Notes
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[1]
Gilles Ehrmann (Metz, 1928-Paris, 2005) inaugure son œuvre photographique en 1955 avec la parution d’un livre intitulé Provence noire suivie, un an plus tard, par De Saint-Paul de Vence qui porte trace de ses rencontres avec Jacques Prévert, Pablo Picasso et André Verdet. Il intègre en 1957 l’équipe de la revue Réalités, pour laquelle il voyagera de la Guinée au cercle polaire jusqu’en 1970. En 1962, le prix Nadar consacre son ouvrage Les Inspirés et leurs demeures dédié, entre autres, à Gaston Chaissac, au facteur Cheval, à Bomarzo ; les clichés sont accompagnés des textes de Ghérasim Luca, André Breton et Benjamin Péret. Faire un pas, carnet d’un voyage effectué en 1968 en Inde, en Afghanistan et au Népal, paraît en 1993. Une part importante de son travail est parallèlement consacrée à l’architecture. Sur l’invitation d’André Bloc, il collabore à L’Architecture d’aujourd’hui et devient le « metteur en images » des travaux de Jean Willerval, Claude Parent et André Jacqmain.
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[2]
Je tiens à remercier ici André Jacqmain et Nicole Beeckmanns-Jacqmain pour leur aide précieuse.
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[3]
Aristote, Poétique. Également à ce propos, Nicole Loraux, La Voix endeuillée : essai sur la tragédie grecque, Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 1999, 185 p.
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[4]
Lire à ce propos Antonia Birnbaum, Bonheur Justice, Walter Benjamin : le détour grec, Paris, Payot, coll. « Critique de la politique », 2008, 236 p.
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[5]
Henri Bergson, La Politesse, Paris, Payot, coll. « Rivage poche/Petite bibliothèque », 1972, 76 p.
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[6]
Hannah Arendt, La Crise de l’éducation : extrait de La Crise de la culture, Paris, Gallimard, coll. « Folio Plus », 2006, 150 p.
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[7]
François Hers, Intérieur, photographies de François Hers et Sophie Ristelhueber, Bruxelles, Éd. AAM, 1981, 126 p.
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[8]
Robert Linhart, L’Établi, Paris, Éditions de Minuit, 1978, 180 p.
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[9]
Lire à ce propos Sabine Ehrmann, « Sous les terrils, la plaine », Les Cahiers thématiques, n° 9, « Paysage, territoire, reconversion », Paris, éd. de la Maison des sciences de l’homme, janvier 2010.
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[10]
« En toute autre circonstance, je trouverais cet accoutrement dérisoire. Ici, il me paraît faire naturellement partie de la résistance des O. S. Saisir chaque occasion de montrer que l’on ne se laissera pas couler. Une façon comme une autre d’afficher le respect de soi », Robert Linhart, op. cit., p. 70.
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[11]
Giorgio Agamben, La Communauté qui vient : théorie de la singularité quelconque, Paris, Seuil, 1990, 118 p.
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[12]
Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1979, 670 p.
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[13]
Pierre-Damien Huyghe, Faire place, Paris, Mix, 2006, 44 p.
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[14]
Lire à ce propos, entre autres, Benoît Goetz, « La variété infinie des convenances. Tentative de réactivation d’un concept de l’ancienne théorie architecturale », dans Thierry Paquot, Chris Younès (dir.), Éthique, architecture, urbain, Paris, La Découverte, 2000, p. 34-45 ; Thierry Paquot, Chris Younès, « Rencontre avec Maldiney : éthique de l’architecture », dans Thierry Paquot, Chris Younès (dir.), op. cit., p. 10-23.
1En certaines occasions que je préciserai, Gilles Ehrmann [1] a mis en scène ou disposé des gens dans les édifices pour photographier leur architecture. J’ai tout d’abord pensé que cette pratique, non systématique, tentait d’exprimer à sa manière une époque du « projet d’architecture ». J’avais donc prévu de prendre argument et/ou prétexte des photographies pour revenir sur ce moment où l’architecture s’est concentrée autour d’un idéal qui, délaissant l’entente commune qui la voulait comme enveloppe et abri, a tenté de la penser et de la proposer comme espace d’expérience et de renouvellement des modes d’habiter ; entendons par là de construire l’habitation par l’architecture plus que de concevoir l’habitat à partir de comportements considérés comme connus. Quelles que soient les conséquences de cette utopie pour l’architecture, il s’agissait d’établir un rapport entre la mise en scène photographique et le désir d’un ordonnancement des corps individuels et sociaux par l’espace. Il me semblait opportun de revenir sur cette proposition qui tient la photographie – au-delà d’un support de présentation et de communication des « objets » architecturaux – comme un outil critique du projet architectural ; opportun également d’en évaluer, au-delà du travail de Gilles Ehrmann, la conséquence.
2À cette fin, je suis retournée studieusement dans une bibliothèque d’ouvrages d’architecture. Ma réflexion a renoué alors avec une autre source et une autre visée, moins rationalisée, plus viscérale. Qui, ayant passé un certain nombre d’heures dans une telle bibliothèque, n’a-t-il pas éprouvé une sorte de malaise, mêlé d’angoisse, de colère ou d’ennui selon son caractère, à voir se déployer, ouvrage après ouvrage, un monde évidé ? Au fil des plans, des dessins, des photos, mis à part deux ou trois ouvrages consacrés à l’habitat dit « social » – j’y reviendrai – personne. « Le moins d’homme possible » ou si peu. Quelques rares silhouettes accessoires, donnant l’échelle ; autant dire l’équivalent d’une chaise. Le domaine des représentations consacré à l’architecture semble s’unir autour d’un contrat tacite qui voudrait que la visibilité de l’œuvre architecturale dépende de sa « désertion ». La photographie d’architecture particulièrement, avec la plus grande complicité des architectes, supprime ainsi la fonction sociale de l’architecture. Elle s’en passe. À en croire les images, l’architecture ne serait un art pour personne, un art sans conséquence sur nos conditions contemporaines d’existence et de sociabilité. Au vu de ce panorama général des représentations de l’architecture, les quelques photographies de Gilles Ehrmann où l’architecture se voit soudain peuplée (je ne dis pas habitée, on en comprendra plus loin les raisons) de visages humains, me font l’effet d’un paradoxal soulagement.
3Me remémorant, dans la perspective de la rédaction de cet article, certaines anecdotes rapportées par les architectes et les assistants qui furent témoins, et collaborateurs, des prises de vues et des mises en scène de Gilles Ehrmann – toutes font état de situations felliniennes de prises de vue qui tendent à dresser un portrait aussi mégalomane que démiurgique de l’auteur : prenant les lieux (et le temps) en otage, déménageant les meubles, installant des kilos de lumières, réalisant des castings, vidant les frigos et les bars, etc. – m’est revenue incidemment une phrase de mon père : « Ah, l’amour ! C’est la chose la plus compliquée. C’est même plus compliqué que l’architecture ! » Cette évocation de l’architecture dans un contexte de discussion qui ne s’y prêtait guère m’a fait revenir devant les images et j’y ai vu alors autre chose. Qui a connu Gilles Ehrmann sait que son attitude de démiurge allait de pair avec une discrétion et une pudeur parfois excessive et que le rôle du grand metteur en scène, qu’il empruntait parfois, venait compenser une timidité qui le lui faisait tolérer. Qui a connu Gilles Ehrmann sait que l’expression de sa vie privée relevait de la fable plutôt que de l’autobiographie et qu’il ne se prêtait pas volontiers à être le confident de celle des autres. Qu’on me fasse crédit pour ces quelques lignes et qu’on évite de croire qu’il s’agisse pour moi d’adopter une attitude hagiographique qui tente de retoucher un portrait. J’expose ici une heuristique. Si j’évoque ces traits de caractère, c’est pour tenter de penser le pourquoi de ces mises en scène photographiques en m’émancipant de la perspective représentative, qui lierait les photos d’architecture de Gilles Ehrmann à une époque des utopies architecturales. C’est parce que cette petite phrase sur l’amour et l’architecture m’a fait penser qu’il en allait peut-être finalement plus fondamentalement d’autre chose, de plus discret et de plus important à la fois : d’une critique de la sphère privée et de son émancipation par le rôle, rôle dont la traduction photographique serait la pose. C’est par ce chemin que, finalement, j’irai.
Une architecture qui déloge : des maisons sans maître, ni maîtresse
4Je remarque ceci : que la plupart des mises en scène pour l’architecture ont été réalisées dans des architectures de logement privés ou collectifs. Je ne connais pas d’exemple de mise en scène dans l’œuvre de Gilles Ehrmann concernant des bâtiments publics, ni des espaces de travail. Et je me demande si ces mises en scène n’avaient pas pour fonction première d’éviter à leur auteur d’être en prise avec l’espace du privé et de répondre, ou d’échapper, à une assimilation peut-être très personnelle de l’espace privé à l’espace du drame. Je pourrais formuler les choses autrement, en les dépersonnalisant. Il me semble, à regarder ces photographies, qu’il s’opère, par la mise en scène de l’espace et des personnages, une sortie, une évacuation même de tout ce qui peut lier l’espace privé à l’expression d’un chez soi, d’un habitat investi et subjectivé par ses habitants. Ces habitants, au demeurant, n’ont pas l’air d’en être. Les poses que Gilles Ehrmann leur fait adopter, les poses et mises en scène qu’il leur fait endurer, tendent plutôt à les présenter comme des figurants que comme des propriétaires des lieux ; offrant ainsi à l’architecture qui les accueille une autonomie et une autorité peu communes. Lors de la prise de vue de la maison de Brouckère d’André Jacqmain [2] [Ill. 1] – que je présenterais volontiers comme une métaphore de mon propos – cette tendance à désapproprier l’espace ira jusqu’à la mise en scène d’une pure et simple expropriation : meubles et occupants mis dehors, mis au-dehors de chez eux, déménagés, l’architecture en arrière-plan débarrassée pour un moment de ce et de ceux qui l’occupent. Je crois que l’on peut dire cela de général du rapport de Gilles Ehrmann à l’architecture : il voulait la débarrasser, lui faire place, lui donner place, l’émanciper de ses propriétaires et de ses propriétés ; que ce soit elle qui occupe, qui nous occupe et non l’inverse. Il y a peut-être ici de quoi rejoindre mon intuition de départ. Il s’agit bien de proposer l’architecture comme un art qui déloge, un art capable de prendre autorité sur l’envie d’une projection de soi sur l’espace, de distinguer l’architecture du besoin d’un abri et d’un art de la représentation pour nous la rendre extérieure, pour nous la faire voir en face, pour nous en faire un environnement plutôt qu’une demeure, une altérité plus qu’un bien, un paysage mieux qu’une maison. Voilà, selon moi, ce que Gilles Ehrmann offre ou prête à l’architecture avec ces photographies : la possibilité de la concevoir non pas comme une œuvre qui nous protège, qui nous abrite, qui nous couvre, mais comme un domaine d’activité et de créativité qui nous découvre. Gilles Ehrmann, grand ami de l’architecture, n’en était pas moins un passionné du dehors. L’important est de nous faire sortir.
5Cette sortie, je peux la présenter autrement qu’en termes strictement spatiaux en recourant à la terminologie grecque. C’est comme si ces mises en scène essayaient de contrer méticuleusement tout ce qui pourrait réduire l’architecture au domaine de l’????? (oikos). L’????? ne désigne pas seulement l’espace privé matérialisé. Il désigne un domaine de l’existence où se confondent la famille et l’économie. Le terme grec est d’une ductilité sémantique que ne rend aucun terme de notre français. L’????? c’est en premier lieu l’espace de la demeure, le lieu où l’on reste, où l’on ne bouge pas ; laquelle demeure est donc aussi bien celle de la vie que celle de la mort, maison et tombeau se rejoignant sous ce terme. C’est aussi l’espace de l’engendrement et de la nutrition, de la procréation et de la conservation, espace géré par le féminin et dominé par le masculin. C’est l’espace de l’autorité et de l’économie opposé à l’espace politique où l’on se fréquente entre égaux ; l’espace de la réserve et de l’épargne opposé à celui de la dépense ; espace du propre à soi, c’est-à-dire aussi bien du possédé, de l’avoir, du profit que l’espace du reconnaissable comme familier (qu’il s’agisse de famille ou de race). Giron et domaine du bio, consacré aux besoins de la vie physique, l’????? est également l’espace de la lamentation, de la compassion, de l’épanchement émotionnel. Espace de vie, espace privé, espace aussi bien de la discrimination (sociale, raciale, sexuelle), de l’autorité et de la possession, espace des instincts, des besoins et des pulsions, le terme d’????? (re)couvre bien d’autres choses que la chaleur du « foyer ». L’????? est aussi l’espace couvert des drames ou l’espace du drame à couvert. La tragédie aura pour mission, selon les vœux d’Aristote, de lever ce couvert, de mener jusqu’au devant de la scène ces affects (pathos) en souffrance qui menacent de hanter la cité [3]. Cette mise en scène, cette relève dans l’espace public de la dramaturgie des demeures, se règle sur la forme d’un affrontement. Car la tragédie – en cela fort différente de nos relèves télévisuelles actuelles qui font bien autre chose de la pitié et de la haine – ne se suffit pas de l’exposition proprement « ob-scène » des douleurs de l’oikos. Elle met en scène la « coexistence » intenable de deux instances hétérogènes, l’affrontement de deux régimes d’autorité inconciliables : oikos et polis. Économie et politique, versus féminin et masculin pour certains, devoirs et lois pour d’autres mais encore infantile et mature, humain et divin, silencieux et déclaratif, mythe et histoire, individu et peuple aussi bien que peuple et État, etc. Quelles que soient ses résonances métaphoriques dans le champ philosophique, la tragédie se tient à la confrontation de deux droits trônant dans leur législation respective. Combat sans issue, combat proprement tragique, non pas parce que rien ni personne ne saurait reconnaître le vainqueur, mais parce que l’affrontement de deux législations est la situation qui nous condamne au combat, la situation qui ne peut être jugée [4]. La tragédie se tient là où des conditions de jugement se font concurrence, là où aucune loi commune n’arrive à s’établir.
6Si je me permets de rappeler ces configurations bien connues du monde grec, c’est qu’il me semble que c’est à ce magma aussi réconfortant que violent que recouvre le terme d’?????, plus qu’au concept restreint de la demeure bourgeoise ou du domicile, que Gilles Ehrmann s’attaque. Il s’y attaque depuis une époque où la tragédie n’est plus possible, où la relève des pathos au sein de l’espace public n’est plus héroïque mais dérisoire, où les affects sont devenus orphelins de leurs puissances émancipatrices. Le drame – ce que nous entendons communément sous ce nom, ce qui s’étale quotidiennement sous nos yeux et/ou ce qui nous arrive un jour, à quoi nous prêtons ce nom – est une version moderne de la tragédie. Non pas une traduction mais une version, une version sans relève possible, une version sans héros, une version sans combat et sans courage, sans adversaire, sans acteur. Le drame est la tragédie rompue. La tragédie offrait une scène où les héros d’autrefois affrontaient leur destin. Le drame est une toile de fond. Nous y figurons, libérés de nos « destins », supportant, fourbus et courbatus, le poids de nos « conditions d’existence ». Nous y figurons, nous n’y agissons pas, nous n’y jouons pas. Nous nous y débattons, nous n’y combattons pas [Ill. 2].
Endosser nos rôles
7C’est, selon moi, à cette toile de fond que Gilles Ehrmann tente d’échapper et de nous faire échapper. Il ne cherche pas pour autant les moyens d’une tragédie moderne. Il travaille depuis et pour un espace et une société qui ne sont plus grecs, depuis le recouvrement des catégories grecques (oikos et polis) par celles, modernes, qui règlent la distinction entre l’espace privé et l’espace public. Et il travaille depuis et contre une pensée qui tendrait au rétablissement de leurs limites, étanches et sans alternative. Il ne s’agit pas de se tenir à demeure. Il ne s’agit pas de s’élever de nouveau sur la scène des exploits. Il ne s’agit pas non plus de se résoudre à cette dissolution des convenances où pathos et logos se confondent. Il s’agit de savoir se tenir « au salon ». Gilles Ehrmann ne photographie pas les chambres, ni les cuisines. Il photographie les salons. Ce qu’il retient de la maison individuelle bourgeoise, c’est l’« art de faire salon », cette forme de sociabilité émancipée des conditions politiques. Il ne s’agit ni de cercle, ni de cénacle. Il s’agit d’une forme d’individualisme et de coexistence qui n’est pas indifférente à la tenue des uns vis-à-vis des autres, qui se soumet à la fréquentation et à la politesse – à cette politesse que le jeune Henri Bergson comprend comme « amour de l’égalité » et « partage équitable de la considération [5] » – une manière dont nous nous invitons les uns les autres à prendre place, à nous disposer parmi d’autres dans un espace qui n’est régi ni par les lois ni par les affects. L’installation de cet espace retient ceci de la relève grecque : la théâtralisation. Gilles Ehrmann opère l’enlèvement de ce fameux « quatrième mur » où les définitions de l’espace public et du théâtre se rejoignent. Cet enlèvement ouvre un espace où nous pouvons jouer. Le jeu contre le drame : voilà synthétiquement ce que Gilles Ehrmann nous propose [Ill. 3].
8Si la mise en scène travaille contre le drame, c’est qu’elle permet ce jeu, ces masques, ces poses, ces costumes qui nous autorisent à ne pas être épuisés – dans tous les sens que recouvre ce mot – par la somme de nos conditions. S’émanciper de ces conditions d’existence, ne pas s’y réduire, ne pas s’y suffire, ne pas se confondre à la toile de fond tel un simple motif, voilà l’enjeu du rôle. Il s’agit de conquérir un peu de cette épaisseur, de cette distance, d’installer le peu de scène dont nous avons besoin pour nous permettre de ne pas figurer nus, pour nous permettre d’avoir un rôle, pour éviter que la toile de fond ne se fasse chape de plomb. Faire salon c’est alors, strictement, instaurer le lieu et le temps d’un espace social tel que je vais essayer de le décrire.
9On sait la critique qu’Hannah Arendt fait de la sphère sociale. Je la rappelle brièvement. Hannah Arendt définit les temps modernes par l’interpénétration du privé et du public. L’espace social se tient au lieu de cette perclusion. Ce qu’elle en retient principalement, et qui fonde sa critique, c’est la fragilisation du « chez-soi », la disparition progressive de « l’abri intime », le mitage progressif de ce quatrième mur qui nous permet de nous mettre à nu.
Plus la société moderne supprime la différence entre ce qui est privé et ce qui est public, entre ce qui ne peut s’épanouir qu’à l’ombre et ce qui demande à être montré à tous dans la pleine lumière du monde public, autrement dit plus la société intercale entre le public et le privé une sphère sociale où le privé est rendu public et vice versa, plus elle rend les choses difficiles à ses enfants qui par nature ont besoin d’un abri sûr pour grandir sans être dérangés [6].
11Suivant en cela les leçons d’Heidegger, Hannah Arendt redoute le dévoilement. Cette crainte lui fait peut-être oublier que la situation qu’elle décrit avec justesse est à double tranchant. Car si l’espace manque pour le nu, il manque également pour le rôle. Quand l’abri manque pour ce qui ne se déploie qu’à l’ombre, l’espace manque aussi pour s’émanciper d’une emprise éventuellement ombrageuse du foyer. L’espace social est cet espace « autre » pour ceux à qui l’espace privé n’est pas, ou n’est plus, le lieu du repos et de la protection, à ceux qu’Hannah Arendt n’envisage pas, à ce qu’on n’envisage pas en temps de guerre. Ce que Gilles Ehrmann pouvait quant à lui tout à fait envisager, c’est que l’espace privé ne soit ni réconfortant ni rassurant, qu’il ne soit pas protecteur, qu’il puisse être inquiétant, in-sécurisant voire castrateur, asservissant. Il n’est pas certain que cette vision du foyer soit si minoritaire ou exceptionnelle qu’on le pense d’ordinaire. Il se peut que ce soit elle qui nous ait amenés un jour, aux beaux jours, à forger l’idée d’une « sécurité sociale » : la possibilité d’un espace autre que le foyer, d’un espace autre que la rue.
12Aujourd’hui ce n’est pas seulement l’intimité qui nous manque, ce n’est pas seulement la possibilité de nous replier pour nous protéger du monde, c’est aussi les moyens éventuels d’échapper à ce repli, c’est aussi les moyens d’être au monde. Ce qui est menacé c’est autant la détermination d’un lieu, d’un moment, d’une situation qui nous signale que nous pouvons nous déshabiller, que le lieu, le moment et la situation qui nous permet de tenir un rôle, notre rôle. Les conditions de la vie contemporaine sont certes déterminées par l’intrusion permanente des « affaires du monde » en notre demeure, elles le sont tout autant par une tendance non régulée qui nous pousse à la mise à nu, en tous lieux et tous moments, ça et là, sans le vouloir ni le pouvoir. L’évolution de nos rapports professionnels et les conditions de nos recrutements en sont les plus éclatants exemples. Certains y voient une tendance heureuse à l’abandon des postures et l’accès à une plus grande honnêteté de rapport, je n’y vois quant à moi que de la violence et de la manipulation. Se mettre nu, ce n’est pas être mis à nu. On ne dit pas assez la douleur d’être de plus en plus souvent évalué, voire jugé, sur l’intimité de nos êtres, de nos psychologies sans pouvoir y opposer le respect que cherchent à inspirer nos paraîtres, nos manières de dire et de taire, nos façons de nous dépasser, de nous maquiller. Toutes ces manières dont nous nous entourons sont autant de manières de nous cacher que de nous montrer, de nous soustraire à l’emprise du jugement d’autrui que de prendre en charge notre exposition aux autres. Il s’agit subtilement de circonscrire un autre « chez-soi » que celui dans lequel nous logeons, de délimiter un espace propre sur le mode de l’être et non de l’avoir. Répondre à ce désir débordant de l’époque de nous « mettre à nu », comme l’on « perce à jour » un fautif, ne nous prive pas que de discrétion et de pudeur. Elle nous prive surtout, et de plus en plus souvent, de la politesse la plus élémentaire.
Avoir de la classe
13Voilà ce à quoi les rares visages de la photographie d’architecture – les photographiés des logements dits « sociaux » – n’ont pas droit : l’instauration d’une scène où ils puissent jouer un rôle et par conséquent à la politesse qu’impose la tenue de ce rôle, social entre autres. Je ne parle pas ici seulement d’une sorte d’obscénité ou de voyeurisme de la pauvreté. Ou j’en parle d’une autre manière. Ce qui me frappe, c’est qu’au milieu de centaines d’ouvrages sans visage, apparaisse ici, si caricaturalement spécifié socialement, l’exercice du portrait. Même les photographies d’intérieur de François Hers [7], où n’apparaît pas un être humain, sont des portraits. Elles composent, figurent, des existences dans leur nudité foncière, à cru. Voilà ce que je me dis un peu abruptement en regardant ces images : « Ceux-là sont bons pour le portrait. » Et le portrait photographique n’est pas le portrait de la peinture. Il ne fait pas salon celui-là. Il met à nu. C’est sa nature et sa fonction. Ce à quoi « ceux-là » n’ont pas droit, c’est au salon. Tout ici est chambre, salle de bain et cuisine. Et quand salon il y a, c’est pour qu’y trône la télévision. Misère sociale ? Il ne s’agit pas d’une condition de classe. Il s’agit d’une condition de représentation. Car de la sociabilité il y en a, et pas qu’un peu. Mais elle ne se fait effectivement pas au salon. Elle se fait au café, dans l’escalier ou sur le pas des portes. Où sont ces photographies ? Les lieux, les espaces de cette sociabilité, on ne les montre pas. Ils ne sont pourtant ni plus ni moins « architecturalement » intéressants que les logements, que les intérieurs. Je m’autorise à dire cela au passage : il n’y a pas d’habitat social. Arrêtons avec ce terme qui confisque le mot social en l’attribuant à une classe, ou plus exactement qui le dévalorise en le confondant avec l’assistance. Il n’y a pas d’habitat social. Il y a des habitations à loyer modéré et il y a des espaces sociaux. L’un et l’autre ne se confondent absolument pas. On a mis à nu la classe ouvrière, considérant qu’elle n’a rien à rejouer d’elle-même, qu’elle ne peut pas endosser de costume ni de pose. Cette classe, nous nous la représentons au foyer, ou en grève, en lutte – en passion ou en action – jamais finalement en représentation.
La résistance. […] Des attitudes aussi. Se tenir droit. Veiller autant que possible à sa mise. À cet égard le vestiaire me fascine. Il fonctionne comme un sas et, tous les soirs, une métamorphose collective spectaculaire s’y produit. En un quart d’heure, dans une agitation fébrile, chacun entreprend de faire disparaître de son corps et de son allure les marques de la journée de travail. Rituel de nettoyage et de remise en état. On veut sortir propre. Mieux, élégant. L’eau des quelques lavabos gicle en tous sens. Décrassage, savon, poudre, frottements énergiques, produits cosmétiques. Étrange alchimie où s’incorporent des relents de sueur, des odeurs d’huile et de ferraille. Progressivement l’odeur des ateliers et de la fatigue s’atténue, cède la place à celle du nettoyage. Enfin, avec précaution, on déplie et on enfile la tenue civile : chemise immaculée, souvent une cravate. Oui, c’est un sas, entre l’atmosphère croupissante du despotisme de fabrique et l’air théoriquement libre de la société civile. D’un côté, l’usine : saleté, vestes usées, combinaisons trop vastes, bleus tachés, démarches traînantes, humiliation d’ordres sans réplique (« Eh, toi ! »). De l’autre, la ville : complet veston, chaussure cirée, tenue droite et l’espoir d’être appelé « Monsieur [8] ».
15Pas de dressing, des vestiaires, pas de salon, des cafés en ville. Mais c’est pareil. Ontologiquement équivalent. C’est le même besoin et la même possibilité de « sortir » et de se faire appeler « Monsieur », « Madame ». Cette émancipation n’est ni bourgeoise, ni ouvrière, elle est humaine, elle est adulte. Cet empesage, quels que soient sa manière et son lieu, c’est une lutte sourde contre les « Eh toi ! »
16Les choses changent. Nous n’entrons plus si souvent dans les HLM. La photographie contemporaine fait çà et là apparaître des corps théâtraux, habitant leur costume, posant sur les dalles entre deux barres – je pense notamment à certaines photographies de Valérie Jouve. Dehors, toujours dehors [9]. Gilles Ehrmann a peut-être intuitivement perçu que les vertus d’une démocratisation en cours du modèle bourgeois ne se jouaient pas tant sur le pouvoir de consommation que sur celui de transformation, de mime, de pose, de masque, sur l’instauration possible pour tous d’une distance de l’être et du paraître par laquelle, paradoxalement, une résistance de la singularité peut trouver place. Ces accoutrements, ces poses, ces attitudes figées, ces mises en scène, ces éclairages, ce silence, cette distance, qu’on y voie une théâtralisation de l’espace ou une mise en image du théâtre social, tout cela peut nous paraître un peu dérisoire [10]. Il peut bien nous sembler qu’il y a une sorte de pauvreté relationnelle et expressive, une manière inauthentique de se (re)présenter, une énervante surexposition des postures, voire une certaine dépréciation de la figure humaine réduite à être ainsi manipulée comme une simple marionnette au profit de la composition d’une image. Tout cela est vrai. La portée émancipatrice de ces mises en scène n’est ni lumineuse ni révolutionnaire, ni convaincante ni glorieuse. Elle peut même sembler faire la part belle à un déplaisant embourgeoisement des rapports sociaux, qui dériverait des corps architecturaux aux corps humains, des façades aux faces.
S’il nous fallait encore une fois penser le sort de l’humanité en termes de classe, nous devrions dire qu’il n’existe plus aujourd’hui de classes sociales, mais uniquement une petite bourgeoisie planétaire, où les anciennes classes se sont dissoutes : la petite bourgeoisie a hérité du monde, elle est la forme dans laquelle l’humanité a survécu au nihilisme. […] La petite bourgeoisie planétaire s’est, en revanche, émancipée de ces rêves et a fait sienne l’aptitude du prolétariat au rejet de toute identité reconnaissable. Tout ce qu’il est, le petit-bourgeois l’annihile dans le geste même avec lequel il semble y adhérer obstinément : il ne connaît que l’inauthentique et l’impropre et va jusqu’à refuser l’idée d’une parole qui puisse lui être propre. Les différences de langues, de dialectes, de modes de vie, de caractère, de coutumes et même les particularités physiques de chacun, qui constituaient la vérité et le mensonge des peuples et des générations qui se sont succédé sur terre, n’ont plus pour lui aucune signification, aucune capacité d’expression et de communication. Dans la petite bourgeoisie, les diversités qui ont marqué la tragi-comédie de l’histoire universelle sont exposées et recueillies au sein d’une vacuité fantasmagorique [11].
18Il y aurait à rétorquer contre cette « aptitude au rejet de toute identité reconnaissable » prêtée par Giorgio Agamben au prolétariat. On relira La Distinction de Pierre Bourdieu [12], si besoin est. Il y aurait à relativiser aussi sur la « planétarisation » de ce phénomène d’embourgeoisement, en pensant peut-être aux quelques millions d’« Indiens » pour qui ce rejet de l’identité n’est rien d’autre qu’une négation pure et simple de leur existence. Retenons cependant une vertu à l’« embourgeoisement » que Giorgio Agamben laisse timidement poindre : une nudité paradoxale des corps réduits à leur pose, une sorte de dépouillement des identités au profit des costumes, une inauthenticité et une impropriété qui déchaînent l’individu de l’assimilation et de la reconnaissance à un type, une classe, une culture, qui lui offre un certain jeu possible dans la présentation de lui-même. On peut chercher à tirer parti de cette « liberté » – qu’on peut aussi bien appeler vacuité – offerte à quelques-uns par la modernité. Elle ouvre effectivement à une nouvelle sociabilité qui se passe, Giorgio Agamben le signale, du jeu de la parole. Il y a de cela, me semble-t-il, dans certaines des photographies d’architecture de Gilles Ehrmann : une manière d’instaurer un espace social à partir des corps, de tirer parti du mutisme de la photographie pour délivrer le jeu social des jeux de langage, une manière aussi de faire advenir l’espace social en l’absence de représentation des corps sociaux. Car il ne s’agit ici que de corps individuels, des corps posés, structurés, tenus comme des architectures, des corps qui ont de l’époque plus que de l’histoire, de l’expression plus que du passif. Il s’agit, par tous les moyens, de dépsychologiser autant que de dépolitiser les corps individuels. Car qui est mis en jeu dans l’espace social, ce qui est pris en charge par l’architecture, ce ne sont pas les corps (qu’ils soient individuels ou collectifs), c’est l’espace entre les corps.
Entre les vides
[…] tel roman d’Henri Thomas, telle photographie de Gilles Ehrmann, tel éclairage de Michel Verjux. Ou encore ces photographies d’Atget dont Benjamin lui-même célébrait le sens du vide. L’enjeu de toutes ces propositions, c’est un sens de l’espace, la conscience formée d’un certain entre-deux. À défaut de développer ici longuement toute l’explication, je dirais que ces œuvres exposent ceux qui ont l’occasion de les percevoir à la teneur même du social, teneur qu’on pourrait dire constituée d’une absence de rencontre. […] J’admets cette hypothèse qu’accompagnent, comme on voit, quelques cas d’art, de littérature et de philosophie : un certain vide est, au-delà du principe de plaisir, constitutif de la personnalité sociale [13].
20Certes, il y a bien ici présente une sorte de faiblesse voire de vacuité relationnelle et affective que la mise en scène compose, exacerbe, met en pli [Ill. 4]. Certes, tout cela n’est pas absolument excitant. Ces corps architecturaux ne sont pas des corps publicitaires. Mais ce vide est déjà autre chose que le désert qui « totémise » l’architecture. L’architecture désertée ne nous montre même plus le vide qui nous lie. Car ce vide-là, il ne se montre qu’entre nous. Il ne nous évacue pas. Qu’est-ce que tout ceci nous dit, en propre, de l’architecture ? Peut-être rien de bien nouveau. Mais cela nous redit, au moins, que l’architecture est l’art de l’espacement par excellence, qu’elle est cet art, unique, consacré à faire de la place entre nous. Sans elle, notre rapport les uns aux autres se règle sur la contagion affective ou le contact [14]. « L’être avec », dont le lien social est une occurrence, dépend de cette possibilité de séparation, de distanciation avant toute distinction et toute différence. C’est pourquoi l’espace virtuel n’est pas un espace social. L’espace social n’est pas un réseau auquel on se connecte et dont on se déconnecte. C’est un espace dans lequel on cherche, on prend et on laisse place, un espace peuplé de corps et non d’identités.
21Si tout bâti n’est pas architecture, si les cas d’architecture sont rares, si nous prêtons à cet art une éthique qui est autre chose qu’un simple épisode idéologique, alors cette architecture concerne nos manières d’exister, nos manières de pouvoir nous tenir hors de nous. Elle nous signale invariablement qu’habiter n’est pas l’essentiel, qu’il y a plus important que de demeurer sur la terre, d’y aménager et d’y entretenir un « chez-soi », qu’il est plus important de chercher à prendre place les uns à côté des autres, d’apprendre à changer de place les uns vis-à-vis des autres. Certes, nous devons nous méfier, comme nous en a alertés Hannah Arendt, de la perclusion du privé et du public qui menace nos repos, mais nous devons encore nous méfier de la forclusion qui sous couvert de promouvoir ou de protéger un « chez-nous » nous prive de la possibilité de nous considérer parmi les autres, de nous y confronter, de nous y exposer. Au besoin de demeurer, il ne faut sacrifier ni le devoir ni le désir de vivre, de vivre ensemble. Cette architecture nous manque. L’espace pour exister nous manque.
Notes
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[1]
Gilles Ehrmann (Metz, 1928-Paris, 2005) inaugure son œuvre photographique en 1955 avec la parution d’un livre intitulé Provence noire suivie, un an plus tard, par De Saint-Paul de Vence qui porte trace de ses rencontres avec Jacques Prévert, Pablo Picasso et André Verdet. Il intègre en 1957 l’équipe de la revue Réalités, pour laquelle il voyagera de la Guinée au cercle polaire jusqu’en 1970. En 1962, le prix Nadar consacre son ouvrage Les Inspirés et leurs demeures dédié, entre autres, à Gaston Chaissac, au facteur Cheval, à Bomarzo ; les clichés sont accompagnés des textes de Ghérasim Luca, André Breton et Benjamin Péret. Faire un pas, carnet d’un voyage effectué en 1968 en Inde, en Afghanistan et au Népal, paraît en 1993. Une part importante de son travail est parallèlement consacrée à l’architecture. Sur l’invitation d’André Bloc, il collabore à L’Architecture d’aujourd’hui et devient le « metteur en images » des travaux de Jean Willerval, Claude Parent et André Jacqmain.
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[2]
Je tiens à remercier ici André Jacqmain et Nicole Beeckmanns-Jacqmain pour leur aide précieuse.
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[3]
Aristote, Poétique. Également à ce propos, Nicole Loraux, La Voix endeuillée : essai sur la tragédie grecque, Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 1999, 185 p.
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[4]
Lire à ce propos Antonia Birnbaum, Bonheur Justice, Walter Benjamin : le détour grec, Paris, Payot, coll. « Critique de la politique », 2008, 236 p.
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[5]
Henri Bergson, La Politesse, Paris, Payot, coll. « Rivage poche/Petite bibliothèque », 1972, 76 p.
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[6]
Hannah Arendt, La Crise de l’éducation : extrait de La Crise de la culture, Paris, Gallimard, coll. « Folio Plus », 2006, 150 p.
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[7]
François Hers, Intérieur, photographies de François Hers et Sophie Ristelhueber, Bruxelles, Éd. AAM, 1981, 126 p.
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[8]
Robert Linhart, L’Établi, Paris, Éditions de Minuit, 1978, 180 p.
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[9]
Lire à ce propos Sabine Ehrmann, « Sous les terrils, la plaine », Les Cahiers thématiques, n° 9, « Paysage, territoire, reconversion », Paris, éd. de la Maison des sciences de l’homme, janvier 2010.
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[10]
« En toute autre circonstance, je trouverais cet accoutrement dérisoire. Ici, il me paraît faire naturellement partie de la résistance des O. S. Saisir chaque occasion de montrer que l’on ne se laissera pas couler. Une façon comme une autre d’afficher le respect de soi », Robert Linhart, op. cit., p. 70.
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[11]
Giorgio Agamben, La Communauté qui vient : théorie de la singularité quelconque, Paris, Seuil, 1990, 118 p.
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[12]
Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1979, 670 p.
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[13]
Pierre-Damien Huyghe, Faire place, Paris, Mix, 2006, 44 p.
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[14]
Lire à ce propos, entre autres, Benoît Goetz, « La variété infinie des convenances. Tentative de réactivation d’un concept de l’ancienne théorie architecturale », dans Thierry Paquot, Chris Younès (dir.), Éthique, architecture, urbain, Paris, La Découverte, 2000, p. 34-45 ; Thierry Paquot, Chris Younès, « Rencontre avec Maldiney : éthique de l’architecture », dans Thierry Paquot, Chris Younès (dir.), op. cit., p. 10-23.