Notes
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[1]
Seydou Madani Sy, Le capitaine Mamadou Racine Sy, 1838-1902 : une figure sénégalaise au temps des tirailleurs, Paris, Karthala, 2014.
-
[2]
Archives du Service historique de l’armée de terre (SHAT), à Vincennes ; établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPad) à Ivry-sur-Seine.
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[3]
Charles John Balesi, From Adversaries to comrades-in-arms. West Africans and the French Military, 1885-1918, Atlanta, Crossroads Press, 1979 ; Myron J. Echenberg, Colonial Conscripts. The Tirailleurs Sénégalais in West Africa, 1857-1960, Londres, James Currey, 1991 ; Marc Michel, L’appel à l’Afrique, Paris, Publications de la Sorbonne, 1982.
-
[4]
Stéphane Michaud, Jean-Yves Mollier, Nicole Savy (dir.), Usages de l’image au xix e siècle, colloque organisé du 24 au 26 octobre 1990 au musée d’Orsay, Paris, Éditions Créaphis, 1992.
-
[5]
Quentin Deluermoz, Emmanuel Fureix, Manuel Charpy, Christian Joschke, Ségolène Le Men, Neil McWilliam, Vanessa Schwartz, « Le xixe siècle au prisme des visual studies », Revue d’histoire du xix e siècle, no 49, 2014, p. 139-175. DOI : 10.4000/rh19.4754 .
-
[6]
Cet article est tiré d’une communication prononcée le 15 décembre 2016 dans le cadre du colloque « Écrire le xixe siècle par l’image », organisé par le Centre d’histoire du xixe siècle, à la bibliothèque Marmottan.
-
[7]
Susan Sontag, On Photography, New York, Farrar, Straus and Giroux, 1977.
-
[8]
Elizabeth Edwards, « Tracing Photography », dans M. Banks, J. Ruby (dir.), Made to be seen. Perspectives on the History of Visual Anthropology, Chicago, University of Chicago Press, 2011, p. 173-174 : « For, while they adressed the broader ideological frameworks that made certain kinds of photographic practices thinkable at any given historical moment, such critiques nonetheless slipped almost too comfortably into a series of overdetermined, reductionist, ahistorical, and reifying interpretations. »
-
[9]
Patricia Spyer en présente quelques exemples, dans « Photography’s Framings and Unframings: a Review Article », Comparative Studies in Society and History, no 43, 2001, p. 181-192. En ligne : https://www.cambridge.org/core/journals/comparative-studies-in-society-and-history/article/photographys-framings-and-unframings-a-review-article/2582FD40781B6160C112BEAA0B049669 , consulté le 2 mars 2018.
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[10]
Un exemple de cette démarche nous a été fourni par Christelle Taraud, Mauresques. Femmes orientales dans la photographie coloniale, 1860-1910, Paris, Albin Michel, 2003. Les photographies des collections Roger-Viollet y sont soigneusement légendées.
-
[11]
Igor Kopytoff, « The Cultural Biography of Things: Commoditization as Process » dans A. Appadurai (dir.), The Social Life of Things. Commodities in Cultural Perspective, Londres/New York, Cambridge University Press, 1986.
-
[12]
Cité dans Benoît de l’Estoile, « Au-delà des clichés, la vie sociale des photographies anthropologiques », Revue d’histoire des sciences humaines, no 12, 2005, p. 195. DOI : 10.3917/rhsh.012.0193 .
-
[13]
Paul Topinard, « Anthropologie, ethnologie et ethnographie », Bulletins et mémoires de la société d’anthropologie de Paris, 20 avril 1876, p. 219.
-
[14]
Carole Reynaud Paligot, La République raciale, Paris, PUF, 2006, p. 12. En ligne : https://www.cairn.info/la-republique-raciale-1860-1930--9782130549758.htm .
-
[15]
Lorraine Daston, Peter Galison, Objectivité, Paris, Les Presses du Réel, 2012, p. 154.
-
[16]
Gabriel de Mortillet, « Photographies anthropologiques », Bulletins et mémoires de la société d’anthropologie de Paris, 3 janvier 1895, p. 11.
-
[17]
Ibid.
-
[18]
Dans cette perspective, le colonel Duhousset fournit des échelles témoins appliquées aux « photographies anthropologiques ». Voir Émile Duhousset, « Échelle témoin photographies anthropologiques », Bulletins et mémoires de la société d’anthropologie de Paris, 17 janvier 1895, p. 54.
-
[19]
Elizabeth Edwards, « Tracing Photography », art. cité, p. 162.
-
[20]
E. Ann Kaplan, Looking for the Other: Feminism, Film and the Imperial Gaze, New York, Routledge, 1997.
-
[21]
Anne Maxwell, Colonial Photography and Exhibitions. Representations of the «Native» and the Making of European Identities, Leicester, Leicester University Press, 2000, p. 67 : « The Averted Gaze, a Visual Trope that Western Consumers Relished because it Symbolized Submission. »
-
[22]
Anne Maxwell, « A Lens on the Other: Photographs of Non-Western Peoples by Anthropologists and Travellers », dans A. Maxwell, Colonial Photography and Exhibitions, op .cit. Voir aussi Benoît Coutancier (dir.), Peaux-Rouges : autour de la collection anthropologique du prince Roland Bonaparte, Paris/Thonon-Les-Bains, Photothèque du musée de l’Homme/l’Albaron, 1992.
-
[23]
Roslyn Poignant, « The Making of Professional “Savages“: From P. T. Barnum (1883) to the Sunday Times (1998) » dans C. Pinney, N. Peterson (dir.), Photography’s Other Histories, Durham, Duke University Press, 2003, p. 55-84.
-
[24]
Cette photo est identifiée à tort dans les collections de l’ECPAD comme l’œuvre du capitaine Charles Borbal de Combret.
-
[25]
Luc Forlivesi, Nathalie Montel, Michel Quétin (dir.), Hippolyte Arnoux : photographe de l’union des mers. Le canal de Suez vers 1880, cat. expo. Paris, Centre historique des archives nationales (6 novembre 1996-3 février 1997), Paris, Synchro, 1996.
-
[26]
Cet officier est un ardent promoteur de l’usage de la photographie. Ferdinand de Lacombe, « De l’usage de la photographie dans l’armée », Le spectateur militaire, no 35, 1861, p. 144-151..
-
[27]
Deborah Poole, Vision, Race and Modernity: a Visual Economy of the Andean World, Princeton, Princeton University Press, 1997, cité dans P. Spyer, « Photography’s Framings and Unframings: a Review Article », art. cité, p. 182.
-
[28]
Anaïs Albert, Consommation de masse et consommation de classe. Une histoire sociale et culturelle du cycle de vie des objets dans les classes populaires parisiennes (des années 1880 aux années 1920), thèse de doctorat d’histoire dirigée par Christophe Charle et Anne-Marie Sohn, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2014, p. 181.
-
[29]
Marc Martin, Trois siècles de publicité en France, Paris, Odile Jacob, 1992, p. 116.
-
[30]
Anaïs Albert, Consommation de masse et consommation de classe…, op. cit., p. 395.
-
[31]
Marc Martin, Trois siècles de publicité en France, op. cit., p. 116.
-
[32]
Charles Mangin, La force noire, Paris, Hachette, 1910.
-
[33]
Manuel Charpy, « Pour portrait. Sur les usages sociaux des figurations de soi au xixe siècle », dans D. Dubuisson, S. Raux (dir.), À perte de vue. Les nouveaux paradigmes du visuel, Dijon, Presses du réel, 2014, p. 209.
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[34]
Anne Maxwell, « A Lens on the Other: Photographs of Non-Western Peoples by Anthropologists and Travellers », art. cité, p. 13.
-
[35]
Mireille Le Van Ho, Les Vietnamiens dans la Grande Guerre. 50 000 recrues dans les usines françaises, Paris, Vendémiaire, 2014, p. 140.
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[36]
Elizabeth Edwards, « Tracing Photography », art. cité, p. 186 : « The Anthropological Attention Given to Different Cultural Parameters of the Production and Use of Photographs has Revealed again the Onadequacy of the Dominan Western Models of Photographic Analyses, with their Stress on Semiotic Structures and their Linguistic Translation. »
1Les centaines de milliers d’hommes qui ont servi dans les troupes coloniales françaises, entre le milieu du xixe siècle et la Première Guerre mondiale, sont restés, pour la plupart, anonymes. Les archives ne les identifient que par leurs numéros de matricule, ou par des prénoms génériques, voire des surnoms. Dans l’immense majorité des documents, ils forment une masse indifférenciée, celle des « tirailleurs ». De ce point de vue, le capitaine Mamadou Racine Sy constitue une exception [1]. C’est sans doute sa carrière hors du commun (il fut le premier Noir à accéder au grade de capitaine en 1883, et le premier à recevoir la croix d’officier de la Légion d’honneur en 1888), qui explique que l’on possède plusieurs photographies de lui. Sur l’une d’entre elles, prise en 1889, il pose en uniforme, la main sur l’épaule de sa femme, un léger sourire aux lèvres. Ce portrait fait partie des centaines de clichés de tirailleurs coloniaux conservés dans les archives de l’armée [2], de la Société de géographie, ou encore du Musée de l’homme. Malgré l’abondance de ces fonds iconographiques, les travaux de référence concernant ces soldats se sont appuyés uniquement sur des sources textuelles [3], reléguant généralement les images au rang de simples illustrations. Il s’agit là d’un biais commun à de nombreux travaux historiques concernant le xixe siècle. C’est d’autant plus paradoxal que le xixe siècle occidental apparaît bien comme le « siècle de l’image [4] », tant en raison de l’importance quantitative de leur production et de leur reproduction, favorisée par de nombreuses innovations techniques, que par l’échelle inédite de leur diffusion. Les travaux inspirés des visual studies [5] anglo-saxonnes tentent, depuis une trentaine d’années, de déplacer la perspective et d’écrire l’histoire du xixe siècle par l’image et non plus par le texte. Dans la lignée de ces travaux, on se demandera quelle histoire des tirailleurs coloniaux émerge, si l’on s’appuie sur un corpus constitué uniquement d’images [6]. On prêtera une attention particulière aux problèmes méthodologiques soulevés par une telle approche, avant de s’intéresser aux mutations à l’œuvre dans la manière de représenter les tirailleurs coloniaux par l’image, entre 1870 et 1918.
L’histoire des tirailleurs coloniaux par l’image : mirages et points aveugles
2Le nombre très important de photographies de tirailleurs conservées dans les archives peut s’expliquer par la place qu’occupaient ces hommes au sein des sociétés coloniales. Recrutés par l’armée française dans toutes les colonies, dès les débuts de la conquête (avant même la création officielle de la première unité de tirailleurs sénégalais par le général Faidherbe au Sénégal, en 1857), ceux qu’on appelle de manière générique les « tirailleurs » ont participé à toutes les campagnes militaires, depuis les opérations de conquête et de pacification coloniales jusqu’aux batailles de la Première Guerre mondiale. Personnel indispensable aux expéditions coloniales, les tirailleurs partagent avec les Blancs le quotidien de la colonne ou du poste militaire. Cette proximité explique qu’ils figurent en grand nombre sur les photographies prises par les officiers européens, au même titre que d’autres intermédiaires, qu’il s’agisse des traducteurs, des guides, ou des domestiques. L’abondance des photographies de tirailleurs permet de constituer un corpus numériquement représentatif. Néanmoins, leur analyse soulève certains problèmes d’interprétation, qu’il convient d’identifier afin de s’en prémunir.
3L’analyse d’un corpus d’environ deux cents photographies de tirailleurs fait apparaître plusieurs points aveugles. Tout d’abord, ces photographies ont toutes été prises par des Européens, ce qui limite leur utilisation pour aborder l’expérience et les représentations des tirailleurs indigènes, qui sont toujours réduits ici au rang de sujets photographiés. En ce sens, le recours aux sources iconographiques ne représente pas une rupture épistémologique majeure par rapport aux sources textuelles qui, elles aussi, émanent généralement d’Européens. De plus, ces photographies sont généralement mises en scène, surtout avant les années 1880, durant lesquelles sont mis au point de nouveaux procédés qui rendent la prise de photographies plus discrète et plus rapide. L’étude de cette mise en scène constitue néanmoins une manière d’aborder les représentations européennes des tirailleurs. Enfin, ces photographies présentent généralement des individus anonymes. La légende précise souvent leur origine géographique (de manière très vague), parfois leur âge, ou leur « race », voire l’unité à laquelle ils appartiennent, mais très rarement leur nom. Il est donc extrêmement difficile de restituer des parcours individuels de tirailleurs en s’appuyant sur ce type de sources.
4Le principal danger méthodologique soulevé par ce corpus consiste donc en l’application d’une grille d’analyse entièrement orientée par un récit postcolonial, dont on ne conteste pas, par ailleurs, la validité. Dans la lignée des réflexions de Susan Sontag, qui inscrivait la photographie dans un rapport de pouvoir dissymétrique (photographier consistant à s’approprier la chose photographiée [7]), certains historiens du fait colonial ont réduit les photographies à une manifestation des rapports de domination entre colonisateur photographe et colonisé photographié. Or, s’il est tentant d’analyser certaines photographies comme un simple reflet de ces rapports de domination, il s’agit là d’un point de vue anachronique et réducteur. L’historienne Elizabeth Edwards souligne les dangers de ce type d’interprétations, qu’elle qualifie de « surdéterminées, réductrices, anhistoriques, et réifiantes [8] ». Certains travaux issus des visual studies tentent, au contraire, de proposer une lecture plus contextualisée et plus précise des photographies de la période coloniale [9].
5Ces travaux récents permettent d’établir une série de garde-fous méthodologiques. Le premier consiste à réunir un échantillon abondant d’images, provenant de dépôts d’archives variés. Une telle précaution aboutit à ne pas retenir uniquement un petit nombre d’images s’insérant parfaitement dans une analyse des rapports de domination, et à ménager une place aux images qui bouleversent cette grille d’analyse (en effet, certaines photographies de tirailleurs s’écartent sensiblement de la photographie de type anthropologique et réifiante, dont l’analyse est généralement privilégiée par les études postcoloniales). La deuxième précaution consiste à décrire le plus précisément possible ces images [10]. Enfin, il importe de ne pas considérer les photographies uniquement sous l’angle de leur contenu sémiotique, mais également comme des objets. L’historien doit ainsi étudier la « biographie sociale [11] » de ces clichés, qui englobe les processus de production, d’échange et de consommation des photographies, et qui est, selon Elizabeth Edwards, la seule manière « d’utiliser la photographie comme document historique – et pas seulement, comme c’est le plus souvent le cas, comme une simple illustration [12] ».
Type ou portrait ?
6Les tirailleurs indigènes, au même titre que l’ensemble des populations de l’Empire colonial français, ont été le support d’un regard européen de type « ethnographique ». Selon la définition qu’en donne l’anthropologue français Paul Topinard en 1876, l’ethnographie « comprend indistinctement tous les renseignements relatifs à un peuple : caractères physiques, langues, histoire, costumes, etc. [13] ». Elle se construit en lien, et parfois en concurrence, avec l’anthropologie, science qui vise à dégager des lois et des caractéristiques propres à l’espèce humaine tout entière et qui s’institutionnalise dès les années 1850 sous la houlette de Paul Broca, fondateur de la Société d’anthropologie de Paris en 1859. Les deux disciplines ont en commun leur intérêt pour les races humaines, entendues comme des « groupes humains possédant des caractères communs transmis par l’hérédité [14] ».
7La photographie, dont le procédé apparaît en 1839, a très vite été envisagée comme un outil scientifique au service de l’anthropologie. Le premier avantage qu’elle offrait était d’ordre pratique : elle était conçue comme un « substitut au dessin et à la gravure [15] », épargnant ainsi du travail aux artistes. Mais elle était surtout envisagée comme un moyen « objectif » de capturer le réel (par opposition au dessin, qui pouvait être faussé par les conventions esthétiques européennes, par exemple). Les savants de cabinet, qui ne voyagent pas, y voient également un moyen de se prémunir contre l’incurie des ethnographes amateurs, qui leur fournissent la documentation nécessaire à leur travail. En 1895, la Société d’anthropologie de Paris définit le bon usage de la « photographie anthropologique » : cette dernière n’a pas pour objet des individus ; elle a pour but de saisir à travers le particulier (des photographies d’individus), le général, c’est-à-dire les « types » humains [16]. Pour cela, les photographies anthropologiques obéissent à certaines règles strictes qui visent à la plus grande objectivité possible. Ainsi, on préfère photographier les « indigènes » nus, dans la même position [17], afin de fournir un matériau propice à la comparaison et on adopte des méthodes visant à garantir une sorte d’étalon [18].
Ill. 1 – Ouali, 21 ans, tirailleur du poste de Boké, Nation Sérère, 1881
Ill. 1 – Ouali, 21 ans, tirailleur du poste de Boké, Nation Sérère, 1881
Référence : SGE SG We 13/72.8La photographie, utilisée de cette manière, complétait ou remplaçait avantageusement les interminables tableaux de mesures anthropométriques, qui exigeaient des instruments coûteux et des compétences scientifiques. Pour garantir le caractère scientifique des photographies, il fallait en effacer toute trace de subjectivité. Cet impératif était valable pour le photographe, comme pour le sujet photographié. En ce sens, même si ces photos se présentent parfois comme des portraits, ce n’en sont pas ; l’individu n’est pas photographié pour lui-même, mais comme l’incarnation d’un type humain. Ces conventions se reflètent dans les photographies de tirailleurs, qui sont très souvent photographiés de face et de profil (parfois sur la même photo), en pied ou en buste (voir Ill. 2).
Ill. 2 – Ouali, 21 ans, tirailleur du poste de Boké, Nation Sérère, 1881
Ill. 2 – Ouali, 21 ans, tirailleur du poste de Boké, Nation Sérère, 1881
Référence : SGE SG We 13/73.9Tous les éléments qui pourraient participer à individualiser le sujet photographié sont gommés : ainsi, l’indigène regarde rarement l’objectif. La revue britannique Notes and Queries on Anthropology signale, en 1912, que de nombreux clichés sont gâchés parce que le sujet regarde le photographe, ce qui met en péril l’illusion d’objectivité et de spontanéité vers laquelle tend la photographie anthropologique [19]. Elizabeth Ann Kaplan, qui a travaillé sur les représentations cinématographiques, a formulé le concept d’imperial gaze. Elle oppose deux types de représentations, en fonction du type de regard auquel ils invitent le spectateur : ainsi, certaines photos d’indigènes permettent aux Européens un regard vague et surplombant (the gaze) tandis que d’autres appellent un regard plus précis, interpellent le spectateur, et suscitent sa réflexion (the look) [20]. Anne Maxwell, qui reprend ce concept, évoque « le regard détourné » comme « métaphore visuelle que les consommateurs européens savouraient parce qu’elle symbolisait la soumission des indigènes [21] ».
Ill. 3 – Portrait d’un tirailleur Tonkinois, 1890-1900
Ill. 3 – Portrait d’un tirailleur Tonkinois, 1890-1900
Référence : D144-1-40.Ill. 4 – Portrait de face d’un homme : Tonkinois
Ill. 4 – Portrait de face d’un homme : Tonkinois
Prince Roland Bonaparte, 1889.10Le portrait d’un tirailleur tonkinois réalisé à la fin du xixe siècle (Ill. 3) illustre parfaitement les codes de la photographie anthropologique appliqués aux tirailleurs. Sur ce cliché, le tirailleur, dont on ne connaît pas le nom, est de trois quart, et regarde un point éloigné de l’objectif, une expression neutre sur le visage. Si de très nombreuses photographies de tirailleurs sont mises en scène de cette manière, d’autres, en revanche, brisent ces conventions. C’est le cas de certaines photographies de Roland Bonaparte (1858-1924), qui n’adhérait pas complètement au style anthropométrique de son époque. Après des études militaires, qu’il abandonna pour se consacrer à la science, Roland Bonaparte devint l’étudiant de Paul Broca. Passionné de botanique, de géologie et de géographie (il devint président de la Société de géographie en 1910), il légua à sa mort une collection extrêmement riche, qui comprenait plus de 15 000 photographies. Parmi celles-ci, on trouve de nombreux clichés représentant des individus qui participaient aux expositions coloniales organisées en Europe [22]. Bien que formé à l’école de l’anthropométrie de Broca, Roland Bonaparte s’éloignait parfois de cette méthode et s’efforçait de capturer la personnalité des sujets photographiés, qui posaient habillés (et non pas à demi nus), et de les mettre en valeur. C’est le cas d’un portrait réalisé lors de l’Exposition universelle de 1889, à Paris (Ill. 4). Il représente un soldat tonkinois, d’un grade supérieur (comme en témoignent les décorations épinglées sur sa poitrine) qui pose assis et regarde l’objectif. Une telle image encourage chez l’observateur le type de regard qu’Elizabeth Ann Kaplan désigne sous le nom de look. Mais si certaines des photos de Roland Bonaparte témoignent effectivement d’une forme de relativisme culturel, ce n’est pas le cas de l’ensemble de sa collection. En 1885, Roland Bonaparte photographie ainsi trois rescapés d’un groupe d’Aborigènes enlevés en Australie par un entrepreneur britannique et présentés lors d’une tournée européenne [23]. Billy, Jenny et le petit Toby posent à moitié nus, devant un décor peint, armés de leurs boomerangs (Ill. 5). À leurs pieds, le photographe a disposé un chien empaillé. La différence de traitement des modèles, perceptible si l’on compare les photographies 4 et 5, reflète sans doute les préjugés qu’entretenaient Bonaparte et ses contemporains quant au degré de civilisation des peuples (les Aborigènes étant considérés au xixe siècle comme le peuple le moins civilisé de la planète).
Ill. 5 – Exhibition ethnographique d’Australiens aux Folies Bergères, 1885
Ill. 5 – Exhibition ethnographique d’Australiens aux Folies Bergères, 1885
Prince Roland Bonaparte.11La manière dont les tirailleurs coloniaux sont photographiés oscille ainsi, tout au long du xixe siècle, entre la volonté de singulariser, qui s’incarne dans le genre du portrait, et celle de représenter non pas un individu, mais un type racial, qui est à l’œuvre dans la photographie anthropologique.
Du guerrier sauvage au tirailleur civilisé
12Les photographies de tirailleurs prises par les Européens au xixe siècle, au-delà de leurs différences et de leurs spécificités, racontent une histoire, écrite du point de vue européen, qui semble être celle du progrès linéaire de la civilisation. Le récit mis en scène à travers ces photos est celui du processus de civilisation des « sauvages » des colonies à travers leur incorporation à l’armée française. On passe ainsi progressivement de la figure du guerrier indigène à celle du soldat de la République. Plusieurs éléments permettent de dégager cette interprétation. On les étudiera à travers deux photographies.
Ill. 6 – Portrait de groupe de guerriers Danakil, années 1880
Ill. 6 – Portrait de groupe de guerriers Danakil, années 1880
Référence : D18-01-42.13La première est une photographie représentant des guerriers africains (Ill. 6), prise par le photographe Hippolyte Arnoux à la fin des années 1860 [24]. Le décor de jungle exotique, qui apparaît sur plusieurs autres clichés d’Arnoux, est en réalité celui de son studio de Port-Saïd, en Égypte, qu’il partage parfois avec deux photographes grecs, les frères Zangaki [25]. Si l’origine des guerriers photographiés n’est pas absolument certaine, plusieurs indices suggèrent qu’il s’agit de jeunes hommes danakil, originaires de la côte des Somalis. La composition de la photographie est soigneusement étudiée et présente une certaine symétrie. Les jeunes gens sont photographiés dans diverses postures (en pied, assis, couché sur le côté). Le décor de végétation luxuriante est en harmonie avec l’état de civilisation peu avancé prêté à ces guerriers, qui posent à demi nus, vêtus de pagnes de cotonnade traditionnels blancs ou imprimés et munis de leurs armes (sagaie, lance, coupe-coupe). Un bouclier rond en cuir, traditionnellement en usage chez les populations de la côte des Somalis, est posé à côté de leurs pieds, au premier plan, à droite. La composition ainsi que les différences de vêtements semblent suggérer que le personnage central, qui attire le regard, est d’un niveau hiérarchique supérieur. Au premier plan, un garçon qui semble plus jeune, est allongé dans une pose alanguie, sans arme. Les deux personnages de gauche ne regardent pas l’objectif, mais fixent un point hors-cadre ; les deux autres personnages regardent un point situé très légèrement à droite de l’objectif. Cette photographie n’est pas sans rappeler celle des trois Aborigènes prise par Roland Bonaparte en 1885, qui présentait le même type de décor, de poses, et d’accessoires. Elle est représentative des clichés ethnographiques qui visent à immortaliser une société dont la disparition est perçue comme imminente, du fait de l’arrivée des Français, et des progrès inexorables vers la civilisation. L’existence même d’un tel document en est un témoignage : prise avant l’invention du procédé au gélatino-bromure d’argent qui permettait une certaine vitesse d’exécution, cette photographie a sans doute nécessité un temps de pose important, ce qui n’est possible que parce que ces « sauvages guerriers » ont en réalité été soumis à l’autorité française dans les années précédentes. En effet, la France a pris pied dans la région du golfe d’Aden dès les années 1860, et la souveraineté française y sera instaurée officiellement dans les années 1880. Cette photo est donc également, et peut-être avant tout, une mise en scène de la puissance militaire française.
14On peut la comparer avec une photo prise à Madagascar quelques années plus tard par un administrateur colonial, Joseph Prud’Homme.
Ill. 7 – Militaire français et tirailleurs malgaches, 1895-1900
Ill. 7 – Militaire français et tirailleurs malgaches, 1895-1900
Joseph-Marie-Ernest Prud’Homme.15Sur cette photographie (Ill. 7) figure un petit groupe de tirailleurs malgaches, accompagnés d’un officier blanc. Le premier régiment de tirailleurs malgaches a été créé en 1896, immédiatement après la conquête de l’île, et dans le contexte de la pacification de Madagascar. Cette photographie se distingue de la précédente par la composition : les six tirailleurs sont parfaitement alignés, sur deux rangées, et adoptent tous la même posture (contrairement aux guerriers danakil). Ils se tiennent très droit, les mains le long du corps (on aperçoit même leurs doigts tendus). Leur uniforme diffère de celui de l’officier blanc : ce dernier porte des bottes, alors que les tirailleurs sont pieds nus, un casque colonial en liège pour se protéger du soleil (les tirailleurs, eux, portent la chéchia) ; il est vêtu d’un uniforme sombre, alors que celui des Malgaches est en toile kaki. Les tirailleurs tiennent leur fusil à baïonnette de la même manière et regardent tous dans la même direction, vers l’objectif, l’air sérieux. Il ne s’agit pas ici de sauvegarder une culture en voie d’extinction, mais de rendre compte de l’efficacité de l’action civilisatrice française. La subordination des tirailleurs à leur officier blanc est manifestée par les différences de vêtement, d’armement, et de posture : l’officier a la main sur la hanche et s’appuie sur son sabre, dans une position plus relâchée que celle de ses hommes qui se tiennent au garde-à-vous.
16L’impression qui se dégage de ce cliché est celle d’une grande uniformité, par opposition à la photographie de scène ethnographique prise par Hippolyte Arnoux (Ill. 6), qui présente les Danakils dans leur environnement naturel, vêtus et armés de manière traditionnelle, et donne à voir des idiosyncrasies. Ainsi, les quatre guerriers ne sont-ils pas coiffés, habillés ou armés de la même manière ; ils n’ont pas tous la même posture, et ils ne regardent pas dans la même direction. D’une certaine manière, les photographies de tirailleurs gomment les particularités que la photographie de scène ethnographique avait précisément pour fonction de souligner, car elles étaient appelées à disparaître. En revanche, guerriers comme tirailleurs sont anonymes, puisque les légendes n’indiquent pas leurs noms.
L’émergence d’un nouveau type : le « type tirailleur »
17Le type du guerrier indigène a été progressivement remplacé par ce qu’on pourrait appeler le « type tirailleur ». Au cours du xixe siècle, l’appellation « tirailleur » en vient à désigner, de manière générique, tous les soldats recrutés dans l’Empire colonial français ; tandis que celle de « tirailleur sénégalais » désigne tous les soldats originaires d’Afrique (et non pas seulement ceux qui viennent du Sénégal). On trouve ainsi de nombreuses images qui visent à représenter le type du tirailleur sénégalais.
Ill. 8 – Tirailleurs en tenue de campagne, 1900-1909. F. Lacombe
Ill. 8 – Tirailleurs en tenue de campagne, 1900-1909. F. Lacombe
Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, Dist. RMN – Grand Palais.18 L’examen des photographies de tirailleurs révèle que les conventions qui étaient utilisées pour photographier les indigènes de la période précoloniale n’ont pas été abandonnées brutalement. Il en subsiste certaines traces dans la photographie du début du xxe siècle. Ainsi, la photographie prise par Ferdinand de Lacombe [26] entre 1900 et 1909 et représentant des tirailleurs tonkinois en tenue de campagne (Ill. 9) obéit-elle aux anciennes conventions anthropologiques, en présentant les deux soldats de face et de dos. Cependant, le photographe ne semble pas ici chercher à mesurer les corps ou à présenter des caractéristiques ethnographiques, mais plutôt à mettre en valeur l’uniforme et l’équipement militaire du soldat indigène, comme si celui-ci était devenu un type ethnographique nouveau, produit de la rencontre entre la société indigène et la civilisation française.
Ill. 9 – FI 148 troupes coloniales : « le drapeau du 1er Tirailleur Sénégalais décoré de la Légion d’honneur » – recto
Ill. 9 – FI 148 troupes coloniales : « le drapeau du 1er Tirailleur Sénégalais décoré de la Légion d’honneur » – recto
Service historique de la Défense, CHA, Vincennes.Ill. 9 – FI 148 troupes coloniales : « le drapeau du 1er Tirailleur Sénégalais décoré de la Légion d’honneur » – verso
Ill. 9 – FI 148 troupes coloniales : « le drapeau du 1er Tirailleur Sénégalais décoré de la Légion d’honneur » – verso
Service historique de la Défense, CHA, Vincennes.19Ce nouveau « type tirailleur » a été largement diffusé en métropole, notamment par le biais des cartes postales. Les archives de l’armée de terre à Vincennes abritent un fonds de plusieurs milliers de cartes postales dont beaucoup ont été imprimées à partir de photographies de tirailleurs. Elles présentent des soldats indigènes en uniforme, à l’entraînement, sur le champ de bataille (pendant la Première Guerre mondiale) et au repos. On peut supposer que la grande diffusion de ces images a contribué à populariser en métropole la figure du tirailleur colonial. On s’en sert ainsi, par exemple, pour envoyer des nouvelles à sa famille, ou comme carte de vœux.
Ill. 10 – FI 148 troupes coloniales : « Uniformes de l’armée française (1789-1906) » de la marque Ricqlès – recto
Ill. 10 – FI 148 troupes coloniales : « Uniformes de l’armée française (1789-1906) » de la marque Ricqlès – recto
Service Historique de la Défense, CHA, Vincennes.Ill. 10 – FI 148 troupes coloniales : « Uniformes de l’armée française (1789-1906) » de la marque Ricqlès – verso
Ill. 10 – FI 148 troupes coloniales : « Uniformes de l’armée française (1789-1906) » de la marque Ricqlès – verso
Service Historique de la Défense, CHA, Vincennes.20C’est le cas pour cette carte postale qui représente le drapeau du 1er régiment de tirailleurs sénégalais décoré de la Légion d’honneur par le président Raymond Poincaré le 14 juillet 1913 (Ill. 10), au dos de laquelle une tante a griffonné quelques mots à son neveu. Étudier ces « images objets [27] » que sont les cartes postales permet d’aborder la question de leur « biographie sociale », c’est-à-dire la manière dont elles sont produites, diffusées et utilisées.
21Certaines marques industrielles ont produit des images illustrées représentant des tirailleurs coloniaux, contribuant ainsi à les populariser en métropole. Les alcools Ricqlès et les biscuits Pernot ont par exemple distribué des chromolithographies représentant des soldats coloniaux.
Ill. 11 – « Les images des biscuits Pernot » – recto
Ill. 11 – « Les images des biscuits Pernot » – recto
FI 148 troupes coloniales.Ill. 11 – « Les images des biscuits Pernot » – verso
Ill. 11 – « Les images des biscuits Pernot » – verso
FI 148 troupes coloniales.22Surnommées « chromos », ces images en couleur, dont le procédé a été mis au point en 1830, ont été utilisées massivement à partir des années 1880, notamment pour des usages publicitaires [28]. Elles étaient imprimées sous la forme de vignettes de petit format, sur un papier cartonné. D’abord produites par les grands magasins, les vignettes-chromos ont été rapidement intégrées aux stratégies commerciales des marques de chocolat (Suchard, puis Poulain). Au dos de l’image, sont imprimées des informations commerciales concernant la marque qui les distribue. Ces vignettes, destinées aux enfants, avaient vocation à être collectionnées [29]. L’efficacité de cette stratégie publicitaire au sein des classes populaires est confirmée par l’existence d’albums de collection, sans doute réalisés par des enfants, dont certains sont conservés à la bibliothèque Forney [30].
23La série « uniformes de l’armée française » produite par les alcools Ricqlès dans la première décennie du xxe siècle (Ill. 11) exploite le thème nationaliste de la revanche face à l’Allemagne [31]. Dans les années qui précèdent la Première Guerre mondiale et tout au long du conflit, les images des tirailleurs coloniaux ont sans doute rempli une fonction particulière : le stéréotype du « brave tirailleur » qui apparaît à cette période contrebalance l’angoisse très répandue quant au déclin démographique métropolitain et à la perte des qualités viriles. Le projet d’utilisation des troupes noires sur le sol européen, développé par le colonel Mangin dans La force noire [32], en 1910, visait précisément à compenser ces handicaps français, dans le cadre de la concurrence avec l’Allemagne. Dans ce contexte, les tirailleurs sont représentés de manière positive, comme des soldats disciplinés et vaillants.
Inverser la perspective
24Si les tirailleurs coloniaux ont fait l’objet de très nombreuses représentations iconographiques, force est de constater que l’essentiel de cette production émane des Européens, qu’il s’agisse des photographies ethnographiques de la période coloniale, ou des vignettes-chromos imprimées en métropole. Mais certaines images échappent à ce schéma et peuvent contribuer à écrire une histoire du point de vue des tirailleurs. Le type de représentation privilégié par les soldats était celui du portrait, très en vogue parmi la bourgeoisie française. Manuel Charpy a souligné l’importance des portraits, dont la production et la consommation « témoignent des manières dont les groupes sociaux et les individus s’emparent des images pour se construire une identité [33] ». Les tirailleurs envoyés combattre en métropole ont souvent utilisé une partie de leur salaire pour faire réaliser leur portrait en studio par un photographe, selon les codes en vigueur dans la bourgeoisie française (on pose ainsi en uniforme, dans des décors d’intérieur, en adoptant une gestuelle particulière). Ces images, qui échappaient à la mise en scène européenne, ont suscité des inquiétudes et des réticences de la part des autorités françaises. En effet, Anne Maxwell explique que « parce que ces portraits étaient réalisés à la demande des clients et que les modèles choisissaient eux-mêmes leurs vêtements, il s’agissait sans doute des premières images sur lesquelles les peuples colonisés et indigènes exerçaient un semblant de contrôle [34] ». Les portraits de tirailleurs manifestaient leur aptitude à adopter les codes de la société bourgeoise française et pouvaient même acquérir une charge subversive particulière, lorsqu’ils étaient réalisés en compagnie de femmes françaises, transgressant ainsi les interdits liés aux relations interraciales. Ainsi, l’envoi de nombreuses photographies représentant des Vietnamiens en compagnie de femmes françaises détermina-t-il les autorités à exercer un contrôle serré de la correspondance des contingents indochinois : en décembre 1918, pour ses deux années d’exercice, le contrôle postal retint 1 014 photographies de couples franco-vietnamiens [35].
Conclusion
25L’utilisation de sources iconographiques pour aborder l’histoire des tirailleurs indigènes de 1870 jusqu’à la Première Guerre mondiale n’en modifie pas radicalement la compréhension. En revanche, ces sources permettent de comprendre la manière dont ont émergé peu à peu, au cours du xixe siècle, des représentations spécifiques des tirailleurs, que les images ont contribué à figer et à fossiliser, les transformant peu à peu en stéréotypes. La variété, le nombre et l’ampleur de la diffusion de ces images permettent peut-être d’expliquer pourquoi certains stéréotypes raciaux, pourtant invalidés par l’expérience de la Première Guerre mondiale, ont pu être remobilisés vingt ans plus tard, lors de la Seconde Guerre mondiale. Les images de tirailleurs ne sont donc pas de simples illustrations de stéréotypes, mais une source capitale pour aborder leur apparition et leur perpétuation. Étudier un large corpus iconographique oblige l’historien à des déplacements contraignants mais féconds. L’anthropologue Elizabeth Edwards souligne ainsi le « caractère inadapté des modèles occidentaux d’analyse des photographies, qui se focalisent sur les structures sémiotiques et la traduction linguistique des images [36] ». Seule une approche attentive aux aspects matériels et sensibles des photographies permet d’abandonner certains réflexes engendrés par l’analyse des textes.
Mots-clés éditeurs : visual studies, photographie anthropologique, tirailleurs coloniaux, type et portrait
Date de mise en ligne : 22/05/2018
https://doi.org/10.3917/sr.045.0133Notes
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[1]
Seydou Madani Sy, Le capitaine Mamadou Racine Sy, 1838-1902 : une figure sénégalaise au temps des tirailleurs, Paris, Karthala, 2014.
-
[2]
Archives du Service historique de l’armée de terre (SHAT), à Vincennes ; établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPad) à Ivry-sur-Seine.
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[3]
Charles John Balesi, From Adversaries to comrades-in-arms. West Africans and the French Military, 1885-1918, Atlanta, Crossroads Press, 1979 ; Myron J. Echenberg, Colonial Conscripts. The Tirailleurs Sénégalais in West Africa, 1857-1960, Londres, James Currey, 1991 ; Marc Michel, L’appel à l’Afrique, Paris, Publications de la Sorbonne, 1982.
-
[4]
Stéphane Michaud, Jean-Yves Mollier, Nicole Savy (dir.), Usages de l’image au xix e siècle, colloque organisé du 24 au 26 octobre 1990 au musée d’Orsay, Paris, Éditions Créaphis, 1992.
-
[5]
Quentin Deluermoz, Emmanuel Fureix, Manuel Charpy, Christian Joschke, Ségolène Le Men, Neil McWilliam, Vanessa Schwartz, « Le xixe siècle au prisme des visual studies », Revue d’histoire du xix e siècle, no 49, 2014, p. 139-175. DOI : 10.4000/rh19.4754 .
-
[6]
Cet article est tiré d’une communication prononcée le 15 décembre 2016 dans le cadre du colloque « Écrire le xixe siècle par l’image », organisé par le Centre d’histoire du xixe siècle, à la bibliothèque Marmottan.
-
[7]
Susan Sontag, On Photography, New York, Farrar, Straus and Giroux, 1977.
-
[8]
Elizabeth Edwards, « Tracing Photography », dans M. Banks, J. Ruby (dir.), Made to be seen. Perspectives on the History of Visual Anthropology, Chicago, University of Chicago Press, 2011, p. 173-174 : « For, while they adressed the broader ideological frameworks that made certain kinds of photographic practices thinkable at any given historical moment, such critiques nonetheless slipped almost too comfortably into a series of overdetermined, reductionist, ahistorical, and reifying interpretations. »
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[9]
Patricia Spyer en présente quelques exemples, dans « Photography’s Framings and Unframings: a Review Article », Comparative Studies in Society and History, no 43, 2001, p. 181-192. En ligne : https://www.cambridge.org/core/journals/comparative-studies-in-society-and-history/article/photographys-framings-and-unframings-a-review-article/2582FD40781B6160C112BEAA0B049669 , consulté le 2 mars 2018.
-
[10]
Un exemple de cette démarche nous a été fourni par Christelle Taraud, Mauresques. Femmes orientales dans la photographie coloniale, 1860-1910, Paris, Albin Michel, 2003. Les photographies des collections Roger-Viollet y sont soigneusement légendées.
-
[11]
Igor Kopytoff, « The Cultural Biography of Things: Commoditization as Process » dans A. Appadurai (dir.), The Social Life of Things. Commodities in Cultural Perspective, Londres/New York, Cambridge University Press, 1986.
-
[12]
Cité dans Benoît de l’Estoile, « Au-delà des clichés, la vie sociale des photographies anthropologiques », Revue d’histoire des sciences humaines, no 12, 2005, p. 195. DOI : 10.3917/rhsh.012.0193 .
-
[13]
Paul Topinard, « Anthropologie, ethnologie et ethnographie », Bulletins et mémoires de la société d’anthropologie de Paris, 20 avril 1876, p. 219.
-
[14]
Carole Reynaud Paligot, La République raciale, Paris, PUF, 2006, p. 12. En ligne : https://www.cairn.info/la-republique-raciale-1860-1930--9782130549758.htm .
-
[15]
Lorraine Daston, Peter Galison, Objectivité, Paris, Les Presses du Réel, 2012, p. 154.
-
[16]
Gabriel de Mortillet, « Photographies anthropologiques », Bulletins et mémoires de la société d’anthropologie de Paris, 3 janvier 1895, p. 11.
-
[17]
Ibid.
-
[18]
Dans cette perspective, le colonel Duhousset fournit des échelles témoins appliquées aux « photographies anthropologiques ». Voir Émile Duhousset, « Échelle témoin photographies anthropologiques », Bulletins et mémoires de la société d’anthropologie de Paris, 17 janvier 1895, p. 54.
-
[19]
Elizabeth Edwards, « Tracing Photography », art. cité, p. 162.
-
[20]
E. Ann Kaplan, Looking for the Other: Feminism, Film and the Imperial Gaze, New York, Routledge, 1997.
-
[21]
Anne Maxwell, Colonial Photography and Exhibitions. Representations of the «Native» and the Making of European Identities, Leicester, Leicester University Press, 2000, p. 67 : « The Averted Gaze, a Visual Trope that Western Consumers Relished because it Symbolized Submission. »
-
[22]
Anne Maxwell, « A Lens on the Other: Photographs of Non-Western Peoples by Anthropologists and Travellers », dans A. Maxwell, Colonial Photography and Exhibitions, op .cit. Voir aussi Benoît Coutancier (dir.), Peaux-Rouges : autour de la collection anthropologique du prince Roland Bonaparte, Paris/Thonon-Les-Bains, Photothèque du musée de l’Homme/l’Albaron, 1992.
-
[23]
Roslyn Poignant, « The Making of Professional “Savages“: From P. T. Barnum (1883) to the Sunday Times (1998) » dans C. Pinney, N. Peterson (dir.), Photography’s Other Histories, Durham, Duke University Press, 2003, p. 55-84.
-
[24]
Cette photo est identifiée à tort dans les collections de l’ECPAD comme l’œuvre du capitaine Charles Borbal de Combret.
-
[25]
Luc Forlivesi, Nathalie Montel, Michel Quétin (dir.), Hippolyte Arnoux : photographe de l’union des mers. Le canal de Suez vers 1880, cat. expo. Paris, Centre historique des archives nationales (6 novembre 1996-3 février 1997), Paris, Synchro, 1996.
-
[26]
Cet officier est un ardent promoteur de l’usage de la photographie. Ferdinand de Lacombe, « De l’usage de la photographie dans l’armée », Le spectateur militaire, no 35, 1861, p. 144-151..
-
[27]
Deborah Poole, Vision, Race and Modernity: a Visual Economy of the Andean World, Princeton, Princeton University Press, 1997, cité dans P. Spyer, « Photography’s Framings and Unframings: a Review Article », art. cité, p. 182.
-
[28]
Anaïs Albert, Consommation de masse et consommation de classe. Une histoire sociale et culturelle du cycle de vie des objets dans les classes populaires parisiennes (des années 1880 aux années 1920), thèse de doctorat d’histoire dirigée par Christophe Charle et Anne-Marie Sohn, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2014, p. 181.
-
[29]
Marc Martin, Trois siècles de publicité en France, Paris, Odile Jacob, 1992, p. 116.
-
[30]
Anaïs Albert, Consommation de masse et consommation de classe…, op. cit., p. 395.
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[31]
Marc Martin, Trois siècles de publicité en France, op. cit., p. 116.
-
[32]
Charles Mangin, La force noire, Paris, Hachette, 1910.
-
[33]
Manuel Charpy, « Pour portrait. Sur les usages sociaux des figurations de soi au xixe siècle », dans D. Dubuisson, S. Raux (dir.), À perte de vue. Les nouveaux paradigmes du visuel, Dijon, Presses du réel, 2014, p. 209.
-
[34]
Anne Maxwell, « A Lens on the Other: Photographs of Non-Western Peoples by Anthropologists and Travellers », art. cité, p. 13.
-
[35]
Mireille Le Van Ho, Les Vietnamiens dans la Grande Guerre. 50 000 recrues dans les usines françaises, Paris, Vendémiaire, 2014, p. 140.
-
[36]
Elizabeth Edwards, « Tracing Photography », art. cité, p. 186 : « The Anthropological Attention Given to Different Cultural Parameters of the Production and Use of Photographs has Revealed again the Onadequacy of the Dominan Western Models of Photographic Analyses, with their Stress on Semiotic Structures and their Linguistic Translation. »