Notes
-
[1]
« La Cinémathèque. L’association », en ligne : https://www.lacinemathequedetoulouse.com/la-cinematheque/association (consulté le 5 juillet 2020).
-
[2]
Ibid.
-
[3]
Entretien avec Franck Lubet, 10 juin 2020, à la Cinémathèque de Toulouse. Sauf mention contraire, les propos cités en sont extraits.
-
[4]
Entretien avec Julie Dragon, 3 juillet 2020, à la Cinémathèque de Toulouse. Sauf mention contraire, les propos cités en sont extraits.
-
[5]
Entretien avec Frédéric Thibaut, 9 juin 2020, à la Cinémathèque de Toulouse. Sauf mention contraire, les propos cités en sont extraits.
-
[6]
Documentaliste au Centre de Balma, Claudia Pellegrini participe à l'élaboration des expositions qui peuvent accompagner la programmation. Entretien avec Claudia Pellegrini, 1er juillet 2020, à la Cinémathèque de Toulouse. Sauf mention contraire, les propos cités en sont extraits.
-
[7]
La diffusion a été annulée et reportée au mois de mars 2021 en raison du contexte sanitaire.
-
[8]
Jules Michelet, La sorcière, Paris, Gallimard, « Folio classique », 2016 [1862].
-
[9]
Jeanne Favret-Saada, « Sorcières et Lumières », dans Jeanne Favret-Saada et Josée Contreras, Corps pour corps : enquête sur la sorcellerie dans le Bocage, Paris, Gallimard, « Témoins », 1981, p. 335-363.
-
[10]
Jeanne Favret-Saada, « Sorcières et Lumières », art. cité.
-
[11]
Mona Chollet, Sorcières, Paris, Zones, 2018.
-
[12]
Silvia Federici, Julien Guazzini, Caliban et la sorcière : femmes, corps et accumulation primitive, Genève/Paris/Marseille, Entremonde/Senonevero, 2014.
-
[13]
Claudine Sagaert, Histoire de la laideur féminine, Paris, Imago, 2015.
-
[14]
« Lire, pour plus de précisions, Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet et Les sorcières, une histoire de femmes de Céline du Chéné, en commençant par La sorcière de Jules Michelet ». Franck Lubet, « Sorcières !, présentation du cycle », en ligne : https://www.lacinemathequedetoulouse.com/programmation/cycles/2175 (consulté le 27 mai 2020). Celine du Chéné, Les sorcières : une histoire de femmes, Paris, France Culture/Michel Lafon, 2019.
-
[15]
Franck Lubet, « Sorcières !, présentation du cycle », art. cité.
-
[16]
Laura Mulvey, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Screen, vol. 16, no 3, 1975, p. 6-18. DOI : 10.1093/screen/16.3.6.
-
[17]
Il était notamment primordial pour le responsable de programmation que le regard des femmes cinéastes, minoritaire à l'échelle de l'histoire du cinéma, trouve sa place dans le cycle.
-
[18]
Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Félix Alcan, 1925.
-
[19]
Autour de la distribution de ce personnage naît un débat entre partisans d'une méchante sorcière belle et ceux qui refusent cette éventualité. Voir Jack Haley Jr., The Wonderful Wizard of Oz. The Making of a Movie Classic, 1990.
-
[20]
Le vert des sorcières relève d'une symbolique négative. Les traités de démonologie du xvie siècle indiquent notamment qu’elles ont les yeux verts et les dents vertes, de même le noir participe de leur accoutrement car il est la couleur obligatoire pour participer aux réunions démoniaques. Voir Michel Pastoureau, Vert : histoire d'une couleur, Paris, Seuil, « Points », 2017.
-
[21]
La tolérance du spectateur vis-à-vis des altérations du support varie, il se montre plus indulgent avec le noir et blanc qu'il associe au temps ancien.
-
[22]
Les questions relatives au travail de restauration méritent un article à elles seules. « Sur une copie on peut enlever toutes les rayures, toutes les poussières. Après, la question à se poser c'est : quel est l'intérêt ? Est-ce qu'on doit voir aujourd'hui un film réalisé en 1920 comme s'il s'agissait d'un objet neuf ? », note Frédéric Thibaut.
-
[23]
Claudine Sagaert, Histoire de la laideur féminine, op. cit.
-
[24]
Claudia Pellegrini, texte de présentation. En ligne : https://www.lacinemathequedetoulouse.com/expositions/2183 (consulté le 20 mai 2020).
-
[25]
Dans l'adaptation de la série Ma sorcière bien aimée réalisée par Nora Ephron (2005).
-
[26]
Ce film offre l'une des premières occurrences de la transformation de la sorcière en obéissante femme au foyer. Cette domestication de la figure de la sorcière par Hollywood est analysée par Pacôme Thiellement comme « une tentative de récupérer son pouvoir subversif au sein de la consommation ou du capitalisme ». Émission Les sorcières, diffusée sur le site Hors-série.net, 20 février 2015. En ligne : https://www.hors-serie.net/En-acces-libre/2015-02-20/Les-Sorcieres-id64 (consulté le 1er mai 2020).
-
[27]
Raymond Borde, Les cinémathèques, Paris, Éditions de l'Age d'Homme, 1983, p. 15.
-
[28]
Jean Epstein, Écrits sur le cinéma, t. 2, Paris, Seghers, 1974, p. 18.
-
[29]
Sébastien Gayraud, Maxime Lachaud, Reflets dans un œil mort : mondo movies et films de cannibales, Paris, Bazaar & Co, 2010.
-
[30]
Pier Paolo Pasolini, entretien à l'occasion de la sortie de son film Salò o le 120 giornate di Sodoma, 31 octobre 1975. En ligne : https://www.youtube.com/watch?v=w9Ef1y_OY-U (consulté le 21 mars 2018).
-
[31]
Freddy Buache, « Préface », dans Raymond Borde, Les cinémathèques, op. cit., p. 7.
1Chaque année, au printemps, l’équipe de programmation de la Cinémathèque de Toulouse élabore une nouvelle saison du « revoir », avec ses cycles thématiques et monographiques. Cette structure fait partie des trois principaux centres d’archives cinématographiques en France [1], et a pour mission la conservation des œuvres ainsi que la « diffusion du patrimoine cinématographique [2] ». L’institution, née en 1964 à l’initiative d’un groupe de cinéphiles occitaniens autour de la figure fédératrice de Raymond Borde, occupe aujourd’hui deux espaces majeurs de la métropole toulousaine : le centre de conservation situé à Balma, et, entre la place du Capitole et la basilique Saint-Sernin, le siège de l’association qui sert à la fois de lieu de diffusion et de réunion. Responsables du volet diffusion de la structure, les membres de cette équipe participent à une orchestration du « revoir », suggérant une approche personnelle de la re-vision : « Tu es le premier spectateur, le premier cobaye ou le premier témoin [3] », note Franck Lubet. Leurs choix de programmateurs sont eux-mêmes fondés sur une praxis du « revoir ». Élaborée en cercle restreint, la programmation tend néanmoins vers l’expérience collective de la salle de cinéma, lieu d’échanges et de débats où se côtoient spectateurs ponctuels et habitués. Dans la pénombre, chacun trouve ou retrouve sa place sur les fauteuils gris-perle et dirige son attention vers l’écran cerné de rideaux bleu nuit. C’est ce voir ou ce « revoir » partagé qu’envisagent les programmateurs.
2Cet article s’appuie sur des entretiens menés avec Franck Lubet (responsable de la programmation), Julie Dragon [4] (adjointe de programmation), Frédéric Thibaut [5] (programmateur) et Claudia Pellegrini [6] (documentaliste et iconographe) afin d’éclairer l’approche singulière du « revoir » qu’implique leur activité professionnelle. Nous avons focalisé notre attention sur la genèse de la thématique « Sorcières ! » proposée courant avril-mai 2020 [7] et adossée à l’exposition « Miroir, mon beau miroir… laideur et beauté de la sorcière au cinéma ». « Rétrospective », « restauration », « cycle » : le champ lexical des activités d’une cinémathèque traduit sa préoccupation quant au mouvement du « revoir ». Programmer, c’est alors relayer une force désirante, une curiosité, une envie de voir, de savoir et de ressentir. Jeanne Favret-Saada dans sa lecture de l’essai de Jules Michelet consacré à la figure de la sorcière [8] évoque l’audace de l’historien qui associe la question de la sorcellerie à « une interrogation sur le désir de savoir dans laquelle est pris tout curieux [9] ». Comme l’historien, le programmateur attentif aux distinctions, aux interrelations entre les œuvres et les sociétés peut s’identifier à la quête de connaissance de la sorcière. Le geste du programmateur résonne alors avec celui de cette insaisissable figure. C’est donc en suivant la piste de mouvements désirants que nous interrogerons comment se pratique et se pense le « revoir » au sein de l’équipe de programmation de la Cinémathèque. De l’idée du cycle à son élaboration, nous aborderons les façons d’expérimenter le revoir.
Penser la rétrospective
3Difficile d’aborder la praxis du programmateur sans être tenté par un florilège de métaphores musicales. Tour à tour instrumentiste et chef d’orchestre, son approche du « revoir » peut être appréhendée de façon diachronique. L’équipe de programmation de la Cinémathèque de Toulouse est composée de trois membres qui travaillent de façon collégiale à l’organisation des cycles qui forment une saison. Dans le cadre de cette composition, ils accordent une attention particulière aux équilibres entre la programmation thématique et la monographie, mais aussi entre les différentes écritures du cinéma, allant du « grand public » au plus underground. Franck Lubet précise :
Ce qui est propre aux cinémathèques – même s’il peut y avoir quelques sectarismes – c’est que nous aimons le cinéma dans sa globalité […]. Le cinéma est un ensemble, il y a des lignes, des passerelles […] nous ne sommes pas là pour imposer des goûts personnels. On est plutôt là pour s’interroger et interroger le cinéma.
5La nouvelle saison se compose ainsi au gré de discussions journalières autour des écritures du cinéma. En fonction du cycle l’approche du « revoir » varie, tout comme le jeu de résonance entre les œuvres. La monographie, traitant d’une personnalité du monde du cinéma, bénéficie souvent d’une cohérence intrinsèque. Ainsi, prenant en exemple une rétrospective John Cassavetes, le responsable de programmation témoigne : « Là je ne revois pas tout, je revois des périodes, je reprends des films. » Néanmoins, dans le cadre d’une programmation thématique dans laquelle parvenir à tisser des liens entre les œuvres constitue un enjeu majeur, le « revoir » s’impose :
Là oui on les revoit, parce que c’est très important, ce sont des films d’époques différentes, qui se répondent, qui dialoguent entre eux, et l’idée de la programmation est justement de les faire dialoguer, donc tu as besoin de les revoir.
7Cette nécessité du « revoir » d’un corpus conséquent de films est liée à la recherche du fil directeur du cycle. Mais, avant tout, il faut que germent des échanges l’idée d’une thématique et une envie d’exploration. De façon assez intuitive, le désir d’une thématique prend lui-même sa source dans le « revoir ». Les programmateurs évoquent une « déformation professionnelle » : pour eux voir ou revoir un film c’est déjà façonner un maillage relationnel et rêver une programmation. Franck Lubet explique ainsi que c’est la redécouverte du film de Carl Theodor Dreyer Dies irae (Jour de colère, 1943) au Festival de La Rochelle, qui est à l’origine du cycle « Sorcières ! » :
Je repensais à ce film et je me disais, là, il y a quelque chose à faire. Le film est terrible, très moderne, très juste. Alors tu pars de là et tu te dis : mais qu’est-ce qu’il y a d’autre ? Alors, tout en parlant entre nous, on commence à regarder. […] Cela se bâtit comme ça.
9Tout commence avec un film matrice, un long-métrage marquant, celui d’un homme qui donne voix aux femmes. Dans les sources historiques – majoritairement issues de l’inquisition –, on n’entend pas les mots de ces femmes accusées de commerce avec le diable. La sorcière est parlée, fantasmée par ceux dont les écrits restent. C’est toute l’originalité de Michelet d’avoir tenté, en passant par la subjectivation, de lui rendre la parole. Dreyer, comme l’historien qui voit en songe « les trépassés qui n’ont pas fini de mourir, qui refusent de se résigner devant le fait accompli de la mort aussi longtemps qu’il restera du sens en suspens [10] », invite à prêter l’oreille aux voix de l’au-delà. Le titre même de son œuvre, Dies irae, fait référence à cette hymne liturgique évoquant le réveil des morts pour une comparution ultime sous la voûte céleste :
Je trouve que c’est un film féministe, […] un film fait par un homme mais qui pose bien la question de la sorcière comme bouc émissaire et d’une femme libérée qui écoute son corps, son cœur. […] Il parle de l’oppression de la part d’une société conservatrice tenue par des hommes.
11Si le film de Dreyer s’impose au « revoir » comme un film matrice invitant à l’élaboration d’un cycle thématique, c’est aussi qu’il produit des effets de résonance avec un contexte socio-politique. Le choix d’un thème révèle une actualité du « revoir » avec une dimension performative : le cycle est lui-même amené à participer à cette actualité en tant qu’événement culturel. Au printemps 2019, alors que l’équipe de la Cinémathèque de Toulouse évoque une programmation dédiée à la figure de la sorcière, des mouvements comme #metoo ont favorisé les questionnements relatifs aux rapports de domination à l’œuvre dans l’industrie cinématographique, à la place des femmes devant et derrière la caméra. De plus, l’ouvrage de Mona Chollet Sorcières [11], reprenant les travaux d’historiennes et de sociologues telles que Silvia Federici [12] ou Claudine Sagaert [13], obtient déjà, à cette période, un grand succès en librairie. L’essayiste y évoque les dynamiques de réappropriations contemporaines de cette figure hautement subversive. Dans le texte de présentation de la thématique, Franck Lubet se réfère d’ailleurs à cette émulation réflexive [14] et s’associe à ce travail « de relecture de l’histoire à travers la figure de la sorcière [abordée alors] du point de vue du cinéma ». Ce choix thématique est ainsi pris dans un maillage de questionnements esthétiques et socio-politiques qui stimulent le désir du revoir. « À partir de là on peut rayonner. »
12Dans le moment de la re-vision analytique, le programmateur a déjà en tête une piste réflexive. Mais c’est seulement une orientation : rien n’est arrêté. « Comme lorsque tu commences à écrire un texte, tu as une idée de départ et au fur et à mesure l’idée n’est plus tout à fait la même. C’est pareil avec une programmation », explique Franck Lubet. Le « revoir » du programmateur se singularise par son attention et sa perpétuelle remise en jeu d’un postulat originel :
Forcément, lorsque tu prépares une programmation tu ne regardes pas les films de la même façon que lorsque tu les as vus au cinéma ou chez toi. […] Tu les regardes autrement car tu te dis : ce film me plaisait pour ces raisons… mais il me dit aussi autre chose.
14Le programmateur est à l’écoute de l’œuvre. C’est pourquoi, dans la bouche du responsable de programmation, l’évocation d’une forme de « maïeutique » est tout à fait parlante. La pertinence du rapprochement entre la méthode d’interrogation socratique et la praxis du programmateur n’est pas seulement métaphorique. Le questionnement anime sa re-vision et guide son cheminement réflexif. À cette étape, l’équipe de programmation revient vers les films pour mettre à l’épreuve l’idée « préconçue » qu’elle a de son cycle thématique :
Quand tu travailles le sujet, forcément, quelque chose qui n’est plus tout à fait ce que tu avais en tête au départ émerge. Mais tant mieux ! Ce sont les films eux-mêmes qui font ressurgir quelque chose. Et il t’appartient d’être là pour l’accueillir.
16Franck Lubet met l’accent sur une expérience d’accueil des films et des contenus implicites que peut révéler leur redécouverte. La conception du métier défendue par l’équipe toulousaine consiste ainsi à rassembler des films qui vont soulever des questionnements et non à imposer par leur biais un discours. Programmer c’est alors donner l’occasion au film de faire ressurgir des savoirs enfouis, tout comme l’interrogation socratique invite à la réminiscence de « ce que l’on ne sait pas que l’on sait ». Cette curiosité dangereuse est l’une des richesses de l’expérience du « revoir ». Cependant, l’exercice réflexif associé au travail de programmation doit également tenir compte de la mise en relation des œuvres. Un film parle, mais des films dialoguent. Ceci suggère une attention aux résonances entre certaines productions. Dans le cas du cycle « Sorcières ! », ce mode de penser relationnel relève d’un véritable exercice de contorsionniste. En effet, au cinéma, la sorcière est partout et de tout temps, elle fait penser à une aporie : un stéréotype qui refuserait de rester en place. Mais cette diversité rend d’autant plus fécond le dialogue des films qui lui donnent voix. La figure de la sorcière voyage dans le temps – du cinéma muet à aujourd’hui –, dans l’espace géographique et aussi dans de multiples genres cinématographiques – comédie, film d’horreur, musical, dessin animé… En revoyant dialectiquement, les programmateurs interrogent les évolutions, les récurrences esthétiques ou narratives, les codes d’un genre :
C’est intéressant de revoir les films et de se dire là on est plutôt dans tel courant. Si nous nous posons la question des figures féminines au cinéma, cela va être différent selon les genres, parce que ce sont des images d’Épinal. Le genre part toujours du cliché. Et il peut soit rester dans le cliché […] soit ouvrir vers un pan un peu politique.
18Observer les mouvements et les croisements entre les genres cinématographiques nourrit l’exercice maïeutique du programmateur. Peu à peu, il ne voit plus seulement le film, il voit le film dans le maillage de sa programmation. Au regard des successives réappropriations dont la sorcière fait l’objet, dégager une question transversale au cycle s’avère délicat. Le texte de présentation de Franck Lubet propose néanmoins une question centrale :
Passées au filtre, ou gaze […] d’un septième art majoritairement masculin, [ces figures de sorcières] trahissent-elles le regard d’une société patriarcale, projection des désirs et des craintes de l’homme envers la femme [15] ?
20Sans enfermer ce personnage métamorphe, cette invitation à la réflexion – à laquelle se trouvent enchâssés des axes parallèles – laisse au contraire le champ à une analyse socio-esthétique. C’est le regard lui-même qui est interrogé, celui de la société et de la culture visuelle dominante, celui des cinéastes et celui du spectateur. La référence au male gaze [16], un concept proposé par Laura Mulvey, indique comme piste analytique celle de l’image d’une figure féminine aux prises avec les codes et les rapports de dominations d’une industrie culturelle. Le « revoir » s’apparente alors à un geste politique :
C’est militer de façon intelligente en disant : « Regardons qu’est-ce qui a été fait de cette figure qui est revendiquée par des mouvements féministes depuis les années 1970 et qui, paradoxalement, dans l’industrie cinématographique, est une figure qui traduit le regard de l’homme sur la femme. »
22Alors que le temps du « revoir » touche à sa fin, l’équipe de programmation est confrontée à l’étape du choix et à la frustration qu’elle génère. Après une somme de questions et de re-visions, les programmateurs se confrontent à l’impossibilité de tout revoir et de tout montrer. Dans ce moment du choix, ils se remémorent chacune des œuvres afin de rassembler un corpus représentatif. Il faut alors composer avec la frustration de l’inaccessible exhaustivité. Concourent à l’élaboration du corpus final diverses contraintes matérielles (copies introuvables, coûteuses, problèmes de droit…). Adjointe de programmation, Julie Dragon prend en charge la recherche des copies et constate :
Pour trouver la copie d’un film, tu peux mettre cinq minutes parce que le film est en distribution [en France], mais sinon, il faut que tu ailles chercher des copies. Si elles ne sont pas [au centre de conservation de la Cinémathèque de Toulouse] ou dans des archives francophones, il faut aller voir ailleurs. Tu peux mettre deux secondes ou trois mois pour trouver une copie.
24Au temps nécessaire à la recherche s’ajoute celui dévolu à la vérification, car les collections vieillissent et les copies s’usent. L’appréciation des critères de qualité varie en fonction des structures, avec une gradation selon les altérations du support pellicule (rayures, collures, couleurs). Il peut être délicat de faire sortir des fonds d’archives certaines copies rares ou des copies dites « uniques » qui sont dévolues à la conservation. Ainsi, certaines structures assurent prioritairement leur mission de conservation, au risque de minorer celle de diffusion. Le travail de localisation des copies suppose une bonne connaissance de l’histoire de la conservation et des spécificités des différentes archives.
25Dans cette délicate étape de composition se réunissent les représentants d’un genre, d’une période, d’une façon de regarder [17]. Souvent liées à un compagnonnage cinéphile, des productions telles que Blanche-Neige (David Hand, 1937) ou Le magicien d’Oz (Victor Fleming, 1939) sont considérées comme des incontournables. En tant que référents communs, ils façonnent une « mémoire collective [18] » et leur « revoir » constitue une forme de rite. Cependant, s’il peut y avoir une dimension rituelle au retour vers certains classiques, l’élaboration d’un cycle ne procède pas de la rumination patrimoniale – il ne s’agit pas d’épousseter les monuments du cinéma – mais d’une invitation vitaliste au dialogue. Il est décisif alors de parvenir à relayer son mouvement désirant pour impulser un revoir collectif. En tant que premier spectateur « tu te dis : oui ça marche […] mais est-ce que ça marchera sur les autres ? ».
Diffuser le « revoir »
26Une fois choisis les vingt titres qui constituent le cycle, l’équipe de programmation envisage l’accompagnement de l’expérience collective du « revoir ». Ils participent notamment au choix de l’image qui constituera l’affiche du cycle : rien d’évident à anticiper quel sera le meilleur appel à la découverte ou à la redécouverte. Si on devine dans le bureau de Franck Lubet une version préparatoire composée d’un photogramme de Dies irae, c’est néanmoins une image du Magicien d’Oz qui remporte les suffrages (Ill. 1). Fidèle à la représentation dominante du personnage, la méchante sorcière de Fleming [19] est laide. Elle arbore une robe noire, sa peau est verte [20] et quelques cheveux filasses émergent de son chapeau pointu. L’image la présente s’avançant comme une ombre malfaisante vers la juvénile Dorothy vêtue de sa robe en vichy bleu. Échec commercial à sa sortie, ce classique apparaît à lui seul comme une vengeance du « revoir ». Considéré aujourd’hui comme un référent majeur, il offre à la culture populaire sa première figure de « bonne sorcière ». C’est, cependant, sa fameuse consœur malveillante qui de ses ongles crochus invite les spectateurs à la Cinémathèque et garantit le frisson.
27En parallèle au choix de l’affiche, les programmateurs organisent la grille de diffusion en tenant compte de la durée de chaque film, de la disponibilité des copies et du « potentiel d’attractivité » des œuvres. « La grille se bâtit sur des contraintes », indique Franck Lubet. Il s’agit d’un fragile équilibre :
Souvent, le week-end, nous mettons des grands classiques […] qui sont largement connus et qui produisent un appel. Les films plus confidentiels, en général, ils sont le mardi et durant le reste de la semaine ; ils passent plutôt à 19h qu’à 21h parce que nous savons que ce sont des films qui vont plus intéresser nos cinéphiles habitués.
29La composition de la grille sollicite une attention aux différents modes de voir et de revoir. Après ces explications, rien d’étonnant à ce que Blanche-Neige soit programmé un dimanche après-midi et – exception dans le cycle – diffusé en version française tandis que Belladonna, « fresque érotico-psychédélique » en animation de Eiichi Yamamoto (1973), soit programmé en semaine. La grille s’organise selon des règles empiriques. Si elle est une façon d’aiguiller le spectateur, de prévoir son désir de revoir, Franck Lubet et Frédéric Thibaut se chargent aussi de présenter les films en un bouquet d’une centaine de mots consignés dans le programme. Ces textes revisitent les singularités d’une œuvre, ils orientent le spectateur indécis, piquent sa curiosité ou ravivent la mémoire d’un cinéphile. Les descriptions d’atmosphères et de trames narratives ou les évocations de la patte d’un cinéaste, de la puissance de fascination d’interprètes constituent autant de stimuli au « revoir ». Certaines présentations soulignent explicitement l’enthousiasme d’un mouvement désirant.
Ill. 1. Affiche de la programmation « Sorcières ! »
Ill. 1. Affiche de la programmation « Sorcières ! »
30En préambule à ces textes, des informations sont consignées sur les copies – leurs provenance et support. Comme il introduit les cycles et les films, le programmateur est parfois amené à présenter les copies, notamment lorsqu’il s’agit d’un support altéré ou qu’il existe diverses versions. Cette démarche est d’autant plus importante que, comme le suggère Frédéric Thibaut :
L’œil du spectateur change. Moi cela m’était égal s’il y avait des rayures, des sautes etc., mais aujourd’hui ça peut être un souci et l’on peut avoir un refus. Notre regard évolue tout le temps. Nous nous habituons à des standards de qualité d’image que le numérique a propulsés très haut.
32La prise en compte de l’évolution du mode perceptif du spectateur contemporain constitue ainsi une nécessité pour les structures diffusant des films de patrimoine. Le vieillissement du support tend, en effet, à contrarier la réception du film [21]. Les transformations de notre regard soulèvent alors divers questionnements relatifs à la restauration des œuvres : doit-on gommer toutes les traces du passage du temps ou conserver certaines aspérités qui nous informent sur une distance temporelle [22] ? Au gré des diffusions, on ne revoit jamais le même film. Dans l’écosystème de cinémathèque, il est fondamental de proposer un accompagnement à l’expérience de reprise des œuvres du passé. Il se décline sous la forme d’expositions, de débats, de rencontres ou de projections d’archives audiovisuelles en relation avec le cycle.
33Grâce au partenariat avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA), certaines projections bénéficient ainsi d’avant-programmes issus de ses riches fonds d’archives. Ces extraits sont sélectionnés en résonance avec le film programmé et permettent ainsi d’intéresser le spectateur par un biais original. Il arrive également que l’équipe responsable du fond iconographique accompagne le travail de la programmation par l’élaboration d’une exposition avec des affiches et des photos. Comme le précise Claudia Pellegrini, il ne s’agit pas de proposer « des illustrations de la programmation » mais d’articuler par les images fixes un nouveau parcours réflexif. « Miroir, mon beau miroir… Laideur et beauté de la sorcière au cinéma » : l’intitulé de l’exposition associée au cycle suggère ainsi un questionnement autour de la bipolarité esthétique d’une image féminine stéréotypée. Ce discours strictement iconographique incite notamment à appréhender l’imaginaire dominant façonné par les sorcières Disney qui, reprenant la tradition du conte, propose des personnages féminins négatifs nécessairement laids [23]. La laideur ontologique de la méchante sorcière doit se révéler tôt ou tard dans sa physionomie comme c’est le cas avec l’iconique reine/sorcière de Blanche-Neige. Celle-ci présente « les deux visages de la peur [24] », passant de la beauté envoûtante à la laideur repoussante. Lors de notre entretien, Claudia Pellegrini a ainsi souligné la puissance de l’enjeu esthétique s’agissant des figures féminines :
La narration entière repose sur des questions esthétiques. C’est soit la belle sorcière, soit la sorcière laide. Une sorcière entre les deux, ça n’existe pas. On souligne son côté repoussant et horripilant ou son côté envoûtant. La dimension esthétique chez la sorcière est fondamentale, chez un sorcier, non. Si on pense à Merlin, il ne relève pas de la même logique. Les hommes sorciers ne sont pas représentés de la même façon. Il n’y a pas l’Adonis et le vieillard repoussant, les personnages peuvent être beaux ou laids sans que la narration joue là-dessus.
35En tant que femme, la sorcière est associée au corps, une plastique qui trahit ou traduit sa valeur morale. En présentant les images de grandes stars hollywoodiennes interprétant des sorcières, l’exposition dessine une autre piste analytique. La sorcière ne peut pas être une femme ordinaire et même lorsqu’on la transforme en gentille fée du logis [25], celle-ci est interprétée par Nicole Kidman. L’idée même de la banalité se heurte au star-system et à ses exigences esthétiques.
36À ces considérations sur et par l’image s’associent les temps de débat et de rencontre qui participent aussi d’un accompagnement du « revoir ». Ils procurent l’occasion de contextualiser les œuvres, de les réinscrire dans leur période de création. Ainsi, pour un film charnière tel que Ma femme est une sorcière (René Clair, 1942) [26], le débat peut éclairer la portée du film au-delà de son dénouement conservateur qui répond au code du happy end. Reprenant les théories de Douglas Sirk sur le happy end hollywoodien, Franck Lubet explique en effet que ce final permet aux spectateurs, comme dans la tragédie grecque, de revenir à la vie normale après les émotions et la catharsis produites par le récit. Cependant, si la fin répond au code, ce qui le précède constitue l’essentiel de la substance du film. D’ailleurs, revenir sur notre souvenir du film de René Clair fait question :
Sans avoir la mémoire fraîche, tu ne te souviens pas que [la sorcière] entre dans le rang au final […] mais plutôt que c’est une femme libérée. […] C’est intéressant vis-à-vis de la mémoire. Qu’est-ce que tu vas retenir du film : le personnage fort ou la fin réactionnaire ?
38L’exercice de contextualisation permet de re-saisir la portée d’une œuvre en son temps. Il ouvre ainsi à la lecture métaphorique que suggèrent certaines productions. En effet, « Les sorcières de Salem et le maccarthysme, The Witch et la paranoïa obscurantiste qui gagne le monde depuis les années 2000, Jusqu’en enfer et la crise financière de 2008, I Am Not a Witch et la manipulation politique » sont désignés dans le texte d’introduction du cycle comme autant de représentations d’une société en crise. Appréhender ces tensions socio-esthétiques contribue pleinement au désir de « revoir » et induit une attention aux images de demain. Cet accompagnement du « revoir » est un moyen de se prémunir contre une forme de « révisionnisme » cinématographique consistant à évaluer l’œuvre d’hier à l’aune des cadres socio-esthétiques d’aujourd’hui.
39Penser un cycle et les multiples événements qu’il polarise nécessite du temps. Certaines programmations ont « besoin d’une période de maturation », commente Julie Dragon. Cette « maturation » est en partie conditionnée par des dynamiques d’entraînement sous-jacentes. « C’est cyclique. Au niveau de la programmation, il y a des réalisateurs qui disparaissent, […] tombent en désuétude et qui reviennent quelques années plus tard », constate Frédéric Thibaut. Cependant, l’équipe de la Cinémathèque de Toulouse manifeste une réelle méfiance à l’égard de ces effets de mode. Ils refusent aussi de proposer des rétrospectives en hommage à un cinéaste suite à son décès. Attirer ainsi l’attention du public va à l’encontre de leur conception du métier. Les termes de « rétrospective » et de « respect » prennent d’ailleurs leur source dans la même étymologie. Par son invitation au « revoir », le programmateur fait un geste politique. Dès la première phrase de son ouvrage consacré aux archives du film, Raymond Borde note que « les cinémathèques s’emploient à conserver ce que l’industrie du film s’emploie à détruire [27] ». Il souligne ainsi que les structures de conservation et de re-vision prennent à rebrousse-poil la logique de la société de consommation. Sauver les supports de la décrépitude et visionner de « vieux » films n’apparaît pas, dans la logique capitaliste, comme une activité profitable. Dans une société pressée, le « revoir » peut ainsi être assimilé à une perte de temps. Même dans une logique d’accumulation du « capital culturel » bourdieusien, la re-vision déborde, amène ailleurs et induit un autre rapport aux durées.
40À ce titre, le « revoir » est subversif. Il invite à prendre le temps de l’écart vis-à-vis du flux de l’actualité. Le programmateur qui porte à la redécouverte sollicite l’attention aux nuances, car revoir c’est aussi dissocier. Quand les titres et les scènes des westerns de l’enfance tendent à s’amalgamer, la re-vision est l’occasion de distinguer, d’amener du dialogue sur le genre en lieu et place d’un magma confus de stéréotypes. L’expérience de re-vision alimente un désir de savoir, de percevoir des singularités, de comprendre un mode d’expression associé à un contexte socio-historique donné. Les films du passé informent le mouvement des sociétés et constituent ainsi des sources inépuisables de connaissances.
Le cinéma est, par excellence, l’appareil de détection et de représentation du mouvement, c’est-à-dire de la variance de toutes les relations dans l’espace et le temps, de la relativité de toute mesure, de l’instabilité de tous les repères, de la fluidité de l’univers [28].
42Jean Epstein désigne ici la capacité de la caméra à capter les changements de rapports (durées, espaces, mœurs…). Rien d’étonnant à ce que nous accusions alors les films de « vieillir ». Miroirs de notre avancée en âge, ils agissent sur nous comme des révélateurs. C’est néanmoins ce recul temporel qui favorise une lecture analytique des relations dialectiques qui se tissent entre l’œuvre et son époque. Ce jeu de reflets est opératoire, qu’il s’agisse d’un film d’art et essai, d’une production mainstream ou d’un film de propagande.
43Frédéric Thibaut a d’ailleurs débuté à la Cinémathèque de Toulouse avec une programmation dédiée « au cinéma de genre et tout ce qui était un peu à côté, tous les objets un petit peu bizarres », comme des films expérimentaux et de propagande. Cette ouverture à des cinématographies alternatives donne matière à réflexions. Évoquant les mondo movies [29], le programmateur explique que « ces films sont des objets du passé qui permettent de comprendre ce que nous voyons aujourd’hui à la télévision. Comment il est possible de prendre une image et de la manipuler très simplement ». En reprenant à leur compte les codes du documentaire – commentaires explicatifs, esthétique de prises de vues – ces mondo movies tendent à berner les spectateurs non avertis. Volontiers sensationnalistes et racoleuses, aux images exotiques, érotiques et violentes, ces productions portent la marque d’idéologies racistes et sexistes. Le programmateur précise que lors des diffusions de tels films « extrêmement douteux dans [leurs] intentions » et « problématiques idéologiquement », les séances sont toujours présentées. Prête à accompagner les spectateurs dans les zones turbulentes de l’histoire du cinéma, l’équipe de programmation refuse les « barrières, en termes de message ». Le cinéphile doit être prêt au scandale car comme l’exprimait Pier Paolo Pasolini dans sa dernière interview, « scandaliser est un droit, être scandalisé c’est un plaisir, et celui qui refuse le plaisir d’être scandalisé est un moraliste [30] ». Du latin scandalum qui signifie « ce sur quoi on trébuche », au sens propre comme au figuré, le scandale est l’épreuve sensible proposée par le cinéaste : un réveil soudain, parfois douloureux, à d’autres voies de compréhension du monde.
44Au début des années 1980, Freddy Buache définissait une cinémathèque comme « une salle de répertoire consacrée aux œuvres de jadis où les passionnés peuvent les voir, les revoir, puis les disséquer avec un enthousiasme qui leur donne le sentiment de renaître dans une autre culture, sans rapport avec celle de l’officialité, de l’université, de la bourgeoisie [31] ». Cette définition de l’écosystème de cinémathèque place le voir et le « revoir » au cœur d’une dynamique réflexive collective, d’une attention à l’altérité. Voyage spatio-temporel, la re-vision bouleverse nos assurances mémorielles, elle suscite des questions, ouvre des pistes analytiques et invite à de nouvelles aventures de la pensée. En marge du flux inexorable des nouveautés et du règne de l’actualité, les programmateurs ouvrent des brèches vers les films du passé pour interroger comment ils « réfléchissent » avec notre présent.
45En ce qu’il invite à l’écart, le « revoir » est politique. Figure de la marge, la sorcière apparaît comme un guide de désorientation tout à fait opportun. Le choix des programmateurs, qui consiste à nous inviter à suivre ses métamorphoses dans le champ cinématographique, répond à un désir actuel. Mais si la sorcière est incontestablement « dans l’air du temps », cette conjonction de mouvements désirants peut être l’occasion d’une réflexion de fond. La sorcière décrite par Michelet compte parmi ses fonctions essentielles celle de faire revenir les morts. Intermédiaire, elle permet aux vivants d’échanger quelques paroles encore avec l’âme des trépassés. Ouvrir au dialogue avec un au-delà, ses voix et ses reflets, participe également du geste singulier des programmateurs. Refusant de laisser s’étioler les images d’hier, l’équipe de programmation rappelle ces ombres dansantes. Réanimés, les mondes des personnages de Carl Theodor Dreyer, de René Clair ou de Nietzchka Keene rencontrent notre quotidien, l’effleurent, l’éclairent et potentiellement le bouleversent.
46Qu’il s’agisse de connaissance botanique ou d’histoire du cinéma, le « revoir » est indissociable du plaisir des distinctions fines. Selon Jeanne Favret-Saada, la dimension subversive toujours ardente du propos de Michelet réside dans sa désignation du désir comme origine commune du savoir et de la croyance. On retrouve d’ailleurs cette association d’idées dans les propos de Frank Lubet quand il définit son activité de programmateur :
Nous sommes là pour nous interroger, interroger le cinéma, et nous interroger avec les spectateurs sur ce que nous regardons, ce que nous aimons. […] Essayer de mettre des mots. Essayer de comprendre des écritures. La chose qui prime vraiment c’est que nous croyons à ce que nous montrons. Si nous programmons un film, c’est que nous y croyons.
48Du désir naît un savoir intrinsèquement lié à une forme de croyance. Diabolisé car tâtonnant et trébuchant sur les voies des sans-maîtres, ce rapport à la connaissance permet néanmoins de tisser le fil d’une saison du « revoir ».
Mots-clés éditeurs : revoir, film, Cinémathèque de Toulouse, sorcière, programmation, métier
Date de mise en ligne : 18/06/2021
https://doi.org/10.3917/sr.051.0061Notes
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[1]
« La Cinémathèque. L’association », en ligne : https://www.lacinemathequedetoulouse.com/la-cinematheque/association (consulté le 5 juillet 2020).
-
[2]
Ibid.
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[3]
Entretien avec Franck Lubet, 10 juin 2020, à la Cinémathèque de Toulouse. Sauf mention contraire, les propos cités en sont extraits.
-
[4]
Entretien avec Julie Dragon, 3 juillet 2020, à la Cinémathèque de Toulouse. Sauf mention contraire, les propos cités en sont extraits.
-
[5]
Entretien avec Frédéric Thibaut, 9 juin 2020, à la Cinémathèque de Toulouse. Sauf mention contraire, les propos cités en sont extraits.
-
[6]
Documentaliste au Centre de Balma, Claudia Pellegrini participe à l'élaboration des expositions qui peuvent accompagner la programmation. Entretien avec Claudia Pellegrini, 1er juillet 2020, à la Cinémathèque de Toulouse. Sauf mention contraire, les propos cités en sont extraits.
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[7]
La diffusion a été annulée et reportée au mois de mars 2021 en raison du contexte sanitaire.
-
[8]
Jules Michelet, La sorcière, Paris, Gallimard, « Folio classique », 2016 [1862].
-
[9]
Jeanne Favret-Saada, « Sorcières et Lumières », dans Jeanne Favret-Saada et Josée Contreras, Corps pour corps : enquête sur la sorcellerie dans le Bocage, Paris, Gallimard, « Témoins », 1981, p. 335-363.
-
[10]
Jeanne Favret-Saada, « Sorcières et Lumières », art. cité.
-
[11]
Mona Chollet, Sorcières, Paris, Zones, 2018.
-
[12]
Silvia Federici, Julien Guazzini, Caliban et la sorcière : femmes, corps et accumulation primitive, Genève/Paris/Marseille, Entremonde/Senonevero, 2014.
-
[13]
Claudine Sagaert, Histoire de la laideur féminine, Paris, Imago, 2015.
-
[14]
« Lire, pour plus de précisions, Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet et Les sorcières, une histoire de femmes de Céline du Chéné, en commençant par La sorcière de Jules Michelet ». Franck Lubet, « Sorcières !, présentation du cycle », en ligne : https://www.lacinemathequedetoulouse.com/programmation/cycles/2175 (consulté le 27 mai 2020). Celine du Chéné, Les sorcières : une histoire de femmes, Paris, France Culture/Michel Lafon, 2019.
-
[15]
Franck Lubet, « Sorcières !, présentation du cycle », art. cité.
-
[16]
Laura Mulvey, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Screen, vol. 16, no 3, 1975, p. 6-18. DOI : 10.1093/screen/16.3.6.
-
[17]
Il était notamment primordial pour le responsable de programmation que le regard des femmes cinéastes, minoritaire à l'échelle de l'histoire du cinéma, trouve sa place dans le cycle.
-
[18]
Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Félix Alcan, 1925.
-
[19]
Autour de la distribution de ce personnage naît un débat entre partisans d'une méchante sorcière belle et ceux qui refusent cette éventualité. Voir Jack Haley Jr., The Wonderful Wizard of Oz. The Making of a Movie Classic, 1990.
-
[20]
Le vert des sorcières relève d'une symbolique négative. Les traités de démonologie du xvie siècle indiquent notamment qu’elles ont les yeux verts et les dents vertes, de même le noir participe de leur accoutrement car il est la couleur obligatoire pour participer aux réunions démoniaques. Voir Michel Pastoureau, Vert : histoire d'une couleur, Paris, Seuil, « Points », 2017.
-
[21]
La tolérance du spectateur vis-à-vis des altérations du support varie, il se montre plus indulgent avec le noir et blanc qu'il associe au temps ancien.
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[22]
Les questions relatives au travail de restauration méritent un article à elles seules. « Sur une copie on peut enlever toutes les rayures, toutes les poussières. Après, la question à se poser c'est : quel est l'intérêt ? Est-ce qu'on doit voir aujourd'hui un film réalisé en 1920 comme s'il s'agissait d'un objet neuf ? », note Frédéric Thibaut.
-
[23]
Claudine Sagaert, Histoire de la laideur féminine, op. cit.
-
[24]
Claudia Pellegrini, texte de présentation. En ligne : https://www.lacinemathequedetoulouse.com/expositions/2183 (consulté le 20 mai 2020).
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[25]
Dans l'adaptation de la série Ma sorcière bien aimée réalisée par Nora Ephron (2005).
-
[26]
Ce film offre l'une des premières occurrences de la transformation de la sorcière en obéissante femme au foyer. Cette domestication de la figure de la sorcière par Hollywood est analysée par Pacôme Thiellement comme « une tentative de récupérer son pouvoir subversif au sein de la consommation ou du capitalisme ». Émission Les sorcières, diffusée sur le site Hors-série.net, 20 février 2015. En ligne : https://www.hors-serie.net/En-acces-libre/2015-02-20/Les-Sorcieres-id64 (consulté le 1er mai 2020).
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[27]
Raymond Borde, Les cinémathèques, Paris, Éditions de l'Age d'Homme, 1983, p. 15.
-
[28]
Jean Epstein, Écrits sur le cinéma, t. 2, Paris, Seghers, 1974, p. 18.
-
[29]
Sébastien Gayraud, Maxime Lachaud, Reflets dans un œil mort : mondo movies et films de cannibales, Paris, Bazaar & Co, 2010.
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[30]
Pier Paolo Pasolini, entretien à l'occasion de la sortie de son film Salò o le 120 giornate di Sodoma, 31 octobre 1975. En ligne : https://www.youtube.com/watch?v=w9Ef1y_OY-U (consulté le 21 mars 2018).
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[31]
Freddy Buache, « Préface », dans Raymond Borde, Les cinémathèques, op. cit., p. 7.