À la recherche du marqueur unique
1 Après les Jeux Olympiques de Mexico en 1968, la biologie du sport connaît un essor considérable avec le début de la préparation scientifique de l’entraînement et l’entrée de la physiologie comme élément fondamental dans la compréhension de la performance motrice. L’ère des tests d’évaluation débute alors avec l’exploration fonctionnelle des capacités physiologiques de l’athlète. Après celle des systèmes cardio-vasculaire et respiratoire, très rapidement au cours des années 60 et 70, la mesure de la consommation maximale d’oxygène (VO2 max) devint le test le plus courant. Certaines recherches tenteront aussi de répondre à une question majeure en méthodologie sportive : quels marqueurs biologiques étudier pour rendre compte d’un état physiologique, comme la fatigue ou le surentraînement, et ce le plus simplement possible.
1.1 – La mesure de la consommation maximale d’oxygène
2 Rendant compte de la réponse globale de l’organisme à l’exercice, la mesure de la consommation maximale d’oxygène est certainement le plus connu de ces tests (voir l’article de Cazorla et Léger dans la présente revue). Par contre, de tels tests d’évaluations restent lourds dans leur mise en place et utilisent des matériels ne pouvant généralement pas sortir du cadre strict du laboratoire. Ce confinement au laboratoire reste un écueil difficilement contournable et pose la question des rapports entre les tests effectués en laboratoire et la réalité du cadre habituel de la pratique sportive. Le souci de proposer des tests d’évaluation aussi spécifiques que possible à la pratique est probablement à l’origine de la multitude des protocoles proposés à une même fin et à la naissance des tests de terrain susceptibles d’extrapoler VO2 max. Néanmoins, de nouveaux types de matériels sont apparus cette dernière décennie et permettent une exploration fonctionnelle des capacités physiologiques sur le lieu même de pratique sportive. Ces appareils ont été miniaturisés pour devenir portatifs, légers, mobiles et résistants. Le K2 et le K4 en sont les exemples les plus connus. Cependant, de tels matériels souffrent encore d’un prix élevé et d’une fiabilité pas toujours maîtrisée. Au-delà de ces problèmes matériels et contextuels rencontrés, la détermination de VO2 max reste le test d’évaluation le plus couramment réalisé et le plus ancré dans les déterminants reconnus de la condition physique.
1.2 – La détermination de la lactatémie
3 Après la détermination de VO2 max, au cours des années 80 et encore aujourd’hui, un des paramètres biologiques le plus fréquemment utilisé en biologie du sport est certainement la mesure de la lactatémie, effectuée par diverses techniques enzymatiques. La littérature consacrée à la physiologie du sport a été longtemps inondée par les multiples interprétations de ses fluctuations dans le milieu sanguin. Rares sont les éléments du métabolisme qui auront autant soulevé de contradictions et de polémiques. Le lactate a par exemple été assimilé à un « déchet » du métabolisme glucidique, voire au facteur majeur de l’acidose métabolique (Kindermann et Keul, 1977) et de la fatigue d’exercice. La détermination, de sa concentration dans le sang a réellement pris de l’importance avec la mise en œuvre de kits d’analyse transportables. Les utilisations potentielles ont alors commencé à toucher les lieux de compétition et le cadre normal d’entraînement, ce qui augmentait fortement l’intérêt que l’on pouvait porter à ce type d’analyse. Les qualités d’accessibilité de ces appareillages étaient d’autant plus appréciées que la mesure de la lactatémie a longtemps été considérés comme l’indicateur phare de l’intensité de l’exercice et des adaptations aux charges d’entraînement (Wassermann et al. 1986). Son application directe à d’ailleurs été la détermination d’hypothétiques seuils sanguins d’accumulation du lactate (fig. 1) en liaison avec les filières métaboliques utilisées à l’exercice (Wasserman et McIlroy, 1964) a longtemps hanté les interprétations que l’on pouvait en faire en physiologie du sport. Cependant, au cours des années 90, avec la découverte des intérêts énergétiques du lactate et les mesures de sa production et de sa consommation musculaires, hépatiques et rénales à l’exercice, certains auteurs ont démontré la toute relative utilité de ces mesures de routine (Saltin et al. 1992). Malgré une utilisation encore largement répandue sous ses anciennes acceptions, la mesure de la lactatémie est maintenant mieux comprise. Elle doit notamment être individualisée (forte variabilité interindividuelle) et toute comparaison dans le temps reste délicate à interpréter. Sa détermination au cours d’une évaluation isolée apporte d’ailleurs peu d’informations à l’athlète et a d’ailleurs été l’objet de nombreuses spéculations (Peronnet, 1996).
1.3 – L’ammonium et la fatigue
4 Après l’échec de la lactatémie comme marqueur central de l’intensité du travail musculaire, c’est la recherche d’un marqueur attestant du niveau de fatigue induit par l’exercice qui a attiré plus particulièrement l’attention des chercheurs. C’est là encore une recherche d’un élément unique pouvant rendre compte du comportement général de l’organisme face à l’exercice. Néanmoins, il nous faut constater que c’est aussi une étape nous rapprochant un peu plus de la dimension moléculaire de la physiologie. De nombreux métabolites circulants ont été étudiés pour donner une appréciation du niveau de fatigue, tels le lactate et l’ammonium (Nazar et al. 1992 ; Graham et al. 1995). Pour déterminer la concentration de ce dernier, les matériels proposés devaient avoir les qualités des analyseurs portables de lactatémie, sans lesquelles leur utilisation potentielle eut été difficilement envisageable. Au contraire des testeurs de lactatémie, rares sont les matériels proposés qui ont pu associer l’accessibilité à la simplicité d’utilisation. En effet, pour déterminer la concentration sanguine en ammonium, un écueil majeur est la vitesse de sa demi-vie, de l’ordre de quelques secondes (Knepper et al. 1989). De plus, de récentes études tendraient à démontrer que l’ammonium n’est en fait qu’un métabolite parmi d’autres pouvant expliquer la fatigue (Sahlin et al. 1998). D’autres ont même suggéré qu’il n’en était probablement pas un élément explicatif important (Walsh et al. 1998).
1.4 – Le marqueur biochimique du surentraînement
5 Outre l’intensité de l’exercice et l’apparition de la fatigue, de nombreuses recherches ont été engagées, depuis la fin des années 80, pour découvrir un marqueur phare de l’état de surentraînement. Les concentrations sanguines de plusieurs métabolites ont été utilisées (sérotonine, glutamine, acides aminés ramifiés, tryptophane…) ainsi que le ratio de certaines d’entre elles (testostérone/cortisol) pour donner un aperçu de cet état physiologique, au repos ou en réponse à l’exercice (Fry et al. 1991 ; Banfi et al. 1993 ; Lehmann et al. 1998). Il n’existe cependant aucun consensus à ce jour sur la validité d’un marqueur unique du surentraînement (Snyder et al. 1998). De plus, la plupart des hypothèses formulées ont été largement critiquées par l’annonce de résultats discordants d’une étude à l’autre (Snyder et al. 1998). A ce jour, environ 70 marqueurs biologiques ont été avancés pour tenter d’expliquer ou de déterminer les cas de surentraînement ; ils peuvent être biochimiques, morphologiques ou psychologiques. Le cas du surentraînement montre bien quelles sont les limites de la recherche d’un marqueur unique d’un état physiologique donné. Ce dernier résulte de l’ensemble des interactions des processus biochimiques du métabolisme énergétique. Sa caractérisation par le biais d’un marqueur isolé ne peut que difficilement rendre compte de cet ensemble. D’autres matériels ont été proposés pour déterminer certains paramètres biologiques utiles à l’explication de la performance, tels le taux d’hématocrites (connu pour les tests antidopage) ou la détermination rapide du contenu hydrique du sang. Ces outils sont cependant moins utilisés en routine dans le cadre du suivi et du contrôle biologique de l’entraînement.
2 – La détermination multiple de concentrations métaboliques
6 Plusieurs techniques analytiques sont couramment utilisées pour déterminer des familles de métabolites sur un seul échantillon, notamment l’électrophorèse, la chromatographie (en phase liquide ou gazeuse et sur couche mince) et la spectrométrie de masse. Il faut cependant bien reconnaître que c’est avant tout la mise en œuvre de méthodes utiles à la lutte contre le dopage qui a le plus fait progresser la recherche analytique en biologie du sport (Bowers, 1997 ; Bruunshuus et al. 1996). L’électrophorèse, la chromatographie et la spectrométrie de masse sont autant de techniques qui ont été abondamment utilisées afin de créer les méthodes d’analyse les plus diversifiées, les plus précises et les plus sensibles qui soient.
2.1 – L’analyse électrophorétique
7 Cette technique d’analyse est la référence absolue pour déterminer les contenus en protéines et en acides aminés des échantillons biologiques, même si diverses méthodes chromatographiques sont utilisées à de telles fins. Cette technique est basées sur la charge électrique des métabolites à séparer pour qu’ils soient différenciés. Un dépôt du mélange à séparer est placé sur une languette de papier absorbant qui est connectée à deux électrodes. Lorsque le courant électrique est établi, les espèces chargées positivement (par exemple, les polypeptides contenant de nombreuses fonctions amines protonées) se dirigent vers la cathode, tandis que les molécules chargées négativement iront vers l’anode (par exemple, les peptides riches en groupes carboxyliques). Le pouvoir de résolution de cette technique est très élevé. Il a d’ailleurs été possible de différencier plus de mille protéines différentes de cette manière dans une espèce de bactéries. Cette technique est couramment utilisée en milieu clinique mais son coût reste élevé, ce qui rend son emploi très limité lorsque les cas d’analyse ne relèvent pas de pathologies. L’emploi de cette technique en biologie du sport est donc resté cantonné aux investigations expérimentales de laboratoire.
2.2 – L’analyse par spectrométrie de masse
8 Souvent couplée à une chromatographie en phase gazeuse (GC) ou liquide (LC), la spectrométrie de masse (MS) permet de déterminer et de quantifier la présence de métabolites en fonction de leurs masses moléculaires et ce pour de nombreux types d’échantillons biologiques (Sachs et Kintz, 1998). En fait, ce n’est pas une technique de spectroscopie au sens strict du terme puisqu’aucune radiation incidente n’est absorbée. Son principe physico-chimique est la séparation des ions moléculaires selon leur masse. Des particules chargées se déplaçant au travers d’un champ électromagnétique sont déviées de leurs trajectoires rectilignes. Les espèces les plus légères le sont plus que les espèces plus lourdes. On peut donc trier les ions dont la masse diffère. La spectrométrie de masse apporte des informations non seulement au sujet de l’ion moléculaire mais aussi à propos des entités structurales qui composent ladite molécule. L’énergie du faisceau ionisant étant largement supérieure à celle requise pour rompre les liaisons des molécules organiques classiques, il se produit souvent une fragmentation de celles-ci qui donne naissance à une multitude de pics supplémentaires, analysés par la suite dans le diagramme de fragmentation. L’identité de la molécule parentale (avant fragmentation) peut alors être déterminée. Cependant, la limite de cette technique réside dans la discrimination des isomères de certaines molécules, comme par exemple la testostérone ; dans le cas du dopage, cela rend très difficile la distinction entre variétés endogènes et exogènes. Le couplage aux techniques chromatographiques a d’ailleurs pour finalité de croiser les informations identitaires et les informations structurales des molécules analysées (couplage GC-MS). Ces couplages ont apporté certaines des méthodes d’analyse parmi les plus précises pour la biologie du sport mais leurs utilisations restent quasi exclusivement réservées aux expérimentations en laboratoires et à la lutte contre le dopage. L’émergence d’appareillages plus simples d’utilisation et la mise en œuvre de procédures standardisées de préparation des échantillons devraient, à terme, donner un nouvel essor à ce type d’analyse couplée (Dehennin et al. 1996).
2.3 – L’analyse chromatographique
9 Sources incontournables de méthodes d’analyse permettant la détection des produits dopants dans les urines et le sang, les techniques de chromatographie sont certainement les plus versatiles tant leurs adaptations matérielles (longueurs de colonnes, analyses à chaud ou à froid, solvants utilisés, type de préparation de l’échantillon, séparations) permettent d’aborder une très large palette de molécules (acides aminés, acides gras, peptides, hormones, lipides…). Le principe analytique est la purification et la séparation d’un mélange grâce à la différence de distribution entre deux phases. L’avènement des analogues deutérés des substances à analyser (molécules dont on a remplacé les atomes d’hydrogènes par des atomes de deutérium) a donné le véritable essor de cette technologie, notamment pour les détecteurs en phase gazeuse (GC), la préparation des échantillons devenant moins fastidieuse et moins délicate. L’utilisation d’une chromatographie en phase liquide (LC) est cependant nécessaire pour certaines molécules qui ne peuvent pas être détectées par GC, telles les glucoronides de la morphine, utilisées dans le dopage. D’importantes limites existent néanmoins, véritable revers de cette versatilité, car il n’existe aucune technique universelle pour la détection de substances dans le sang. A chaque technique correspond actuellement un appareillage spécifique, coûteux à l’investissement, ce qui limite fortement la capacité d’équipement des laboratoires. Cependant, avec les prochaines améliorations des techniques d’extraction, de séparation et de détection, une telle procédure devrait pouvoir être obtenue (Moeller et al. 1998). Les techniques chromatographiques se situent parmi les plus appréciées étant donné leur sensibilité et leur précision dans l’analyse de métabolites en concentrations parfois nanomolaires, notamment lorsque le couplage GC-MS est utilisé (Ventura et Segura, 1996).
Vers l'utilisation des méthodes d'analyse globale
10 La critique majeure qui peut être faite à l’ensemble des techniques que nous venons de citer est certainement leur caractère réducteur. Elles le sont car : 1- elles ne permettent pas de sauvegarder l’échantillon, ce qui implique un nouveau prélèvement pour toute nouvelle analyse, 2- elles ne peuvent déterminer que les métabolites qu’elles cherchent et demeurent aveugles pour tout ce qu’il est autour et, 3- la préparation des échantillons à analyser est souvent lourde et interdit la mise en application routinière de méthodes pourtant jugées très performantes. C’est notamment le cas pour des méthodes d’analyse des concentrations en érythropoïétine (Choi et al. 1996), en testostérone (Wu et al. 1997) et en hormone de croissance (Bowers, 1997), lesquelles pourraient être très utiles à la lutte contre le dopage. Elles présentent cependant un coût très élevé et/ou nécessitent une technologie très spécifique. Au regard des moyens alloués aux analyses biologiques, on ne peut évidemment pas investir dans des matériels particulièrement coûteux pour chaque molécule devant être analysée. Que ce soit pour le dopage ou pour toute autre investigation dans le domaine de la biologie du sport, la demande en techniques d’analyse s’oriente de plus en plus vers : 1- une vision plus globale de l’échantillon, 2- une accessibilité accrue des méthodes, 3- une interprétation directe et simplifiée des résultats, 4- une miniaturisation des prélèvements afin de respecter au mieux le confort du sportif et le cadre de sa pratique et, 5- une baisse du coût de l’analyse, celle-ci devant être répétée régulièrement afin de mieux comprendre l’évolution des différents paramètres biologiques en fonction des programmes d’entraînement.
3.1 – Spectroscopies RMN et IR-TF
11 A l’heure actuelle, il n’existe à l’usage courant que deux techniques analytiques globales, la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN) et la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (IR-TF). Le principe physico-chimique sous-jacent à ces deux techniques spectrales est radicalement différent : la première fait intervenir les énergies rotationnelles (rotation des électrons autour du noyau des atomes) alors qu’elles seront vibrationnelles pour la seconde (vibration des liaisons moléculaires). Il n’existe actuellement aucune étude comparative des qualités de ces deux techniques d’analyse. L’avantage de la RMN est surtout son caractère non invasif mais elle souffre d’une faible sensibilité, ce qui entraîne souvent l’obligation d’utiliser des traceurs isotopiques et de lourdes préparations de l’échantillon. Très peu de méthodes d’analyse métabolique du sang ont été proposées avec la spectroscopie RMN car l’étude des spectres obtenus reste difficile dans cette perspective (Pan et al. 1996 ; Tarata et al. 1995). Cette technique est aujourd’hui plus spécifiquement utilisables pour la biologie du sport avec l’avènement d’ergomètres à bras ou à jambes définissant un cadre d’analyse non invasif. En effet, ces outils permettent d’analyser en partie le comportement métabolique de l’appareil musculaire, pour déterminer le pH cellulaire et l’utilisation de métabolites énergétiques essentiels, tels l’ATP, l’ADP, les phosphates inorganiques et la phosphocréatine. L’utilisation hors du contexte strict du laboratoire n’est cependant pas envisageable et les ergomètres proposés ne permettent qu’un nombre très réduit de mouvements standardisés. En outre, le coût des analyses interdit actuellement toute utilisation autre qu’a visée expérimentale. L’IR-TF ne permet pas encore d’utilisations de ce type mais présente un certain nombre d’intérêts qui font grandir sa popularité. Elle est particulièrement sensible, précise et hautement reproductible (Sockalingum et al. 1998). Certaines méthodes ont d’ailleurs été proposées pour déterminer plusieurs métabolites au sein d’un même échantillon sanguin (Budinova et al. 1997 ; Werner et al. 1998 ; Shaw et al. 1998). Cependant, jusqu’à présent, de lourdes préparations des échantillons d’analyse sont restées nécessaires, ce qui a limité la validité du résultat et la réutilisation potentielle du spectre (surtout lorsque des étalons internes viennent en modifier la composition chimique).
3.2 – Sauvegarde et visualisation globale de l’échantillon
12 Les spectroscopies de RMN et IR-TF permettent d’avoir une vision globale de l’échantillon sous forme de spectre (fig. 2). Néanmoins, le manque de sensibilité de la RMN induit probablement une perte significative du signal, surtout pour des métabolites en faibles concentrations. La visualisation globale de l’échantillon revêt une double importance : 1- potentiellement, n’importe quelle molécule peut être déterminée et, 2- l’ensemble des molécules impliquées dans un processus biochimique donné, dont l’analyse classique détermine la concentration de son métabolite majeur, sont susceptibles d’être analysées pour expliquer aussi le contexte du résultat. Ainsi, la comparaison de deux spectres se fait sur l’ensemble des métabolites et pas seulement sur ceux réputés majeurs. Un autre avantage important de ces techniques spectrales est la possibilité de sauvegarder les données analytiques brutes. Ceci permet en effet l’analyse de l’échantillon à tout moment ou la vérification ultérieure des résultats d’analyse obtenus, comme si le prélèvement venait d’être effectué. Aucune autre technique d’analyse ne le permet, ce qui constitue l’intérêt de cette visualisation globale de l’échantillon sous forme de spectre. Dans le domaine de la biologie du sport, cette sauvegarde permet en effet une soustraction du spectre du sérum de repos au spectre du sérum d’exercice. Il est ainsi possible d’obtenir un spectre de différences, lequel peut à nouveau être sauvegardé. La comparaison de ces spectres de différences peut alors être réalisée d’une semaine à l’autre. Ainsi, chaque spectre de différence peut être considéré comme étant l’image globale des effets de l’exercice sur le métabolisme. Leur comparaison dans le temps donnera une appréciation des effets de l’entraînement (fig. 3).
3.3 – Miniaturisation et préservation des échantillons d’analyse
13 Des technologies comme la chromatographie ou la spectroscopie IR-TF ont la particularité de pouvoir se contenter de très faibles volumes d’échantillonnage (Sockalingum et al. 1998). A titre d’exemple, la plupart des méthodes chromatographiques utilisent des échantillons de l’ordre de quelques µL avant préparation. Le micro-prélèvement est moins traumatisant (stress métabolique induit par la perte de plusieurs cm3 de sang veineux) et peut être réalisé n’importe où, notamment sur les lieux des pratiques sportives. Cependant il est primordial que la totale conservation de l’échantillon soit rendue possible. Récemment, nous avons mis en œuvre une méthode d’analyse du sérum par IR-TF qui ne nécessite aucune autre manipulation de l’échantillon que sa dilution et sa dessiccation sur le support d’analyse (Petibois et al. à paraître). Ainsi, seule la composition chimique initiale de l’échantillon viendra former le spectre IR-TF final. C’est un gage de validité des résultats obtenus, ce qui permet toutes les comparaisons de spectres d’un individu à l’autre ou d’un individu par rapport à lui-même, c’est-à-dire d’une analyse à l’autre. Associé au caractère global de l’analyse, le développement de telles méthodes d’analyse devrait rapidement trouver de larges applications en biologie du sport.
3.4 – Détermination d’un profil métabolique discriminant
14 La comparaison des caractéristiques physiologiques et métaboliques des athlètes est une source importante d’explication des différences de performance observées, notamment pour les disciplines d’endurance. L’explication d’un très faible écart de performance, si tant est qu’elle trouve son origine au plan métabolique, ne peut probablement pas se contenter d’éléments généraux décrivant les capacités physiologiques de l’athlète. Les techniques d’analyse globale des échantillons biologiques ont cet avantage de présenter l’ensemble des éléments susceptibles de différencier ces athlètes. Plusieurs techniques statistiques permettent la comparaison des données analytiques. Un spectre IR-TF est une matrice de 3630 points (en X la longueur d’onde infrarouge et en Y l’absorption qui lui correspond). La comparaison de plusieurs spectres implique que ces points constituent un individu aux variables dépendantes, ce que certains algorithmes permettent de faire, tel celui proposé par Ward (1963). Sa méthode permet des comparaisons à partir de données analytiques dont ne connaît que peu de choses. C’est le cas pour les spectres IR-TF où seules quelques concentrations métaboliques auront été déterminées. L’algorithme tentera de rassembler les spectres aux caractéristiques les plus semblables pour que l’indice d’hétérogénéité interne à chaque groupe soit le plus faible possible. De plus, ces groupes seront constitués de telle manière que l’hétérogénéité soit la plus élevée entre eux. Les comparaisons portent alors sur les similitudes et les différences entre les groupes de spectres IR-TF, c’est-à-dire sur les contenus métaboliques des sérums analysés. Une première application dans le domaine sportif a été de différencier les différents niveaux d’adaptation aux charges d’entraînement (fig. 4), sur la base des spectres de différences (exercice - repos). Le spectre complet (4000-500 cm-1) peut être utilisé mais la masse des informations spectrales réduira considérablement l’effet d’un élément de différenciation si sa contribution spectrale est très faible. Par contre, l’utilisation de régions spectrales spécifiques de certaines familles de molécules (table 1) permettra de recentrer l’analyse sur une contribution métabolique donnée (lipidique, glucidique ou protéique par exemple). Par ailleurs, certaines combinaisons de régions spectrales peuvent permettre d’établir un « profil métabolique » discriminant. Ce profil est constitué par les caractéristiques métaboliques (glycémie, contenus protéiques, cholestérolémie…) nécessaires et suffisantes pour pouvoir séparer plusieurs populations d’individus. A titre d’exemple, cela nous a permis de différencier trois populations (diabétiques, sportifs et contrôles) alors que nous ne connaissions préalablement rien des contenus de leur sérum (fig. 5). Cette méthode de différenciation des spectres de sérum devrait trouver de larges applications en biologie du sport, notamment pour le suivi des adaptations et des mésadaptations à l’entraînement.
Absorptions métaboliques majeures dans le spectre IR-TF de sérum (4000 – 500 cm-1) | |
---|---|
Bandes (cm-1) | Assignations majeures |
3020 – 3000 | = CH : acides gras insaturés, esters du cholestérol |
3000 – 2950 | CH3 : esters du cholestérol, lipides |
2950 – 2880 | CH2 : acides gras saturés, glycérol, phospholipides, triglycérides |
1739 – 1732 | C = O : lipides, esters du cholestérol |
1720 – 1600 | Amide I (C = O) : feuillets ß des protéines |
1600 – 1480 | Amide II (N-H) : hélices a des protéines |
1300 - 900 | C-O et C-O-C : saccharides, carboxylates |
Conclusions et perspectives
15 Ces techniques globales permettent donc l’étude d’un même échantillon sous différents angles, analytiques comme statistiques. Les différentes applications potentielles de la spectroscopie IR-TF laissent envisager la mise en œuvre d’une méthode répondant en partie à certaines des attentes de la biologie du sport. Celles-ci sont cristallisées autour du problème récurant de la pratique sportive intense : la préservation de la santé de l’athlète. Si la spectroscopie IR-TF est un bon candidat dans cette perspective, c’est qu’elle rassemble plusieurs qualités : 1- le confort des micro-prélèvements, 2- la vision globale de l’échantillon, 3- la précision et la sensibilité des analyses cliniques, 4- la sauvegarde des données analytiques brutes, 5- l’approche statistique comparative et 6- la possibilité de réétudier un cas avec du recul (valeur prédictive). Cela implique notamment la prévention du surentraînement, la traumatologie, la nutrition et la lutte antidopage.
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Mots-clés éditeurs : technologie., étabolisme, physiologie, éthodes
Mise en ligne 01/10/2005
https://doi.org/10.3917/sta.054.0077