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Article de revue

Introduction - Conflits d’intérêts et santé publique : l’apport des sciences sociales

Pages 5 à 19

Notes

  • [1]
    Par exemple, récemment la critique de la nomination de l’ancien directeur de la Haute Autorité de Santé (HAS) à la présidence de la Fondation des Entreprises du Médicament, voir Pascale Pascariello, 2019, « L’ancien directeur de la Haute Autorité de santé rejoint l’industrie pharmaceutique », Mediapart, 1er février 2019.
  • [2]
    Ces travaux s’inscrivent dans le programme de recherche MEDICI (2017-2020) « Les conflits d’intérêts dans le domaine du médicament » financé par l’Agence Nationale de la Recherche. Je remercie vivement les relecteurs anonymes, le Comité de rédaction de Sciences Sociales et Santé, et tout particulièrement Patrick Castel et Magali Robelet, pour leurs commentaires et leur précieuse aide dans la préparation de ce numéro.
  • [3]
    La nomination en 1953 par le Président Eisenhower du PDG de General Motors (Charles Erwin Wilson) comme Secrétaire de la Défense, alors que ce ministère est un client essentiel de l’entreprise dont il possède une grande quantité d’actions, constitue un tournant. L’une de ses déclarations lors des auditions de confirmation, qui est simplifiée dans les médias par la formule « what is good for our country is good for General Motors, and vice versa », fait tout particulièrement scandale et il sera finalement contraint de vendre ses actions.
  • [4]
    Par exemple en 2004 est publié un extrait d’un mémo interne de l’industriel produisant la paroxetine concernant la préparation d’un rapport sur les résultats de deux essais conduits sur son utilisation dans le traitement de la dépression chez l’adolescent. Alors qu’il constate que ces essais ne sont pas parvenus à montrer un avantage de cette molécule par rapport au placebo, il indique : « il serait commercialement inacceptable d’inclure une déclaration selon laquelle l’efficacité n’a pas été démontrée car cela ébranlerait le profil de la paroxetine » (Rennie, 2004).
  • [5]
    La pratique du ghost writing consiste à faire publier sous le nom d’un expert reconnu un article rédigé en sous-main par les équipes des laboratoires pharmaceutiques.
  • [6]
    Des médecins reconnus dans un domaine clinique et mobilisés par l’industrie pour leur capacité à influencer leurs pairs.
English version

1Au cours des dernières décennies, la catégorie de « conflit d’intérêts » s’est imposée comme la modalité essentielle de problématisation de l’influence des intérêts particuliers, tout particulièrement économiques, sur les savoirs, pratiques et politiques sanitaires et de mise en cause des dangers qu’elle peut représenter pour la santé publique (Hauray, Henry et Dalgalarrondo, 2015). De la gestion de la pandémie de grippe H1N1 (et plus récemment de Covid-19) au maintien sur le marché du Mediator, de l’évaluation des risques du glyphosate à la question de l’étiquetage des informations nutritionnelles des produits alimentaires, elle s’est largement imposée auprès de lanceurs d’alerte, de collectifs engagés dans la dénonciation de l’usage de certains produits, de scientifiques récusant les conclusions d’articles scientifiques ou d’expertises, ou auprès de journalistes enquêtant sur des décisions publiques. Ce phénomène n’est pas spécifique à la France. Dès 2009, un influent rapport de l’Institute of Medicine américain affirmait dans sa préface : « Il est rare qu’il ne se passe une semaine sans une histoire dans les médias sur les conflits d’intérêts » (Lo et Field, 2009 : xi).

2Cette catégorie vise, dans sa définition dominante, des situations dans lesquelles les jugements ou les actions d’un professionnel concernant son intérêt premier (notamment soigner son patient, produire des savoirs ou des expertises valides, prendre des décisions de santé publique) risquent d’être indu ment influencés par un intérêt qualifié de second (le plus souvent des gains ou des relations financières) (Thomson, 1993 ; Lo et Field, 2009). Dans les faits, elle est mobilisée pour désigner ou mettre en cause des phénomènes assez divers. Elle sert à pointer l’existence de transferts financiers directs entre les industriels et d’autres acteurs de la santé (paiements de repas ou de participations à des congrès, speaking fees touchés par les leaders d’opinion, présence de scientifiques dans des boards des industries, possession d’actions d’entreprises, financement de sociétés savantes, d’associations de patients ou de clubs parlementaires, etc.), mais aussi à discuter de la place des industriels dans les différents mondes de la santé (contrôle d’une grande partie de la recherche clinique, activité de promotion de leurs produits au sein des cabinets médicaux, des pharmacies ou des hôpitaux, etc.,). Elle est parfois également utilisée pour dénoncer des relations occultes pouvant tomber sous le sceau de l’illégalité, des phénomènes impliquant des dynamiques temporelles comme les processus de revolving door (c’est-à-dire de circulation de personnes entre la sphère économique et la sphère administrative et politique) [1] ou même des conflits entre des intérêts (quand par exemple un industriel empêche un scientifique de publier un article tiré d’une recherche qu’il a financé). Le conflit d’intérêts n’est cependant pas seulement une catégorie ainsi largement utilisée dans le cadre de controverses scientifiques ou publiques. Au cours des trente dernières années, elle s’est fortement institutionnalisée au sein même d’organisations centrales du champ sanitaire et au-delà, dans le droit. Autorités publiques et comités d’experts, journaux scientifiques, universités et instituts de recherches ont instauré des dispositifs de plus en plus précis de contrôle des conflits d’intérêts, et tout particulièrement des procédures de déclaration d’intérêts, le plus souvent centrées sur les liens financiers, censées assurer par la transparence une maîtrise des mécanismes d’influence.

3Du fait de sa place prise dans le monde de la santé, le conflit d’intérêts s’est imposé comme un objet propre de recherche au sein des disciplines médicales, comme l’atteste la croissance continue des articles scientifiques qui lui sont consacrés (Rodwin, 2011) ou, par exemple, la publication en 2017 d’un numéro du Journal of American Medical Association (JAMA) entièrement consacré à ce thème. Il a également donné lieu à des travaux conséquents en éthique et en droit (Davis et Stark, 2001 ; Brody, 2011, Moret-Bailly, 2014). Mais, paradoxalement, les sciences sociales de la santé se sont dans leur ensemble très peu saisies de ce phénomène ou des situations qualifiées de « conflit d’intérêts ». Dans ce contexte, ce numéro de Sciences Sociales et Santé se propose de rassembler un ensemble de travaux de sociologie, d’histoire et de science politique qui étudient la question des conflits d’intérêts à partir de recherches empiriques, tout particulièrement en lien avec les industries chimiques et du médicament [2]. Cette introduction retracera brièvement la trajectoire de cette catégorie et s’interrogera sur les enjeux et difficultés de la constitution du conflit d’intérêts en objet de recherche pour les sciences sociales.

Trajectoire d’une catégorie

4Une analyse précise de la trajectoire de la catégorie de conflit d’intérêts dépasserait le cadre limité de cette introduction. Il est néanmoins intéressant de mettre en évidence quelques étapes essentielles dans son émergence, puis son inscription dans le champ sanitaire, à l’articulation de la morale, des savoirs et du politique.

5Bien évidemment les questionnements éthiques et les principes juridiques sous-jacents à l’idée de conflit d’intérêts sont anciens. Marc Rodwin, pour tracer les origines de ces principes, fait ainsi référence à la fiducia du droit romain, liée à la gestion des successions, en ce qu’elle créait une obligation pour une partie d’agir dans l’intérêt de l’autre et posait la question d’un possible détournement de cette mission (Rodwin, 2011). Plus spécifiquement dans le champ des régulations professionnelles, la condamnation de « l’ambidextrie » (le fait de percevoir de l’argent des deux parties impliquées dans un conflit ou de dévoiler des informations confidentielles à des parties adverses) a accompagné à l’époque médiévale la construction de la profession d’avocat (Rose, 2000). Dans le domaine politique on peut citer par exemple l’interdiction faite, à partir du 16e siècle, aux membres du Parlement britannique d’exercer certaines professions (les « offices of profit ») car celles-ci étaient jugées susceptibles de les mettre en situation d’être juge et partie (Cranston, 1979). Toutefois, la catégorie sociale de « conflit d’intérêts », dans le sens qu’elle a pris aujourd’hui, n’émerge véritablement qu’à partir des années 1950 aux États-Unis. Ce terme « entonnoir » sert alors à désigner l’objet commun de législations, souvent anciennes, encadrant les activités privées et les avoirs des membres de l’administration. Deux logiques largement contradictoires président à son inscription dans l’espace médiatique et politique : la perception d’un besoin de contrôle plus fort des intérêts privés de certains délégataires de l’autorité publique et la volonté d’aménager un espace plus propice aux échanges entre acteurs privés et sphère publique. D’une part, des controverses politiques se multiplient sur les stratégies d’influence de certains intérêts particuliers au sein des administrations Truman et Eisenhower, notamment en lien avec ce que ce dernier nommera lui-même le « complexe militaro-industriel » [3]. D’autre part, l’implication croissante du gouvernement américain dans la régulation de l’économie le conduit à mobiliser de nombreuses compétences externes. Cependant, le recours à des experts et consultants est jugé complexe et juridiquement fragile du fait de l’application à ceux-ci de statuts définis pour les employés à plein temps de l’administration. La réflexion sur une nécessaire « modernisation » des statuts encadrant les conflits d’intérêts est notamment portée par des avocats et des juristes, professions directement concernées par les travaux de consultance pour l’État. Sous l’impulsion du Président Kennedy, le « Bribery, Graft and Conflict of Interest Act (Loi sur la corruption, les abus et conflits d’intérêts) » est adopté en 1962. Sans définir la notion de conflit d’intérêts, il précise et élargit la définition des liens financiers devant conduire à une interdiction de participer à une décision publique. Il crée surtout un statut spécifique pour les personnels employés de manière temporaire et/ou partielle par l’administration : ils peuvent obtenir des waivers (ou dérogations) qui les exonèrent de ces interdictions, mais sont dans l’obligation de déclarer leurs intérêts financiers à un responsable, afin que celui-ci puisse juger si ceux-ci ne sont pas d’une importance telle qu’ils puissent« être considérés comme susceptibles d’affecter l’intégrité des services ». Cette nouvelle réglementation ne stoppe cependant pas les controverses sur les liens d’intérêts des responsables politiques. De plus, les accusations de conflits d’intérêts s’étendent à partir des années 1970 aux comités d’experts scientifiques et aux agences de régulation, qui ont peu formalisé l’usage des waivers instaurés en 1962. Dans un contexte marqué par des mobilisations sociales de défense des consommateurs et de l’environnement, mais aussi par une critique politique du rôle pris par les agences de régulation et les comités d’experts, la participation d’experts fortement liés à des industries polluantes ou agro-alimentaires à des comités chargés de la protection de la santé publique est notamment mise en cause (Parascandola, 2007), tout comme l’est celle de médecins liés à l’industrie pharmaceutique au sein des instances d’expertise de la Food and Drug Administration.

6À partir de la fin des années 1970, le recours à cette catégorie s’étend fortement dans le champ de la biomédecine et au cours des deux décennies qui suivent, les procédures de gestion des conflits d’intérêts se multiplient. La collision de deux enjeux sociaux joue un rôle central dans le déclenchement de cette dynamique : celui de la fraude et celui de l’entrepreneuriat scientifique. D’une part, la question des fraudes dans le milieu scientifique, particulièrement dans la recherche biomédicale, fait l’objet d’investigations à la fois institutionnelles (auditions du Congrès américain à partir de 1981) et journalistiques aux États-Unis. D’autre part, plusieurs décisions de l’administration fédérale américaine (notamment le Bayh-Dole Act de 1980) encouragent les relations entre l’industrie et le monde académique. Ces décisions alimentent, dans un contexte de “révolution génétique”, les ambitions entrepreneuriales et financières des universités et de certains de leurs membres, mais aussi les inquiétudes sur une marchandisation de la recherche. En 1980, l’université de Harvard envisage ainsi de créer une entreprise financée par du capital-risque, mais dans laquelle elle détiendrait elle-même des parts, pour exploiter les travaux de ses chercheurs sur l’ADN recombinant. Ce projet, qui déclenche de fortes oppositions, est abandonné, mais les révélations se multiplient sur les positions occupées par certains professeurs dans des entreprises de biotechnologie ou sur leurs avoirs en actions. Pour répondre à ces controverses, des universités adoptent à cette époque de premières guidelines demandant aux professeurs de déclarer leurs activités externes qui pourraient poser des problèmes de conflits d’intérêts. En 1984, dans un éditorial intitulé « Dealing with Conflict of Interest », l’éditeur en chef de la plus prestigieuse revue médicale, le New England Journal of Medicine, prend également acte des défis posés par ce nouvel entrepreneuriat scientifique (Relman, 1984). Il annonce que sa revue attend désormais de ses auteurs qu’ils déclarent « toute forme de lien commercial qui pourrait causer un conflit d’intérêts avec l’article soumis ». L’idée est alors transgressive puisqu’elle met en cause au sein même d’une institution importante de validation du savoir médical le mythe d’une science objective et désintéressée. Malgré d’importants débats, elle s’impose progressivement au fil des controverses dans les principales revues médicales et en 1993 l’International Committee of Medical Journal Editors adopte une première déclaration commune sur l’importance décisive de la gestion des conflits d’intérêts dans la crédibilité des publications scientifiques. Notons cependant que la mise en œuvre des procédures de disclosure (déclaration) des liens d’intérêts des auteurs dans les journaux demeure longtemps peu effective. Au cours des années 1990, la question de la transparence des liens avec les acteurs économiques s’installe aussi progressivement en Europe en ce qui concerne les processus d’expertise. Par exemple, en 1993, la création de nouvelles agences chargées d’évaluer les médicaments, parallèlement en France et au niveau de l’Union européenne, s’accompagne de l’édiction de procédures de déclaration des intérêts des experts consultés, qui sont présentées comme des ruptures avec le « laxisme » antérieur.

7À partir de la fin des années 1990, les conflits d’intérêts jouent un rôle grandissant dans la crise de confiance qui s’affirme au sein de la médecine (Hauray, 2019). Plusieurs raisons interconnectées permettent de l’expliquer : la mise en scandale de crises sanitaires, la consolidation des savoirs sur les liens d’intérêts et enfin, la structuration d’un mouvement critique sur cette question. Tout d’abord, et pour se centrer sur le cas des médicaments, des controverses et crises sanitaires éclatent au début des années 2000 sur des produits très largement prescrits : médicaments contre le cholestérol (cerivastatine en 2001), traitements de la ménopause (2002), anti-inflammatoires (Vioxx en 2004) ou antidépresseurs (paroxetine en 2004). Elles touchent un large public, sont donc fortement couvertes par les médias et, dans leur sillage, que ce soit en France, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, des commissions parlementaires d’enquête sont créées qui interrogent l’influence des industriels sur la santé publique. Quelques années plus tard, les débats sur la gestion de la grippe H1N1 et, en France, le scandale du Mediator de 2010 renforcent encore l’intérêt médiatique, politique et professionnel pour cette thématique du conflit d’intérêts. Les poursuites judiciaires intentées sur ces différentes affaires permettent de rendre publics des documents mettant en lumière des stratégies industrielles très poussées visant à peser sur les savoirs, les expertises et les prescriptions [4]. Aux États-Unis des milliers de documents d’abord sur l’industrie du tabac en 2002 puis sur l’industrie des médicaments à partir de 2005, sont notamment mis en ligne par la Library and Center for Knowledge Management de l’Université de Californie, San Francisco (UCSF). Les données produites grâce aux différentes procédures de déclarations d’intérêts instaurées solidifient également les savoirs sur ces questions, en démontrant statistiquement la pertinence des hypothèses qui en justifient l’existence : l’importance des liens financiers entre les industriels et les acteurs du champ de la santé et les biais produits sur les pratiques médicales (DeJong et al., 2016) ou les savoirs scientifiques - que ce soit sur la recherche biomédicale (Bekelman et al., 2003), les effets du tabac (Barnes et Bero, 1998) ou la nutrition (Lesser et al., 2007). Ces données, qui peuvent être recoupées, donnent de plus en plus de prise à un mouvement critique qui se structure à partir des années 2000 (professionnels et collectifs mobilisés, journalistes et même certains responsables politiques). D’anciens chercheurs ou dirigeants industriels devenus dénonciateurs, mais aussi d’anciens éditeurs de revues médicales publient ainsi des livres à charge sur l’influence des intérêts industriels sur la médecine (Angell, 2004 ; Gotzsche, 2013). De nouveaux médias se saisissent de ces questions (on peut citer par exemple Mediapart en France ou ProPublica aux États-Unis) et, dans les médias traditionnels, des journalistes mobilisent de plus en plus ce répertoire critique des conflits d’intérêts. Des organisations non gouvernementales se mobilisent également. Ainsi en France, le Formindep, collectif pour une « formation médicale indépendante au service des seuls professionnels de santé et de ses patients » est créé en 2004. En 2009, il dépose, devant le conseil d’État, un recours demandant l’abrogation des recommandations de la Haute Autorité de Santé sur le diabète et la maladie d’Alzheimer, au motif d’un manquement aux règles sur les conflits d’intérêts des experts chargés de les rédiger. Au niveau européen, le Corporate Europe Observatory (CEO), créé en 1997 pour surveiller le lobbying des entreprises au sein des institutions européennes, révèle en 2010 que des associations de patients solidement implantées dans des comités de l’Agence européenne des médicaments n’ont pas déclaré leur financement par des industriels. Cette mise en cause des conflits d’intérêts déclenche en retour un renforcement des dispositifs de transparence. À l’initiative du sénateur américain Charles Grassley, qui dénonce depuis plusieurs années l’opacité des liens financiers entre les industriels de la santé et les médecins, un « sunshine act », affichant l’ensemble de ces versements sur un site internet accessible au public est adopté dans le cadre de l’Obamacare en 2010. Cette politique de transparence est « importée » en France en 2011 à la suite du scandale du Mediator (Hauray, 2018) et conduit à étendre à l’ensemble des professionnels de santé les dispositifs de transparence qui touchaient auparavant uniquement les experts et les auteurs d’articles scientifiques. Cette politisation des enjeux de conflit d’intérêts et les procédures de plus en plus précises de gestion de ceux-ci conduisent à l’émergence en retour de discours au sein du monde médical, parfois même de la part des équipes éditoriales des revues médicales, défendant l’idée que la gestion trop rigoureuse des conflits d’intérêts nuit désormais à la santé et à l’innovation. Elle empêcherait ou limiterait des coopérations bénéfiques entre industriels et chercheurs et elle constituerait un fardeau bureaucratique dommageable (Stossel, 2015).

Le conflit d’intérêts et les sciences sociales

8Le conflit d’intérêts a ainsi émergé à partir des années 1950 comme une catégorie opératoire, sans reposer sur une conceptualisation préexistante, sans délimitation juridique ou philosophique précise (Perkins, 1963). À partir des années 1980, du fait de sa nouvelle visibilité en science et en médecine, il est donc devenu l’objet de débats conceptuels et normatifs (Luebke, 1987 ; Thomson, 1993 ; Brody, 2011). Ces travaux se sont efforcés de spécifier cette notion (le conflit d’intérêts constitue-t-il avant tout un risque de mauvais jugement ou une brèche dans la confiance prêtée à un système social ?) et d’évaluer ses implications normatives (avoir des conflits d’intérêts est-il en soi moralement mauvais ?). La focalisation de l’attention sur les conflits d’intérêts financiers a fait également l’objet d’un débat récurrent. Il a opposé les auteurs estimant celle-ci arbitraire et condamnable et ceux jugeant que l’extension de l’usage de la notion de conflits d’intérêts à des intérêts intellectuels (croyances, ambition académique, etc.) représente, dans le cadre de la mise en débat de l’influence des intérêts économiques, un risque de dilution de la notion et d’affaiblissement de sa portée critique (tous les scientifiques/experts ont du fait de leur parcours des « biais » intellectuels et il est difficile d’imaginer pouvoir les contrôler).

9Assez peu de travaux empiriques de sciences sociales se sont en revanche penchés sur les conflits d’intérêts dans le domaine sanitaire (Abraham, 2010). Des travaux ont porté en premier lieu sur l’évolution des règles d’encadrement des conflits d’intérêts. Marc Rodwin a adopté une conception large des conflits d’intérêts des médecins (pour inclure toutes les dimensions marchandes de leur activité, qu’elles soient ou non pensées dans la société à travers la catégorie de conflit d’intérêts) et a retracé la constitution d’un marché médical depuis plus d’un siècle aux États-Unis et les politiques visant à en limiter les effets pervers, en les comparant aux politiques françaises et japonaises (Rodwin, 2011). D’autres travaux ont permis de décrire les politiques de déclaration d’intérêts mises en place au sein des agences de régulation des produits alimentaires ou des médicaments (Glode, 2002 ; Hauray, 2006), comme au sein des journaux médicaux (Krimsky et Rothenberg, 2001 ; Krimsky et Sweet, 2009). Cependant ces recherches se sont rarement attachées à rendre compte des processus politiques ou des débats ayant conduit à l’adoption (ou au rejet) de ces règlementations (Parascandola, 2007 ; Hauray, 2018) ou à leur mise en œuvre effective. Sur ce dernier point la thèse de Rachel Hendrick comparant les politiques de régulation des conflits d’intérêts dans les journaux médicaux (Hendrick, 2016) ou le travail de Joel Lexchin et Oria O’Donovan (2010) évaluant les politiques de trois agences européennes font figure d’exception. Ces derniers ont constaté que l’Agence européenne des médicaments considère elle-même qu’un quart des experts inscrits dans sa base de données est à « haut risque » et ont ainsi critiqué la logique de management des conflits d’intérêts de l’Agence, par opposition à une logique d’interdiction promue par ces auteurs. De fait, les politiques de déclaration des conflits d’intérêts ont généralement été critiquées pour leur permissivité et leur efficacité limitée. Des chercheurs en psychologie sociale ont même évoqué un effet pervers du développement des systèmes de déclaration d’intérêts, qui produirait une forme de « moral licensing » (licence morale) : les intérêts étant publiquement déclarés, experts ou scientifiques se sentiraient moins tenus d’en limiter le nombre ou de les mettre à distance dans la définition de leur position (Dana et Loewenstein, 2003). Très peu de travaux se sont intéressés aux répercussions de cette problématisation croissante des conflits d’intérêts au sein du secteur sanitaire. Ce manque est d’autant plus regrettable que, comme Frederic W. Hafferty et Brian Castellani (2011) l’ont bien souligné, cette question est probablement l’un des sujets majeurs au travers duquel la médecine se pense aujourd’hui en tant que profession. Les rares travaux disponibles ont eu tendance, en replaçant la question des conflits d’intérêts dans le vécu et les activités concrètes des acteurs concernés, à en relativiser l’importance. Sarah Wadmann a suggéré que la focalisation sur les problèmes de conflits d’intérêts en ce qui concerne les relations entre industriels et médecins mène à des blame games (jeux d’accusation), qui détournent l’attention des véritables enjeux de ces coopérations, c’est-à-dire la définition des priorités de recherche (Wadmann, 2014). Kathryn Jones a étudié les relations financières entre les industriels et les groupes de patients, la gestion et la perception de celles-ci par les acteurs concernés, et a rejeté l’idée qu’elles pourraient conduire à une capture de la part des intérêts économiques (Jones, 2008).

10Les sciences sociales ont par ailleurs été réticentes à utiliser le conflit d’intérêts comme concept analytique. Sergio Sismondo, qui conduit des recherches sur des phénomènes sociaux couramment inclus dans les réflexions portant sur les conflits d’intérêts – notamment le ghost writing[5] des articles scientifiques et le rôle des « key opinion leaders » (KOL) [6] (Sismondo, 2018) - a par exemple indiqué que : « [le terme de conflit d’intérêts] est bien établi et est celui le plus souvent retenu, mais il est trompeur. Le terme suggère en effet que les chercheurs agissent de manière inappropriée pour promouvoir leurs propres intérêts » (Sismondo, 2008 :1910). On peut comprendre ces réserves. Premièrement, cette notion peut paraître limitée comme mode de caractérisation de relations sociales : elle pointe l’existence d’un lien, mais ne dit pas grand-chose de la nature de l’interaction, des rapports de pouvoirs qu’elle implique ou de son caractère ou non problématique. Deuxièmement, si le conflit d’intérêts est utilisé pour évoquer des situations de nature assez différentes et complexes, le terme les ramène toutes à un mécanisme psychologique apparemment simple, que chacun d’entre nous a expérimenté : la confrontation de deux forces dans la définition d’un comportement. Il véhicule ainsi une conception très individuelle, délimitée et commensurable de l’influence, ce qui permet d’ailleurs de définir des seuils ou des durées quant aux intérêts devant être contrôlés. D’autres concepts, comme l’hégémonie, la capture, la production de l’ignorance (Boullier et al., 2018) ont été ainsi privilégiés dans les sciences sociales pour saisir la dimension structurelle de l’influence. Troisièmement, la promotion de la catégorie de conflit d’intérêts au sein du champ scientifique et sanitaire a été parfois vue comme une tentative de réactivation d’idéaux professionnels d’objectivité et de pureté, correspondant peu à la réalité des pratiques et des normes de ces mondes et à la porosité de leurs frontières avec le monde économique.

11Malgré ces limites, et au-delà de l’usage ou non de la notion elle-même, l’affirmation de cette question du conflit d’intérêts dans l’espace public et dans le monde médical nous semble être de première importance pour les sciences sociales de la santé. Elle pousse à prêter une attention soutenue aux intérêts industriels, avec leurs objectifs spécifiques et leurs ressources uniques, quand les phénomènes étudiés mettent leurs produits en jeu et à ne pas les laisser disparaître derrière les scientifiques, les experts, les médecins ou les patients. Elle invite au contraire à investiguer et à « dénaturaliser » les multiples liens qu’ils ont tissés aux cours des dernières décennies avec les acteurs de la santé et à leur synergie. Par ailleurs, prendre en charge cette question des conflits d’intérêts conduit à s’interroger sur les pratiques et motivations de professionnels de santé et de scientifiques soumis à des injonctions parfois contradictoires (être « indépendants », mais bâtir des partenariats publics-privés) et à l’évolution de leurs ethos. Surtout, du fait de sa place dans le champ sanitaire, le conflit d’intérêts ouvre, comme problématisation spécifique des questions d’influence, des pistes d’analyse particulièrement fécondes. Il est possible tout d’abord d’étudier les usages de cette catégorie (et leurs évolutions) et ce qu’ils créent, c’est-à-dire saisir à la fois les savoirs que cette catégorie permet de produire, les jugements moraux qu’elle véhicule, mais aussi sa place (voire son instrumentalisation) dans les rapports de pouvoir qui caractérisent le secteur. La signification politique, les conséquences, mais aussi les limites des « dispositifs de transparence » mis en place en son nom méritent par ailleurs d’être davantage étudiées. On peut en effet considérer que ces derniers visent à « aménager le milieu » en s’appuyant sur des mécanismes basés sur la définition libre des choix plutôt qu’à « spécifier, déterminer exactement ce qui est défendu, ce qui est permis » (Foucault, 2004 : 47). Dans une perspective historique, cette catégorie offre enfin la possibilité de s’interroger sur la problématisation de phénomènes aujourd’hui saisis par le « conflit d’intérêts » mais qui ne l’étaient pas jusque-là, et de questionner ainsi l’évolution tant des normes que des relations entre acteurs dans le champ sanitaire.

12Les articles ici rassemblés s’efforcent tous d’articuler ces deux principales stratégies pour construire le conflit d’intérêts comme objet de sciences sociales : rendre compte et analyser précisément la nature des liens de dépendance construits entre les acteurs du champ de la santé et les industriels, et penser les dynamiques de problématisation de l’influence en termes de conflits d’intérêts et ses conséquences. Ainsi, Jean-Paul Gaudillière étudie, à partir de documents rendus publics à l’occasion de procès, deux controverses publiques : celle concernant le Distilbène au cours des années 1970 et celle visant les thérapies hormonales de la ménopause dans les années 2000. Cette comparaison lui permet à la fois de mettre en lumière le rôle central des industriels dans l’organisation et la diffusion de la recherche, dans le cadre des transformations du marketing scientifique, et de rendre compte de l’émergence de la catégorie de conflit d’intérêts comme manière de saisir l’influence industrielle. Il discute ainsi la pertinence analytique de cette notion, dont il souligne les limites par rapport notamment à celles de « science non faite » et d’hégémonie. Henri Boullier et Emmanuel Henry visent eux, à partir d’une ethnographie de deux comités d’experts participant au contrôle des produits chimiques, à rendre compte des logiques structurelles de l’emprise des industries, tout particulièrement, les limitations du cadre réglementaire et le mode des productions des risques. Dans ce cadre, ils pointent les effets pervers d’une problématisation en termes de conflits d’intérêts qui, focalisant l’attention sur les échanges financiers directs, la détourne de logiques essentielles de construction et de diffusion de l’influence industrielle. Enfin, dans leur article consacré aux traitements de la maladie d’Alzheimer, Sébastien Dalgalarrondo et Boris Hauray suivent la naissance, l’institutionnalisation et la remise en cause d’une promesse médicale à l’aune de cette question des conflits d’intérêts. Ils soulignent que la mise sur le marché des médicaments anti-Alzheimer, au bénéfice thérapeutique contesté et leur large diffusion ont résulté d’une forte implication d’intérêts économiques dans la recherche médicale et dans la structuration du sous-secteur Alzheimer. Cette forte présence a permis, à la fin des années 2000, aux médecins opposés à ces traitements de se saisir du répertoire des conflits d’intérêts pour les remettre en cause, dans une alliance avec les mouvements critiques de l’influence des laboratoires.

13Liens d’intérêts : L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts en rapport avec cet article.

Bibliographie

Références bibliographiques

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Notes

  • [1]
    Par exemple, récemment la critique de la nomination de l’ancien directeur de la Haute Autorité de Santé (HAS) à la présidence de la Fondation des Entreprises du Médicament, voir Pascale Pascariello, 2019, « L’ancien directeur de la Haute Autorité de santé rejoint l’industrie pharmaceutique », Mediapart, 1er février 2019.
  • [2]
    Ces travaux s’inscrivent dans le programme de recherche MEDICI (2017-2020) « Les conflits d’intérêts dans le domaine du médicament » financé par l’Agence Nationale de la Recherche. Je remercie vivement les relecteurs anonymes, le Comité de rédaction de Sciences Sociales et Santé, et tout particulièrement Patrick Castel et Magali Robelet, pour leurs commentaires et leur précieuse aide dans la préparation de ce numéro.
  • [3]
    La nomination en 1953 par le Président Eisenhower du PDG de General Motors (Charles Erwin Wilson) comme Secrétaire de la Défense, alors que ce ministère est un client essentiel de l’entreprise dont il possède une grande quantité d’actions, constitue un tournant. L’une de ses déclarations lors des auditions de confirmation, qui est simplifiée dans les médias par la formule « what is good for our country is good for General Motors, and vice versa », fait tout particulièrement scandale et il sera finalement contraint de vendre ses actions.
  • [4]
    Par exemple en 2004 est publié un extrait d’un mémo interne de l’industriel produisant la paroxetine concernant la préparation d’un rapport sur les résultats de deux essais conduits sur son utilisation dans le traitement de la dépression chez l’adolescent. Alors qu’il constate que ces essais ne sont pas parvenus à montrer un avantage de cette molécule par rapport au placebo, il indique : « il serait commercialement inacceptable d’inclure une déclaration selon laquelle l’efficacité n’a pas été démontrée car cela ébranlerait le profil de la paroxetine » (Rennie, 2004).
  • [5]
    La pratique du ghost writing consiste à faire publier sous le nom d’un expert reconnu un article rédigé en sous-main par les équipes des laboratoires pharmaceutiques.
  • [6]
    Des médecins reconnus dans un domaine clinique et mobilisés par l’industrie pour leur capacité à influencer leurs pairs.
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