998). L’utilisation du conditionnel est surprenante dans un document a priori scientifique ou tout du moins présenté comme tel. En fait, aucune étude réellement scientifique n’a été effectuée. L’utilisation du discours médical illustre la force et la permanence des préjugés des hommes de la fédération à l’égard de la pratique des femmes. Cet usage très caricatural de la légitimité médicale, systématique dans la première moitié du xxe siècle pour justifier l’éthique de la « modération » et l’exclusion des femmes des compétitions sportives, situe en réalité l’archaïsme du milieu de la fédération de football dans l’espace sportif, et d’une certaine manière, sa domination « culturelle ». Ce discours est en effet non seulement impensable dans la majorité des disciplines sportives, mais souvent stigmatisé. Les commentaires de l’entraîneur de l’équipe féminine sur le « manque d’agressivité » ou « le laxisme » des filles renforcent ces représentations (voir F : mars 1991, mars 1992 et octobre 1993).
30 De la même manière, l’évolution récente et contrainte des positions de la fédération à l’égard des femmes n’exclut pas cependant la permanence des stéréotypes sexués. A ce sujet, les choix effectués pendant la coupe du monde masculine sont évocateurs. Malgré l’engagement de Fernand Sastres et de Michel Platini en faveur de la promotion du football féminin pendant la coupe du monde en France (F, janvier 1995), la fédération choisit, pour la cérémonie précédant la finale, de confier à Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé un défilé de mode censé représenter l’excellence féminine et culturelle française, plutôt qu’un match féminin. Ce choix témoigne d’une vision très stéréotypée des catégories de sexe. Apparemment satisfaite de l’opération et soucieuse de moderniser une image vieillotte (résultant en partie de l’ignorance de la pratique féminine), la fédération propose de renouveler ce genre d’action avec l’opération « Femmes, femmes, femmes : la victoire est en elles », à l’occasion du match France/Andorre du 14 octobre 1998. Sophie Talman, Miss France 1998, est bien évidemment la marraine de cette opération consistant à réserver la tribune sud aux femmes. Interrogé sur le football féminin lors de la promotion de l’opération, le président déclare : « on ne peut pas rester à la traîne » (F, septembre 1998), indiquant par là même le chemin à parcourir en la matière.
31 Face à l’ignorance, au mépris et aux représentations des hommes de la fédération associant la féminité à un processus de séduction fondé sur l’apparence voire le « sex-appeal », la commission féminine privilégie deux stratégies : celle de la modération et celle de l’image.
3 – La commission féminine au sein de la fédération de football: stratégie de la modération et de l'image
32 Pour comprendre les stratégies de la commission féminine au sein de la fédération française de football, il faut d’abord préciser le mode de désignation des membres de cette commission et la nature des liens qui les unissent à cette dernière.
33 Les membres de cette commission sont cooptés et proposent à leur tour de nouveaux membres, proches des orientations de la commission. L’élection en tant que représentante féminine au conseil d’administration de la fédération s’effectue globalement de la même manière. Marylou, qui remplit ce mandat depuis plusieurs années, a été fortement incitée par l’ancien président à se présenter à ce poste. Selon elle, ce choix fut dicté par sa féminité et sa modération [2]. Très investie dans le football, ce statut construit toute son identité sociale. Elle est donc particulièrement redevable aux dirigeants de la fédération, tout comme Babette, l’actuel entraîneur de l’équipe de France féminine et membre de la commission féminine, nommée à temps complet à la fédération alors qu’elle se trouvait dans une situation professionnelle précaire. Même s’ils ne se trouvent pas dans des situations tout à fait similaires, les membres de cette commission remplissent souvent des fonctions importantes au niveau fédéral et sont donc sanctionnables.
« Marylou » et « Babette » : deux femmes dévouées à la cause du football féminin
A l’issue d’une carrière de joueuse internationale remarquée, Babette participe activement aux travaux de la commission féminine avant d’accepter le poste d’animatrice du football féminin à la fédération, après avoir échoué au concours d’entrée en STAPS. Seconde d’Aimé Mignot, l’entraîneur des féminines pendant plusieurs années, elle lui succède à ce poste après l’obtention de son brevet d’état. Moins vindicative que Marylou au sujet de la conformité des footballeuses aux normes sexuées et sexuelles, elle défend cependant ardemment la politique de la fédération à l’égard de la pratique féminine. Célibataire, elle « joue » elle aussi l’essentiel de son identité sur sa réussite dans le milieu du football.
34 Ces précisions permettent de mieux comprendre les deux stratégies collectives de la commission féminine : la « modération » des revendications, et la mise en scène de la « féminité ».
3.1 – Etre « modérée » et « féminine »
35 La stratégie de la modération est perceptible dans le discours des membres de la commission et dans certains comptes rendus de réunions. Marylou insiste sur la nécessité de présenter ses requêtes avec calme, en souriant, en mettant en évidence sa conformité aux normes sexuées dominantes, et en formulant des demandes « raisonnables ». De manière générale, les membres de la commission soulignent la nécessité de « ne pas froisser » la fédération, de faire « preuve de patience », d’effectuer les démarches « avec diligence » (F, décembre 1972 et… novembre 1996), et par là même de formuler une opinion positive sur la politique fédérale à l’égard des femmes. Babette affirme par exemple : « on nous a donné tous les moyens pour réussir », après un résultat décevant des Françaises à l’occasion d’une rencontre internationale (F. Juillet 1995). Du côté fédéral comme de celui de la commission féminine, il s’agit finalement de faire comme si la situation du football féminin en France était satisfaisante, les uns en diffusant périodiquement des dossiers aux titres prometteurs, les autres en appréciant une « politique » rarement suivie d’effets.
36 La seconde stratégie consiste à répondre aux attentes (effectives) des hommes de la fédération en mettant (en tentant de mettre) en scène la féminité des membres de la commission et des joueuses (notamment celles de haut-niveau). Cette stratégie renforce certaines analyses de dirigeants de la fédération, non diffusées dans la revue officielle mais exprimées sans réserve dans les discussions informelles, évoquant le « manque » de conformité corporelle des joueuses comme une raison suffisante pour ne pas développer davantage leur pratique.
37 Les membres de la commission n’hésitent pas à se prêter au jeu et à poser en tenue « féminine ». Sur une plaquette d’information dédiée au football féminin et diffusée par la fédération en 1995, la capitaine de l’équipe de France et membre de la commission féminine pose en tenue sportive puis en tailleur. Le titre des photos, « Bernadette Constantin, l’élégance dans la vie comme sur le terrain », résume à lui seul la stratégie de l’image. Mais l’exemple le plus évocateur est certainement celui de la « politique du tailleur », imposée par décision de la commission féminine aux joueuses de l’équipe de France à l’occasion de toutes leurs actions de représentation [3]. Une double page est consacrée à la diffusion de deux photos grand format des joueuses posant en tailleur Daniel Hechter (F, juillet 1995) (membre influent du milieu du football).
38 Cette stratégie [4] de la féminité visant à démontrer la conformité sexuée (et sexuelle) des joueuses ne joue pas uniquement sur l’image. Elle s’exprime également par des prises de position très « traditionnelles » sur les rôles féminins. Il s’agit de rappeler par tous les moyens la volonté des joueuses (telle que la commission féminine l’imagine) de respecter les définitions dominantes des catégories de sexe (tout du moins dans le milieu du football masculin). La conclusion de l’intervention de Babette lors de la conférence internationale de la FIFA (Fédération Internationale de Football Amateur) sur le football féminin illustre cette stratégie :
39 « Je serai tentée de dire, pour conclure, que le football féminin « modèle » ses entraîneurs à sa propre image, dans le respect de l’individu, et avec un esprit de famille, que, peut-être, seules les femmes, grâce à la place maternelle importante qu’elles occupent dans la cellule familiale, savent transposer dans leur sport » (Babette, conférence internationale de la FIFA, 7-8 Juillet 1999).
3.2 – Un rapport de force très défavorable
40 Il est difficile d’évaluer le bénéfice des stratégies utilisées par les membres de la commission féminine. La position de la fédération à l’égard du football féminin n’a guère évolué, sauf peut-être ces toutes dernières années. L’avancée qui reste d’ailleurs à confirmer semble davantage résulter de pressions internationales et nationales que de l’action de la commission féminine. Nous constatons en effet un rapport de force très défavorable aux femmes. Avec 1,4 % des licenciés, représentant une des 13 commissions du Conseil National du Football Amateur, la commission pouvait-elle mettre en place d’autres stratégies ? Comme l’indique Marylou, « au moins, ils me disent bonjour et m’écoutent quand je prends la parole ». Très attentive aux attentes des hommes pendant des années, elle déclare récemment être « écœurée » par des années de luttes sans de réelles avancées :
41 « Le football féminin en France est dans une situation critique. Les joueuses ne sont pas préparées à l’accès au plus haut-niveau, les résultats ont été désastreux en Norvège. Il n’y a pas de travail en profondeur dans les districts et dans les ligues. Le nombre d’équipes n’évolue pas. Il n’y a pas une grande volonté de mettre en place un grand football féminin en France. La situation est grave » (F, décembre 1998).
42 Cette déclaration de la représentante du football féminin au sein du conseil fédéral et première animatrice de la commission féminine illustre l’inertie de la fédération. Elle suscitera peu de réactions officielles. Le discours de Babette après la même compétition ne déroge pas à la modération habituelle.
43 De fait, si les femmes ont récemment obtenu le droit d’utiliser les installations du centre de formation national de Clairefontaine, la commission féminine n’a jamais réussi à imposer des mesures incitatives efficaces en faveur du football féminin. L’idée de solliciter les clubs professionnels pour participer au développement de la pratique féminine ou celle d’imposer la diffusion de matchs féminins pendant la négociation des contrats entre les chaînes télévisées et la fédération, longtemps débattue en commission féminine, est pour l’instant refusée par la fédération.
44 Le rapport de force semble nettement plus favorable aux femmes dans la fédération de boxe française.
4 – La place des femmes: un élément important dans le développement de la fédération de boxe française
45 En boxe française, la volonté de maintenir l’accroissement des effectifs féminins, dans une conjoncture particulièrement difficile pour la fédération dans l’espace des pratiques pugilistiques, constitue une dimension importante de la politique fédérale. Cette situation place la commission féminine dans une position relativement confortable pour défendre la pratique des femmes et participer à l’évolution de la politique fédérale. Par ailleurs la différenciation initiale des modalités de pratique féminines et masculines favorise la reconnaissance de la pratique des femmes.
4.1 – La promotion d’une forme de pratique « féminine »
46 Le premier championnat de France féminin organisé en 1982 propose un mode d’affrontement « soft », « l’assaut », « forme de rencontre opposant deux tireurs et se jugeant à l’aide d’une double notation qui tient compte, d’une part, de la maîtrise technique et du style démontré par le tireur, et, d’autre part, de la précision des touches dont toute puissance est strictement exclue » (règlement fédéral, mémento formation de la FFBS & DA). Cette forme de compétition, unique modalité compétitive chez les hommes jusque dans les années 1970, ne correspond plus à ce moment-là à la modalité compétitive privilégiée par ces derniers. Engagés majoritairement dans des compétitions en « combat », « forme de rencontre se jugeant sur la technique, la précision, l’efficacité des coups et la combativité des tireurs », les hommes ne se sentent pas questionnés par la création de compétitions déjà plus ou moins connotées comme féminines. La première coupe d’Europe de combat masculin en boxe française a lieu la même année (1982). Pour nuancer et diversifier le recrutement, l’image des pratiquantes est fréquemment utilisée pour promouvoir une discipline se définissant comme « un sport de traditions, structuré, codifié et nourri de culture, qui s’inscrit dans une logique de l’honneur et de la dignité de l’affrontement » (plaquette d’information fédérale, 2000). Dans la lutte l’opposant « à des disciplines exotiques générant l’animalité et la violence sur les rings » (LBF, mai 1997), la féminisation de la pratique améliore la lisibilité du « produit » boxe française en l’euphémisant et en le légitimant moralement. Les éditoriaux de la Lettre de la Boxe Française, revue d’information de la fédération, rappellent sans cesse les données de la lutte symbolique de définition de la bonne modalité de pratique, entre la boxe française, discipline éducative régie par des valeurs humanistes, et les autres formes de boxes poings-pieds, sacrifiant la déontologie et le respect des individus au profit d’enjeux financiers (LBF, sept-oct. 1998). La féminisation des effectifs constitue, dans cette perspective, l’une des composantes symboliquement fortes de l’identité de la discipline. Le choix d’une pratiquante féminine pour fêter le passage de la barre des 25.000 licenciés en 1996 est particulièrement évocateur à ce sujet. Le président a volontairement désigné la seule pratiquante parmi les 10 licences arrivées ce jour-là à la fédération, et la photo de la nouvelle licenciée recevant une paire de gants a été largement diffusée.
47 Cette politique volontariste a permis un réel essor de la pratique des femmes. L’image fémininement conforme utilisée dans cette campagne de promotion a facilité la reconnaissance de la pratique féminine, tout en l’inscrivant dans une modalité de pratique spécifiquement féminine. La plaquette d’information diffusée par la fédération en 2000 identifie clairement les motivations des femmes : « L’assaut séduit bon nombre de pratiquants, en particulier des femmes, qui voient dans la boxe française un sport efficace et esthétique ». L’euphémisation de l’affrontement joue ici un rôle symboliquement et socialement différenciateur, comme pour d’autres sports de combat. On retrouve ici une opposition classique entre les pratiques corporelles privilégiant la forme, caractéristiques des groupes sociaux favorisés, et celles valorisant la fonction, plus prisées par les membres des classes populaires (Bourdieu, 1979).
4.2 – Les oppositions au combat féminin
48 Dans ce contexte, l’engagement de certaines compétitrices dans des compétitions en combat dès les années 1983/1984 suscite des résistances importantes au sein de la fédération. Après la création du premier championnat de France féminin de combat en 1988, J. H., futur président de la fédération, fait part de sa désapprobation et résume la position fédérale à l’égard de la pratique des femmes :
49 « La pratique des femmes devrait chercher à « tirer » notre image vers le haut, plutôt que de n’être préoccupée que de pouvoir faire « comme les garçons », référence qui est loin d’être idéale à mon avis… Même si c’est un peu dur à dire, nous n’avons pas à nous préoccuper de donner la prééminence à certaines « motivations combatives » d’une minorité de pratiquantes » (lettre du trésorier et membre du comité directeur au président de la fédération du 11.09.1988, dossier CF).
50 La position du président actuel de la fédération n’a pas évolué à ce sujet. Conscient de la fragilité du « produit » boxe française, il reste réservé sur les combats féminins. Au-delà du problème des femmes, sa position témoigne de la permanence des références à l’histoire de la boxe française comme forme courtoise d’affrontement. Il est favorable à une meilleure reconnaissance de l’assaut comme modalité de compétition à part entière, pour les femmes comme pour les hommes. Aujourd’hui, seules les pratiquantes de combat accèdent à l’équipe de France, sans bénéficier pour autant du statut d’athlètes de haut-niveau compte tenu de la faiblesse de l’effectif. Le statut d’athlète de haut-niveau est par là même réservé aux hommes. La trajectoire sociale de J. H. peut, en partie, expliquer ses prises de positions au sein de la fédération [5]. Les caractéristiques et la trajectoire sociale des acteurs, en influençant leurs prises de position à l’égard de la pratique des femmes dans une conjoncture donnée, orientent en partie les politiques fédérales.
51 Par ailleurs, en boxe française, la lutte pour la définition légitime de la pratique n’oppose pas spécifiquement les hommes et les femmes, comme en football, mais l’ensemble des acteurs de la fédération, et plus précisément les partisans de l’efficacité combative favorables à une professionnalisation de la pratique à ceux qui défendent l’esprit aristocratique de la boxe française, basé sur la maîtrise technique et l’amateurisme. Le président est en effet vivement critiqué par les tenants d’un affrontement plus dur et plus professionnalisé. Ce thème structure également en partie les débats au sein de la commission féminine, ce qui révèle en somme sa réelle intégration au sein de la fédération.
5 – La commission féminine en boxe française: une réelle force de proposition
5.1 – Un rapport de pouvoir plus favorable
52 Si le système de cooptation est similaire à celui du football, la nature des relations entre les membres de la commission et la fédération s’en différencie nettement. Les femmes de la commission rencontrées au cours de l’enquête entreprennent une carrière professionnelle indépendante du monde fédéral et entretiennent des relations directes et amicales avec les différentes instances de la fédération (président, commission compétitions…). Elles possèdent également un capital culturel plus élevé que leurs homologues de la fédération de football [6].
Martine et Pascale : des actrices « indépendantes »
53 Les échanges de points de vue entre la commission féminine et les autres commissions sont nombreux et, s’ils suscitent des débats, ils demeurent toujours courtois. De tels échanges sont non seulement inexistants mais impensables au sein de la fédération de football. La relative marginalité de la boxe française dans le champ sportif français favorise ce type de relations. Les commissions se réunissent toutes dans les mêmes lieux (la salle de réunion de la fédération). La pratique féminine n’est ni marginalisée, ni reléguée dans un lieu spécifique. A la fédération, hommes et femmes se croisent quotidiennement, et, par là même, les hommes ne peuvent ignorer la pratique des femmes et leur statut de dirigeante.
54 Au-delà, la différence fondamentale entre le cadre institutionnel de la boxe française et celui du football réside dans la nature des rapports de pouvoir. En boxe, les femmes n’adoptent pas une stratégie de la modération. Elles affirment clairement leur mécontentement en cas de désaccord avec la politique fédérale. E. H., présidente de la commission féminine en 1988, n’hésite pas à démissionner de ses fonctions pour montrer sa désapprobation : « N’ayant pas été élue par l’assemblée générale pour être un mouton, je quitte la commission et le comité directeur » [7]. Situées au centre d’une lutte de pouvoir entre différentes tendances au sein de la fédération, les membres de la commission féminine optent pour une stratégie d’affirmation volontariste de la place de la pratique des femmes. La commission féminine réussit ainsi à imposer à des instances fédérales très réticentes l’ouverture des compétitions en combat aux femmes. Organisant des rencontres en combat dès 1985 [8], elle obtient l’accord de la fédération pour la création du premier championnat de France de combat en 1988.
55 A partir de cette date, au consensus succède un débat parfois intense entre les partisanes du courant « académique » et celles du courant « combatif » (Loudcher, 1996). Cette lutte n’oppose plus les hommes et les femmes, mais deux conceptions de la pratique socialement signifiantes. Les débats récurrents sur les modalités de pratique des femmes impliquent les hommes et les femmes de chaque tendance dans une institution contrôlée par le courant académique.
5.2 – Une commission dominée par le courant « académique »
56 Dès 1988, à l’occasion du bilan du premier championnat de France de combat, le débat s’engage au sein de la commission en raison du faible nombre de participantes (CF du 06.06.1988). La commission maintient cependant ce championnat pour permettre la reconnaissance de la pratique féminine de haut-niveau. Pour compenser en quelque sorte cette décision, elle propose la création d’une nouvelle forme de compétition, le duo, « forme de rencontre qui oppose des couples de deux tireurs (de même sexe ou de sexe différent) évoluant en coopération et présentant une prestation technique et esthétique utilisant la gestuelle de la boxe française » (règlement fédéral, mémento formation de la fédération). Cette nouvelle forme de compétition, approuvée par la fédération, contribue à renouveler les modalités de pratique. On le voit, la commission féminine participe activement à l’évolution de la discipline en questionnant les formes de pratiques symboliquement les plus masculines.
57 En 1990, les critiques à l’égard du combat féminin au sein de la commission s’intensifient. Martine (future présidente de cette commission) se demande ainsi, « si le choix du combat que nous avons fait il y a deux ans n’était pas un peu précipité ». Elle souhaite un « retour à un championnat de France en assaut tonique » (CF du 18.02.1990). La position dominante du courant académique au sein de la commission féminine est de plus en plus perceptible. Les pratiquantes de combat, peu représentées dans la commission, tentent de contre attaquer et demandent l’alignement des règlements du combat féminin sur ceux du combat masculin (suppression du port du casque) (lettre de N. J. du 15.12.1993, dossier CF). Elles sont soutenues par des hommes du courant « combatif », regrettant l’absence de stages pour ces boxeuses engagées dans des compétitions de haut-niveau (lettre du club A. du 12.10.1993, dossier CF). Le débat, on le voit ici encore, n’oppose pas les hommes et les femmes mais deux conceptions de la pratique, et plus largement, deux visions du monde social.
58 Réservés par rapport au combat féminin, mais contraints de le maintenir pour permettre l’accès des femmes à une pratique de haut-niveau, les membres de la commission engagent une réflexion sur les moyens à mettre en œuvre pour valoriser la pratique de l’assaut. Dans son rapport du 19 octobre 1996, la commission affirme : « la pratique combat doit exister mais ne peut demeurer la seule forme d’expression reconnue sportivement ». La commission propose également à la fédération de mener une étude sur le développement de la boxe loisir. Une fois encore, elle initie de nouvelles orientations contribuant à l’évolution de la discipline et à sa « modernisation ».
59 Le comité directeur du 22 novembre 1996 donne son accord pour concevoir une compétition féminine de haut-niveau qui ne soit pas du combat. Les pratiquantes de combat rédigent un courrier exprimant leur inquiétude face à cette nouvelle orientation (Lettre des tireuses Elite et Espoirs, février 1997). Très minoritaires parmi les pratiquantes (leur lettre ne comportait que 11 signatures) et soutenues par des hommes du courant minoritaire au sein de la fédération, elles ne parviennent pas à remettre en question cette décision. Un double classement national, en combat et en assaut est mis en place chez les femmes (les hommes conservant un classement unique constitué à partir des résultats en combat). En 1998, la fédération donne son accord pour l’organisation de compétitions internationales féminines en assaut. Actuellement, la réflexion sur la valorisation de l’assaut comme modalité compétitive à part entière se poursuit sous l’impulsion de la commission féminine (notamment sur la question de l’accès à l’équipe de France). Initiée par la commission féminine, cette réflexion concerne aujourd’hui aussi les hommes. Pour J. H., « la motivation majoritaire des pratiquantes féminines, qui réside dans le souhait d’une confrontation ou la “forme” l’emporte sur la “force” », serait également partagée par les hommes, « mais ça ne fait peut-être pas très viril de l’admettre » (lettre de J. H. du 11.09.1988). L’enjeu central de la pratique féminine au sein de la fédération place la commission féminine dans une position favorable pour promouvoir efficacement la pratique des femmes et contribuer à renouveler celle des hommes. Après plusieurs demandes infructueuses de la commission pour organiser les grandes compétitions féminines et masculines sur le même lieu, les championnats du monde 1999 de Toulouse proposaient pour la première fois un programme « mixte ».
60 En boxe française, l’opposition entre deux conceptions de la pratique favorise la promotion de la pratique féminine. Pour le moment, la position majoritaire du courant « académique » permet un questionnement relatif des formes de pratiques les plus masculines et une certaine évolution des définitions de la féminité et de la masculinité. Même si l’ampleur des réticences à l’euphémisation de la discipline au sein de la fédération ne permettra peut-être pas de mener ce questionnement à son terme, le débat existe et occupe une place centrale.
6 – Conclusion
61 L’étude de la politique menée par les fédérations à l’égard de la pratique des femmes et des stratégies développées par les membres des commissions féminines met en évidence des formes contrastées de la domination masculine. Le contexte institutionnel des deux pratiques produit des effets parfois opposés. En football, tout se passe comme si la commission féminine, marginalisée, n’avait d’autre choix que de s’engager dans une stratégie de la modération et de l’image. D’autres travaux réalisés sur les femmes dans le monde politique (Freedman, 1997) ou dans des professions masculines (Flament, 1988) mettent en évidence des stratégies semblables de « sexuation » de la présentation de soi. En boxe, l’opposition entre deux conceptions de la pratique, qui expriment également deux rapports différents au monde social, oriente la vie de la fédération de manière bien plus importante que l’opposition masculin /féminin. Cette situation permet aux femmes de la commission de prendre une certaine distance avec les stéréotypes sexués utilisés par les membres de la commission féminine de football. On pourrait ainsi comparer la stratégie des membres de la commission féminine de boxe à celle des femmes cadres étudiées par Fortino (2002), qui valorisent leur intégration au groupe des cadres au détriment d’une solidarité avec les femmes occupant une position subalterne.
62 En résumé, l’état des rapports de pouvoir entre les sexes au sein des institutions influence les stratégies des actrices et les définitions du féminin qu’elles proposent. On retrouve ici les perspectives des travaux d’Elias et de Dunning (1991) qui mettent en évidence l’importance des valeurs « machistes » et des processus de ségrégation à l’égard des femmes dans des conditions sociales où le pouvoir penche nettement en faveur des hommes. Ce constat confirme aussi nombre de travaux sur les rapports sociaux de sexe. C’est bien la hiérarchie (plus ou moins forte) entre les sexes qui crée les différences entre le masculin et le féminin (Delphy, 1991). Plus les femmes se situent dans une position dominée et plus elles se définissent avant tout par leur appartenance catégorielle (Hurtig & Pichevin, 1991). De manière générale, les formes d’expression de la domination masculine dans les deux pratiques ne sont pas comparables et n’engendrent pas les mêmes conséquences. Si cette forme de domination structure indéniablement le monde social (et plus particulièrement le monde sportif), elle se révèle d’intensité variable et prend de multiples visages (de Singly, 1993). Ainsi, pour reprendre l’expression de François de Singly (1993), dans le cas de la boxe française, la domination masculine revêt « de nouveaux habits ». La situation très différente des membres des deux commissions permet de penser que l’on assiste actuellement dans le monde sportif à une bipolarisation de la position des femmes, évoquée par Margaret Maruani (1998) à propos du marché du travail, qui permet à certaines de réussir quand d’autres subissent de plein fouet les processus de ségrégation.
63 Les données analysées dans ce travail pourraient éventuellement suggérer une disparition de la domination masculine dans le monde de la boxe. Cependant, les données recueillies sur l’expérience des boxeuses dans le cadre d’une enquête plus vaste montrent que les processus de redéfinition des catégories sexuées se conjuguent avec des processus de reproduction de la domination masculine (Mennesson, 2000a, 2000b, 2002). Ce constat dépasse bien évidemment le monde sportif, comme en témoignent nombre de travaux déjà évoqués (Baudelot & Establet, 1992 ; Fortino, 2002 ; Maruani, 1998…).
64 Les relations entre les niveaux institutionnels et individuels de construction des catégories sexuées apparaissent tout aussi nettement dans ce travail, sans être forcément de même nature dans les deux cas étudiés. En football, les stratégies des femmes membres de la commission féminine semblent fortement contraintes par la représentation très stéréotypée des femmes dans le milieu du football. En boxe française, si les stratégies des actrices de la commission féminine s’inscrivent bien évidemment dans le cadre d’une politique fédérale plus favorable aux femmes, elles orientent à leur tour certains débats et influent partiellement sur le développement de la fédération.
65 Par ailleurs, l’état des rapports sociaux de sexe dans les fédérations dépend de plusieurs facteurs parfois difficiles à isoler. Les effets de la conjoncture historique au sens large se conjuguent à ceux de la conjoncture sportive et fixent d’une certaine manière l’ensemble des stratégies possibles. Dans le même temps, les acteurs de chaque pratique réagissent différemment à ces effets de conjoncture en fonction de la position de la discipline dans le champ sportif. Enfin, les caractéristiques sociales des acteurs influencent également leurs stratégies et ne sont pas, bien entendu, totalement indépendantes de la position et de l’histoire de la discipline sportive (Clément et al., 1994 ; Wahl, 1989). Le succès de la politique de la fédération de boxe française à l’égard des femmes s’explique ainsi en partie par la relative permanence historique de sa définition comme pratique « aristocratique », dominée pour le moment par des acteurs aux caractéristiques sociales plutôt favorisées. Dans un autre sport de combat comme la lutte qui connaît des difficultés de développement récurrentes (Clément, 1981), la prise de conscience de l’intérêt de la pratique des femmes est plus tardive, et surtout, semble plus difficile à opérationnaliser. Les caractéristiques sociales des acteurs, plus « populaires », et les modalités de pratique, plus difficilement « euphémisables » techniquement constituent des obstacles certains à cette politique de féminisation [9]. Finalement, les processus d’institutionnalisation de la pratique des femmes peuvent être considérés comme des révélateurs de l’histoire des disciplines sportives et de leurs identités successives. En ce sens, la prise en compte des identités sexuées au même titre que celle des identités sociales semble indispensable à une meilleure compréhension des évolutions du monde sportif.
Glossaire
66
EPS : Education Physique et Sportive
FFF : Fédération Française de Football
FFBS & DA : Fédération Française de Boxe Française Savate
et Disciplines Associées
FIFA : Fédération Internationale de Football Amateur
INSEP : Institut National du Sport et de l’Education
Physique
UEFA : Union Européenne du Football Amateur
STAPS : Sciences et Techniques des Activités Physiques et
Sportives.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : femmes, domination, conjoncture, égies, Sport
Mise en ligne 01/10/2005
https://doi.org/10.3917/sta.063.0089Notes
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Le taux d’activité des femmes de 25 à 54 ans passe de 45 % en 1968 à 79 % en 1994 (Données sociales, 1996, INSEE).
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[2]
« Je ne dis pas ça pour la frime, mais j’étais la plus féminine (des candidates) et ça…Il m’a dit (le président) « il faut ressembler à une fille quand tu viens parmi les machos pour les convaincre », entretien de Marylou réalisé le 25.03.1996.
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[3]
« Je n’arrête pas de leur dire aux filles (de l’équipe de France) : « soyez féminines, soyez gracieuses, essayer de ressembler à des filles… ». D’ailleurs, elles vont avoir des tailleurs, c’est plus joli que de se déplacer en survêtement ou en jean », Marylou, entretien du 25.03.1996.
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[4]
Nous entendons par stratégie les « procédures mises en œuvre (de façon consciente ou inconsciente) par un acteur (individuel ou collectif) pour atteindre une ou des finalités (définies explicitement ou se situant au niveau de l’inconscient), procédures élaborées en fonction de la situation d’interaction, c’est-à-dire en fonction des différentes déterminations (socio-historiques, culturelles, psychologiques) de cette situation » (Lipiansky, Taboada-Léonetti et Vasquez, 1990, p.24).
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[5]
D’origine populaire, J. H. effectue ses études de professeur d’EPS à l’Ecole Normale Supérieure d’Education Physique, tout en acquérant des compétences de haut-niveau dans les sports de combat. Il poursuit son cursus universitaire en obtenant le diplôme de l’INSEP et en soutenant une thèse de droit sur le sport. Il intègre ensuite l’Ecole Nationale d’Administration et occupe actuellement un poste de magistrat à la Cour Régionale des Comptes. On comprend mieux à la fois ses préoccupations éducatives et son souci de préserver l’amateurisme de la boxe française, en la distinguant des boxes professionnalisées, qu’il considère comme dévoyées.
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[6]
Les membres (ou ex-membres) de la commission féminine de boxe française rencontrées au cours de l’enquête possèdent toutes au moins un diplôme supérieur ou égal à bac+2, tandis que les membres de la commission de football ont un niveau de diplôme inférieur ou égal au baccalauréat. Nos données ne nous permettent cependant pas de généraliser cette analyse à l’ensemble des membres de ces commissions.
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[7]
Lettre d’E. H. du 06.06.1988, dossier CF. L’absence de documents de ce type et de manière plus générale de tous documents polémiques dans les documents de la fédération de football auxquels j’ai eu accès ne signifie pas forcément leur inexistence, mais exprime tout du moins la volonté de masquer systématiquement les désaccords à l’égard de la politique fédérale.
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[8]
La commission féminine organise en 1985 des combats féminins. Précédant la demande de la fédération, elle convoque un médecin qui rédige un rapport favorable, coupant court à l’un des arguments des hommes (compte rendu de la réunion du 22.11.1985, dossier CF).
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De la même manière, la féminisation précoce et importante de la pratique du handball, sport collectif de « contact », peut surprendre au regard des difficultés rencontrées par le football féminin. Ce sport collectif se développe cependant dans une conjoncture sociale et sportive, les années 1950, nettement plus favorable aux femmes que le début du xxe siècle, période d’institutionnalisation du football en France. Par ailleurs, la promotion du handball est essentiellement assurée par des professeurs d’éducation physique, a priori ouverts à la mixité de la pratique.