Notes
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[1]
Antoine Lyon-Caen, Dalloz, 1958, p. 133.
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[2]
Voir Matthieu Béra et Yvon Lamy, Sociologie de la culture, Paris, Colin, 2011 (1re éd. 2003), 1re partie.
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[3]
Voir Matthieu Béra, « Critique interdite/critique autorisée. Eléments pour une définition perspectiviste des biens culturels et industriels à partir d’une comparaison des droits de la critique, de la publicité et de la concurrence », Archives de philosophie du droit, n° 48, 2005, p. 413-437.
-
[4]
Cet article est inspiré du chapitre 2 de notre thèse, Recherches sur la légitimité et les fondements de la critique d’art dans la presse, université Paris 7 Denis-Diderot, 1998. Voir également « La critique d’art : une instance de régulation non régulée », Sociologie de l’art, 2003, p. 81-100.
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[5]
Matthieu Béra, Recherches sur la légitimité et les fondements de la critique d’art dans la presse, op. cit., chap. 1, section 1, « Le combat mené contre les critiques ».
-
[6]
On appelle « plaignant » celui qui porte plainte. En face, on a le « défendeur ».
-
[7]
La critique injurieuse concerne les invectives, les tournures méprisantes (exemple : telle personne qui « fait tache au milieu des collaborateurs du journal »). À notre connaissance, il n’y a jamais eu de procès pour injures en matière artistique.
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[8]
Alain Chavanne, Revue des sciences criminelles, 1972, p. 118.
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[9]
L’article 20 de la loi de 1819 interdit d’apporter la preuve des faits diffamatoires dès lors qu’ils touchent à la vie privée ou qu’ils sont prescrits (dix années). En outre, il est impossible de « prouver » une appréciation négative du type « ce tableau est laid » ou « cette œuvre est inintéressante ».
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[10]
Dalloz, 1863, 3, p. 68. La condamnation fut de 250 F pour diffamation et 1 000 F au titre des dommages-intérêts avec insertion du jugement. À l’époque, cela représentait l’équivalent du salaire annuel d’un instituteur (environ 25 000 euros actuels).
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[11]
On peut lire cette importante mise au point des magistrats : « C’est une opinion malheureusement trop répandue qu’il n’y a aucune restriction au droit de s’exprimer sur le compte des choses et des personnes soumises au jugement du public [...]. Les tribunaux ont toujours distingué avec soin les attaques personnelles qui ne sauraient être permises, des critiques adressées aux œuvres ou aux faits qui constituent l’exercice public d’une profession ». Dalloz, 1863, 3, p. 68.
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[12]
Avocat, journaliste au Figaro, mais aussi auteur dramatique, homme politique et révolutionnaire (en 1848 et 1870), il se retrouva souvent en exil.
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[13]
Fils d’avocat, journaliste au Journal de Paris, à la Revue des deux mondes, au Figaro, puis critique au Journal des Débats. Il siégea à l’Académie Française en 1870 où il succéda à Sainte-Beuve.
-
[14]
Max Buteau, Le Droit de critique en matière littéraire, dramatique et artistique, Paris, Larose et Tenin, 1909, p. 69 et suiv. Voir Gazette du Tribunal, 8 février 1844.
-
[15]
Donnons deux autres exemples plus récents : un tribunal a dû se prononcer en 1905 sur la plainte d’un auteur accusé par la critique de plagiat (donc d’être un plagiaire). La cour déclara que « ces appréciations entachaient l’honneur et la considération de l’auteur, [puisqu’il était] mis en cause [dans] sa probité professionnelle » (Max Buteau, Le Droit de critique en matière littéraire, dramatique et artistique, op. cit., 1909, p. 89). De même, on ne saurait attaquer un artiste sur ses opinions politiques. Le critique qui en prendrait prétexte pour dénigrer son œuvre commettrait une faute ; ce serait considéré comme une attaque personnelle (voir Tribunal de la Seine, 20 mars 1928, Dalloz, 1928, p. 262).
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[16]
« La critique dramatique cesse d’être légitime lorsque ne s’adressant plus au talent même d’un artiste, elle le vise plus particulièrement dans ses intérêts privés, en portant atteinte à sa considération professionnelle. Spécialement, il en est ainsi lorsque le critique exhorte, dans un article de journal, la direction d’un théâtre à ne pas signer d’engagement avec un artiste désigné et engage le public à provoquer cette mesure ». Dalloz, 1908, 5, p. 28.
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[17]
Secrétaire de rédaction de la Revue des deux mondes entre 1877 et 1893, puis directeur de la revue. Il a été historien de la littérature et maître de conférences à l’ENS en 1886. Il est connu aussi pour ses positions antidreyfusardes qui l’ont opposé à Émile Durkheim (voir l’article dans lequel ce dernier lui réplique : « L’individualisme et les intellectuels », Revue Bleue, 1898).
-
[18]
L’affaire est aussi reprise dans l’article de Thomas Loué, « L’inévidence de la distinction. La Revue des deux mondes face à la presse du XIXe », Romantisme, n° 121, 2003-3, p. 41-48.
-
[19]
Gazette du Palais, 1898, n° 1, p. 96.
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[20]
« En matière de goût, aucune exceptio veritatis n’est évidemment possible : quelqu’un a parfaitement le droit de détester la musique moderne, le pop art, ou le théâtre classique et de le dire sans avoir à donner de justifications de son sentiment personnel », Alain Chavanne, Jurisprudence Classeur, 1967, n° 15132 et suiv.
-
[21]
Inversement, on autorise le plaignant à apporter les preuves de la fausseté des imputations.
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[22]
Sirey, 1882, 4, p. 24.
-
[23]
Dalloz, 1905, 5, p. 30.
-
[24]
Ancien normalien agrégé de Lettres (1851), condisciple d’Hyppolyte Taine et d’Edmond About, Francisque Sarcey a démissionné de l’enseignement secondaire en 1856. Il est devenu critique au Figaro, au Temps où il a tenu son feuilleton hebdomadaire pendant 32 ans. Souvent vif, il a dû se résoudre à quelques duels (physiques !). Les critiques et artistes d’alors pouvaient, effectivement, régler leurs différents d’honneur en duel ; la tradition s’est perdue.
-
[25]
Dalloz, 1863, 3, p. 68.
-
[26]
« S’il importe de maintenir hors d’atteinte les droits de la critique, et si, d’autre part, les artistes [...] doivent faire abandon de toute susceptibilité et se résigner à être l’objet des appréciations les plus diverses, fussent-elles des plus acerbes, fussent-elles mêmes injustes, cette critique ne saurait toutefois s’exercer sans contrôle et sans limite et dépasser le but qu’elle poursuit ». Dalloz, 1908, 5, p. 28.
-
[27]
En 1939, Pierre Mimin était président du tribunal civil d’Alençon, correspondant de l’Institut.
-
[28]
Pierre Mimin, Dalloz, 1939, 1, p. 77. Il définit alors les critères de la bonne foi qui seront fixés jusqu’à aujourd’hui : sincérité, but légitime, modération (ou proportionnalité des moyens au but) et prudence (vérifier les faits imputés).
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[29]
Les atteintes aux bonnes mœurs ont pu s’introduire dans cette brèche. Cependant, le problème est inversé : le critique n’est plus poursuivi pour diffamation puisque c’est lui qui « attaque » l’œuvre qu’il estime dangereuse. À ma connaissance, aucun artiste n’a poursuivi un critique par cette voie. Dans ma thèse, j’évoque une affaire qui opposa autour de 1990 l’artiste Ian Finlay à Art Press, poursuivi pour diffamation. La revue put faire la démonstration de sa bonne foi en signalant les aspects politiquement très ambigus de l’œuvre de l’artiste. Selon l’arrêt, la critique relevait du « droit de savoir » et de « l’intérêt général ».
-
[30]
Aujourd’hui, l’amende est de 3 750 euros (disons quatre fois le SMIC). Pour indication, le salaire annuel d’un ouvrier était de 370 F, soit 30 F mensuel en 1832. En rapport à l’amende de 500 francs, on obtient un facteur 16. Elle a donc été sérieusement réduite au regard du salaire minimum.
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[31]
Dans un registre politique et contemporain, le Front National menace de trainer systématiquement en justice les journalistes qui le qualifient « d’extrême droite ». Il demande tantôt un droit de réponse ou porte plainte pour diffamation. On mesure le pouvoir de nuisance redoutable de cette loi si elle est prise au pied de la lettre. Le Nouvel Obs avait refusé les demandes d’insertion, prêt à en découdre en justice.
-
[32]
« De même que l’artiste s’expose volontairement à la critique, le critique s’expose à son tour au droit de réponse », dans Max Buteau, Le Droit de critique en matière littéraire, dramatique et artistique, op. cit., p. 112.
-
[33]
Sous Louis XVIII (1815-1824) puis Charles X (1824-1830), il siégea à la Chambre des Pairs. Il fut également président du Conseil en 1835 sous Louis-Philippe.
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[34]
Voir Le Moniteur universel du 13 mars 1822, cité par M. Eloy.
-
[35]
Ibid.
-
[36]
Certains arrêts sont à présents consultables en ligne, en effectuant une recherche portant sur « Droit de réponse 1822 » par exemple.
-
[37]
Dalloz, 1829, 1, p. 356.
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[38]
Ibid.
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[39]
Sirey Dalloz, 1846, 1, p. 210.
-
[40]
Arrêt de la Cour de cassation, Recueil général des lois et arrêts, 1838, p. 444
-
[41]
« À notre sentiment, et quand il est reconnu que l’auteur, l’artiste, le comédien se sont soumis volontairement à l’examen de la presse, le droit de réponse ne s’ouvre pas pour eux [...]. Nous estimons même que celui qui a provoqué la critique doit en subir les effets. L’auteur dramatique dont la pièce a été sifflée ne répondra jamais aux siffleurs et ne cherchera pas à les prendre à partie ; c’est un droit qu’à la porte on achète en entrant ; il n’a point à s’étonner qu’après sa chute, son nom et ses insuccès retentissent dans la presse, qu’on y dissèque son œuvre, qu’on en montre ses faiblesses, les ridicules ou les travers. Voir Polydore Fabreguettes, Traité des infractions de la parole, de l’écriture et de la presse, 1ère éd. 1884.
-
[42]
Cité par Daniel Mazé, Le Droit de réponse, Paris, A. Pedone, 1900 (thèse), en ligne sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64582793/f8.image, consulté le 8 septembre 2015.
-
[43]
Ferdinand Brunetière, Revue des deux mondes, 15 janvier 1898, t. 145, p. 465.
-
[44]
Maurice Eloy, Les Droits de la critique littéraire et dramatique, thèse de droit, Nancy, 1913. Cet auteur était très engagé contre le droit de réponse qui « permet de supprimer le journalisme » (p. 201).
-
[45]
Magistrat, avocat général de la Cour de cassation (1896), Jean Cruppi embrassa une carrière politique : député de Toulouse pendant 25 ans, sénateur de Haute-Garonne, président du Conseil Général de ce département, plusieurs fois ministre (Instruction publique en 1907, Affaires étrangères en 1911, Garde des Sceaux en 1911).
-
[46]
Maurice Eloy, Les Droits de la critique littéraire et dramatique, op. cit., p. 206.
-
[47]
Cour de cassation, 1899, 1, p. 290.
-
[48]
Dalloz, 1846, 1, p. 12.
-
[49]
« Dans l’appréciation d’une réponse, les tribunaux sont fondés à prendre en considération la nature et la forme de l’attaque, les besoins de la défense et la légitime susceptibilité de la personne désignée ; des vivacités de langage, mêmes blessantes, peuvent être justifiées par l’agression, surtout lorsque celle-ci est injurieuse ». Sirey, 1888, 1, p. 281.
-
[50]
Voir Émile Faguet, « La critique devant les juges », Mois littéraires et pittoresques, t. XV, 1906, p. 113.
-
[51]
Max Buteau, Le Droit de critique en matière littéraire, dramatique et artistique, op. cit., p. 140. Il écrit : « malgré les craintes, depuis 80 ans, la critique s’est vue appliquer la législation du droit de réponse ; elle n’est pas morte, elle n’en a même pas souffert ». Un siècle plus tard, Geneviève Tillement écrivait que L’Événement du Jeudi en accorde une dizaine par an, voir Geneviève Tillement, Le Droit de critique et le droit pénal, Lille, Atelier national de reproduction des thèses de l’université Lille 3, 1991.
-
[52]
Cour de cassation, 17 juin 1898. Si les artistes n’usent presque jamais de leur droit de réponse, ils ne se privent pas d’utiliser la correspondance privée pour réagir directement auprès de leurs « censeurs ».
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[53]
Code civil, 1804, article 1382.
-
[54]
La critique négative soulève depuis son origine des problèmes particuliers. Voir Matthieu Béra, Recherches sur la légitimité et les fondements de la critique d’art dans la presse, op. cit., chap. 1 mais aussi « La critique d’art est-elle un don ? », dans Lionel Jacquot (dir.), Travail et don, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2011, p. 559-577.
-
[55]
Max Buteau, Le Droit de critique en matière littéraire, dramatique et artistique, op. cit., p. 56.
-
[56]
Maurice Eloy, Les Droits de la critique littéraire et dramatique, op. cit., p. 66.
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[57]
Max Buteau, Le Droit de critique en matière littéraire, dramatique et artistique, op. cit., introduction.
-
[58]
Maurice Eloy, Les Droits de la critique littéraire et dramatique, op. cit., p. 83. On reconnait la théorie de la « renonciation présumée » pourtant « recalée » par la jurisprudence.
-
[59]
C’est une allusion à l’article suivant du Code civil, dit de « la faute par abstention » : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». Aucun procès n’a été intenté à ce titre au XIXe siècle à notre connaissance.
-
[60]
Sirey, 1882, 4, p. 24.
-
[61]
« Les entreprises de théâtre ne sauraient se plaindre chaque fois que leurs productions sont signalées dans un journal comme inférieures et mauvaises », Sirey, 1888, 4, p. 8.
-
[62]
La Cour sembla signifier a contrario que la plainte aurait porté si le délit de concertation avait été établi. C’est exactement ce que cherche à démontrer les magistrats quand ils traquent les « délits d’initiés » ou les « ententes illicites ». Mais on est alors dans un autre cadre, celui du droit de la concurrence. Jamais aucun critique n’a été poursuivi pour ce type de délit. Aucun « Code de la critique » (comme il existe des Codes du commerce ou des Code de la concurrence) n’est là pour constituer certaines pratiques en délits. C’est sans doute dommage.
-
[63]
Joy Newton, « Whistler et ses critiques », Romantisme, 1991, n° 17, p. 57-67.
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[64]
« Il appartient au pouvoir souverain des juges de fond d’apprécier le montant du dommage et d’en déterminer le mode de réparation », Code civil, 1992-1993, Dalloz, p. 982.
-
[65]
Les critiques se gardent bien de mettre en évidence leur influence.
-
[66]
Dalloz, 1928, p. 262
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[67]
Dalloz, 1908, 5, p. 28
-
[68]
L’obligation de parler de quelqu’un est exceptionnelle. Il existe un cas d’espèce célèbre. Les héritiers d’Edouard Branly (1844-1940), un savant français, portèrent plainte, en 1951, au titre des articles 1382 et 1383 du Code civil contre un historien, le professeur Turpain, parce qu’il n’avait pas nommé leur aïeul dans son ouvrage parmi les inventeurs de la TSF. Ils obtinrent gain de cause (voir l’arrêt commenté par Jean Carbonnier, Dalloz, 1951, chronique, p. 119. Cet arrêt est en ligne : http://mafr.fr/IMG/pdf/arretbranlyciv27fev1951.pdf). Les juges invoquèrent une faute professionnelle manifeste et « le devoir d’objectivité » de l’historien. C’est une option impossible à invoquer pour une appréciation esthétique.
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[69]
« Les artistes semblent étonnement peu présents dans les prétoires pour défendre leur honneur bafoué. Il est vrai qu’ils préfèrent sans doute des attaques, même injustes, au silence du critique qui les ferait tomber dans un oubli fatal » (Geneviève Tillement, Le Droit de critique et le droit pénal, op. cit., p. 425). L’auteur pense que l’impunité relative dont jouit la critique est due au fait qu’elle remplit une mission d’intérêt public. Plus trivialement, nous pensons qu’elle repose sur les coûts de la juridicisation : coûts socio-économiques avec les risques de représailles, coûts financiers et coûts psychologiques.
-
[70]
Le taux moyen d’articles critiques est plutôt faible : il atteint 10 % des articles. En outre, les critiques portent très rarement sur des artistes contemporains : 10 % des 10 % (soit 1 % du total) et les propos ne sont jamais très violents. Ce n’était pas le cas au XIXe siècle. Voir Matthieu Béra, Recherches sur la légitimité et les fondements de la critique d’art dans la presse, op. cit., 3e partie, sur l’évaluation quantitative de la critique négative (en partie synthétisé dans Matthieu Béra, « Critique d’art et/ou promotion culturelle », Réseaux, n° 117, 2003, p. 153-187).
La critique appartient à la catégorie des droits de nuire [1].
1Le droit de critiquer publiquement les artistes (artistes, metteurs en scène, interprètes, auteurs, etc.) – et surtout leurs œuvres – n’a jamais été encadré par aucune loi spécifique. Par conséquent, dès qu’un artiste se sent blessé, au point de saisir la justice pour demander réparation, il doit en passer par le Code civil (1804), ses notions de faute et de préjudice (art. 1382). Il peut aussi se référer au droit de la presse avec les lois de 1819 (droit de diffamation) et 1822 (droit de réponse), confirmées par la loi de 1881, toujours en vigueur. Logiquement, en effet, au regard du droit, dès lors qu’elle est publiée dans la presse, une critique est assimilée à du journalisme et doit se soumettre à ses règles. Le critique d’art est donc un journaliste « comme les autres », à cette différence près que son domaine d’expertise est le « culturel », avec ses particularités, qui renvoient à la nature des biens dont il parle et aux acteurs qui y sont associés [2]. Le droit de critiquer les biens « culturels » possède ses spécificités. Il est d’usage, en effet, d’accepter qu’ils soient évalués publiquement, ce qui est a contrario pratiquement impossible pour les biens « industriels », qui sont réglementés par le droit de la concurrence [3].
2 Cependant, bien qu’autorisée, la « critique culturelle » ne s’exerce que dans un cadre précis, que le droit s’est chargé de dessiner au XIXe siècle, au cas par cas. Le droit de la critiquer est stricto sensu jurisprudentiel : il a été établi par strates à chaque fois qu’une affaire était soumise aux tribunaux. Il s’est progressivement « fixé », comme on dit en droit. C’est à la naissance de ce « droit » que nous voulons nous intéresser ici [4].
3 Le retour au XIXe siècle se justifie pleinement parce que la régulation juridique de la critique dépend toujours de la loi de 1881, qui s’inspire des lois de 1819 et 1822, y compris du Code civil de 1804 et du Code pénal de 1810. Il faut se souvenir aussi que la critique journalistique n’a fait ses « vrais » premiers pas qu’avec la naissance de la presse quotidienne : le premier quotidien, le Journal de Paris, a paru en 1777, juste avant la Révolution. C’est au sein de cette presse régulière que s’est constitué le début d’un « rubricage culturel », que des « correspondants » (très souvent anonymes ou pseudonymes) se sont exprimés sur l’actualité culturelle. L’enquête historique démontre que l’exercice de la critique n’a jamais été un art facile, contrairement à ce que dit le dicton « la critique est aisée, l’art est difficile ». Ainsi, Monsieur de Charrois, qui tenait la rubrique théâtrale du Journal de Paris, y renonça-t-il au prétexte qu’il ne supportait plus la « haine des comédiens » provoquée par ses articles [5]. Un peu avant la naissance de cette presse quotidienne, certains auteurs écrivaient des ouvrages sur l’actualité artistique (le Salon), comme La Font de Saint-Yenne (1688-1771). Celui-ci dut aussi y renoncer, éprouvé par les hostilités qu’il suscitait. L’activité critique, quels que soient les domaines, eut du mal à s’imposer. Elle allait à l’encontre de la figure de « l’honnête homme » et de ses qualités : modération, désintéressement, courage. Elle apparaissait comme une pratique violente, intéressée et lâche (avec l’anonymat). Le XIXe siècle fut pourtant celui de son développement, corrélé avec la levée de l’anonymat, la généralisation de la presse quotidienne et l’abondance de l’actualité culturelle. La mise en place d’un droit de critique tenta de réguler l’ensemble des acteurs mis en présence.
4 La loi de 1819 sur la diffamation établit le cadre au sein duquel la critique trouve à la fois ses conditions de possibilité et d’impossibilité. Il existe des limites qui ne sauraient être franchies. Elle a été complétée par la loi de 1822 qui instaura le droit de réponse, dispositif qui parut un temps menacer la critique – c’est du moins ce qu’on a cru quand des critiques influents se sont mobilisés pour tenter de l’abroger. Enfin, les affaires ont mobilisé le Code civil (elles continuent de le faire) dès lors qu’il est prouvé que le critique a commis une « faute » ayant entraîné un « préjudice ». La responsabilité civile est alors entamée.
5 Tous ces éléments ont constitué un droit subtil, presque bicentenaire, travaillé par quelques dizaines de procès, poli et fixé par des décisions jurisprudentielles. Il a été intériorisé par tous ceux qui ont pour activité de commenter publiquement l’actualité culturelle, qui le connaissent sans le savoir, qui le respectent sans en avoir une véritable conscience. C’est donc à cette sorte d’« inconscient collectif » juridique que nous nous sommes intéressés, en faisant un peu d’histoire du droit.
Critiquer, au risque de la diffamation
6 Après avoir présenté la loi de 1819 et ses implications pour la critique, nous évoquerons les questions qu’elle a soulevées en étudiant la jurisprudence qui a permis de préciser ses contours.
7 La loi sur la presse du 29 juillet 1881 reprend la loi du 17 mai 1819 sur la diffamation, qui modifiait elle-même le Code pénal de 1810 sur la calomnie, terme qui fut abandonné à l’occasion. Elle est le cadre à l’intérieur duquel sont traités la plupart des cas de critiques jugées abusives par les plaignants [6]. Le texte est le suivant : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. » Sans l’« imputation d’un fait », on tombe dans le registre de l’injure que la loi définit aussi : « Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait [7] ».
8 La diffamation renvoie donc à des questions d’honneur, dont la définition fait consensus chez les juristes : « L’honneur est un bien qui consiste à n’avoir rien à se reprocher qui soit contraire à la morale [8]. »Ainsi, les mises en cause de l’honnêteté, de la loyauté, de l’indépendance d’une personne sont considérées comme des atteintes à la morale et constituent, à ce titre, des attaques ad hominem, réprimées par la loi.
9 La « considération », qui est également évoquée dans la loi de 1819 (ainsi que dans celle de 1881), a un sens plus élastique. Vite assimilée à la « considération professionnelle » par quelques arrêts, elle a étendu le périmètre de la diffamation au-delà de la personne (et donc de son honneur) en intégrant sa réputation professionnelle. De ce point de vue, il devenait plus difficile de s’immuniser contre le reproche d’avoir atteint la réputation professionnelle d’un artiste dont on venait d’évaluer négativement le travail – on y reviendra.
10 Autre point essentiel : en matière de diffamation, l’intention coupable est toujours présumée. Il appartient donc au défendeur de faire tomber cette présomption à l’aide de « faits justificatifs », en démontrant sa « bonne foi », à défaut de pouvoir prouver la véridicité des faits imputés [9].
Jurisprudence sur les attaques ad hominem
11 Il est assez facile de déterminer ce qu’est une attaque à la personne. Ainsi, en 1863, un critique dramatique critiqua une actrice en expliquant qu’elle avait récemment menacé d’un huissier un journaliste qui avait osé médire sur son jeu. Le tribunal, saisi par l’actrice, jugea que ces attaques « sortaient des limites d’une critique même sévère et constituaient des attaques au caractère de la personne [10] ». Il en profita pour rappeler dans son attendu que :« dans aucun cas il n’est permis d’attaquer le caractère du personnage dont les œuvres sont critiquées, et que, si l’on se borne à la censure de son talent, il est encore interdit de le faire dans une intention de dénigrement injuste ou d’exagération malveillante [11] ». Ainsi, les critiques doivent-elles être écrites de manière à ne pas donner le sentiment qu’elles ont visé à nuire à l’artiste ; elles doivent s’intéresser exclusivement à son œuvre.
12 Autre exemple : en 1844, Félix Pyat (1810-1889) [12], du journal La Réforme, s’en prit violemment à Jules Janin (1804-1874) [13], le maître de la critique dramatique du Journal des Débats. Il le désigna comme :
le chef de ces enfants perdus de la pensée, de ces bras de la presse âpres aux gains, insatiables de lucre, qui s’escriment au jour le jour au profit de qui les paie, comme ces routiers mercenaires qui s’engageaient et se battaient au service de leur solde, n’avaient pour patrie que le salaire, pour honneur que la bourse et pour drapeau que l’argent.
14 Janin attaqua son accusateur pour diffamation [14]. Pyat fut logiquement condamné à six mois de prison et 1 000 francs d’amende. L’attaque ad hominem put être établie sans difficulté.
15 Ces deux exemples montrent assez clairement ce que signifie « s’en prendre à la personne ». Il serait inutile d’allonger la liste [15]. La difficulté survient, en revanche, quand la notion de « considération » est convoquée, dès lors que le critique tente (visiblement) de déclencher l’échec commercial d’une œuvre [16]. Les tribunaux estiment qu’on vise la personne en entravant sa réussite matérielle. Face à cette limite, les critiques ont dû apprendre à acquérir un certain « doigté » pour montrer qu’ils ne cherchaient pas à atteindre (directement) le succès commercial des artistes.
16 Cependant, la considération professionnelle ne renvoie pas nécessairement à des questions d’argent. Ainsi, le célèbre critique Ferdinand de Brunetière (1849-1906) [17] poursuivit-il en diffamation un metteur en scène à propos de la réponse qu’il avait dû se résoudre à faire passer dans la Revue des deux mondes [18] . Dans ce droit de réponse, Alfred Dubout (1854-1936) avait réuni une dizaine de comptes rendus sur sa pièce qui se contredisaient les uns les autres, voulant donner la preuve qu’ils apportaient « la confusion et le chaos ». La Cour considéra qu’il était allé trop loin quand il avait affirmé de surcroît que cette diversité avait été orchestrée de manière à mener « une exécution de masse » contre lui. Elle jugea qu’il « avait porté atteinte dans leur considération littéraire et dans leur autorité critique à ceux auxquels l’opinion publique est habituée à accorder une compétence, un discernement, un tact supérieurs pour tout ce qui touche aux œuvres théâtrales [19] ».
La « bonne foi » du critique
17En matière de diffamation, on l’a dit plus haut, le critique ne bénéficie pas de la « présomption de bonne foi » qui pourrait lui être accordée a priori, au titre par exemple d’une compétence scientifique, comme cela arrive parfois pour l’historien ou le scientifique. Le défendeur ne peut pas non plus démontrer la vérité de ses appréciations. Pour le dire dans la langue des juristes, il n’y a pas d’exceptio veritatis en matière de critique artistique [20]. On ne cherche pas à savoir si les faits imputés sont vrais, mais seulement s’ils ont été exprimés avec l’intention de nuire [21]. Dans ces conditions, le défendeur doit faire la preuve de sa « bonne foi », comme cela est demandé à tous les journalistes poursuivis pour diffamation encore aujourd’hui. Il doit démontrer que son intention n’est pas malveillante. La jurisprudence a rapidement établi le principe de la démonstration de cette « bonne foi » au XIXe siècle, mais elle n’a fixé ses critères définitifs qu’en 1939.
18 En 1882, elle imposa le critère de sincérité, toujours exigible. Un peintre avait poursuivi en diffamation un critique qui avait supposé qu’il avait utilisé le procédé photographique en renfort de son œil. La Cour expliqua que le critique avait peut-être commis en l’espèce une erreur, mais qu’il était de bonne foi. La preuve en était que son erreur avait été partagée par d’autres critiques [22]. On notera au passage que le caractère jurisprudentiel du droit de critique accorde systématiquement aux magistrats le pouvoir d’appréciation : ce sont eux qui décident si tel ou tel est « sincère ».
19 Une deuxième exigence a été demandée pour la démonstration de la bonne foi : le critique doit savoir proportionner la forme au fond. On lui réclame le sens de la mesure. Quand un critique écrit, par exemple, qu’un écrivain « a recopié un ouvrage et l’a signé en changeant de titre », sa bonne foi n’est pas manifeste et il risque de se faire condamner [23]. L’imputation d’un tel fait supposerait la prudence : le critique doit vérifier ce qu’il avance, comme tout journaliste doit vérifier ses informations ; il doit apprécier les choses avec circonspection, surtout quand les accusations sont aussi graves. Ainsi, le célèbre critique dramatique Francisque Sarcey (1827-1899) [24] fut-il condamné pour diffamation parce qu’il avait critiqué sévèrement une actrice qu’il avait prise pour une autre [25] !
20 À la fin du XIXe siècle, cependant, tous les éléments jurisprudentiels de la bonne foi n’étaient pas encore définitivement fixés. Il manquait des précisions sur ce que pouvait être un « but légitime ». Un arrêt de 1908 évoquait la nécessité d’un tel but, sans préciser les moyens de le caractériser comme tel [26]. Il fallut attendre la doctrine de Pierre Mimin [27] pour cela, en 1939 :
Certains poursuivent une œuvre salutaire, utile à la vie politique, intellectuelle, morale de la nation : ce sont les bons diffamateurs. Les autres ont voulu satisfaire la curiosité du public : leur but professionnel ne parvient pas à justifier la désignation diffamatoire. Ce sont les mauvais diffamateurs [28].
22 La terminologie du devoir (de critiquer) était introduite. La critique d’art put s’ériger en devoir – certains parleront même d’un véritable « droit de nuire ». C’est le cas, par exemple, quand une œuvre véhicule des idées condamnables à propos desquelles il convient légitimement de s’offusquer [29].
23 Nous allons voir que la doctrine en matière de critique ne s’est pas seulement élaborée à partir des questions de diffamation. La loi de 1822 sur le droit de réponse est venue abonder la jurisprudence. Certains critiques ont même cru qu’ils allaient disparaître à cause de cette nouvelle disposition législative.
Critiquer, au risque du droit de réponse (1822)
24 La loi de 1822, reprise par l’article 13 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, invite le gérant du journal à insérer dans les trois jours la réponse de toute personne nommée ou désignée dans le périodique, sous peine d’une amende de 50 à 500 francs [30], sans préjudice des autres peines (diffamation) et dommages-intérêts (article 1382 du Code civil). L’insertion doit paraître à la même place que l’article auquel elle réplique, être imprimée dans les mêmes caractères, dans la limite de deux cents lignes. Elle est, bien entendu, gratuite. Le journal n’était dispensé de la faire paraître que s’il la jugeait contraire aux lois, aux bonnes mœurs ou à l’intérêt du journaliste lui-même.
25 Depuis cette loi de 1822, les critiques sont donc toujours susceptibles d’essuyer une réponse de la part des artistes ou responsables d’institutions qu’ils ont nommés dans leurs articles. C’est d’ailleurs le cas, potentiellement, pour tous les articles de presse [31]. La jurisprudence a toujours estimé que cette loi, en imposant la réciprocité, garantissait la légitimité de la critique : celle-ci est libre, mais le droit de réponse doit l’être en retour [32]. Les juges n’ont jamais cédé sur ce point, en dépit des vives controverses et du travail de lobbying très intense des critiques et des journalistes à la fin du XIXe siècle.
26 Nous allons d’abord présenter les arguments des opposants à la loi, de la discussion des parlementaires de 1822 jusqu’à l’opinion des magistrats, en passant par les positions des critiques eux-mêmes. Nous reviendrons ensuite sur les arguments victorieux, puisque la loi a perduré en l’état jusqu’à nos jours.
Les oppositions à la loi de 1822
27 À la Chambre des Pairs, celle-là même qui la vota, on invoqua les risques qui semblaient inhérents à cette idée d’un droit de réponse automatique et général. Le Duc de Broglie (1785-1870) [33] se fit le porte-parole des opposants. Il fit remarquer que le droit de réponse était « injuste dans ses conséquences et dangereux pour l’ordre public ». Il convoqua plusieurs arguments, dont celui-ci : « Vous ouvrez la porte à une foule d’abus dangereux. La réponse en effet peut contenir un délit [34] ». Il lui fut répondu que « le journaliste sera le juge nécessaire de la réponse qui lui sera adressée. Si elle est innocente, il sera tenu de l’insérer ; si elle est coupable, aucune loi ne peut l’y obliger [35] ».
28 L’arrêt « de Flotte » (1829) mit en évidence le problème quelques années après la promulgation de la loi [36]. Le Comte Flotte-d’Argenson, blessé par le compte rendu qu’on avait fait de son ouvrage Le Nouveau Portulan, adressa une réponse au journal comme l’y autorisait la récente loi. Sa réponse ne fut pas insérée. Il assigna alors le gérant devant le tribunal correctionnel. L’avocat du journal prétexta devant la Cour que la loi n’avait prescrit d’insérer des réponses « que lorsqu’elles avaient pour but de redresser injures et diffamations et que les critiques littéraires ne pouvaient nullement être considérées comme des diffamations [37] ». Cet argument fut rejeté, attendu « qu’il n’est point nécessaire, pour l’exercice de ce droit [de réponse] que l’article ait été injurieux ou diffamatoire [38] ». Les juges ordonnèrent l’insertion. Ils n’avaient fait que rappeler la loi.
29 Le Duc de Broglie avait mobilisé un autre argument contre le projet de loi : « La critique littéraire ou théâtrale blesse souvent quelques amours-propres. Chacun voudra y insérer son apologie ! ». Ce problème apparut et parut même convaincre certains magistrats. Dans un commentaire d’arrêt signé L. M. Devill datant de 1846, on lit :
Il y a quelque chose de trop absolu [dans le droit de réponse] qui dépasse le but et la pensée du législateur [...]. Nous craignons que l’on ouvre une large porte à l’abus, et que l’on rende la critique littéraire à peu près impossible. [...] Nous ne saurions admettre que ce droit puisse devenir un moyen pour tous les amours-propres d’auteurs blessés ou froissés par la critique, qu’il puisse aller jusqu’à offrir au désir ou à l’intérêt que certaines personnes peuvent avoir de se produire et de faire parler d’elles [...], un moyen commode de publicité, en leur ouvrant les colonnes de journaux, pour y insérer, sous le plus léger prétexte, une prétendue réponse [39].
31Des opposants au droit de réponse voulurent jouer sur « l’intérêt de la réponse » : si elle n’en présentait aucun, il n’y aurait pas lieu d’insérer. La Cour de cassation refusa de suivre cette pente et adopta une position stricte : « la personne nommée dans un journal est seule juge de l’intérêt qu’elle peut avoir à répondre [40] ». On espérait que l’intérêt bien compris des artistes les amènerait à ne point abuser de ce droit – ce pronostic se réalisa au-delà de toutes leurs espérances.
32 Les opposants essayèrent aussi d’imposer « la théorie de la renonciation présumée ». Selon Ferdinand Brunetière, l’un des plus virulents adversaires de la nouvelle loi, les invitations adressées aux critiques, les envois de presse, constituaient des incitations à apprécier l’ouvrage, des « provocations », et corrélativement, ils impliquaient une renonciation au droit de réponse. Certains professeurs de droit avaient précédé le critique [41]. Certains tribunaux allèrent dans ce sens, mais leurs arrêts furent systématiquement cassés.
33 La fronde contre le droit de réponse atteignit son apogée quand on essaya de démontrer qu’il remettait en cause le droit de propriété. Au Journal des Débats, ons’exclama : « [C’est] la ruine des journaux ! Qui ne voit qu’avec le droit absolu de réponse, on transporterait notre propriété à autrui, on ferait du journal une place publique ouverte à tous les sots et à tous les ennuyeux [42]. » On retrouve l’argument sous la plume de Ferdinand Brunetière : « Comment admettre qu’une revue doive insérer, entre deux articles de valeur signés de noms illustres, les pitoyables réponses de médiocres auteurs ? Et qu’en diraient les lecteurs eux-mêmes [43] ? ».
34 À force de pression, les syndicats de la presse obtinrent qu’on modifie la législation [44]. Un projet de loi fut déposé en 1901 par le député Jean Cruppi (1855-1933) [45] – ce fut la première (et dernière) occasion de légiférer sur la critique. L’un des articles de la loi tentait de fixer l’exceptionnalité de la critique littéraire et artistique :
Le droit de réponse ne peut s’exercer contre les articles de critique littéraire ou scientifique, alors que l’intention d’offenser la personne nommée ou désignée ne résulte pas des termes de l’article et que la critique a été provoquée par une publication, une représentation, une exhibition publique quelconque, de nature à faire naître ou même solliciter les commentaires de la presse [46] .
36 Adoptée par la Chambre des Députés, la commission du Sénat retrancha le paragraphe sur la critique en 1909. C’en était fini de l’unique tentative historique de légiférer sur la critique.
37 Face aux détracteurs du droit de réponse, il y eut un camp solide qui résista avec de très bons arguments. Le juriste Jean Appleton fut l’un d’eux. Il réfuta l’argumentation sur le droit de propriété soi-disant menacé :
Sans doute les personnes qui publient un journal peuvent le considérer comme leur propriété ; mais, comme toute propriété, la propriété d’un journal est soumise à des restrictions légales ; elle a pour limite le droit des tiers. Ces tiers ont droit à leur considération, même littéraire ; ils ont droit aux résultats de leurs efforts […] Le droit de réponse […] est un contrepoids indispensable à la puissance, parfois despotique, dont ils dépendent. Le public qui lit un journal doit être le juge commun du journaliste et des tiers qu’il critique [47].
39 Un autre argument confortait le camp des partisans du droit de réponse en estimant qu’il était la preuve d’une presse libre.Dès 1846, un commentaire d’arrêt le défendit vigoureusement pour cette raison : « Le pouvoir de la presse est le plus puissant que la société moderne ait développé ; il s’étend sur tout et tend à tout dominer [...] Tout pouvoir a son contrepoids [48] ».
40 Cette opinion reprenait ce que certains juristes appelaient la théorie de « la légitime susceptibilité » : cet aspect, reconnu par les arrêts les plus anciens de la jurisprudence, consistait à affirmer le juste droit des particuliers à se sentir lésés par des critiques et proposait qu’on leur accorde le droit de réponse [49].
41 Le droit de réponse imposa la modération aux critiques par une autre voie que la loi sur la diffamation. On encourageait l’autocontrôle, en misant sur les us et coutumes du monde artistique : l’amour-propre dissuaderait les littérateurs et artistes de traduire les critiques devant les juges [50]. Le pari fut gagné : en dépit des craintes et des avertissements de ses opposants, le droit de réponse a rarement été utilisé et les procès ont été rares [51]. L’effet de neutralisation des acteurs a fonctionné à plein. C’est le juriste Jean Appleton qui en donna la cause :
L’intérêt des auteurs [et des artistes] leur imposera toujours une grande modération dans l’exercice de leur droit [de réponse] : si leur amour-propre blessé les invite à répondre, le souci de leur renommée future leur conseillera souvent le silence ; ils ont trop intérêt à ménager la critique pour la froisser par des répliques inopportunes [52].
43 Ce commentaire d’arrêt résume bien la situation objective : les critiques se modèrent par crainte de voir les réponses envahir leur espace. Symétriquement, les artistes évitent de répliquer, de peur d’être boycottés par les critiques.
Critiquer, au risque de commettre une faute et de causer un préjudice
44 À côté des deux lois qui régissent le droit de la presse et qui sont à l’origine de la plus grande partie de la jurisprudence sur la critique, les journalistes culturels sont aussi susceptibles d’être poursuivis dans le cadre de l’article 1382 du Code civil. Voici le texte de ce célèbre article de loi qui constitue l’un des fondements de la responsabilité civile : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer [53] ».
45 La responsabilité civile du critique peut être engagée pour la simple raison que son article aura entraîné des dommages moraux et/ou matériels. Alors que la diffamation tentait de régler les aspects moraux, l’article 1382 vise les seconds – à supposer qu’on puisse séparer les deux. Les quelques juristes à avoir travaillé sur la critique d’art s’accordent pour reconnaître que le préjudice causé par le critique peut être considérable – dans le cas où la critique est négative, bien entendu [54]. Max Buteau écrivait que :
[l]’opinion de la critique décide du sort de l’œuvre. Et c’est là qu’apparaît l’énormité du préjudice qu’elle peut causer à celui qui se présente à son examen […] Combien d’auteurs, ignorés ou méconnus, n’ont dû qu’à son mauvais accueil la situation médiocre où s’est écoulée leur vie ! La critique fait plus que résumer l’impression de la foule : elle agit sur elle et la conduit ; son arrêt n’est pas souvent cassé, et c’est bien lui en définitive qui est à la base d’un succès ou d’un échec [55].
47 Maurice Eloy, de son côté, écrivait : « la critique est redoutable ; elle blesse l’amour-propre ; elle porte atteinte aux intérêts matériels. N’y a-t-il pas là un pouvoir exorbitant [56]? ».
48 Cependant, cela n’empêche pas ces deux juristes dans leurs thèses respectives de se poser en adversaires de l’utilisation de l’article 1382 : « L’usage normal d’un droit ne donne jamais lieu à réparation [...]. Le critique qui apprécie le talent littéraire, l’habileté d’un statuaire, ne fait qu’user du droit qu’ils lui ont donné contre eux-mêmes et que reconnaissent les tribunaux [57] ». Maurice Eloy soutenait de son côté :
Qu’on oblige l’auteur de ce dommage à le réparer, qu’on le condamne à indemniser l’auteur critiqué, on supprime par le fait même toute discussion et toute appréciation littéraire. Heureusement pour le critique, il ne suffit pas d’avoir causé un préjudice pour encourir la sanction de l’article 1382. Il faut encore que ce préjudice résulte d’un fait illicite et qu’il y ait eu à l’origine un droit violé Or celui qui use de son droit ne lèse personne. Le critique use de son droit, car les artistes se sont exposés volontairement aux dommages qu’ils subissent. Ils ne peuvent recevoir réparation [58].
50 C’est bien ce qu’on appelle un « droit de nuire » (cf. l’exergue de l’article).
La qualification de la faute
51Cela étant, certains artistes – et leurs avocats – n’avaient pas perdu de vue la possibilité de recourir à l’article 1382. Comme le rappelle une jurisprudence de 1882 :
Le critique littéraire ou artistique est soumis au droit commun. Il répond de ses fautes dans les termes de l’article 1382 du Code civil. Il en est ainsi quand il est de mauvaise foi et que ses intentions sont uniquement dictées par l’intention de nuire. Il peut être en faute encore quand, tout en étant de bonne foi, il pèche par négligence, inattention, légèreté ou ignorance inexcusable [59]. Sans doute toute négligence, légèreté, inattention ou ignorance ne sauraient constituer le critique en faute ; c’est au juge d’apprécier [60].
53 On comprend bien que l’article 1382 étend le périmètre du possible et de l’impossible tel qu’il a été tracé par la loi de 1819 sur la diffamation. La « faute » peut aller au-delà de « l’atteinte à l’honneur et à la considération » et exiger autre chose que des gages de « bonne foi » : on évoque cette fois-ci l’« ignorance », la « négligence », la « légèreté » ou encore l’« inattention ». Le champ de la faute est potentiellement très large. Par cet attendu, la Cour a confirmé le caractère jurisprudentiel du droit de la critique et le rôle du juge : les magistrats se réservent le droit d’effectuer une « critique des critiques ».
54 Prenons un exemple : un directeur de théâtre, mécontent d’une critique, poursuivit son auteur pour dommages-intérêts. La Cour commença par rappeler que la faute ne pouvait venir du simple fait de critiquer [61]. En revanche, elle considéra qu’il était avéré que le critique n’avait point « l’intention d’informer ses lecteurs sur la valeur des représentations données [...] mais qu’il poursuivait le but de se venger d’un prétendu manque d’égards dont il aurait été l’objet [...] que son article était donc inspiré uniquement dans le désir de nuire et de causer un dommage matériel ». Elle put ainsi établir l’existence de la faute.
55 Donnons un second exemple. Quand l’auteur dramatique Alfred Dubout, évoqué plus haut, voulut étaler au grand jour les contradictions des critiques, il souhaita qu’on condamne leur incohérence et par là leur incompétence – considérant qu’il s’agissait d’une faute professionnelle préjudiciable pour le metteur en scène qui n’avait pas à devoir subir l’impéritie de plumitifs en mal de visibilité. La Cour jugea néanmoins qu’on ne pouvait reprocher aux membres de la profession, qui ne s’étaient manifestement pas concertés, d’avoir trouvé pour des raisons différentes, voire contradictoires, des défauts à son œuvre [62]. Elle le débouta.
56 Il semble que les rares artistes ayant poursuivi des critiques pour leur « incompétence » se soient heurtés à des échecs. Nous ne pouvons citer qu’un cas réglé par la justice anglaise. Le peintre américain James Whistler (1834-1903) attaqua John Ruskin (1819-1900) en diffamation, en 1878. Le critique avait moqué sa « technique » qui consistait selon lui « à jeter des seaux de peinture sur la toile ». Le peintre voulut démontrer l’incompétence de son accusateur. Il gagna son procès et obtint une livre symbolique. Cependant, la Cour se moqua de lui – et de ses tableaux. En outre, il dut supporter les coûts du procès qui étaient autrement plus considérables (1 000 livres) [63] et fut ruiné. Il dut vendre des toiles.
57 À travers cet exemple, on mesure les risques et les coûts (financiers) qui découlent de l’engagement dans un procès contre des critiques.
La démonstration du préjudice
58 Il existe un dernier aspect que soulève l’usage de l’article 1382 du Code civil : il ne suffit pas de qualifier la faute, il faut encore démontrer la réalité du préjudice, c’est-à-dire donner la preuve matérielle du lien de causalité entre les articles et l’échec rencontré par l’œuvre. Là encore, seul le juge apprécie [64]. À supposer qu’une œuvre ait connu un échec, comment démontrer qu’il ait été dû aux mauvaises critiques reçues [65] ? La seule chose à faire est d’apporter la preuve d’une faute manifeste (que l’on pourrait qualifier de professionnelle) ou d’une mauvaise intention (celle de nuire). Pour éviter cette accusation, le critique doit s’imposer deux règles d’écriture :
[Il faut] limiter les observations du critique littéraire et dramatique au domaine serein de l’art, sans le laisser descendre dans le domaine dangereux de l’action. Il peut dire d’une pièce tout le mal qu’il en pense, mais sans inviter les spectateurs à la siffler [66].
Il est en droit de se montrer pour un artiste dramatique aussi dur que le veut l’éducation esthétique du théâtre et du public, mais sans inviter expressément le théâtre à le congédier [67].
61 L’invisibilité du préjudice, ou plutôt l’impossibilité de prouver qu’on a voulu créer un dommage matériel – avant même de penser à démontrer la réalité du dommage – aide à mieux comprendre la situation d’exceptionnalité dont bénéficie la critique : elle exerce un « droit » (de porter préjudice) qui est conditionné par l’absence d’intention manifeste de nuire. Dès lors qu’il parvient à masquer toute mauvaise intention, il se tient à l’abri de toute condamnation au titre de l’article 1382 du Code civil.
62 On a pu voir que le droit de critiquer s’est fixé progressivement au cours du XIXe siècle par la voie de la jurisprudence, à partir des lois de 1819 et 1822. Sans être abondante, la jurisprudence a modelé un droit, dessiné les contours d’une pratique légitime, qu’elle a rendus acceptable pour toutes les parties.
63 Il existe, on l’a compris, de nombreuses possibilités pour les artistes qui veulent réagir aux critiques qu’ils estiment injustes. Leurs avocats essaieront de démontrer que les critiques ont commis une faute, occasionné un préjudice moral, ayant eu des conséquences pécuniaires ; ils essaieront de prouver que leurs auteurs n’étaient ni sincères ni honnêtes. Cependant, en portant ces affaires en justice, ils risquent d’être à leur tour poursuivis pour diffamation. Ils s’exposent surtout aux représailles des journalistes : le silence en réponse, la pire des peines pour des professions qui ne tiennent que par la grâce de la notoriété. Aucune loi n’oblige – et n’obligera jamais – un critique à parler d’un artiste [68] – sauf la « loi » économique qui fait qu’un média se sanctionne lui-même s’il décide de ne pas rendre compte d’une exposition dont tout le monde parle. Ses lecteurs, ses auditeurs, ses téléspectateurs le lui reprocheraient en le boycottant à son tour.
64 La loi pose un cadre, des principes (voir l’article 1382 du Code civil), à l’intérieur desquels chaque affaire portée devant les tribunaux amène les juges à préciser les détails. À force, tous les cas de figure finissent par être explorés et le réel s’épuise. Chaque nouveau cas rentre dans une catégorie connue. Tout ayant été envisagé, la jurisprudence a pu se fixer. Le XIXe siècle a contribué pour une grande part à cette solidification, même s’il l’a laissée inachevée par endroits (je pense aux critères de la bonne foi, de 1939).
65 Il est nécessaire d’insister sur un dernier élément : en raison du caractère jurisprudentiel du droit de critique, l’ensemble des protagonistes dépendent de l’appréciation des magistrats. Ces derniers déterminent s’il y a faute et préjudice ; si la critique a visé la personne plutôt que l’œuvre, si elle a porté atteinte à la considération, si les éléments constitutifs de la bonne foi sont réunis (sincérité, modération, but légitime, etc.) ; s’il y a eu intention de nuire. Dans tous les cas, les magistrats ont le pouvoir d’appréciation qui les rend maître du jeu, en dernière instance. Au final, la situation est la suivante : les artistes blessés hésitent à porter des affaires en justice par peur d’être boycottés par les gens de presse dont ils ont besoin [69] ; de l’autre, les critiques se méfient des magistrats qui pourraient les sanctionner de façon imprévisible. Ces intimidations croisées limitent la juridicisation de la critique et les affaires sont globalement exceptionnelles.
66 Cependant, une interrogation demeure : pourquoi la critique d’art contemporaine est-elle à ce point modérée au regard de ce qu’elle fut au XIXe siècle, alors même que la législation n’a pas changé [70] ? La critique est devenue nettement plus informative et promotionnelle. Des logiques économiques sont venues contrecarrer les velléités de porter des appréciations désagréables. Dans un monde bavard et bruyant, le silence reste l’arme fatale. Il est en partie invisible, insensible, sauf pour ceux qui ont à le subir. Mais ils ne peuvent s’en plaindre.
Notes
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[1]
Antoine Lyon-Caen, Dalloz, 1958, p. 133.
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[2]
Voir Matthieu Béra et Yvon Lamy, Sociologie de la culture, Paris, Colin, 2011 (1re éd. 2003), 1re partie.
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[3]
Voir Matthieu Béra, « Critique interdite/critique autorisée. Eléments pour une définition perspectiviste des biens culturels et industriels à partir d’une comparaison des droits de la critique, de la publicité et de la concurrence », Archives de philosophie du droit, n° 48, 2005, p. 413-437.
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[4]
Cet article est inspiré du chapitre 2 de notre thèse, Recherches sur la légitimité et les fondements de la critique d’art dans la presse, université Paris 7 Denis-Diderot, 1998. Voir également « La critique d’art : une instance de régulation non régulée », Sociologie de l’art, 2003, p. 81-100.
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[5]
Matthieu Béra, Recherches sur la légitimité et les fondements de la critique d’art dans la presse, op. cit., chap. 1, section 1, « Le combat mené contre les critiques ».
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[6]
On appelle « plaignant » celui qui porte plainte. En face, on a le « défendeur ».
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[7]
La critique injurieuse concerne les invectives, les tournures méprisantes (exemple : telle personne qui « fait tache au milieu des collaborateurs du journal »). À notre connaissance, il n’y a jamais eu de procès pour injures en matière artistique.
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[8]
Alain Chavanne, Revue des sciences criminelles, 1972, p. 118.
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[9]
L’article 20 de la loi de 1819 interdit d’apporter la preuve des faits diffamatoires dès lors qu’ils touchent à la vie privée ou qu’ils sont prescrits (dix années). En outre, il est impossible de « prouver » une appréciation négative du type « ce tableau est laid » ou « cette œuvre est inintéressante ».
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[10]
Dalloz, 1863, 3, p. 68. La condamnation fut de 250 F pour diffamation et 1 000 F au titre des dommages-intérêts avec insertion du jugement. À l’époque, cela représentait l’équivalent du salaire annuel d’un instituteur (environ 25 000 euros actuels).
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[11]
On peut lire cette importante mise au point des magistrats : « C’est une opinion malheureusement trop répandue qu’il n’y a aucune restriction au droit de s’exprimer sur le compte des choses et des personnes soumises au jugement du public [...]. Les tribunaux ont toujours distingué avec soin les attaques personnelles qui ne sauraient être permises, des critiques adressées aux œuvres ou aux faits qui constituent l’exercice public d’une profession ». Dalloz, 1863, 3, p. 68.
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[12]
Avocat, journaliste au Figaro, mais aussi auteur dramatique, homme politique et révolutionnaire (en 1848 et 1870), il se retrouva souvent en exil.
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[13]
Fils d’avocat, journaliste au Journal de Paris, à la Revue des deux mondes, au Figaro, puis critique au Journal des Débats. Il siégea à l’Académie Française en 1870 où il succéda à Sainte-Beuve.
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[14]
Max Buteau, Le Droit de critique en matière littéraire, dramatique et artistique, Paris, Larose et Tenin, 1909, p. 69 et suiv. Voir Gazette du Tribunal, 8 février 1844.
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[15]
Donnons deux autres exemples plus récents : un tribunal a dû se prononcer en 1905 sur la plainte d’un auteur accusé par la critique de plagiat (donc d’être un plagiaire). La cour déclara que « ces appréciations entachaient l’honneur et la considération de l’auteur, [puisqu’il était] mis en cause [dans] sa probité professionnelle » (Max Buteau, Le Droit de critique en matière littéraire, dramatique et artistique, op. cit., 1909, p. 89). De même, on ne saurait attaquer un artiste sur ses opinions politiques. Le critique qui en prendrait prétexte pour dénigrer son œuvre commettrait une faute ; ce serait considéré comme une attaque personnelle (voir Tribunal de la Seine, 20 mars 1928, Dalloz, 1928, p. 262).
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[16]
« La critique dramatique cesse d’être légitime lorsque ne s’adressant plus au talent même d’un artiste, elle le vise plus particulièrement dans ses intérêts privés, en portant atteinte à sa considération professionnelle. Spécialement, il en est ainsi lorsque le critique exhorte, dans un article de journal, la direction d’un théâtre à ne pas signer d’engagement avec un artiste désigné et engage le public à provoquer cette mesure ». Dalloz, 1908, 5, p. 28.
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[17]
Secrétaire de rédaction de la Revue des deux mondes entre 1877 et 1893, puis directeur de la revue. Il a été historien de la littérature et maître de conférences à l’ENS en 1886. Il est connu aussi pour ses positions antidreyfusardes qui l’ont opposé à Émile Durkheim (voir l’article dans lequel ce dernier lui réplique : « L’individualisme et les intellectuels », Revue Bleue, 1898).
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[18]
L’affaire est aussi reprise dans l’article de Thomas Loué, « L’inévidence de la distinction. La Revue des deux mondes face à la presse du XIXe », Romantisme, n° 121, 2003-3, p. 41-48.
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[19]
Gazette du Palais, 1898, n° 1, p. 96.
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[20]
« En matière de goût, aucune exceptio veritatis n’est évidemment possible : quelqu’un a parfaitement le droit de détester la musique moderne, le pop art, ou le théâtre classique et de le dire sans avoir à donner de justifications de son sentiment personnel », Alain Chavanne, Jurisprudence Classeur, 1967, n° 15132 et suiv.
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[21]
Inversement, on autorise le plaignant à apporter les preuves de la fausseté des imputations.
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[22]
Sirey, 1882, 4, p. 24.
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[23]
Dalloz, 1905, 5, p. 30.
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[24]
Ancien normalien agrégé de Lettres (1851), condisciple d’Hyppolyte Taine et d’Edmond About, Francisque Sarcey a démissionné de l’enseignement secondaire en 1856. Il est devenu critique au Figaro, au Temps où il a tenu son feuilleton hebdomadaire pendant 32 ans. Souvent vif, il a dû se résoudre à quelques duels (physiques !). Les critiques et artistes d’alors pouvaient, effectivement, régler leurs différents d’honneur en duel ; la tradition s’est perdue.
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[25]
Dalloz, 1863, 3, p. 68.
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[26]
« S’il importe de maintenir hors d’atteinte les droits de la critique, et si, d’autre part, les artistes [...] doivent faire abandon de toute susceptibilité et se résigner à être l’objet des appréciations les plus diverses, fussent-elles des plus acerbes, fussent-elles mêmes injustes, cette critique ne saurait toutefois s’exercer sans contrôle et sans limite et dépasser le but qu’elle poursuit ». Dalloz, 1908, 5, p. 28.
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[27]
En 1939, Pierre Mimin était président du tribunal civil d’Alençon, correspondant de l’Institut.
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[28]
Pierre Mimin, Dalloz, 1939, 1, p. 77. Il définit alors les critères de la bonne foi qui seront fixés jusqu’à aujourd’hui : sincérité, but légitime, modération (ou proportionnalité des moyens au but) et prudence (vérifier les faits imputés).
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[29]
Les atteintes aux bonnes mœurs ont pu s’introduire dans cette brèche. Cependant, le problème est inversé : le critique n’est plus poursuivi pour diffamation puisque c’est lui qui « attaque » l’œuvre qu’il estime dangereuse. À ma connaissance, aucun artiste n’a poursuivi un critique par cette voie. Dans ma thèse, j’évoque une affaire qui opposa autour de 1990 l’artiste Ian Finlay à Art Press, poursuivi pour diffamation. La revue put faire la démonstration de sa bonne foi en signalant les aspects politiquement très ambigus de l’œuvre de l’artiste. Selon l’arrêt, la critique relevait du « droit de savoir » et de « l’intérêt général ».
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[30]
Aujourd’hui, l’amende est de 3 750 euros (disons quatre fois le SMIC). Pour indication, le salaire annuel d’un ouvrier était de 370 F, soit 30 F mensuel en 1832. En rapport à l’amende de 500 francs, on obtient un facteur 16. Elle a donc été sérieusement réduite au regard du salaire minimum.
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[31]
Dans un registre politique et contemporain, le Front National menace de trainer systématiquement en justice les journalistes qui le qualifient « d’extrême droite ». Il demande tantôt un droit de réponse ou porte plainte pour diffamation. On mesure le pouvoir de nuisance redoutable de cette loi si elle est prise au pied de la lettre. Le Nouvel Obs avait refusé les demandes d’insertion, prêt à en découdre en justice.
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[32]
« De même que l’artiste s’expose volontairement à la critique, le critique s’expose à son tour au droit de réponse », dans Max Buteau, Le Droit de critique en matière littéraire, dramatique et artistique, op. cit., p. 112.
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[33]
Sous Louis XVIII (1815-1824) puis Charles X (1824-1830), il siégea à la Chambre des Pairs. Il fut également président du Conseil en 1835 sous Louis-Philippe.
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[34]
Voir Le Moniteur universel du 13 mars 1822, cité par M. Eloy.
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[35]
Ibid.
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[36]
Certains arrêts sont à présents consultables en ligne, en effectuant une recherche portant sur « Droit de réponse 1822 » par exemple.
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[37]
Dalloz, 1829, 1, p. 356.
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[38]
Ibid.
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[39]
Sirey Dalloz, 1846, 1, p. 210.
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[40]
Arrêt de la Cour de cassation, Recueil général des lois et arrêts, 1838, p. 444
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[41]
« À notre sentiment, et quand il est reconnu que l’auteur, l’artiste, le comédien se sont soumis volontairement à l’examen de la presse, le droit de réponse ne s’ouvre pas pour eux [...]. Nous estimons même que celui qui a provoqué la critique doit en subir les effets. L’auteur dramatique dont la pièce a été sifflée ne répondra jamais aux siffleurs et ne cherchera pas à les prendre à partie ; c’est un droit qu’à la porte on achète en entrant ; il n’a point à s’étonner qu’après sa chute, son nom et ses insuccès retentissent dans la presse, qu’on y dissèque son œuvre, qu’on en montre ses faiblesses, les ridicules ou les travers. Voir Polydore Fabreguettes, Traité des infractions de la parole, de l’écriture et de la presse, 1ère éd. 1884.
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[42]
Cité par Daniel Mazé, Le Droit de réponse, Paris, A. Pedone, 1900 (thèse), en ligne sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64582793/f8.image, consulté le 8 septembre 2015.
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[43]
Ferdinand Brunetière, Revue des deux mondes, 15 janvier 1898, t. 145, p. 465.
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[44]
Maurice Eloy, Les Droits de la critique littéraire et dramatique, thèse de droit, Nancy, 1913. Cet auteur était très engagé contre le droit de réponse qui « permet de supprimer le journalisme » (p. 201).
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[45]
Magistrat, avocat général de la Cour de cassation (1896), Jean Cruppi embrassa une carrière politique : député de Toulouse pendant 25 ans, sénateur de Haute-Garonne, président du Conseil Général de ce département, plusieurs fois ministre (Instruction publique en 1907, Affaires étrangères en 1911, Garde des Sceaux en 1911).
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[46]
Maurice Eloy, Les Droits de la critique littéraire et dramatique, op. cit., p. 206.
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[47]
Cour de cassation, 1899, 1, p. 290.
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[48]
Dalloz, 1846, 1, p. 12.
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[49]
« Dans l’appréciation d’une réponse, les tribunaux sont fondés à prendre en considération la nature et la forme de l’attaque, les besoins de la défense et la légitime susceptibilité de la personne désignée ; des vivacités de langage, mêmes blessantes, peuvent être justifiées par l’agression, surtout lorsque celle-ci est injurieuse ». Sirey, 1888, 1, p. 281.
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[50]
Voir Émile Faguet, « La critique devant les juges », Mois littéraires et pittoresques, t. XV, 1906, p. 113.
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[51]
Max Buteau, Le Droit de critique en matière littéraire, dramatique et artistique, op. cit., p. 140. Il écrit : « malgré les craintes, depuis 80 ans, la critique s’est vue appliquer la législation du droit de réponse ; elle n’est pas morte, elle n’en a même pas souffert ». Un siècle plus tard, Geneviève Tillement écrivait que L’Événement du Jeudi en accorde une dizaine par an, voir Geneviève Tillement, Le Droit de critique et le droit pénal, Lille, Atelier national de reproduction des thèses de l’université Lille 3, 1991.
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[52]
Cour de cassation, 17 juin 1898. Si les artistes n’usent presque jamais de leur droit de réponse, ils ne se privent pas d’utiliser la correspondance privée pour réagir directement auprès de leurs « censeurs ».
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[53]
Code civil, 1804, article 1382.
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[54]
La critique négative soulève depuis son origine des problèmes particuliers. Voir Matthieu Béra, Recherches sur la légitimité et les fondements de la critique d’art dans la presse, op. cit., chap. 1 mais aussi « La critique d’art est-elle un don ? », dans Lionel Jacquot (dir.), Travail et don, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2011, p. 559-577.
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[55]
Max Buteau, Le Droit de critique en matière littéraire, dramatique et artistique, op. cit., p. 56.
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[56]
Maurice Eloy, Les Droits de la critique littéraire et dramatique, op. cit., p. 66.
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[57]
Max Buteau, Le Droit de critique en matière littéraire, dramatique et artistique, op. cit., introduction.
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[58]
Maurice Eloy, Les Droits de la critique littéraire et dramatique, op. cit., p. 83. On reconnait la théorie de la « renonciation présumée » pourtant « recalée » par la jurisprudence.
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[59]
C’est une allusion à l’article suivant du Code civil, dit de « la faute par abstention » : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». Aucun procès n’a été intenté à ce titre au XIXe siècle à notre connaissance.
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[60]
Sirey, 1882, 4, p. 24.
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[61]
« Les entreprises de théâtre ne sauraient se plaindre chaque fois que leurs productions sont signalées dans un journal comme inférieures et mauvaises », Sirey, 1888, 4, p. 8.
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[62]
La Cour sembla signifier a contrario que la plainte aurait porté si le délit de concertation avait été établi. C’est exactement ce que cherche à démontrer les magistrats quand ils traquent les « délits d’initiés » ou les « ententes illicites ». Mais on est alors dans un autre cadre, celui du droit de la concurrence. Jamais aucun critique n’a été poursuivi pour ce type de délit. Aucun « Code de la critique » (comme il existe des Codes du commerce ou des Code de la concurrence) n’est là pour constituer certaines pratiques en délits. C’est sans doute dommage.
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[63]
Joy Newton, « Whistler et ses critiques », Romantisme, 1991, n° 17, p. 57-67.
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[64]
« Il appartient au pouvoir souverain des juges de fond d’apprécier le montant du dommage et d’en déterminer le mode de réparation », Code civil, 1992-1993, Dalloz, p. 982.
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[65]
Les critiques se gardent bien de mettre en évidence leur influence.
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[66]
Dalloz, 1928, p. 262
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[67]
Dalloz, 1908, 5, p. 28
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[68]
L’obligation de parler de quelqu’un est exceptionnelle. Il existe un cas d’espèce célèbre. Les héritiers d’Edouard Branly (1844-1940), un savant français, portèrent plainte, en 1951, au titre des articles 1382 et 1383 du Code civil contre un historien, le professeur Turpain, parce qu’il n’avait pas nommé leur aïeul dans son ouvrage parmi les inventeurs de la TSF. Ils obtinrent gain de cause (voir l’arrêt commenté par Jean Carbonnier, Dalloz, 1951, chronique, p. 119. Cet arrêt est en ligne : http://mafr.fr/IMG/pdf/arretbranlyciv27fev1951.pdf). Les juges invoquèrent une faute professionnelle manifeste et « le devoir d’objectivité » de l’historien. C’est une option impossible à invoquer pour une appréciation esthétique.
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[69]
« Les artistes semblent étonnement peu présents dans les prétoires pour défendre leur honneur bafoué. Il est vrai qu’ils préfèrent sans doute des attaques, même injustes, au silence du critique qui les ferait tomber dans un oubli fatal » (Geneviève Tillement, Le Droit de critique et le droit pénal, op. cit., p. 425). L’auteur pense que l’impunité relative dont jouit la critique est due au fait qu’elle remplit une mission d’intérêt public. Plus trivialement, nous pensons qu’elle repose sur les coûts de la juridicisation : coûts socio-économiques avec les risques de représailles, coûts financiers et coûts psychologiques.
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[70]
Le taux moyen d’articles critiques est plutôt faible : il atteint 10 % des articles. En outre, les critiques portent très rarement sur des artistes contemporains : 10 % des 10 % (soit 1 % du total) et les propos ne sont jamais très violents. Ce n’était pas le cas au XIXe siècle. Voir Matthieu Béra, Recherches sur la légitimité et les fondements de la critique d’art dans la presse, op. cit., 3e partie, sur l’évaluation quantitative de la critique négative (en partie synthétisé dans Matthieu Béra, « Critique d’art et/ou promotion culturelle », Réseaux, n° 117, 2003, p. 153-187).