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Article de revue

Pour le bien de tous et l'intérêt de chacun. Essai clinique et innovation organisationnelle en psychochirurgie

Pages 43 à 68

Notes

  • [*]
    Baptiste Moutaud, chercheur postdoctoral, Cermes3, Centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale, société, INSERM U988/CNRS UMR 8211/École des hautes études en sciences sociale/Université Paris-Descartes, Paris, France ; moutaud.baptiste@sfr.fr
  • [1]
    Cette recherche a été réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat financée par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (2006-2009). Elle s’inscrit également dans un projet de recherche financé par l’Agence nationale pour la recherche : ANR-09-SSOC-006, « "Vie sociale" des neurosciences ».
  • [2]
    Comme le souligne Gaudillière, les allers et retours entre ces mondes, établis comme paradigme d’une médecine moderne, n’ont cependant pas l’évidence qu’on leur prête, si bien que leur organisation réelle reste à analyser (Gaudillière, 1992). La biomédecine se caractériserait selon lui par une reconfiguration des rapports et des intérêts non seulement entre la médecine et la science, mais également entre la société, l’État et l’industrie (Gaudillière, 2002).
  • [3]
    Afin de préserver l’anonymat des centres et membres de ce groupe, aucun nom ou référence bibliographique permettant d’identifier les acteurs ne seront cités.
  • [4]
    Stereotactic and Functional Neurosurgery Meeting (24-27 juin 2001) et Neuromodulation 2002 : Defining the Future (28-30 juin 2002).
  • [5]
    Un patient aux États-Unis (Anderson et Ahmed, 2003), 6 patients en Belgique (Nuttin et al., 2003) et 4 patients en Allemagne (Sturm et al., 2003).
  • [6]
    Entre 2004 et 2010, 9 nouvelles recherches portant sur une cinquantaine de cas (certains se recoupant) ont été publiées (Mian et al., 2010).
  • [7]
    Un autre groupe de trois centres américains a adopté une stratégie identique dans l’application de la SCP à la dépression. Il ont implanté 15 malades (Malone et al., 2009).
  • [8]
    C’est la lobotomie qui a le plus souvent été interdite. Cependant, d’autres techniques de destruction de zones cérébrales dans le cas de troubles psychiatriques résistants aux traitements ont continué à être pratiquées ou à se développer, dans des cadres plus ou moins contrôlés, comme le gamma-knife. Des cas de TOC étaient toujours opérés en France avant le développement de la SCP : les trois derniers cas ont été publiés par une équipe de l’hôpital Sainte-Anne (Polosan et al., 2003). À ce sujet, on pourra consulter deux revues de référence pour le cas spécifique du TOC (Greenberg et al., 2003 ; Jenike, 1998). Pour une histoire de la psychochirurgie, on pourra se reporter aux éléments de littérature qui l’on abordée, soit de manière centrale, soit plus à la marge (Braslow, 1997 ; Pressman, 1998 ; Valenstein, 1986).
  • [9]
    S. Wainrib, « Psychiatrie : vers le nouveau ‘ ‘sujet TOC’’ », Le Monde, mercredi 6 décembre 2006 ; Y. Ferroul, « Les psychanalystes auraient-ils peur de la confrontation scientifique ? », Le Monde, mardi 19 décembre 2006.
  • [10]
    La volonté de l’équipe coordinatrice d’intégrer un ethnologue dans son service pour suivre le développement de l’essai était motivé par des problématiques assez proches (dont on ne peut ignorer la perspective utilitariste), celles de saisir les enjeux sociaux de la recherche et de les éclaircir (voire de mieux les maîtriser stratégiquement) (Moutaud, 2009 : 51-4).
  • [11]
    L’objectif de l’association était ici de favoriser la diversité de l’offre potentielle de soin pour des patients en impasse thérapeutique.
  • [12]
    DBS est l’acronyme pour deep brain stimulation, soit la traduction anglaise pour SCP, OCD étant la traduction de TOC (pour obsessive compulsive disorder).
  • [13]
    Leur plus grande inquiétude concernait les risques chirurgicaux et leurs potentielles séquelles mais également le risque de suicide chez une population fragile.
  • [14]
    Initiant une tendance qui va prendre une nouvelle ampleur avec l’appropriation de ces problématiques par la neuroéthique, le développement de la SCP et ses multiples applications devenant un lieu de réflexion privilégié de la discipline (Bell et al., 2009).
  • [15]
    Dans un compte-rendu de la conférence de presse, le site www.apmnews.com rapportait, le 13 novembre 2008, que le président avait salué « la prudence — inhabituelle en neurochirurgie » du groupe. Les neurochirurgiens ne manquèrent pas, lors d’un échange de mails interne, de revenir sur leur rôle dans l’initiation du débat éthique autour de la SCP et sur le devoir du psychiatre coordinateur de le rappeler lors de telles manifestations.
  • [16]
    Sur l’élaboration de cet argumentaire, voir Moutaud (2008).
  • [17]
    C’est une critique faite à l’équipe belge qui doit utiliser des voltages de stimulation élevés sans finalement savoir jusqu’où se propage le courant et quelles structures sont touchées. Ceci a également pour désavantage de vider rapidement la pile du stimulateur qui doit être fréquemment remplacée.
  • [18]
    Nous n’avons pas ici traité du rôle de plusieurs acteurs institutionnels et industriels dans la construction et la structuration de cette recherche (promoteurs, fabricant du matériel, organismes de régulation hospitaliers, etc.). Ceci pour une raison essentielle qui tient à la limite des données auxquelles nous avons eu accès : soit parce que certains de ces aspects se sont joués avant notre étude de terrain et que nous n’avons pas pu en reconstituer clairement la trame, soit parce qu’ils relevaient d’une partie « invisible » pour l’observateur (échanges de mails, conversation téléphoniques, activités délocalisées).

1Les essais cliniques randomisés constituent l’outil de référence dans le domaine de l’évaluation, de la régulation et de la standardisation des pratiques médicales dans le paradigme de l’evidence-based medicine[1]. « Étalon or » (Timmermans et Berg, 2003) pour juger de l’efficacité des traitements médicaux avant leur mise sur le marché, ils sont constitutifs et représentatifs du champ de la biomédecine et d’une nouvelle scientificité médicale qui s’est développée et généralisée au tournant de la Seconde Guerre mondiale (Marks, 1999). Les essais cliniques contrôlés seraient donc une forme d’expression de ce mouvement plus vaste résultant du rapprochement du laboratoire et de la clinique, et de l’incorporation et de l’articulation des pratiques et méthodologies de la recherche fondamentale et de la statistique [2]. À la croisée de ces mondes, ils se caractériseraient par l’institution de la coopération et de la coordination de nombreuses composantes, et par une forme collective de production de la preuve impliquant de multiples entités, savoir-faire, pratiques, outils et acteurs (Cambrosio et al. 2006 ; Keating et Cambrosio, 2007 ; Löwy, 1995, 2002).

2L’une des questions qui anime les recherches sur ces technologies de régulation est de saisir les modalités selon lesquelles un essai clinique est capable de produire un processus organisationnel permettant de réaliser ce travail d’alignement et d’articulation, parfois sur différents lieux et temps. Ainsi, pour Keating et Cambrosio (2007), un essai clinique (ou son protocole) ne fait pas qu’organiser et homogénéiser, ou instituer un nouvel « ordre » dans le « désordre » (Berg, 1998). Il permettrait de transformer et de créer de nouvelles conditions de pratiques collectives qui marqueraient la production d’une nouvelle forme d’objectivité : l’« objectivité régulatoire ». Ces pratiques ne seraient alors pas la somme de leurs composantes, ou la réorganisation ou passage d’une ancienne forme de pratique vers une nouvelle, mais deviendraient des lieux de création et de réflexivité marqués par le recoupement d’enjeux scientifiques et organisationnels. Cet article s’attache à décrire comment un essai clinique — au-delà de la dimension procédurière du protocole — peut être utilisé comme ressource stratégique (Castel, 2009 ; Castel et Merle, 2002) par des cliniciens et chercheurs afin d’initier et de négocier la création d’un réseau de recherche et s’assurer de sa perpétuation, en vue de protéger un domaine de pratiques éthiquement sensible et de se positionner, individuellement et collectivement, dans un champ scientifiquement compétitif.

Un essai clinique en psychochirurgie

3Pour cela, je vais retracer l’histoire de l’élaboration d’un essai clinique randomisé en psychochirurgie. Il visait à évaluer l’efficacité et la sûreté d’une technologie neurochirurgicale — la stimulation cérébrale profonde (SCP) — pour le traitement de personnes souffrant d’un trouble psychiatrique, le trouble obsessionnel compulsif (TOC), dans des formes résistantes aux traitements conventionnels. Cet essai multicentrique a impliqué dix centres hospitaliers français pendant quatre années [3].

4La SCP repose sur la stimulation électrique continue de certaines zones du cerveau au moyen de microélectrodes implantées à demeure et reliées à un stimulateur placé dans la poitrine. Inventée en 1986 par un neurochirurgien français, le Pr A.L. Benabid, pour le traitement symptomatique de troubles neurologiques tels que la maladie de Parkinson et le tremblement essentiel pour lesquels elle est devenue une thérapeutique de référence, la SCP a été appliquée de manière expérimentale dès 1999 pour le TOC puis, en 2003, pour la dépression, à chaque fois dans les formes les plus graves de ces troubles. Depuis, les essais cliniques pour ces indications, mais aussi pour tout un panel de troubles neurologiques et psychiatriques, se sont multipliés dans le monde, faisant de la SCP l’une des grandes promesses thérapeutiques des neurosciences.

5La spécificité de la SCP et de ces essais thérapeutiques pour les troubles psychiatriques est de se situer à l’intersection de plusieurs cultures de pratiques, allant des neurosciences à la clinique : c’est l’application expérimentale d’une technique neurochirurgicale développée avec des neurologues et étendue ici à un trouble psychiatrique. Cette particularité questionne l’identité de l’essai mais fait surtout reposer sa réussite sur l’articulation de ces différents domaines de compétences et de savoir-faire (Moutaud, 2011). De plus, cet essai venait s’inscrire dans un triple contexte qui a structuré la recherche à différents niveaux :

  • un contexte scientifique interne au développement de la technologie puisque celle-ci est aujourd’hui l’objet d’enjeux et s’inscrit dans une compétition internationale majeure, à la fois en termes de thérapeutique mais également de recherche ;
  • un contexte de controverses national portant sur les conceptions du soin en santé mentale et de l’évaluation de son efficacité, qui a notamment pris corps en France à partir de 2004 autour des débats sur l’évaluation des psychothérapies. Ces débats se sont intriqués avec celui plus ancien du statut épistémologique de la psychiatrie en tant que médecine et science, redynamisé par l’expansion des savoirs et pratiques des neurosciences (Moutaud, 2012) ;
  • enfin, cet essai se tenait dans un espace de pratiques, celui de la chirurgie des troubles mentaux, qui ouvre potentiellement à un ensemble de controverses éthiques, épistémologiques et historiques. Si la psychochirurgie n’était plus pratiquée en France que dans un nombre très limité de cas et pour des indications très précises, son image et son passé sulfureux ont plané sur cette entreprise.

6L’intégralité de ces paramètres complexifie la construction, la légitimation et le déroulement des recherches portant sur les applications expérimentales de la SCP. Cet article traite des modalités selon lesquelles les cliniciens et les chercheurs réunis par une telle entreprise l’ont rendue « faisable » (Fujimura, 1987), c’est-à-dire sont parvenus à faire émerger une pratique innovante et viable en articulant et alignant une série d’enjeux et d’intérêts, d’outils et d’acteurs.

7Comment élaborer une recherche dans un domaine de pratiques qui ne connaît pas encore ses normes et n’a pas d’identité ? Comment innover dans un contexte à la fois polémique et de concurrence extrême ? Comment adapter les outils de régulation à des contraintes à la fois techniques (et internes) qui complexifient l’entreprise, et éthiques (et externes) qui lui sont supérieures ? Comment aligner des logiques de pratiques parfois antinomiques et surmonter l’éclatement des intérêts et la délocalisation des actes ? Ces problématiques se sont imposées de manière aiguë au groupe des dix centres français et ont profondément marqué le façonnement de l’essai clinique, ceci à la fois dans la définition de ses objectifs et dans les modalités de son déroulement.

Méthodes et données

8J’ai suivi et observé pendant quatre années (septembre 2004-décembre 2008), en tant qu’ethnologue, le déroulement de l’essai multicentrique dans le service du centre hospitalier depuis lequel il était coordonné, de son ouverture à la publication des résultats. J’ai pu assister aux réunions du réseau au cours desquelles étaient discutées par ses acteurs (psychiatres, neurologues, neuro-anatomistes, neurochirurgiens ou statisticiens) les modalités du déroulement et de l’organisation de l’essai clinique. J’ai également pu observer dans les différents centres impliqués les étapes clés que sont le bloc opératoire et le ciblage. C’est au cours de ces étapes que certains débats instructifs pour notre sujet pouvaient reprendre : ils concernaient, par exemple, le choix de la cible cérébrale à implanter, ou encore les méthodes de ciblage. J’ai par ailleurs complété ces données — en particulier pour des points qui avaient été discutés en amont de mon terrain ethnographique entre 2002 et 2004 — par l’observation des réunions de mise en place de projets d’essais cliniques devant évaluer les effets de la SCP sur le syndrome de Gilles de la Tourette (SGT), la dépression, l’addiction à la cocaïne, ou bien encore de nouvelles cibles cérébrales dans le cas du TOC. Ces recherches s’appuient sur le même réseau et les mêmes acteurs, avec des problématiques de standardisation et de régulation communes. Elles offraient par conséquent un contrepoint d’observation intéressant car il y était, là aussi, régulièrement fait référence aux débats fondateurs qui avaient accompagné l’essai sur le TOC. Enfin, des données ont été recueillies par des sources indirectes : les réunions à propos de l’essai dans le centre coordinateur, des entretiens avec (ou des discussions informelles entre) les acteurs de cette recherche (neurochirurgiens, neurologues, psychiatres, neuro-anatomistes, présidents du Comité consultatif national d’éthique français et de l’association française des personnes souffrant de TOC, etc.) et l’étude des articles de neurosciences consacrés à ce sujet.

9Dans un premier temps, je reviens sur les logiques d’action qui ont conduit à l’union des dix centres dans la constitution d’un essai multicentrique. Le second temps aborde les débats et enjeux qui ont accompagné le montage de l’essai autour du choix de la cible cérébrale à implanter. Je décris comment ils ont été tenus par l’imbrication et l’alignement d’une pluralité de pratiques et d’intérêts. Enfin, je montre comment cet essai clinique est devenu une innovation organisationnelle qui a déplacé l’enjeu lié à la démonstration de l’efficacité de la SCP vers celui de la constitution d’un réseau de recherche psychiatrique innovant en France.

Convertir sa puissance de moyens en puissance de preuve

10Il est difficile de reconstituer a posteriori la genèse du groupe des dix centres. Les versions des acteurs divergent sur les motivations et les rôles de chacun. Il semblerait que tous les centres ne souhaitaient pas s’associer dans un essai multicentrique et certains avaient déjà des projets individuels qu’ils avaient même parfois entamés. Alors comment et sur quels critères le groupe s’est-il constitué ? Deux logiques qui ont motivé l’association ressortaient lors des réunions du groupe et des entretiens : il est apparu que, dans un contexte international soumis à une forte concurrence, il faudrait pour le groupe être puissant, donc nombreux, afin de réaliser rapidement la recherche la plus solide scientifiquement. De plus, le collectif leur offrait la possibilité d’assurer le contrôle à la fois scientifique et éthique en France de l’application et d’en faire peut-être une vitrine de la recherche en psychiatrie.

11L’idée que la SCP puisse remplacer la chirurgie lésionnelle dans le cas de troubles psychiatriques avait fait son chemin depuis qu’une équipe belge avait publié, en 1999, le cas de quatre malades souffrant de TOC traités par SCP (Nuttin et al., 1999). Les chercheurs et cliniciens des centres français avaient eu l’occasion de se rencontrer, entre autres lors de deux rassemblements à Aix-les-Bains en 2001 et 2002, sur la neuromodulation et la neurochirurgie fonctionnelle et d’entamer des discussions sur ses applications [4]. Un article paru en octobre 2002 dans la revue médicale The Lancet, mais dont les résultats avaient circulé en amont, n’avait fait qu’accroître la volonté de certaines équipes d’explorer l’utilisation de la technologie pour cette indication. Cet article de l’équipe française, qui allait coordonner le futur essai, rapportait l’observation empirique du cas de deux patients souffrant de la maladie de Parkinson traités par SCP et qui, contre toute attente, avaient vu les symptômes de TOC dont ils étaient également atteints régresser. Cet effet, dû au hasard, allait être reproduit par la suite par une autre équipe du groupe. Si la justification première était d’offrir une perspective de traitement pour des patients résistant à toutes les thérapeutiques, les enjeux scientifiques, collectifs et individuels, ont tout autant motivé les chercheurs et cliniciens.

12Cependant, leur projet n’était pas un fait isolé. C’était même un enjeu scientifique mondial, voué à une « compétition scientifique extrême » (un neurologue au cours d’une réunion du groupe). À l’époque à laquelle les discussions du groupe ont été engagées, entre la fin 2001 et le début 2004, seules trois équipes avaient publié un article portant sur un total de onze malades implantés [5]. Mais, les échos rapportés de différents congrès leur laissaient supposer que des projets identiques étaient en construction, ou en cours, aux États-Unis et en Europe. Certains résultats paraîtraient dans les mois suivants [6]. Néanmoins, à l’époque, le développement de la SCP pour les troubles psychiatriques était encore embryonnaire et son potentiel de recherche peu exploité. Les « coups » (le même neurologue) étaient selon eux réalisables, mais le temps pressait.

13À partir de l’instant où les centres français ne souhaitaient pas se contenter de publier individuellement deux ou trois nouveaux cas dans un essai clinique (comme l’un d’entre eux l’a, par exemple, fait pour le SGT avant d’initier la constitution d’un protocole multicentrique français dans la continuité de celui sur le TOC), il leur fallait s’unir. Ils entendaient développer une recherche innovante et statistiquement puissante qui ferait référence, notamment en vue d’en publier les résultats dans une revue importante. La constitution d’un essai multicentrique permettait potentiellement d’inclure plus de malades et de réaliser un protocole plus complexe, donc à la valeur scientifique et méthodologique plus significative. Ce réseau devait convertir sa puissance en matière d’encadrement, d’outils et de moyens, en puissance statistique et, par suite, en puissance de preuve [7].

14Le choix du design par le groupe, à savoir un essai clinique randomisé en double aveugle de dix mois avec cross-over sur 17 malades, traduit bien cette ambition. À l’époque de sa construction, aucun centre n’avait développé une recherche de SCP en psychiatrie sur un modèle aussi élaboré. La méthode choisie s’est avérée complexe dans la mesure où elle devait à la fois se calquer sur le modèle des protocoles de recherche pharmacologique et s’adapter aux contraintes liées à la technique chirurgicale (l’absence de placebo étant compensée par la réversibilité de la stimulation). Cette méthode a puisé dans plusieurs référentiels d’expériences antérieures, liées à l’application de la SCP à d’autres pathologies, pour déterminer les détails du design et assurer sa puissance statistique (comme le fait de comparer à la fois les deux bras de patients et chaque patient avec lui-même dans différentes conditions). Jusque-là, les cas antérieurs publiés étaient, soit des case report, soit des études en ouvert ou sans randomisation, soit des études portant sur une petite population avec une phase de randomisation très courte. Depuis, seules trois recherches ainsi structurées, mais portant sur quelques malades seulement, donc ayant moins de puissance statistique, sont parues (Mian et al., 2010). Le groupe espérait que ce modèle le démarquerait du reste de la production et il le rappellerait lors de la publication des résultats.

15Ainsi, le groupe multicentrique a finalement implanté 17 malades. À l’origine, ils avaient établis que 10 patients étaient suffisants pour obtenir une puissance statistique significative. Supposer qu’un centre ait eu les moyens structuraux de recruter ces malades selon des critères d’inclusion strictes, donc en se limitant à une population potentiellement faible, et qu’il ait pu les implanter et les suivre durant dix mois, les prendre en charge à leur sortie, puis traiter les données en vue de les publier, laissait présager de longues années d’investigation. Ici, quatre ans ont suffi entre l’implantation du premier patient et la publication des résultats. Ce n’est cependant pas le seul argument qui a présidé à la structuration de ce collectif.

S’associer pour réguler

16Le second intérêt pour le groupe de s’associer et de réaliser un tel essai multicentrique en France consistait à en faire un lieu de convergence non seulement scientifique mais également éthique. Il s’agissait de protéger la technique de ses potentielles dérives dans un contexte où les excès et l’image de la psychochirurgie seraient prégnants dans la justification et le déroulement de la recherche. C’est d’ailleurs Benabid lui-même, inventeur de la technique et promoteur majeur de l’application contrôlée de la SCP à des troubles psychiatrique, qui, ayant pris connaissance des résultats des deux cas de patients parkinsoniens avant leur publication, avait saisi le Comité consultatif national d’éthique français (CCNE) concernant l’enjeu des applications de la SCP au TOC. Le CCNE avait alors rendu le 5 juin 2002 un avis favorable (Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, 2002). Cet accord préalable permit aux centres français de pouvoir envisager de développer leur essai clinique.

17Benabid avait, dès 2001, invité le président du CCNE, le Pr D. Sicard, à participer au colloque d’Aix-les-Bains. Comme Benabid l’a justifié dans de nombreux articles et tribunes — notamment une parution au titre volontairement alarmant, « Attention, la psychochirurgie est de retour ! », parue dans la principale revue de neurologie française (Benabid, 2006) —, son souhait était d’éviter « la mort de la méthode » à cause d’applications trop hâtives, inexpérimentées ou non encadrées, et de « prévenir des débordements » qui risquaient de la mettre en péril (Demonfaucon et Hantouche, 2003 : 9). Il a donc milité et œuvré pour un encadrement éthique et scientifique des applications de la SCP en psychiatrie qui devait à la fois contenir les polémiques et contrecarrer ce qu’il qualifiait d’« enthousiasme hâtif » du monde médical et « de jeunes neurochirurgiens français » (Demonfaucon et Hantouche, 2003 : 8).

18Il était en effet difficile pour les équipes de détacher cette pratique du passif de la psychochirurgie. L’avis du CCNE revenait ainsi principalement sur les études existantes d’évaluation des effets de la chirurgie lésionnelle dans le TOC pour éclairer son positionnement. En dehors de l’image tenace liée à la pratique de la lobotomie, perçue comme une méthode punitive et normalisatrice, la psychochirurgie (qui implique la destruction de zones cérébrales) était avant tout critiquée pour son caractère irréversible et ses nombreux effets secondaires, la faible lisibilité de ses résultats par manque d’évaluations systématiques et de suivis à long terme, la question du consentement des malades, ou encore la valeur des données scientifiques la soutenant. Ces arguments ont nourri les controverses qui ont entouré sa pratique et ont conduit à son abandon, voire à son interdiction, dans certains pays [8].

19Pour se détacher de cette filiation embarrassante, les équipes appliquant la SCP utilisent préférentiellement le terme de « neuromodulation ». Celui-ci a pour principale fonction d’insister sur le caractère a priori réversible, adaptable et moins dangereux que la chirurgie lésionnelle. Les paramètres de stimulation peuvent être adaptés selon l’état symptomatique du malade et la stimulation peut être éteinte, le malade étant alors supposé retrouver son état clinique antérieur. De plus, il n’y aurait aucune modification de la personnalité. Pourtant, ce procédé rhétorique (Johnson, 2009) n’a pas empêché que des psychiatres ou neurologues ré-ouvrent certaines problématiques liées notamment aux complications et risques induits par la SCP, en remettant en cause les arguments physiopathologiques convoqués pour soutenir ces expérimentations, ou encore en revenant sur la question sensible de l’évaluation des malades et de leur sélection (Bottéro, 2005, 2007 ; Jedynak, 2005).

20Le groupe n’essuiera finalement qu’une furtive polémique dans le quotidien Le Monde en décembre 2006 entre un psychiatre-psychanalyste et un sexologue [9], suite à la parution du rapport de la Haute autorité de santé sur le sujet (2005). Cette saillie médiatique s’inscrivait cette fois dans le contexte brûlant de la controverse nationale qui s’est cristallisée à partir de 2004 autour de deux rapports de l’INSERM, sur l’évaluation de l’efficacité des psychothérapies, puis sur les troubles des conduites chez les enfants et adolescents (Champion, 2008). Complexifiée par les rapports délicats qu’entretient la psychiatrie avec les savoirs des neurosciences (Moutaud, 2012), cette controverse opposait les partisans de différents courants et conceptions du trouble mental, de ses causes et du soin : d’un côté, une approche dynamique valorisant la biographie individuelle et « le sujet socialisé » de la psychanalyse ou de la psychiatrie clinique ; de l’autre, une perspective biologique et cognitiviste du « sujet naturel » ou « cérébral » des neurosciences (Ehrenberg, 2006). Le caractère controversé de l’essai clinique de la SCP pour le TOC offrait un lieu de discussion idoine pour un tel débat. Pourtant, l’argumentaire et les positionnements caricaturaux des auteurs des deux tribunes eurent pour principal effet de convaincre les membres du réseau de ne pas y prendre part.

21Car finalement, pour le groupe, développer la SCP en psychiatrie dans le cadre strict d’essais cliniques et obtenir l’aval du CCNE lui permettait de répondre à une partie des interrogations qui entouraient cette recherche [10]. Le collectif démontrait sa maîtrise stratégique des outils de régulation scientifique et éthique (Castel, 2009 ; Castel et Merle, 2002). En initiant le débat éthique — et en en faisant au passage un fait de société — avec la plus haute instance française du domaine, le groupe a pu par la suite placer le protocole sous l’égide du CCNE et désigner son président pour diriger le Comité de surveillance du protocole. Ce comité, complété du président de la Fédération française de psychiatrie, du président du Club français de stéréotaxie et de neurochirurgie fonctionnelle, ainsi que d’un généticien choisi comme étant une « personnalité morale reconnue », selon le psychiatre coordinateur de l’essai, devait jouer le rôle d’un « comité d’éthique interne » à l’essai. Il a ainsi contrôlé la bonne conduite de la recherche, examinant les données intermédiaires — en particulier, les effets secondaires et bénéfiques — avec pour conséquence la possibilité de décider de sa suite ou de produire des recommandations. Ce comité s’inspirait des essais cliniques en cancérologie où ils sont devenus un outil de régulation courant (Keating et Cambrosio, 2009), tout comme pour les essais portant plus généralement sur des thérapeutiques innovantes ou à fort enjeu social. Cette organisation s’avérait stratégique pour une recherche en psychiatrie, définie dans le texte même du protocole comme appartenant à « un domaine sensible en raison de ses enjeux éthiques et sociaux ». Il lui a été conféré un enjeu politique : sa présence devait certes attester du respect des procédures mais, surtout, « faire caution » (le psychiatre coordinateur), c’est-à-dire légitimer l’entreprise collective et permettre au groupe de se mettre pour un temps partiellement à l’abri des critiques. Lors de la présentation des résultats à la presse française, le président du comité sera d’ailleurs invité et quelques minutes lui seront accordées afin de revenir sur les fondations éthiques de l’essai.

22Dans ce contexte, le groupe a en parallèle trouvé un appui de poids auprès de l’Association française des personnes souffrant d’un trouble obsessionnel compulsif (AFTOC) dont le président s’était invité dans les débats éthiques du CCNE. L’engagement de cette association de patients dans l’essai clinique est représentatif du mouvement de la démocratie sanitaire et de l’entrée de collectifs civils dans les arènes scientifiques (Epstein, 1996 ; Rabeharisoa et Callon, 1999). Mais il a, par ailleurs, fait apparaître le difficile travail de coordination et de négociation entre la multiplicité des intervenants ayant trouvé un intérêt à l’entreprise [11]. Son intervention eut deux effets immédiats sur l’élaboration de l’essai. Tout d’abord, en demandant la révision de certains critères de sélection des patients, l’association est venue complexifier la procédure et retarder le recrutement, donc le calendrier de la recherche. En contrepartie, en soutenant le projet d’expérimentation, elle a aussi facilité son acceptabilité auprès de la société civile.

23La volonté d’autorégulation éthique du groupe s’est par ailleurs manifestée sous différentes formes autour d’autres centres appliquant la SCP à des troubles psychiatriques, jusqu’à devenir aujourd’hui un mouvement structurant dans ce domaine. Par exemple, à la suite du colloque d’Aix-les-Bains de 2002, l’OCD-DBS Collaborative Group s’est constitué autour de l’équipe belge pionnière dans l’application de la SCP au TOC (et aux troubles psychiatriques en général) et des équipes des universités de Stockholm, Providence et Cleveland (The OCD-DBS Collaborative Group, 2002) [12]. Ce groupe, dont certains membres avaient été consultés en 2001 par le CCNE avant qu’il ne rende son avis, a élaboré et publié dès août 2002 « un texte de consensus » indiquant des « règles strictes qui protègent cette population vulnérable (les malades psychiatriques), tout en permettant une recherche clinique significative » (Gybels et al., 2002 : 19). Ils ont par la suite publié plusieurs articles rappelant également la méthodologie à employer tout en édictant des règles de bonne pratique concernant l’application de la SCP aux troubles psychiatriques (Greenberg et al., 2003). Ils ont aussi initié la constitution d’un comité de consultation (formé de psychiatres, neurochirurgiens, neurologues et spécialistes en bioéthique), qui se proposait d’étudier chaque dossier de chirurgie fonctionnelle en psychiatrie (Gabriëls et al., 2008). En invitant les centres voulant appliquer la SCP au TOC à se conformer à leurs recommandations, cette forme d’organisation collective souhaitait jouer un rôle de régulation éthique motivé par les mêmes craintes et objectifs que Benabid. Par la suite, ce groupe aux ambitions éthiques (rejoint par l’Université de Floride) s’est transformé en réseau de recherche en publiant, dans un article collectif, les résultats des cohortes de patients de ses différents centres membres (Greenberg et al., 2010). Si cette « expérience mondiale » (worldwide experience) a mis en commun les données de ces centres, il est à noter qu’elle n’a pas élaboré un protocole collectif (la cible cérébrale implantée est commune mais la méthode de recherche varie selon les centres) et n’a donc pas réalisé le lourd travail d’alignement, de coordination et de standardisation des pratiques qui devait donner sa puissance au groupe français.

24Ces différents éléments offrent une autre manière de lire la constitution du collectif français qui dépasse celle d’une tentative de contrôle éthique et scientifique national de la SCP en psychiatrie. En effet, en s’alliant, le groupe ne cherchait pas à empêcher que des initiatives parallèles se développent ; il souhaitait avant tout se démarquer ouvertement des applications « sauvages » — hors du cadre des essais cliniques et de leur régulation éthique — qui pouvaient exister dans certains centres français et qui, selon le groupe, mettaient potentiellement la technologie et son avenir en danger [13]. Loin donc d’exercer une forme de monopole sur l’indication en France qui tirerait sa légitimité de la puissance de son organisation multicentrique et fédérative, le groupe valorisait et souhaitait représenter une vitrine, un modèle de recherche en neurochirurgie fonctionnelle qui visait à explorer les potentialités de la technologie en justifiant de sa double légitimité, à la fois scientifique (liée à son organisation) et éthique (acquise grâce à la tutelle du CCNE).

25Cette autorégulation de la pratique, basée sur la constitution de réseaux de coopération ou l’initiation de débats et de recommandations, souligne à quel point l’enjeu éthique était prégnant et sensible autour de cette application [14]. Il a continué à structurer les relations entre les différents acteurs de l’essai, plus particulièrement autour de la stratégie de communication des résultats de la recherche. Lors de la publication des résultats fin 2008, les services de communication de l’INSERM et de l’Assistance publique, promoteurs de l’essai, ont eux-mêmes élaboré cette stratégie avec le psychiatre coordinateur. Une phrase prononcée par D. Sicard lors de la conférence de presse et publiée par un journaliste provoquera d’ailleurs quelques remous au sein du réseau, soulignant le fragile équilibre trouvé par le groupe sur cette ligne [15].

Comment coordonner le collectif ? Faire comme s’ils n’étaient qu’un

26Une fois que l’idée d’un essai multicentrique français avait été envisagée et que les participants s’étaient manifestés, il restait à définir l’essentiel : les modalités de la collaboration, la procédure et les objets qui y seraient inclus. Le groupe a alors dû surmonter deux difficultés majeures qui découlaient de leur stratégie, lesquelles ont abondamment nourri les discussions des réunions du projet. D’abord, si le groupe estimait que l’orientation multicentrique allait en théorie dans l’intérêt du collectif, elle devait réussir à dépasser les intérêts particuliers des centres qui seraient complexifiés par ceux des individus : il fallait que l’opération soit rationnelle et objective, tout en étant guidée par le respect du malade. La seconde difficulté était pratique : il leur fallait éviter un « effet centre » (le psychiatre coordinateur lors d’une réunion du groupe), c’est-à-dire que les résultats ne soient pas homogènes parce qu’un centre (ou plusieurs) soit sorti du lot en raison de ses compétences (cliniques, techniques, structurelles), qu’elles soient bonnes ou mauvaises. L’enjeu général était d’harmoniser la pratique en réussissant à aligner et coordonner tous les acteurs, leurs spécialités et leurs compétences dans le traitement prodigué. La validité scientifique du projet en dépendait. Il leur fallait produire un « effet réseau » qui serait lié à la puissance de cette homogénéité pratique, en faisant disparaître les particularismes et en définissant des points nodaux sur lesquels il leur était impératif de s’entendre. C’était la seule manière d’assurer la stabilité et la standardisation des actes au sein d’une action collective déterritorialisée. La méthodologie et les outils de l’evidence-based medicine étaient une base sur laquelle tous les participants s’accordaient et qui les liait. Seulement, après le design du protocole, il restait à déterminer plusieurs éléments décisifs tels que la catégorie de patients à inclure ou encore vers quelle cible cérébrale diriger les électrodes. Les débats entre les centres, qui ont abouti à un consensus sur ce dernier point, sont ici riches d’enseignements.

27Le groupe a décidé d’implanter les électrodes de stimulation dans une petite structure cérébrale nommée le noyau sous-thalamique (NST). Plusieurs arguments relevant de domaines d’expertise distincts sont intervenus pour justifier ce choix. Le texte du protocole en rapporte deux : un argument clinique empirique (le cas des deux patients parkinsoniens stimulés qui ont vu leur TOC régresser et qui étaient implantés dans cette structure) et un argument pratique (c’est une cible que toutes les équipes pouvaient atteindre avec précision). L’argumentaire physiopathologique ou expérimental existe dans le protocole, mais il a été aligné a posteriori afin de soutenir ce choix. C’est donc plutôt à travers des raisons pratiques et empiriques que la cohésion du groupe de recherche s’est jouée.

28Le choix du NST peut effectivement paraître surprenant. Il ne recoupe aucune des cibles cérébrales « historiques » de la chirurgie lésionnelle dans le TOC, comme par exemple la capsule interne, le noyau caudé ou le thalamus, reprises par les autres équipes ayant appliqué la SCP pour le TOC. Ces cibles sont par ailleurs soutenues par les données de neuro-imagerie fonctionnelle et de neuropsychologie expérimentale (Mian et al., 2010). D’ailleurs, aucune autre équipe n’a depuis utilisé cette cible dans un essai clinique.

29Seulement, ces cibles « historiques » étaient, en tant que telles, déjà au centre de nombreuses recherches ou projets dans le monde. Le groupe souhaitait innover afin de sortir du lot. Le fait qu’une des équipes du groupe ait apporté les deux cas de patients parkinsoniens implantés dans le NST avait joué son rôle. Comme le dira un neurochirurgien lors d’une réunion ultérieure du groupe portant sur l’élaboration d’un essai clinique pour le SGT : « (ces) résultats avaient posé une question : Est-ce que le NST peut être la cible en attendant mieux ? ». La portée de ces cas cliniques leur offrait une alternative intéressante, d’autant qu’ils étaient soutenus par les résultats d’une recherche parallèle, présentés par la même équipe, concernant des modèles animaux de comportements compulsifs qui disparaissaient sous l’effet de la stimulation dans le NST. Les arguments physiopathologiques de la littérature s’orientant vers le choix d’une cible classique étaient alors contrebalancés par ces arguments cliniques et expérimentaux. Le résultat de ce choix fut d’ouvrir un domaine de recherche où ils seraient sans concurrents.

30Un second argument mobilisé par le groupe, d’ordre technique, allait également dans le sens d’une implantation du NST : il fallait que la cible soit facilement accessible par tous les centres pour assurer la sûreté, la précision et l’homogénéité du ciblage. Comme l’a souligné un neurologue lors d’une réunion du groupe : « Il y a un noyau de trois-quatre centres qui se connaissent et sont ultra compétents ». Selon lui, tous les centres ne possédaient pas la même expérience dans l’application de la SCP et, par conséquent, les mêmes compétences en matière de ciblage et d’implantation. Or, si les malades ne sont pas tous implantés au même endroit, à quelques millimètres près, les résultats peuvent se soustraire à l’interprétation et donc prêter à caution. Si l’essai était mené par un psychiatre, la technique restait neurochirurgicale. En un mot, quelle que soit la nature des arguments sur le choix de la cible, le groupe devait se plier à l’avis des neurochirurgiens et restait dépendant des compétences techniques des centres et de la difficile standardisation des actes chirurgicaux (Schlich, 2007). Le collectif a d’ailleurs pour la première fois fait appel à un atlas cérébral anatomo-fonctionnel élaboré par l’une des équipes afin de réguler et standardiser la procédure chirurgicale et la méthode de ciblage entre les différents blocs opératoires. Cette méthode, jugée très précise, a par la suite participé à fonder l’identité de l’essai clinique et du réseau, soulignant à quel point la précision du ciblage est un enjeu central pour juger de la valeur de ces recherches.

31Plusieurs cibles cérébrales avaient donc été proposées, cependant le NST restait la structure la plus facile à implanter. Elle était en effet la cible indiquée en France pour l’utilisation de la SCP dans le traitement de la maladie de Parkinson, tous les centres du groupe y avaient par conséquent déjà implanté des électrodes. De plus, en s’appuyant sur les expérimentations réalisées par l’un des centres sur des primates, le groupe souhaitait viser un circuit fonctionnel spécifique défini comme limbique (qui serait par conséquent impliqué dans la production et la régulation des émotions et potentiellement dans la symptomatologie de troubles mentaux) [16], afin d’en moduler son activité. La difficulté pour le groupe résidait ici en deux points : le premier était d’identifier puis de pénétrer un territoire anatomique dans lequel passe ce circuit fonctionnel ; le second avait trait au fait que celui-ci ne devait pas être trop vaste afin que la stimulation électrique produite par les électrodes puisse l’englober dans sa quasi-totalité. À défaut, le risque encouru par le groupe aurait été de devoir utiliser une intensité de stimulation trop élevée, et de toucher ainsi d’autres régions cérébrales. Cette extension pouvait provoquer des effets secondaires inconnus et, de plus, empêcher toute interprétation physiopathologique [17]. Parmi ces critères, le NST offrait selon eux l’avantage d’être une petite structure sur laquelle ils seraient certains de pouvoir moduler l’activité d’un territoire limbique bien délimité par l’atlas anatomo-fonctionnel, avec de basses intensités de stimulation et des paramètres de réglages variés. Les autres cibles étaient perçues, soit comme trop vastes pour pouvoir y cibler un territoire spécifique, soit difficiles d’accès par leur taille ou leur positionnement dans le cerveau. Comme le résumera par la suite un neuro-anatomiste du groupe lors d’un entretien, le choix de la cible a été « un compromis entre la physiopathologie et la chirurgie ».

32Mais pas seulement. Le choix de la cible était également commandé par la nécessité d’obtenir la cohésion du groupe : il fallait à la fois contenter le plus grands nombre d’intérêts, mais également aboutir à un consensus qui recouperait différentes stratégies de recherche. La possibilité d’implanter deux cibles chez chaque malade ou différentes cibles dans tous les centres, puis de regrouper les résultats s’est en effet posée au groupe. C’est ce qu’ils ont réalisé, par exemple, pour la suite de cet essai sur le TOC et pour d’autres indications. Cette stratégie aurait permis aux équipes d’implanter une cible classique, « historique » et, en même temps, une cible nouvelle comme le NST et, dans le cas d’une double implantation chez le même malade, de comparer leurs effets (comme on compare une nouvelle molécule à la thérapeutique standard dans les essais pharmacologiques). Cela multipliait les chances d’obtenir un effet bénéfique mais, en contrepartie, cela pouvait accroître les risques d’échecs de l’implantation. Cette perspective allongeait et complexifiait également le design du protocole et l’analyse des données, par la multiplication des conditions à comparer et par la variabilité du nombre de patients à inclure. Cependant, cette alternative ouvrait de nouvelles potentialités de recherche et la discussion autour d’une stratégie à plusieurs cibles a alors fait apparaître parmi le collectif d’autres objectifs, en recherche comme en clinique. Ceux-ci ne recoupaient pas nécessairement l’appartenance à chaque centre ou à une discipline. Par exemple, ces discussions pouvaient opposer les membres/ centres qui voulaient explorer le plus d’éléments et produire le plus de données possibles, à ceux dont les intérêts stratégiques se portaient vers une publication rapide et des développements futurs. Elles pouvaient encore permettre de distinguer ceux qui souhaitaient favoriser la cohésion du groupe en contentant le plus grand nombre d’intérêts particuliers (comme par exemple ceux de centres envisageant ou développant un essai clinique pour une autre cible que le NST), de ceux qui voulaient maintenir « l’effet réseau » contre des stratégies qui auraient rendu l’ensemble statistiquement hétérogène.

33À l’arrivée, cet essai clinique dépeint une structure lourde, délocalisée et difficile à coordonner car traversée de tensions entre différentes cultures pratiques et différentes spécialités médicales. À ce titre, elle doit satisfaire ou surmonter de multiples intérêts éthiques, sociaux, scientifiques et personnels. Si les outils de l’evidence-based medicine ainsi que les normes éthiques de la recherche ont servi de base à la régulation de la pratique collective, ils ont été renégociés par les acteurs selon leurs stratégies et objectifs (Meldrum, 1998), et réadaptés aux spécificités de la technologie et du domaine de la psychiatrie et du trouble considéré. Lorsqu’on assemble l’intégralité des composantes de l’essai et des arguments qui ont mené à leur sélection, on obtient un essai clinique en psychiatrie élaboré sur le modèle pharmacologique et adapté aux contraintes des techniques neurochirurgicales. Cet agencement résulte également de l’expérience antérieure acquise dans des domaines comme les applications sur le SGT ou le Parkinson, ou bien encore du traitement pharmacologique des TOC. Mais, ce fut au final le premier essai clinique de chirurgie en psychiatrie conduit de la sorte. Bâti à travers un assemblage d’expériences et à l’intersection de multiples structures, il s’est finalement imposé comme une référence à suivre et à reproduire.

L’essai clinique comme innovation organisationnelle

34Cette entreprise a montré toute la difficulté de définir une recherche clinique de neurochirurgie en psychiatrie, haut lieu de controverses, et d’en faire un défi organisationnel en la rendant collective. Ce qui devient marquant dans le développement de ce projet de recherche, c’est la capacité d’invention des modes d’articulation, de standardisation et de fédération des moyens et des acteurs engagés par son processus. Ce groupe de recherche devait faire face et prévenir non seulement les attaques qui pourraient venir de l’extérieur à propos du caractère éthique et scientifique de l’entreprise, mais également jouer avec les tensions qui parcouraient le cœur même de son organisation, de l’intérieur. Il a dû également inventer une pratique qui n’avait pas encore son standard, à la conjonction de plusieurs mondes scientifiques. À chaque étape, le groupe avait à renégocier ces tensions : à cette fin, il a utilisé les outils de régulation et de standardisation tels que le protocole de recherche ou le comité de surveillance, ou il en a inventé ou mobilisé d’autres (un atlas anatomo-fonctionnel, par exemple). Le groupe a également convoqué des acteurs ou des arguments extérieurs à son propos (le CCNE, l’AFTOC, des modèles animaux, des patients parkinsoniens). Il a créé des objets de consensus (la cible, le design) et il a mis sur pied des structures ad hoc comme un comité de pilotage : un collège de membres qui eut pour mission de coordonner l’activité des équipes en produisant des recommandations à propos de la gestion des données, ou bien encore en suggérant des stratégies de publication afin d’arbitrer et de protéger les intérêts et les initiatives du collectif et de chacun de ses membres (Cassier, 1998) [18].

35Un nouvel objectif est ensuite apparu au cours de l’élaboration du protocole puis du déroulement de l’essai. Cet objectif a même été établi — sous l’un de ses aspects les plus modestes — dans le texte du protocole et a affleuré lors des débats éthiques : « Ce protocole a été conçu dans une perspective d’avenir pour associer les équipes qui souhaitaient se lancer dans ce type de neurochirurgie comportementale. L’objectif fondamental est de créer, en effet, un pôle de recherche et de prise en charge neurochirurgicale dans le cas exceptionnel de malades psychiatriques reconnus comme “au-dessus de toute ressource thérapeutique” » (souligné dans le texte).

36Le groupement de centres entendait poser les bases d’un réseau de recherche en neurochirurgie fonctionnelle qui développerait les applications de la SCP pour différentes indications psychiatriques. C’est ce qui a effectivement été réalisé par la suite lorsque le collectif a mis en place des essais cliniques multicentriques pour le SGT et la dépression sur le même modèle et les mêmes fondations que pour le TOC. En arguant des qualités de puissance et d’innovation du collectif, alors même que l’essai n’était pas terminé, l’objectif principal de la démonstration d’efficacité et de la sûreté de la technologie se voyait partiellement subordonné à la création de ce qu’un neurologue a nommé, au cours de la réunion de présentation des résultats de l’essai, leur « groupe fédérateur ». Les projets futurs devaient alors, selon ce même neurologue, « enfoncer le clou » de cet essai, soumettant leur existence à son efficacité organisationnelle et devenant par conséquent un argument de sa constitution. Pour reproduire ce qui a été fait, encore fallait-il le faire une première fois.

37Cet essai clinique a constitué, pour reprendre les termes de Löwy d’après les travaux d’Abbott (1988), une « innovation organisationnelle » (Löwy, 2002 : 62). Le groupe attribuait en effet à l’essai une nouvelle fonction et une nouvelle valeur : la démonstration de l’efficacité et de la sûreté de la SCP devenait secondaire, ce qui devenait prépondérant était la capacité de l’entreprise à unir les intérêts de différents acteurs. Marks (1999) avait déjà souligné qu’à leur naissance les essais cliniques contrôlés avaient autant été une entreprise méthodologique devant résoudre les tensions et débats épistémologiques sur l’évaluation de l’efficacité des pratiques médicales qu’une politique d’alliances entre différents intérêts et acteurs. Ici, pour ce qui nous concerne, ce n’était pas uniquement la valeur de la puissance de démonstration de l’essai qui primait mais sa valeur organisationnelle, sa capacité de coordination et d’alignement des multiples composants que l’essai nécessitait ou avait attirés : les cliniciens, chercheurs, outils, savoir-faire, malades, etc. mais aussi les acteurs extérieurs tels que le CCNE ou l’AFTOC.

38Trois événements ont pourtant par la suite remis en question le projet du groupe et son organisation (et continuent d’en interroger la viabilité). Si des tensions sont apparues lors des négociations de la politique de publication des résultats de l’essai (donc du partage des bénéfices de l’entreprise collective), elles se sont cristallisées autour de la question de la propriété des données, notamment lorsqu’un centre a publié sous son seul nom des données provenant des patients qu’il avait implanté. L’esprit du projet a ensuite été fortement ébranlé lorsqu’un centre, une fois les résultats parus, a implanté des patients hors du cadre d’un essai clinique. Enfin, cet esprit a également connu quelques manquements lorsque différents centres du groupe ont monté des projets concurrents autour de nouvelles indications thérapeutiques.

39Malgré ces remous, en tant que technologie de régulation des pratiques médicales, le projet a poursuivi sa trajectoire : il a été prolongé à 36 mois afin d’évaluer les effets de la SCP à plus long terme. En tant qu’innovation organisationnelle, il s’est depuis déployé selon de nouvelles logiques et dans de nouveaux espaces, en étant utilisé par exemple comme modèle de recherche en psychiatrie dans le cadre des réunions de l’Institut thématique multi-organisme Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie (2012 : 12).

Conclusion

40Le groupe des dix centres est une fédération (ou un consortium, ou bien encore une communauté) d’intérêts et de moyens qui a émergé pour répondre aux contraintes scientifiques et éthiques de l’entreprise de recherche. Celle-ci a donc été conditionnée par la thérapeutique et ses spécificités techniques appliquées à une famille de troubles, le tout nécessitant par ailleurs de se conformer aux canons de la démonstration scientifique de la biomédecine, tout en prenant en considération — afin de le négocier — le contexte historique et social de la pratique et sa nature controversée. De par le caractère invasif de la technologie, le groupe savait qu’il serait particulièrement observé sur les fondements méthodologiques et scientifiques de l’entreprise. Comme le note Löwy, les essais cliniques ne sont donc pas des « procédés neutres » mais des technologies marquées et façonnées par leur contexte d’élaboration, et adaptées localement aux situations complexes de leur utilisation (Löwy, 2002 : 59). Ici, l’essai clinique ne pouvait transcender à lui seul, par la neutralité méthodologique et scientifique qui lui est attribuée, les problématiques et discussions morales, épistémologiques et éthiques liées au développement de la SCP. Cela a mené le groupe à la nécessité de créer, dans un domaine non standardisé et marqué par les controverses, un modèle collectif de pratiques suffisamment puissant mais également adaptable. À ce titre, le groupe a été conduit à innover — pas uniquement sur le plan scientifique mais également organisationnel et politique — et à adopter un schéma suffisamment fiable d’organisation. Cette organisation devait lui permettre de tenir une situation préférentielle, à la fois pour contrôler son domaine d’action, mais également pour en récolter les bénéfices d’un prestige à la fois individuel et collectif.

41Cet essai clinique a finalement autorisé la structuration et la pérennisation d’un domaine d’activités innovant. Il a permis à une communauté de chercheurs de tenter d’insérer une pratique de recherche et, avec plus d’ambition, la psychiatrie biologique, dans une politique scientifique en lui offrant la consistance de ses prétentions. Recomposer la genèse des différentes logiques qui ont participé à la constitution de cet essai clinique, mettre en exergue la dimension créative et réflexive du processus et des outils utilisés, permet ainsi d’avoir vue sur un processus qui a permis tout autant de légitimer le rôle des thérapeutiques psychiatriques intrusives sur la scène publique que de donner crédit à cette innovation technologique dans l’espace de la recherche neuroscientifique.

42Liens d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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  • Moutaud B., 2012, Une « convergence forcée » ? Ethnographie d’une collaboration entre neurologie et psychiatrie dans un centre de neurosciences en France, Anthropologie et Santé, 4 ; http://anthropologiesante.revues.org/927
  • Nuttin B., Cosyns P., Demeulemeester H., Gybels J., Meyerson B., 1999, Electrical stimulation in anterior limbs of internal capsules in patients with obsessive-compulsive disorder, The Lancet, 354, 9189, 1526.
  • Nuttin B., Gabriëls L., Cosyns P., Meyerson B., Andréewitch S., Sunaert S., Maes A., Dupont P., Gybels J., Gielen F., Demeulemeester H., 2003, Longterm electrical capsular stimulation in patients with obsessive-compulsive disorder, Neurosurgery, 52, 6, 1263-1272.
  • Polosan M., Millet B., Bougerol T., Olié J.P., Devaux B., 2003, Traitement psychochirurgical des TOC malins : à propos de trois cas, L’Encéphale, 29, 6, 545-552.
  • Pressman J.D., 1998, Last Resort. Psychosurgery and the Limits of Medicine, Cambridge, Cambridge University Press.
  • Rabeharisoa V., Callon M., 1999, Le pouvoir des malades. L’Association française contre les myopathies et la recherche, Paris, Presses de l’École des Mines.
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Mots-clés éditeurs : psychiatrie, essai clinique, innovation organisationnelle, psychochirurgie

Date de mise en ligne : 30/09/2014

https://doi.org/10.1684/sss.2014.0303

Notes

  • [*]
    Baptiste Moutaud, chercheur postdoctoral, Cermes3, Centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale, société, INSERM U988/CNRS UMR 8211/École des hautes études en sciences sociale/Université Paris-Descartes, Paris, France ; moutaud.baptiste@sfr.fr
  • [1]
    Cette recherche a été réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat financée par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (2006-2009). Elle s’inscrit également dans un projet de recherche financé par l’Agence nationale pour la recherche : ANR-09-SSOC-006, « "Vie sociale" des neurosciences ».
  • [2]
    Comme le souligne Gaudillière, les allers et retours entre ces mondes, établis comme paradigme d’une médecine moderne, n’ont cependant pas l’évidence qu’on leur prête, si bien que leur organisation réelle reste à analyser (Gaudillière, 1992). La biomédecine se caractériserait selon lui par une reconfiguration des rapports et des intérêts non seulement entre la médecine et la science, mais également entre la société, l’État et l’industrie (Gaudillière, 2002).
  • [3]
    Afin de préserver l’anonymat des centres et membres de ce groupe, aucun nom ou référence bibliographique permettant d’identifier les acteurs ne seront cités.
  • [4]
    Stereotactic and Functional Neurosurgery Meeting (24-27 juin 2001) et Neuromodulation 2002 : Defining the Future (28-30 juin 2002).
  • [5]
    Un patient aux États-Unis (Anderson et Ahmed, 2003), 6 patients en Belgique (Nuttin et al., 2003) et 4 patients en Allemagne (Sturm et al., 2003).
  • [6]
    Entre 2004 et 2010, 9 nouvelles recherches portant sur une cinquantaine de cas (certains se recoupant) ont été publiées (Mian et al., 2010).
  • [7]
    Un autre groupe de trois centres américains a adopté une stratégie identique dans l’application de la SCP à la dépression. Il ont implanté 15 malades (Malone et al., 2009).
  • [8]
    C’est la lobotomie qui a le plus souvent été interdite. Cependant, d’autres techniques de destruction de zones cérébrales dans le cas de troubles psychiatriques résistants aux traitements ont continué à être pratiquées ou à se développer, dans des cadres plus ou moins contrôlés, comme le gamma-knife. Des cas de TOC étaient toujours opérés en France avant le développement de la SCP : les trois derniers cas ont été publiés par une équipe de l’hôpital Sainte-Anne (Polosan et al., 2003). À ce sujet, on pourra consulter deux revues de référence pour le cas spécifique du TOC (Greenberg et al., 2003 ; Jenike, 1998). Pour une histoire de la psychochirurgie, on pourra se reporter aux éléments de littérature qui l’on abordée, soit de manière centrale, soit plus à la marge (Braslow, 1997 ; Pressman, 1998 ; Valenstein, 1986).
  • [9]
    S. Wainrib, « Psychiatrie : vers le nouveau ‘ ‘sujet TOC’’ », Le Monde, mercredi 6 décembre 2006 ; Y. Ferroul, « Les psychanalystes auraient-ils peur de la confrontation scientifique ? », Le Monde, mardi 19 décembre 2006.
  • [10]
    La volonté de l’équipe coordinatrice d’intégrer un ethnologue dans son service pour suivre le développement de l’essai était motivé par des problématiques assez proches (dont on ne peut ignorer la perspective utilitariste), celles de saisir les enjeux sociaux de la recherche et de les éclaircir (voire de mieux les maîtriser stratégiquement) (Moutaud, 2009 : 51-4).
  • [11]
    L’objectif de l’association était ici de favoriser la diversité de l’offre potentielle de soin pour des patients en impasse thérapeutique.
  • [12]
    DBS est l’acronyme pour deep brain stimulation, soit la traduction anglaise pour SCP, OCD étant la traduction de TOC (pour obsessive compulsive disorder).
  • [13]
    Leur plus grande inquiétude concernait les risques chirurgicaux et leurs potentielles séquelles mais également le risque de suicide chez une population fragile.
  • [14]
    Initiant une tendance qui va prendre une nouvelle ampleur avec l’appropriation de ces problématiques par la neuroéthique, le développement de la SCP et ses multiples applications devenant un lieu de réflexion privilégié de la discipline (Bell et al., 2009).
  • [15]
    Dans un compte-rendu de la conférence de presse, le site www.apmnews.com rapportait, le 13 novembre 2008, que le président avait salué « la prudence — inhabituelle en neurochirurgie » du groupe. Les neurochirurgiens ne manquèrent pas, lors d’un échange de mails interne, de revenir sur leur rôle dans l’initiation du débat éthique autour de la SCP et sur le devoir du psychiatre coordinateur de le rappeler lors de telles manifestations.
  • [16]
    Sur l’élaboration de cet argumentaire, voir Moutaud (2008).
  • [17]
    C’est une critique faite à l’équipe belge qui doit utiliser des voltages de stimulation élevés sans finalement savoir jusqu’où se propage le courant et quelles structures sont touchées. Ceci a également pour désavantage de vider rapidement la pile du stimulateur qui doit être fréquemment remplacée.
  • [18]
    Nous n’avons pas ici traité du rôle de plusieurs acteurs institutionnels et industriels dans la construction et la structuration de cette recherche (promoteurs, fabricant du matériel, organismes de régulation hospitaliers, etc.). Ceci pour une raison essentielle qui tient à la limite des données auxquelles nous avons eu accès : soit parce que certains de ces aspects se sont joués avant notre étude de terrain et que nous n’avons pas pu en reconstituer clairement la trame, soit parce qu’ils relevaient d’une partie « invisible » pour l’observateur (échanges de mails, conversation téléphoniques, activités délocalisées).

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