Notes
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[1]
Jacques Derrida, « La pharmacie de Platon », La dissémination, Paris, Seuil, 1972, p. 69-197, citations p. 107 (première version publiée en 1968 dans la revue Tel Quel, nos 32 et 33).
-
[2]
Émile Benveniste, « Don et échange dans le vocabulaire indo-européen », L’Année sociologique (1940/1948-), troisième série (1948-1949), p. 7-20, citations p. 9.
-
[3]
Roger Chartier, « Pouvoirs et limites de la représentation. Sur l’œuvre de Louis Marin », Annales HSS, mars-avril 1994 no 2, p. 407-418, citation p. 408-409. L’article est repris sous le titre : « Marin, le discours et l’image » dans son recueil : Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et incertitudes, Paris, Albin Michel, 1998, p. 173-191.
-
[4]
Ibid., p. 409.
-
[5]
Ibid., p. 412.
-
[6]
Ibid., p. 413.
-
[7]
Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982, en particulier la deuxième partie : « Langage et pouvoir symbolique », p. 97-161.
-
[8]
Éric Fassin, Carine Fouteau, Serge Guichard et Aurélie Windels, Roms & riverains. Une politique municipale de la race, Paris, La Fabrique, 2014 ; voir l’annexe, p. 213-223 : « 2010-2013 : chronologie du pire. Déclarations politiques et médiatiques à l’encontre des Roms et des gens du voyage ».
-
[9]
Commission nationale consultative des droits de l’homme, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Année 2013, Paris, La Documentation française, 2014, citation p. 202-203.
-
[10]
Éric Fassin, « Manuel Valls et les Roms : l’impossible procès », 8 octobre 2015 (version courte). En ligne : http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/10/08/manuel-valls-et-les-roms-l-impossible-proces_4785623_3232.html , consulté le 27 février 2018. J’y reprenais la substance de mon témoignage : « Quand le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) s’inquiétait le 15 mai 2015 de “la stigmatisation croissante des Roms par le discours de haine raciale, y compris par des élus politiques”, la France avait répondu que “la justice condamne les propos discriminatoires tenus à leur égard”, et surtout que “l’action du gouvernement ne vise pas des populations particulières mais vise les campements en tant que tels”. Autrement dit, les Roms ne font pas l’objet d’une politique spécifique. Dès lors, l’alternative est simple : soit la France a menti à l’ONU ; soit, si elle dit vrai, les propos de Manuel Valls ne peuvent avoir été proférés “dans l’exercice de ses fonctions”. » Faut-il s’en étonner ? L’argument n’a pas réussi à convaincre les magistrats.
-
[11]
Collectif, Les mots (et les actes) pour vivre ensemble, Paris, Le Cherche midi, 2016.
-
[12]
Pour compenser cette coupe, j’obtins il est vrai une émission entière de 28 minutes consacrée à la « question rom », le 13 mai 2014.
-
[13]
Ce paragraphe supprimé dans la version abrégée de ma tribune sur Lemonde.fr apparaît dans la version complète publiée ce même 8 octobre 2015 sur mon blog : « Manuel Valls et les Roms : procès impossible, ou invisible ? ». En ligne : https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/081015/manuel-valls-et-les-roms-proces-impossible-ou-invisible , consulté le 27 février 2018.
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[14]
Éric Fassin, « Rien à voir ? D’Ilan à Darius », et la réponse d’Éric Decouty, « Attendons les faits », Libération, 25 juin 2014. Le 26 juin sont publiées en ligne sur le site de Libération ma réponse (« Roms : le déni »), reprise sur mon blog. En ligne : https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/270614/roms-le-deni , consulté le 27 février 2018), et sa nouvelle réponse, non moins désobligeante, qui lui laisse le dernier mot, « L’hypothèse mérite toujours d’être confrontée au réel » (en ligne : http://www.liberation.fr/societe/2014/06/26/l-hypothese-merite-toujours-d-etre-confrontee-au-reel_1051643 , consulté le 27 février 2018.
-
[15]
Cette tribune est également reprise sur mon blog. En ligne :
https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/140414/valls-et-les-roms-lirresponsabilite-des-responsables , consulté le 27 février 2018. -
[16]
Voir les analyses du spécialiste d’esthétique Bruno Nassim-Aboudrar, Comment le voile est devenu musulman, Paris, Flammarion, 2014.
-
[17]
Sur ce point, voir le dernier chapitre « Sexualité » du livre de Joan W. Scott, La politique du voile, trad. Idith Fontaine et Joëlle Marelli, Paris, Éditions Amsterdam, 2017 [2007], p. 186-209 ; voir le chapitre 8, « Actualité sexuelle du voile », dans la réédition augmentée de l’ouvrage Clarisse Fabre, Éric Fassin, Liberté, égalité, sexualités. Actualité politique des questions sexuelles, Paris, 10/18, 2004, p. 235-285. Sur la pornographie, voir Éric Fassin, Mathieu Trachman, « Voiler les beurettes pour les dévoiler. Les doubles jeux d’un fantasme pornographique blanc », Modern & Contemporary France, vol. 21, no 2, 2013, p. 199-217. DOI : 10.1080/09639489.2013.776736 .
-
[18]
Voir « Actualité sexuelle du voile », dans Clarisse Fabre, Éric Fassin, Liberté, égalité, sexualités, op. cit., p. 261.
-
[19]
Ismahane Chouder, Malika Latrèche, Pierre Tevanian, Les filles voilées parlent, Paris, La Fabrique, 2008.
-
[20]
Éric Fassin, « La race, ça nous regarde ! », Libération, 26 juillet 2013. En ligne : http://next.liberation.fr/culture/2013/07/25/la-race-ca-nous-regarde_920834 , consulté le 27 février 2018.
-
[21]
Éric Fassin, « Exhibit B : représentation du racisme et sous-représentation des minorités raciales ». En ligne : https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/291114/exhibit-b-representation-du-racisme-et-sous-representation-des-minorites-raciales , consulté le 27 février 2018 (reprise sur mon blog de ma tribune publiée sous un titre qui n’est pas le mien dans Le Monde du 28 novembre 2014).
-
[22]
Voir mon analyse de cet événement et de ces images : « Racisme d’État : un nouveau front républicain ». En ligne : https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/271117/racisme-d-etat-12-un-nouveau-front-republicain , consulté le 27 février 2018.
-
[23]
Voir mon article, publié sur le nouveau média en ligne AOC le 13 février 2018 : « L’irruption des contre-publics ». En ligne : https://aoc.media/opinion/2018/02/13/lirruption-contre-publics/ , consulté le 27 février 2018.
-
[24]
Nuevas visiones de la comunidad, nuevas identidades gitanas, híbridas y sexualizadas (FFI-2014-53047-R), Ministerio de Economía y Competitividad (2015-2017).
-
[25]
Éric Fassin, Aurélie Windels, Carine Fouteau, Serge Guichard, « La question rom », Roms & riverains, op. cit., p. 7-70.
-
[26]
Georges Didi-Huberman, Images malgré tout, Paris, Minuit, 2003.
-
[27]
Rithy Panh, L’image manquante, documentaire produit par Arte Éditions, 2013.
-
[28]
Cécile Canut, Gueorgui Jetchev, Stefka Stefanova Nikolova, Mise en scène des Roms en Bulgarie. Petites manipulations médiatiques ordinaires, Paris, Éditions Petra, 2016.
-
[29]
Juli Vallmitjana, Teatro de gitanos y de la vida, édition et préface de Joana Masó, présentation et édition critique des textes de Ignasi-Xavier Adiego, traduction de l’espagnol de Marçal Font, Séville, Athenaica Ediciones Universitarias, 2017.
-
[30]
Stéphanie Pryen, « On ne peut pas être ami avec un Rom », Le Paria, 5 avril 2017. En ligne : http://leparia.fr/on-ne-etre-ami-rom/ , consulté le 27 février 2018.
-
[31]
Tiphaine Samoyault, « Quelle mise en fiction possible du témoignage ? Autour de Zoli de Colum McCann », dans C. Coquio et J.-L. Poueyto (dir.), Roms, Tsiganes, nomades : un malentendu européen, Paris, Karthala, 2014, p. 630.
L’absence et la présence
1« La pharmacie de Platon » a offert à Jacques Derrida la figure par excellence de ce qu’il est convenu d’appeler « déconstruction », soit une manière de déjouer les oppositions binaires qui structurent notre tradition philosophique. En effet, « le dieu de l’écriture est le dieu du pharmakon », et donc à la fois « du remède et du poison » [1]. Une chose et son contraire : le mot grec est travaillé par ce que le linguiste Émile Benveniste, dans une analyse érudite [2], a qualifié de « curieuse ambivalence » des significations opposées qui se mêlent (« prendre » et « donner », comme « acheter » et « vendre », « prêter » et « emprunter »…).
2À l’instar de l’écriture, la notion de représentation s’avère amphibologique : c’est ce que montre avec force Roger Chartier dans un article en hommage au sémiologue et philosophe de l’art Louis Marin. L’historien du livre et de la lecture s’appuie en effet sur la double signification du vocable :
Dans son édition de 1727, le Dictionnaire de Furetière identifie deux familles de sens, apparemment contraires, du mot représentation : « Représentation : image qui nous remet en idée et en mémoire les objets absents, et qui nous les peint tels qu’ils sont. » En ce premier sens la représentation donne à voir l’« objet absent » (chose, concept ou personne) en lui substituant une « image » capable de le représenter adéquatement [3].
4 Cependant, dans le même Dictionnaire :
[…] le terme a aussi une seconde signification : « Représentation : se dit au Palais de l’exhibition de quelque chose » – ce qui amène la définition de « représenter » comme « signifie aussi comparaître en personne et exhiber les choses ». La représentation est ici la monstration d’une présence, la présentation publique d’une chose ou d’une personne.
6Bref, la représentation signifie une absence, en même temps qu’elle met en scène une présence. Selon la formulation de Louis Marin citée par Roger Chartier, le dispositif est « double » : « dimension “transitive” ou transparente de l’énoncé, toute représentation représente quelque chose ; dimension “réflexive” ou opacité énonciative, toute représentation se présente représentant quelque chose » [4].
7Or cette théorie de la représentation est aussi une théorie du pouvoir. Pour aborder la seconde définition, l’historien se tourne en effet vers l’auteur des Pensées : « Mettant à nu le mécanisme de la “montre” qui s’adresse à l’imagination et produit de la croyance, Pascal oppose ceux qui ont besoin d’un tel “appareil” », tels les juges « avec leurs hermines » et les médecins avec leurs « bonnets carrés », « et ceux pour qui il est tout à fait superflu », comme les gens de guerre, qui ont pour eux la force brute [5]. Autrement dit, la représentation, au sens de mise en scène du pouvoir pour le rendre présent, est le complément nécessaire, quand celle-ci est éloignée, de la domination physique. C’est ce qu’on peut appeler la domination symbolique.
8 Roger Chartier retrouve ici l’argument de Norbert Elias, dont il a introduit en France la sociologie historique :
Le processus d’éradication de la violence, dont le maniement est tendanciellement confisqué par l’État absolutiste, a rendu possible un exercice de la domination politique qui prend appui sur l’ostentation des formes symboliques, sur la représentation de la puissance monarchique, donnée à voir et à croire en l’absence même du roi grâce aux signes qui indiquent sa souveraineté [6].
10 Il rejoint également les analyses de Pierre Bourdieu sur « la force de la représentation » : la violence du pouvoir s’exerce aujourd’hui, en premier lieu, par la violence symbolique. Pour le sociologue, c’est celle-ci qui permet de comprendre le « paradoxe de la doxa », soit l’efficacité d’un pouvoir « de » et « par » la représentation qui s’impose en même temps aux dominants et aux dominés [7].
11Reste à penser la représentation du point de vue de ceux-ci, et pas seulement de ceux-là. Qu’en est-il de ce pouvoir symbolique dans la perspective, non pas des puissants, mais de celles et ceux sur qui s’exerce leur domination ? Que devient ce dispositif double de l’absence et de la présence, de la représentation qui symbolise en même temps que de la présentation qui incarne, lorsqu’on l’aborde à partir des minorités ? On fera l’hypothèse que, pour ce qui concerne ces groupes sociaux « mineurs », c’est-à-dire minorés par les rapports de pouvoir, il repose également sur une double logique, en miroir de celle qui organise la représentation du pouvoir : d’un côté la surreprésentation, de l’autre la sous-représentation.
12 Une image suffira pour résumer ce paradoxe. On connaît les Guerrilla Girls, ces artistes féministes qui protestent à New York à partir de 1985 contre la domination masculine dans le monde des musées ; et l’on se souvient de leur affiche montrant la Grande Odalisque d’Ingres adornée d’un plumeau en lieu d’éventail et coiffée, comme ces militantes quand elles manifestent, d’une tête de gorille. Le texte qui accompagne l’image part d’un constat : « Moins de 5 % des artistes dans les départements d’Art Moderne sont des femmes, mais 85 % des nus sont de sexe féminin. » Et il pose une question : « Faut-il que les femmes soient nues pour entrer au Metropolitan Museum ? » L’argument est limpide : la sous-représentation des femmes (en tant que sujets) est l’envers de leur surreprésentation (en tant qu’objets).
« Faut-il que les femmes soient nues pour entrer au Metropolitan Museum ? »
« Faut-il que les femmes soient nues pour entrer au Metropolitan Museum ? »
13C’est l’hypothèse générale qui organise ce dossier sur la (non-) représentation des Roms : ces populations minoritaires par excellence, en termes non pas tant statistiques que politiques, sont précédées d’une profusion de clichés, que ceux-ci paraissent plutôt positifs (de la musique à la sensualité, en passant par le romantisme de la route), ou qu’ils soient pleinement négatifs (des voleurs d’enfants au trafic de mendiants, sans oublier l’envers d’un supposé nomadisme aussi méprisé que redouté). Autrement dit, Gitanes érotiques ou Tsiganes maléfiques, les Roms sont surreprésentés dans l’imaginaire collectif où ils prolifèrent – en tant qu’objets, bien sûr, et non pas comme sujets.
14En même temps, s’ils sont représentés (par d’autres), ils n’ont que rarement l’occasion de se présenter eux-mêmes (en leur nom propre). D’ailleurs, qui connaît leurs représentants ? Combien sont élus ? En France, ne sont-ils pas radicalement absents, en particulier, de la représentation nationale ? Et sur scène ou à l’écran (pour jouer d’un autre sens du mot représentation), combien d’actrices et d’acteurs identifiés comme tels – y compris (mais pas seulement) lorsqu’il s’agit d’interpréter un des leurs ? Bref, les Roms réels sont aussi absents que sont présents les Roms imaginaires, ceci expliquant cela, et inversement. La sous-représentation est bien l’envers d’une logique dont la surreprésentation est l’avers : pour entrer dans l’espace public, les Roms doivent être, non pas nus comme les femmes dans les musées, mais réduits à des stéréotypes, soit une même logique fantasmatique.
Sous-représentation et non-représentation
15Il convient d’introduire une nouvelle distinction pour mettre au jour un second paradoxe, qui, parmi les minorités, concerne plus particulièrement les populations roms. En France, il n’y a pas seulement une sous-représentation des Roms réels et une surreprésentation des Roms imaginaires ; il y a aussi une hyper-représentation de la « question rom » dans l’espace public – et en même temps la non-représentation du traitement de ces populations par les pouvoirs publics. Paradoxalement, cette politique mise en scène de manière spectaculaire fait l’objet d’une occultation voire d’un refoulement : elle est effacée. Il faut donc distinguer la sous-représentation des personnes de la non-représentation d’une politique menée à grand bruit, qu’il s’agit maintenant d’analyser.
16L’hyper-représentation de la « question rom » est hélas familière : de Brice Hortefeux à Manuel Valls en passant par Nicolas Sarkozy, et tant d’autres moins connus, les hommes politiques ont multiplié les discours culturalistes toujours plus violents [8]. Certains vont même jusqu’à raviver la mémoire des camps de concentration où les Roms aussi ont été déportés pendant la Seconde Guerre mondiale, comme cet élu du Front national proposant de « récupérer leurs dents en or » ou ce député-maire (alors à l’UDI) pour qui « Hitler n’en a peut-être pas tué assez » (on notera, outre la condamnation du premier, que la Cour de cassation a finalement annulé celle du second au motif que, lorsqu’il avait glissé ces propos à un journaliste lors d’une altercation avec des gens du voyage, c’était sans « volonté de les rendre publics »).
17Le racisme d’en haut alimente le racisme d’en bas. En 2013, l’enquête d’opinion annuelle de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) en témoigne ; lorsque le discours public se déchaîne contre la « culture rom », comme quand Manuel Valls était ministre de l’Intérieur, l’antitsiganisme se durcit dans les représentations sociales : « En 2013 plus de 87 % de la population considère les Roms comme un “groupe à part” dans la société, soit une augmentation de 21 points depuis janvier 2011. » Et en retour, le racisme d’en bas légitime le racisme d’en haut : selon le rapport de la CNCDH, « 39 % pensent que les personnes qui tiennent publiquement des propos racistes contre les Roms “doivent être condamnées, mais pas sévèrement”, et 22 % qu’elles “ne doivent pas être condamnées du tout” (contre 14 % si les propos racistes sont tenus à l’encontre de Français, 16 % s’il s’agit de juifs, 18 % de noirs, 19 % d’arabes) [9] ».
18 Il n’empêche : le pullulement et la banalisation des discours racistes qui marquent l’hyper-représentation de cette politique s’accompagnent de son effacement politique et médiatique. Tout se passe comme s’il ne se passait rien. Pour le comprendre, revenons à un moment fort de l’antitsiganisme politique, le discours prononcé à Grenoble par Nicolas Sarkozy le 30 juillet 2010 « contre cinquante ans d’immigration massive » : en s’en prenant aux « implantations sauvages de campements », le président de la République fait l’amalgame entre gens du voyage (français) et Roms (étrangers). Le gouvernement de l’époque a beau s’en défendre, cette politique fondée sur un critère racial inquiète alors l’Europe : celle-ci n’a-t-elle pas été fondée sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale, et donc contre les politiques de la race menées par le régime nazi ?
19En découvrant une circulaire du ministère de l’Intérieur datée du 5 août 2010 qui ordonne « le démantèlement des camps illicites, en priorité ceux de Roms », la commissaire européenne Viviane Reding, en charge des droits fondamentaux et de la citoyenneté, s’insurge avec vigueur le 10 septembre :
J’ai été personnellement choquée par des circonstances qui donnent l’impression que des personnes sont renvoyées d’un État membre juste parce qu’elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l’Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Seconde Guerre mondiale.
21 Et de marquer son indignation : « C’est une honte. » Or cette dénonciation de la politique française va être étouffée par la contre-attaque du président relayée par les médias : la commissaire européenne n’aurait-elle pas comparé la République française à l’Allemagne nazie ? Dès le lendemain, Viviane Reding précise : « Je n’ai en aucun cas voulu établir un parallèle entre la Seconde Guerre mondiale et les actions du gouvernement français. » N’importe : ce qui fait scandale, ce n’est pas la politique menée par la France sur un critère racial, c’est sa dénonciation.
22 Un second exemple de cette occultation paradoxale peut être convoqué avec les propos de Manuel Valls sur la « vocation » des Roms, rapportés dans Le Figaro et Le Parisien le 14 mars 2013, et ceux entendus sur France Inter le 24 septembre de la même année. Le ministre de l’Intérieur déclarait en effet que les Roms « ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu’ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution ». Il l'affirmait également, ceux-ci « ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation » ; « nous le savons tous, la proximité de ces campements provoque de la mendicité et aussi des vols, et donc de la délinquance ». C’est pourquoi, martelait-il, « les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie ».
23 Sans doute ces phrases ont-elles fait grand bruit ; elles ont d’ailleurs été l’objet de deux plaintes pour incitation à la haine raciale. La première, portée par le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) devant la Cour de justice de la République, a été classée sans suite le 19 décembre 2013 : pour cette juridiction réservée aux politiques, « les propos incriminés s’insèrent dans un débat d’intérêt public, relatif au problème, qualifié par le ministre de “difficile et complexe”, de l’intégration des Roms. » Pour la seconde, déposée par la Voix des Rroms, le Tribunal de grande instance s’est déclaré incompétent un an plus tard, le 19 décembre 2014, en jugeant que Manuel Valls « avait été invité par des journalistes à s’exprimer en sa qualité de ministre de l’Intérieur sur un sujet en lien direct avec la conduite de l’État ». Bref, devant les deux juridictions, on arrive au même résultat : les responsables politiques sont pénalement irresponsables s’ils ne font que dire la politique de l’État. Faut-il en conclure que, par définition, celui-ci ne saurait être raciste ? Ou bien qu’il peut l’être impunément ?
Le refoulement médiatique
24L’occultation par la justice de la « question rom », mise en scène par la classe politique, suppose un dernier élément qui vient compléter ce dispositif judiciaire : le refoulement médiatique. Les médias ont très peu parlé de la première plainte, et moins encore de la seconde. Même les journalistes politiques en ignorent le plus souvent l’existence. À l’époque, aucune agence de presse n’en fit état ; elle fut pourtant rendue publique au moment même où Manuel Valls allait être nommé Premier ministre. En appel, le 2 juillet 2015, un seul média était présent, Mediapart. Quant au journaliste de l’AFP de permanence au palais de justice, parvenu devant la salle d’audience où, cité comme témoin, j’attendais, il préféra rebrousser chemin, malgré mon invitation pressante. Le 8 octobre, jour où l’appel fut rejeté, Le Monde publia en ligne ma tribune sur le procès – mais sans les deux paragraphes analysant le silence médiatique [10]…
25On pourrait multiplier les exemples de ce refoulement – et continuer de le faire à la première personne. Je pense ainsi aux deux brèves contributions qui me furent commandées (à titre gracieux) pour un ouvrage collectif publié après les attentats de janvier et novembre 2015 afin de « penser le vivre ensemble » : l’une sur les discriminations raciales, l’autre sur la « question rom ». En recevant cet ouvrage début 2016, je découvris que la seconde était passée à la trappe sans qu’on m’en eût averti (et à l’insu de la coordinatrice du volume qui m’avait sollicité). Ce texte de moins de trois feuillets était intitulé : « Roms : l’État hors la loi ». Contactée, l’éditrice regretta d’avoir négligé de m’informer de ce choix éditorial ; mais à l’en croire, il n’avait aucun sens politique, il était seulement dû à un manque de place sur la maquette [11].
26Reste que de telles disparitions, sur ce sujet, ne sont pas rares. J’en donnerai encore une illustration médiatique : le 28 mars 2014, invité dans l’émission 28 minutes sur Arte, j’évoquais le cas d’un chauffeur qui avait refusé l’accès à son bus à un Rom, pourtant muni d’un pass Navigo. Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro Magazine, me demanda si ce chauffeur n’avait pas quelque raison de se méfier : les Roms ne sont-ils pas souvent des voleurs ? Je lui répondis que c’était précisément le raisonnement d’Éric Zemmour (pour qui « la plupart des trafiquants sont noirs et arabes », ce qui lui valut une condamnation en 2011) pour justifier les contrôles au faciès. Le stéréotype du journaliste à l’encontre des Roms ne l’exposait-il pas, lui aussi, à des poursuites ? J’y voyais en tout cas la démonstration de la banalisation de l’antitsiganisme, confirmée à mes yeux par l’absence de réaction sur le plateau. Mais le rédacteur en chef m’avertit le lendemain, avant la diffusion de cette émission tournée dans les conditions du direct, que cet échange avait été effacé pour échapper à une plainte éventuelle [12].
27Pourquoi ce refoulement, maintes fois répété ? À propos du procès impossible, mais aussi invisible de Manuel Valls, j’ai envisagé trois hypothèses :
Premièrement, taxer le chef du gouvernement de racisme serait coûteux : les médias ne se sentiraient pas libres de le faire. La deuxième serait que journaux, radios et télévisions ont redouté d’aller contre leur public, dès lors que les sondages révèlent une hostilité croissante aux Roms. La troisième, c’est que beaucoup, parmi les journalistes, sont foncièrement en accord avec cette politique. Prudence face au pouvoir, soumission à l’opinion ou adhésion politique [13] ?
29 J’en ajoute aujourd’hui une quatrième, d’application plus générale : si cette politique raciale qui contredit nos principes fondamentaux était médiatisée, ne faudrait-il pas, puisqu’elle est d’une gravité extrême, la combattre avec la plus grande force ? À l’inverse, pour justifier un silence complice, ne vaut-il pas mieux se convaincre que, si l’on n’a rien dit, c’est qu’il n’y avait rien à dire ?
30Un dernier exemple médiatique éclairera cette proposition. En juin 2014, un adolescent rom enlevé par une bande à Pierrefitte après une tentative de larcin, Darius, était retrouvé à demi-mort dans un caddie de supermarché. Les médias dénoncèrent aussitôt un « lynchage ». Pourtant, la procureure ne voulut pas entendre parler de racisme : « L’agression ultra-violente du jeune Darius n’a a priori rien à voir avec ses origines roms. » Le maire de la ville avait pourtant manifesté sa compréhension envers des « populations excédées » par les cambriolages qui se seraient multipliés depuis l’arrivée des Roms, et les agresseurs qui avaient « menacé de brûler le campement ». Les Roms ne s’y étaient d’ailleurs pas trompés, qui avaient aussitôt tous déguerpi.
31Je proposai, dans une tribune publiée par Libération le 25 juin 2015, un parallèle entre le lynchage de Darius (présumé voleur parce que rom) et l’enlèvement et la torture à mort en 2006 d’Ilan Halimi (présumé riche parce que juif) : pour ce dernier, le motif d’antisémitisme avait fini par être retenu ; pour quelle raison refuserait-on de parler de racisme pour celui-là ? Et pourquoi, au-delà de la justice, en est-il de même dans les médias (du moins en France, où, je le relevais alors, « la presse étrangère n’a pas ces pudeurs ») ? En fait, « occulter le racisme du lynchage, c’est renoncer à chercher, au-delà des coupables, les responsables », soit les discours et pratiques politiques qui, on l’a vu, légitiment de tels actes (comme allait le confirmer l’absence d’arrestations et de poursuites).
32Or mon intervention suscitait le même jour, sur la même page, une réponse cinglante du directeur adjoint de la rédaction [14]. Pareille riposte à une tribune, par un responsable du journal, est pour le moins inhabituelle ; la virulence du ton l’était également (d’autant que je tenais alors une chronique dans ce journal ; j’allais bientôt y renoncer en conséquence) :
Asséner comme le fait Fassin (en se réfugiant derrière la presse étrangère dont on se demande bien pourquoi elle serait mieux informée que les médias français…) qu’il s’agit d’un crime raciste ne repose, à ce jour, sur aucun fait avéré. Et c’est faire injure à Libération, qui suit avec la plus grande attention cette histoire depuis sa révélation, de laisser croire que nous aurions passé sous silence une telle ignominie.
34 L’argument a le mérite de la clarté : ce que les médias ne disent pas, on ne doit pas le dire. Car le faire à leur place, c’est leur « faire injure » : on risquerait d’en conclure qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas le dire.
35 Il est vrai que je soulignais une fois encore, dans ce texte, le mutisme de la presse française concernant la plainte de la Voix des Rroms contre Manuel Valls. Le même journaliste me répondait d’ailleurs :
Éric Fassin ne peut prétendre être la voix unique qui “rompt le silence” et, s’il est encore possible de l’en convaincre, les archives de Libération sont naturellement à sa disposition…
37Il ne renvoyait toutefois à aucun article du quotidien – et pour cause : dans ces archives, il n’aurait trouvé que ma chronique du 13 avril 2014, « Manuel Valls poursuivi par les Roms », où je soulignais déjà que « la citation à comparaître n’a pas retenu l’attention des grands médias [15] ».
38Prendre pour objet cette querelle, mais aussi d’autres mésaventures médiatiques ou éditoriales, publiques ou non, dont je suis un protagoniste et donc aussi un témoin, c’est se donner les moyens de s’interroger, à la première personne, sur ce qui s’y joue. Ces exemples le montrent : le silence médiatique est la condition de possibilité de cette politique de la race. En retour, s’accommoder de celle-ci amène à opter pour celui-là. Tel est le sens politique de la non-représentation publique de la « question rom », soit l’occultation de ce que la politique fait aux Roms : l’effacement est le prix à payer pour accepter l’inacceptable, ou du moins faire avec. Il serait trop coûteux de donner à voir ce qui est en train de se passer ; en effet, il y aurait alors une obligation morale et politique de faire quelque chose, et non pas de laisser faire, au risque de la complicité. Bref, passer sous silence, c’est détourner ironiquement la formule fameuse de Wittgenstein : ce dont on ne peut parler, il faut le taire.
De l’image à la voix
39La non-représentation n’est pourtant pas le destin inéluctable des politiques de racialisation, et en particulier du traitement réservé aux populations roms par les pouvoirs publics. Quant aux minorités, roms ou pas, elles ne sont pas davantage condamnées à la sous-représentation. Il reste en effet à évoquer, nouvelle hypothèse, ce qui pourrait bien être en train de bouger actuellement en France, avec un déplacement dans la représentation – de l’image à la voix. Ce changement métaphorique n’est pas sans implications sur les rapports de pouvoir : passer du visible (et de l’invisible) à l’audible (et à l’inaudible), c’est sans doute une manière de reposer, à nouveaux frais, la question éminemment politique de la représentation.
40Depuis les années 2000, la visibilité est une métaphore qui a largement dominé le discours sur la « question raciale » en France : c’est ainsi qu’on parle de « minorités visibles », définies paradoxalement à la fois par leur apparence physique et par leur invisibilisation sociale. On retrouve ici une logique équivalente à celle du premier paradoxe analysé plus haut : surreprésentation et sous-représentation, voilà une opposition qui devient ici survisibilité et invisibilité. On notera parallèlement que la question du voile est entièrement définie par cette métaphore : d’une part, il s’agit de voiler les cheveux, voire le corps et même le visage, pour les dérober aux regards ; d’un autre côté, avec les polémiques récurrentes qui traversent la société française aujourd’hui, les femmes attirent d’autant plus l’œil qu’elles sont plus voilées [16].
41On peut d’ailleurs dire que, par rapport à 1989, par le jeu fantasmatique du regard, le voile a été « sexualisé » dans le discours public des années 2000 – à tel point que la « Beurette voilée » est devenue une catégorie pornographique [17]… Il est donc significatif que la loi de 2004 adoptée contre le voile dans les écoles publiques porte sur les « signes ostentatoires » : la racialisation de la religion que résume le terme d’islamophobie passe bien par le corps et le vêtement, soit par la manifestation visible de la religion. À propos des premières victimes de Mohammed Merah tuées à Toulouse et Montauban, le président Sarkozy déclarait ainsi, le 26 mars 2012 : « Je rappelle que deux de nos soldats étaient – comment dire ? – musulmans, en tout cas d’apparence, puisque l’un était catholique. D’apparence… Comme on dit : “de la diversité visible.” »
42Certes, la religion n’est pas une « race » ; mais puisque les races n’existent pas, il faut bien admettre que la logique de racialisation peut s’appuyer sur différents traits, physiques ou non, réels ou supposés, pour assigner les individus et les populations à des places inégales. Le racisme n’a pas besoin des « races » (au pluriel, comme des espèces différentes) ; au contraire, c’est le racisme qui fait la « race » (au singulier, en tant que logique de domination). C’est pourquoi le glissement entre ces registres, racial et religieux, dont l’histoire de l’antisémitisme donne l’exemple, suppose la primauté de l’apparence, avec les caractères visibles : dans la logique politique de racialisation, c’est le regard d’un autre qui constitue comme autre.
43Il faut donc se poser la question : la métaphore de la visibilité (et de l’invisibilité) n’enferme-t-elle pas les minorités dans une alternative : représenter d’autres que soi, ou bien être soi-même représenté par d’autres ? La politique des signes, dont le voile est l’exemple paradigmatique, n’est-elle pas le signe d’une impuissance politique ? « Porter le voile, c’est une manière d’exister politiquement pour des jeunes filles privées de parole publique. » Telle est l’interprétation que je proposais en 2004 : « Le voile fait entendre avec éclat l’impossibilité de se faire entendre [18]. » C’est toutefois ce qui pourrait avoir changé depuis lors, comme en témoigne le titre d’un ouvrage de 2008 : « Les filles voilées parlent. » Autrement dit, celles-ci n’acceptent plus d’être des signes muets, purement symboliques : elles ont des choses à dire, qui ont un sens politique, et elles commencent à se faire entendre [19].
44Il ne s’agit pas seulement du voile, mais tout autant de ce qu’on appelait naguère « minorités visibles ». Si le documentaire d’Amandine Gay, Ouvrir la voix, a constitué un événement en 2017, c’est selon une logique qui est pareillement inscrite dans son titre. Il s’agit bien sûr, pour la première fois, de faire entendre la voix de femmes noires pour ouvrir la voie à d’autres afrodescendantes ; mais pour cela, la réalisatrice le souligne toujours, il a fallu réussir à financer ce film, malgré le refus du Centre national du cinéma (CNC) – et donc engager un véritable « bras de fer » (c’est le nom de sa maison de production) pour arriver à faire entendre sa propre voix par l’autofinancement (ou plutôt le financement participatif, comme beaucoup de projets qui font exister par ce biais quelque chose comme une « communauté »… de projet). On retrouve la même logique : ne plus accepter d’être seulement un objet de parole ; revendiquer d’être un sujet en prenant la parole.
45 L’enjeu politique de cet écart entre le regard et la parole est apparu au grand jour avec la controverse autour d’Exhibit B. Cette installation de l’artiste sud-africain blanc Brett Bailey, d’abord présentée en France lors du festival d’Avignon en 2013, propose une série de tableaux vivants incarnés par des comédiens noirs ; ce sont autant de vignettes terribles de l’histoire du racisme – de la célèbre Vénus hottentote du début du xix e siècle aux migrants qui meurent au cours de leur expulsion ; des États-Unis de la ségrégation à l’Afrique du Sud de l’Apartheid ; du Congo belge où l’on coupait la main aux travailleurs trop peu productifs, à la Namibie où fut perpétré le premier génocide du colonisateur allemand. « Exhibit », c’est la pièce à conviction dans un procès, mais c’est aussi l’exposition. Les corps noirs sont ici exposés aux spectateurs pour leur exposer les crimes du racisme.
46En 2014, la venue de l’installation au théâtre de Saint-Denis provoque la polémique : l’œuvre qui se veut une dénonciation du racisme est dénoncée pour son racisme. Sans doute le regard des acteurs, qui suit les spectateurs comme un remords, déjoue-t-il le voyeurisme du zoo humain. Il n’empêche : pour les activistes qui protestent, ces figures muettes enferment les Noirs dans un rôle de victimes passives. Et si « le public d’Avignon se découvre blanc [20] », qu’en est-il du public plus mélangé de la Seine-Saint-Denis ? « La polémique m’a amené à le comprendre » (je le reconnaissais en 2014 [21]), « l’esthétique du spectacle pose problème : selon notre expérience, et donc notre apparence, nous n’y voyons pas forcément la même chose – sans que cette réception différenciée soit prise en compte dans la mise en scène. » Les manifestations contre cette performance peuvent donc être interprétées comme une prise de parole en réaction à une mise en images : les personnes noires qui se mobilisent veulent faire entendre leur voix, y compris dans le monde de la culture où elles restent invisibles.
47Les réactions exaspérées voire indignées que suscitent de telles prises de parole disent l’importance de ce déplacement du visible à l’audible. À l’université Paris 8 (où j’enseigne), la mobilisation étudiante au sein du mouvement contre la Loi travail au printemps 2016 a mené à l’organisation d’ateliers de « Paroles non-blanches », ouverts à tout le monde, mais organisés par un groupe Non-Mixte Racisé (NMXR). Or l’explicitation de ce critère racial a provoqué une véritable tempête, puisqu’à la suite d’une question au gouvernement, le 27 avril 2016, la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a condamné « absolument » l’initiative à l’Assemblée nationale.
48Depuis, la « non-mixité » continue de susciter des réactions largement hostiles ; mais c’est bien, encore une fois, l’émergence de paroles minoritaires qui déchaîne les passions politiques. Le contraste entre la politique de la voix et celle de l’image apparaît ainsi en pleine lumière lorsque le nouveau ministre de l’Éducation nationale, après avoir dénoncé le vocabulaire de ces « nouveaux antiracistes » (« blanchité », « racisé·e·s »), annonce le 21 novembre 2017 à l’Assemblée nationale qu’il va poursuivre en justice le syndicat Sud Éducation 93 pour avoir parlé de « racisme d’État ». Quand Jean-Michel Blanquer reçoit l’ovation unanime des députés, à commencer par Marine Le Pen, on assiste à un spectacle de blanchité, en guise de « nouveau front républicain », pour réduire au silence les voix émergentes (et dissidentes) des personnes racisées [22].
49Ce déplacement qui s’opère aujourd’hui, de l’image à la voix, correspond à l’avènement d’une nouvelle génération militante d’hommes et surtout de femmes que leurs diplômes universitaires, et souvent leurs compétences en matière de réseaux sociaux, arment solidement pour de telles prises de paroles. Dans la population rom, même si celles et ceux qui, comme Anina Ciuciu qui participe à ce dossier, ont pu bénéficier d’études supérieures y sont pour l’instant moins nombreux, l’activisme est traversé par les mêmes enjeux. L’association La Voix des Rroms, créée en 2005, porte d’ailleurs dans son nom tout ce programme : il s’agit bien de parler en son nom propre pour ne plus être parlé par d’autres – et d’abord en revendiquant une orthographe propre (« Rrom », avec deux « r »).
50 Arracher les Roms à l’empire de l’image pour les faire entrer dans la République de la parole : ce sont plus généralement les minorités qui entreprennent aujourd’hui, pour dépasser la sous-représentation et échapper à la non-représentation, de sortir de l’invisibilité en devenant enfin audibles. C’est précisément parce qu’elles sont trop souvent réduites au silence que les minorités prennent aujourd’hui la parole. Songeons à Mennel Ibtissem, cette jeune chanteuse contrainte de quitter une émission populaire qui s’intitulait justement « The Voice », mais aussi aux protestations suscitées par cette exclusion sur les réseaux sociaux. On peut ainsi parler d’une véritable « irruption des contre-publics » qui font de plus en plus entendre leur voix dans l’espace public dominant [23].
Présentation du dossier
51Le dossier qu’on va découvrir résonne constamment avec les hypothèses et les paradoxes que l’on vient de parcourir. Il a pour point de départ un programme de recherche franco-espagnol sur les « Roms/Gitanxs » (cette orthographe inclusive renvoie à la fois aux Gitans et aux Gitanes) pour lequel Marta Segarra a obtenu un financement en 2015 [24]. Il associe notre Laboratoire d’études de genre et de sexualité (LEGS) et le Centre de Recerca Teoria, Gènere i Sexualitat (ADHUC) de l’université de Barcelone, et il a pris forme à l’occasion d’un colloque international que nous avons organisé ensemble à l’université Paris 8 les 24 et 25 novembre 2016, où l’un des deux volets portait sur la « représentation » (dans tous les sens du terme) : la plupart des auteurs du dossier que Marta Segarra et moi-même coordonnons y ont présenté une intervention.
52La comparaison des contextes espagnol et français est d’emblée apparue comme un enjeu, soit à la fois une difficulté et une stimulation. C’est que la vérité des Roms en deçà des Pyrénées n’est pas celle des Gitans au-delà – même si le mot « rom » peut s’appliquer à tous : en Espagne, les Gitans sont espagnols ; en France, les Roms dont on parle d’ordinaire aujourd’hui sont étrangers. Bien sûr, il y a des Roms français ; mais ces gens du voyage, Manouches et Gitans, refusent souvent d’être confondus avec des Roumains ou Bulgares qui vivent dans des bidonvilles et font l’objet d’un rejet presque unanime. Il ne va donc pas de soi de parler, dans un même ensemble, des Gitans espagnols en Espagne et des Roms étrangers en France.
53Toutefois, si ces derniers sont des immigrés, il faut préciser qu’ils sont européens. On peut même considérer que c’est à ce titre qu’ils sont persécutés : à défaut de pouvoir les expulser comme des ressortissants de pays tiers, on s’emploie à leur rendre la vie invivable. Il paraît donc trop simple de considérer que les Gitans en Espagne sont exposés au racisme alors qu’en France les Roms le seraient à la xénophobie : en réalité, dans les deux cas, il s’agit bien de racisme. C’est depuis que la Roumanie et la Bulgarie sont membres de l’Union européenne que la « question rom » se pose avec autant d’acuité en France – comme une « question raciale », bien qu’ils soient européens, et parce qu’ils le sont [25]. En deçà des Pyrénées comme au-delà, les Roms (au sens générique) peuvent être considérés comme une minorité constituée par l’expérience de la discrimination.
54Toutes les contributions de ce dossier posent explicitement la question de la représentation – même si elles le font en des termes différents ; et la plupart se la posent non seulement dans leur contenu, mais aussi dans la forme de leur écriture. Ainsi, les photographies de Gabriela Lupu ne montrent pas des visages et des corps, comme dans un projet antérieur, « Platz des Roms ». Son livre Portes de Paris raconte la vie quotidienne des Roms sur un terrain de Saint-Denis, mais sans nous mettre en position de voyeurs : en effet, le dispositif part, non d’une photographie, mais d’un dessin qu’elle découpe ; et c’est ce petit théâtre de papier qui est photographié. Il s’agit de l’image d’une image, soit de l’impossible représentation d’une réalité niée par les politiques d’expulsions à répétition, le dispositif de distanciation évoquant la mise à distance de ces populations reléguées à la porte de nos villes.
55Gabriela Lupu ne propose nullement des représentations interdites, ces « images malgré tout », dont parle Georges Didi-Huberman pour les quatre photographies arrachées par des membres du Sonderkommando à l’anéantissement de la Shoah [26]. Ce serait plutôt « l’image manquante » du film de Rithy Panh sur le régime khmer rouge au Cambodge, qui reconstitue avec des figurines naïves les crimes dont la représentation a été effacée [27]. Bien sûr, la disparition d’aujourd’hui n’est pas un génocide ; cependant, c’est une question comparable qui est posée : comment donner à voir ce que l’on ne devrait pas voir ? Ce que Gabriela Lupu représente par ses photographies, c’est bien le spectre des Roms qui hante la France actuelle, tant par son absence que par sa présence.
56Les deux articles suivants prennent pour objet la représentation, télévisuelle ou littéraire, à partir de figures diamétralement opposées. Marta Segarra analyse la télévision espagnole qui prend pour objets des Gitans – et il s’agit bien d’objets, tant ces figures sont réduites à des stéréotypes, qu’il s’agisse d’un genre prétendument documentaire ou d’une téléréalité revendiquée. On songe ici aux analyses de la sociolinguiste Cécile Canut sur la télévision bulgare [28] : dans un contexte différent, ce sont les mêmes clichés qui contribuent pareillement à l’antitsiganisme de la culture dominante. Marta Segarra ouvre toutefois la possibilité, pour les personnages, de dépasser (quelque peu) le rôle qui leur est assigné. Rodrigo Andrés, lui aussi spécialiste de littérature, s’intéresse à la figure de José Heredia Maya, premier professeur d’université gitan en Espagne. Or sa réflexion sur la littérature est nourrie de son expérience sociale, puisqu’il s’intéresse aux différentes manières de regarder l’autre – sans pour autant se limiter aux Gitans, puisque sa réfélexion s’applique aussi bien aux juifs, aux musulmans, etc. Pour lui, l’écrivain n’est pas voué à partager les préjugés de son temps ; il peut s’en affranchir. Alors que la démarche télévisuelle de l’article précédent relève d’un « regard trouble », sinon « sale », il s’agira dans celui-ci d’un « regard propre ».
57On pourrait aussi parler de « regard conscient » pour l’écrivain catalan Juli Vallmitjana qui, au début du xxe siècle, apprenait le caló pour écrire des récits sur la vie des Gitans imprégnés de leur langue au point d’en constituer aujourd’hui une archive rare : dans l’édition qu’elle vient de publier de son Théâtre des Gitans et de la vie, Joana Masó a bien montré ce que cette démarche qui bouleverse la hiérarchie culturelle avait d’exceptionnel [29]. Ces regards, « propre » ou « conscient », amènent ainsi à repenser avec Rodrigo Andrés la fonction de la littérature en termes d’imagination morale et d’empathie sociale.
58C’est bien en ces termes qu’il faut lire l’article de Mélikah Abdelmoumen : cette écrivaine raconte une rencontre avec V., une mère de famille rom, et la relation inégale en même temps que l’amitié mutuelle qui se développent entre ces deux femmes. On peut certes décider de renoncer à faire d’une telle histoire son matériau – à l’instar de la sociologue Stéphanie Pryen qui refuse de constituer son expérience de cohabitation avec une famille rom en matériau sociologique, comme elle le raconte dans un beau texte… littéraire [30]. Il faut se poser la question avec Mélikah Abdelmoumen : comment ne pas constituer l’autre en objet au moment de parler d’elle, sinon en parlant aussi de soi afin de mettre en mots la relation elle-même, ses richesses et ses difficultés ?
59 C’est une forme en quelque sorte ethnologique de la littérature. L’article de Paloma Gay y Blasco et Liria de la Cruz propose à l’inverse ce qu’on pourrait appeler une ethnologie expérimentale en forme de littérature : l’écriture à deux voix en est l’enjeu premier. En effet, l’ethnologue paya et la Gitane ethnologisée se lient aussi d’une amitié qui perdure dans les péripéties de la vie. La réciprocité de la relation amène à envisager une « ethnographie réciproque », non seulement collaborative, mais mutuelle. La réciprocité du regard fait de l’une et de l’autre, tour à tour, l’objet et le sujet de l’ethnologie. Comme l’article précédent, celui-ci est nécessairement rédigé à la première personne : c’est qu’il n’est plus possible, sauf à reproduire la domination dans la représentation, de s’abstraire de l’écriture quand on est pris dans la relation.
60 Ces articles invitent à réfléchir sur le caractère d’ordinaire « allographique » de l’écriture sur les Roms par des gadjés, effet de la domination subie. Sur ce point, on peut reprendre l’analyse de Tiphaine Samoyault à propos de la « fiction gadji », qui vaut pour l’ethnologie comme pour la littérature :
Le problème n’est pas tant ici qu’un romancier parle d’un groupe avec lequel il n’a aucune relation d’appartenance – c’est un droit, ou plutôt une des caractéristiques du romancier que de s’altérer, que de devenir autre –, mais vient du fait que sa représentation, de l’extérieur, ne puisse pas être confrontée, comparée avec un récit propre, de l’intérieur, qu’on pourrait ici appeler autographe.
62L’allographie n’est-elle pas exposée au « danger », s’interroge cette critique littéraire, « de porter la représentation du côté du stéréotype ? » [31] Ainsi, comment produire des textes sur les Roms en prenant en compte le fait que ces populations sont écrites par d’autres plus qu’elles ne s’écrivent elles-mêmes ?
63S’il faut se demander comment faire entendre ou donner la parole aux Roms, il importe également de ne pas l’oublier : aujourd’hui, des Roms eux-mêmes (et elles-mêmes) prennent la parole et se font entendre – comme c’est le cas dans les deux articles qui concluent ce dossier. Le texte d’Ismael Cortés pourrait être écrit à la première personne du pluriel : en effet, c’est un texte militant qui part de l’histoire de l’antitsiganisme politique en Espagne pour poser la question de la (sous-) représentation des Gitans dans la vie politique espagnole. Au-delà de l’associationnisme rom dont on peut voir les limites, il propose donc d’envisager de suivre le modèle féministe de la parité pour atteindre de manière volontariste une meilleure participation politique.
64Enfin, le texte à la première personne de la jeune juriste et militante Anina Ciuciu part de son expérience familiale de discrimination et d’une histoire collective de minorité pour penser la difficulté d’assumer sa « romanité » (ou rromanipe), soit de refuser une assimilation impossible, sans pour autant jouer au Rrom, c’est-à-dire se conformer aux représentations dominantes en en reproduisant tous les stéréotypes. Pour Anina Ciuciu, il s’agit de se réapproprier les moyens de la représentation et donc de repenser les logiques de la représentation politique sans en passer, ni par le modèle de l’État et de la nation, ni par le statut de victime, comme dans le « Mouvement du 16 mai » qui convertit la mémoire en action. Son titre est tout un programme : « Nous représenter. » Les personnes concernées n’ont-elles pas « vocation » à être les premières productrices des représentations qui les définissent ?
Mots-clés éditeurs : voix, surreprésentation, question rom, invisibilisation, non-représentation, sous-représentation
Date de mise en ligne : 22/05/2018
https://doi.org/10.3917/sr.045.0009Notes
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[1]
Jacques Derrida, « La pharmacie de Platon », La dissémination, Paris, Seuil, 1972, p. 69-197, citations p. 107 (première version publiée en 1968 dans la revue Tel Quel, nos 32 et 33).
-
[2]
Émile Benveniste, « Don et échange dans le vocabulaire indo-européen », L’Année sociologique (1940/1948-), troisième série (1948-1949), p. 7-20, citations p. 9.
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[3]
Roger Chartier, « Pouvoirs et limites de la représentation. Sur l’œuvre de Louis Marin », Annales HSS, mars-avril 1994 no 2, p. 407-418, citation p. 408-409. L’article est repris sous le titre : « Marin, le discours et l’image » dans son recueil : Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et incertitudes, Paris, Albin Michel, 1998, p. 173-191.
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[4]
Ibid., p. 409.
-
[5]
Ibid., p. 412.
-
[6]
Ibid., p. 413.
-
[7]
Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982, en particulier la deuxième partie : « Langage et pouvoir symbolique », p. 97-161.
-
[8]
Éric Fassin, Carine Fouteau, Serge Guichard et Aurélie Windels, Roms & riverains. Une politique municipale de la race, Paris, La Fabrique, 2014 ; voir l’annexe, p. 213-223 : « 2010-2013 : chronologie du pire. Déclarations politiques et médiatiques à l’encontre des Roms et des gens du voyage ».
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[9]
Commission nationale consultative des droits de l’homme, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Année 2013, Paris, La Documentation française, 2014, citation p. 202-203.
-
[10]
Éric Fassin, « Manuel Valls et les Roms : l’impossible procès », 8 octobre 2015 (version courte). En ligne : http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/10/08/manuel-valls-et-les-roms-l-impossible-proces_4785623_3232.html , consulté le 27 février 2018. J’y reprenais la substance de mon témoignage : « Quand le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) s’inquiétait le 15 mai 2015 de “la stigmatisation croissante des Roms par le discours de haine raciale, y compris par des élus politiques”, la France avait répondu que “la justice condamne les propos discriminatoires tenus à leur égard”, et surtout que “l’action du gouvernement ne vise pas des populations particulières mais vise les campements en tant que tels”. Autrement dit, les Roms ne font pas l’objet d’une politique spécifique. Dès lors, l’alternative est simple : soit la France a menti à l’ONU ; soit, si elle dit vrai, les propos de Manuel Valls ne peuvent avoir été proférés “dans l’exercice de ses fonctions”. » Faut-il s’en étonner ? L’argument n’a pas réussi à convaincre les magistrats.
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[11]
Collectif, Les mots (et les actes) pour vivre ensemble, Paris, Le Cherche midi, 2016.
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[12]
Pour compenser cette coupe, j’obtins il est vrai une émission entière de 28 minutes consacrée à la « question rom », le 13 mai 2014.
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[13]
Ce paragraphe supprimé dans la version abrégée de ma tribune sur Lemonde.fr apparaît dans la version complète publiée ce même 8 octobre 2015 sur mon blog : « Manuel Valls et les Roms : procès impossible, ou invisible ? ». En ligne : https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/081015/manuel-valls-et-les-roms-proces-impossible-ou-invisible , consulté le 27 février 2018.
-
[14]
Éric Fassin, « Rien à voir ? D’Ilan à Darius », et la réponse d’Éric Decouty, « Attendons les faits », Libération, 25 juin 2014. Le 26 juin sont publiées en ligne sur le site de Libération ma réponse (« Roms : le déni »), reprise sur mon blog. En ligne : https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/270614/roms-le-deni , consulté le 27 février 2018), et sa nouvelle réponse, non moins désobligeante, qui lui laisse le dernier mot, « L’hypothèse mérite toujours d’être confrontée au réel » (en ligne : http://www.liberation.fr/societe/2014/06/26/l-hypothese-merite-toujours-d-etre-confrontee-au-reel_1051643 , consulté le 27 février 2018.
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[15]
Cette tribune est également reprise sur mon blog. En ligne :
https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/140414/valls-et-les-roms-lirresponsabilite-des-responsables , consulté le 27 février 2018. -
[16]
Voir les analyses du spécialiste d’esthétique Bruno Nassim-Aboudrar, Comment le voile est devenu musulman, Paris, Flammarion, 2014.
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[17]
Sur ce point, voir le dernier chapitre « Sexualité » du livre de Joan W. Scott, La politique du voile, trad. Idith Fontaine et Joëlle Marelli, Paris, Éditions Amsterdam, 2017 [2007], p. 186-209 ; voir le chapitre 8, « Actualité sexuelle du voile », dans la réédition augmentée de l’ouvrage Clarisse Fabre, Éric Fassin, Liberté, égalité, sexualités. Actualité politique des questions sexuelles, Paris, 10/18, 2004, p. 235-285. Sur la pornographie, voir Éric Fassin, Mathieu Trachman, « Voiler les beurettes pour les dévoiler. Les doubles jeux d’un fantasme pornographique blanc », Modern & Contemporary France, vol. 21, no 2, 2013, p. 199-217. DOI : 10.1080/09639489.2013.776736 .
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[18]
Voir « Actualité sexuelle du voile », dans Clarisse Fabre, Éric Fassin, Liberté, égalité, sexualités, op. cit., p. 261.
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[19]
Ismahane Chouder, Malika Latrèche, Pierre Tevanian, Les filles voilées parlent, Paris, La Fabrique, 2008.
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[20]
Éric Fassin, « La race, ça nous regarde ! », Libération, 26 juillet 2013. En ligne : http://next.liberation.fr/culture/2013/07/25/la-race-ca-nous-regarde_920834 , consulté le 27 février 2018.
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[21]
Éric Fassin, « Exhibit B : représentation du racisme et sous-représentation des minorités raciales ». En ligne : https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/291114/exhibit-b-representation-du-racisme-et-sous-representation-des-minorites-raciales , consulté le 27 février 2018 (reprise sur mon blog de ma tribune publiée sous un titre qui n’est pas le mien dans Le Monde du 28 novembre 2014).
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[22]
Voir mon analyse de cet événement et de ces images : « Racisme d’État : un nouveau front républicain ». En ligne : https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/271117/racisme-d-etat-12-un-nouveau-front-republicain , consulté le 27 février 2018.
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[23]
Voir mon article, publié sur le nouveau média en ligne AOC le 13 février 2018 : « L’irruption des contre-publics ». En ligne : https://aoc.media/opinion/2018/02/13/lirruption-contre-publics/ , consulté le 27 février 2018.
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[24]
Nuevas visiones de la comunidad, nuevas identidades gitanas, híbridas y sexualizadas (FFI-2014-53047-R), Ministerio de Economía y Competitividad (2015-2017).
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[25]
Éric Fassin, Aurélie Windels, Carine Fouteau, Serge Guichard, « La question rom », Roms & riverains, op. cit., p. 7-70.
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[26]
Georges Didi-Huberman, Images malgré tout, Paris, Minuit, 2003.
-
[27]
Rithy Panh, L’image manquante, documentaire produit par Arte Éditions, 2013.
-
[28]
Cécile Canut, Gueorgui Jetchev, Stefka Stefanova Nikolova, Mise en scène des Roms en Bulgarie. Petites manipulations médiatiques ordinaires, Paris, Éditions Petra, 2016.
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[29]
Juli Vallmitjana, Teatro de gitanos y de la vida, édition et préface de Joana Masó, présentation et édition critique des textes de Ignasi-Xavier Adiego, traduction de l’espagnol de Marçal Font, Séville, Athenaica Ediciones Universitarias, 2017.
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[30]
Stéphanie Pryen, « On ne peut pas être ami avec un Rom », Le Paria, 5 avril 2017. En ligne : http://leparia.fr/on-ne-etre-ami-rom/ , consulté le 27 février 2018.
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[31]
Tiphaine Samoyault, « Quelle mise en fiction possible du témoignage ? Autour de Zoli de Colum McCann », dans C. Coquio et J.-L. Poueyto (dir.), Roms, Tsiganes, nomades : un malentendu européen, Paris, Karthala, 2014, p. 630.