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Article de revue

En Afrique, la matérialité du soin au cœur des tensions soignants-soignés ?

Pages 69 à 95

Notes

  • [1]
    Le sens de ces notions est clarifié plus loin.
  • [2]
    Quel(s) jeu(x) de distances vais-je établir entre moi et les autres réalités ? Quelle(s) place(s) vais-je pouvoir, devoir, vouloir occuper ? Quelles procédures de franchissement d’un espace à l’autre vais-je avoir à assurer ? (Lussault, 2010)
  • [3]
    Nous avons choisi d’anonymiser les noms de lieux et de personnes.
  • [4]
    Selon l’OMS il est improbable que des pays disposant de moins de 23 professionnels de santé (médecins, infirmiers et sages-femmes) pour 10 000 habitants obtiennent des taux de couverture adaptés aux interventions essentielles en matière de soins de santé primaires.
  • [5]
    28,3 % de la population est alphabétisé en 2007 (MINPAT, 2010).
  • [6]
    À la fin des années 1980, un médecin du secteur public en début de carrière déclarait gagner 411 €/mois. Après les deux baisses de salaire, ses revenus oscillaient de 128 à 175 €/mois au début des années 2000.
  • [7]
    Le « dossier » a une trajectoire dans l’administration. Le faire « avancer » consiste à le faire passer d’un service à un autre ou d’un fonctionnaire à un autre.
  • [8]
    Je rappelle qu’on est ici aussi, au sein d’un système administratif dans lequel, pour obtenir quelque chose, il faut donner quelque chose ou connaître quelqu’un (Blundo et Olivier de Sardan, 2007).
  • [9]
    École nationale de magistrature.
  • [10]
    Ce sont les expressions employées par les infirmières du service.
  • [11]
    « Tu es venue nous montrer ton bébé ? », « C’est très gentil d’être venue nous montrer ton enfant », sont quelques-unes des expressions employées par les infirmières à l’endroit des femmes revenues dans ce but.
  • [12]
    Je remercie un des relecteurs pour cette remarque.
  • [13]
    Prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant.
  • [14]
    Il est attendu des hommes qu’ils s’acquittent des frais liés à l’accouchement et attendent, loin des salles d’accouchement et de travail, qu’un membre de la famille vienne leur annoncer la naissance. Ils rejoindront leur épouse une fois qu’elle aura quitté la salle d’accouchement et aura été installée en salle d’hospitalisation post-partum.
  • [15]
    Remarque d’un relecteur que je remercie.
  • [16]
    Ce terme, employé lorsqu’un enfant « propre » urine ou défèque dans sa culotte, nous paraît adapté aux situations que nous souhaitons décrire.
  • [17]
    Les infirmières évaluent l’ouverture du col à la mesure de leurs doigts.
  • [18]
    Théoriquement, toutes les femmes qui viennent d’accoucher doivent s’en procurer un auprès de la pharmacie de l’hôpital.
  • [19]
    Les accompagnants peuvent se procurer le kit nécessaire (environ 75 €) pour pratiquer une césarienne contre une pièce d’identité et payer plus tard.

1Les soins en Afrique ont fait l’objet de nombreuses études de sciences sociales. Plusieurs aspects ont été abordés : l’offre et l’accès aux soins, les conditions de travail, les rapports entre soignants et soignés, la crise des ressources humaines en santé (Chen et al., 2004 ; Dovlo, 2005 ; Sartorius, 2005). La plupart des études décrivent un environnement de travail déplorable, cause de frustrations chez les soignants, même si certains travaux montrent qu’ils demeurent satisfaits en dépit de ces conditions de travail (Walker et Gilson, 2004). Les mauvaises conditions de travail ont été imputées à la crise économique, qui a été suivie des politiques dites d’assainissement mises en place par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, puis de la dévaluation du franc CFA. Ces mesures ont entraîné une baisse de plus de 50 % des salaires des personnels de santé, les poussant à adopter différentes stratégies pour augmenter leurs revenus (Israr, 2000 ; McPake et al., 1999). D’autres travaux ont mis en évidence les tensions caractéristiques du rapport soignants-soignés (Jaffré et Olivier de Sardan, 2003 ; Jewkes et al., 1998). L’idée qu’il existerait un « attitude problem » chez les soignants a même été évoquée : « ... they are corrupt, rude, and indifferent to some patients, while others (often family and friends) receive services of a higher standard » (Andersen, 2004 : 2003). Les maternités seraient plus que les autres services, concernées par ces comportements (Jaffré, 2009 ; Olivier de Sardan, 2001). Plus récemment, des chercheurs ont étudié l’impact des initiatives globales de santé sur les systèmes de santé locaux (Brown et al., 2012 ; Campbell et al., 2012). Quelques-uns se sont également intéressé aux raisons pour lesquelles certains problèmes de santé bénéficient d’une meilleure attention que d’autres (Hörbst et Wolf, 2014 ; Kojoué-Kamga, 2013).

2En dépit de la richesse de ces travaux, un point reste insuffisamment abordé : la matérialité du travail des soignants et son impact sur les relations soignants-soignés. Le soin, qu’il soit médical ou paramédical, est assuré grâce à des outils, des dispositifs technologiques et une organisation pragmatique de l’espace, censés faciliter les activités conduites. L’absence ou l’inadéquation du matériel influent négativement sur le moral des soignants, les rapports aux rôles professionnels, les relations entre les soignants et les usagers, les soignants et l’État. Les études de psychologie sociale montrent d’ailleurs que les conditions inadéquates, l’impossibilité de contrôler son activité et la charge de travail sont, parmi d’autres, des facteurs de burn-out (Maslach et Leiter, 1997), ce syndrome qui conduit des personnes impliquées professionnellement auprès d’autrui à traiter durement les usagers (Schaufeli et al., 1993). Dans cette perspective, Andersen (2004), étudiant le traitement différentiel des malades au Ghana, avait suggéré de ne pas mettre uniquement en évidence les comportements négatifs des soignants, mais de prendre aussi en compte leurs conditions de travail, à l’origine de ces mauvaises pratiques.

3Nous voudrions suivre cette voie et suggérer que le comportement jugé négatif des soignants a sa source dans les conditions de travail. Plus précisément, dans cet article, pour comprendre pourquoi ils agissent de cette manière (Jaffré, 2009), donc comprendre les tensions entre soignants et soignés, nous étudierons le cas particulier de la maternité d’un hôpital camerounais, situé dans la région de l’Extrême-nord. Nous formulons l’hypothèse suivante : dans un contexte où la structuration de l’espace est inadaptée aux activités et où l’équipement et les consommables de première nécessité sont manquants, ces tensions sont la conséquence d’un travail incessant de traduction/déplacement [1] de l’espace (Akrich, 1992, 2010) en vue de l’adapter aux activités en cours et à venir, de la volonté d’avoir une certaine emprise sur ces activités en anticipant les discontinuités qui pourraient survenir, enfin de la fatigue résultant de ce travail permanent de détournement et d’anticipation. Pour ce faire, nous nous appuierons principalement sur les travaux de géographes, surtout ceux de Lussault et Stock (2010), ainsi que sur les travaux d’Akrich (1992, 2010) sur les objets techniques.

4Lussault suggère deux approches pour étudier les façons de « faire avec l’espace » : une géographie de l’espace et une géographie des spatialités. La première étudie la manière dont les sociétés s’organisent spatialement. L’espace est défini comme « un agencement ou un arrangement de réalités sociales qui entretiennent des relations de coexistence distante » (Lussault, 2010). Il englobe toutes les idées, toutes les pensées, tous les savoirs exprimés par cet arrangement des réalités. Mais l’espace, comme le souligne encore Lussault, n’est pas qu’une étendue physique, il est composé d’artefacts, d’organismes vivants, susceptibles de devenir des « opérateurs » ou « actants spatiaux », c’est-à-dire des entités opérant des actes qui construisent l’espace social pour répondre à des problèmes pratiques [2]. Les opérateurs spatiaux permettent de passer de la géographie de l’espace à l’analyse des spatialités, c’est-à-dire le « faire avec l’espace », objet de cet article.

5La géographie des spatialités, qui est aussi une pragmatique de l’espace, s’intéresse à la manière dont les opérateurs utilisent la ressource spatiale en fonction des circonstances. Elle prend en compte la coprésence des acteurs ainsi que leurs réseaux d’interdépendances pour comprendre les compétences engagées dans une situation. Outre les notions d’opérateurs ou actants spatiaux, les notions de « capital spatial » et de « compétences élémentaires de la spatialité » sont utiles en termes d’analyse. Le capital spatial est l’ensemble des savoirs et des compétences qui permettent aux opérateurs de construire l’arrangement optimal des réalités en situation d’action, de maîtriser cognitivement et de réguler cet arrangement. Les opérateurs spatiaux sont ainsi dotés de « compétences élémentaires de la spatialité » : compétence de distance pour différencier le proche du lointain ; d’échelle pour apprécier l’ordre de grandeur des réalités ; de limite pour sectionner les emplacements, savoir prendre place ; de franchissement pour savoir quand franchir les limites (indispensable lorsqu’on se déplace au sein de l’hôpital). Cette capacité de penser et d’agir dans une configuration dynamique procède d’une capitalisation de répertoires d’actions. On voit ainsi que le capital spatial ne s’acquiert qu’avec l’expérience, au contact d’autres opérateurs spatiaux. Pendant ce processus, des tensions liées aux lacunes (dans les compétences citées) sont inévitables, comme nous allons le voir en étudiant le cas précis d’une maternité d’hôpital. Lussault (2010) insiste enfin sur le rôle de l’organisation matérielle de l’espace, préexistant à l’action. Elle constitue un déjà-là de l’expérience sur laquelle toute pratique s’appuie, la modifiant ou l’enrichissant. L’espace change donc en permanence du fait des actions de l’ensemble des opérateurs spatiaux, ce qui nécessite un effort d’anticipation constant.

6De ce qui précède, on peut suggérer que soigner est aussi bien un art de « faire avec » l’espace qu’une pragmatique de l’espace. D’où l’hypothèse que les conditions de travail, précisément l’inadéquation de la structuration de l’espace aux activités de soins (espace-projet et espace réel ou espace traduit) et l’absence d’équipement et de consommables de première nécessité, expliquent en partie le comportement jugé négatif des soignants. Nous montrerons que la façon dont les actants spatiaux mobilisent leur capital spatial pour adapter l’espace-projet à leurs besoins est au cœur de ces tensions.

7Nous empruntons les notions d’espace-projet, traduction/déplacement à Akrich (1992, 2010), qui a proposé une approche pour décrire les objets techniques transposable à l’espace hospitalier. Akrich (2010) part de l’hypothèse que les objets techniques sont plastiques. Ils reflètent l’usage pour lequel ils ont été conçus, car les concepteurs définissent des « scripts » ou « scénarios », qui sont « inscrits » dans leur contenu technique. Le script prédétermine les paramètres que les utilisateurs doivent imaginer. S’ils ne jouent pas le rôle envisagé, ou définissent des rôles différents, les objets restent des « chimères », car c’est dans la confrontation entre les objets techniques et les utilisateurs que ces derniers sont rendus réels. Si l’on s’intéresse aux objets techniques et non aux chimères, il faut donc faire des allers-retours entre l’utilisateur prévu (par le concepteur) et l’utilisateur réel, entre le monde inscrit dans l’objet et le monde décrit par son déplacement (l’auteur emploie également le terme de traduction). La méthode qu’elle propose, la de-scription, doit, selon elle, être développée dans ce cadre (Akrich 1992 : 208-209). Les notions de déplacement et de traduction renverraient aux rôles que les usagers imaginent et définissent à partir des dispositifs techniques spécifiques, quand bien même ils seraient différents du projet du concepteur. C’est dans ce sens précis que les notions de déplacement et de traduction seront également employées ici.

Précisions méthodologiques

8Si l’on admet que l’espace hospitalier est un construit social, il convient, pour l’étudier, de s’intéresser aux discours et aux pratiques à l’œuvre, plutôt qu’aux acteurs conscients (Low et Lawrence-Zuniga, 2009). C’est l’approche choisie ici. Les données ont été collectées au long de travaux de recherche conduits dans l’une des principales villes de l’Extrême-Nord du Cameroun, que nous appellerons Palam-Palam [3]. Ces travaux ont porté sur la prise en charge de la tuberculose et du VIH. Nous avons analysé les conditions de travail des soignants pour éprouver la validité du burn-out dans ce contexte. Nous avons évalué un programme de santé qui voulait améliorer la qualité des soins obstétricaux d’urgence ainsi qu’un programme d’approche solidaire en santé génésique. Enfin, nous avons étudié, d’un point de vue ethnographique, le programme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Ces travaux nous ont offert un accès à l’ensemble des structures de santé de la ville, aussi bien publiques que privées, et nous ont permis d’organiser des entretiens semi-directifs et des focus groups avec les soignants. En outre, le directeur de l’hôpital public le plus important de la province nous a ouvert l’accès à tous les services de l’hôpital, où nous avons pu effectuer des heures d’observations. Du fait de cet accès privilégié au terrain, nous avons pu assister aux consultations et circuler librement dans la salle d’accouchement, au bloc opératoire et au laboratoire. Nous circonscrirons notre analyse à la maternité.

9L’article est structuré en deux grandes parties. La première partie replace la province dans son contexte pour mettre en évidence son invisibilité et l’impact de celle-ci sur le rapport des soignants à l’hôpital. Dans la deuxième partie, l’espace de la maternité est décrit de manière à montrer comment, du fait de son inadéquation aux activités qui doivent s’y dérouler, il est incessamment « traduit » (Akrich, 2010) par les usagers et les soignants. Nous relevons, ce faisant, les tensions qui en découlent. La traduction, qui nécessite de prendre en compte la position des collègues et d’anticiper celles des usagers, demande de l’énergie et doit se faire de manière constante, en même temps que l’on répond à diverses sollicitations. C’est donc un travail qui épuise les ressources intellectuelles. Nous mettons ici en évidence le fait que les soignants exercent leur métier dans des espaces inadéquats, où manquent les équipements et les consommables de première nécessité. Pour contrôler un tant soit peu leurs activités, ils doivent mettre en œuvre différentes stratégies d’anticipation, gérer les sollicitations et faire face aux difficultés matérielles. Les altercations avec les usagers sont liées à ce travail de traduction, d’anticipation et à la fatigue qui en découle.

L’hôpital est situé dans un « nid à postes secs »

10La maternité étudiée se trouve au sein de l’hôpital de Palam-Palam, à l’extrême-nord du Cameroun, le « bord du monde » (Benoît, 1957), la marge du territoire. Les caractéristiques de cette marginalité sont, d’une part, la carence, voire l’absence, de connexions fiables (moyens de transport et moyens de communication) entre la région et le reste du territoire et, d’autre part, l’insécurité causée par la secte Boko Haram. En effet, depuis la fin de l’année 2012, plusieurs enlèvements revendiqués par cette secte ont eu lieu. Des affrontements entre les membres de ce groupe et les forces armées camerounaises sont régulièrement signalés dans cette région qui, du fait de sa proximité avec le Nigeria, sert de lieu de repli aux islamistes acculés par l’armée nigériane. En mai 2014, la ville était encore classée « zone rouge » par le ministère des Affaires étrangères français, interdite aux chercheurs français du fait de son instabilité et des menaces exercées par Boko Haram.

11L’Extrême-nord est aussi la région des superlatifs négatifs, comme l’illustrent les chiffres cités dans les paragraphes suivants. C’est la deuxième région la plus peuplée du Cameroun, avec seulement 24 % de la population habitant en zone urbaine ; la région la plus pauvre, avec 65,9 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, dans des habitats construits avec des matériaux de fortune, sans eau potable ni lieux d’aisance décents (MINPAT, 2010). Ces éléments expliquent en partie la récurrence d’épidémies de choléra. Pour faire face à ces crises sanitaires et aux problèmes de santé dans leur ensemble, la région dispose de plusieurs hôpitaux et centres de santé intégrés, accessibles pour la plupart en saison sèche. Lors de la saison des pluies, leur accès est limité par les inondations. On compte un médecin généraliste pour 24 000 habitants, un infirmier diplômé d’État pour 7 000 habitants, un aide-soignant pour 2 000 habitants et un gynécologue pour l’ensemble de la province (MINPAT, 2010) [4]. À cause de ces chiffres, l’Extrême-nord est souvent utilisé comme le pendant négatif d’indicateurs « acceptables » (Mba et al., 2011). Dans l’imaginaire des populations du grand Sud-Cameroun, c’est une région à la fois proche et distante. Elle est considérée comme proche dans la mesure où elle fait partie du Cameroun, mais elle est distante par sa situation géographique et du fait que sa population est perçue dans le reste du pays comme attardée, sous-instruite [5]. Ces représentations sont partagées par la plupart des soignants qui prennent leurs fonctions à l’hôpital.

12Les fonctionnaires originaires des provinces du sud du Cameroun ou ceux qui y ont exercé leur métier considèrent les affectations à l’Extrême-nord comme des sanctions, estimant que « c’est une région où on doit se rendre pour le tourisme et non pour y résider » (Médecin). Ils avancent à cela trois raisons : le risque d’être oublié par la hiérarchie, la difficulté de préserver une relation de couple stable et de fonder une famille, la difficulté de faire des projets et de maintenir des relations d’entraide avec les parents.

13La mauvaise réputation du Nord-Cameroun aux yeux des fonctionnaires avait poussé l’ancien chef d’État à mettre en place certains privilèges (billets d’avion offerts aux familles de fonctionnaires pendant les grandes vacances) pour les inciter à venir y travailler. À son départ, ces privilèges n’ont pas été maintenus. Puis la crise économique (années 1990), les politiques « d’assainissement » et la dévaluation du Franc CFA ont entraîné une baisse importante des salaires [6]. Or, il est établi que le niveau des revenus affecte la motivation, le rendement et le moral des salariés. Lorsque les salaires sont insuffisants, ils recherchent d’autres sources de revenus (McCoy et al., 2008), y compris en allant travailler dans des lieux « visibles » (Brown et al., 2012) comme Yaoundé et Douala (respectivement capitale politique et capitale économique), qui abritent les institutions de formation les plus prestigieuses, les cliniques privées de grande capacité, les hôpitaux de référence nationale. Ces établissements offrent des suppléments de solde et confèrent à la fois une expérience importante et une reconnaissance symbolique. Comparé à ces lieux visibles, l’extrême-nord du Cameroun apparaît comme un nid à « postes secs » (Blundo et Olivier de Sardan, 2007), où la qualité de vie est médiocre, les possibilités d’enrichissement limitées et où l’on court le risque d’être oublié par la hiérarchie. Pour toutes ces raisons, beaucoup prennent leurs fonctions à l’hôpital et retournent à Yaoundé où, parallèlement à leurs activités dans les hôpitaux publics ou cliniques privées, ils essayent d’obtenir une nouvelle mutation.

14Au-delà des salaires, la distance a un impact sur la gestion de la carrière professionnelle. Par exemple, les dossiers d’avancement en grade sont traités à Yaoundé, mais, comme les connexions entre Yaoundé et la région ne sont pas très fiables, elles sont coûteuses en temps et en énergie. Les fonctionnaires qui doivent se rendre à Yaoundé pour faire « avancer » [7] des dossiers se préparent pour un voyage de quinze jours, sans certitude d’obtenir le résultat escompté [8]. Tout cela contribue à affaiblir leur motivation, comme en témoignent les propos de ce médecin : « Même l’État ne nous respecte pas. Lorsque je pense qu’il y a des gens avec qui j’ai eu le Baccalauréat, ils ont été admis à l’ENAM[9] et ont commencé à recevoir une bourse ; à la fin de leurs études, ils n’ont pas attendu avant d’avoir leur salaire et moi, après 7 années d’études, je dois encore galérer avant d’avoir un salaire, c’est vraiment frustrant. »

15

« À l’époque de l’ancien président, il y avait une “motivation”. Pendant les vacances, on offrait un billet d’avion aux fonctionnaires afin qu’ils puissent se rendre chez eux avec leur famille… Nous, nous sommes affectés, nous n’avons même pas de salaire. Il faut que quelque chose puisse te motiver, mais il n’y a rien. Je ne peux pas te mentir, quand je reviens de Yaoundé, j’ai les larmes aux yeux. Je me sens comme un homme qui va être jeté en prison. Tu me vois assis tranquillement dans le train, mais je pleure dans mon cœur, je me demande : Quand est-ce que je vais prendre le train pour ne plus y retourner ? »
(Biochimiste)

16La situation de Palam-Palam à l’intérieur du territoire et les connexions difficiles avec le centre limitent la mobilité, réduisent les possibilités de se projeter dans l’avenir et sapent à la fois la motivation et le rapport à la fonction publique. Comme nous l’avons noté, la frustration peut avoir des répercussions sur les relations avec les usagers (Maslach et Leiter, 1997). À cela viennent s’ajouter une structuration inadaptée de l’espace, le manque d’équipement et de consommables de première nécessité. Le tout compose un terreau favorable à l’émergence de tensions, comme c’est le cas à la maternité.

De l’espace-projet à l’espace traduit

17La maternité est située dans le service de gynéco-obstétrique, en face du service de médecine interne et de pédiatrie. Elle a une structure en T. Sa partie horizontale comprend deux bureaux réservés au gynécologue et à un médecin généraliste. Un couloir sépare les bureaux de quatre salles d’hospitalisation. Dans ces salles sont accueillies des femmes opérées pour des problèmes d’ordre gynécologique ou ayant accouché par césarienne. Un passage où des bancs ont été disposés sert de salle d’attente. Cet endroit sépare la partie horizontale du T de sa partie verticale, laquelle se compose de deux ensembles séparés par un couloir. Sur la droite se trouvent les bureaux de l’infirmier-chef et du soignant le plus ancien du service, surnommé le « coordo ». Quatre salles d’hospitalisation et un local servant de magasin à l’agent d’entretien complètent l’ensemble. Les salles d’hospitalisation sont pour la plupart équipées de quatre lits. De l’autre côté du couloir se trouvent une salle de réunion, un espace dit d’« accueil », puis en enfilade, une salle de soins, la salle de travail, une salle de réanimation, la « garde » et la salle d’accouchement. Cette structuration de l’espace, les manières de se l’approprier (espace traduit), les équipements qui le composent nuisent à la continuité des soins et, par là même, affectent les relations soignants-soignés. Nous le verrons en étudiant les allers-retours que les opérateurs spatiaux (infirmiers et usagers) effectuent entre l’espace-projet (le monde inscrit dans la structure de l’espace), les outils qui le composent (ou devraient le composer) et l’espace réel (l’espace traduit par les opérateurs spatiaux), en vue de l’adapter à leurs activités et besoins.

Lorsque l’« accueil » est déplacé, les frictions sont inévitables

18Commençons par l’espace théoriquement réservé à l’admission des femmes sur le point d’accoucher. Le mot « accueil » figure sur la porte. Lorsqu’on en passe le seuil, immédiatement sur la gauche et adossé au mur se trouve un banc que la surface irrégulière du sol rend très instable. En face, il y a un vieux bureau et une chaise, également instables. L’absence de fenêtre et l’éclairage faible entretiennent une pénombre écrasante. Sur le bureau sont posés des registres, dont plusieurs ne servent plus, et un vieil annuaire téléphonique ; le service n’est pas équipé d’un téléphone. Le bureau comprend deux tiroirs contenant d’autres registres, des dépliants présentant des produits pharmaceutiques. Un téléviseur capte par intermittence les images de la télévision nationale. Les usagers s’installent de temps à autre sur le banc pour regarder la télévision. Là attendent aussi les femmes dont la tension artérielle doit être surveillée après l’accouchement.

19Assis sur le banc, on peut lire sur une porte située en face : « Aucune personne extérieure au service n’est admise ». L’inscription est censée dissuader les usagers désirant aller au-delà de « l’accueil », mais, il faut pour la déchiffrer, que la porte soit fermée. Or, elle est régulièrement ouverte. Cette porte permet d’accéder aux salles de travail, de réanimation, de garde et d’accouchement, et à la salle de soins. Le soin en question consiste ici à « regarder les fils » et à « enlever les fils » [10] utilisés pour la suture des déchirures spontanées et des épisiotomies. « Regarder » pour surveiller la cicatrisation de la suture, pour savoir si on peut « enlever les fils » ou pour déterminer à quel moment ils pourront être enlevés. « Enlever les fils » marque alors la fin de l’accouchement. Les femmes ne reviendront à la maternité que si elles ont gardé des liens amicaux avec les soignants. Elles profiteront d’un passage à l’hôpital (vaccination par exemple) pour « montrer » [11] le nouveau-né aux infirmières, une attention qui est toujours bien reçue.

20Un lit dans lequel les femmes s’installent pour les soins, une paillasse sur laquelle sont posés les consommables nécessaires, une chaise pour la personne qui administre les soins et un lavabo sont les principaux équipements de la salle de soins. Nous avons noté qu’on y passait pour se rendre en salle de travail, de réanimation et d’accouchement. On s’y rend de même pour chercher de l’eau. Les salles d’hospitalisation n’étant pas approvisionnées en eau courante, le lavabo de la salle de soins sert aussi de point d’eau aux usagers. Les passages y sont de fait fréquents. Les façons de circuler dans l’espace et d’interagir avec les soignants permettent de distinguer les usagers qui ont les compétences élémentaires de la spatialité ou un capital spatial propre à ce service, de ceux qui n’en disposent pas. Ici, les frictions sont fréquentes et inévitables du fait du mode de fonctionnement de l’espace traduit, ainsi que nous allons le montrer dans les paragraphes suivants.

21Rabia est chargée de « regarder les fils » et, le cas échéant, de les « enlever ». Pour préserver un tant soit peu l’intimité des femmes, elle ferme souvent la porte. Les usagers qui disposent du capital spatial propre à ce service, les femmes qui sont connues des soignants du service ou celles dont un membre de la famille est en salle de travail ou d’accouchement (et qui ont donc déjà été accueillies) ne frappent pas avant d’entrer. Ils ouvrent, entrent, saluent ou non, se dirigent vers le robinet ou les pièces adjacentes. Cette façon de faire permet à Rabia de travailler sans interruption. Les « nouveaux » quant à eux frappent et certains attendent qu’elle les autorise à entrer. Dans la pièce, quelques-uns lui présentent leur requête sans attendre qu’elle lève la tête ; d’autres attendent qu’elle s’interrompe, lève la tête et s’enquière de l’objet de leur présence. Les directives ou directions données, elle peut se remettre à travailler. Lorsque les interruptions se succèdent, Rabia ne répond plus aux coups à la porte. Après quelques minutes, les usagers s’introduisent timidement, présentent immédiatement leur requête ou attendent qu’elle lève la tête pour s’enquérir parfois sèchement de l’objet de leur visite (ce qui n’est pas apprécié), avant de les orienter.

22Sa façon de gérer les interruptions en dévoilant le statut de l’usager qui reçoit les soins ou ses liens avec elle est aussi susceptible de générer des frictions. Il lui arrive en effet de soigner en discutant cordialement avec certaines patientes. On observe alors qu’elle ne prend pas en compte les interruptions/sollicitations des nouveaux usagers, qui doivent attendre la fin du soin ou se manifester avec insistance et parfois de manière désagréable pour attirer son attention. Il arrive aussi que la situation inverse se présente : un usager entre, Rabia s’interrompt, dit à la personne allongée de se recouvrir d’un pagne, sans se soucier de ses éventuelles protestations, et va s’occuper du client en question. On rejoint ici les réflexions menées autour du traitement différentiel des patients dans les hôpitaux en Afrique (Andersen, 2004).

23Du fait que « l’accueil » n’est pas le point d’entrée des femmes dans le service et de l’absence de points d’eau dans les autres salles, ces dernières, supposées séparées, empiètent sur « l’accueil ». Du coup, les demandes de renseignements et autres sollicitations sont déplacées vers la salle de soins, où Rabia doit alors répondre aux sollicitations des usagers, en général impatients, pendant son travail. Quelle que soit l’option qu’elle choisit pour gérer ses interactions avec eux, les frictions sont pratiquement inévitables.

L’absence d’équipement ou leur détournement engendre des tensions

24À partir de la salle de soins, on accède à la salle de travail, au bout de laquelle se trouve la salle de réanimation. Cette salle de réanimation est équipée de deux bancs inconfortables qui entourent un lit chauffant, un pèse-bébé, un meuble sur lequel sont désormais rangés des registres et posés les carnets de santé. Ce meuble, conçu pour accueillir des nouveau-nés, a été détourné de son usage prévu à cause du manque de rangements. Toutefois, il retrouve de temps en temps sa fonction initiale du fait des représentations associées à certaines pathologies, le sida en l’occurrence, et des standards internationaux qui encadrent le traitement et la prévention de cette infection. Ces standards instaurent une mise à distance des enfants nés de mères séropositives, à cause des risques qu’ils représenteraient pour les autres nourrissons. Dans ce contexte, leur mise en application révèle la plasticité de certains dispositifs et le fait que la démarcation entre séropositivité et non-séropositivité peut être traduite en pratique par l’utilisation d’objets inattendus [12]. Une anecdote permettra de préciser ce point. Nous sommes en salle d’accouchement avec Anne, qui s’occupe d’un nouveau-né. Lorsque la mère arrive, on lui prend son carnet et on lui demande de s’installer en salle d’accouchement. Pendant ce temps, Noëlle, assise dans la salle de réanimation, feuillette son carnet de santé. Devant la mention « PTME l-l » [13], elle ne sait que penser. Diane qui examine la patiente dans la salle d’accouchement, revenue en salle de réanimation, dit : « C’est une PVVS (personne vivant avec le VIH), il faut appeler sa sœur ». Martine, également présente, lui demande si sa sœur est au courant de sa séropositivité au VIH, Diane répond par l’affirmative. Elle remet alors à la patiente l’ordonnance pour un kit d’accouchement, laisse le travail se poursuivre et se rend au bloc opératoire. Le gynécologue pratique une césarienne. Elle doit ramener le nourrisson en salle de réanimation. Elle lui administrera les premiers soins. À son retour, la femme examinée a accouché. Martine s’occupe du fils de cette dernière, étendu dans l’unique lit chauffant de la salle de réanimation. Diane s’apprête à déposer le bébé qu’elle tient près de ce nourrisson (le lit chauffant accueille régulièrement deux, voire trois enfants), lorsque Martine lui dit : « Le cas-là, est compliqué, hein », rappelant que la mère est séropositive. Diane se tourne vers le meuble détourné déjà évoqué, elle repousse les registres dans un coin pour créer de la place, recouvre l’espace créé d’une couche réutilisable, puis installe le nouveau-né. Ainsi, c’est parce que les soignants perçoivent le nouveau-né comme potentiellement contagieux et donc dangereux, qu’ils cherchent à l’éloigner de l’espace habituellement réservé aux nourrissons, que le meuble retrouve la fonction pour laquelle il a été conçu. Les accompagnants ne comprenant pas les raisons de ce traitement différent peuvent demander des explications. Or, le sida reste une pathologie stigmatisante et, pour ne pas prendre le risque de dévoiler la sérologie positive au VIH d’une femme qui vient d’accoucher, les infirmiers n’en disent pas davantage. Certains déplorent l’absence de communication et le manque de respect à l’égard des usagers, qui ont pourtant, soulignent-ils, le droit d’être informés.

Le lit chauffant et le meuble détourné dans la salle de réanimation

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Le lit chauffant et le meuble détourné dans la salle de réanimation

25Les femmes sur le point d’accoucher sont toujours accompagnées d’au moins une femme, quand elles arrivent à la maternité. Les époux attendent dehors. À ceux qui osent franchir la salle de travail pour se diriger vers la salle de réanimation, il est rappelé « qu’on ne veut pas d’hommes ici ». Quelques-unes ne sont accompagnées que par leur époux. Ces derniers peuvent alors avancer jusqu’à la salle de réanimation, mais pas au-delà, surtout lorsqu’une autre femme est en salle d’accouchement. « Il y a la femme d’un autre là-dedans », disent alors les infirmières, ce qui suffit à stopper les plus insistants [14]. Un premier examen permet de confirmer l’imminence de l’accouchement. Les femmes sont ensuite dirigées vers la salle de travail. Elle est équipée de quatre lits d’une hauteur inférieure à celle des autres lits du service, ce qui les rend inconfortables. L’obligation, dans un premier temps, de s’accroupir légèrement pour s’asseoir ou se coucher et, ensuite, de prendre appui sur ses cuisses ou de demander de l’aide pour quitter cette posture ne facilite pas la gestion des contractions (la péridurale n’est pas disponible). Ce point illustre encore l’inadaptation de l’espace et de l’équipement aux usagers et aux activités effectuées. Quelques femmes s’allongent tandis que d’autres restent assises. D’autres vont s’installer en salle d’hospitalisation post-partum où les lits sont plus hauts, ou demandent à être accompagnées dans les couloirs de l’hôpital, exercice supposé accélérer le travail.

26Aucun protocole ne définit le temps qui doit s’écouler entre deux touchers vaginaux. Les femmes ayant d’intenses contractions demandent à être examinées. Quand la dilatation du col de l’utérus est complète, elles sont invitées à passer par la salle de réanimation pour s’installer sur une table en salle d’accouchement. Pendant le processus, les paramètres précis sont notés dans leur carnet de santé. L’accouchement terminé, la naissance est enregistrée dans le registre approprié, les femmes attendent alors en salle de travail qu’une chambre leur soit attribuée en salle d’hospitalisation post-partum.

27Tant que le nombre de lits libres permet de satisfaire l’ensemble des femmes admises, les soignants, pris ou non par d’autres sollicitations, tolèrent cette occupation de l’espace. Par conséquent, certaines quitteront la salle de travail six heures plus tard, pour rentrer directement chez elles. Néanmoins, elles peuvent parfois être réprimandées et envoyées sèchement en salle d’hospitalisation. La cause de ces frictions est le matelas.

Table d’accouchement dans la salle d’accouchement

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Table d’accouchement dans la salle d’accouchement

Tensions autour du matelas

28Une chose curieuse frappe le visiteur qui pénètre dans le service pour la première fois, ce sont les chambres ouvertes dans lesquelles on peut voir plusieurs lits sans matelas. On pourrait penser que le service n’en dispose pas en quantité suffisante pour l’ensemble des lits, mais ce n’est pas le cas. Quand tous les lits avaient leur matelas, des malades ou des soignants profitaient de l’affluence pour voler les matelas. C’est la raison pour laquelle ils ont été inventoriés et rangés dans un coin de la salle de garde. Seuls les lits des chambres recevant quotidiennement les malades et ceux de la salle de travail sont en permanence pourvus d’un matelas. Dès que les lits paraissent inoccupés, les matelas sont enlevés et rangés. Ce n’est que lorsque le matelas a été cédé à un malade, qu’un lit lui est attribué. De temps en temps, l’agent d’entretien du service se charge de leur transfert de la salle de garde vers les chambres d’hospitalisation, mais il arrive que cet agent d’entretien soit occupé à autre chose. Les accompagnants suivent alors une infirmière jusqu’à la salle de garde. Elle leur montre la pile de matelas dans laquelle ils se servent. De cette manière, on pense suivre plus facilement la trajectoire de cette literie. Mais cette façon de faire ajoute une sollicitation, un nouvel élément à anticiper au quotidien, donc un facteur de discontinuités et de frictions.

29Les soignants, pressés par diverses sollicitations, oublient qu’ils ont demandé aux accouchées d’attendre en salle de réanimation qu’un lit (donc un matelas) leur soit attribué. Quelques heures plus tard, à cause de l’affluence et donc de la nécessité de trouver une place pour des entrantes sur le point d’accoucher, à cause de la fatigue due aux sollicitations obligeant à des exercices d’écriture ou à des déplacements d’un service vers un autre et parce que l’information n’a pas été transmise à l’équipe suivante, ils réprimandent rudement ces femmes. Accompagnants ou femmes s’insurgent, avançant qu’ils ne sont pas là par plaisir ; ils attendent un lit !

30On voit donc que plusieurs personnes gravitent autour du matelas, dévoilant le caractère mobile de cet objet que, dans les pays développés, on considèrerait plutôt comme immobile [15]. Le fait qu’il faille le demander, aller le chercher et parfois le ranger, entraîne des passages récurrents entre les salles de soins, de travail et de réanimation. Entre les opérateurs spatiaux qui passent, attendent un matelas, désirent un renseignement ou ont une requête, la salle de travail est très vite et régulièrement occupée par des actants spatiaux qui ne sont pas directement concernés par les activités qui y ont lieu. Parmi les éléments à anticiper s’ajoutent les trajectoires dans l’espace. Les soignants, freinés et gênés dans leurs déplacements et leurs mouvements, doivent anticiper leur chemin au milieu de tout ce monde. Quelques-uns « grondent », rappelant les points du règlement : « aucun homme ne doit se trouver en salle de travail », « un accompagnant par personne », « il faut respecter les heures de visites », etc. La salle de travail se vide alors, mais elle ne tarde pas à se remplir de nouveau, principalement quand il y a des naissances, donc des femmes en attente d’un lit. Outre les points évoqués, il faut citer les « accidents » [16] qui sont une autre source de tensions, due au manque de matériel, leur rangement dans des lieux dont l’accès est théoriquement réservé aux membres du personnel et aux femmes sur le point d’accoucher, ainsi que la charge de travail de l’agent d’entretien.

« Accidents » et tensions

31Les matelas sont constitués d’une éponge relativement épaisse, recouverte de cuir artificiel souple. Ce revêtement doit théoriquement en faciliter l’entretien, car l’accouchement est précédé ou suivi d’écoulements dont l’innocuité n’est pas toujours avérée. Il est préférable de recouvrir le matelas pour se protéger et protéger les autres des sécrétions. L’hôpital ne fournit pas de linge de lit. Lorsqu’un lit est attribué, la patiente ou sa famille doit se charger d’y disposer sa propre literie. En salle de travail, très peu de femmes recouvrent les lits d’un drap, soit du fait de la durée du séjour anticipée à l’hôpital, soit du fait qu’elles quittent leur maison dans l’urgence. Toutefois, la tenue vestimentaire généralement portée par les femmes de la région permet de pallier ce manque. Au nord du Cameroun, les femmes s’habillent pour la plupart avec un ou deux pagnes noués à taille, une blouse et un foulard coupés dans le même tissu. Un voile porté sur la tête peut compléter la tenue, l’ensemble dévoilant le statut social. Quand on est parti de chez soi sans s’être préparé pour l’accouchement, le deuxième pagne sert à recouvrir le matelas. La femme sur le point d’accoucher peut alors s’allonger, en attendant du linge et les vêtements du nouveau-né. Les femmes qui recouvrent les matelas affirment « qu’on ne sait pas ce que la personne précédente a laissé », d’autres n’en font pas grand cas, suscitant des commentaires dépréciatifs.

32Nous avons souligné le fait qu’aucun protocole ne définit le temps qui doit s’écouler entre deux examens. Ceux-ci sont en effet sollicités par les femmes en proie à d’intenses contractions ou par les infirmiers qui veulent savoir « à quel niveau se trouve une femme ». Entre deux examens, une rupture de la poche des eaux peut survenir. Si l’écoulement tache le matelas, il est demandé à la famille de le nettoyer. Si les sécrétions se répandent sur le sol, soignants et accompagnants doivent repenser leur trajectoire, afin de circonscrire l’écoulement. En effet, si les sécrétions s’étalent du fait de passages récurrents, le temps nécessaire pour essuyer sera plus important. Une séparation de l’espace et des individus sera en outre nécessaire ; les uns seront mis à la porte, les autres invités à rester, tout en limitant leurs déplacements jusqu’à ce que le sol ait séché.

33À la suite d’une rupture de la poche des eaux, un « toucher » sera effectué, en fonction du dernier examen. Par exemple, si au dernier examen la femme était à « deux doigts » [17], un autre toucher sera effectué. Une prescription peut être établie pour limiter les risques d’infection. Dans tous les cas, il est demandé à l’accompagnant de nettoyer le matelas ou le sol. Il faudra alors qu’il sache avec quoi nettoyer et où trouver les ustensiles de ménage. Les usagers qui ont le capital spatial propre à ce service passent par la salle de réanimation, signalent aux infirmiers présents qu’ils vont « chercher le seau et la serpillière pour essuyer », entrent dans la salle d’accouchement et y prennent le nécessaire. Ceux qui ne disposent pas de ce capital spatial avancent vers la salle de réanimation et demandent : « Le sol, là, on essuie avec quoi ? » Occupés à différentes tâches, les infirmiers les renvoient vers l’agent d’entretien en disant : « C’est son boulot non ? » Or, cet agent d’entretien est parfois « introuvable ». Ne sachant comment se comporter, appréhendant des frictions qu’il vaut mieux éviter pour assurer un déroulement serein de l’accouchement, les accompagnants attendent. Pendant ce temps, il est difficile d’assurer le contrôle de l’écoulement. Pris ailleurs, les soignants ne s’y attardent pas. C’est lorsque survient un changement d’équipe que toutes les femmes en travail ont accouché et que les soins ont été administrés, que le problème est de nouveau posé. Les soignants blâment les accompagnants de ne pas avoir passé la serpillière, les accompagnants répondent qu’ils ne savaient pas où trouver le matériel et rappellent que « l’agent d’entretien ne fait pas son travail ». La dernière affirmation, qui désigne un coupable absent, calme rapidement la tension. Le sol sec, les traces demeurent.

34Les infirmiers nettoient parfois eux-mêmes l’espace après un « accident ». Pour ce faire, ils doivent porter des gants. Mais les gants adaptés à ce travail sont aussi utilisés par les usagers pour transporter les pots de chambre. Il y a une paire de gants de ce type dans le service ; les accompagnants se servent d’un gant (main gauche ou main droite selon ce qu’ils trouvent) pour transporter les pots. La paire de gants est donc régulièrement indisponible. Or, si l’on peut porter un pot de chambre avec une main, on a besoin de ses deux mains, donc d’une paire de gants, pour nettoyer le sol. L’autre solution est de se servir de gants stériles, mais l’hôpital n’en fournit pas. Les femmes s’en procurent à la pharmacie ou auprès des soignants qui en disposent à la vente. Ceux-ci ne peuvent entamer leur stock destiné à la vente pour nettoyer l’espace de la maternité. Les kits dits « d’accouchement normal » [18], exigés des femmes qui se présentent à la maternité, contiennent des gants. Ces kits (dont les gants) sont systématiquement utilisés pour gérer les accouchements. Dès lors, pour que les infirmiers puissent nettoyer l’espace, il faut :

  • que « l’accident » ait lieu immédiatement après un accouchement (les soignants ont encore les mains chaussées de gants) ;
  • qu’il y ait des traces de sang sur le sol dans la salle d’accouchement, ce qui les oblige à y passer la serpillière ;
  • que le service soit « calme » (qu’il n’y ait pas d’affluence) ;
  • qu’ils veuillent nettoyer au-delà de la salle d’accouchement.

35Une telle conjonction de facteurs est rare.

Tout a l’air crasseux, mais tout n’est pas sale

36Les infirmières trouvent la maternité très sale. Un agent de nettoyage est spécifiquement affecté à l’ensemble des locaux de la maternité. Cet agent, une femme, estime la charge de travail trop importante pour une personne seulement équipée d’un balai, d’un seau, d’une serpillière, d’eau, de chlore ou d’eau de Javel. Elle balaie les couloirs tous les matins. Et les jeudis, jour du nettoyage général, elle doit passer la serpillière dans l’ensemble des pièces. Elle travaille dans la journée, pendant les visites et les soins. Elle ne peut demander aux usagers de quitter les salles ou d’attendre la fin de son travail avant d’y pénétrer. Pour ces raisons, elle passe la serpillière au centre des pièces. Les usagers se rapprochent volontiers des murs et poursuivent ensuite leur trajectoire, le sol encore humide, ce qui engendre des conflits. Devant l’agent d’entretien qui déplore le manque de considération pour son travail, les usagers prétextent l’urgence. Le service et son équipement ne sont donc jamais vraiment nettoyés, d’où cet aspect insalubre. « Au début, commentent deux infirmières, lorsque nous sommes arrivées, quand le service était calme, on nettoyait comme si nous étions chez nous. Lorsque nous prenions le service, en partant, on nettoyait vraiment tout, au point qu’on nous a fait la remarque que nous nettoyions comme si c’était chez nous. On a alors commencé à nettoyer seulement en quittant notre temps de service. Mais lorsque nous revenions prendre le service, tout était sale. Finalement, nous avons aussi abandonné. Il y a un agent d’entretien, quand on lui demande de faire les choses, elle dit qu’elle est fatiguée, qu’elle travaille trop. Tu ne peux rien lui dire. »

37Si la maternité a un aspect insalubre, même après le passage de l’agent d’entretien, c’est en partie parce que l’organisation du service et les équipements disponibles ne permettent pas d’assurer une propreté satisfaisante. Par exemple, il n’y a pas suffisamment de gants pour permettre aux sages-femmes de rincer les récipients dont elles se servent et pour passer la serpillière dans la salle d’accouchement. Les résidus de déchets s’accumulent, conférant à la pièce, aux objets, instruments et récipients, un aspect crasseux. Mais, in fine, cette saleté est considérée comme un trait caractéristique des populations de la région. « Les gens d’ici ne sont pas propres. Les femmes viennent sans se purger. Pourtant, dans le Sud, tout le monde sait que, pendant les dernières semaines de grossesse, tu dois te purger tous les jours. Donc quand tu arrives, c’est d’abord ça (les excréments) qui t’accueille. Tu vois des choses, tu n’as même pas envie de manger » (Infirmière).

Crasseux, mais pas souillés (A : salle d’accouchement ; B : salle de soins)

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Crasseux, mais pas souillés (A : salle d’accouchement ; B : salle de soins)

38Cette façon de penser a des répercussions sur les usagers pauvres, qui sont souvent reçus avec mépris. La saleté est aussi associée à l’absence de conscience professionnelle. « Les Camerounais, ne poursuivent que l’argent. Il n’y pas de conscience professionnelle. Les gens sont sales. C’était à un point où j’ai organisé une réunion de sensibilisation sur les risques de contamination en montrant ce qui peut se passer, par exemple, lorsqu’un soignant enlève ses gants sans les désinfecter. Il n’y a pas d’incinérateur. Les déchets sont jetés sous un arbre jusqu’au jour où ils seront consumés. En attendant, le vent peut souffler, déplacer une paire de gants jusqu’à une aire de jeux où des enfants vont s’en emparer et les transformer en ballon gonflable ! Ou un monsieur qui va sur le pot avec une dysenterie. Il ne se lave pas les mains, touche aux poignées des portes. Quelqu’un va ouvrir les portes et, de retour chez lui, négligeant l’hygiène des mains, il va manger un fruit ou n’importe quoi et trois jours plus tard, il aura une dysenterie ! » (Gynécologue).

39La saleté est enfin attribuée à l’incompétence du directeur. « À C., les choses étaient bien meilleures. C’était propre parce que le directeur de l’hôpital faisait son travail. Il passait voir les services. A 7 heures du matin, il était déjà là. Ici, le directeur est tout le temps dans son bureau, on ne sait pas ce qu’il fait » (Infirmière).

40Pourtant, si tout a l’air crasseux, les pratiques laissent penser que l’hygiène n’est pas partout mise à mal. Nous avons pu constater que dans les faits, les tables d’accouchement sont crasseuses, mais elles ne sont perçues comme souillées qu’après un accouchement, si leur revêtement n’a pas été nettoyé à l’eau de Javel ou au chlore. De même, le sol est crasseux mais la salle d’accouchement n’est souillée que lorsqu’il y a des traces de sang.

L’entourage encombre l’espace, alourdit les circuits : tensions

41Les tensions liées à l’inadéquation de l’espace sont aussi dues à la présence d’un type spécifique d’opérateur spatial : l’entourage du patient. Ces accompagnants font office d’aides-soignants, s’occupant de la toilette des malades, des repas, des lits, administrant les traitements. Pourtant, ces acteurs au cœur du fonctionnement des structures de soins en Afrique restent méconnus (Schnitzler, 2014). Si la nécessité de leur présence auprès des patients est admise, les services hospitaliers ne prévoient pas de structures pour les accueillir. Des affiches apposées aux murs indiquent : « un accompagnant par patient ». Mais il y a largement plus de parents que de patients dans les chambres. À la maternité par exemple, les femmes qui viennent accoucher sont accompagnées de deux, voire trois, personnes. À mesure que le travail progresse et que la famille est informée de l’imminence de l’accouchement, leur nombre augmente. L’enfant arrivé, alors que la femme qui a accouché se trouve encore en salle de travail, les membres de la famille se succèdent, certains avec leurs enfants. Les repas sont parfois pris sur place. Les heures de visites indiquées à l’entrée de l’hôpital et de la maternité ne sont pas respectées.

42L’entourage du patient doit s’organiser pour que la trajectoire des infirmiers dans les chambres d’hospitalisation ne soit pas entravée (débarrasser le sol des nattes, récipients, couverts, assiettes). Or, régulièrement les soignants trouvent les femmes en train de prendre leur repas, les parents, pour la plupart des femmes, assises ou couchées sur des nattes, ou donnant un bain au nouveau-né. Inutile de dire que cela est susceptible de générer des frictions. Dans ces cas-là, deux options se présentent : ou les soignants demandent aux accompagnants de sortir ou ils décident de revenir plus tard. Les usagers se dépêchent alors de sortir, car ils savent que si les soignants quittent la salle pour cette raison, il faudra insister, user de persuasion, voire d’une motivation financière, pour qu’ils reviennent.

43Les soignants attendent de ces opérateurs spatiaux qu’ils paient ou avancent des frais quand une ordonnance, un examen ou une transfusion sanguine est prescrit. Très souvent, les accompagnants n’adoptent pas le comportement attendu mais occupent les chambres et les couloirs de l’hôpital, suscitant les remontrances des infirmiers, qui estiment dès lors qu’ils ne « servent à rien », encombrent le service et ralentissent la prise en charge du malade. À titre d’exemple, pour certains gestes médicaux, comme la césarienne, les accompagnants insistent sur la nécessité d’obtenir l’avis du mari, pour ne pas avoir à payer le kit nécessaire. Pourtant, une césarienne est perçue comme une urgence et l’acte peut être réalisé avec un paiement différé [19]. Attendre l’accord du mari est donc interprété comme un refus d’assistance. Tout cela est source de tensions. Diane excédée, s’adressant à la mère d’une jeune femme en travail, dit : « Gorko (le mari) que j’entends là, est-ce que tu sais que si ta fille aujourd’hui meurt, Gorko prendra une autre femme demain ? Tu es là à attendre Gorko, parce que tu ne veux pas payer ; si ta fille meurt, ce soir même il peut aller dormir avec une autre femme alors que toi tu as perdu ta fille. Qui est vraiment perdant ? Tu es là : “Gorko, Gorko !” »

Conclusion

44Comme nous l’avons vu, les lieux font l’objet d’incessantes retraductions par rapport à la destination qui leur est originairement attribuée. L’accueil paraît une zone aux fonctions obscures. On n’y accueille pas les femmes ; de temps en temps, on y trouve celles qui ont accouché et ont besoin de surveillance. La salle de soins qui la jouxte marque la fin de l’accouchement. Les « fils sont enlevés » à celles qui ont accouché par césarienne ou pour lesquelles une épisiotomie s’est avérée nécessaire. L’accouchement se déroule entre la salle de travail et la salle d’accouchement, les deux espaces étant séparés par la salle de réanimation. Les termes qui servent à désigner les lieux ne révèlent pas leurs fonctions. On réanime les nouveau-nés en salle de réanimation, mais ce n’est pas le seul emploi de cette salle. Dans la pratique, la salle de travail est aussi une salle d’observation post-partum et les salles d’observations post-partum des salles de travail. C’est aussi ce que Jaffré avait remarqué en notant que dans une maternité, les lieux comme les objets sont polythétiques (Jaffré, 2009). On peut alors conclure, comme Massey : « Space is always under construction, constituted through interactions with identities and entities, a sphere in which distinct trajectories coexist, and thus, a sphere of coexisting heterogeneity » (Massey, 2005 : 9).

45L’espace n’étant jamais définitivement donné, les positions sont très instables. L’organisation du service et la structuration du lieu ne favorisent pas l’émergence d’une routine professionnelle qui permettrait aux soignants d’avoir prise sur leurs activités. S’ajoute à cela la difficulté, en tant que soignant ou patient, de s’approprier un espace, pour se fabriquer un lieu à soi. Le lieu est définitivement inconfortable pour les deux parties. La frustration émanant de cet environnement pourrait pousser à refuser aux autres ce que l’on désire et que l’on ne possède pas soi-même. Ainsi, les frictions entre soignants et accompagnants autour de l’espace des salles d’hospitalisation pourraient être vues comme découlant de la volonté, chez les soignants, d’empêcher les accompagnants de s’approprier les lieux alors qu’ils sont en situation de mobilité. Or, les soignants qui ne le sont pas ne peuvent de manière individuelle domestiquer un lieu pour en faire un endroit à eux.

46D’un autre côté, se construire un espace personnel dans les salles d’hospitalisation, c’est établir des frontières, créer des liens, désigner des personnes à qui l’on autorise ou à qui l’on interdit de franchir ces frontières. C’est freiner le soin, car un espace personnel est un espace de liberté. Or, à la maternité, du fait que l’hospitalisation est gratuite et que les portes sont toujours ouvertes, il est difficile de se construire un espace personnel. On est donc constamment présent à l’autre, on ne peut s’isoler. Les chambres n’appartiennent pas aux patients. Ils ne peuvent les domestiquer comme ceux qui sont hospitalisés dans les chambres payantes ou les chambres de meilleure qualité (dites de haut standing) que l’on trouve dans les autres services. Les chambres n’appartiennent pas non plus aux soignants, qui ne s’y rendent que pour administrer les soins ou quand ils sont appelés par des patients. Les chambres sont à l’hôpital et il ne peut se remplir par lui-même. Il est fait pour être occupé par les malades. Ces derniers, ainsi que leurs accompagnants, encombrent, alourdissent et salissent les circuits à cause de leur grand nombre. Les infirmiers doivent constamment se construire des circuits, les renouveler, les suivre ou les changer, tout en administrant des soins et en répondant aux sollicitations des uns et des autres. Ils accomplissent le travail d’écriture inhérent à leurs activités, anticipent les requêtes et le travail à venir, les manques d’équipements et de consommables de première nécessité et trouvent les moyens de gérer ou de contourner ces difficultés. Ce travail incessant, dans un espace qui oblige à une proximité physique constante avec les patients (la proximité est nécessaire pour administrer le soin, c’est sa constance qui est gênante), affaiblit les ressources physiques et intellectuelles, contribuant ainsi que nous avons tenté de le montrer, à saper les relations entre soignants et soignés.

47Porter un regard sur les conditions de travail des soignants permet de suggérer que si la médecine pratiquée en Afrique est inhospitalière (Jaffré et Olivier de Sardan, 2003), c’est moins du fait des tensions soignants-soignés, que du cadre dans lequel elle est exercée.

48Liens d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

Bibliographie

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Notes

  • [1]
    Le sens de ces notions est clarifié plus loin.
  • [2]
    Quel(s) jeu(x) de distances vais-je établir entre moi et les autres réalités ? Quelle(s) place(s) vais-je pouvoir, devoir, vouloir occuper ? Quelles procédures de franchissement d’un espace à l’autre vais-je avoir à assurer ? (Lussault, 2010)
  • [3]
    Nous avons choisi d’anonymiser les noms de lieux et de personnes.
  • [4]
    Selon l’OMS il est improbable que des pays disposant de moins de 23 professionnels de santé (médecins, infirmiers et sages-femmes) pour 10 000 habitants obtiennent des taux de couverture adaptés aux interventions essentielles en matière de soins de santé primaires.
  • [5]
    28,3 % de la population est alphabétisé en 2007 (MINPAT, 2010).
  • [6]
    À la fin des années 1980, un médecin du secteur public en début de carrière déclarait gagner 411 €/mois. Après les deux baisses de salaire, ses revenus oscillaient de 128 à 175 €/mois au début des années 2000.
  • [7]
    Le « dossier » a une trajectoire dans l’administration. Le faire « avancer » consiste à le faire passer d’un service à un autre ou d’un fonctionnaire à un autre.
  • [8]
    Je rappelle qu’on est ici aussi, au sein d’un système administratif dans lequel, pour obtenir quelque chose, il faut donner quelque chose ou connaître quelqu’un (Blundo et Olivier de Sardan, 2007).
  • [9]
    École nationale de magistrature.
  • [10]
    Ce sont les expressions employées par les infirmières du service.
  • [11]
    « Tu es venue nous montrer ton bébé ? », « C’est très gentil d’être venue nous montrer ton enfant », sont quelques-unes des expressions employées par les infirmières à l’endroit des femmes revenues dans ce but.
  • [12]
    Je remercie un des relecteurs pour cette remarque.
  • [13]
    Prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant.
  • [14]
    Il est attendu des hommes qu’ils s’acquittent des frais liés à l’accouchement et attendent, loin des salles d’accouchement et de travail, qu’un membre de la famille vienne leur annoncer la naissance. Ils rejoindront leur épouse une fois qu’elle aura quitté la salle d’accouchement et aura été installée en salle d’hospitalisation post-partum.
  • [15]
    Remarque d’un relecteur que je remercie.
  • [16]
    Ce terme, employé lorsqu’un enfant « propre » urine ou défèque dans sa culotte, nous paraît adapté aux situations que nous souhaitons décrire.
  • [17]
    Les infirmières évaluent l’ouverture du col à la mesure de leurs doigts.
  • [18]
    Théoriquement, toutes les femmes qui viennent d’accoucher doivent s’en procurer un auprès de la pharmacie de l’hôpital.
  • [19]
    Les accompagnants peuvent se procurer le kit nécessaire (environ 75 €) pour pratiquer une césarienne contre une pièce d’identité et payer plus tard.
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