Notes
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[1]
Madame E.A.R.T.L.A.D.C.S., Avis important d’une femme sur le Sallon de 1785. Par Madame E.A.R.T.L.A.D.C.S. Dédié aux femmes, Paris, 1785, n. p. (Préface).
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[2]
Voir Gen Doy, Women and Visual Culture in 19th-Century France, 1800-1852, New York, Leicester University Press, 1998, 277 p. et Margaret Oppenheimer, Women Artists in Paris, 1791-1814, PhD diss., New York University, 1996.
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[3]
Je me permets de renvoyer à ma thèse « Portraitistes à la plume »: Women Art Critics in Revolutionary and Napoleonic France, PhD diss., University of Kansas, 2007.
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[4]
Pour une présentation de ces théories, voir Sandra Harding (dir.), The Feminist Standpoint Theory Reader, New York, Routledge, 2004, 379 p.
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[5]
Voir Séverine Sofio « Des discours aux pratiques, comment approcher la réalité des rapports de sexe ? Genre et professions artistiques au XIX e siècle », Sociétés & Représentations, n° 24, 2007, p. 177-193.
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[6]
Ces chiffres sont donnés par Margaret A. Oppenheimer dans « ‘The Charming Spectacle of a Cadaver’: Anatomical and Life Study by Women Artists in Paris, 1775-1815 », Nineteenth-Century Art Worldwide, vol. 6, n° 1, printemps 2007 : http://www.19thc-artworldwide.org/index.php/spring07index, consulté le 8 septembre 2015.
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[7]
Richard Wrigley, The Origins of French Art Criticism from the Ancien Régime to the Restoration, New York, Oxford University Press, 1993, p. 351.
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[8]
Sur ce point, voir Dario Gamboni « The Relative Autonomy of Art Criticism », dans Michael R. Orwicz (dir.), Art Criticism and its Institutions in Nineteenth-Century France, New York, Manchester University Press, 1994, p. 186.
-
[9]
Carla Hesse « French Women in Print, 1750-1800: An Essay in Historical Bibliography », Studies in Voltaire and the Eighteenth Century, n° 359, 1998, p. 69. Voir également l’annexe 5 de son ouvrage Publishing and Cultural Politics in Revolutionary Paris, 1789-1810, Los Angeles, University of California Press, 1991, p. 257-259.
-
[10]
Sur la notion de sensibilité dans l’art et la critique, voir L’Invention du sentiment aux sources de romantisme, catalogue d’exposition, Paris, musée de la Musique, 2002, 287 p. ; ainsi que David Marshall, The Frame of Art: Fictions of the Aesthetic Experience, 1750-1815, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2005, 259 p.
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[11]
William M. Reddy, The Navigation of Feeling: A Framework for the History of Emotions, New York, Cambridge University Press, 2000, p. 164.
-
[12]
Louis de Jaucourt, notice « Sensibilité (morale) », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 1751, t. 15, p. 38-52 : http://fr.wikisource.org/wiki/L’Encyclopédie/1re_édition/SENSIBILITÉ, consulté le 8 septembre 2015.
-
[13]
Pour Vivian Cameron, Madame E…S serait une aristocrate formée par Adélaïde Labille-Guiard, et dont le pseudonyme est un anagramme de son nom (voir son article : « Two 18th-Century French Art Critics », Women’s Art Journal, vol. 5, n° 1, 1984, p. 11, n. 2).
-
[14]
J. G. Wille en fait l’éloge au Baron de Sandoz-Rollin, en lui en envoyant un exemplaire. Cette anecdote est rapportée par Richard Wrigley, The Origins of French Art Criticism, op. cit, p. 158-159.
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[15]
Madame E.A.R.T.L.A.D.C.S., Avis important d’une femme sur le Sallon de 1785, op. cit., n. p. (Préface).
-
[16]
Ibid., p. 7.
-
[17]
Ibid., p. 25.
-
[18]
Madame E.A.R.T.L.A.D.C.S., Avis important d’une femme sur le Sallon de 1785, op. cit., p. 28.
-
[19]
Voir Heather Belnap Jensen « Caroline Wuiet, la Baronne Auffdiener (1766-1835) », dans Wendelin Guentner (dir.), Women Art Critics in Nineteenth-Century France. Vanishing Acts, Newark, University of Delaware Press, 2013, p. 327-334.
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[20]
Caroline Wuiet, Sophie, comédie en un acte, et en prose, Paris, De Cailleau, 1787, p. v (Préface).
-
[21]
Caroline Wuiet, « Ma troisième promenade au salon de Peinture », Le Papillon, journal des arts et des plaisirs, n° 5, 11 thermidor an VI [29 juillet 1798], p. 37.
-
[22]
Caroline Wuiet, « Première promenade au Sallon de Peinture », Le Papillon, journal des arts et des plaisirs, n° 1, 7 thermidor an VI [25 juillet 1798], p. 5-6.
-
[23]
Thomas E. Crow, Emulation. David, Drouais and Girodet in the Art of Revolutionary France, New Haven/Londres, Yale University Press, 2006, p. 214.
-
[24]
Caroline Wuiet, « Sixième promenade au Musée des Arts », Le Phénix, n° 32, 8 fructidor an VII, p. 253.
-
[25]
Marie-Madeleine Jodin, Vues législatives pour les femmes adressées à l’Assemblée nationale, Angers, Chez Mame, 1790.
-
[26]
Voir Felicia Gordon, Marie-Madeleine Jodin, 1741-1790: Actress, Philosophe, Feminist, Burlington, Ashgate, 2002, 236 p.
-
[27]
Marie-Madeleine Jodin, Vues législatives pour les femmes, op. cit., p. 19.
-
[28]
Ibid., p. 17-18.
-
[29]
Claire Réguis, comtesse Lenoir-Laroche, La Grèce et la France, ou réflexions sur le tableau de Léonidas de M. David, adressées aux défenseurs de la patrie, par une française, suivies de la correspondance d’un officier d’artillerie, pendant la campagne de 1814, et de différentes pièces relatives à cette époque, Paris, 1815.
-
[30]
Gen Doy, Women and Visual Culture in 19th-Century France, op. cit., p. 144.
-
[31]
Pour des données biographiques sur Lenoir-Laroche, voir Robert Amadou « Le Calvaire des lauriers de Madame Lenoir-Laroche », Trésor martiniste, Paris, Villain et Belhomme, Éditions Traditionnelles, 1969, p. 185-228.
-
[32]
Claire Réguis, comtesse Lenoir-Laroche, La Grèce et la France, op. cit., p. 8.
-
[33]
Ibid., p. 10.
-
[34]
Voir Stéphanie-Félicité de Genlis, Mémoires inédits de Madame la comtesse de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française depuis 1756 jusqu’à nos jours, 2e éd., t. 3, Paris, 1825, p. 102-104.
-
[35]
Pour Michael Polowetsky (A Bond Never Broken: The Relations between Napoleon and the Authors of France, Toronto, Associated University Press, 1993, p. 142-143), « l’auteur le plus prolifique et sans doute le plus lu de la période révolutionnaire et impériale n’est ni Châteaubriand, ni de Staël, mais plutôt Mme de Genlis ».
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[36]
Stéphanie-Félicité de Genlis, Veillées du château, ou cours de morale à l’usage des enfants, Paris, Lecointe & Durey, 1826, vol. 4, 334 p.
-
[37]
Voir Anne L. Schroder « Going Public Against the Academy in 1784: Mme de Genlis Speaks Out on Gender Bias », Eighteenth-Century Studies, vol. 32, n° 3, 1999, p. 377-382.
-
[38]
Stéphanie-Félicité de Genlis, Veillées du château, op. cit., p. 194.
-
[39]
Voir mon texte « Diversionary Tactics: Art Criticism as Political Weapon in Staël’s Corinne, ou l’Italie (1807) », dans Waltraud Maierhofer, Gertrud M. Rösch et Caroline Bland (dir.), Women Against Napoleon, New York, Campus Verlag, 2007, p. 161-185.
-
[40]
Germaine de Staël, Corinne ou l’Italie, Paris, éd. Simone Balayé, rééd. Paris, Gallimard, 1985, p. 234.
-
[41]
Voir la thèse de Karyna Szmurlo, Le Désir d’expansivité dans l’esthétique de Madame de Staël, PhD diss., Rutgers University, 1981.
-
[42]
Germaine de Staël, Corinne ou l’Italie, op. cit., p. 234.
-
[43]
Mechthild Fend, Melissa Hyde et Anne Lafont (dir.), Plumes et pinceaux. Discours de femmes sur l’art en Europe (1750-1850), vol. 1, Paris, Presses du Réel, 2012, 336 p. Voir aussi Wendelin Guentner (dir.), Women Art Critics in Nineteenth-Century France, op. cit.
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[44]
Amélie-Julie Candeille, Notice biographique sur Anne-Louis Girodet et Amélie-Julie Candeille pour mettre en tête de leur correspondance secrète, MS, Paris, Bibliothèque nationale, Nouvelles acquisitions françaises, n° 665, 1829, p. 456-488. Je remercie Robert Adelson et Jacqueline Lezter de m’avoir permis d’utiliser leur transcription.
Dans ce siècle aimable, brillant des succès & de la gloire de mon Sexe, pourquoi me condamnerois-je au silence honteux d’une fausse timidité ou de l’ignorance ? Je suis Femme, Françoise, & Peintre ; j’ai droit à votre confiance, à votre accueil, à celui du Public, mais je n’accepte ni le vôtre, ni le sien ; je veux le mériter [1].
1 C’est ainsi que, dès les premières lignes de son Avis important d’une femme sur le Sallon de 1785, Madame E.A.R.T.L.D.C.S. proclame fièrement son droit à prendre part au champ naissant de la critique d’art. Dans la plupart des ouvrages de synthèse portant sur les beaux-arts de la fin du XVIII e et du début du XIX e siècle en France, il est sous-entendu que les femmes furent rares dans ce domaine – sinon comme modèles ou comme muses bien sûr. Quelques travaux récents ont pourtant montré que les femmes étaient nombreuses parmi les artistes, les mécènes, les critiques ou au sein du public à cette époque [2]. À l’issue d’une recherche sur les femmes critiques d’art sous la Révolution et l’Empire, j’ai pu constater que, même si elles y étaient clairement minoritaires, la critique d’art s’est révélée l’un des espaces de production culturelle les plus accueillants pour elles [3]. Entre 1785 et 1815, quelques écrivaines, anonymes ou renommées, certes peu nombreuses mais relativement visibles, ont écrit sur les beaux-arts dans la presse, dans des romans, des guides touristiques, des mémoires… Or, l’analyse de ces textes montre que bien des critiques féminines ont mis au premier plan leur appartenance de sexe, jusqu’à en faire l’origine d’un point de vue privilégié et d’une perspective pénétrante tant sur les œuvres produites par leurs contemporains que sur la société de leur temps.
2 Cette idée est proche de ce qu’aujourd’hui on nomme la théorie féministe du point de vue (standpoint theory). Selon celle-ci, les manières de voir d’un individu sont façonnées à la fois par son expérience dans l’espace social et par la confrontation aux autres groupes sociaux. D’après les théoriciennes féministes du point de vue, le genre est un facteur particulièrement important dans la construction de la vision du monde que l’on peut avoir. La position d’un sujet, selon qu’il est à l’extérieur ou en marge de l’espace social considéré, contribue à éveiller ce que l’on pourrait appeler une « conscience oppositionnelle », à la source d’une émancipation pour celles et ceux dont les perspectives sont généralement ignorées (au mieux) ou méprisées (au pire). Parce que leur position d’« outsiders de l’intérieur » est unique, ces personnes peuvent développer une perspective plus nuancée sinon plus objective sur l’espace social [4].
3 Je propose ici d’étudier six femmes critiques d’art qui ont considéré, non comme un handicap mais comme une force, leur position à la périphérie de l’institution de la critique d’art. Elles furent en mesure de produire des textes particulièrement audacieux, à partir du point de vue unique que, en tant que femmes, elles revendiquaient sur la société. Capitalisant sur leur place d’outsiders vis-à-vis de l’institution vénérable et masculine de l’Académie, ces critiques ont défendu les artistes femmes comme membres à part entière du monde de l’art. Elles ont mis en avant leur prédisposition « naturelle » à la sensibilité et à la morale, et l’ont utilisée à leur avantage au même titre que leur perspective sincère et spontanée (donc impartiale) sur les beaux-arts. Surtout, elles ont plaidé en faveur de l’idée d’un lien particulier des femmes à une forme de vertu qui serait supérieure à celle des hommes ; elles ont ainsi promu des idées esthétiques ou culturelles alternatives, remis en cause des préjugés sur les capacités des femmes, et revendiqué leur droit à une place dans le champ de la critique d’art.
Planter le décor : les femmes, la critique et la publication
4En France, cette époque s’est caractérisée par une multiplication significative des opportunités pour les femmes dans le monde de l’art. Après les années 1780, au cours desquelles des peintres comme Adélaïde Labille-Guiard et Élisabeth Vigée-Lebrun ont atteint la consécration, la Révolution a provoqué un certain nombre de bouleversements dans les offres en matière de formation artistique, de lieux d’exposition ou de mécénat ; ces changements ont notamment facilité les carrières de femmes issues de milieux moins favorisés – petite bourgeoisie ou classes populaires – dans les beaux-arts et les arts appliqués [5]. Ainsi, tandis que seules trois femmes avaient pu exposer au Salon de 1789, y avait-il 49 exposantes au Salon de 1802, 76 en 1810 et 84 en 1819 [6]. Dès lors, bien que Napoléon n’ait jamais été un grand défenseur des droits des femmes, sa politique active de promotion des arts industriels a, contre toute attente, eu pour effet d’encourager la professionnalisation des femmes. C’est justement au cours de ces années que l’association des femmes avec les beaux-arts devient un motif de discours à la mode.
5 Cette période est également marquée par le développement de la critique d’art, qui est alors un domaine récent. L’accès à l’activité de critique n’est alors conditionné ni par une formation particulière, ni par des règles professionnelles, ni par l’usage d’un médium particulier. Ainsi que Richard Wrigley l’a montré : en cette fin du XVIII e siècle, tout le monde peut se faire critique, du provincial visitant le Salon pour la première fois jusqu’à l’académicien [7]. Il est donc probable que les femmes ont été plus facilement accueillies dans le domaine de la critique d’art, que dans d’autres espaces culturels aux frontières plus rigides. Les femmes sont, toutefois, restées largement minoritaires dans cette institution presque exclusivement masculine : on compte, par exemple, seulement une douzaine d’auteures écrivant sous leur nom dans la presse périodique au cours des années 1785-1815. Un nombre plus important de femmes, cependant, écrit sur l’art en utilisant d’autres supports, tels que les romans, les journaux de voyage, les mémoires ou les correspondances – autant de genres qui ne doivent pas être oubliés dans l’étude de la critique d’art au XIX e siècle [8]. Je considérerai ici quelques exemples significatifs de critiques publiées par des femmes dans des périodiques, des brochures politiques et des romans, en allant des espaces perçus comme les plus légitimes de la critique d’art jusqu’aux supports les moins habituels.
6 Parmi les évolutions majeures que connaît le monde de l’édition et de la presse à ce moment en France, on peut évoquer les progrès techniques, la dérégulation de la presse durant la période révolutionnaire et le retour de la censure sous l’Empire. Parallèlement, les déclassements provoqués par la Révolution dans certaines familles ont contraint nombre de femmes des milieux aisés à trouver un moyen de gagner leur vie : l’espace littéraire leur offre alors ce type d’opportunités. Carla Hesse a, par exemple, identifié 73 femmes ayant publié des ouvrages ou des articles dans la presse entre 1754 et 1765 en France, contre 330 entre 1789 et 1800 [9]. En outre, nombre de gravures et de tableaux de cette époque montrent des femmes de la bourgeoisie dans les musées : elles y sont représentées comme copistes, comme simples spectatrices ou comme interlocutrices de leurs compagnons ; cette banalisation de l’image de la femme-au-musée a certainement contribué à normaliser les aspirations des femmes, à ce moment, à investir la critique d’art.
7 Si les femmes critiques d’art envisagées dans cet article sont plutôt situées à l’extérieur ou à la périphérie des instances majeures du monde de l’art sous la Révolution, nombre d’entre elles sont issues des milieux privilégiés et peuvent se prévaloir d’une excellente éducation, ce qui fait d’elles des membres de plein droit des cercles lettrés de leur époque. À leur détriment, néanmoins, elles n’ont, le plus souvent, pas suivi de formation artistique (ce qui reste un élément valorisé pour pratiquer la critique d’art) et ne sont donc pas membres des réseaux associés, officiellement ou non, à l’Académie. De plus, contrairement à des critiques reconnus, comme Charles Landon ou Jean-Baptiste Bon Boutard, elles n’écrivent pas régulièrement pour des journaux importants, mais publient ponctuellement, soit dans des périodiques culturels peu connus, soit dans des genres littéraires où elles étaient davantage acceptées en tant que femmes. Ces femmes critiques d’art sont donc des électrons libres qui, parce qu’elles travaillent dans les marges des systèmes élitistes du monde de l’art français, peuvent offrir une critique censément plus impartiale que celle proposée par les critiques masculins qui sont, eux, parfaitement intégrés au monde de l’art. Car même si l’activité de critique d’art ne constitue pas à ce moment une profession autonome, les critiques hommes restent alors perçus comme plus légitimes dans ce domaine que les femmes, plus volontiers soupçonnées d’amateurisme.
8 Pour la plupart, ces écrivaines n’ont donc pas les moyens d’impressionner leurs lecteurs avec leur érudition historique ou leur maîtrise du vocabulaire technique lié à la pratique des arts, mais elles tirent, en revanche, avantage de leur « nature » sensible et de leur capacité à répondre émotionnellement aux œuvres d’art [10]. La sensibilité et la morale sont, en effet, inextricablement liées dans la pensée du XVIII e siècle et considérées comme centrales pour le maintien d’une société honnête. Comme l’explique William Reddy :
Le sentimentalisme offrait implicitement de nombreuses recettes pour émouvoir. Selon ses partisans, la pitié, la bienveillance, l’amour et la gratitude participaient d’un seul et même sentiment naturel, qui se trouvait à la racine de la morale et à la fondation de tous les liens sociaux. Stimuler ces sentiments, en outre, était la meilleure protection contre les passions turbulentes et une nécessaire incitation à la vertu [11].
10 Bien qu’elle ne soit alors absolument pas perçue comme un monopole des femmes – songeons seulement aux écrits de Châteaubriand ou de Constant – la sensibilité morale apparaît bien comme une qualité sexuée. Dans l’Encyclopédie, Louis de Jaucourt, par exemple, explique que « [l]a sensibilité d’âme […] donne une sorte de sagacité sur les choses honnêtes & va plus loin que la pénétration de l’esprit seul. […] La réflexion peut faire l’homme de probité ; mais la sensibilité fait l’homme vertueux. La sensibilité est la mère de l’humanité [12] ». Cette idée est particulièrement présente dans l’esprit de tous ceux qui écrivent dans les années qui suivent la Révolution française. Or, bien des femmes qui écrivent sur l’art mettent en avant la fidélité de leur sexe au principe d’une supériorité morale, dans la mesure où les hommes, qui disposent d’un plus grand pouvoir politique ou institutionnel, ont ostensiblement échoué à maintenir ces valeurs fondatrices d’une société vertueuse.
La critique des Salons dans la presse
11Les femmes qui écrivent sur l’art dans la presse sous la Révolution et l’Empire sont issues de différents milieux sociaux et adoptent des manières variées de mettre en œuvre leur activité de critique. Tandis que certaines revendiquent une formation d’artiste, parsemant leurs textes de termes techniques, d’autres préfèrent insister sur leur statut de néophyte et discuter les œuvres dans une optique généraliste. Si certaines dépendent de leur plume pour gagner leur vie, d’autres, semble-t-il, produisent de la critique pour d’autres raisons. Et tandis que quelques-unes adoptent un ton assuré qui commande le respect, les autres minimisent l’importance de leurs écrits. Beaucoup publient sous pseudonyme. Une étude des articles sur l’art publiés par des femmes dans la presse révèle une extraordinaire richesse et une réelle variété, comparables de fait à celles qui caractérisent alors les écrits de leurs confrères. Mais un élément distingue la critique produite par des femmes de celle produite par des hommes : il s’agit du fait que les femmes sont nombreuses à rapporter elles-mêmes leurs opinions à leur sexe, affirmant qu’en tant que femmes, elles possèdent une sensibilité accrue au Beau et au Bien, et un sens moral supérieur à celui des hommes. Pour beaucoup d’entre elles, en effet, l’implication des hommes dans les instances politiques et artistiques rend suspecte leur volonté de publier leurs opinions dans la presse : autrement dit, il ne faut lire qu’avec méfiance les textes de ces auteurs dont le désintéressement n’est pas garanti.
12 La brochure critique parue sous le titre : Avis important d’une femme sur le Sallon de 1785, par Madame E.A.R.T.L.A.D.C.S. dédié aux femmes, témoigne de la manière dont certaines femmes critiques considèrent alors leur sexe comme central dans cette entreprise [13]. Considéré par un contemporain comme la meilleure critique parue sur cette exposition [14], ce texte met à plusieurs reprises au premier plan le sexe de son auteure. Revendiquant son identité de femme, de peintre et de citoyenne française, ainsi que sa capacité à mériter la confiance de ses lecteurs, voici ce qu’écrit Madame E…S dans ses remarques préliminaires :
Et si ce frivole ouvrage ne me les obtient pas, mes essais, mes efforts multipliés, la vivacité, l’infatigabilité de mon ardeur, les arracheront à vous, à tous mes contemporains. Je convaincrai décidément ce sexe hautain, qui doute encore des puissances morales des Femmes, que nous avons pu, que nous pouvons, que nous pourrons toujours, dans la carrière des Arts & des Sciences, marcher fièrement ces égales [15].
14 Madame E...S évoque ensuite les soupçons habituels des hommes face à la force morale des femmes et entreprend de prouver à ses contemporains – artistes et critiques hommes – que leur définition de la vertu n’est pas correcte. Ainsi, l’auteure revient sur le commentaire d’un critique (qu’elle décrit comme « un homme d’esprit, mais qui pense à la mode ») qui s’était moqué des réactions des spectateurs émus devant une œuvre d’art ; elle lui répond ceci :
Moi, Femme, conséquemment compatissante & foible, j’ai la bonhomie de m’attendrir par la seule pensée de la mort d’un grand Homme, défenseur de sa Patrie & victime de son amour pour elle ; j’imagine même que je ne suis pas seule affectée par cette image, & je me persuade que ce sujet intéressera toujours, quand il sera traité dans la vérité, dans les passions & dans les convenances [16].
16 Madame E…S soutient par conséquent l’idée que la sensibilité propre à son sexe fait d’elle une meilleure interprète des œuvres, comparée aux critiques hommes qui se laissent moins atteindre par celles-ci ; cette caractéristique devient, au cours de son texte, une véritable vertu. De même, lorsqu’elle célèbre les actions des héroïnes représentées dans les tableaux, à l’instar de l’Arria de François Vincent (Arria et Paetus, 1785), dont le « visage conserve encore un air de sérénité & de fermeté que troublent à peine les vives douleurs & les approches d’une mort cruelle & précipitée » ; lorsqu’elle dénigre, à l’inverse, « l’attitude forcenée de Paetus », elle propose une vision alternative de l’héroïsme qui ne serait plus conçu comme le monopole des hommes [17].
17 Madame E…S évoque également les obstacles auxquels sont confrontées les artistes femmes dans un monde de l’art qui reste dominé par les hommes. Dans son commentaire des toiles exposées par Labille-Guiard, elle revient sur le fait que le style de l’académicienne était alors qualifié de « masculin », montrant ce que ce qualificatif pouvait avoir de misogyne pour une peintre femme :
C’est un homme que cette femme-là, entends-je dire sans cesse à mon oreille. Quelle fermeté dans son faire, quelle décision dans son ton & quelles connaissances des effets, de la perspective des corps, du jeu des grouppes & enfin de toutes les parties de son art. C’est un homme, il y a quelque chose là-dessous ; c’est un homme. Comme si mon sexe étoit éternellement condamné à la médiocrité, & ses ouvrages à porter toujours le cachet de sa débilité & de son antique ignorance [18].
19 Ne se préoccupant pas des répercussions que pourrait avoir son audace, Madame E…S mobilise les traditions critiques établies du sarcasme et de la satire « à la Voltaire » pour se moquer des vieux stéréotypes sur les femmes que ses contemporains hommes continuent pourtant d’utiliser.
20 Ce sont les mêmes procédés rhétoriques qu’emploie Caroline Wuiet (1766-1835), baronne Auffdiener, lorsqu’elle évoque les artistes femmes dans ses critiques du Salon ou lorsque, comme Madame E…S, elle met en évidence sa position de femme. L’éducation privilégiée dont Wuiet a bénéficié à la cour de Marie-Antoinette – elle y a étudié la peinture avec Jean-Baptiste Greuze, la littérature avec Pierre de Beaumarchais et la musique avec André Grétry – lui a fourni les ressources nécessaires pour ses activités de critique dans la presse culturelle. Pendant la Révolution, Wuiet est musicienne et se produit dans des concerts dans toute l’Europe ; membre des cercles lettrés, elle est introduite à l’Académie des Arcades à Rome où elle obtient le titre d’« académicienne » – titre qu’elle ajoute volontiers à la signature de ses textes, se présentant ainsi d’emblée comme une intellectuelle. Elle semble avoir utilisé ses contacts pour devenir journaliste sous le Directoire. Dans ses journaux, Le Papillon et Le Phénix, Wuiet publie plusieurs comptes rendus du Salon de 1798, ainsi que d’autres textes sur les beaux-arts [19].
21 Wuiet est parfaitement consciente des barrières qu’en tant que femme elle doit surmonter pour être reconnue comme auteure. À propos de sa jeunesse, elle explique :
Mon père, instruit & libre, joignit à l’Art qu’il m’avait montré, les connaissances nécessaires aux hommes ; il régla mon éducation, forma mon cœur, & me donna un caractère sûr & ferme ; il développa dans mon âme l’avidité courageuse de la gloire. Je sentis que mon sexe pouvait y prétendre, en oubliant long tems qu’il étoit né pour plaire & pour aimer [20].
23 À l’instar de Madame E…S, Caroline Wuiet aborde le sujet des artistes femmes : dans sa troisième promenade au Salon (sur les neuf de cette série), elle fait l’éloge des œuvres de grande qualité que ces dernières exposent au Salon de 1798, adressant cette remarque condescendante à son lectorat masculin :
[V]ous voudriez bien, messieurs les incrédules, en être les créateurs ; mais sans vous, et malgré vous, ces jolis enfans passeront à la postérité avec le nom de leur mère. J’en aurais encore d’autres à nommer, qui rivalisent avec nos génies ; mais ce n’est pas savoir louer que d’intimider la modestie [21].
25 En parlant de ces œuvres comme d’enfants engendrés par des femmes seules, Wuiet fait une analogie provocante entre création et procréation. De même, elle offre, dans son commentaire sur le tableau Psyché et l’Amour (1798) de François Gérard, une perspective étonnante sur cette œuvre, en mettant en évidence ce que peut être la critique, du point de vue d’une spectatrice :
[L]es femmes trouvent le regard de Psiché plus qu’insignifiant, c’est celui de l’innocence étonnée ; elle réfléchit au plaisir qu’elle éprouve, à la pression voluptueuse de deux bras caressans ; elle ne se livre point encore, elle s’interroge. Que le voile qui la couvre est aërien : on serait fâché qu’il pût se détacher, il semble que les grâces qu’il recèle pourraient s’évaporer ; je ne sais, mais cette Psiché doit ressembler à la femme qu’on a le mieux aimée, comme on doit retrouver dans son amant quelques-uns des traits de celui qu’on n’ose nommer [22].
27 Tableau vedette du Salon de 1798, la Psyché de Gérard accumule les éloges et provoque l’enthousiasme du public [23]. Mais Wuiet explique que les femmes qui voient ce tableau ne sont pas convaincues par le rendu idéalisé de Psyché. En suggérant qu’il s’agit là de la représentation artificielle et improbable de la féminité, Wuiet introduit le point de vue réaliste d’une femme dans le discours critique.
28 La question du désir féminin est un motif récurrent dans ses « promenades au Salon ». Ainsi, à propos du Socrate et Alcibiade rendant visite à Aspasie de Nicolas-André Monsiau (1798) qui est un peintre consacré, Wuiet déplore « l’invraisemblance » de l’interaction qui a lieu entre les deux protagonistes masculins, ainsi que l’incapacité manifeste de l’artiste à rendre le vrai caractère d’Aspasie, la maîtresse de Périclès, qui était une femme d’une grande intelligence et d’une grande beauté. Wuiet critique donc directement Monsiau, et lui fait, en outre, quelques suggestions pour améliorer sa représentation d’Aspasie :
J’aurais donc voulu qu’Aspasie fut environnée de tout le luxe athénien, que sa tête, à moitié voilée, fut couverte des trésors de l’Afrique, que ses draperies eussent été tissues par les Tyriens, que sa tunique ondoyante eut été attachée sur son épaule d’ivoire, par une agraffe scintillante : j’aurais voulu plus d’expression dans ses traits, plus de grâce dans toutes ses formes… [24]
30 Puis Caroline Wuiet entreprend de rédiger une lettre imaginaire, adressée par Alcibiade – le protégé de Périclès – à Aspasie, recourant ainsi au procédé de la critique épistolaire introduit par Diderot et adopté par bien des auteurs masculins de la fin du XVIII e siècle. Toutefois, la place d’honneur que Wuiet accorde au génie féminin dans cette lettre n’a rien de banal : non seulement elle accorde beaucoup d’attention au personnage féminin qu’elle met au premier plan (contrairement au peintre), mais elle revendique, par ailleurs, sa capacité, en tant que femme et en tant qu’intellectuelle, à rendre cette histoire avec davantage de vérité que Monsiau, peintre et homme. Ainsi, avec ce commentaire du Socrate et Alcibiade de Monsiau, Caroline Wuiet expose son objectif qui est de mettre les femmes au centre du monde de l’art – qu’elles soient sujets d’œuvres, artistes ou spectatrices.
La critique d’art politisée
31Dans un texte polémique écrit en 1790, Vues législatives pour les femmes, adressées à l’Assemblée nationale – considéré comme le premier manifeste de la Révolution signé par une femme – Marie-Madeleine Jodin (1741-1790) condamne, dans un même mouvement, les philosophes hommes, les politiciens et les artistes hommes, au nom de leur tendance à céder au vice [25]. Fille d’un horloger suisse, Jodin s’est élevée hors de sa condition sociale modeste en entrant comme actrice à la Comédie Française, puis en se faisant connaître comme intellectuelle et comme militante. Surtout, Jodin est devenue la protégée du fameux philosophe et critique d’art Denis Diderot, qui a facilité son ascension sociale et, peut-être, son goût pour l’art contemporain [26]. Bien qu’elle n’appartienne pas exactement à la même génération que les autres critiques évoquées dans cet article, elle développe, dans sa pratique de critique, une perspective tout à fait comparable à celle de ces dernières, en ce qu’elle met en avant comme un privilège à la fois son sexe et sa position marginale dans la vie politique. Dans ses Vues législatives pour les femmes, elle revient sur le comportement des hommes et des femmes célèbres dans l’Antiquité classique, car l’histoire, selon elle, est l’illustration de l’existence d’une différence essentielle entre la moralité des femmes et celle des hommes. Elle répète ainsi :
L’amour de la patrie, de la liberté & de la gloire, anime autant notre sexe que le vôtre, Messieurs ; nous ne sommes point sur la terre une autre espèce que vous ; l’esprit n’a point de sexe, non plus que les vertus ; mais les vices de l’esprit & du cœur appartiennent presque exclusivement au vôtre [27].
33Ce qui nous intéresse ici, en particulier, c’est le fait que Marie-Madeleine Jodin intègre dans ce texte politique une critique des toiles les plus estimées de l’École française. Ce n’est pas à leurs caractéristiques formelles qu’elle s’intéresse, mais plutôt à leur sujet et à la manière dont ces peintures représentent la vertu. Comme Diderot, son bienfaiteur, elle est préoccupée par l’immoralité de l’art de son époque, mais ses reproches s’adressent alors davantage à cet égard à Jacques-Louis David et ses pairs, qu’à leurs prédécesseurs rococo. Elle condamne la manière dont ses contemporains, dans le domaine politique comme dans le domaine artistique, font systématiquement l’éloge des grands dirigeants romains, ainsi que de leurs opinions et de leurs actions. Elle estime que cet art laisse les femmes froides et leur supériorité morale les empêche d’approuver que de tels sujets et de telles valeurs soient portés au pinacle dans les cercles du pouvoir.
Nous avons cet avantage sur vous, Messieurs, que nos femmes de lettres n’ont jamais trempé leur plume, dans le fiel de la Satyre […]. Il ne seroit pas difficile, par l’abus de l’esprit, de flétrir vos lauriers, en analysant les actes d’héroïsme, qui ont immortalisé les héros, dont les noms ont retenti jusqu’à nous. Cette action d’Horace, par exemple, si vantée dans l’histoire, ne seroit considérée, que comme l’action d’un soldat adroit & fortuné, qui dût plutôt son triomphe à la confiance de ses adversaires, à leur négligence, qu’à son courage. Un Brutus & un Manlius, qui font mourir leurs enfans, contre l’avis des Sénateurs, & malgré les prières du peuple, paroîtroient plutôt barbares, que d’ardens citoyens [28].
35Ce passage évoque les sujets de tableaux d’histoire fort célèbres à ce moment, telles que Les Licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils (1789) et le Serment des Horaces (1785) de David, ou bien Manlius Torquatus condamnant son fils à mort de Jean-Simon Berthélémy (1785). En suggérant que de telles œuvres idéalisent des hommes corrompus, Jodin est totalement à contre-courant de son époque et se met à dos tant les élites du monde de l’art que celles du monde politique. Affirmer que les femmes de lettres françaises ne se sont pas abaissées à défendre les actes barbares de ces soi-disant héros de l’Antiquité est une prise de position subversive – qui n’est pas sans évoquer la théorie féministe du point de vue. L’objectif de Jodin, ici, est de convaincre ses lecteurs que les femmes doivent être pleinement intégrées au tissu social. Écrivant à un moment historique décisif où la question de la vertu civique est au centre de tous les débats et où une participation accrue des femmes à la vie politique semble encore possible, Jodin, comme Olympe de Gouges que l’on connaît mieux, se réclame de la pratique distinctive, par les citoyennes, d’une vertu supérieure.
36 Les réflexions autour de la morale sont également au cœur de La Grèce et la France, ou réflexions sur le tableau de Léonidas de M. David, un ouvrage publié en 1815par Claire Réguis, comtesse Lenoir-Laroche (1762-1821) [29] ; il s’agit, en fait, d’une fraction d’un travail plus vaste, entrepris en 1813 mais jamais publié, intitulé Principes du beau dans les arts, considérés dans leurs rapports avec les idées morales et religieuses. Gen Doy note que cet ouvrage inclut également un certain nombre de lettres d’un officier artilleur, tué au combat ; les lettres étant adressées à sa mère, Doy en déduit qu’il s’agit de Lenoir-Laroche [30].
37 Largement consacrée au Léonidas, la fameuse toile de David qui avait été exposée au Salon l’année précédente, l’ouvrage polémique de Lenoir-Laroche est un plaidoyer en faveur de la critique par les femmes [31]. Dans son texte, elle fonde stratégiquement la légitimité de son incursion dans la critique d’art sur le privilège d’être une femme et sur son profond patriotisme. Dans ses remarques préliminaires, Lenoir-Laroche clarifie son objectif :
Pour moi, j’ai retrouvé dans mon cœur le sentiment de l’admiration pour les Guerriers français ; en m’occupant d’eux, je suis arrivée naturellement aux principes du beau, je leur adresserai les méditations mélancoliques d’une femme profondément affligée. Le Tableau de Léonidas m’a frappé plus qu’un autre, par le sentiment douloureux dont j’étois pénétrée ; le dévouement des Spartiates me rappeloit le souvenir de nos Héros [32].
39 C’est sa position de « femme profondément affligée » qu’elle souligne à plusieurs reprises. Dans un passage, elle prie les soldats français – le lectorat auquel elle s’adresse – d’excuser son audace et demande : « En vous adressant les considérations sur le Tableau de Léonidas, je ne prétends pas vous louer : qui suis-je pour parler dignement de vous ? Mais il doit être permis à une femme, qui a dévoué sa vie au deuil pour la patrie, d’adoucir sa douleur par le souvenir de votre gloire [33]! » Car, leur rappelle-t-elle, de bons et vrais citoyens français lui accorderaient le droit de parler d’art ; agir autrement serait cruel et antipatriotique. Il faut, en outre, avoir en tête que Lenoir-Laroche écrit en 1815 qui est une période troublée : évoquer la gloire de « nos Héros » (les soldats de Napoléon) et de David (un artiste notoirement bonapartiste) est une prise de position particulièrement courageuse à ce moment.
La critique d’art dans le roman
40Durant la période considérée ici (1785-1815), le roman, qui a particulièrement bénéficié des évolutions de cette époque dans le monde éditorial, demeure le principal support pour la critique d’art produite par les femmes. Après la Révolution, le nombre de romans publiés augmente brutalement et les femmes sont alors les principales productrices et consommatrices de ces publications. Certaines femmes se font ainsi critiques d’art romancières pour éduquer leurs lecteurs et, ainsi, façonner le goût populaire : quelques auteures, parmi les plus reconnues à cette époque, telles que Germaine de Staël (1766-1817), Stéphanie-Félicité de Genlis (1746-1830) ou Juliane de Krüdener (1764-1824) ont ainsi publié des romans contenant des commentaires sur les œuvres d’art ou des considérations esthétiques.
41 Le lien entre les femmes, la morale et les arts visuels est un leitmotiv dans l’œuvre de Stéphanie-Félicité, comtesse de Genlis, auteure de romans mettant en scène des artistes femmes, de traités pédagogiques et d’autres ouvrages encore. Née dans une famille de la noblesse, Genlis a épousé un aristocrate et fréquenté les membres de la société la plus privilégiée de la France d’Ancien Régime. Attachée à la famille d’Orléans, elle la sert d’abord comme suivante, puis comme gouvernante des fils du duc de Chartres. Écrivaine prolifique, Genlis acquiert une telle réputation dans les cercles lettrés qu’en 1782, certains membres de l’Académie française proposent son élection – si elle n’avait décliné la proposition (qui ne fut plus jamais réitérée), elle aurait été la première femme dans leurs rangs [34]. Ses ouvrages traitant des beaux-arts, comme ses Veillées du château, ou cours de morale à l’usage des enfants (1784), ou Sainclair, ou la victime des sciences et des arts, et son pendant, Hortense, ou la victime des romans et des voyages (1808), ainsi que Les Fleurs, ou les artistes (1810), illustrent la manière dont les femmes ont pu investir la critique d’art en passant par le roman.
42 Dans ses Veillées du château, Genlis montre que les femmes peuvent être d’excellentes porte-parole pour les non-spécialistes, dans la mesure où leurs observations – qui ne sont pas biaisées par une appartenance à l’Académie – sont plus fiables que celles qui viennent de l’intérieur du monde de l’art. Ce roman connaît un succès populaire considérable : la première édition est épuisée en huit jours ; il est rapidement traduit en plusieurs langues et connaît au moins soixante éditions dans toute l’Europe avant la fin du XIX e siècle [35]. Son dernier volume porte sur les artistes femmes dans l’histoire, et est complété d’un appendice retraçant la lignée des femmes peintres et sculpteurs en Occident [36]. Dans ce « roman artistique », Mme de Clémire aborde le sujet des artistes femmes lorsqu’elle amène ses enfants visiter certains des hauts lieux de l’art à Paris, tels que le Salon du Louvre et la Galerie du Luxembourg. Genlis oriente la conversation de ses personnages autour de la peintre contemporaine Élisabeth Vigée-Lebrun notamment [37]. Les premières toiles qu’aperçoivent les enfants, dans le roman, sont de la main de la fameuse portraitiste, et voici comment se développe la conversation :
[Mme de Clémire] [S]i elle n’avoit qu’un talent agréable, elle ne recevroit que des hommages, elle n’entendroit que des flatteries ; mais elle s’avise de peindre des tableaux d’histoire, […] [et] elle n’est effacée par aucun académicien ; il faut convenir que cela est étrange et révoltant…[Les enfants] Maman, M. l’abbé m’a dit que les journalistes rendoient compte des tableaux exposés au salon ; je crois qu’ils ont bien loué ceux de madame le B** [Lebrun].[Mme de Clémire] Ils ont trop de prudence et de circonspection pour oser louer une femme qui se distingue véritablement. Généreux et compatissans, ils sont remplis d’égards pour les envieux, ils les consolent autant qu’ils peuvent. Le public n’admire que le mérite supérieur ou les travaux utiles ; pour eux, ils ne protègent que le foible, ils ne vantent que les petits talens [38].
44Plusieurs femmes critiques d’art se présentent ainsi comme des porte-parole pour le peuple, revendiquant une position de supériorité par rapport à celle des académiciens ou des journalistes (hommes). De plus, l’utilisation par Genlis d’une forme narrative dans laquelle une mère fait l’éducation de ses enfants, est – me semble-t-il – tout à fait remarquable : de cette manière, elle sous-entend non seulement que ceux qui sont traditionnellement maintenus à l’écart des débats esthétiques (les femmes et les enfants) ont le droit de d’être éduqués sur ces questions, mais aussi que l’éducation artistique est finalement une nécessité pour toute la population.
45 Dans le roman Corinne, ou l’Italie (1807) qui connaît un grand succès, Germaine de Staël propose l’un des plus importants ensembles de textes de critique d’art par une femme de la période impériale. Elle y défend l’intérêt d’une perspective féminine sur l’art, et se réfère, dans le processus, aux débats théoriques de son temps sur l’art et sur les œuvres. Dans le Livre VIII de Corinne, intitulé « Les statues et les tableaux », l’héroïne invite son amant, Oswald, à l’accompagner pour une visite des musées et des monuments les plus fameux de Rome ; à cette occasion, Staël révèle ses goûts et ses idées en matière esthétique, ainsi que sa volonté de faire œuvre critique [39]. Parsemée de références à des œuvres d’art contemporaines, dont certaines sont reproduites dans le livre, cette section du roman est soigneusement rédigée pour être comprise comme une critique de la politique immorale de Napoléon en matière d’arts : Staël y propose un nouveau système esthétique fondé sur la vertu et l’empathie chrétiennes.
46 Surtout, l’exégèse critique élaborée par la romancière offre une vision alternative de l’art dont le but est, selon elle, d’entraîner une régénération morale de la France postrévolutionnaire ; or, ce but ne peut être atteint qu’en recourant à l’association de trois éléments : les femmes, la religion et l’art. Les critiques d’art proposées dans Corinne et dans les autres ouvrages de Germaine de Staël sont révélatrices de sa prédilection pour les sujets religieux ; pour elle, en effet, ces œuvres présentent trois avantages : ils sont hors du temps, ils peuvent susciter des émotions puissantes et ils n’excluent pas les femmes. Staël fait ainsi l’éloge des tableaux religieux de la Renaissance italienne, de leurs qualités « romantiques » et de leurs personnages féminins – que ce soit la Vierge Marie ou les saintes – qui sont de véritables sujets. En outre, les tableaux qui s’inspirent du religieux évoquent des « idées pures » : on peut les contempler « sans pouvoir jamais épuiser l’émotion qu’il[s] […] cause[nt] » [40]. Le Christ portant la croix de Murillo (1665-1675), attribué à cette époque à Titien, provoque des réactions de pitié, de compassion et d’empathie qui, selon de Staël, sont les marques fondamentales de la vertu morale [41]. Commentant ce tableau, et en particulier la réaction de la mère du Christ, à la vision des souffrances endurées par son fils, Corinne s’exclame :
Admirable respect d’une mère pour les malheurs et les vertus divines de son fils ! Quel regard que celui du Christ ! Quelle divine résignation, et cependant quelle souffrance et quelle sympathie par cette souffrance avec le cœur de l’homme ! Voilà sans doute le plus beau de mes tableaux [42].
48 Comme d’autres écrivains à cette époque, en effet, Germaine de Staël estime que la France postrévolutionnaire a perdu ces valeurs : la critique d’art qu’elle propose dans Corinne est un moyen de souligner à la fois la nécessité de retrouver cette morale sensible, et l’importance vitale du rôle des femmes dans ce processus. Pour moi, ce roman s’impose comme l’expression la plus radicale et la plus aboutie du privilège des femmes dans la réflexion esthétique de cette époque.
49 Ainsi, les exemples, mentionnés dans cet article, de critiques publiées par des femmes entre 1785 et 1815 sur les beaux-arts, illustrent-ils quelques-unes des manières dont les femmes ont négocié une place dans l’institution émergente de la critique d’art. Le faisant, elles ont apporté un peu de complexité aux débats autour des femmes comme sujets dans la vie et dans l’art, et elles ont assuré leur présence dans la sphère publique. L’analyse de ces textes – que ceux-ci aient trouvé leur place dans des brochures, des comptes rendus de Salon, des articles dans la presse, des romans, des mémoires, des journaux de voyage, des correspondances ou des journaux intimes – permet de mettre en lumière la participation croissante des femmes, à ce moment, dans la production de discours sur l’art. Et assurément, ainsi que le montre bien l’anthologie Plumes et pinceaux publiée il y a peu, la critique produite par les femmes dans la France révolutionnaire n’est pas singulière, cohérente et unifiée : tant par ses similarités que par ses différences, elle est, au contraire, équivalente à la production critique des hommes [43].
50 Toutefois, un certain nombre de femmes qui écrivent sur l’art à cette époque revendiquent un privilège féminin dans ce domaine. Ces critiques femmes, qui étaient hors de l’enceinte sacrée de l’Académie et des autres bastions masculins de l’autorité en matière artistique ou politique, se présentent en néophytes honnêtes et en porte-parole du peuple, en observatrices impartiales, protégées de toute pression extérieure, guidées par une morale supérieure et le souci du bien collectif. Si l’on se fie à Amélie-Julie Candeille, une autre critique importante de cette époque, ce point de vue féminin unique et précieux, a été reconnu par au moins une des grandes figures de l’art français de cette période : Anne-Louis Girodet. Candeille raconte, en effet, comment, découvrant une esquisse préparatoire de l’Atala au tombeau (1808), elle avait innocemment livré au peintre son sentiment face à ce qu’elle percevait comme une maladresse de composition : « “Oh ! s’écria le peintre transporté, oh cet instinct de femme !” Il fit une autre ébauche, et, d’après cette dernière, l’admirable tableau qui, de l’aveu de tous les connaisseurs, a mis la scène à sa réputation [44] ». Ces femmes, qui semblent avoir fait contre mauvaise fortune bon cœur, ont ainsi réalisé qu’invoquer leur sexe donnait une légitimité, voire de l’efficacité, à leur stratégie rhétorique. De cette manière, elles ont pavé le chemin pour les autres femmes qui, plus tard dans le siècle, se sont engagées plus radicalement dans la pratique de la critique d’art.
Notes
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[1]
Madame E.A.R.T.L.A.D.C.S., Avis important d’une femme sur le Sallon de 1785. Par Madame E.A.R.T.L.A.D.C.S. Dédié aux femmes, Paris, 1785, n. p. (Préface).
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[2]
Voir Gen Doy, Women and Visual Culture in 19th-Century France, 1800-1852, New York, Leicester University Press, 1998, 277 p. et Margaret Oppenheimer, Women Artists in Paris, 1791-1814, PhD diss., New York University, 1996.
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[3]
Je me permets de renvoyer à ma thèse « Portraitistes à la plume »: Women Art Critics in Revolutionary and Napoleonic France, PhD diss., University of Kansas, 2007.
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[4]
Pour une présentation de ces théories, voir Sandra Harding (dir.), The Feminist Standpoint Theory Reader, New York, Routledge, 2004, 379 p.
-
[5]
Voir Séverine Sofio « Des discours aux pratiques, comment approcher la réalité des rapports de sexe ? Genre et professions artistiques au XIX e siècle », Sociétés & Représentations, n° 24, 2007, p. 177-193.
-
[6]
Ces chiffres sont donnés par Margaret A. Oppenheimer dans « ‘The Charming Spectacle of a Cadaver’: Anatomical and Life Study by Women Artists in Paris, 1775-1815 », Nineteenth-Century Art Worldwide, vol. 6, n° 1, printemps 2007 : http://www.19thc-artworldwide.org/index.php/spring07index, consulté le 8 septembre 2015.
-
[7]
Richard Wrigley, The Origins of French Art Criticism from the Ancien Régime to the Restoration, New York, Oxford University Press, 1993, p. 351.
-
[8]
Sur ce point, voir Dario Gamboni « The Relative Autonomy of Art Criticism », dans Michael R. Orwicz (dir.), Art Criticism and its Institutions in Nineteenth-Century France, New York, Manchester University Press, 1994, p. 186.
-
[9]
Carla Hesse « French Women in Print, 1750-1800: An Essay in Historical Bibliography », Studies in Voltaire and the Eighteenth Century, n° 359, 1998, p. 69. Voir également l’annexe 5 de son ouvrage Publishing and Cultural Politics in Revolutionary Paris, 1789-1810, Los Angeles, University of California Press, 1991, p. 257-259.
-
[10]
Sur la notion de sensibilité dans l’art et la critique, voir L’Invention du sentiment aux sources de romantisme, catalogue d’exposition, Paris, musée de la Musique, 2002, 287 p. ; ainsi que David Marshall, The Frame of Art: Fictions of the Aesthetic Experience, 1750-1815, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2005, 259 p.
-
[11]
William M. Reddy, The Navigation of Feeling: A Framework for the History of Emotions, New York, Cambridge University Press, 2000, p. 164.
-
[12]
Louis de Jaucourt, notice « Sensibilité (morale) », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 1751, t. 15, p. 38-52 : http://fr.wikisource.org/wiki/L’Encyclopédie/1re_édition/SENSIBILITÉ, consulté le 8 septembre 2015.
-
[13]
Pour Vivian Cameron, Madame E…S serait une aristocrate formée par Adélaïde Labille-Guiard, et dont le pseudonyme est un anagramme de son nom (voir son article : « Two 18th-Century French Art Critics », Women’s Art Journal, vol. 5, n° 1, 1984, p. 11, n. 2).
-
[14]
J. G. Wille en fait l’éloge au Baron de Sandoz-Rollin, en lui en envoyant un exemplaire. Cette anecdote est rapportée par Richard Wrigley, The Origins of French Art Criticism, op. cit, p. 158-159.
-
[15]
Madame E.A.R.T.L.A.D.C.S., Avis important d’une femme sur le Sallon de 1785, op. cit., n. p. (Préface).
-
[16]
Ibid., p. 7.
-
[17]
Ibid., p. 25.
-
[18]
Madame E.A.R.T.L.A.D.C.S., Avis important d’une femme sur le Sallon de 1785, op. cit., p. 28.
-
[19]
Voir Heather Belnap Jensen « Caroline Wuiet, la Baronne Auffdiener (1766-1835) », dans Wendelin Guentner (dir.), Women Art Critics in Nineteenth-Century France. Vanishing Acts, Newark, University of Delaware Press, 2013, p. 327-334.
-
[20]
Caroline Wuiet, Sophie, comédie en un acte, et en prose, Paris, De Cailleau, 1787, p. v (Préface).
-
[21]
Caroline Wuiet, « Ma troisième promenade au salon de Peinture », Le Papillon, journal des arts et des plaisirs, n° 5, 11 thermidor an VI [29 juillet 1798], p. 37.
-
[22]
Caroline Wuiet, « Première promenade au Sallon de Peinture », Le Papillon, journal des arts et des plaisirs, n° 1, 7 thermidor an VI [25 juillet 1798], p. 5-6.
-
[23]
Thomas E. Crow, Emulation. David, Drouais and Girodet in the Art of Revolutionary France, New Haven/Londres, Yale University Press, 2006, p. 214.
-
[24]
Caroline Wuiet, « Sixième promenade au Musée des Arts », Le Phénix, n° 32, 8 fructidor an VII, p. 253.
-
[25]
Marie-Madeleine Jodin, Vues législatives pour les femmes adressées à l’Assemblée nationale, Angers, Chez Mame, 1790.
-
[26]
Voir Felicia Gordon, Marie-Madeleine Jodin, 1741-1790: Actress, Philosophe, Feminist, Burlington, Ashgate, 2002, 236 p.
-
[27]
Marie-Madeleine Jodin, Vues législatives pour les femmes, op. cit., p. 19.
-
[28]
Ibid., p. 17-18.
-
[29]
Claire Réguis, comtesse Lenoir-Laroche, La Grèce et la France, ou réflexions sur le tableau de Léonidas de M. David, adressées aux défenseurs de la patrie, par une française, suivies de la correspondance d’un officier d’artillerie, pendant la campagne de 1814, et de différentes pièces relatives à cette époque, Paris, 1815.
-
[30]
Gen Doy, Women and Visual Culture in 19th-Century France, op. cit., p. 144.
-
[31]
Pour des données biographiques sur Lenoir-Laroche, voir Robert Amadou « Le Calvaire des lauriers de Madame Lenoir-Laroche », Trésor martiniste, Paris, Villain et Belhomme, Éditions Traditionnelles, 1969, p. 185-228.
-
[32]
Claire Réguis, comtesse Lenoir-Laroche, La Grèce et la France, op. cit., p. 8.
-
[33]
Ibid., p. 10.
-
[34]
Voir Stéphanie-Félicité de Genlis, Mémoires inédits de Madame la comtesse de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française depuis 1756 jusqu’à nos jours, 2e éd., t. 3, Paris, 1825, p. 102-104.
-
[35]
Pour Michael Polowetsky (A Bond Never Broken: The Relations between Napoleon and the Authors of France, Toronto, Associated University Press, 1993, p. 142-143), « l’auteur le plus prolifique et sans doute le plus lu de la période révolutionnaire et impériale n’est ni Châteaubriand, ni de Staël, mais plutôt Mme de Genlis ».
-
[36]
Stéphanie-Félicité de Genlis, Veillées du château, ou cours de morale à l’usage des enfants, Paris, Lecointe & Durey, 1826, vol. 4, 334 p.
-
[37]
Voir Anne L. Schroder « Going Public Against the Academy in 1784: Mme de Genlis Speaks Out on Gender Bias », Eighteenth-Century Studies, vol. 32, n° 3, 1999, p. 377-382.
-
[38]
Stéphanie-Félicité de Genlis, Veillées du château, op. cit., p. 194.
-
[39]
Voir mon texte « Diversionary Tactics: Art Criticism as Political Weapon in Staël’s Corinne, ou l’Italie (1807) », dans Waltraud Maierhofer, Gertrud M. Rösch et Caroline Bland (dir.), Women Against Napoleon, New York, Campus Verlag, 2007, p. 161-185.
-
[40]
Germaine de Staël, Corinne ou l’Italie, Paris, éd. Simone Balayé, rééd. Paris, Gallimard, 1985, p. 234.
-
[41]
Voir la thèse de Karyna Szmurlo, Le Désir d’expansivité dans l’esthétique de Madame de Staël, PhD diss., Rutgers University, 1981.
-
[42]
Germaine de Staël, Corinne ou l’Italie, op. cit., p. 234.
-
[43]
Mechthild Fend, Melissa Hyde et Anne Lafont (dir.), Plumes et pinceaux. Discours de femmes sur l’art en Europe (1750-1850), vol. 1, Paris, Presses du Réel, 2012, 336 p. Voir aussi Wendelin Guentner (dir.), Women Art Critics in Nineteenth-Century France, op. cit.
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[44]
Amélie-Julie Candeille, Notice biographique sur Anne-Louis Girodet et Amélie-Julie Candeille pour mettre en tête de leur correspondance secrète, MS, Paris, Bibliothèque nationale, Nouvelles acquisitions françaises, n° 665, 1829, p. 456-488. Je remercie Robert Adelson et Jacqueline Lezter de m’avoir permis d’utiliser leur transcription.