Notes
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[1]
En l’absence, au moment du déroulement de notre enquête, d’autorité éthique compétente, l’autorisation pour mener cette recherche a été obtenue auprès des directeurs des deux établissements. Des pseudonymes sont utilisés pour les personnes observées ou interviewées.
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[2]
Le Larousse (2004 : 645) prend ce terme de mercenaire comme un adjectif désignant quelqu’un « qui ne travaille que pour un salaire ; qui est inspiré par le profit ». Au Sénégal, ce terme s’applique, entre autres, aux footballeurs recrutés lors des compétions appelées naweetaan par les associations de quartier.
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[3]
Cet aspect de l’accompagnement se distingue du rôle plus restreint de l’accompagnant familial décrit pour des malades chroniques dans les pays riches (Mougel-Cojocaru, 2007 ; Rossi, 2009).
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[4]
Le dépouillement de 200 fiches médicales d’admissions des deux sites a permis de constater la fréquence avec laquelle les notes des psychiatres mentionnent la violence ou l’agression. Elles mettent en lumière l’agressivité physique envers les proches ou des objets, la poursuite et les attouchements des femmes, entre autres. Des observations ont permis de confirmer les hospitalisations en cas de violence ou agitation, mais aussi le refus d’hospitaliser un tel malade malgré le souhait de la famille.
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[5]
Il arrive qu’un mercenaire soit appelé à se rendre au domicile d’un malade qu’il connaît pour le persuader de se faire hospitaliser, là où la famille n’y arrive pas.
« Je suis l’œil, la bouche, les pieds du malade. Il existe un moment au cours duquel il ne peut rien faire surtout quand les médicaments font leurs effets. Ainsi, je suis obligé de tout faire pour lui. Très tôt le matin, je le lave dans la chambre, nettoie le sol avant que la dame de ménage n’arrive et l’habille de sorte que si ses parents arrivent ils ne voient aucun manquement. S’il faut le coucher comme un bébé je le fais. Pour son alimentation, je lui prépare le petit-déjeuner le plus souvent. Je n’attends rien de la famille une fois que le patient est entre mes mains. C’est moi qui lui donne ses comprimés. Ici rien ne se fait sans nous. »
2Cet article s’intéresse à une figure particulière des services d’hospitalisation psychiatrique au Sénégal : l’accompagnant rémunéré, dit « mercenaire » dans le langage du personnel, des malades et de leurs familles. Depuis l’établissement du premier centre d’hospitalisation psychiatrique sénégalais, l’accompagnement, entendu comme la réponse aux besoins de base du patient, tels l’hygiène, la nourriture ou encore le confort, fut longtemps assuré par la famille du malade, selon les valeurs locales de solidarité familiale. Pourtant, depuis deux décennies, cet accompagnant familial se voit remplacé par l’accompagnant rémunéré.
3À partir d’une perspective constructiviste de la sociologie de la division sociale du travail hospitalier, cet article analyse ce remplacement partiel, en lien avec la transformation des modèles d’action thérapeutiques et organisationnels, dans un contexte socio-économique global ayant un double impact : sur les services psychiatriques et sur la mobilisation des familles. Il retrace les mutations du rôle de l’accompagnant, tel qu’il a été conceptualisé historiquement dans une psychiatrie innovante développée au Sénégal dès les années 1960, et tel qu’il est pris, aujourd’hui, par la triple caractéristique thérapeutique (cure), de care, et sécuritaire, de l’hospitalisation psychiatrique contemporaine. Enfin, l’article soulève la question de la place du mercenaire dans l’organisation hospitalière, d’une part, et du travail précaire en milieu médical et socio-médical sénégalais, d’autre part.
4L’article est divisé en cinq grandes parties. La première partie présente la méthodologie et la typologie des accompagnants dans les services d’hospitalisation psychiatrique sénégalais. La deuxième partie analyse la spécificité de la notion d’accompagnant par rapport à un ensemble d’idéologies, d’acteurs et de pratiques particulier, connu sous le nom de l’Ecole de Fann. Les origines et l’évolution de l’accompagnement sont tracées à partir de la fondation de la psychiatrie au Sénégal dans les années 1950 jusqu’à nos jours. La troisième partie étaye la question de la place informelle du mercenaire dans les services hospitaliers psychiatriques, en examinant les interactions de cet acteur-là avec les autres acteurs du milieu. Elle montre l’imbrication de cinq domaines d’activités et en particulier des tâches du « sale boulot » déléguées au mercenaire. La quatrième partie interroge la place du mercenaire relative à la réglementation hospitalière et le contexte de pénurie de ressources. Enfin, l’article conclut que les activités de l’accompagnant mercenaire participent aux fonctions classiques de l’institution psychiatrique (Goffman, 1968), tout en s’inscrivant en dehors des hiérarchies professionnelles de la psychiatrie au Sénégal. À la différence des métiers subalternes socio-médicaux se professionnalisant dans les pays riches (Arborio, 2012), le mercenaire se trouve ainsi à occuper un métier informel lié à la « débrouille » répandue des familles - et de l’hôpital - face à la pénurie des ressources médicales et sociales d’un pays à bas revenu.
Déroulement de l’enquête et typologie de l’accompagnant
Méthodologie et terrain
5Notre méthodologie a privilégié une présence continuelle sur les lieux de l’action quotidienne de l’hôpital et une attention fine à l’enchaînement des interactions entre les différents acteurs et à la signification qu’ils donnent aux actions d’autrui. Pour saisir le quotidien de l’hôpital, nous avions choisi, comme Peneff aux urgences (Peneff, 1992), d’entrer par le bas de l’organisation. Notre enquête exploratoire ayant révélé la présence continue dans ce milieu psychiatrique du mercenaire, vis-à-vis d’autres catégories du personnel, nous avons resserré notre enquête autour de cet acteur.
6L’étude de terrain a été menée entre 2009 et 2014 dans deux lieux : le Centre hospitalier national universitaire (CHNU) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, situé dans le quartier de Fann et dit « Fann » ; le Centre hospitalier national psychiatrique de Thiaroye (CHNPT), situé dans une banlieue de Dakar et dit « Thiaroye ». [1] Ces deux sites constituent les plus grandes structures publiques psychiatriques du Sénégal. Dans le reste du pays, aucun hôpital public ne dispose de division psychiatrique (Tine, 2015). Fann comprend un pavillon de consultations ambulatoires et un pavillon d’hospitalisation. Ce dernier est composé de quatre divisions ayant une capacité d’accueil officielle de quarante lits. Thiaroye comprend cinq divisions dont une pour enfants. Dans les divisions pour adultes, dix chambres fermées de l’extérieur (appelées « cellules » par le personnel) sont destinées à l’internement sans consentement. Le personnel hospitalier des deux structures inclut des psychiatres, des infirmiers, des travailleurs sociaux, des agents de nettoyage, un psychologue (à Fann) et des aides-infirmiers (à Thiaroye). En outre, l’équivalent de deux à trois mercenaires sont présents en permanence dans chaque division. La plupart sont des hommes célibataires. En général, ils ont une ancienneté importante, pouvant aller jusqu’à dix ans.
7Nous avons mobilisé l’observation participante et des entretiens semi-directifs et informels, la plupart en wolof, ainsi que le dépouillement de dossiers médicaux. Les observations concernent en particulier dix mercenaires (huit hommes, deux femmes), qui avaient entre 25 et 55 ans dont l’accompagnement rémunéré est l’activité économique principale. Ces dix personnes, sélectionnées de façon à garantir une hétérogénéité dans les caractéristiques, ont toutes accepté de répondre aux entretiens formels et informels réalisés tout au long de notre enquête.
8Notre démarche ethnographique s’est appuyée sur la proximité sociale que nous avons pu développer avec ces acteurs grâce à une présence assidue près d’eux. Ils considéraient notre intérêt pour leur travail comme une valorisation de leur présence dans l’hôpital. De ce fait, ils ont été réceptifs à notre égard. Ce n’était pas le cas des membres du personnel, qui ne comprenaient pas toujours bien les centres d’intérêt d’un socio-anthropologue, qui observait la restauration des malades, la lingerie, les cabines d’hospitalisation et posait des questions sur le nom des médicaments ou la durée de séjour des patients. L’acceptation des mercenaires nous a permis d’accéder à leurs espaces d’interactions avec les malades, facilitant ensuite notre familiarisation avec ceux-ci et leurs proches, et nous donnant accès à d’autres cadres.
9Toutefois, notre dispositif d’enquête favorise légèrement l’observation des mercenaires hommes par rapport aux mercenaires femmes. Un mercenaire suit des malades du même sexe que lui. Une partie de son activité se déroule dans sa cabine et dans les chambres des malades. Cette partie implique des niveaux d’intimité auxquels, en tant qu’homme et pour des raisons d’ordre moral local, nous choisissions de ne pas assister quand il s’agissait de malades (et donc de mercenaires) femmes. Toutefois, selon nos observations, le travail de care est exécuté aussi par les hommes tout comme le travail sécuritaire est également effectué par les femmes.
10L’observation des mercenaires nous a permis d’analyser la place de la dimension dégradante de l’exécution de certaines tâches – le « sale boulot » - dans l’organisation des services hospitaliers. Nous avons examiné, en particulier, la charge de l’accomplissement d’un faisceau de tâches déléguées vers le bas (Hughes, 1996 ; Peneff, 1992 ; Arborio, 2012). En conséquence, l’implication de cette dimension dégradante dans la hiérarchie des rôles et du travail constitue un prisme essentiel de notre analyse. Cette dimension est une composante significative du travail de care nécessaire au maintien des organisations notamment médicales. Mais elle caractérise aussi les aspects pas toujours visibles du milieu psychiatrique, présentés ci-dessous.
Typologie de l’accompagnant du malade en milieu psychiatrique sénégalais
11Dans l’hôpital psychiatrique sénégalais, l’importance de l’accompagnement est attestée par le fait que l’hospitalisation est refusée au malade sans un accompagnant (sauf en cas d’internement sans consentement), et que les patients eux-mêmes sont souvent conscients de cet accord implicite. L’activité de suivi assurée par l’accompagnant concerne au minimum l’hygiène du malade, son alimentation, le contrôle de son observance au médicament, et son bien-être pendant l’hospitalisation. Elle peut aussi comprendre des actions pour prévenir les fugues. Enfin, l’activité d’accompagnement peut cesser ou se prolonger en fonction du type d’accompagnant présent.
12Trois types d’accompagnant ont pu être observés sur les deux sites étudiés, bien que les origines de chacun se situent à un moment différent dans l’histoire de la psychiatrie contemporaine du Sénégal. Le premier, l’accompagnant familial est une personne issue de la famille proche ou élargie : tante, oncle, grand frère, cousin(e). Les caractéristiques de cet accompagnant varient d’une famille à l’autre selon le sexe, l’âge et la place dans la structure de parenté. L’accompagnement familial peut se prolonger au-delà de l’hôpital, jusqu’à l’espace domestique, ou s’appliquer à d’autres types de traitement.
13Ensuite, l’accompagnant négocié (Gbikpi, 1978) est en principe un proche du malade ou de sa famille (un ami, un voisin, une connaissance) que la famille fait passer devant le personnel hospitalier pour un de ses membres. Il dispose généralement de liens privilégiés avec le malade. La négociation sous-entendue est celle menée entre la famille et l’accompagnant quant à sa rémunération et aux tâches à accomplir. L’activité de ce type d’accompagnement ressemble à celle de l’accompagnant familial, avec cependant des limites d’autorité sur le patient. Par exemple, si cette activité se poursuit après l’hospitalisation, ce qui est souvent le cas, elle peut être arrêtée (c’est aussi le sens de sa négociation) par la famille à tout moment.
14Enfin la désignation émique d’accompagnant mercenaire, dit aussi simplement mercenaire [2], se réfère à un accompagnant rémunéré, sollicité par des familles qui, pour diverses raisons (travail, obligations familiales, difficulté à gérer le malade), ne peuvent pas suivre leur malade lors de l’hospitalisation. Plusieurs caractéristiques distinguent le mercenaire des autres types d’accompagnant : il est rémunéré pour ses activités ; il peut suivre plusieurs malades en même temps, au quotidien ; habituellement, son activité cesse à la fin de l’hospitalisation de ses patients, bien qu’il puisse ensuite être appelé à travailler avec un autre malade. Enfin, contrairement à l’accompagnant négocié, il n’a aucun lien ni de parenté ni de connaissance avec le malade qu’il accompagne et sa famille.
15À la différence de certains auteurs (Gbikpi et Auguin, 1978 ; Kilroy-Marac, 2014), nous n’avons pas rencontré de mercenaire ayant eu un rapport préalable avec la maladie mentale, que ce soit dans le cadre professionnel ou la sphère domestique. Ceci n’est de toute façon pas exigé par la direction des services psychiatriques pour accéder à ce rôle. De même, d’après nos conversations et entretiens informels, aucun mercenaire n’avait souffert personnellement d’une maladie mentale.
16Nous distinguons au sein de la catégorie de mercenaires deux sous-types. L’accompagnant mercenaire fixe bénéficie soit d’un contrat avec l’administration hospitalière (à Fann seulement) soit d’un autre signe de reconnaissance de son statut permanent (à Fann et à Thiaroye). Par exemple, il reste toujours à l’hôpital et dispose de son propre « quartier » dans une division, habituellement une cabine d’hospitalisation, qu’il lui arrive de partager avec d’autres accompagnants mercenaires fixes. Quand il n’a pas de malade à sa charge, il dort dans cette cabine, où il garde aussi ses affaires, mais il lui arrive de dormir dans la chambre du malade en cas de besoin. Certains mercenaires fixes disposent d’un contrat avec l’hôpital de Fann et sont considérés par l’administration comme étant « recrutés », mais en tant que « commis de mission », de « courriers », de « sécurisation du personnel », ou encore de « recherche des malades fugueurs » ; le terme d’accompagnant n’apparaît pas sur leur contrat. En principe, les accompagnants recrutés sont les mercenaires ayant le plus d’ancienneté dans la structure psychiatrique. Ce statut d’agent recruté ne les empêche pas d’avoir, dans le même temps, des contrats payants informels (accords verbaux) avec des familles. L’informalité se voit aussi dans le fait que ce n’est pas l’institution qui met un mercenaire recruté à la disposition des familles pour accompagner leurs malades, mais les familles qui le sollicitent.
17Deuxième type d’accompagnant rémunéré, le mercenaire non-fixe – une catégorie moins nombreuse que celle des fixes – peut rentrer chez lui à la fin de l’admission et l’installation à l’hôpital d’un malade. Le personnel hospitalier et les autres mercenaires gardent son numéro de téléphone, ce qui lui permet d’être sollicité pour une nouvelle mission d’accompagnement à la demande de familles de malade. Néanmoins, à Thiaroye (et non à Fann), le mercenaire (fixe et non-fixe) peut être sollicité par l’hôpital pour s’occuper gratuitement des malades internés qui arrivent sans famille. Dans ce cas de figure, il est chargé de laver et de raser les internés à leur arrivée, de leur donner les médicaments et, en cas de besoin, de les surveiller lors de leur entretien avec les psychiatres. La justification donnée par les mercenaires pour l’acceptation de ces tâches gratuites est l’espoir que le psychiatre auquel ils rendent ce ou ces services se montre bienveillant en retour, en facilitant leur rémunération dans le cas d’un futur suivi de malade. Par exemple, un psychiatre peut bloquer la sortie d’un malade sur demande d’un mercenaire qui n’a pas été rémunéré intégralement par la famille du patient.
18L’accompagnant mercenaire se substitue donc aux proches pour suivre leur patient hospitalisé en accomplissant les mêmes tâches que celles qu’ils auraient assurées, ce qui est bien illustré par le mercenaire, dans la citation mise en exergue en début d’article, quand il insiste : « Je n’attends rien de la famille une fois que le patient est entre mes mains. C’est moi qui lui donne ses comprimés ». L’intimité et la proximité avec le malade sont telles que le mercenaire – près de son corps jusqu’à dormir dans sa chambre, s’occuper de sa toilette et nettoyer ses excréments – devient, en quelque sorte, son extension : « l’œil, la bouche, les pieds du malade ». Ces métaphores suggèrent l’identification de l’accompagnant avec le malade. Que le mercenaire se voie aussi confier des tâches nécessaires au fonctionnement même de l’hôpital se sent dans la phrase, « Ici, rien ne se fait sans nous ». Cependant, il importe de mettre aussi en exergue les contours des mutations qui ont engendré cette figure dans le monde psychiatrique sénégalais mais qui n’excluent pas définitivement l’accompagnant familial.
L’évolution vers l’accompagnant rémunéré
19La figure de l’accompagnant en Afrique ne se limite pas au cadre psychiatrique ; elle a été remarquée dans plusieurs types de services hospitaliers, qu’il s’agisse de la prise en charge du VIH/Sida (Gruénais et Ouattara, 2008), de la pneumologie (Koffi et al. 2003 ; Compaoré, 2011) ou de l’oncologie (Livingston, 2012).
20Comme pour les autres services hospitaliers sénégalais, le manque de moyens a toujours requis l’implication de la famille dans le séjour hospitalier (Koundoul, 2015). D’ailleurs, dans le cas de l’hospitalisation psychiatrique, le personnel considérait souvent la solidarité familiale traditionnelle comme acquise (Diop et Dorès, 1976). Cependant, l’accompagnement du malade en milieu psychiatrique résulte d’un processus historique bien précis. L’accompagnement en secteur psychiatrique sénégalais a été conceptualisé par l’Ecole de Fann (ou École de Dakar), influencée par l’ethnopsychiatrie et qui trouva son essor entre 1968 et 1978. Il s’agissait d’impliquer la famille dans la gestion thérapeutique du malade, au lieu de limiter ses actions à la réponse aux besoins de base. Nous présenterons cette notion particulière de l’accompagnant familial, et ensuite le glissement dans les pratiques vers un accompagnement réalisé par des personnes sans aucun lien de parenté avec le malade, et enfin vers un accompagnement rémunéré.
21L’École de Fann se réfère à un ensemble de pratiques, d’idéologies, d’orientations et d’acteurs développé sous l’égide du médecin militaire français Henri Collomb (1913–1978), fondateur de la neuropsychiatrie au Sénégal. Collomb s’était toujours intéressé aux médecines traditionnelles (Arnaut, 2006) et considérait le modèle hospitalier hérité de l’Occident si peu adapté au cadre local qu’il créait le dépaysement et l’isolement du malade.
22Collomb a ainsi développé des dispositifs innovants basés sur l’organisation communautaire de la société d’origine du malade. Ces aménagements s’appuyaient sur les études et sur la collaboration d’une équipe pluridisciplinaire (anthropologues, sociologues, psychologues, psychanalystes, psychiatres, entre autres) et intégraient des rites de guérison locales ainsi que le pénc, une réunion générale basée sur le modèle du palabre villageois. Adapté à la discussion des problèmes des malades, le pénc réunissait le personnel hospitalier, les malades, leurs familles, des chefs de village et des guérisseurs.
23C’est dans ce cadre que la pratique d’accompagnement du malade fut introduite à Fann (Collignon, 2001). Collomb était au courant d’un dispositif similaire présent au Nigeria depuis 1954. Tel qu’adapté par Collomb, l’accompagnement obéissait à une volonté d’humanisation du cadre hospitalier par l’intégration de l’entourage du patient dans ce milieu (Collignon, 2001). Il devait permettre de lutter contre l’isolement du malade en octroyant à l’accompagnant le rôle de relier la famille du patient à l’équipe soignante, même après l’hospitalisation. En clair, ce dispositif visait à replacer la famille – réfractaire à l’isolement du malade – dans les processus de soins (Guèye, 2009), à un moment où, dans certains pays pauvres, les familles tendaient à se désolidariser face aux catégories stigmatisées tels les malades mentaux et les lépreux (Collignon, 2001). Toutefois, au Sénégal, l’assistance à l’hôpital donnée par la famille d’un « fou » pouvait être inacceptable pour l’institution (Gbikpi et Auguin, 1978).
24Deux psychiatres ayant travaillé à Fann ont apporté une description analytique de l’accompagnant à cette époque-là (Diop et Dorès, 1976). La personne dans l’entourage direct du patient, disposée à l’accompagnement au cours de l’hospitalisation mais aussi par la suite, devait être quelqu’un ayant « autorité sur le malade » et sur qui l’équipe soignante pouvait s’appuyer. Cette autorité procurait un pouvoir sur le malade grâce au « principe de séniorité » (par exemple de mère par rapport au fils, d’oncle par rapport au neveu) ; il devait assurer, par la persuasion, que le malade accepte ses traitements. Selon les auteurs, l’institution préférait que l’accompagnant soit une femme, et ceci pour de nombreuses raisons : la présence féminine dans l’hôpital apporterait plus d’hygiène, de gaieté et de vie ; une femme semblait mieux supporter son rôle dans ce milieu, car, habituée à rester à la maison, elle aurait « une attitude plus naturelle ». Pourtant, cette vision essentialiste ignorait le fait que beaucoup de femmes sénégalaises, loin d’être au foyer, travaillaient aux champs, dans l’administration ou le commerce.
25L’accompagnant familial offrait au malade un soutien psychologique continu. Il devait permettre une surveillance de la prescription et de l’évolution du malade, de ses « réactions au traitement » et les « modifications de son humeur ». Enfin – et c’est une spécificité du contexte psychiatrique – la présence d’un « non-fou » dans un lieu de soins de la maladie mentale devait introduire un équilibre entre la folie et la normalité. [3]
26Le départ de Henri Collomb en 1978 marqua un changement dans les pratiques thérapeutiques à Fann. Dès les années 1970, des premières critiques avaient déjà été émises à l’encontre de l’École de Fann et de ses initiatives (Storper-Perez, 1974). Suite aux Indépendances, une nouvelle génération de praticiens sénégalais remit en cause la pertinence de la perspective culturaliste et des modèles ethno-psychiatriques développées sous Collomb (Mbodji, 1997). L’aménagement du rôle de l’accompagnant en réaction à ces critiques fut renforcé, dès les années 1980, par des « effets imprévus » de la diminution des ressources : la réduction de la capacité d’accueil de malades, la délégation aux para-professionnels de tâches incombant à l’équipe soignante, l’exposition de l’accompagnant à l’agressivité du malade, l’appréciation de la place et de la position de l’accompagnant en lien avec le patient (Gbikpi, 1978).
27Cet éloignement du modèle d’origine du dispositif d’accompagnement correspond aussi au contexte de crise économique accéléré par les conséquences des Programmes d’ajustement structurels (PAS). Ces derniers ont été imposés par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International aux pays du « Sud » ayant bénéficié des emprunts et d’autres formes d’assistance dans le cadre des politiques de développement international. Ils n’ont épargné ni les systèmes de soins des pays africains en général (Langwick et al., 2012) ni l’hôpital sénégalais en particulier, touché par la réduction du nombre de lits, de médecins et d’infirmiers (Diouf, 1992) et des moyens de travail en milieu psychiatrique. Concrètement, un psychiatre a été amené à effectuer à lui seul le travail de trois psychiatres du fait du non-renouvellement des départs à la retraite (Kilroy-Marac, 2014).
28Du côté des familles, les effets des PAS – baisse des salaires, augmentation du chômage, fin de l’assurance-maladie universelle – ont fragilisé le maintien des solidarités traditionnelles. Certains chercheurs évoquent même l’effritement des liens de parenté et des solidarités (Diouf et Fredericks, 2014).
29La conjonction de ces deux conditions – la diminution des ressources de l’hôpital et la non-disponibilité de la famille – a entraîné l’évolution du dispositif d’accompagnement vers quelqu’un d’extérieur à la famille. L’investissement moral de la famille en direction des malades a cédé la place à une pratique selon laquelle la valeur de la gratuité est remplacée par la valeur marchande de la rémunération. Dorénavant la famille fixe un prix à la gestion du malade dont elle n’a plus la possibilité de s’occuper.
30Le transfert de l’activité de suivi de la famille à l’accompagnant rémunéré nécessite néanmoins une réflexion sur ses caractéristiques et son statut dans un milieu professionnel régi par des normes. Quelle est sa place et quelle est sa relation aux transformations de l’hospitalisation psychiatrique sénégalaise ? Dans la partie qui suit, nous présentons les cinq domaines d’activité du mercenaire.
Les activités du mercenaire : chevauchement des domaines et « sale boulot »
31Pour étudier cette question, nous nous tournons vers deux perspectives sociologiques : l’organisation sociale comme construction du travail et l’émergence du travail subalterne. La perspective interactionniste, selon laquelle le travail est en construction continue (Strauss 1992 ; Becker, 2006), nous permet de saisir à travers l’observation comment le mercenaire s’insère dans l’organisation hospitalière et en quoi il peut être désigné comme travailleur subalterne. Strauss a montré que le travail hospitalier se réalise à travers un processus « d’ordre négocié » marqué par des arrangements, des accords, des négociations, et impliquant aussi bien les malades que les soignants. C’est par l’exécution du « sale boulot », souvent invisible, informel, non spécialisé et dont dépend pourtant le fonctionnement de l’hôpital, que des travailleurs subalternes, comme les aides-soignants ou les brancardiers et – selon notre hypothèse – les mercenaires, participent à cet ordre (Arborio, 2012 ; Peneff, 1992).
32Le rôle de l’accompagnant mercenaire se rapproche de celui des aides-soignantes en France (Arborio, 2012), au sens où il s’agit dans les deux cas d’activités de faible technicité mais nécessaires aussi bien pour l’exécution du travail du personnel spécialisé que pour le bien-être et l’hygiène des patients. Même si les contextes et les structurations des deux cas sont différents, leurs « tâches déléguées », peu « prestigieuses » (Arborio, 2012 : 119) valorisent leur place dans l’hôpital. Toutefois, le mercenaire, contrairement à l’aide-soignant ou au brancardier, a une influence sur les malades de par sa familiarité avec eux et son pouvoir de contrainte que les autres professionnels ne pourraient avoir. Ce constat découle de l’observation de cinq domaines d’activité du mercenaire : l’ordre sécuritaire ; l’ordre médical ; le care ;l’organisation de la prise de parole du malade ; la médiation et le relais.
Activité sécuritaire
33L’activité sécuritaire – contrôler le malade, physiquement ou par des menaces et autres expressions verbales autoritaires, au nom de la protection de lui-même ou des autres – prend une place importante parmi les tâches assignées au mercenaire. Le Sénégal n’ayant pratiquement pas de dispositifs de santé mentale ambulatoires, l’hôpital y est le modèle dominant d’assistance psychiatrique (Diagne, 2016). Selon notre analyse des fiches médicales et nos entretiens avec des malades, des internes et des psychiatres, le motif principal d’hospitalisation à Fann comme à Thiaroye se fait au moment où la famille n’arrive plus à gérer le malade, a peur de lui ou est confrontée à des actes de violence physique ou verbale ou des menaces de sa part [4]. Face à la perception du malade comme étant violent, c’est particulièrement au seuil de l’hospitalisation, quand le malade arrive dans un état d’agitation, devient agité ou résiste à son admission, qu’il pose un problème désigné par le personnel psychiatrique en termes de sécurité. Pendant l’hospitalisation, cette épreuve s’étend au risque de fugue. Les vigiles des deux sites ne sont chargés que de surveiller les entrées principales de l’hôpital et, à Fann, parfois le service psychiatrique même. Certes, ils peuvent veiller à ce qu’un malade ne s’échappe pas. Mais ils ne s’immiscent pas dans les divisions et n’ont pas de prérogatives de surveillance et de contrôle des malades. Ainsi, les infirmiers exigent de plus en plus des accompagnants mercenaires un appui dans la maîtrise des malades violents. En effet, le corps infirmier des deux sites est majoritairement composé de femmes (deux ou trois infirmières pour un infirmier par division). De même, avec le roulement journalier du personnel, une division peut se retrouver avec un effectif composé uniquement de femmes qui peuvent, pour des raisons de constitution physique pas assez forte et donc de peur, être incapables de contenir un malade, à la différence des mercenaires femmes, plus costaudes. Même un infirmier se trouvant seul face à un malade agité fera en général appel au mercenaire.
34La perception du patient comme dangereux est alors renforcée par l’expérience du mercenaire lui-même. Un mercenaire nous a fait état de certains malades qui pouvaient être agités jusqu’à présenter des risques corporels voire mortels :
35« Si le malade est trop agité, ta vie peut même être en danger. Tu vois mes cicatrices ? Elles sont le fait des patients. Un patient agité peut te mordre, te griffer, ou te frapper avec des objets dangereux. En retour, tu ne peux pas riposter et le blesser, tu peux être poursuivi en justice. C’est un travail très risqué. »
36Cependant, des différences d’ordre structurel dans les problèmes sécuritaires et donc dans les tâches des accompagnants mercenaires existent entre Fann et Thiaroye. À Fann, où sont admis les malades en hospitalisation volontaire, l’accompagnant mercenaire peut seconder officieusement l’infirmière de garde la nuit lors de l’administration des médicaments aux malades accompagnés par leurs proches et susceptibles de manifester de la violence. Il peut également être appelé en renfort lors de la réception d’un nouveau malade réfractaire à son hospitalisation pour aider à le maîtriser. Thiaroye, en revanche, reçoit des malades en placement non-volontaire qui sont admis sur décision des autorités judiciaires ou administratives. Les dix cellules prévues pour l’internement des malades sont insuffisantes par rapport au nombre de malades admis. En conséquence, une partie des malades internés pour des raisons de dangerosité sont mélangés avec la population de malades volontaires. Dès lors, les accompagnants mercenaires peuvent être appelés à sécuriser le personnel dans le contact avec ces malades internés lors de la consultation ou de la prescription médicamenteuse.
37L’activité sécuritaire a été jusqu’ici présentée du point de vue du personnel. Du point de vue des patients, cette même activité peut aussi s’avérer être une forme de violence du mercenaire envers le malade. Si elle est souvent verbale, cette violence peut être physique lorsque le mercenaire contraint physiquement le malade pour la prise de ses médicaments ou le ligote dans une cellule en réponse à une agitation extrême. Elle peut aussi se matérialiser par des signes menaçants : le mercenaire peut par exemple mettre en évidence un bâton en donnant un ordre à un malade.
Activité médicale
38Nous avons vu que les accompagnants mercenaires fixes logent dans des chambres d’hospitalisation réaménagées. Lors de nos premières fréquentations des chambres de deux mercenaires à Fann, nous avons constaté la présence de médicaments, cequi a suscité notre interpellation d’un interne de division qui, laconique dans sa réponse, a soutenu : « Nous faisons appel aux accompagnants pour les malades qui refusent de prendre leurs médicaments. »
39Cette brève réponse nous a poussés à interroger à ce sujet directement les deux mercenaires de la division. La première nous a expliqué :
« Je donne ou garde les médicaments des malades, car les médecins qui sont de garde la nuit sont le plus souvent occupés. Dès lors, ils nous indiquent les posologies, les façons d’administrer les médicaments aux patients. En plus, les médicaments ne sont pas difficiles à donner : des gouttes et des comprimés. Certains malades oublient ou refusent de prendre leurs médicaments. On est obligé d’intervenir même pour des malades dont nous ne sommes pas les accompagnants. Toutes ces raisons font que nous gardons les médicaments. »
41Une autre est allée beaucoup plus loin en affirmant :
« À part les piqûres qui sont faites par les infirmiers, c’est moi qui donne les comprimés à mes malades. Les comprimés me sont remis et j’accomplis les prises matin et soir. »
43Il se met alors en place un processus de légitimation officieuse auquel participent pleinement les psychiatres puisque, dans ce cadre précis, le mercenaire accomplit des tâches non autorisées par les codes professionnels. À l’instar des observations de la médecine des urgences (Peneff, 1992), ces acteurs sont comme les urgentistes et les ambulanciers dans des situations où les contingences, l’inattendu ne leur permettent pas de se conformer aux pratiques légitimées par les codes et les manuels de profession médicale ou d’infirmerie. Ces accompagnants s’immiscent donc dans le champ thérapeutique appartenant aux médecins mais aussi aux infirmiers. À l’instar de l’étude des aides-soignantes (Arborio, 2012), ils sont dans une participation assez invisible mais active aux soins.
Activité de care
44L’activité de soin des accompagnants est davantage orientée vers l’exécution d’actes centrés sur le bien-être et l’hygiène des malades. Cette dynamique précise, orientée vers le « prendre soin » ou « s’occuper » de l’autre, les enserre globalement dans la « sollicitude » du care (Calvez, 2010). Cette activité ne relève pas de l’expertise médicale mais d’une prise en charge des besoins quotidiens du malade. Mieux – et nous le voyons déjà dans l’épigraphe de l’article – les mercenaires sont dans l’accomplissement du « sale boulot » (Hughes, 1996), notamment dans l’administration des soins aux patients les plus éprouvants, dans la gestion de leur hygiène corporelle quotidienne et même dans le ménage de leur chambre avant l’arrivée du personnel de nettoyage. À Thiaroye, ils se chargent gratuitement de raser et de laver les malades mentaux internés sans attaches ou délaissés par leur entourage. Dans certaines situations, ils peuvent paradoxalement prendre soin de façon coercitive, en utilisant la violence physique. La contention de l’agitation physique de ces cas les pousse à utiliser la force en les ligotant parfois jusqu’à ce qu’ils retrouvent un état apaisé.
45Enfin, le care installe une sorte de rituel auquel la presque totalité des malades participe quand ils dépassent le cadre de l’agitation extrême. Ainsi à Fann, le petit-déjeuner est organisé informellementdans la chambre du mercenaire siégeant dans la division. Cet espace offre un cadre déterminant de son rôle dans la division. Il détient dans sa chambre un outil capital, à savoir une bonbonne de gaz et tout un arsenal d’ustensiles de cuisine. L’organisation du petit-déjeuner fait montre d’un cérémonial apprécié par les malades. De plus, il « socialise » le malade en lui concédant de participer à une forme de sociabilité. Ce temps du petit-déjeuner est un moment d’échanges, de convivialité dans l’institution psychiatrique mettant en contact les malades, les accompagnants proches et ceux rémunérés. Ces instants privilégiés ne se passent pas en présence du reste du personnel, qui arrive bien après. Centraux dans la vie quotidienne du patient, ils restent en marge de l’exercice des spécialistes.
46Les accompagnants mercenaires justifient leur vocation de prendre soin des malades mentaux par une forme d’éthique de la solidarité (Saillant, 2007), comme l’indiquent les propos de cet accompagnant rémunéré à Thiaroye :
« Je considère qu’il ne faut pas abuser de la détresse des personnes qui amènent leurs malades ici. Car devant la lourdeur de la maladie, ils ne peuvent se soumettre à toutes les obligations financières. Ce qui n’est pas normal. Il y a une dimension humaine dans ce que nous faisons, mais aussi nous sommes des croyants. »
48Des affinités quotidiennes s’installent alors entre eux et l’ensemble des patients admis dans les divisions. Ces rapports sont favorisés par nombre de situations, qui recoupent une activité de médiation ou de relais d’information.
Activité de facilitation de la parole du malade
49Le mercenaire participe à l’organisation du pénc, une réunion où la présence active du malade est privilégiée, au moins dans l’idéal. Le mercenaire fait partie du planning de fonctionnement même si les fréquences et les formes de ce rassemblement diffèrent d’une division à une autre. Dans sa conception originale, sous la direction de Collomb, le pénc est un moment thérapeutique pour le malade mais aussi pour son entourage. L’historien René Collignon le résume ainsi :
« [Le pénc] (…) relève le rôle cathartique qui favorise, l’effet sécurisant qu’il assure par le calme que conserve le groupe devant l’agitation, et le cadre structurant qu’il propose dans un espace-temps défini. À travers le constat de l’évolution des autres malades, le patient et sa famille perçoivent mieux les possibilités de changement, d’amélioration et de guérison (…). » (Collignon, 2001 : 8)
51Souvent, la présence du mercenaire s’avère être un élément décisif de sa dynamisation. Il se charge d’annoncer le pénc et de rassembler les malades, sur ordre du psychiatre ou de l’interne responsable de division. Lors de sa tenue, il peut organiser la prise de parole des malades participants voire l’ordre des thèmes abordés. Cette situation se traduit par le fait que les malades suivis par un mercenaire assistent obligatoirement au pénc, par persuasion ou par contrainte, et sont incités à prendre la parole, alors que d’autres malades peuvent délibérément s’abstenir d’y assister ou de parler.
Activité de médiation et de relais
52Le mercenaire agit comme intermédiaire entre les malades qu’il ne suit pas et leurs accompagnants, comme l’illustrent les échanges suivants, que nous avons observés entre des mercenaires (Mbaye et Rama), des patients (Moussa, Abou et Leyti) et une mère (Mère Ndèye, accompagnante de Leyti).
Mbaye : « Moussa, pourquoi tu n’obéis pas à ta mère ? Elle te demande de ne pas trop fumer, et tu la grondes. Elle sacrifie tout son temps pour rester à tes côtés à l’hôpital. Il faut lui obéir. »
54Il faut noter que Moussa est un malade accompagné par sa mère lors de son hospitalisation. Très attentif aux remarques du mercenaire, il répond d’un air soumis :
« D’accord, mais j’ai beaucoup diminué la cigarette. Hier, quand elle parlait, j’en étais à ma deuxième cigarette de toute la journée. »
56Le mercenaire continue avec un autre malade, Abou, par ces remarques :
« La nuit dernière, je t’ai entendu réveiller ta mère sous prétexte que tu avais faim. Pourquoi ? Tu pourrais venir me demander à manger au lieu d’importuner ta mère ainsi. »
58Abou, pour sa part, répond la tête baissée avec politesse :
« D’accord, ça ne va plus se répéter, j’avais juste trop faim. »
60De même, lors d’un petit-déjeuner, dans la chambre de l’accompagnant :
« Leyti : Dis donc, tu as vu que j’ai évolué lorsqu’on jouait à la belotte la nuit dernière. J’ai pu déjouer tous les pièges de nos adversaires. Alors qu’au début de mon hospitalisation, j’avais tout oublié des règles de ce jeu.
Mbaye: Je sais où tu veux en venir là. Ne t’inquiète pas, tout le monde voit que ton état s’est vraiment amélioré. Ne t’en fais pas, j’en toucherai deux mots au médecin pour que tu puisses être libéré.
Mère Ndèye : Je vois que ton pote te fait les yeux doux, là. Il n’arrête pas depuis une semaine à vous montrer son amélioration.
Mbaye: Ne t’inquiète pas, Mère Ndèye, ton fils a fait de réels progrès depuis qu’il est arrivé. J’en ai vu des tonnes de malades, je pense qu’il peut affronter l’extérieur maintenant. »
65Les malades cités ci-dessus sont tous accompagnés par leurs proches. Toutefois, les accompagnants mercenaires de la division développent des liens étroits avec eux lors de leur séjour dans l’hôpital. Ainsi, ils participent largement à la thérapie de soutien du fait de leur proximité avec les patients. Ils se positionnent comme des relais d’information entre ces patients hospitalisés et les psychiatres et peuvent intervenir sur la durée de l’hospitalisation. Des malades en font leur relais auprès des psychiatres pour accélérer leur sortie de l’hôpital. Au-delà de ces stratégies des patients, apparaît le pouvoir qu’ont les accompagnants rémunérés, un pouvoir approuvé par les psychiatres. Ainsi, un malade violent suivi par un proche peut être délaissé par les soignants tout au long de son passage dans la structure psychiatrique et se retrouver donc uniquement en contact avec les accompagnants rémunérés. Cela explique la considération que leur accordent les malades, ces derniers attribuant l’amélioration de leur état de santé aux accompagnants délégués par les familles, comme le montre cet extrait de l’entretien avec la patiente Edmée, à la veille de sa sortie :
« J’ai été soignée par Rama [accompagnante]. Elle est là pour soigner les malades, les gens qui n’ont personne pour s’occuper d’eux. (…) C’est elle qui était mon accompagnante. (…) Parfois elle me parlait, me donnait les médicaments. Et des fois c’est elle qui me lavait quand je ne pouvais le faire moi-même. »
67Ces cinq activités ne sont pas différenciables au niveau heuristique, car elles se chevauchent dans l’action. Une dernière observation – la relation entre Mody, 42 ans, et Ali, le mercenaire qui le suit – le montre. Ali avait convenu avec la famille de Mody qu’elle se tienne en retrait pendant le temps de son hospitalisation. Ali m’a justifié cette mise à distance ainsi :
« Le malade ne supporte pas la présence ou les visites de sa famille. Il devient agité à leur vue. Ce qui peut avoir un effet sur ses soins – il recommence à refuser ses comprimés. »
69Au bout de trois semaines, Mody recommença à se laver, se raser et accepter les médicaments. Dans ce cas, le mercenaire contribue à l’adhésion du malade aux soins grâce à la proximité qu’il a développée avec lui, suite à plusieurs séjours d’hospitalisation. [5] Comme d’autres malades, pendant son état agité, Mody résiste aux actes de contention du mercenaire. Toutefois, il arrive rétrospectivement à reconnaître son état d’agitation, qu’il nous décrit ainsi : « Je refusais de prendre mes médicaments et me battais avec tout le monde. Je ne dormais pas. Quand je suis dans ces états, je ne supporte pas les membres de ma famille. Je n’ai qu’une seule envie : les tuer. » Nous voyons comment un acte de contrainte (interdiction de visite des parents) peut en même temps concerner un rôle de relais entre malade et parents, assurer l’hygiène du malade (care), son éventuel self-care (se raser et laver) et faciliter l’expression de sa situation.
Une place formelle pour le mercenaire ? Lignes d’autorité et réglementation
70Jusqu’ici, nous avons pu constater que le mercenaire se place dans le champ relationnel a priori réservé aux infirmiers. À travers un « glissement des tâches », les mercenaires acquièrent du pouvoir grâce à un rapport de contrôle et d’influence sur les malades que les autres professionnels n’ont pas.
71Toutefois, l’activité du mercenaire relève de l’informel. Il n’a pas de statut propre appartenant à un cadre juridico-administratif précisant un espace de qualification et de formation. Jusqu’à présent, aucun texte ou autre support ne définit clairement l’objet de leur métier. À Fann, le terme « accompagnant » n’est évoqué dans le règlement intérieur qu’au niveau des règles de visites. De même, ce règlement intérieur écarte toute sollicitation de bénévoles et d’apprentis. Dans ce cadre, ils ne bénéficient pas d’une « licence », au sens de Hughes (1996), qui les autoriserait à exercer.
72En fait, l’institution ne soumet l’exercice de l’activité d’accompagnant mercenaire à aucune condition préalable de formation et n’opère aucun contrôle pour son admission dans l’hôpital. Cette situation apparaît dans la trajectoire racontée par une accompagnante mercenaire :
« J’ai 32 ans. Je suis célibataire. Je travaillais comme serveuse dans un restaurant. Mais ce travail était jugé indécent par mon père qui est un imam. On lui rapportait que je servais de l’alcool. Dès lors, il m’a ordonné d’arrêter ce travail. Ce que j’ai fait. J’ai commencé à travailler comme accompagnante de malade depuis 2009 par l’entremise d’une connaissance qui effectuait ce même travail dans ce service psychiatrique. Je n’ai pas de diplôme, ni de papiers justifiant ma présence dans l’hôpital. Je n’ai pas encore été recrutée par l’hôpital officiellement. J’ai fait une demande mais la réponse a été qu’ils n’ont pas encore de places. »
74De même, les critères de recrutement pour les mercenaires disposant d’un contrat ne sont pas renseignés. Et aucune qualification n’est exigée pour leur embauche.
75Certains membres du personnel ignorent si un mercenaire détient un contrat ou pas ; d’autres ne font aucune différence entre l’investissement d’un accompagnant rémunéré et recruté par l’hôpital et un qui ne l’est pas. De même, les mercenaires peuvent disposer de possibilités d’entrée et de sortie dans l’hôpital et de siège dans l’hôpital sans détenir un contrat avec l’hôpital, à savoir un badge réservé au personnel recruté. Ces faits émergent suivant les propos ci-dessous de ce mercenaire :
« J’ai été introduit dans l’hôpital depuis 1998 par une connaissance qui travaillait ici comme accompagnant et qui avait trouvé un boulot ailleurs. Mais je suis dans cette division depuis 2006. Ici c’est ma chambre, c’est mon siège. J’y suis tous les jours : matin et soir. J’ai un badge remis par l’hôpital. Je n’ai pas de contrat avec l’hôpital. [En fait], je suis parti en Italie par la voie de la mer au début de l’année 2006 et puis après j’ai été refoulé. J’ai repris mon boulot d’accompagnant de malades ici à mon retour. Mais avant, j’avais déposé mes papiers au niveau de la direction de l’hôpital pour un recrutement. Et j’attends toujours. »
77L’hôpital ne fixe aucun quota limitant le nombre de malades à suivre par un mercenaire. La tarification de ses services aux familles lui est propre et n’est pas régulée par l’hôpital.Ainsi, les mercenaires fixent librement leurs prix qui varient d’une structure à une autre en fonction, disent-ils, de « l’état d’agitation du malade ». À Fann ils sont payés entre 3 000 et 4 000 F CFA (4,58 et 6,10 euros) par jour. À Thiaroye le tarif journalier va de 2 500 F CFA (3,81 euros) à 3 000 F CFA par jour. De son côté, l’autorité administrative n’opère aucun contrôle et ne s’immisce pas dans ce processus.
78En outre, la conduite du contrat entre les proches du malade et l’accompagnant n’est ni supervisée ni réglementée par l’institution hospitalière. L’administration hospitalière n’est pas tenue pour responsable en cas de manquements relevant du suivi d’un patient, alors qu’elle exige l’accompagnement pour l’hospitalisation et recrute des accompagnants (pour d’autres tâches). Ellene sanctionne pas ces derniers en cas de fugues ou de manquements auprès des malades qu’ils suivent et ne les fait pas intervenir systématiquement pour la recherche des malades fugueurs.
79L’absence de régulation de l’activité de ces acteurs apparaît clairement dans l’exemple de fugue d’un patient, Hady, au moment de notre travail de terrain. Ce patient avait été hospitalisé par sa tante, qui lui avait trouvé ensuite un accompagnant-mercenaire. Un lundi matin de bonne heure, la tante venue rendre visite à son neveu a été avisée de sa disparition. Prise de panique, cette dernière s’en est ouverte à l’interne de la division. L’échange, auquel j’ai pu assister, se présente en partie ainsi :
80« Tante du malade : Je viens d’apprendre que mon neveu a fugué et je n’ai pas été mise au courant.
81Interne : Le contrat entre la famille et l’accompagnant ne nous concerne pas. Il faut voir ça avec l’accompagnant. Nous ne sommes pas là le week-end. Si l’accompagnant a pris trois, voire quatre patients et se retrouve surchargé, ça ne nous regarde pas. On n’est pas présent quand le contrat est fixé entre vous et l’accompagnant. On nous avise simplement en nous disant : c’est lui l’accompagnant. Nombre d’entre eux sont des volontaires et ne sont pas recrutés par l’hôpital. Vous devez demander si l’accompagnant est chargé ou pas.
82Tante du malade : Ah bon ! Je veux savoir qui est le responsable du point de vue administratif donc. Moi je ne suis pas là, je paie et je viens sans trouver mon malade.
83Interne : En tout cas, pour ceux de ma division, je peux dire que c’est des volontaires, ils ne sont pas recrutés par l’hôpital. C’est tout ce que je peux vous dire. Voyez avec l’accompagnant. »
84Cet échange montre que l’interne de division avait complètement écarté de l’équipe soignante la responsabilité pour le sort d’un malade pourtant hospitalisé dans le lieu dont il était le responsable médical. Face à cette situation, la tante sortit du bureau en colère. Elle nous confiera plus tard qu’elle s’était retournée vers la direction de l’hôpital, qui avait aussi fait la « sourde oreille ». Elle soutenait n’avoir eu aucun interlocuteur prêt à lui donner des explications. Cet événement met en exergue l’absence totale de réglementations de l’activité d’accompagnement. Le mercenaire demeure un acteur qui établit un contrat rémunéré avec la famille du malade (qu’il soit recruté ou pas) mis en exécution au sein de l’hôpital. Il dévoile cependant une autre réalité : la surcharge portée par des mercenaires qui suivent plusieurs malades à la fois.
85La présence de ces acteurs situés en dehors des lignes hiérarchiques formelles d’autorité et agissant hors de toute réglementation est une conséquence de l’obligation où se trouve l’institution de disposer d’agents pour assurer son fonctionnement. L’absence de rapport d’autorité se manifeste dans les interactions comme illustré par l’échange entre l’interne et la tante d’un malade déjà cité. Malgré l’absence de contrôle du travail de l’accompagnant, le personnel spécialisé accorde une reconnaissance tacite à sa fonction. L’ignorance volontaire de l’existence de cet acteur dans le service se traduit par l’attribution de la responsabilité pour l’acte dont la tante accuse l’hôpital. Cette situation actualise le glissementdu sale boulot du haut de la hiérarchie du personnelvers celui qui est tellement subalterne qu’il est presque invisible.
Conclusion
86L’accompagnant mercenaire est un travailleur en santé mentale au sens d’un salarié sans contrat écrit avec la famille du malade mental suivi. Il intervient dans le milieu psychiatrique en participant pleinement à la gestion institutionnelle des malades mentaux. Celle-ci se décline en trois domaines d’activités, inhérents au milieu psychiatrique (Goffman, 1968) : la thérapeutique, le care et la sécurité. Dans chaque domaine, l’exécution d’une fonction inhérente à l’hospitalisation psychiatrique, même aujourd’hui (Lovell et Rhodes, 2016), est déléguée au mercenaire. À ceux-ci viennent s’ajouter les deux activités spécifiques à Fann : le relais avec la famille, moins présente qu’auparavant, et les activités visant à faciliter l’expression du patient. La reproduction du cadre médico-psychiatrique sénégalais s’appuie alors sur une cohabitation avec des acteurs parmi lesquels l’accompagnant délégué par les familles.
87Cette situation installe un contexte nouveau dans le cadre psychiatrique sénégalais : une activité se déroulant au sein de l’hôpital mais rémunérée de l’extérieur et revêtant une obligation sociale et institutionnelle. Cette alliance entre le mercenaire et le personnel hospitalier fait de lui un nouvel acteur qui redéfinit l’organisation du travail hospitalier psychiatrique de manière invisible. Il prend des positions de plus en plus reconnaissables et reconnues par le personnel et les familles.
88Le statut et le travail de l’accompagnant mercenaire ont évolué au gré du changement de paradigme psychiatrique au Sénégal au détriment d’une association de la famille dans le traitement du malade hospitalisé. L’émergence de ce statut contribue à assurer la reproduction de l’hôpital psychiatrique, dans un contexte marqué par le manque de moyens et de personnels qualifiés, d’une part, et d’une nouvelle économie domestique de la famille, d’autre part (Kilroy-Marac, 2014).
89Pour autant – et quelle que soit la considération que peuvent lui accorder les autres membres du personnel – cette position acquise reste interstitielle par rapport à l’organisation formelle du service d’hospitalisation.
90Notre analyse ouvre des pistes de réflexion sur l’accompagnant familial et rémunéré dans d’autres secteurs hospitaliers et en ambulatoire dans les pays à bas revenus. L’interstitialité et la précarité du mercenaire rappellent d’autres travailleurs précaires dans les domaines sanitaires et sociaux sénégalais. Par exemple, pendant l’épidémie d’Ebola à Dakar, la surveillance des contacts avec le malade a été confiée, entre autres, aux volontaires qui enchaînent les postes précaires et informels dans le domaine de la santé (Desclaux et Sow, 2016). Ces personnes sont souvent « motivées », selon le terme émique, par les bouts de budget qui restent aux services hospitaliers en fin de mois, par des repas ou d’autres biens gratuits. Ainsi, en empruntant une notion utilisée en sociologie urbaine africaine (Diouf et Fredericks, 2014), nous pouvons décrire ces travaux subalternes comme le croisement d’une « débrouille individuelle » et d’une « débrouille institutionnelle » servant à combler des manques de ressources.
91En sus d’une réflexion sur cette précarisation, l’article ouvre deux pistes comparatives. Une comparaison de l’accompagnant mercenaire en psychiatrie avec les accompagnants d’autres services médicaux pourrait étendre l’hypothèse de la spécificité de l’accompagnement en psychiatrie, particulièrement dans sa dimension sécuritaire. Une autre piste serait d’analyser le statut, les tâches et les responsabilités de l’accompagnant mercenaire en vue de l’appel au « glissement des tâches » (task-shifting) comme solution à la pénurie du personnel psychiatrique dans les pays à bas revenus prônée par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Liens d’intérêts
92les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêts en rapport avec cet article.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : care, accompagnant mercenaire, sécurité, psychiatrie, Sénégal
Date de mise en ligne : 10/07/2019.
https://doi.org/10.1684/sss.2019.0140Notes
-
[1]
En l’absence, au moment du déroulement de notre enquête, d’autorité éthique compétente, l’autorisation pour mener cette recherche a été obtenue auprès des directeurs des deux établissements. Des pseudonymes sont utilisés pour les personnes observées ou interviewées.
-
[2]
Le Larousse (2004 : 645) prend ce terme de mercenaire comme un adjectif désignant quelqu’un « qui ne travaille que pour un salaire ; qui est inspiré par le profit ». Au Sénégal, ce terme s’applique, entre autres, aux footballeurs recrutés lors des compétions appelées naweetaan par les associations de quartier.
-
[3]
Cet aspect de l’accompagnement se distingue du rôle plus restreint de l’accompagnant familial décrit pour des malades chroniques dans les pays riches (Mougel-Cojocaru, 2007 ; Rossi, 2009).
-
[4]
Le dépouillement de 200 fiches médicales d’admissions des deux sites a permis de constater la fréquence avec laquelle les notes des psychiatres mentionnent la violence ou l’agression. Elles mettent en lumière l’agressivité physique envers les proches ou des objets, la poursuite et les attouchements des femmes, entre autres. Des observations ont permis de confirmer les hospitalisations en cas de violence ou agitation, mais aussi le refus d’hospitaliser un tel malade malgré le souhait de la famille.
-
[5]
Il arrive qu’un mercenaire soit appelé à se rendre au domicile d’un malade qu’il connaît pour le persuader de se faire hospitaliser, là où la famille n’y arrive pas.