Notes
-
[1]
Emmanuel Pierrat, avocat et écrivain, ne collectionne pas les poupées mais les pipes à opium, les masques africains, l’art érotique, les livres anciens, les autographes… Il évoque cette passion bizarre dans La collectionnite, Paris, Éditions Le Passage, 2011.
-
[2]
L’Homme aux poupées de Jean-Louis Renaud (pseudonyme de Louis Janot et Louis Lacroix), dessins de Jean Veber, Paris, Ludd, 1988.
-
[3]
Né en 1864 et mort en 1928. Ces illustrations ont été reprises dans la première réédition de L’Homme aux poupées, par les éditions Ludd, en 1988, mais non dans la deuxième, par Terre des Brumes, en 2002.
-
[4]
Camille Mauclair, « Quatre médaillons d’artistes », La chronique des livres, 6, 10 septembre 1900.
-
[5]
Philippe Rigaut, Le fétichisme, perversion ou culture, Paris, Belin, 2004, p. 33.
-
[6]
Mario Praz, La chair, la mort et le diable. Le romantisme noir, Paris, Gallimard, 1998 (1966).
-
[7]
Vente Erotica (bibliothèques de Jean-Pierre Faur et Emmanuel Pierrat), 2007.
-
[8]
Richard von Kraff-Ebing et Albert Moll, Psychopathia sexualis. Étude médico-légale à l’usage des médecins et des juristes, éd. refondue par le docteur Albert Moll, Paris, Press Pocket, 1999 (1950).
-
[9]
Émile Laurent, Fétichistes et érotomanes, Paris, Éditions Vigot (Les perversions sexuelles), vol. 12, 1905.
-
[10]
Patrick Poignant parle de « processus de pathologisation des perversions sexuelles (on pourrait écrire à juste titre de processus d’invention) ». Patrick Poignant, Psychopathia sexualis de Krafft-Ebing 1886-1924. Une œuvre majeure dans l’histoire de la sexualité, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 10. Voir aussi Sylvie Chaperon, Les origines de la sexologie, 1850-1900, Paris, Éditions Louis Audibert, 2007.
-
[11]
Celui-ci évoque alors des « manies sans délire », catégorie nosologique qui regroupe des « aliénés qui n’offrent à aucune époque aucune lésion de l’entendement et qui sont dominés par une sorte d’instinct de fureur, comme si les facultés affectives avaient été seulement lésées ». Patrice Pinel, Traité médico-philosophique de l’aliénation mentale, (1800), rééd. dans L’aliénation mentale ou la manie, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 150.
-
[12]
Claude-Olivier Doron, « Le démon du pervers : entre perversité et perversion », dans Laura Bossi (dir.), Crime et folie. Les entretiens de la Fondation des Treilles, Paris, Gallimard (Les Cahiers de la NRF), 2011, p. 233-255.
-
[13]
Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 1, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, p. 154.
-
[14]
Philippe Rigaut, Le fétichisme, perversion ou culture, op. cit., p. 37.
-
[15]
Émile Laurent, Fétichistes et érotomanes, op. cit., p. 3.
-
[16]
Jean Streff, Traité du fétichisme à l’usage des jeunes générations, Paris, Denoël, 2005, p. 16-17 ; et Philippe Rigaut, Le fétichisme, perversion ou culture, op. cit., p. 17.
-
[17]
L’une des meilleures illustrations littéraires de ce sortilège est la nouvelle de Robert-Louis Stevenson, « La bouteille endiablée » parue dans le recueil Veillées des îles en 1894.
-
[18]
Alfred Binet, Le fétichisme dans l’amour, Paris, Payot, 2001 (1re édition dans La Revue philosophique, 1887).
-
[19]
Émile Laurent, Fétichistes et érotomanes, op. cit., p. 3. Alfred Binet signalait de son côté l’existence d’individus pour lesquels le processus de l’attirance sexuelle rappelait « l’adoration du sauvage ou du nègre pour des arêtes de poisson ou des cailloux brillants. » (op. cit., p. 31).
-
[20]
Emily Apter, Feminizing the Fetish. Psychoanalysis and Narrative Obsession in turn-of-the-century France, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 1991.
-
[21]
Voir notamment Michel Winock, La Belle Époque, Paris, Perrin, 2003 ; Jacqueline Lalouette, La France de la Belle Époque, dictionnaire de curiosités, Paris, Tallandier, 2013.
-
[22]
Joyce MacDougall, Plaidoyer pour une certaine anormalité, cité par Philippe Rigaut, Le fétichisme, perversion ou culture, op. cit., p. 28.
-
[23]
Paul-Laurent Assoun, préface à Céline Masson, La fabrique de la poupée chez Hans Bellmer. Le faireperversif, une étude clinique de l’objet, Paris, L’Harmattan, 2000. Dans la Cinquième leçon sur la psychanalyse, Freud parle de la « vocation artistique encore mystérieuse » qui permet aux artistes de « transposer leurs fantasmes en créations artistiques au lieu de symptômes » et de regagner par ce détour la relation à la réalité. Il y a donc, d’abord, les fantasmes ; or ceux-ci sont susceptibles d’un double destin : par le symptôme et/ou par la sublimation. Les créations artistiques sont une façon de faire, avec des fantasmes, autre chose que des symptômes. Sur la pensée de Freud concernant le fétichisme, lire son article de 1927, « Le fétichisme », réédité et traduit notamment dans Abrégé de psychanalyse, Paris, PUF, 2001.
-
[24]
Pour Monique Broc-Lapeyre (« Hans Bellmer ou l’artisan criminel » dans Érotiques, numéro spécial de la Revue d’Esthétique, 1-2, 1978, p. 254), « cette poupée docile à tous les phantasmes le délivrait enfin des désirs inassouvis pour les petites-cousines aussi aguichantes qu’inaccessibles » et, comme Nathanaël (le héros de la nouvelle de E.T.A. Hoffmann, L’Homme au sable), il aurait pu crier à sa jeune cousine Ursula dont la présence le dévorait d’une sombre passion : « Automate maudit et sans vie ».
-
[25]
Céline Masson, La fabrique de la poupée chez Hans Bellmer. Le faire-perversif, une étude clinique de l’objet, op. cit., p. 106. Cette auteure souligne elle-même, dans une note (p. 108), « l’étrange proximité » de L’Homme aux poupées et de l’univers de Bellmer.
-
[26]
Hans Bellmer, La Poupée, Paris, GLM, 1936 (1934).
-
[27]
C’est le sens que l’on pourrait donner à la citation mystérieuse de Paracelse placée en exergue du livre de Bellmer, Petite anatomie de l’inconscient physique ou l’anatomie de l’image (publié pour la première fois en 1957, réédité en 1977 chez Losfeld, puis en 2002 chez Allia) : « Le scorpion guérit le scorpion ».
-
[28]
Voir Pierre Dourthe, Bellmer. Le principe de perversion, Paris, Éditions Jean-Pierre Faur, 1999. Sur cet épisode, lire aussi l’étude de Claude Jamain, Le regard trouble. Essai sur la poupée d’Oskar Kokoschka précédée des lettres d’Oskar Kokoschka à Hermine Moos (Paris, Éditions de l’Improviste, 2006).
-
[29]
Jules Barbier avait écrit cette pièce avec Michel Carré en 1851 ; l’opéra fut créé à l’Opéra-Comique en 1881.
-
[30]
Scénario du film produit par Film d’Art, édité par Pathé frères, 1909.
-
[31]
Céline Masson, La fabrique de la poupée chez Hans Bellmer…, op. cit., p. 84.
-
[32]
Sigmund Freud, L’inquiétant familier (suivi de : « Le marchand de sable » de E.T.A. Hoffmann), Paris, Payot (Petite Bibliothèque Payot), 2012.
-
[33]
« Objet-femme, modèle-chose, interdit au garçon, encore dans nos civilisations, son pouvoir de fascination mimétique peut conduire à d’étranges aliénations. », Françoise Frontisi-Ducroux et Jean-Pierre Vernant, Dans l’œil du miroir, Paris, Odile Jacob, 1997, p. 247.
-
[34]
Nous l’avions découvert dans le Dictionnaire des œuvres érotiques de Pascal Pia, Paris, Laffont (Bouquins), 2001. C’est sans doute les dessins de Veber et la scène de l’effeuillage de Yane, vers la fin du livre, qui lui valurent cette étiquette.
-
[35]
« The fetishist shared with the sadomasochist a socioally reprehensible propensity to “linger” (Freud’s term) in the realm of foreplay. Disgressing on the path of coital consummation, foiling civilisation’s righteous aim to propagate the species, he was guilty of an exemplary dalliance in gratuitous sex. » (Emily Apter, Feminizing the Fetish…, op. cit., p. 17).
-
[36]
Dans Studies on the Psychology of Sex, cité par Jean Streff, Traité du fétichisme à l’usage des jeunes générations, op. cit., p. 15.
1Il semble que l’humain ait un goût prononcé, et qui ne disparaît pas forcément avec l’âge, pour les êtres inanimés faits à sa semblance. Il aime les faire parler et bouger, les habiller et les déshabiller, créer des décors, inventer pour eux des histoires. Chez certains individus, ce goût peut devenir envahissant et conduire à des comportements asociaux. Il y a des planagologistes acharnés – nom donné aux collectionneurs de poupées – qui ruinent leur bourse ou leur santé à cette passion dévorante, y consacrent tout leur temps libre, et même une partie de celui qui, en principe, ne l’est pas, saturent leur esprit, leur conversation et leur espace domestique de leurs trouvailles au point de rendre impossible la cohabitation avec d’autres êtres vivants. Amateurs amasseurs, acquéreurs compulsifs, ce sont des gens atteints de collectionnite (ou de collectionnisme), une pathologie identifiée par la science psycho-médicale et sur laquelle Emmanuel Pierrat, atteint lui-même de ce mal, a écrit de bonnes pages [1]. C’est le cas de l’un d’entre eux que nous présentons ici, à travers l’analyse de L’Homme aux poupées de Jean-Louis Renaud [2] qui éclaire un certain imaginaire fin-de-siècle.
L’histoire d’une manie fétichiste
2Il ne s’agit pas d’un cas clinique, quoique L’Homme aux poupées puisse figurer avec honneur aux côtés de L’Homme aux rats ou de L’Homme aux loups parmi les études pionnières de la cure psychanalytique. Il les devance par la date, 1899, mais en diffère surtout par sa nature, qui est celle d’un roman. Publié par l’éditeur Henri Floury, installé à Paris boulevard des Capucines, l’ouvrage avait bénéficié d’un tirage limité, voire confidentiel : 225 exemplaires dont 25 sur papier Japon, les autres devant se contenter du déjà très beau vélin de Rives. On ne sache pas qu’il ait rapporté gloire ni fortune à son auteur. Ses auteurs, faudrait-il dire, puisque le pseudonyme Jean-Louis Renaud, qui figure sur la couverture, cacherait ceux de Louis Lacroix et de Louis Janot, sur lesquels il faut bien avouer qu’on ne sait pas grand-chose. Le coin du voile ne se soulève que pour laisser entrevoir une troisième figure, celle de l’illustrateur, Jean Veber. Car L’Homme aux poupées est illustré d’une quinzaine de compositions originales de cet artiste [3], peintre, graveur et dessinateur de presse, qui publia notamment dans Le Rire, Gil Blas et L’Assiette au beurre. Camille Mauclair le dépeignait comme :
[Un homme] dont la face maigre et creuse, aux yeux brûlés de rêverie et d’acide ironie, retient une amertume au pli rieur des coins de lèvres. Pâle, pensif et non sans quelque égarement élégant, il m’apparaît comme un de ses masques lui-même, railleusement penché sur un siècle en dérive ; et sur la mascarade bigarrée qu’il cerne et définit par le japonisme simple et sûr de son trait, descendent des crépuscules désespérés et tragiques dont la lumière sulfureuse hallucine son œil en blêmissant son teint de promeneur lunaire [4].
4Portrait saisissant quoiqu’alambiqué, bien dans la veine du symbolisme littéraire dont Camille Mauclair, disciple de Mallarmé, fut l’un des représentants. Portrait d’autant plus saisissant qu’il ressemble à s’y méprendre à celui que dressent Janot et Lacroix – que nous appellerons dorénavant Renaud, puisqu’aussi bien c’est le nom qu’ils ont choisi – de Menzel, le protagoniste central de ce court roman d’environ soixante pages distribuées en quatre chapitres dans l’édition originale :
C’est un grand homme pâle, émacié, fiévreux – corps d’ascète taillé à coups de hache, aux angles saillants ; figure de Christ belle et douloureuse avec de l’anxiété au fond des yeux, comme une perpétuelle interrogation muette à quelque chose de lointain et de confus ; plus blanche encore dans l’encadrement sombre des cheveux bouclés, de la barbe drue et des moustaches retombantes sur des lèvres bleuies d’octogénaire où rôde un marmottement d’inintelligibles prières. Point vieux cependant, car de son masque d’immobilité sénile transparaît l’homme jeune, mais d’une jeunesse décolorée par les méditations atones de la folie ; sans rides mais torturé, cierge triste où brûle la flamme d’un regard d’obsession.
6Comme Veber, sur lequel il paraît copié, Menzel est donc pâle, crépusculaire, égaré. Égaré ou même fou, comme les auteurs ne l’écrivent pas mais nous le laissent entendre. Plus précisément, Menzel a une manie, qu’il satisfait à heure fixe. Chaque jour, à deux heures de l’après-midi précises, il entre dans une pièce plongée dans la pénombre et habitée par un petit peuple nombreux : ses poupées. Elles sont partout, sur les tables, les chaises, pendues le long des tentures, étendues sur le tapis. Des légions de poupées de toutes origines, de toutes sortes, en bois, chiffon, porcelaine, certaines neuves et d’autres parvenues au dernier degré de vétusté. Son plaisir est de les contempler, de les caresser, de les ranger. De les réparer aussi. D’un placard aux allures d’ossuaire, il puise des membres, des têtes et des troncs dépareillés qu’il assemble pour faire de nouvelles poupées ou rafistoler celles qui en ont besoin, « poupées incomplètes qu’il aime et veut vivantes ». Car cet excentrique s’est mis en tête que ses poupées ont, sinon une âme, du moins une sensibilité, qu’elles aspirent à vivre, qu’elles vivent, même, sous son regard et de son amour. Pour elles, il est à la fois prêtre et Dieu, serviteur et roi, le « roi de ce royaume de fantoches ». Plus rien d’autre ni personne n’a d’importance à ses yeux, et certainement pas cette femme, Yane, actrice rencontrée un soir à l’opéra et qui l’importune, depuis, de ses assiduités. Elle est belle, pourtant, Yane, à faire tourner les têtes. Mais celle de Menzel n’est occupée que de ses fichues poupées. Alors elle tente de lutter, de l’emporter sur ses rivales, par la douceur d’abord. Elle se plie aux caprices de ce pauvre homme, qu’elle plaint et convoite en même temps, parce qu’il lui résiste, à la différence des autres. Elle va même jusqu’à l’aider à coudre des parures pour ses poupées, elle qui, d’ordinaire, laisse les travaux d’aiguille aux ouvrières. Puis, comme la douceur et l’humilité n’ont pas l’effet escompté, elle passe à la vitesse supérieure et se dévêt devant lui, qui n’a d’yeux que pour une poupée, nue elle aussi. Alors, « humiliée, vaincue », prise à son tour de folie, une folie homicide, voilà qu’elle met en pièces le peuple des poupées sous les yeux effarés de leur roi, étrangement inerte. Va-t-il enfin sortir de sa stupeur, la tuera-t-il pour se venger ? Non, la destruction de ses chères poupées a brisé le ressort vital de Menzel. Prise de pitié et de remords, Yane prend alors pour le consoler l’apparence d’une poupée, ou d’un automate, le rôle d’Olympia des Contes d’Hoffmann d’Offenbach dans lequel Menzel l’avait vue la première fois, à l’opéra. Le seul rôle dans lequel Menzel pouvait l’aimer, la prenant pour une autre.
7« En cette fin de siècle tiraillée entre matérialisme scientiste et tables tournantes, les cas de déviance sexuelle répertoriés par les aliénistes ne manquent pas d’interpeller l’imaginaire d’artistes que fascinent tout à la fois le morbide et l’érotique, et qui entreprennent d’écrire, par la plume ou le pinceau, les formes de sensualité les plus délétères [5]. » Roman fin-de-siècle, L’Homme aux poupées en a toutes les caractéristiques : l’écriture maniérée, au vocabulaire précieux, à la syntaxe torturée ; l’atmosphère sombre, étouffante, angoissante, ces teintes funèbres prisées par le « romantisme noir [6] » ; la beauté décadente et malsaine ; l’érotisme morbide, les passions violentes aux effets destructeurs sur des constitutions trop délicates (il y a beaucoup de fin-de-race dans cette fin de siècle) ; et, qui prime ici, le thème de la folie, du dérèglement de la faculté de l’entendement qui distingue l’homme de l’animal. Les auteurs ne nous laissent aucun doute sur le diagnostic qu’il convient de porter sur ce cas : le « regard d’obsession », l’attention exclusive portée à des objets de bois et de chiffon au détriment de la femme réelle et splendide qui s’offre, l’effondrement final… Menzel est un « détraqué », il est « maniaque », « monomane ». Certes, il possède la « fine psychologie du cérébral », mais ce perfectionnement même est le signe de sa perte. Cet organisme délicat, éprouvé dans sa chair par l’idée tyrannique (encore jeune, il paraît déjà vieux), à la sensibilité exacerbée, est au bord de la folie – qu’il préfère à la pauvre raison des gens normaux. « Manie, folie même si vous voulez. Le fou a son idée fixe qui pour lui est la seule vraie et les ténèbres de sa folie lui sont plus lumineuses que votre jour. »
8De quelle nature est cette folie ou cette manie ? Dans un catalogue de vente proposant aux enchères un exemplaire du tirage original, l’auteur de la notice indique qu’il s’agit là d’un « curieux roman fétichiste » – « quasi-surréaliste » avant l’heure, ajoute-t-il [7]. Voilà le grand mot lâché : fétichisme. Nous éclaire-t-il sur l’œuvre ? À première vue, très peu. L’affection, même excessive, pour les poupées ne figure pas parmi les types de fétichisme recensés dans les ouvrages qui se penchent, entre les dernières années du xixe siècle et les premières du siècle suivant, sur cette catégorie de perversion du désir sexuel. Nulle part dans la Psychopathologia sexualis de Richard von Krafft-Ebing [8], que ce soit dans l’édition princeps de 1886, dans la traduction française de 1895 ou dans celle, refondue par Albert Moll de 1924 et traduite en français en 1932, il n’est fait mention de ce goût particulier ; pas davantage dans le livre du docteur Émile Laurent, Fétichistes et érotomanes qui date, lui, de 1905 [9]. Les aliénistes de cette époque qui recensent, décrivent, classent – et par là même inventent – les déviances par rapport à la norme sexuelle du mariage bourgeois [10] ne semblent pas avoir remarqué cette « monomanie affective », cette « folie raisonnante » – pour reprendre cette fois les termes de celui que l’on peut considérer comme l’inventeur de la psychiatrie moderne, Philippe Pinel, au début du xixe siècle [11] – que nous présente Jean-Louis Renaud. Alors, invention littéraire pure et simple ? Pas si simple. En premier lieu, parce que les écrits des médecins psychologues de la fin du xixe siècle font sans cesse référence à des œuvres littéraires dont ils utilisent les sujets afin d’illustrer ou de conforter leurs théories (le cas le plus célèbre étant bien entendu celui du journaliste autrichien Léopold von Sacher-Masoch, auteur de La Vénus à la fourrure, livre publié en 1870, d’après lequel est nommé « masochisme » un type particulier de perversion) ; en second lieu, et à l’inverse du premier, les œuvres littéraires, qu’elles soient naturalistes ou symbolistes, puisent dans la littérature médicale voire dans la médecine légale un vocabulaire, des notions et même des cas qui vont nourrir leur imaginaire, comme l’a très bien montré, par exemple, Claude-Olivier Doron à propos d’Edgar Allan Poe [12]. L’Homme aux poupées illustre ce deuxième cas de figure, avec la présence de termes relevant du champ sémantique de la (mono)manie à l’appui d’une description, pour ainsi dire clinique, d’une folie qui oscille entre lucidité et délire maniaque.
9Il est remarquable que le mot « fétiche » ou ses dérivés soit totalement absent de ce livre que l’on pourrait pourtant considérer comme l’illustration parfaite d’une déviation de l’instinct sexuel – le fétichisme – qui, selon Michel Foucault, servit de modèle, à partir des années 1870, pour analyser toutes les autres [13]. Certes, si l’on définit strictement – ainsi que le fait, par exemple, Philippe Rigaut à la suite d’Alfred Binet – le fétichisme comme une simple « altération métonymique du désir sexuel », la passion dont brûle Menzel pour ses poupées ne relève pas de cette catégorie ; Menzel ne s’attache ni à une partie du corps féminin, ni à un accessoire particulier lié à ce corps, ni à un trait de caractère ou à une attitude propre à une personne qui se trouverait ainsi réduite à une portion d’elle-même (c’est là, en effet, ce que l’on entend généralement par fétichisme, la réduction du tout à la partie, cas particulier de métonymie ou de synecdoque rapportée à un être humain) [14]. « En amour, le fétichisme, c’est l’adoration de certaines qualités physiques ou psychiques ou même de certains défauts de la femme et qui font qu’on l’aime précisément pour ces qualités ou ces défauts et sans qu’on puisse dire raisonnablement pourquoi. […] C’est encore le culte des brimborions, des petits riens symboliques [15] », dans la mesure où ces « petits riens » rappellent l’être aimé et, pour ainsi dire, se substituent à lui. De ce point de vue, rien n’est plus éloigné de Menzel que le fétichisme car ce n’est pas la femme qu’il désire et adore, fût-ce par colifichet interposé, mais la poupée dont les qualités lui semblent infiniment supérieures à celles d’une femme réelle.
10Mais, précisément, on retrouve là un trait constitutif de la notion originelle de fétichisme, qui relève du vocabulaire de l’anthropologie religieuse, avant celui de l’économie politique façon Marx puis de la psychologie amoureuse façon Binet. Le mot apparaît dans l’ouvrage de Charles de Brosses, magistrat et érudit du xviiie siècle, intitulé Du culte des dieux fétiches, ou parallèle de l’ancienne religion de l’Égypte avec la religion actuelle de Nigritie et publié en 1760. Son auteur l’utilise pour décrire le culte rendu par les Noirs d’Afrique à des objets, lieux et animaux ; il forge le terme à partir du portugais feitiço, c’est-à-dire « chose fée, enchantée, divine » ou « rendant des oracles », lui-même issu des racines latines fatum (destin, charme), fari (parler) et facticius (factice) [16]. Edward Tylor, l’anthropologue britannique de la fin du xixe siècle, reliera le fétichisme à l’artisanat et aux arts magiques, toujours dans une vision dépréciative de « l’âme primitive ». Entre-temps, cependant, le terme – entré dans le dictionnaire de l’Académie française en 1835 – aura connu une première extension de son sens avec Karl Marx, qui l’emploie pour caractériser le mécanisme par lequel la plus ordinaire des marchandises est élevée au rang de valeur absolue dans le cadre du capitalisme et de la société bourgeoise. Objet qui piège le désir et le réifie, le fétiche est alors tout entier du côté de l’illusion, de l’aliénation, du simulacre – et c’est ainsi que l’entendent des auteurs contemporains tels que Jean Baudrillard ou Giorgio Agamben, pour qui le fétiche est une forme dégradée et mensongère, la fausse représentation de réalités plus nobles.
11Alfred Binet, en 1887, est le premier qui transpose la notion de fétichisme de la religion et de l’économie à la psychologie. Lui aussi fait dériver le fétiche de la langue parlée par les marchands et marins portugais : feitiço ou fetisso désigne le charme et l’objet enchanté qui exercent une action mystérieuse sur le destin de l’individu qui le possède [17]. Binet utilise le terme pour désigner une forme spécifique d’érotomanie qui se focalise sur une partie ou un objet détachés de la personne dans son ensemble et auxquels le fétichiste voue une adoration qui s’apparente à celle que les noirs vouent à leurs idoles [18]. Émile Laurent, en 1905, s’appuie sur l’autorité de Binet pour faire lui aussi le lien entre l’idolâtrie des « primitifs » et cette forme particulière d’érotomanie qu’il observe parmi ses contemporains :
Le fétichisme est en général le culte des images, des petites idoles ; c’est aussi l’adoration ou plutôt la propitiation d’objets naturels, animés ou inanimés, auxquels on attribue une influence mystérieuse. Tel est le culte des reliques, des amulettes, des scapulaires qui, en réalité, sont, pour ceux qui les portent, de simples fétiches, comme les gris-gris des nègres [19].
13C’est bien cette dimension irrationnelle, superstitieuse, cette passion à la fois mystique et amoureuse qui s’empare de l’esprit d’un individu quand il s’incline devant un objet, lui fait abdiquer sa raison et le rapproche (le fait redescendre au niveau) des enfants et des « primitifs », que l’on retrouve dans le roman de Renaud. Menzel rend un culte naïf à ses poupées, à l’une d’elles, en particulier, qu’il abrite dans une « sorte de châsse », sa « poupée préférée, la poupée reine, comme l’icône adorable du monde-fantoche […], jouet modèle devenu idole, […], femme idolisée [sic] dont il est l’amant et le prêtre » et devant laquelle il s’agenouille, en extase. On songe aussi à ce que Emily Apter écrivait sur la « bric-à-bracomanie » fin de siècle, avec ses autels domestiques composés d’objets éroticisés – véritables « cabinets de curiosités » de la culture populaire – où se rejoignent les trois dimensions, religieuse, amoureuse et économique, du fétiche comme idole de l’esprit. Accumulation, possession, divinisation, exposition à soi réservée, gestes et regards caressants, vision obsessive, permanente et jalouse participent de ce fétichisme morbide et régressif (lié aux désirs infantiles de voir, toucher, caresser), de cette fixation psychique qui enferme celui qui en est la victime dans un cercle obsessionnel [20].
14Et si cet enfermement était, au contraire, une libération ? Si la perspective se trouvait inversée par rapport au point de vue normatif et péjoratif que nous avons feint d’adopter et qui est celui-là même qu’imposent les aliénistes, médecins, psychologues au tournant du xxe siècle ? Si nous rompions avec le conservatisme moral et le positivisme scientiste d’un Krafft-Ebing, qui déclarait perverse toute manifestation de l’instinct sexuel ne répondant pas aux « buts de la nature » ? Si nous regardions plutôt du côté de Charles Fourier qui, en 1816, dans Le Nouveau monde amoureux, récusait l’expression même de « déviation sexuelle » ? Si, pour un temps, nous suspendions notre croyance spontanée dans la normalité du rapport social-sexuel entre humains, dans la supériorité du Réel sur l’Imaginaire ? Si, au lieu d’en faire, comme le bon docteur Laurent, un « syndrome de dégénérescence mentale » – « dégénérescence », autre mot « fétiche » de cette pas si « Belle Époque » obsédée par l’affaiblissement de la « race [21] » – le fétichisme pouvait être considéré comme la manifestation d’une imagination créative ? Si, pour un moment, nous devenions Menzel, ne verrait-on pas son « mal » comme un « bien » ? Essayons.
Imaginaires de la poupée et de l’automate
15Menzel est un homme que la réalité prosaïque a déçu. On devine que les hommes et, sans doute, des femmes, l’ont fait souffrir ; il y a, dans ses silences, le souvenir d’anciennes trahisons, infidélités, bassesses infligées par ses semblables. Il a « sondé le mensonge de la vie » et s’en est détourné à jamais. Manifeste symboliste, L’Homme aux poupées clame la supériorité de l’Idéal sur le Réel, du Rêve sur la Vie. Le réel et la vie peuvent être séduisants, ils apparaissent toujours, à la longue, décevants, étant le lieu et le temps du changement (moral : l’inconstance ; physique : le vieillissement), du conflit et, finalement, de la mort. Mieux vaut se tourner vers des réalités moins sujettes à ces maux. Les poupées sourient toujours, ne se refusent jamais, ne mentent pas, ne trompent pas, elles sont toujours disponibles et dociles. Sur elles, Menzel exerce un pouvoir absolu quoique bienveillant. Par elles, il accède à une forme supérieure car plus pure d’humanité. « Tous ces fantoches sont des êtres, plus intéressants même que tant d’autres qui nous entourent à notre insu, car ils sont de notre essence. […] L’homme s’est trahi dans le pantin. Étudier les poupées des hommes, voilà le meilleur moyen de connaître l’homme. » Menzel a rassemblé un peuple, il a inventé un monde sur lesquels il règne en monarque paterne. Il leur parle, les habille, les soigne. Parmi ses poupées, cet homme prématurément vieilli redevient un enfant ; c’est-à-dire qu’il revient aux « vérités premières » découvertes dans ses premières années et oubliées depuis ou « déformées par le milieu ». Il joue, oui, mais gravement, comme un enfant qui croit aux histoires qu’il s’invente et prête à ses jouets des sentiments, une sensibilité qui sont la projection de ses désirs. Y compris sexuels, peut-être. En quoi le jeu touche à l’art, le fétiche à l’œuvre et la perversion à la création.
16Joyce Mac Dougall, dans son Plaidoyer pour une certaine anormalité, insiste sur la « dimension créatrice » de la « solution perverse » et suggère que le pervers est une sorte d’artiste, de magicien. Certes, entre l’œuvre d’art et le scénario rigide et compulsif qu’élabore le pervers, de nombreuses différences existent quant aux buts et aux contextes, mais cependant tous deux ont en commun « de transgresser, de créer ce qui n’existe pas » et d’apporter au sujet « une même satisfaction narcissique [22]. » On reconnaît là un prolongement de la pensée freudienne à la fois sur le fétichisme et sur le processus de création artistique. Peut-être peut-on aller jusqu’à faire, comme le propose Paul-Laurent Assoun, une analogie entre œuvre d’art et fétiche, à partir de l’idée de Freud d’une fonction magique de l’art, de l’artiste comme magicien. Si le fétiche, comme le pense Freud, a pour fonction inconsciente de préserver le sujet de la menace de la castration tout en instituant le déni, il n’est guère éloigné de l’œuvre qui, elle aussi, vise à se réconcilier avec la réalité par le biais de l’imagination. Il n’y a qu’un domaine, souligne Freud, où dans notre culture la toute-puissance des idées ait été conservée, celui de l’art. Il n’y a que dans l’art qu’il arrive qu’un homme, par ses désirs, fasse quelque chose d’analogue à la satisfaction et que ce jeu – grâce à l’illusion artistique – produise des effets comme si c’était quelque chose de réel [23].
17En termes psychanalytiques, on pourrait dire que la perversion est un déni de la coupure et de la mort. Le pervers entend abolir les limitations imposées au désir au profit d’une jouissance sans limite. Ce qui revient à faire coïncider le but et l’objet de la pulsion c’est-à-dire à substituer aux petits objets qui viennent tour à tour satisfaire la pulsion de façon insatisfaisante, relançant par là la noria du désir, un objet absolu (le fétiche), chargé d’assurer une fois pour toutes la satisfaction parfaite du désir accomplie en termes de jouissance. La voie perverse permet donc au sujet humain d’annuler la fonction limitatrice de l’Autre. Le pervers élève une femme arrachée à la castration et à la mort à la dignité de la Chose perdue. Du même coup, parce que la rencontre n’est plus marquée pour lui du signe de l’aléatoire et de l’éphémère, le sujet se retrouve ici à l’abri des risques de la perte de l’objet d’amour. La femme, pour l’éternité du pervers, répond ainsi à l’éternité de l’œuvre d’art qui arrache elle aussi l’homme à la fatalité de la pulsion porteuse de la mort. Peut-être Menzel a-t-il aimé une femme qui l’a trahi, peut-être est-il tombé amoureux de plusieurs femmes sans jamais oser les aborder et a-t-il trouvé dans ses poupées des substituts qui n’offrent aucune limite à l’accomplissement de ses désirs ? Peut-être faut-il soupçonner un désir plus trouble encore, qui trouverait dans la poupée nue – mais « point charnelle », croit nécessaire de préciser Renaud –, au « corps d’enfant rose et potelé », aux « cheveux blonds de fillette » une image scandaleuse qu’il faudrait tenir à l’abri des regards culpabilisants, par exemple dans une « châsse » qui sacralise ce que cette passion pourrait avoir d’impur ?
18On songe alors immanquablement – et les dessins de Veber constituent à eux seuls une puissante incitation à le faire – à la poupée articulée de Hans Bellmer, que cet artiste appelait sa « fille artificielle ». Construite dans un contexte d’intense oppression à la fois familiale et sociale – Bellmer se heurtant à la double figure répressive du père et d’Hitler à partir de l’arrivée du second, admiré par le premier, au pouvoir – elle représenta l’instrument d’une libération ou, du moins, d’une transgression clandestine, en même temps que le support des fantasmes les moins avouables, comme, par exemple, ceux que lui inspirèrent sa cousine Ursula et, plus généralement, les adolescentes aussi belles qu’insaisissables qui se présentaient à sa vue [24]. Comme le suggère Céline Masson, « la poupée a pu satisfaire à son besoin irrépressible d’échapper à la réalité telle qu’elle se présentait à lui et lui a permis de rejoindre le monde magique des inventions et du jeu [25] ». À la fois objet d’art et objet sexuel, indissociablement – on le voit nettement dans les photographies qui accompagnent son livre Die Puppe, dédié à Ursula [26] –, icône surréaliste et compagne d’une vie, symbole de l’innocence et jouet pervers, la poupée de Bellmer fut un moyen de faire œuvre à partir d’un désir torturant car condamné à l’insatisfaction, un moyen de transformer le fantasme en création plutôt qu’en symptôme et, somme toute, de guérir le mal par le mal, le poison par une forme atténuée, comme l’est un vaccin pour un virus [27].
19L’idée en serait venue à Bellmer après qu’il eut rencontré Lotte Pritzel, qui fabriquait des petites poupées de cire. Elle lui parla de l’étrange commande que lui avait passée quelques années auparavant le peintre Oskar Kokoschka d’une poupée à l’image d’une femme grandeur nature. Elle n’avait pu satisfaire cette commande mais une autre artiste, Hermine Moos, réalisa cette effigie, que Kokoschka avait souhaitée aussi réaliste, « pleine de vie », que possible [28]. Une autre source d’inspiration possible fut la lecture du conte L’Homme au sable, d’E.T.A. Hoffmann, et l’adaptation qui en fut faite par Jacques Offenbach (et son librettiste, Jules Barbier [29]) dans son opéra Les Contes d’Hoffmann, dont Bellmer assista à une représentation à Berlin en 1931 ou 1932. Il convient de s’attarder un instant sur ces deux œuvres car la seconde d’entre elles joue un rôle central dans L’Homme aux poupées. Menzel tombe en effet amoureux de Yane, ou plutôt d’Olympia, que l’actrice incarne, un soir où il assiste à une représentation des Contes d’Hoffmann à l’opéra. Il va trouver la jeune femme dans sa loge, dans l’espoir que l’illusion se prolongera une fois le rideau retombé – mais l’automate, la poupée mécanique et chantante, est redevenu une femme ordinaire et le rêveur s’en retourne déçu. Il ne reviendra vers Yane qu’à la toute fin du livre, quand la comédienne aura repris son rôle pour lui seul afin de le consoler de la perte de ses poupées.
20Il faudrait étudier finement les ressemblances et les dissemblances existant entre L’Homme au sable et Les Contes d’Hoffmann, entre ceux-ci et L’Homme aux poupées de Renaud, entre cette dernière œuvre et les adaptations qu’elle connut quelques années après sa parution, pantomime (1903) et film (1909), tous deux portant le même titre mais signés par Henry Bérény. Nous soulignerons seulement quelques points essentiels. Tout d’abord, la dimension déceptive qui apparaît avec évidence dans toutes ces œuvres, selon des modalités diverses. Dans L’Homme au sable, l’étudiant Nathanaël tombe amoureux de la fille d’un professeur de son université, malgré les moqueries de ses camarades qui trouvent qu’elle n’a aucune conversation (elle ne sait dire que : « Ach » !). Il l’observe longuement de sa fenêtre, danse avec elle au cours d’un bal et s’apprête à lui offrir un anneau en gage de son amour, quand il s’aperçoit qu’il ne s’agit que d’un mannequin que se disputent son « père » et un marchand de baromètres dans lequel il reconnaît un avocat qui l’avait beaucoup effrayé quand il était enfant. Après la bataille, il ne reste d’Olympia qu’une « tête de cire dont les yeux d’émail roul(ent) sur le plancher. » On retrouve une scène presque identique dans le final de l’acte 2 des Contes d’Hoffmann, à ceci près que c’est Hoffmann lui-même qui tombe amoureux d’Olympia (qui ne sait dire que : « Oui »). « C’est une fille exquise/Il ne lui manque rien », chante le chœur, juste avant que le pauvre amoureux n’aperçoive sa bien-aimée, démembrée, les ressorts à l’air. « Un automate ! répète Hoffmann, pâle et épouvanté, un automate ! ». Le schéma s’inverse dans L’Homme aux poupées : tandis que Nathanaël/Hoffmann espérait une femme et ne trouve qu’un automate, Menzel espérait un automate et ne trouve qu’une femme. Ce second schéma est respecté dans le film de 1909, mais au prix de certains aménagements dans les rapports entre les personnages. Le personnage masculin est marié et rêve d’insuffler la vie à ses poupées ; sa femme tente de l’arracher aux griffes de cette chimère. « Pour arriver à son but, elle se métamorphose en poupée, prend la place de l’idole de porcelaine et donne à l’artiste l’illusion de posséder enfin son rêve ! Pour la première fois, il aime sa compagne de chair et lorsque le voile tombe, lorsqu’il découvre le stratagème que lui a suggéré sa tendresse, enfin, devant la Réalité s’effacent la folie et l’inanité du songe [30]… ». La réalité triomphe donc dans le film, alors que c’est le songe qui l’emporte dans le roman. Dans tous les cas, on le voit, la réalité n’est pas ce qu’elle semblait être au premier abord, le rêve et l’idéal se fracassent contre le réel et le personnage masculin fait l’expérience d’une forme aiguë de déception amoureuse.
21Un autre point commun entre ces œuvres est la place centrale occupée par la poupée et même l’automate. En cela, elles s’inscrivent dans une longue tradition de l’être artificiel, de la légende de Pygmalion contée par Ovide aux androïdes de Blade Runner en passant par le Golem de Scholem et les robots de Lem et d’Asimov. Le xixe siècle est particulièrement fécond en œuvres posant la question du double et du pouvoir divin que s’arroge l’homme en voulant créer à son tour la vie : du Frankenstein de Mary Schelley (1818) à L’Ève future de Villiers de l’Isle Adam (1886), la conscience européenne s’interroge sur les pouvoirs nouveaux que lui livrent les sciences et les techniques de l’ère industrielle – chimie organique, électricité, mécanique – et les limites éthiques qui peuvent leur être opposées. L’Homme aux poupées n’est pas un roman d’anticipation ; on n’y trouve ni éprouvettes fumantes ni leviers baissés par un savant fou au rictus sardonique. On y est plus proche du Pinocchio de Collodi (1894) que du sinistre docteur Moreau (1896) ou de Rotwang, le non moins sinistre génie du mal de Métropolis (1927). Pourtant, Menzel est lui aussi, à sa façon, un démiurge. Il voudrait que ses poupées s’animent devant lui, il guette en elles, à défaut de pouvoir la susciter, l’étincelle de la vie. « Ce qu’il cherche, c’est une expression de vie derrière le mutisme de leurs faces peintes. Ce qu’il écoute, c’est un battement de cœur au fond de leur boîte creuse. Ce qui le torture, c’est de savoir si rien d’autre n’émane d’elles que leur odeur de moisi ou de colle, quelle est la pensée éternellement la même où s’ensevelit leur esprit. » Certes, concède-t-il à Yane qui se moque de ses « bonshommes », ceux-ci ne sont même pas mécaniques, ils ne bougent pas, ne parlent pas. Mais « qui vous dit qu’ils n’ont pas leur langage à eux, leurs passions, leur vie propre, enfin, seulement diverse de la nôtre ? Je crois que si. Oui, ils jouissent et souffrent comme nous ; ils ont leurs sourires et leurs larmes ; ils aiment, peut-être… ». La poupée, a fortiori l’automate en laquelle Yane doit se muer pour attirer l’attention de Menzel, est un être ambigu, matière inerte modelée à la semblance de l’humain, double sublimé du corps organique, qui participe de la matière et de l’esprit, à mi-distance de l’animé et de l’inanimé, mais aussi du profane et du sacré, à la fois jouet et idole. « L’automate ressemble au vivant mais il est un corps sans symptôme et sans jouissance, corps sans pulsion et sans folie. Cependant, il est la surface de projection de sujets qui le fantasment et le fabriquent [31]. »
22Cette projection et cette fabrication passent, et c’est le troisième point qui ressort avec évidence de la confrontation des diverses œuvres avec lesquelles L’Homme aux poupées entretient un dialogue explicite, par la vue, par l’œil, par le regard. Dans L’Homme au sable comme dans Les Contes d’Hoffmann, c’est par la vue que l’étudiant tombe amoureux d’Olympia. Dans la nouvelle d’Hoffmann, il a recours à une lorgnette pour observer la « jeune fille » qui se tient, toujours assise à la même place, chez son « père ». « À force de chercher son regard fixe et d’y concentrer la puissance de la lorgnette qu’il essayait, Nathanaël crut voir d’humides rayons lunaires jaillir des prunelles de cette belle personne, et s’embraser peu à peu d’un éclat magnétique. “Diable ! se dit l’étudiant, Mademoiselle Olympia ne saurait être idiote avec des yeux pareils.” ». De la même façon, Hoffmann, dans l’opéra, tombe amoureux d’Olympia au premier regard. À son ami Nicklausse, qui s’en étonne, il rétorque : « Il suffit d’un regard pour embrasser les cieux ! ». Dans L’Homme aux poupées, c’est Menzel qui a le regard fixe, le « regard de l’obsession », « regard d’illuminé qui éclairait la chambre comme une torche ». Yane-Olympia a remarqué ce regard fasciné posé sur elle pendant la représentation ; elle voudrait le capter de nouveau mais Menzel n’a d’yeux que pour ses poupées. Si les trois figures masculines ont le regard fasciné par ce qu’elles voient, ce qui attire l’œil est donc assez différent d’une œuvre à l’autre. Les yeux d’Olympia sont le foyer qui embrase le cœur de l’étudiant (« Tes yeux me brûlent de leurs flammes » s’écrie Hoffmann) ; dans L’Homme aux poupées, le foyer c’est le regard de Menzel. Si l’on ne retrouve pas exactement dans le livre de Renaud la thématique des yeux détachés du corps, des yeux de toutes les couleurs que s’obstine à vouloir vendre Coppélius, le marchand de baromètres et opticien, dans Les Contes d’Hoffmann, « yeux d’émail qui roulent sur le plancher » après la destruction de l’automate dans L’Homme au sable, celle du démembrement est, elle, bien présente, quand Menzel arrache une jambe à une poupée pour la donner à une autre ou quand Yane détruit les poupées dans l’holocauste final.
23On sait que Freud a fait de cet épisode une illustration de la notion d’« inquiétante étrangeté » (Unheimliche) analysée dans un essai de 1919. Ce sentiment de malaise, très présent dans la littérature allemande du xixe siècle, est celui que l’on éprouve quand on est mis en présence d’une rupture dans l’ordre rassurant, familier, des choses. Freud s’inspire des travaux d’Ernst Jentsch qui, dans un essai de 1906, indique que ce sentiment peut être suscité par le spectacle d’un objet en mouvement dont on se demande s’il est réellement un être vivant, ou par celui d’un objet sans vie dont on se demande s’il ne pourrait pas s’animer. Freud voit dans Hoffmann « le maître incomparable de l’inquiétante étrangeté » et dans sa nouvelle L’Homme au sable l’illustration parfaite de ce qu’il entend par là [32]. C’est la vision des yeux sanglants d’Olympia, détachés de son corps, qui épouvante Nathanaël, lequel fait le lien avec un épisode de son enfance, quand il croyait que « l’homme au sable » allait venir lui arracher les yeux. Bien sûr, Freud relie cette frayeur d’enfant à la peur de la castration… Comme Olympia, la poupée reine de Menzel a « des yeux d’émail », comme elle, elle sera démembrée et – suppose-t-on – énucléée par la fureur destructrice des humains, en l’occurrence de Yane, qui ne supporte pas qu’aux « yeux lumineux des vrais êtres et des femmes », Menzel préfère les « yeux éteints » des poupées.
24Si l’on se souvient que le mot grec, pour poupée, est coré, qui signifie aussi le miroir ; que le mot latin est pupilla, qui est aussi l’œil, et que la poupée est ce à quoi la petite fille est invitée à s’identifier, l’objet-modèle qui active un désir mimétique – interdit au garçon, sous peine de passer pour une « fille », c’est-à-dire un homosexuel, comme étaient réputés l’être tous les fétichistes dans l’opinion des médecins et des policiers de la fin du xixe siècle – on conviendra que L’Homme aux poupées s’éclaire d’un jour nouveau, tout entier placé sous le signe de la pulsion scopique détournée quant au but [33]. Il s’agit d’un récit où le regard fasciné de l’homme – ce voyeur qui n’aime pas être vu – se détourne de la femme pour se porter sur son substitut, son simulacre, adoré de manière exclusive ; où la sexualité autorisée, légitime, orthodoxe, se trouve rejetée au profit d’une sexualité alternative, déviante, anormale, qui non seulement ne se donne plus pour but la procréation mais refuse même tout commerce charnel. Après que Yane s’est dévêtue, elle s’évanouit sous le regard brûlant de Menzel (!). Ce dernier est tenté par le corps nu, inerte, offert ; il est sur le point de succomber mais se reprend bien vite. « Il savait bien, lui, l’illusion menteuse et l’éternelle chimère de la vie. »
25Ce roman discrètement « érotique [34] » est donc celui du refus de la femme mais aussi de son idéalisation ou, plus exactement, de son abstraction. Un processus de spiritualisation de l’amour se fait jour qui en fait une œuvre assez radicalement subversive [35]. Hymne à l’imagination, au fantasme, au voyeurisme, à la mise en scène fétichiste du désir masculin, il est aussi une œuvre qui nous parle de notre présent, où les substituts, les simulacres sexuels n’ont jamais été aussi nombreux ni si faciles d’accès, des poupées en silicone (real dolls) à la pornographie sur internet qui (dé)matérialisent pour l’homme de la rue (occidentale) le fantasme du harem. Il ne serait pas difficile de montrer que les mêmes processus, les mêmes pulsions narcissiques d’emprise et de contemplation – la collection, l’accumulation compulsive, le classement, le démembrement et le morcellement des corps, la préférence donnée à des fétiches totalement dociles et infiniment variés, êtres parfaits et qui disent toujours « oui » – jouent dans la culture pornographique aussi bien que dans le fétichisme des poupées. Et si l’on peut, à volonté, déplorer là encore l’enfermement dans un cercle obsessionnel, la perversion comme déni des limites de l’Autre, la réduction de l’humain au rang d’objet sexuel, la consommation massive et passive d’images dégradantes, on peut aussi, à l’inverse, vanter les mérites, voire les vertus, de cette forme transgressive et substitutive de sexualité, et le caractère actif, voire créatif, des pratiques qu’elle induit. Le grand sexologue britannique Havelock Ellis n’estimait-il pas que,
de toutes les manifestations de la psychologie sexuelle, les phénomènes du symbolisme érotique sont ceux qui sont les plus spécifiquement humains. Plus que tous les autres, ils présupposent une force plastique très développée de l’imagination. Ils nous montrent à nu l’homme individuel, non seulement séparé de ses contemporains mais en opposition avec eux, et forcé de se créer son propre paradis. Ils constituent le triomphe suprême de l’idéalisme humain [36].
Notes
-
[1]
Emmanuel Pierrat, avocat et écrivain, ne collectionne pas les poupées mais les pipes à opium, les masques africains, l’art érotique, les livres anciens, les autographes… Il évoque cette passion bizarre dans La collectionnite, Paris, Éditions Le Passage, 2011.
-
[2]
L’Homme aux poupées de Jean-Louis Renaud (pseudonyme de Louis Janot et Louis Lacroix), dessins de Jean Veber, Paris, Ludd, 1988.
-
[3]
Né en 1864 et mort en 1928. Ces illustrations ont été reprises dans la première réédition de L’Homme aux poupées, par les éditions Ludd, en 1988, mais non dans la deuxième, par Terre des Brumes, en 2002.
-
[4]
Camille Mauclair, « Quatre médaillons d’artistes », La chronique des livres, 6, 10 septembre 1900.
-
[5]
Philippe Rigaut, Le fétichisme, perversion ou culture, Paris, Belin, 2004, p. 33.
-
[6]
Mario Praz, La chair, la mort et le diable. Le romantisme noir, Paris, Gallimard, 1998 (1966).
-
[7]
Vente Erotica (bibliothèques de Jean-Pierre Faur et Emmanuel Pierrat), 2007.
-
[8]
Richard von Kraff-Ebing et Albert Moll, Psychopathia sexualis. Étude médico-légale à l’usage des médecins et des juristes, éd. refondue par le docteur Albert Moll, Paris, Press Pocket, 1999 (1950).
-
[9]
Émile Laurent, Fétichistes et érotomanes, Paris, Éditions Vigot (Les perversions sexuelles), vol. 12, 1905.
-
[10]
Patrick Poignant parle de « processus de pathologisation des perversions sexuelles (on pourrait écrire à juste titre de processus d’invention) ». Patrick Poignant, Psychopathia sexualis de Krafft-Ebing 1886-1924. Une œuvre majeure dans l’histoire de la sexualité, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 10. Voir aussi Sylvie Chaperon, Les origines de la sexologie, 1850-1900, Paris, Éditions Louis Audibert, 2007.
-
[11]
Celui-ci évoque alors des « manies sans délire », catégorie nosologique qui regroupe des « aliénés qui n’offrent à aucune époque aucune lésion de l’entendement et qui sont dominés par une sorte d’instinct de fureur, comme si les facultés affectives avaient été seulement lésées ». Patrice Pinel, Traité médico-philosophique de l’aliénation mentale, (1800), rééd. dans L’aliénation mentale ou la manie, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 150.
-
[12]
Claude-Olivier Doron, « Le démon du pervers : entre perversité et perversion », dans Laura Bossi (dir.), Crime et folie. Les entretiens de la Fondation des Treilles, Paris, Gallimard (Les Cahiers de la NRF), 2011, p. 233-255.
-
[13]
Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 1, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, p. 154.
-
[14]
Philippe Rigaut, Le fétichisme, perversion ou culture, op. cit., p. 37.
-
[15]
Émile Laurent, Fétichistes et érotomanes, op. cit., p. 3.
-
[16]
Jean Streff, Traité du fétichisme à l’usage des jeunes générations, Paris, Denoël, 2005, p. 16-17 ; et Philippe Rigaut, Le fétichisme, perversion ou culture, op. cit., p. 17.
-
[17]
L’une des meilleures illustrations littéraires de ce sortilège est la nouvelle de Robert-Louis Stevenson, « La bouteille endiablée » parue dans le recueil Veillées des îles en 1894.
-
[18]
Alfred Binet, Le fétichisme dans l’amour, Paris, Payot, 2001 (1re édition dans La Revue philosophique, 1887).
-
[19]
Émile Laurent, Fétichistes et érotomanes, op. cit., p. 3. Alfred Binet signalait de son côté l’existence d’individus pour lesquels le processus de l’attirance sexuelle rappelait « l’adoration du sauvage ou du nègre pour des arêtes de poisson ou des cailloux brillants. » (op. cit., p. 31).
-
[20]
Emily Apter, Feminizing the Fetish. Psychoanalysis and Narrative Obsession in turn-of-the-century France, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 1991.
-
[21]
Voir notamment Michel Winock, La Belle Époque, Paris, Perrin, 2003 ; Jacqueline Lalouette, La France de la Belle Époque, dictionnaire de curiosités, Paris, Tallandier, 2013.
-
[22]
Joyce MacDougall, Plaidoyer pour une certaine anormalité, cité par Philippe Rigaut, Le fétichisme, perversion ou culture, op. cit., p. 28.
-
[23]
Paul-Laurent Assoun, préface à Céline Masson, La fabrique de la poupée chez Hans Bellmer. Le faireperversif, une étude clinique de l’objet, Paris, L’Harmattan, 2000. Dans la Cinquième leçon sur la psychanalyse, Freud parle de la « vocation artistique encore mystérieuse » qui permet aux artistes de « transposer leurs fantasmes en créations artistiques au lieu de symptômes » et de regagner par ce détour la relation à la réalité. Il y a donc, d’abord, les fantasmes ; or ceux-ci sont susceptibles d’un double destin : par le symptôme et/ou par la sublimation. Les créations artistiques sont une façon de faire, avec des fantasmes, autre chose que des symptômes. Sur la pensée de Freud concernant le fétichisme, lire son article de 1927, « Le fétichisme », réédité et traduit notamment dans Abrégé de psychanalyse, Paris, PUF, 2001.
-
[24]
Pour Monique Broc-Lapeyre (« Hans Bellmer ou l’artisan criminel » dans Érotiques, numéro spécial de la Revue d’Esthétique, 1-2, 1978, p. 254), « cette poupée docile à tous les phantasmes le délivrait enfin des désirs inassouvis pour les petites-cousines aussi aguichantes qu’inaccessibles » et, comme Nathanaël (le héros de la nouvelle de E.T.A. Hoffmann, L’Homme au sable), il aurait pu crier à sa jeune cousine Ursula dont la présence le dévorait d’une sombre passion : « Automate maudit et sans vie ».
-
[25]
Céline Masson, La fabrique de la poupée chez Hans Bellmer. Le faire-perversif, une étude clinique de l’objet, op. cit., p. 106. Cette auteure souligne elle-même, dans une note (p. 108), « l’étrange proximité » de L’Homme aux poupées et de l’univers de Bellmer.
-
[26]
Hans Bellmer, La Poupée, Paris, GLM, 1936 (1934).
-
[27]
C’est le sens que l’on pourrait donner à la citation mystérieuse de Paracelse placée en exergue du livre de Bellmer, Petite anatomie de l’inconscient physique ou l’anatomie de l’image (publié pour la première fois en 1957, réédité en 1977 chez Losfeld, puis en 2002 chez Allia) : « Le scorpion guérit le scorpion ».
-
[28]
Voir Pierre Dourthe, Bellmer. Le principe de perversion, Paris, Éditions Jean-Pierre Faur, 1999. Sur cet épisode, lire aussi l’étude de Claude Jamain, Le regard trouble. Essai sur la poupée d’Oskar Kokoschka précédée des lettres d’Oskar Kokoschka à Hermine Moos (Paris, Éditions de l’Improviste, 2006).
-
[29]
Jules Barbier avait écrit cette pièce avec Michel Carré en 1851 ; l’opéra fut créé à l’Opéra-Comique en 1881.
-
[30]
Scénario du film produit par Film d’Art, édité par Pathé frères, 1909.
-
[31]
Céline Masson, La fabrique de la poupée chez Hans Bellmer…, op. cit., p. 84.
-
[32]
Sigmund Freud, L’inquiétant familier (suivi de : « Le marchand de sable » de E.T.A. Hoffmann), Paris, Payot (Petite Bibliothèque Payot), 2012.
-
[33]
« Objet-femme, modèle-chose, interdit au garçon, encore dans nos civilisations, son pouvoir de fascination mimétique peut conduire à d’étranges aliénations. », Françoise Frontisi-Ducroux et Jean-Pierre Vernant, Dans l’œil du miroir, Paris, Odile Jacob, 1997, p. 247.
-
[34]
Nous l’avions découvert dans le Dictionnaire des œuvres érotiques de Pascal Pia, Paris, Laffont (Bouquins), 2001. C’est sans doute les dessins de Veber et la scène de l’effeuillage de Yane, vers la fin du livre, qui lui valurent cette étiquette.
-
[35]
« The fetishist shared with the sadomasochist a socioally reprehensible propensity to “linger” (Freud’s term) in the realm of foreplay. Disgressing on the path of coital consummation, foiling civilisation’s righteous aim to propagate the species, he was guilty of an exemplary dalliance in gratuitous sex. » (Emily Apter, Feminizing the Fetish…, op. cit., p. 17).
-
[36]
Dans Studies on the Psychology of Sex, cité par Jean Streff, Traité du fétichisme à l’usage des jeunes générations, op. cit., p. 15.