Introduction
1 Si la démonstration est disqualifiée dans certains discours tenus en Education Physique et Sportive (EPS), cette procédure de guidage, alliée à des informations verbales qui décrivent la séquence gestuelle à réaliser, est souvent utilisée par les enseignants ; on parle à ce niveau de démonstration explicitée (Winnykamen, 1990 ; Lafont, 1994). La démonstration explicitée et la modélisation réfèrent au cadre théorique de l’apprentissage socio-cognitif par observation (ASCO) (Bandura, 1986). Selon cette perspective cognitive, quatre processus président à la construction d’un modèle interne. Il s’agit des processus attentionnels (sélectionner les indices pertinents), des processus mnésiques (mémoriser les comportements observés), de reproduction motrice (traduire les représentations en action) et des processus de motivation (directs, vicariants, sentiment d’efficacité personnelle). L’observation d’un modèle externe sert à la construction d’un modèle interne qui fait fonction de guide pour l’observateur lors de ses tentatives ultérieures de résolution de problème. La modélisation et l’imitation assument deux fonctions essentielles et complémentaires : une fonction d’attachement en particulier chez le jeune enfant, une fonction d’acquisition de savoir et de savoir-faire c’est cette dernière qui fait l’objet de la présente étude.
2 Dans le domaine des habiletés motrices, ce cadre théorique a été validé, en particulier par l’étude de Carroll et Bandura (1982). Les auteurs montrent que l’observation d’un modèle externe est efficace au début de l’apprentissage pour l’acquisition d’une coordination nouvelle constituée par une séquence motrice complexe. Dans une deuxième phase, la connaissance de la performance, délivrée grâce à un feed-back vidéo, permet l’affinement du modèle interne. Par ailleurs Mc Cullagh Weiss et Ross (1989) ont développé une approche intégratrice de l’ASCO pour l’acquisition des habiletés motrices. Ces auteurs ont mis en évidence des axes de réflexion intégrant la perspective développementale de Yando, Seitz et Zigler (1978), la perspective écologique, la problématique de la répétition mentale, et le rôle des feedback. Dans le cas particulier des habiletés motrices et dans le prolongement des travaux de Carroll et Bandura (1982), l’expérimentation de Magill et Schoenfelder-Zohdi (1995) met en évidence la complémentarité de la démonstration et de la connaissance de la performance (C.P.) pour l’acquisition d’un enchaînement de gymnastique rythmique et sportive à la corde. Le modèle apporte des informations sur le corps et les positions des différents segments, la C.P. informe le sujet à propos des mouvements de l’engin. Par ailleurs, les travaux de Lafont (1994), Cadopi (1995), Laugier (1995), mettent en évidence l’efficacité de la modélisation et de la démonstration explicitée lors des phases précoces des acquisitions, en particulier dans le cas des tâches sollicitant une motricité morphocinétique (Serre, 1984), c’est le cas des séquences dansées. Dans ces études, la démonstration explicitée est constituée par des démonstrations d’un modèle vivant ou vidéoscopé, les informations délivrées sont répétées à l’identique au cours de la séquence d’apprentissage. Le sujet modèle « n’introduit pas de dimension didactique dans son activité, par exemple, il ne modifie pas ses productions en fonction du fait qu’il tient le rôle de modèle… ce type de situation ne saurait être considéré comme interactif, puisque la conduite du sujet imitant n’influence pas celle du sujet imité. » (Winnykamen, 1990, p. 143).
3 Face à la situation d’apprentissage par observation classique décrite ci-dessus, Winnykamen (1990) définit le concept d’imitation-modélisation interactive ou imitation interactive. Dans ce dernier cas, au cours de la séquence interactive, le modèle, après avoir observé et évalué la production du sujet imitant, modifie sa production en fonction de la réalisation momentanée de celui-ci. Il peut en particulier augmenter la saillance des caractéristiques pertinentes de la tâche à réaliser, éliminer les caractéristiques parasites, mettre en évidence des parties de l’habileté etc. Le modèle-tuteur peut aussi insister momentanément sur une partie de la séquence dansée en fonction des éventuelles omissions du novice. Au cours de l’enchaînement des différentes séquences modélisées, les informations délivrées par le modèle (expert) sont aussi bien rétroactives (évaluation de l’essai antérieur) que proactives (consignes sur ce qu’il y a à faire pour progresser). L’analyse des informations délivrées par un tuteur en situation de guidage-tutelle met en évidence la co-présence de ces deux types d’informations (Lafont, 1998). Ce constat est en accord avec l’approche développée par Mc Cullagh et coll. (1989). Dans cette revue de questions, les auteurs discutent le problème de la similarité observateur-modèle en particulier quant au niveau de compétence. Reprenant l’hypothèse de la « lame tranchante » (Yando et coll. 1978), l’idée d’un challenge optimal de modélisation est soulignée (écart optimal entre le niveau actuel de l’observateur et le niveau de compétence démontré par le modèle). Cette idée d’écart optimal peut être mise en relation avec le concept de zone proximale de développement qui désigne la distance entre ce qu’un sujet est capable de faire seul et ce qu’il peut réaliser avec l’aide d’un adulte ou d’un expert (Vygotski, 1934/1985). Très récemment, Mc Cullagh et Weiss (2001) discutent l’effet du niveau d’habileté démontré par le modèle ainsi que la pertinence d’un « coping » modèle, c’est à dire un modèle qui démontre la progression ajustée à la demande de la tâche. Ce type de modèle semble utile dans les situations anxiogènes mais aussi lorsque la tâche est difficile. L’auteur souligne par ailleurs la nécéssité de recherches supplémentaires pour élucider le rôle de cette variable.
4 Dans une perspective théorique radicalement différente, celle de la perception de l’action, Newell, Morris et Scully (1985) avancent la notion d’information « de transition » pour désigner l’information utile à l’apprenant pour la construction d’une coordination motrice nouvelle : l’information qui permet au sujet de progresser dans la construction de l’habileté motrice. Dans le cas de l’imitation-modélisation interactive le modèle peut procéder à une réduction partielle et momentanée de l’information délivrée au sujet imitant : il conserve les seuls éléments nécessaires au progrès en extrayant ceux-ci de la séquence à réaliser.
5 En résumé, le principe d’adaptation de l’imitation-modélisaton recouvre trois opérations majeures : une réduction momentanée de l’écart de compétence, une délivrance de feedback et une mise en évidence d’éléments déterminants dans la réalisation de la tâche. Pour ces raisons, l’hypothèse est faite dans la présente étude que la condition imitation-modélisation interactive (I.M.I.) engendrera des performances motrices supérieures à celles suscitées par la condition « démonstration explicitée » (D.E.). Cet effet sera vérifié pour chaque groupe d’âge.
6 D’un point de vue développemental, les études ont mis en évidence que la capacité à imiter à la demande augmente avec l’âge. En général, la « théorie à deux facteurs » développée par Yando et coll. (1978) sert de référence à ces travaux. Plus particulièrement, l’augmentation de la compétence à imiter est expliquée par le niveau de développement cognitif : attention, mémoire, capacités de codage, capacités physiques (Mc Cullagh, Stiehl, et Weiss, 1990). Quelques études empiriques ont étudié le rôle de la modélisation en fonction du niveau de développement cognitif des participants et de certaines variables de traitement. Ainsi, Weiss (1983) montre que les enfants les plus âgés ont des performances imitatives supérieures à celles des plus jeunes car leurs capacités à répéter mentalement les habiletés observées sont plus efficaces. Par ailleurs l’étude, de Weiss et Klint (1987) met en évidence que la répétition verbale de l’habileté favorise son acquisition, quel que soit l’age des participants (5-6 ans et 8-10 ans). L’étude de Mc Cullagh et coll. (1990) compare les capacités à imiter une séquence dansée chez des enfants âgés de 5-6 ans et de 7-9 ans. Les résultats montrent que les enfants les plus âgés ont besoin de moins d’essais pour réaliser les items dans l’ordre exact. L’analyse des performances cumulées (notes d’ordre et d’exécution) aux deux blocs d’essais démontre aussi une supériorité des enfants les plus âgés. A propos des processus cognitifs, l’étude de Cadopi (1994) montre que les représentations des composantes d’un mouvement dansé évoluent avec l’âge. A l’âge de douze ans les sujets éprouvent encore des difficultés importantes pour juger la vitesse, la trajectoire et surtout la position des segments du corps. Les composantes cinématiques du mouvement sont mal maîtrisées en cette période du début de l’adolescence.
7 L’étude du développement des processus mis en jeu dans l’acquisition par observation a fait l’objet de revues récentes. Ainsi à propos de l’encodage des mouvements, Cadopi et Ille (1999) notent un effet important de l’âge et du niveau d’expertise : c’est seulement chez les gymnastes de 12-13 ans et de haut niveau qu’un codage kinesthésique a pu être mis en évidence. En résumé, les quelques études développementales évoquées ici mettent en évidence un effet de l’âge et du niveau de développement cognitif et moteur sur la capacité à imiter à la demande.
8 Cependant, les revues sur le développement des processus de programmation motrice (Olivier, 1999), d’encodage et d’imagerie (Cadopi et Ille, 1999) permettent d’observer la rareté des études concernant les périodes de la préadolescence et de l’adolescence. Il semble pourtant intéressant de conduire des expérimentations sur ces périodes ; en effet elles concernent le public des élèves de collège, de plus l’adolescence est riche en transformations dans les différents domaines de la personne (Lehalle, 1985). Pour ces raisons on a choisi de conduire la présente étude avec un public de début et de fin de premier cycle.
9 Rappelons que l’ASCO s’inscrit pleinement dans la perspective du traitement de l’information. Compte tenu des différences de capacités de traitement de l’information entre les enfants de 12 ans et les adultes (Thomas, 1980), des résultats obtenus par Cadopi (1994) on formule l’hypothèse que les performances des élèves âgés de 15 ans seront supérieures à celles des élèves de 12 ans.
1 – Méthode
1.1 – Participants et plan expérimental
10 Trente deux filles élèves de collège, volontaires, ont participé à cette expérimentation. Les participantes sont d’origine socio-économique plutôt favorisée (professions intermédiaires et supérieures composent majoritairement l’échantillon). Issues de classes de 6e (n = 16, moyenne d’âge : 12 ans, 1 ; ? = 4) et de 3e (n = 16, moyenne d’âge : 14 ans, 11 ; ? = 4), elles ont été affectées dans l’une des conditions d’apprentissage démonstration explicitée (D.E.) et imitation-modélisation interactive (I.M.I.). Dans les deux groupes, on a procédé à l’homogénéisation de la pratique antérieure (à l’UNSS ou en club) d’une activité gymnique ou artistique grâce à un questionnaire préalable. Les participantes étaient novices dans la tâche à acquérir. Quatre groupes indépendants ont donc été constitués correspondant au croisement du facteur « âge » (A1 et A2) et du facteur « condition de guidage » (C1 : D.E. et C2 : I.M.I.). Les participants réalisaient sept essais dans chacun des groupes. La mesure dépendante est constituée par la performance motrice au cours des essais successifs. Le plan expérimental est le suivant : S8 [A2 x C2] x E7.
1.2 – Tâche expérimentale et dispositif matériel
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La tâche est constituée par une séquence dansée composée de quatre items :
- Item1 : un déplacement marché avec un quart de tour et une attitude,
- Item2 : une rotation de bras avec changement de posture,
- Item3 : un saut avec placement de la tête et du tronc,
- Item4 : un tour avec lancer des bras en diagonale.
12 L’expérience se déroulait dans un gymnase en présence du modèle et d’un expérimentateur. Dans les deux conditions, les performances motrices des participants étaient enregistrées à l’aide d’une caméra vidéo. L’enregistrement vidéoscopé des modèles et des participants était réalisé par l’expérimentateur grâce à une prise de vue de face en plan serré.
2 – Procédure
13 Les modèles sont des spécialistes de danse de sexe féminin, étudiantes en second cycle de STAPS, entraînées à la tâche et à la procédure de guidage par imitation-modélisation interactive au cours d’une phase de pré-expérimentation. Après la phase pré-expérimentale un modèle a été sélectionné pour la condition D.E. et deux modèles-tuteurs pour la condition I.M.I. intervenant en alternance avec les deux groupes d’âge. Les trois modèles sont équivalents du point de vue de la compétence dans la tâche et du point de vue du statut.
14 La passation était individuelle. Les participantes étaient, dans les deux conditions de guidage, invitées à leur arrivée dans la salle à observer et à écouter attentivement les informations délivrées par le modèle (D.E.) ou par le modèle-tuteur (I.M.I.). Ensuite les conditions de traitement différaient.
15 Dans la condition D.E. (démonstration explicitée) le modèle exécutait la séquence tout en décrivant verbalement les différents éléments à réaliser pendant sept essais successifs. Après chaque démonstration explicitée, le participant exécutait à son tour la séquence, aucun feed-back n’était délivré, le participant était seulement encouragé à poursuivre l’expérience.
16 Dans la condition I.M.I. (imitation-modélisation interactive), le modèle-tuteur exécutait une première démonstration entière de la séquence tout en décrivant verbalement les éléments à réaliser et en focalisant l’attention de l’observateur sur les points-clés, puis le participant réalisait un premier essai. Le modèle-tuteur observait attentivement l’exécution du sujet observateur et adaptait ses consignes et ses informations visuelles, verbales et kinesthésiques selon la procédure exposée par Winnykamen (1990). Ainsi le modèle-tuteur délivrait un feed-back verbal puis démontrait les seuls éléments de la séquence qui étaient sources de difficultés pour le sujet. La démonstration était réalisée de façon à rendre saillants les éléments-clés de chaque item en insistant sur les positions et les trajectoires des segments corporels grâce en particulier à des informations verbales. Pendant la démonstration partielle et interactive du modèle-tuteur, le sujet observateur pouvait réaliser des imitations simultanées des éléments modélisés. Le modèle-tuteur délivrait si nécessaire des informations rétroactives : « tu réalises bien le tour, mais il faut ajouter les bras ; tu n’es pas assez relâchée, relâche tout pendant le saut ». Par ailleurs, le modèle-tuteur pouvait utiliser un guidage kinesthésique dans le but de favoriser la position des différents segments corporels. En résumé, dans la condition I.M.I., le sujet observateur bénéficiait d’une démonstration explicitée de la totalité de la tâche puis était engagé entre chacun des sept essais dans une séquence interactive (adaptée à ses difficultés) comprenant des informations rétroactives et proactives. La durée moyenne de la séquence de modélisation (condition D.E.) a été de 4’33’’ alors que celle de la séquence interactive (condition I.M.I.) a été de 10’38’’.
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Mesures dépendantes. Chaque essai était noté selon une grille de cotation prenant en compte la réalisation de chaque élément en mobilisant les différents segments du bon côté et les changements d’orientation du bon côté et dans le bon sens. Le score global était de 20 points : il comprenait la somme des items 1, 2, 3, 4 (17 points) et le score enchaînement (3 points). La note « items » se décomposait comme suit :
- Item 1 : trois pas gauche (G), droite (D), gauche (G), quart de tour (G) attitude avec placement de bras (D) : 5 points.
- Item 2 : trois quart de cercle de bras (D) en ramenant jambe (D), lever le bras gauche à la verticale : 3 points.
- Item 3 : bascule des bras avec tête et buste relâchés, saut vertical : 5 points.
- Item 4 : 1 pas pied D, enveloppé pied G et tour à D en levant les bras dans la diagonale : 4 points.
18 La cotation a été réalisée grâce à deux jugements indépendants. L’accord entre les juges a été vérifié sur un échantillon de participants, le pourcentage d’accord est de 86 %.
Condition Modèle | DE (C1) | IMI (C2) | ||
---|---|---|---|---|
Groupe d’âge | M | ? | M | ? |
A1 | 9.81 | 3.94 | 13.75 | 4.82 |
A2 | 11.20 | 4.71 | 14.17 | 5.05 |
? | 10.5 | 4.38 | 13.96 | 4.92 |
3 – Résultats
19 Les résultats ont été analysés grâce à une analyse de variance avec mesures répétées sur le dernier facteur 2x2x7 (âge, conditions d’apprentissage, essais).
20 La variable dépendante était la note d’exécution motrice (comprenant le score de forme et le score d’ordre). Des ANOVAS complémentaires ont été réalisées sur le score d’ordre et chacun des items composant le score de forme. Les moyennes et écarts-type de la note globale d’exécution selon les conditions de modèle pour chaque groupe d’âge sont présentés dans le tableau 1.
21 L’ANOVA indique un effet significatif du « facteur condition d’apprentissage », F (1,28) = 20,17 p <.01. La condition IMI (C2) provoque des performances motrices supérieures à celles de la condition D.E (C1).
22 L’ANOVA n’indique pas d’effet significatif du « facteur âge ».
23 Enfin, on observe un effet significatif du facteur répété E, F (6,168) = 83.4 p <.01. Les performances augmentent globalement au cours des essais.
24 Aucun effet d’interaction entre les facteurs n’est observé.
25 Pour affiner l’analyse, des comparaisons spécifiques ont été réalisées pour chaque groupe d’âge. Ainsi on observe que l’effet du facteur C est significatif pour les participants les plus jeunes (A1) :F (1,14) = 16,37 p <.01, mC2/A1 = 13,75 ? = 4,82 et mC1/A1 = 9,81 ? = 3,94. L’effet du facteur C est aussi significatif pour les plus âgés (A2) : F (1,14) = 6,23 p <.05, mC2/A2 = 14,17, ? = 5,05 et mC1/ A2 = 11,20, ? = 4,71. Pour chaque groupe d’âge la condition I.M.I provoque des performances supérieures à celles de la condition D.E.
26 Des analyses de variance ont été réalisées pour chacun des items et pour la note enchaînement pour chaque niveau d’âge. Pour l’item 1, composé d’éléments familiers (marche G, D, G en particulier), aucune différence significative n’est observée entre les deux conditions de guidage pour les enfants de 12 ans comme pour ceux de 15 ans. Dans le cas des élèves de 12 ans, on observe une différence significative entre les deux conditions pour l’item 2 : F (1,14) = 11.29 p < 0.01, pour l’item 3 : F (1,14) = 12.53 p < 0.01 ainsi que pour l’item 4 : F (1,14) = 20.44 p < 0.01 et pour la note “enchaînement” : F (1,14) = 9,73 p < 0.01. Pour ces trois mesures, la condition I.M.I provoque des performances supérieures à celles de la démonstration explicitée (D.E.). Dans le cas des élèves de 15 ans, on observe un effet significatif du facteur C (condition d’apprentissage) dans le cas de l’item 2 : F (1,14) = 5 p < 0.05, de l’item 3 : F (1,14) = 4.99 p < 0.05, comme pour l’item 4 : F (1,14) = 13.59 p < 0.01. La condition imitation- interactive provoque des performances supérieures dans les deux cas. Pour la note enchaînement, aucune différence significative n’est observée entre les deux conditions
27 Dans le cas du facteur E, les comparaisons spécifiques montrent que les performances des participants augmentent significativement au cours des essais pour les élèves âgés de 12 ans (F (6,84) = 35.25, p < 0.01) comme pour les élèves de 15 ans (F (6,84) = 49.85, p < 0.01). Cette augmentation est significative pour la condition démonstration explicitée (D.E.) (F (6,84) = 56.37 p < 0.01) et pour la condition imitation interactive (F 6,84) = 35, p < 0.01). Les analyses a posteriori (test de Newman-Keuls) mettent en évidence que les performances à chacun des essais diffèrent significativement (p < 0.05) respectivement entre E1 et E2, E2 et E3, E3 et E4 pour les deux conditions de guidage. Pour la condition démonstration explicitée, on distingue les sous-ensembles E4 et E5, E5 et E6, E6 et E7, dont les moyennes prises deux à deux ne se différencient pas pour les essais successifs. Pour la condition imitation-modélisation interactive, les moyennes des quatre derniers essais : E4, E5, E6, E7, ne diffèrent pas significativement.
28 Les résultats pour chacun des essais et pour les quatre groupes sont présentés à la figure n° 1.
4 – Discussion
29 L’objet prioritaire de notre étude était de comparer deux modalités démonstratives : la démonstration explicitée et l’imitation-modélisation interactive pour l’acquisition d’un enchaînement morphocinétique. La condition imitation-modélisation interactive (IMI) s’est avérée supérieure à la condition démonstration explicitée (DE). Ainsi, le fait d’adapter la nature des informations délivrées au niveau momentané de réalisation des novices est plus efficace que de démontrer et de commenter les éléments de la tâche à l’identique sans prise en compte de leurs difficultés et / ou de leurs progrès. On peut penser que la procédure de guidage par imitation-modélisation interactive permet au modèle-tuteur de « travailler » au plus près à l’intérieur de la zone proximale de développement du novice (Vygotski, 1934/1985). La première hypothèse est donc confirmée. Ces résultats arguent en faveur d’un guidage en situation faiblement dissymétrique, cette faible dissymétrie étant pilotée consciemment par le modèle-tuteur dans la condition I.M.I.. Alors que dans le cas de la démonstration explicitée classique, la dissymétrie de performance est plus importante. Malgré une plus forte dissymétrie (âge et statut) dans la présente étude, les résultats obtenus ici sont en accord avec les observations de d’Arripe-Longueville, Fleurance & Winnykamen (1995). Ces auteurs ont en effet montré que, dans le cas de l’acquisition du salto avant, des adolescents tiraient plus bénéfice de situations interactives faiblement dissymétriques que de situations symétriques. Par ailleurs, nos observations constituent une illustration particulière de la notion de challenge optimal de modélisation (Mc Cullagh, 1993).
30 La condition I.M.I. informe de plus explicitement le sujet apprenant de l’écart de ses performances successives, par rapport au modèle externe ; le tuteur délivre en effet des informations rétroactives (bilan momentané de la performance lors de l’essai antérieur) et des informations proactives, ce qui est utile au sujet pour progresser à l’intérieur de sa zone de développement proximal lors de l’essai suivant. On observe aussi que les deux conditions de guidage ne différent pas pour l’item 1 qui est composé d’une marche G, D, G, d’un quart de tour à G et d’une attitude, alors que l’imitation-modélisation interactive provoque des performances supérieures, en particulier pour les items 2, 3 et 4. On peut interpréter ce résultat d’un triple point de vue. D’abord, l’item 1 est composé d’éléments familiers, contrairement aux autres items. De plus, le codage et la rétention des éléments directionnels G, D, G sont facilités par le codage verbal, or cette composante verbale est présente dans les deux conditions d’apprentissage. On peut aussi interpréter ce résultat en référence à l’effet de primauté : il y aurait alors facilitation de la rétention et ceci, quelle que soit la condition d’apprentissage.
31 Le fait qu’on n’observe pas de différence significative entre les deux niveaux d’âge peut être interprété en relation avec le rapport contrainte de la tâche / ressources des participants. Ainsi, on peut penser qu’à l’âge de 12 ans, les processus attentionnels et mnésiques sont assez fonctionnels pour ce type de tâche. Il resterait à vérifier le présent résultat en augmentant le niveau de difficulté de la séquence à acquérir. Il s’agirait en particulier de complexifier la séquence sur les dimensions les plus tardivement maîtrisées en référence aux observations de Cadopi (1994) : la position des différents segments corporels ou bien les composantes cinématiques du mouvement par exemple.
32 Enfin, l’analyse des performances aux essais successifs met en évidence deux types de constat. D’une part, dès le premier essai, la condition d’imitation-modélisation interactive provoque des performances supérieures à celles de la condition démonstration explicitée. Bien qu’il n’y ait pas d’interaction tuteur-novice, ni de feed-back lors de la première démonstration, on peut penser que le fait de rendre saillantes les caractéristiques de la tâche en focalisant l’attention des novices sur les éléments-clé de l’habileté leur permet, dès le premier essai, de tirer bénéfice de cette aide. D’autre part, on constate que l’augmentation des performances aux essais successifs est significative, surtout lors des quatre premiers essais. C’est donc au début de l’apprentissage que l’effet des deux procédures de guidage est le plus important, ce qui est en accord avec les résultats de Carroll et Bandura (1982). Dans cette expérimentation, l’information utile à l’apprenant emprunte trois canaux différents de communication : verbal, visuel et, à un degré moindre, le guidage kinesthésique pour le positionnement juste des segments corporels. Il serait intéressant de conduire un protocole en conservant pour la condition imitation-modélisation interactive les seuls messages visuels et verbaux. De plus, il reste à analyser ici, sur le modèle des études antérieures (Lafont, 1998), l’importance respective des différents messages délivrés dans la condition I.M.I. : nature des informations et canal de communication. Il s’agirait en particulier d’examiner l’ajustement progressif de ces informations aux performances des novices : la dévolution progressive de l’initiative de l’exécution à l’apprenant. On pourrait aussi comparer ces messages à ceux délivrés en situation d’interaction de tutelle, ce qui permettrait de vérifier que l’imitation- interactive constitue un cas particulier d’interaction de tutelle. Au cours de cette expérimentation au statut exploratoire, il a été délibérément choisi de fixer le nombre d’essais mais de laisser le modèle-tuteur décider du temps d’interaction. Les résultats mettent en évidence une différence conséquente de durée entre les deux conditions. Les recherches futures devront tenter d’homogénéiser autant que possible, outre le nombre d’essais, le temps d’interaction, tout en conservant le caractère souple et adaptatif de la procédure de guidage par imitation-modélisation. Il serait nécessaire aussi d’enrichir la mesure de la performance motrice par une épreuve de représentation de la tâche voire par l’examen des variables motivationnelles. Par ailleurs les résultats obtenus par d’Arripe Longueville (1998) incitent à explorer l’effet de la variable genre des participants pour les deux types de guidage comparés dans la présente étude.
33 Pour conclure, cette expérience montre, au plan de l’intervention, que même si les deux conditions de démonstration provoquent toutes deux des progrès, la condition d’imitation-modélisation interactive, constituant une véritable interaction didactique, est plus efficace que la « démonstration explicitée classique » (simple relation de transmission). Il reste à s’interroger grâce à une méthodologie d’analyse de l’intervention sur les modalités de mise en œuvre de l’imitation interactive au sein de la classe.
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