Notes
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[1]
Cette définition apparaît dans le « guide pratique d’accompagnement à la création d’entreprise » proposé en version numérique par le Ministère des Sports, http://www.sports.gouv.fr/autres/Guide_crea_ent.pdf.
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[2]
Par exemple, depuis 2012 et le lancement par la ville de Strasbourg du programme « Sport-santé sur ordonnance », qui encourage « la pratique d’une activité physique régulière, modérée et adaptée à l’état de santé des malades chroniques », les organisations privées marchandes, tels les centres dits de remise en forme, se mobilisent pour tenter de pouvoir répondre à ce programme. http://www.strasbourg.eu/vie-quotidienne/solidarites-sante/sante/sport-sante-sur-ordonnance-a-strasbourg, consulté le 05/11/2015.
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[3]
Selon les chiffres proposés par Rémy Viallon et Claude Chiocci (2002).
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[4]
Ces pourcentages s’appuient sur un effectif de 2 500 salles existant en 1999.
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[5]
Chiffres publiés dans « La folie Fitness », L’Equipe magazine, 1629, 5 octobre 2013, p.40.
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[6]
Selon une enquête menée sur un échantillon représentatif par l’institut IPSOS en 2005, http://www.ipsos.fr/ipsos-public-affairs/actualites/2005-02-21-francais-et-body-fitness, consulté le 26 avril 2015 à 03h38.
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[7]
C’est en 2004 que la première salle Curves a été enregistrée en France au registre des sociétés.
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[8]
Littéralement : « pas d’homme, pas de miroir, pas de maquillage ». Ce slogan est repris par plusieurs établissements, notamment lorsque ces derniers communiquent dans la presse. C’est le cas de celui d’Armentières : http://www.armentieres.maville.com/actu/actudet_-La-devise-de-Curves-se-resume-par-3-M-no-men-no-mirror-no-make-up-*-_loc-1259952_actu.Htm, consulté le 20 octobre 2016.
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[9]
Quatre autres franchises (Lady Fitness, Lady Moving, Femmes en Forme et Tahiti Sun) se partagent les 64 salles restantes. A celles-ci, s’ajoutent des centres indépendants, au nombre de 58 en France métropolitaine en date du 26 avril 2015.
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[10]
Issue du milieu de la communication, elle a contribué à la création du concept Curves.
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[11]
Ces informations sont diffusées aux clientes et aux futures clientes par le biais de flyers, de cartons d’invitation, de carte de parrainage, etc.
-
[12]
http://www.curves.eu/fr/franchise, consulté le 31 octobre 2015.
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[13]
Plus de 200 heures d’observation non participante ont été réalisées, au sein de trois établissements appartenant à la franchise Curves. Cette entrée sur le terrain a été facilitée par l’obtention d’un stage de commerciale dans l’un d’eux, condition nécessaire à la validation du diplôme de Master Management du sport. Ce statut d’étudiante-stagiaire, acquis provisoirement, justifiait une présence quasi quotidienne et permettait ainsi d’observer les pratiques des membres du personnel et des pratiquantes.
-
[14]
Muriel Darmon, Anne Hurtubise et Roch Quéniart (2008) montrent, à partir de l’exemple du tabagisme, comment les politiques corporelles, à travers notamment les politiques de prévention et leur volonté de régulation ex-ante des destins corporels, concernent tout autant les fumeurs que les potentiels futurs fumeurs.
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[15]
Au cours des journées de formation du personnel d’encadrement nouvellement recruté.
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[16]
Comme le précisent les supports de formation intitulés « Les 3C du coaching sur le circuit » évoqués précédemment.
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[17]
Site internet http://cedricvanecke.yellis.net/curves%20fini/curves2/concept.html, consulté le 30 octobre 2015.
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[18]
Site Internet de la franchise Curves, http://www.curves.eu/fr, consulté le 31 octobre 2015.
-
[19]
Nommer chaque cliente par son prénom dans le cadre de l’activité physique, accueillir chaque cliente par une formule de politesse individualisée, etc.
-
[20]
http://www.curvesclichy.com/concept.html, consulté le 31 octobre 2015.
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[21]
Cela est caractéristique des salles réservées aux femmes. A l’inverse, les salles mixtes n’hésitent plus à mettre les clients « en vitrine », afin de rentabiliser au mieux la surface de pratique mais aussi à des fins de communication (Amazonia, Le Club de Gym, etc.).
-
[22]
Propos recueillis dans les vestiaires d’un centre Curves, le mercredi 19 février 2014.
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[23]
Site Internet de l’OMS : http://www.who.int/features/factfiles/obesity/facts/fr/, consulté le 27 juin 2017.
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[24]
La cliente doit écarter les jambes tendues selon la largeur des épaules, tendre les bras à hauteur des épaules, regarder droit devant et serrer les pouces sur les zones indiquées.
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[25]
http://www.curves.eu/fr, consulté le 1er novembre 2015.
-
[26]
A l’inverse des encadrant-e-s, les gérant-e-s interviewé-e-s présentent des trajectoires scolaires très hétérogènes. Sur les sept interrogés, seuls trois présentent une formation liée à l’encadrement de publics dans le cadre d’activités physiques et sportives. Quant aux autres, ils ont exercé dans des domaines variés tels la gestion de profit, la finance, l’agro-alimentaire ou encore la comptabilité.
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[27]
Ce dispositif est en sus de l’abonnement dans les structures les plus anciennes. Pour les nouvelles adhérentes, le prix d’entrée comprend le surcoût du service.
-
[28]
http://www.curves-eysines.com/curves-smart, consulté le 7 juin 2014.
-
[29]
Cleveland Clinic est un centre académique médical américain, à l’origine du programme alimentaire Curves Complete.
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[30]
Nommés ainsi par les enquêté-e-s, ils désignent les documents internes à la franchise (non communiqués au public). Parmi eux, on retrouve par exemple les propos devant être tenus aux pratiquantes pour les féliciter des efforts réalisés.
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[31]
Précisons que les professionnels pouvant occuper de telles fonctions en France doivent être titulaires d’un diplôme d’état français de diététicien ou médecin et titulaire d’un diplôme d’études spécialisées complémentaires (DESC) de nutrition.
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[32]
Par « gouvernementalité », Michel Foucault (1989 : 135) analyse le pouvoir comme « un domaine de relations stratégiques entre des individus ou des groupes qui ont pour objet la conduite de l’autre ou des autres, et qui ont recours, selon les cas, selon les cadres institutionnels où elles se développent, selon les groupes sociaux, selon les époques, à des procédures et des techniques diverses ».
1En 1948, la santé devient, pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « un état complet de bien-être physique, mental et social ». Réaffirmée trente ans plus tard, cette définition participe de la « démédicalisation » de la santé et élargit les champs institutionnels et/ ou professionnels qui lui sont consacrés. Les centres dits de remise en forme, définis par les pouvoirs publics comme étant des « lieux mettant à disposition du public, des équipements, un environnement et des prestations d’encadrement visant à l’amélioration de la condition physique, de la détente et du bien-être de ses clients [1] » en sont un exemple parmi d’autres. Lancé le 31 janvier 2001 par le ministère de la Santé, le Plan National Nutrition Santé (PNNS) s’inscrit dans une politique préventive de santé publique plus globale dont la finalité n’est pas seulement de prévenir, mais « d’améliorer l’état de santé de la population en agissant sur l’un de ses déterminants majeurs, la nutrition » (Honta et Haschar-Noé, 2011 : 35). Et, fait original, la nutrition doit être comprise comme englobant l’alimentation et l’activité physique (Hercberg et Tallec, 2000). Les campagnes de prévention et d’information qui en découlent visent « une éducation nutritionnelle en divulguant les préceptes d’une hygiène de vie autour du ‘bien manger’ et du ‘bien bouger’ » (Génolini et Clément, 2010 : 135) afin de lutter contre la sédentarité, perçue par les pouvoirs publics comme étant « une conduite déviante et pathogène » (Génolini et Clément, 2010 : 146). La question du « bien bouger » devient une problématique de santé publique et les « groupes producteurs de toute la technologie d’amaigrissement par le sport en salle » (Nahoum-Grappe, 2004 : 38) s’engouffrent dans, voire profitent de, cette mouvance. Plus encore, à partir de 2001, ils se définissent auprès de leurs client-e-s comme étant des prestataires d’activités hygiénistes, favorisant la santé physique et psychologique [2].
2Depuis leur apparition en France dans les années 80, ces salles privées proposant la pratique de nombre d’activités d’entretien corporel (circuit-training, plateau de musculation, cours collectifs chorégraphiés, etc.) se sont multipliées : en janvier 2009, l’INSEE en recensait 3 129, soit environ 600 établissements de plus qu’en 1999 [3]. Sur ce marché, on distingue deux catégories de salles : celles dépendantes d’un réseau franchisé et celles indépendantes représentant 88 % de l’offre de forme [4] (Mischler et Pichot, 2005 : 248). Ces ouvertures accompagnent l’engouement de pratiquant-e-s toujours plus nombreux, estimés à 4 millions en 2013 [5]. Cette clientèle, très hétérogène au regard des critères d’âge et de catégories socio- professionnelles (Aubel, Lefèvre et Tribou, 2008), présente des motivations assez diverses : « s’entretenir (au sens de conserver la forme), perdre du poids, sculpter son corps, se préparer physiquement en complément d’une autre activité sportive, se renforcer musculairement, prévenir le vieillissement, établir des relations sociales durables notamment » (Mischler et Pichot, 2005 : 239). Il est intéressant de noter ici que 84 % des pratiquant-e-s d’activités de type fitness déclarent que « la santé correspond ‘tout à fait’ à leur motivation personnelle [6] », les femmes étant plus enclines à choisir de pratiquer un « sport-santé » et à invoquer cette « motivation » que les hommes (Talleu, 2011). Malgré tout, le « marché de la forme » (Mischler et Pichot, 2005 : 239) reste fragile ; ces entreprises peinent à fidéliser leur clientèle et les dépôts de bilan sont fréquents. Sébastien Haissat et Yves Travaillot (2012 : 34-35) ont mis au jour une piste pouvant expliquer cet « abandon ». Elle tient dans les finalités de pratiques proposées par les centres de remise en forme, orientées vers un enjeu de normalisation corporelle et surtout, par un environnement propice à cet effet. Dans leur configuration (présence accrue de miroirs, disposition des appareils de musculation, agencement des différents espaces de pratique, etc.), ces institutions sportives favoriseraient une « théâtralisation de la pratique », (des jeux de regard et une mise en scène des corps des client-e-s), et la pression à la conformité serait telle que nombre d’adhérentes auraient décidé « de réviser leur choix de lieu de pratique initial en raison, entre autres, de jugements éprouvés sur leur apparence corporelle » et se seraient orientées vers des structures estimées « moins discriminantes ». L’étude réalisée par Sébastien Haissat et Yves Travaillot (2012) met au jour cette stratégie d’évitement de situations discriminatoires, de fuite, de femmes pratiquant leurs activités d’entretien corporel au sein de centres de remise en forme mixtes.
3Depuis 2004 [7], une « nouvelle » offre de services émerge en France ; il s’agit des centres de remise en forme « réservés aux femmes ». Interdisant le droit d’accès et d’adhésion aux hommes, ces salles ne sont pas pionnières : Olivier Bessy (1987 : 93) mentionnait il y a déjà trente ans l’existence de trois « salles particulières » situées dans différents arrondissements de la capitale (le Bretty club, l’Institut Viallis et Diane 2000). Mais il faut attendre les années 2000 pour qu’elles s’implantent sur l’ensemble du territoire. Cette non-mixité de genre n’est pas non plus atypique dans le monde sportif, le sport fédéral continuant de « trie[r] et sépare[r] les sexes dans des activités et/ ou des compétitions distinctes » (Raibaud, 2012 : 47). Dit autrement, les entraînements et compétitions des femmes et des hommes ne se font pas dans le même espace-temps lorsqu’il s’agit de pratiquer le basket-ball, le volley-ball ou encore le tennis ; le sport demeure un « symbole du cloisonnement entre les sexes » (Bohuon et Quin, 2012 : 29) et donc un « analyseur privilégié de la domination masculine et des inégalités de genre » (Mennesson, 2006 : 131). En effet, le sport continue de « potentialise[r] les différences en affectant un genre aux pratiques : le football comme le rugby sont pensés au masculin et sur le plan grammatical et sur le plan des représentations symboliques collectives » (Mercier-Lefèvre, 2014 : 81). Ces travaux et d’autres montrent combien les processus de mixité et d’égalité ne vont pas de soi sur les terrains sportifs. L’opposition entre des sports traditionnellement masculins et des activités très féminisées est toujours de mise (Buscatto, 2014).
4Les espaces privés dédiés aux activités non mixtes d’entretien corporel tentent de se démarquer des centres de remise en forme mixtes en présentant des organisations matérielle, spatiale et humaine censées supprimer tout enjeu de normalisation corporelle. « No men, no mirror, no make up [8] » tel est l’un des arguments commerciaux usité par les centres Curves pour justifier le fait qu’ils assurent le bien-être mental, social et physique de leurs clientes dans le cadre de leurs activités physiques en leur évitant de vivre des situations de stigmatisation. C’est ce que nous avons souhaité mettre à l’épreuve des faits.
5Bien que le marché de la forme « réservé aux femmes » recouvre des centres indépendants ou franchisés, nous avons souhaité circonscrire cette première étude à la franchise Curves qui, pour plusieurs raisons, constitue un terrain d’étude pertinent. D’abord, cette franchise est la plus représentée en France métropolitaine sur ce segment du marché, avec 86 des 150 salles recensées [9]. Ensuite, bien que récent en France, le concept Curves a été créé en 1992 par Gary Heavin (médecin de profession) et sa femme Diane Heavin [10], après qu’ils aient constaté « que leurs patientes ne faisaient pas de sport, qu’elles [n’]allaient pas dans les clubs parce qu’il y avait des hommes » (Marie, 25 ans, commerciale). Suite au succès remporté par le premier établissement, de nombreuses ouvertures ont suivi. Aujourd’hui, plus de 5 000 centres seraient en activité, dans plus de 80 pays. Si cette commerciale de l’enseigne, devenue gérante depuis, n’hésite pas à dire qu’initialement le concept Curves « vient de la médecine », la franchise s’est démarquée de ses concurrents mixtes en se définissant davantage comme un prestataire d’activités d’entretien corporel visant la santé, depuis son rachat par North Castle Partners en 2012. Pratiquer chez Curves contribuerait « à la stabilité du poids, à la bonne santé des articulations, muscles et os ; aide à soulager l’arthrite et réduit les troubles anxieux et les symptômes de la dépression », rien d’« étonnant » à ce que cela soit « recommandé par les médecins [11] ». Enfin, cette franchise a été la première à proposer à destination exclusive des femmes « des séances de remise en forme de 30 minutes [12] », encourageant les franchises concurrentes à développer par la suite des stratégies mimétiques en matière d’offre de services.
6Les analyses présentées dans cet article s’appuient sur deux méthodes de recueil et d’analyse des données. La première consiste en « une observation totale » (Beaud et Weber, 2003 : 170) - c’est-à-dire la prise en compte de trois dimensions de trois centres de remise en forme [13] : leur déroulement, leur cadre matériel et les interactions dont ils sont eux-mêmes le cadre. La seconde consiste en des entretiens semi-directifs menés auprès des femmes et des hommes qui exercent leur activité professionnelle au sein des seize établissements Curves que compte la région des Hauts-de-France. Sept gérants (six femmes et un homme) et neuf encadrants (cinq femmes et quatre hommes) ont été interviewés. Les observations menées ayant déjà permis de contextualiser assez précisément le cadre de pratique, il ne s’agissait plus seulement « de faire décrire, mais de faire parler sur » (Blanchet et Gotman, 2007 : 25). La grille d’entretien réalisée a permis d’identifier ce qui dans leurs trajectoires sociale, scolaire, professionnelle et sportive les a amené-e-s à exercer leur activité dans un centre Curves ; et de rendre compte plus globalement de leurs pratiques professionnelles, d’analyser le sens qu’ils-elles leur donnent et de mettre au jour les systèmes de valeur et les repères normatifs qui les orientent. Ces entretiens ont mené à la consultation de plusieurs documents internes, permettant ainsi de mettre au jour les directives émises par Curves Monde, s’agissant de l’encadrement quotidien de la pratique au sein des établissements appartenant à ce réseau franchisé.
7L’analyse croisée des données montre comment un modèle d’esthétique corporelle est mis en acte et se diffuse au sein de ces institutions se prétendant promotrices d’un « sport-santé ». Qu’il s’agisse de prendre en charge les corps déviants (surpoids, obésité, etc.) ou de mettre en mouvement de manière préventive les corps susceptibles de déviance future (la sédentarité, par exemple), les gérants, encadrants et commerciaux de ces centres dits de remise en forme, promeuvent, par des phénomènes de valorisation ou de stigmatisation, certains types de corps et certains usages qui en sont faits [14]. Interdits aux hommes, ils constituent également autant de laboratoires d’étude pertinents pour analyser la construction genrée des corps, entendue comme « les processus par le biais desquels les individus intériorisent des représentations, des normes et des pratiques corporelles, sexuellement différenciées et hiérarchisées » (Guyard et Mardon, 2010 : 9). Finalement, nous montrerons que les centres dits de remise en forme réservés aux femmes profitent de normes de santé pour imposer une norme de la féminité par le biais d’« actes d’auto-intervention plastique à des fins esthétiques » (Nahoum-Grappe, 2004 : 37).
8Dans un premier temps, nous montrerons comment les centres Curves s’organisent concrètement pour tenter de « neutraliser » la mise en scène des corps et donc la pression normative qui pèse habituellement sur les femmes dans les centres de remise en forme mixtes. Dans un second temps, nous présenterons les dispositifs que ces établissements mettent en œuvre pour transformer les corps des clientes. Car au final, il s’instaure bel et bien des formes de contrôle social qui contribuent à sanctionner tout écart aux normes corporelles dominantes ; leur originalité tient au fait qu’elles sont portées par les représentant-e-s de ces institutions, et non plus par les pairs, et qu’elles sont justifiées par des raisons de santé.
Des tentatives pour supprimer l’enjeu de normalisation corporelle…
Des exercices physiques simples et rapides
9L’offre sportive, au sein d’un Curves, se caractérise par un circuit-training composé de machines à résistances hydrauliques et de stations de récupération disposées en cercle. Selon la superficie de la salle, il comprend entre huit et douze machines et autant de stations de récupération (figure 1). Chaque appareil permet de mobiliser plusieurs muscles ou groupes musculaires afin de solliciter à l’issue du circuit, un effort complet. Toutes les trente secondes, une « voix-off » indique aux pratiquantes qu’elles doivent « changer de station maintenant », elles passent alors à la suivante en respectant le sens des aiguilles d’une montre. Un-e encadrant-e est présent-e continuellement au centre du circuit afin d’encourager et corriger les mouvements de chacune des pratiquantes. Cette pratique, observée dans différents Curves résulte de l’apprentissage et de l’application à la lettre des contenus de formation diffusés par la franchise elle-même [15], à travers ce qu’elle nomme « les 3C du coaching sur le circuit », c’est-à-dire « corriger, contraindre, célébrer ». Tous les encadrants, titulaires d’une formation en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) ou d’un Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport (BPJEPS), y font référence et considèrent ces trois missions comme « les trois trucs où il faut être à fond dedans » (Robin, 23 ans, encadrant). Les documents supports de formation fournissent une explication concrète de la mise en œuvre de cette règle pour chaque appareil constituant le circuit-training. Si les corrections et les contraintes vont clairement dans le sens d’une utilisation sécurisée des machines et d’une optimisation de l’effort, les « célébrations », visant à féliciter et encourager les pratiquantes, font apparaître des éléments étonnants. On peut notamment y lire « plus vous travaillerez ces cuisses et plus elles seront jolies » ou encore « vous avez très bien travaillé sur la machine et vous verrez des résultats stupéfiants [16] ». Les résultats à atteindre, tels qu’ils sont présentés aux clientes, relèvent finalement plus du visuel que de l’organique, plus de la beauté que de la santé. Ces contenus de formation diffusent l’idée selon laquelle il faut travailler la prétendue faiblesse naturelle du corps féminin en le musclant, non pas pour le rendre plus fort, puissant, solide, mais tout simplement plus « joli », pour reprendre le terme employé. Colette Guillaumin (1992) a déjà montré combien la construction genrée des corps s’appuie sur un ensemble de techniques et d’instances de socialisation. Ici, le dispositif des « 3C » illustre bien la manière dont les femmes doivent intérioriser des représentations, des normes et des pratiques corporelles sexuellement différenciées et hiérarchisées.
Exemple d’un circuit-training
Exemple d’un circuit-training
10Contrairement aux modalités de pratique dans les centres dits de remise en forme mixtes, les exercices physiques proposés au sein des centres Curves n’exigent pas de produire une performance comptabilisée ou chronométrée car les appareils n’intègrent volontairement pas les évolutions technologiques (Bessy, 1993 : 235). Dit autrement, le matériel n’affiche ni poids, ni vitesse. L’effort ne peut se faire que par la pression portée par la cliente sur les résistances hydrauliques. Outre cette spécificité, le concept du circuit-training proposé n’impose aucun rythme dans l’effort. Il ne s’agit pas d’effectuer des répétitions ou de suivre le rythme imposé par la musique mais de tenir l’effort le temps indiqué par la bande sonore.
11Deux raisons sont développées par la franchise et les professionnels interrogés pour justifier ces choix. D’abord, les appareils sont axés« sur la sécurité, la simplicité et l’efficacité [17] ». Le système de roulement adopté sur le circuit-training et l’impératif des 30 minutes d’efforts n’autorisent pas le réglage individuel des appareils avant leur utilisation. Ensuite, ils sont décrits comme étant particulièrement « adaptés à la morpho[logie] féminine » (Marie, 25 ans, commerciale) ou encore « bien adaptés pour les femmes » (Luc, 51 ans, gérant). La franchise se réapproprie ici les spécificités de la « sportivité » des femmes, mises au jour par Annick Davisse et Catherine Louveau (1998 : 46-50) : une préférence pour les activités hygiéniques d’entretien corporel exemptes de performance comptabilisée ou chronométrée.
Un « entre-femmes » privilégié
12La franchise Curves présente des superficies très restreintes : l’ensemble des salles en activité dans la région des Hauts-de-France fait moins de 250 m2 sachant que Rémy Viallon (2002 : 123) qualifie de « très petites structures » les centres dits de remise en forme « mixtes » présentant une superficie inférieure à 500 m2. Le fait d’instaurer des espaces de pratique limités est supposé favoriser les relations verbales entre les pratiquantes, au contraire des centres de remise en forme mixtes plus propices aux interactions normalisatrices essentiellement basées sur le regard (Haissat et Travaillot, 2012). Ainsi, la franchise Curves constituerait « une communauté de femmes qui se dépensent physiquement ensemble et qui se soutiennent mutuellement [18] » et pratiquer au sein d’un centre de la franchise reviendrait à pratiquer dans « un environnement convivial », dans un cadre favorisant « la bonne humeur, les échanges et le sentiment de soutien ». Alain Bihr et Roland Pfefferkorn (1996 : 224) ont déjà montré combien les pratiques physiques des femmes étaient caractérisées par « un attachement à la dimension relationnelle ». S’adonner à une activité d’entretien corporel dans ces espaces interdits aux hommes participerait donc de l’élargissement du réseau de sociabilité. Les directives des gérant-e-s et les pratiques des encadrant-e-s en matière d’accueil de la clientèle [19], la création d’un espace détente, la disposition des équipements en cercle et proches les uns des autres pour les circuits-training, l’organisation d’évènements intra-club sont autant d’efforts réalisés par la franchise pour que les clientes « ne voient pas le temps passer tellement elles s’amusent tout en s’entraînant [20] ». Les dirigeant-e-s et encadrant-e-s interviewé-e-s se disent attentifs au bien-être social de chacune de leurs clientes. Pour eux, celui-ci passe par la possibilité qui leur est donnée de discuter entre elles, librement, étant entendu qu’« elles [les femmes] sont nettement plus à l’aise dans un club de femmes » (Mégane et Mélanie, 28 et 32 ans, encadrante et gérante pour la première, gérante pour la seconde). L’argument est mobilisé de façon récurrente pour qualifier positivement cet « entre-femmes ». Mais si Béatrice Jacques (2012 : 113) a montré combien « la féminisation du groupe facilitait la prise de parole » lors des cours de préparation à la naissance, il n’en est pas de même dans les centres Curves. Au contraire même. Malgré l’agencement architectural et matériel, le fait de pratiquer une activité d’entretien corporel « entre-femmes » ne modifie pas l’individualisation des rapports mise au jour par ailleurs dans les centres dits de remise en forme « mixtes ». Les discussions sont assez rares sur le circuit-training, seules 58 femmes sur les 191 observées engagent épisodiquement la conversation avec une autre pratiquante. En définitive, la pratique d’une activité d’entretien corporel dans un centre Curves reste individuelle, comme l’ont aussi montré Audrey Ernst et Charles Pigeassou (2005) dans leur étude du lien social dans les centres de remise en forme mixtes.
Un espace de pratique moins discriminant
13L’organisation spatiale, matérielle et humaine adoptée au sein des centres Curves leur permet de se distinguer de leurs homologues mixtes.
14D’abord, la franchise Curves permet à ses clientes de pratiquer leurs activités d’entretien corporel à l’intérieur, dans un espace fermé et surtout, à l’abri des regards extérieurs. Contrairement à certains centres de remise en forme mixtes, qui mettent « en vitrine » leurs pratiquant-e-s, toutes les parois vitrées des centres réservés aux femmes observés sont soit recouvertes d’occultants (films ou affiches), soit dissimulées à l’aide de stores ou de paravents [21].
15Ensuite, aucun affichage au sein des centres Curves ne présente de modèles corporels. Les clientes évoluant dans ces espaces ne sont donc pas « condamnées à éprouver constamment l’écart entre le corps réel, auquel elles sont enchaînées, et le corps idéal dont elles travaillent sans relâche à se rapprocher » (Bourdieu, 1998 : 95).
16Cela se traduit aussi par l’absence systématique de miroirs dans l’espace de pratique. Les clientes n’ont donc pas la possibilité d’orienter leur regard sur leur propre corps. Elles ne peuvent pas non plus utiliser les miroirs pour observer plus « discrètement » les autres pratiquantes. Elles peuvent aussi penser que les autres clientes sont moins enclines à les observer « indirectement ». Dans tous les cas, le lien de cause à effet est réalisé par les encadrant-e-s interrogé-e-s. Robin, l’un d’eux, déclare « il n’y a pas de jugement vis-à-vis des autres, les gens ne se regardent pas ici (…) puisqu’ici il n’y a pas de miroir ». Le miroir est en effet « un instrument qui permet non seulement de se voir mais d’essayer de voir comment on est vu et de se donner à voir comme on entend être vu » (Bourdieu, 1998 : 96). En neutralisant le regard sur soi, le regard de soi sur les autres et le regard des autres sur soi, l’absence de miroirs participe de la création d’un espace de pratique moins discriminant, ce qui rejoint les conclusions de Sébastien Haissat et Yves Travaillot lorsqu’ils étudient les interactions entre pratiquantes dans les centres de remise en forme mixtes (2012 : 34).
17Enfin, en étant interdits aux hommes, les centres Curves ont souhaité se distinguer de leurs homologues mixtes considérés dès leur création comme des lieux de rencontre « voire des lieu[x] de drague pour célibataires » (Bessy, 1987 : 86). En témoigne cette cliente qui déclare avoir « choisi volontairement Curves, parce qu’il n’y a pas d’homme [22] ». Questionnée par une autre cliente, elle a précisé avoir été adhérente dans un établissement mixte « sans s’y sentir bien » du fait des nombreux hommes qui venaient l’aborder et/ou l’importuner durant ses séances. Cette spécificité est largement reprise par les gérant-e-s et encadrant-e-s de la franchise Curves, les clientes étant « bien contentes [d’être] juste entre femmes, de pas être jugées, de pas être regardées » (Robin, 23 ans, encadrant). Elise 34 ans, gérante et encadrante, y fait également allusion « [en tant que pratiquante] j’aurais aimé être dans une salle que pour femmes, pas d’homme, être tranquille (…) C’est vraiment ce souci de tranquillité (…) personne qui mate [t]on cul quand on est en train de courir ». Les discours recueillis auprès des représentants de l’institution Curves témoignent d’une hétéronormativité implicite : le fait de placer dans un même espace des femmes et des hommes conduirait systématiquement à des situations de drague. Cela va parfois plus loin. L’argument amène certaines gérantes à procéder à des discriminations à l’embauche en raison du sexe : « il n’y a même pas à réfléchir. (…) c’est un club de femmes et elles sont là parce que c’est un club de femmes et qu’elles sont entourées de femmes donc j’y mettrais un coach femme, c’est sûr » (Mélanie, 32 ans).
18Au sein des centres dits de remise en forme mixtes, la mise en scène des apparences physiques est facilitée par la possibilité donnée aux jeux de regard sur soi et sur les autres. Elle « livre l’acteur au regard évaluatif de l’autre, et notamment à la pente du préjugé » (Le Breton, 2012 : 89). C’est ce que tente de neutraliser la franchise Curves. Dans les faits, les pratiquantes semblent « libres » de réaliser leurs efforts physiques. Aucune ne porte de pull autour de la taille, aucune gêne constatée lorsqu’un tee-shirt se soulève et laisse apparaître un bourrelet, bref, aucun des « faux-semblants » mis au jour par Sébastien Haissat et Yves Travaillot, (2012 : 36) afin de dissimuler le ou les stigmates que la personne pense détenir, n’a été consigné dans notre journal de terrain.
19L’organisation matérielle, spatiale et humaine particulières des centres Curves suffit-elle à supprimer l’enjeu de normalisation corporelle ? Peut-on dire que les femmes peuvent y mener des exercices physiques d’entretien corporel dans un environnement exempt de tous jugements sur leurs apparences physiques ? Les observations menées au sein de trois centres Curves ont permis de nuancer la portée effective de ce qui ne relève finalement que de « stratégies marketing ». Car si la pratique en elle-même est épargnée, le corps des clientes lui, n’échappe pas au dictat des chiffres.
… à l’imposition de nouvelles normes corporelles de genre
Diagnostiquer : la mesure du corps
20Les premières formes de contrôle social s’instaurent dès le seuil franchi. Trois affichages à destination des clientes sont disposés au sein des centres Curves.
21La première présente l’interprétation de l’Indice de Masse Corporelle (IMC) chez l’adulte. Reconnu par l’OMS [23] et largement utilisé par le corps médical, cet outil étudie la relation {Taille-Poids} des patients à partir d’une formule simple : le poids divisé par la taille au carré. Six catégories sont établies à partir du résultat obtenu : l’insuffisance pondérale (inférieur à 18,5) - l’éventail normal (compris entre 18,5 et 24,9) - le surpoids (situé entre 25 et 29,9) - l’obésité de classe 1 (de 30 à 34,9) - de classe 2 (de 35 et 39,9) et de classe 3 (supérieur à 40). « Cette médicalisation de la corpulence n’est pas sans risque » pour reprendre Arnaud Basdevant (2004 : 129-130). Car dans les faits, « le discours médical alimente la pression sociale autour de la minceur et s’en imprègne. Il ne s’agit pas seulement de réduire l’obésité maladie mais de prôner la minceur universelle ». La franchise Curves l’affiche clairement en intégrant une septième catégorie comprise entre 18,5 et 22 : la minceur. Par cet ajout, les établissements Curves créent une catégorie supérieure, différente de la minceur « anormale » (l’insuffisance pondérale) mais inférieure à la « normalité ». Au-delà de la caution médicale sur laquelle s’appuie cette mesure des corps des clientes, il n’est pas anodin de constater le choix fait, d’utiliser l’IMC dans ces centres dits de remise en forme « réservés aux femmes ». En France, une enquête portant sur les goûts féminins en matière de silhouette féminine, a montré que cet outil de mesure est un critère de beauté majeur pour les femmes, la silhouette préférée par ces dernières présentant un IMC de 19,3 (Mouchès, 1994). Autrement dit, un IMC compris dans l’éventail normal mais aussi et surtout, dans la fourchette basse de la septième catégorie créée par les centres Curves : la minceur. Jean-Pierre Poulain a montré combien, « en se vulgarisant et en se diffusant dans le corps social, les classes d’indice de masse corporelle tendent à se transformer en normes sociales de corpulences ‘acceptables’, ‘désirables’ ou ‘déviantes’, soutenant ainsi le processus de stigmatisation » (2009 : 173). Et c’est exactement ce qui se passe ici : en amenant les femmes dont l’IMC est compris dans les cinq catégories supérieures à prendre conscience de leurs déviances, pire, en amenant les femmes dont l’IMC est médicalement « normal » à se considérer également comme tel, ces institutions érigent la minceur comme la seule norme sociale de corpulence acceptable, désirable, pour reprendre les termes du sociologue, réinterprétant ainsi des normes médicales à des fins esthétiques.
22Mais cet outil n’est pas suffisant, la masse corporelle « peut être répartie de façon harmonieuse ou disgracieuse » (Maisonneuve et Bruchon-Schweitzer, 1999 : 36). La seconde affiche intitulée « le tableau des mensurations » permet à la franchise Curves de chiffrer, catégoriser, puis hiérarchiser le corps des pratiquantes. À partir des tours de poitrine, de taille, d’abdomen, de hanches et de cuisses, exprimés en centimètres et mesurés par l’attachée commerciale ou les encadrant-e-s du centre concerné, les clientes sont réparties dans des cases correspondant aux tailles usitées dans l’industrie textile : 34/36, 38/40, etc. (tableau 1).
Tableau des mensurations affiché dans les centres Curves
Taille | 34/36 | 38/40 | 40/42 | 42/44 | 44/46 |
Poitrine | 78-86 | 86-94 | 90-98 | 94-102 | 98-106 |
Taille | 55-63 | 63-71 | 67-75 | 71-79 | 75-83 |
Abdomen | 74-85 | 85-93 | 89-97 | 98-106 | 102-110 |
Hanches | 84-92 | 92-100 | 96-104 | 100-108 | 104-112 |
Tableau des mensurations affiché dans les centres Curves
Les jambes musclées sont comprises entre 36 et 61 cm.Les jambes plus minces sont comprises entre 31 et 56 cm.
23Enfin, une dernière affiche présente « la fourchette d’adiposité » dans laquelle doit se situer la cliente, calculée en rapportant la masse graisseuse présente dans son organisme à sa masse totale. Mesuré avec le sérieux qu’il se doit [24]et à l’aide d’un impédance-mètre dont l’adhérente ne sait rien de la validité scientifique, le pourcentage exprimé renvoie à un adjectif qualificatif qui donne le ton : « supérieur », « excellent », « bon », « assez bien », « mauvais », « très mauvais » (tableau 2). Ces « notations chiffrées [et] personnelles introduisant une forme de réflexivité ou de retour sur soi volontaire » (Pharabod, Nikolski, Granjon, 2013 : 99) encouragent un regard critique sur son propre corps, imposent une évaluation vis-à-vis des normes esthétiques en vigueur. Ces outils encouragent les femmes à se « fixe[r] des objectifs aussi sur le long terme » (Marie, 25 ans, commerciale), des objectifs orientés vers la grandeur et la minceur que les centres Curves érigent en standard esthétique universel. Le mou, le gras, l’adipeux sont stigmatisés. Au-delà d’une « lipophobie », c’est bien dans un processus de « féminisation du muscle » (Fischler, 1993 : 22) que s’inscrivent ces affiches.
Tableau de la « fourchette d’adiposité cible » affiché dans les salles Curves
Tableau de la « fourchette d’adiposité cible » affiché dans les salles Curves
24Sans jamais mettre en image d’idéal corporel, comme ce peut être le cas dans les centres dits de remise en forme mixtes, les calculs et les catégories qui leur sont associées diffusent un idéal corporel valorisant tant la minceur que « la tonicité des chairs et le muscle » (Fischler, 1993 : 23). Le slogan de la franchise Curves ne dit pas autre chose, « gardez la forme, gagnez en force, perdez du poids [25] ».
25Les corps ne répondant pas à ces critères sont considérés comme porteurs d’une pathologie. Comme le déclare cette gérante, « rien que d’être en surpoids, c’est une pathologie déjà (…), on considère aussi nos adhérentes comme des patientes parce qu’elles ont quasiment toutes une pathologie » (Sonia, 35 ans, encadrante et gérante). Les emprunts au vocabulaire habituellement réservé au corps médical, réalisés par certains gérant-e-s et encadrant-e-s interviewés, sont nombreux et volontaires. Par cette pathologisation des corps des pratiquantes, la franchise Curves justifie la mise en place de procédures de contrôle de la silhouette, et exactement comme Muriel Darmon l’a montré dans les centres d’amaigrissement, ces « contraintes exercées (…) sur les individus sont légitimées au nom de l’expérience (‘on fait maigrir les femmes depuis 30 ans’) et de la science (nutrition, diététique (…) fréquemment opposés à un contre-modèle de la fausse science et des ‘régimes farfelus’) » (2010 : 213).
Contrôler : la transformation des formes corporelles
26D’autres formes de contrôle social, portées par l’ensemble des membres du personnel de ces institutions s’autoproclamant dédiées à la santé, s’exercent lorsque la cliente adhère à la franchise Curves. Elle est immédiatement « prise en charge » par l’un des représentant-e-s de l’institution, qu’il-elle soit gérant-e, encadrant-e ou attaché-e commercial-e. Cela débute par la réalisation du « bilan de forme », parfois nommé « bilan silhouette », qui consiste en la prise des mesures nécessaires au diagnostic évoqué précédemment et est réalisé dans le hall d’accueil à la vue de tou-te-s par l’un des représentant-e-s de l’institution dont l’adhérente ne sait pas toujours s’il-elle dispose des qualifications nécessaires pour le faire [26]. Cet « examen » est également propice à l’évocation des antécédents médicaux, à la précision des attentes de la pratiquante et à la réalisation d’une séance d’essai sur le circuit-training. Tous ces éléments de quantification sont autant de piqûres de rappel, qui sonnent telle une injonction générale à se prendre en charge (Pharabod, Nikolski et Granjon, 2013).
27Ces mesures se poursuivent ensuite, mensuellement, par la mise en place d’un « suivi personnalisé » et permettent de constater d’éventuelles transformations du corps.
28Cet « examen » n’est pas sans rappeler les analyses de Michel Foucault (1975 : 217) dans le domaine pénitentiaire, car il consiste à établir « sur les individus une visibilité à travers laquelle on les différencie et on les sanctionne ». À son issue, un « rapport sur le poids et les mensurations », nommé ainsi par les établissements, est enregistré, imprimé puis délivré à la cliente. Présenté à l’aide de nombreux graphiques intégrant les précédents résultats, ce rapport trace les courbes faisant la preuve de la transformation progressive du corps étudié. Pour reprendre les termes de Muriel Darmon à propos des centres d’amaigrissement, les centres Curves « promeuvent un corps qu’il s’agit de « produire » individuellement et de transformer » (2006 : 438). Cette mesure des corps régulièrement réalisée et à laquelle toutes les adhérentes doivent se prêter montre combien cette institution tente de « surveiller la conduite de chacun[e], l’apprécier, la sanctionner, mesurer les qualités ou les mérites » (Foucault, 1975 : 168).
29Pour aller plus loin, de plus en plus de centres Curves proposent aux pratiquantes de se soumettre à un contrôle supplémentaire, par le biais du logiciel Curves Smart [27]. Ce programme débute préalablement par « un entraînement [avec un-e encadrant-e] pour calculer leur indice de performance, [c’est-à-dire] l’amplitude de mouvement pour la rapidité » (Marie, 25 ans, commerciale). Puis grâce à un badge personnel introduit dans le boîtier de chaque appareil de musculation, ce dispositif enregistre le nombre de répétitions effectuées sur chaque machine, l’intensité de l’effort fourni et le nombre de calories brûlées. Une fois la séance de trente minutes terminée, toutes les données sont centralisées sur l’ordinateur mis à disposition par la structure. Après l’analyse des données, la cliente accède à différents résultats. Une silhouette sur laquelle chaque groupe musculaire sollicité se voit attribuer « un point coloré (rouge, jaune ou vert) indiquant le niveau de travail de chaque muscle [28] ». Ou encore, un pourcentage global indiquant l’atteinte ou non des objectifs visés. Dit autrement, les efforts réalisés par les clientes sont quantifiés et les objectifs/résultats répétés à l’envi, que ce soit avant, pendant ou après la séance. Enfin, un dernier dispositif a fait son apparition au sein de nombreux Curves, il s’agit d’un programme alimentaire nommé Curves Complete. Après avoir « été étudié […] suivi par des médecins, [des] diététiciens » (Sonia, 35 ans, encadrante et gérante), ce dispositif a été présenté aux encadrant-e-s dans le cadre de formations internes. Ces dernières consistent en l’apprentissage de quatre chapitres, chacun d’entre eux nécessitant environ sept heures de lecture et d’exercices. À leur issue, le ou la salarié-e est déclaré-e « certifié[-e] Cleveland Clinic [29] ». À l’image du groupe commercial d’amaigrissement étudié par Muriel Darmon participer à ce programme alimentaire implique un suivi hebdomadaire : « Chaque semaine, à leur arrivée, les ‘adhérentes’ (…) sont pesées par [un membre du personnel], qui note scrupuleusement leur poids et ses évolutions » (Darmon, 2010 : 211). À Curves, les femmes participant au programme doivent également, à chaque repas et encas, lister tous les aliments ingérés et faire état de la quantité. Ce journal de bord alimentaire est ensuite confié à l’un des représentants de l’institution afin qu’il émette un avis et propose d’éventuels ajustements. Une fois intégrées à ce dispositif, les femmes ne sont plus seulement des adhérentes, elles deviennent alors « des patientes, plus encore lorsqu’elles passent à Complete » (Sonia, 35 ans, encadrante et gérante). Interrogée sur l’emploi du vocable « patiente » dans les « scripts [30] » et par les membres du personnel de ces franchises, cette gérante rappelle qu’initialement Curves « est un concept médicalisé » (Marie, 25 ans, commerciale) et que cela les amène également à prendre en charge « le suivi alimentaire des personnes obèses, diabétiques ou encore intolérantes au gluten [31] ». Le programme alimentaire proposé par Curves s’apparente à « un ensemble relativement cohérent de pratiques, discursives et non discursives, d’architectures, d’objets ou de machines, qui contribue à orienter les actions individuelles et collectives dans une direction » (Lahire, 2005 : 323).
30Ces pratiques assez inédites sur le marché de la forme français peuvent être interprétées comme une forme de « gouvernementalité [32] ». Elles confirment que le corps demeure le lieu d’imposition privilégié de normes corporelles de genre, un corps soumis à « des contraintes, des interdits ou des obligations » (Foucault, 1975 : 161). La régulation des normes corporelles procède ici par une médicalisation des discours et des pratiques qui ne doit pas faire oublier que l’intention sous-jacente de ces transformations corporelles demeure la correspondance aux critères sociaux de beauté.
Sanctionner : la valorisation des performances corporelles
31L’instauration de ces formes de contrôle social contribue à sanctionner tout écart aux normes corporelles dominantes. Elles prennent appui sur l’ensemble des données recueillies dans les dispositifs précédemment évoqués et diffusent, via divers supports de communication, les transformations corporelles les plus flagrantes.
32Ces dernières s’apprécient d’abord en interne par le biais d’un tableau d’affichage renseignant sur un post-it de couleur, la fourchette d’adiposité, les mensurations et le poids perdu. « Caro -48 cm », « Gladys -6,9 kg », « Lydie -5,29 % d’adiposité », peut-on lire sur les supports. Une manière comme une autre de diffuser l’idée - aux clientes qui ne manqueront pas de s’arrêter devant cet affichage qui peut parfois faire 1,50 m sur 3 mètres et est souvent placé dans un lieu de passage obligé - qu’après plusieurs mois de pratique chez Curves, le corps se transforme « vraiment ».
33Une diffusion plus large est également assurée sur le réseau social Facebook. Il s’agit d’abord de fêter chaque centaine d’entraînements menés, sanctionnant ainsi favorablement l’investissement des clientes les plus assidues. Concrètement, cela se traduit par la publication de photos sur lesquelles les adhérentes portent le tee-shirt offert par l’établissement concerné à cette occasion. Il s’agit aussi de féliciter publiquement les clientes qui, depuis leur première adhésion à la franchise, ont perdu le plus de « poids ». Les messages de félicitations sont systématiquement assortis des chiffres faisant preuve. Cet exemple choisi parmi tant d’autres en témoigne, « Bravo à Virginie qui, en 3 mois, a perdu 50 cm, 11 kg et 5 % de masse adip à l’aide de Curves Complete et de sa motivation à l’entraînement ! Nous te félicitons ».
34Le site Internet du réseau national diffuse enfin les « meilleures » évolutions, qualifiées ainsi par la franchise. Celles-ci sont mises en image et « donnent lieu à des analyses, [à] des comparaisons avant/ après » (Pharabod, Nikolski et Granjon, 2013 : 111) à l’aide de photographies. Elles sont accompagnées de divers commentaires félicitant la cliente concernée : « Bravo Mandy, adhérente à Curves Lomme (59) qui fête la perte de son 31e kg en 7 mois ! » ou encore « Félicitations à Annick, du club de Douai (59), qui s’entraîne depuis 5 ans chez Curves et a dépassé le 1 000e entraînement ! Elle a perdu 36 kg durant les 3 premières années et a stabilisé son poids depuis. Bravo Annick ». En définitive, et même si les institutions ne sont pas comparables, cela n’est pas sans rappeler le « gouvernement des corps » défini par Didier Fassin et Dominique Memmi comme intégrant « les actions de formatage institutionnel, la surveillance, la moralisation, mais aussi les opérations de reconnaissance et de qualification, de classement et de catégorisation » (2004 : 10-20).
Conclusion
35Comme leurs homologues mixtes, les centres Curves « réservés aux femmes » définissent l’activité physique pratiquée en leur sein, comme un moyen privilégié permettant d’accéder à la « transformation volontaire du corps et de son apparence » (Pagès-Delon, 1989 : 48). De prime abord, ils encouragent le recours à ces pratiques corporelles pour promouvoir la santé et profitent, pour ce faire, de la politique préventive en matière de santé publique. Mais les observations et les entretiens menés au sein des centres Curves mettent au jour une définition de la santé qui n’est plus un « impératif biologique lié à la survie » (Baudrillard, 1970 : 218), pas seulement la recherche d’« un état complet de bien-être physique, mental et social » (OMS) mais plutôt un « impératif social » (Baudrillard, 1970 : 218) intimement lié à la beauté. Avancé pour des raisons soi-disant médicales, le contrôle des corps mis en œuvre répond implicitement et explicitement à des normes relevant de l’esthétique féminine.
36Nous avons montré comment ces institutions s’organisent concrètement pour éviter aux femmes de vivre des situations de stigmatisation : activités menées entre pairs, dispositions spatiales, matérielles et humaines particulières permettant d’assurer le bien-être mental, social et physique de leurs clientes. Nous avons cependant souligné comment ces institutions diffusent l’idée d’un corps qu’il faut peser, mesurer, parcelliser, travailler, classer pour tendre vers un idéal corporel qui, s’il n’est pas mis en image, demeure très présent au sein de ces espaces particuliers. Plus que diffuser l’idée, ils la mettent en acte, impliquant les clientes dans un vaste projet de transformation corporelle, étant entendu qu’« il n’est plus question de se contenter du corps que l’on a » (Le Breton, 1999 : 16), « il convient de le prendre en main, de le hausser de brouillon en œuvre de soi » (Le Breton, 2005 : 94). Il s’agit bien de réduire sa masse corporelle et non de l’augmenter, il s’agit bien d’accroître sa masse musculaire et non de la diminuer, il s’agit bien de diminuer son pourcentage d’adiposité et non l’inverse. Si la manière de faire est inédite - il s’agit de valoriser aux yeux de toutes, les clientes qui ont répondu le plus favorablement possible aux injonctions de santé et d’esthétique, au lieu de stigmatiser tout écart aux normes établies- le processus est identique. L’institution s’est donné les moyens d’agir autrement sur les corps qu’elle considère comme déviants.
37Finalement, la non-mixité de genre imposée dans ces centres dits de remise en forme permet à l’institution de produire et reproduire les normes corporelles de genre. La « santé » ou la « forme », termes employés indistinctement par les représentant-e-s de ces centres, ne se définissent pas identiquement selon que l’on est une femme ou un homme. Nos résultats confirment ce que Catherine Louveau a déjà montré, « pour un homme ‘être en forme’, c’est posséder des qualités organiques invisibles ou cachées qui le prédisposent à l’action, tandis que pour une femme, ‘être en forme’, c’est au sens étymologique, (re)trouver la beauté corporelle telle qu’elle est définie par les canons en vigueur dans la classe dominante » (1981 : 308). Profitant de cet espace « entre-femmes », ces institutions font prendre conscience à leurs clientes qu’elles sont, plus que les hommes, « dans l’obligation et le devoir de ‘produire’ et ‘reproduire’ leur propre corps pour en faire un objet acceptable aux yeux d’autrui » (Darmon, 2006 : 445). Finalement, l’étude des centres dits de remise en forme « réservés aux femmes », en mettant au jour l’utilisation des arguments prétendus scientifiques dans l’imposition et la légitimation de normes sociales, renseigne la (re) naturalisation des rapports de sexe dans les discours et les pratiques sanitaires.
38Ce « gouvernement des corps » (Fassin et Memmi, 2004 : 10) ne se heurte à aucune résistance apparente des adhérentes. Tendre vers un idéal corporel implique « travail plus que délassement, contrainte plus que relâchement : l’amincissement est ‘épreuve’, comme sont tout simplement ‘épreuves’ les normes sociales » (Vigarello, 2004 : 250). S’approcher des premières concernées, les interroger sur la manière dont elles vivent cette « épreuve », dont elles adhèrent, contournent ou éventuellement résistent aux assignations corporelles de genre, apparaît comme une perspective stimulante et heuristique. Il s’agira d’abord de mesurer les effets de ce gouvernement des corps sur les clientes qui ne s’engagent pas ou ne parviennent pas à s’engager dans le processus de conformation. Car à défaut de sanction, la survalorisation de normes corporelles dont on sait qu’elles sont « inatteignables » (Darmon, 2006 : 446) peut avoir d’autres effets sur la socialisation corporelle des femmes (le retour à la sédentarité, des troubles alimentaires, par exemple). Il s’agira ensuite d’affiner notre analyse du processus de normalisation corporelle dans ces centres particuliers. Le fait d’imposer une non-mixité de genre ne doit pas masquer les formes de contrôle social entre femmes qui, plus insidieuses, auraient échappé au regard de l’observatrice et se laisseraient plus facilement appréhender par le discours. Même si nos observations invitent à penser le contraire, il faudra interroger les clientes sur les éventuelles sanctions symboliques émanant des autres femmes occupant l’espace de pratique et pouvant tout de même conduire à l’expérience de situations de stigmatisation. Il s’agira enfin d’analyser les conséquences de ce processus de séparation des sexes dans le cadre des activités physiques en caractérisant socialement ces femmes qui souhaitent pratiquer au sein d’un espace interdit aux hommes et en tentant d’expliquer pourquoi le fait d’inscrire leurs pratiques d’entretien corporel dans un tel espace s’est imposé. Il y a matière ici à renseigner les modes de production des rapports sociaux de sexe et plus localement des relations sociales sexuées, car les situations observées sont inédites. Nos premiers résultats invitent à ne pas s’arrêter à la non-mixité de genre en intégrant à l’analyse les autres formes de mixité qui semblent s’instaurer au sein de ces espaces. Si la problématique des rapports sociaux de sexe et de genre a constitué un mode d’entrée essentiel, elle devra dans la suite des travaux être pensée dans sa co-extensivité avec les autres rapports sociaux. Les centres de remise en forme « réservés aux femmes » pourraient alors devenir un laboratoire d’études original permettant de tester, d’ajuster, de compléter, d’illustrer la théorie intersectionnelle (Bilge, 2009).
39Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.
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Mots-clés éditeurs : beauté, normes, corps, remise en forme, santé, genre
Date de mise en ligne : 03/10/2018
https://doi.org/10.1684/sss.2018.0116Notes
-
[1]
Cette définition apparaît dans le « guide pratique d’accompagnement à la création d’entreprise » proposé en version numérique par le Ministère des Sports, http://www.sports.gouv.fr/autres/Guide_crea_ent.pdf.
-
[2]
Par exemple, depuis 2012 et le lancement par la ville de Strasbourg du programme « Sport-santé sur ordonnance », qui encourage « la pratique d’une activité physique régulière, modérée et adaptée à l’état de santé des malades chroniques », les organisations privées marchandes, tels les centres dits de remise en forme, se mobilisent pour tenter de pouvoir répondre à ce programme. http://www.strasbourg.eu/vie-quotidienne/solidarites-sante/sante/sport-sante-sur-ordonnance-a-strasbourg, consulté le 05/11/2015.
-
[3]
Selon les chiffres proposés par Rémy Viallon et Claude Chiocci (2002).
-
[4]
Ces pourcentages s’appuient sur un effectif de 2 500 salles existant en 1999.
-
[5]
Chiffres publiés dans « La folie Fitness », L’Equipe magazine, 1629, 5 octobre 2013, p.40.
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[6]
Selon une enquête menée sur un échantillon représentatif par l’institut IPSOS en 2005, http://www.ipsos.fr/ipsos-public-affairs/actualites/2005-02-21-francais-et-body-fitness, consulté le 26 avril 2015 à 03h38.
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[7]
C’est en 2004 que la première salle Curves a été enregistrée en France au registre des sociétés.
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[8]
Littéralement : « pas d’homme, pas de miroir, pas de maquillage ». Ce slogan est repris par plusieurs établissements, notamment lorsque ces derniers communiquent dans la presse. C’est le cas de celui d’Armentières : http://www.armentieres.maville.com/actu/actudet_-La-devise-de-Curves-se-resume-par-3-M-no-men-no-mirror-no-make-up-*-_loc-1259952_actu.Htm, consulté le 20 octobre 2016.
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[9]
Quatre autres franchises (Lady Fitness, Lady Moving, Femmes en Forme et Tahiti Sun) se partagent les 64 salles restantes. A celles-ci, s’ajoutent des centres indépendants, au nombre de 58 en France métropolitaine en date du 26 avril 2015.
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[10]
Issue du milieu de la communication, elle a contribué à la création du concept Curves.
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[11]
Ces informations sont diffusées aux clientes et aux futures clientes par le biais de flyers, de cartons d’invitation, de carte de parrainage, etc.
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[12]
http://www.curves.eu/fr/franchise, consulté le 31 octobre 2015.
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[13]
Plus de 200 heures d’observation non participante ont été réalisées, au sein de trois établissements appartenant à la franchise Curves. Cette entrée sur le terrain a été facilitée par l’obtention d’un stage de commerciale dans l’un d’eux, condition nécessaire à la validation du diplôme de Master Management du sport. Ce statut d’étudiante-stagiaire, acquis provisoirement, justifiait une présence quasi quotidienne et permettait ainsi d’observer les pratiques des membres du personnel et des pratiquantes.
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[14]
Muriel Darmon, Anne Hurtubise et Roch Quéniart (2008) montrent, à partir de l’exemple du tabagisme, comment les politiques corporelles, à travers notamment les politiques de prévention et leur volonté de régulation ex-ante des destins corporels, concernent tout autant les fumeurs que les potentiels futurs fumeurs.
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[15]
Au cours des journées de formation du personnel d’encadrement nouvellement recruté.
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[16]
Comme le précisent les supports de formation intitulés « Les 3C du coaching sur le circuit » évoqués précédemment.
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[17]
Site internet http://cedricvanecke.yellis.net/curves%20fini/curves2/concept.html, consulté le 30 octobre 2015.
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[18]
Site Internet de la franchise Curves, http://www.curves.eu/fr, consulté le 31 octobre 2015.
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[19]
Nommer chaque cliente par son prénom dans le cadre de l’activité physique, accueillir chaque cliente par une formule de politesse individualisée, etc.
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[20]
http://www.curvesclichy.com/concept.html, consulté le 31 octobre 2015.
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[21]
Cela est caractéristique des salles réservées aux femmes. A l’inverse, les salles mixtes n’hésitent plus à mettre les clients « en vitrine », afin de rentabiliser au mieux la surface de pratique mais aussi à des fins de communication (Amazonia, Le Club de Gym, etc.).
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[22]
Propos recueillis dans les vestiaires d’un centre Curves, le mercredi 19 février 2014.
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[23]
Site Internet de l’OMS : http://www.who.int/features/factfiles/obesity/facts/fr/, consulté le 27 juin 2017.
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[24]
La cliente doit écarter les jambes tendues selon la largeur des épaules, tendre les bras à hauteur des épaules, regarder droit devant et serrer les pouces sur les zones indiquées.
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[25]
http://www.curves.eu/fr, consulté le 1er novembre 2015.
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[26]
A l’inverse des encadrant-e-s, les gérant-e-s interviewé-e-s présentent des trajectoires scolaires très hétérogènes. Sur les sept interrogés, seuls trois présentent une formation liée à l’encadrement de publics dans le cadre d’activités physiques et sportives. Quant aux autres, ils ont exercé dans des domaines variés tels la gestion de profit, la finance, l’agro-alimentaire ou encore la comptabilité.
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[27]
Ce dispositif est en sus de l’abonnement dans les structures les plus anciennes. Pour les nouvelles adhérentes, le prix d’entrée comprend le surcoût du service.
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[28]
http://www.curves-eysines.com/curves-smart, consulté le 7 juin 2014.
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[29]
Cleveland Clinic est un centre académique médical américain, à l’origine du programme alimentaire Curves Complete.
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[30]
Nommés ainsi par les enquêté-e-s, ils désignent les documents internes à la franchise (non communiqués au public). Parmi eux, on retrouve par exemple les propos devant être tenus aux pratiquantes pour les féliciter des efforts réalisés.
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[31]
Précisons que les professionnels pouvant occuper de telles fonctions en France doivent être titulaires d’un diplôme d’état français de diététicien ou médecin et titulaire d’un diplôme d’études spécialisées complémentaires (DESC) de nutrition.
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[32]
Par « gouvernementalité », Michel Foucault (1989 : 135) analyse le pouvoir comme « un domaine de relations stratégiques entre des individus ou des groupes qui ont pour objet la conduite de l’autre ou des autres, et qui ont recours, selon les cas, selon les cadres institutionnels où elles se développent, selon les groupes sociaux, selon les époques, à des procédures et des techniques diverses ».