Notes
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[1]
Nous empruntons ces données au rapport de l’OMS [2017] « 7 000 nouveau-nés meurent chaque jour malgré une baisse constante de la mortalité des moins de 5 ans », consulté le 5 janvier 2018, sur le site http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2017/daily-newborn-deaths/fr/.
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[2]
Les enquêtes furent respectivement réalisées par S. Ahouangonou, M.-T. Arcens Somé, A. Coulibaly, H. Kane, M. Douti.
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[3]
« No name no blame ». Pour des raisons d’éthique de la recherche nous protégeons l’anonymat des services qui nous ont accueillis.
-
[4]
Soins de Santé Primaire, santé pour tous en l’an 2000, Initiative de Bamako, recouvrement des coûts, gratuité des soins au point de contact sanitaire, Objectifs du Développement Durable, Fonds basés sur les Résultats… Nous ne pouvons ici faire l’histoire de ces injonctions contradictoires. Cependant, comment, pour les soignants et pour les populations, croire et adhérer à ces « modes » sanitaires, bureaucratiques, volatiles et top down ?
-
[5]
Soulignons que, dès 1994, Jaffré et Prual, décrivant les violences faites aux parturientes lors de l’accouchement, soulignaient que la question n’était pas celle d’une imposition de normes obstétricales aux dépens de « savoirs locaux traditionnels », mais d’inclure une réflexion éthique dans la formation technique des sages-femmes et des obstétricien(ne)s.
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[6]
Eau « digestive » commercialisée pour les coliques du bébé.
Introduction
1Selon un rapport de l’OMS [1], dans le monde, durant l’année 2016, 7 000 nouveau-nés sont morts chaque jour durant la période des 28 premiers jours de leur vie. Plus spécifiquement en Afrique subsaharienne, un enfant sur 36 meurt durant son premier mois d’existence.
2Le même document ajoute qu’un suivi obstétrical et médical cohérent, ainsi qu’une bonne information des parents permettraient d’éviter ces décès.
3Ces données épidémiologiques et ces propositions d’actions, même énoncées sous cette forme naïve et quasi tautologique, sont essentielles. De même, les corrélations entre ces situations sanitaires et des inégalités sociales sont largement attestées [1-3].
4Mais, plus que de nous satisfaire de ces justes constatations quantitatives montrant qu’une analyse anthropologique de la maladie doit être conçue comme prenant naissance dans les structures sociales et économiques des sociétés considérées, nous souhaitons y fonder notre réflexion en liant deux orientations. Tout d’abord, en soulignant que, d’un point de vue pratique, la question n’est pas tant d’évoquer ces difficultés, avouons-le, assez évidentes, que de comprendre comment agir in situ malgré celles-ci. « La question centrale n’est plus celle de l’application de normes définies in abstracto mais celle de la marge de manœuvre des sujets au sein d’une espace social aux contours incertains » dit plus globalement Bensa [4]. Ensuite, en postulant que la constitution d’un référentiel qualitatif documenté doit permettre d’agir avec précision sur les « facteurs modifiables » de ces situations.
5Ces orientations reposent sur une approche qualitative. En effet, si les chiffres permettent d’évaluer des problèmes – voire d’en « pister » l’origine – ils ne disent pas comment les données macrosociales « prennent corps » dans des pratiques effectives. Ils ne disent pas non plus comment ces larges dimensions s’articulent avec un ensemble de sémantiques sociales pour construire des raisons d’agir des acteurs ; pas plus qu’ils ne fournissent un argumentaire socialement adapté pour dialoguer avec les familles ou les soignants.
6Pour comprendre et construire des dialogues utiles, il faut suivre les nouveau-nés durant ces premiers jours cruciaux pour leur existence, étudier l’ordinaire des situations sanitaires, s’interroger sur les façons dont les acteurs, in vivo et in situ, donnent sens à leurs gestes. Globalement, il faut analyser comment diverses manières de faire – médicales et sociales – construisent au quotidien les vulnérabilités de ces nouveau-nés.
7Sur le mode d’audits qualitatifs, il faut aussi décrire comment se produisent ces décès, savoir de quels gestes concrets ils résultent ; quelles pratiques d’acteurs construisent ces situations préjudiciables à la santé de celui qui vient de naître. Ces observations précises, réalisées en variant les « points de vue » et les échelles d’analyse selon leur pertinence heuristique et les objets d’étude choisis [5], relèvent du champ scientifique et des méthodologies de l’anthropologie.
Méthode
8Concrètement, notre recherche s’est déployée à partir de l’expérience des professionnels de santé, de la manière dont ils évoquaient leurs difficultés et de leurs façons très « frontales » de nous interroger sur leurs questions pratiques et éthiques : « nous voulons savoir pourquoi et comment meurent ces nouveau-nés ? »
9Certes, ces attentes et ces réflexions légitimes n’échappent ni à des jugements normatifs ni à des opinions qu’explique parfois un certain découragement. Cependant, ces demandes sont concrètes, précises et « justes » au regard des pratiques de soin. C’est pourquoi elles ont servi de point de départ à l’équipe pluridisciplinaire – anthropologues, cliniciens, épidémiologistes – pour identifier les situations et les interactions supposées « poser problème » dans la prise en charge des nouveau-nés.
10À l’inverse des projets et des injonctions de santé publique souvent initiés de façon « top down », nous souhaitions analyser ces questions « par le bas » (bottom up) ; ceci afin de lier l’étude aux réalités vécues par les acteurs, que ces acteurs soient des personnels de santé ou appartenant aux populations impliquées. C’est donc en suivant de cette check-list d’interrogations pratiques que nous avons défini, sous la forme d’un guide d’observation et d’entretien, les thèmes à traiter et les monographies qualitatives qu’il fallait réaliser pour documenter empiriquement ces questions « initiales ». Par exemple, comment s’occupe-t-on – et qui particulièrement en fonction des tâches à effectuer – de l’enfant dès sa naissance ? Comment se déroule la première mise au sein ? Comment le nouveau-né est-il « accueilli » lors de son arrivée au domicile, « en famille » ?
11Dans un second temps, pour passer de ces interrogations et premières hypothèses implicites – formulées dans un langage ordinaire et en fonction de perceptions partielles et d’émotions singulières souvent liées au statut des praticiens – à des questions de recherche et à des procédures de recueil idoines, nous avons construit un dispositif d’enquête qui lie de façon rigoureuse et méthodique quatre opérations de recherche.
12Tout d’abord, pour décrire ces situations, et éventuellement repérer les risques encourus par les nouveau-nés, à partir d’un guide d’enquête et d’observation collectivement construit, nous avons effectué des suivis systématiques des parcours de ces enfants depuis leur naissance jusqu’au septième jour de leur vie. Nous avons, de la façon la plus exhaustive possible – de la maternité au village et en suivant les déplacements « naturels » des familles – repéré et chronométré les gestes médicaux ou socio-affectifs s’adressant aux nouveau-nés. Concrètement, un premier moment de l’enquête a consisté en une « observation ouverte » ; celle-ci a permis de repérer les conduites les plus habituelles, la répétition des gestes et des interactions, et ainsi de préciser les points sur lesquels nous devions focaliser l’enquête pour comprendre les risques encourus par les nouveau-nés.
13Puis, en fonction de ce tri initial, nous avons réalisé des études de cas – des monographies – permettant de décrire et d’analyser précisément la complexité de ces « points nodaux » – diversement signifiants pour les acteurs et potentiellement « à risque » d’un point de vue sanitaire – repérés lors de l’enquête longitudinale : modalités de l’accouchement, pratiques des sages-femmes envers l’enfant, premier corps à corps avec la mère, conduites d’allaitement, retour au village, cérémonies de socialisation… Ceci a permis de comprendre les contraintes des différents acteurs, mais aussi de noter leurs différents points de vue quant aux gestes effectués.
14Durant ces phases d’enquête, plus que de nous fier à d’uniques éléments déclaratifs toujours aléatoires, nous avons établi un ensemble d’éléments factuels à étudier – accouchement et ses suites, première mise au sein, soins du cordon, sortie de l’hôpital, arrivée au village, soins du corps de la mère et de l’enfant, bains, rituels… – indispensables à une réflexion correspondant au réel des situations. Par exemple, une sage-femme peut déclarer « monitorer » une délivrance qu’elle dirige… depuis sa salle de garde située à 10 mètres de la salle d’accouchement, ayant délégué ses fonctions à une matrone. Une femme peut pratiquer l’allaitement exclusif… sauf quelques liquides contenant des produits destinés à protéger ou à donner de la force aux enfants.
15Ensuite, pour comprendre les logiques comportementales des soignants, des parents et de leurs collectivités d’appartenance, nous les avons interrogés sur leurs raisons d’agir dans ces diverses situations signifiantes, cruciales tant d’un point de vue social que médical. Ces commentaires réflexifs, charriant « naturellement », au fil de l’argumentation, les diverses façons de nommer l’enfant, ses étapes biographiques perçues, les risques ressentis, les raisons d’effectuer certains gestes, ont permis d’interroger les prénotions qui guidaient notre questionnement initial et qui se présentaient souvent comme de fausses évidences [6]. Par exemple, si un nouveau-né est évidemment un enfant nouvellement né, que savons-nous du statut social qui lui est accordé ? Si le décès d’un nourrisson est toujours triste, que savons-nous des significations accordées à cette mort ? Si chacun sait que le nourrisson est fragile, quelles sont les craintes principalement ressenties par ses parents ?… De proche en proche, cette interrogation et traduction émique a construit des sortes de didascalies sociotechniques et culturelles permettant d’indexer les pratiques observées sous les explications et les formes de justifications de ceux qui les effectuaient. Nous sommes ainsi passés des questions que l’on se posait aux questions que se posent nos interlocuteurs et à leurs façons de formuler leurs propres préoccupations [7].
16Enfin, loin d’aborder nos interlocuteurs comme étant monolithiques et pouvant être définis de façon métonymique selon un trait « culturel », une profession, un titre ou une fonction, nous les avons considérés comme étant pluriels et problématiques. Des interlocuteurs qui ont, en permanence, à négocier entre plusieurs systèmes de sens et diverses obligations selon les situations auxquelles ils étaient confrontés, qui doivent résoudre les contradictions sociales et professionnelles en fonction de la variété des interactions et des émotions qu’elles pouvaient susciter. C’est pourquoi nous avons abordé toutes les situations comme des négociations, et les divers acteurs comme étant « en tension » entre plusieurs systèmes normatifs et toujours obligés de louvoyer entre leurs conceptions ordinaires, leurs savoirs et les diverses autorités susceptibles de leur imposer d’autres conduites. Plutôt que d’imaginer d’illusoires « communautés » homogènes, nous avons donc été attentifs aux asymétries relationnelles et aux rapports de force qui régissent toute décision et toute relation sociale. Par exemple, entre la mère et sa belle-mère, qui décide des modalités des toilettes du nourrisson ? Qui peut décréter, et avec quelles contraintes, de recourir au dispensaire et d’engager des dépenses, si un nouveau-né est malade ? Autrement dit, les registres du savoir, du vouloir et du pouvoir ont été abordés dans leurs multiples discontinuités. L’ensemble de ces opérations et des outils de recherche – définition des hypothèses, grille d’observation pour chaque situation « à risque » et/ou étape de socialisation de l’enfant, guide d’enquête pour chaque type d’acteur – a été élaboré collectivement lors d’une réunion initiale de l’équipe de recherche. L’expérience scientifique des chercheurs, leurs propres expériences biographiques des sujets traités ainsi qu’un ensemble conséquent de références bibliographiques « centrées sur l’enfant » [Child-centred anthropology] [8-14] ont été utiles pour orienter cette phase préliminaire de l’enquête.
17Par ailleurs, tout au long de l’enquête, les chercheurs des différents pays ont communiqué sur l’avancée de leur enquête et sur leurs premiers « résultats » afin de confronter leurs données partielles, mais aussi d’adopter des questionnements similaires permettant un ajustement et un approfondissement de certaines thématiques provenant du terrain. Cette démarche a permis d’anticiper des réflexions comparatives lors du traitement des données. Par exemple, focaliser l’attention sur la façon dont les sages-femmes lavent (ou pas) le nouveau-né, recenser les diverses pratiques liées au traitement du cordon ombilical, noter les connivences implicites entre les sages-femmes et les familles des parturientes, s’interroger sur le pouvoir des femmes âgées quant au déroulement des bains rituels…
18Concrètement, en se conformant strictement à cette posture méthodologique commune, nous avons réalisé une enquête « multisite » dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Togo [2]) liés par une évidente proximité géographique et historique [15].Certaines continuités linguistiques et d’anciens et constants échanges de populations expliquent un ensemble de correspondances représentationnelles soulignées par divers travaux comparatifs d’anthropologie de la santé [16].
19Dans ces pays, avec l’accord des comités d’éthique et des autorités sanitaires, en s’adaptant aux possibilités et aux contraintes locales, chaque équipe a réalisé des observations dans les maternités, des suivis d’enfants lors du retour des familles à domicile et un ensemble variable d’entretiens, en français et dans les langues localement parlées, avec les différents acteurs : sages-femmes, accoucheuses, familles et « communautés », impliqués dans ces interactions cruciales pour le nouveau-né (tableau I).
Répartition des observations et des entretiens réalisés auprès des personnels de santé et des familles
Pays | Observations accouchements & soins au nouveau-né en maternité | Observations des conduites envers le nouveau-né à domicile | Entretiens réalisés avec les personnels de santé (sages-femmes & accoucheuses) | Entretiens réalisés en famille au village |
---|---|---|---|---|
Bénin | 18 | 14 | 10 | 30 |
Burkina Faso | 14 | 24 | 38 | 14 |
Mali | 30 | 11 | 13 | 12 |
Mauritanie | 30 | 10 | 12 | 10 |
Togo | 40 | 15 | 20 | 40 |
Total | 132 | 74 | 93 | 106 |
Répartition des observations et des entretiens réalisés auprès des personnels de santé et des familles
20Les maternités ont été choisies en fonction de leur caractère rural et d’un nombre minimal d’accouchements mensuels (120 à 500 accouchements/mois) afin que nous puissions disposer d’un nombre suffisant d’observations.
21Les anthropologues, parfois aidés par des étudiants, ont séjourné en moyenne dix semaines (de juin à octobre 2016), dans ces sites [3].
22L’ensemble de ces descriptions précises et chronométrées dans les services de santé ainsi que les entretiens a été transcrit in extenso. En fin d’enquête, les résultats ont été partagés entre tous les membres de l’équipe de recherche, ouvrant ainsi à une réflexion comparative permettant de dégager un ensemble de récurrences dans les conduites techniques ou populaires localement observées.
Résultats
23Chaque chercheur a d’abord dû se situer dans un terrain, fait d’histoires politiques et professionnelles, de vestiges de programmes de santé souvent présentés par les « développeurs » comme des « solutions miracles », puis abandonnés sans explication [4], de langues segmentant diversement le corps et les expressions pathologiques, de croyances syncrétiques enchevêtrées dans certaines conceptions du risque, d’éléments objectifs liés aux situations socioéconomiques et écologiques.
24Par ailleurs, les pays où nous avons travaillé appartiennent aux plus démunis [17]. Et cette fragilité de leurs socles socioéconomiques a, bien sûr, un impact global sur le système de santé ou sur les politiques des médicaments et leur pénurie [18], mais influe aussi sur l’ensemble des dimensions constituant les soins (salaires, achat des produits thérapeutiques, hygiène…) et, plus spécifiquement, sur les affectations et le manque de personnels qualifiés en milieu rural [19].
25Ces dimensions, mêlant des caractéristiques démographiques avec l’économique, le politique et le culturel, constituent le cadre global du système de santé. Elles ne peuvent aucunement être pensées comme de simples déterminations externes, « un contexte » ou une sorte de décor des actions de santé. En effet, outre qu’elles définissent les « infrastructures » des situations et des sortes de déterminants « lourds » des politiques sanitaires, elles sont aussi continuellement présentes dans la « banalité » quotidienne des services. Elles sont inscrites, par exemple, dans la pénurie de certains produits mais aussi dans les gestes de soins envers l’enfant, que ce soit dans l’usage des traitements que l’on prescrit « habituellement » ou d’une technique apprise lors d’une « ancienne » formation, d’une façon locale de nommer et de catégoriser un symptôme et de s’en inquiéter ou de le négliger. Les gestes et les attitudes, ainsi conformés par une histoire socioprofessionnelle, des habitus et le « laisser aller » des routines, construisent les normes techniques, « culturelles » et morales qui apparaissent légitimes au regard de tous. Et les façons d’agir des acteurs sont liées à ces agencements sociohistoriques induisant – outre ce que nous avons globalement évoqué des effets « massifs » de la pénurie – le choix des actions qu’ils supposent convenir aux situations.
Données sur la mortalité infantile par pays (2010-2012)
Pays | Mortalité maternelle pour 100 000 naissances vivantes | Mortalité moins de 5 ans pour 1 000 naissances vivantes | Nombre d’enfants décédés par an | Médecins pour 10 000 habitants | Sages-femmes et infirmier(e)s pour 10 000 habitants |
---|---|---|---|---|---|
Bénin | 350 | 115 | 39 000 | 0,6 | 7,1 |
Burkina Faso | 500 | 103 | 120 000 | 0,6 | 7,3 |
Mali | 320 | 78 | 120 000 | 0,5 | 3,0 |
Mauritanie | 510 | 111 | 13 000 | 1,3 | 6,7 |
Togo | 300 | 103 | 19 000 | 0,5 | 2,7 |
Données sur la mortalité infantile par pays (2010-2012)
26Au regard de ces dimensions, chaque territoire sociohistorique est bien sûr spécifique.
27Cependant, un comparatisme de proximité et une lecture transversale des terrains étudiés montrent une similarité des pratiques envers le nouveau-né, une sorte de « grammaire profonde » conjuguant sémantiques sociales et pratiques techniques.
28Dans un premier temps nous avons « classiquement » analysé la cohérence interne – les sémantiques locales – de ces conduites sociales. Mais, cette probité descriptive et cette posture anthropologique non axiologique ne sont, pour nous, aucunement synonymes d’une mise en équivalence des points de vue et des savoirs en présence. Pour le dire simplement, si les pratiques populaires d’accouchement sont humainement respectables, socialement cohérentes et liées à de multiples légitimes raisons d’agir, elles n’offrent aucune solution dans la prise en charge des infections, des éclampsies, des hémorragies ou des dystocies fœto-pelviennes qui sont les principales causes des décès maternels en Afrique sub-saharienne [20]. Certes, la question se pose de penser l’accouchement en fonction de ses risques et dans une démarche médicale induisant ainsi des « savoirs d’autorité » obstétricaux qui imposent aux femmes leurs modes d’accouchement [21]. Cependant réfléchir à la qualité des soins ne peut se faire en usant d’une naïve dichotomie et d’une illusoire complémentarité entre des « savoirs traditionnels », supposés être plus humains, et des « savoirs médicaux » plus techniques. « Le lièvre d’aujourd’hui, c’est le chien d’aujourd’hui qui le chasse » dit un proverbe bambara, et la question est plutôt d’inscrire des sociabilités contemporaines permettant à chacun d’être reconnu comme digne d’existence dans des univers sociotechniques déconstruits par diverses formes de précarité. C’est pourquoi nous parlerons plutôt d’appropriations complexes de pratiques techniques, reconnues comme étant efficaces [5], permettant une amélioration globale de la qualité de l’offre de soin. Soulignons à ce sujet les attitudes pragmatiques des populations et des femmes qui, sachant les risques liés à ces moments où comme le dit un proverbe bambara « la femme a un pied dans la tombe », préfèrent réduire l’incertitude en accouchant dans des maternités auprès d’obstétriciens et de sages-femmes formées.
29D’un point de vue conjuguant le méthodologique et l’éthique, une part de notre travail anthropologique a consisté à décrire précisément des situations correspondant à des problématiques circonscrites par nos réflexions disciplinaires. Une autre activité non moins fondamentale a consisté à accompagner scientifiquement le mouvement des innovations sociotechniques favorables à la santé des populations, à analyser des situations d’interface entre des propositions techniques et divers mondes sociaux.
30C’est pourquoi, dans un second temps de notre enquête, nous avons choisi d’interroger ces pratiques ordinaires des populations et des professionnels de santé sous l’angle des risques sanitaires qu’elles pouvaient constituer pour les nouveau-nés. Nous avons ainsi déplacé la question initiale – analyser et comprendre les raisons d’agir de diverses populations – vers un second questionnement : en quoi ces conduites socialement légitimes contribuent-elles à la construction de certains risques néonataux.
31Notre démarche vise ainsi, pour ce domaine spécifique, à documenter comment s’articulent, de façon précise, des pratiques techniques orientées par des savoirs médicaux avec des conduites populaires basées sur d’autres systèmes interprétatifs mêlant des dimensions empiriques, symboliques et religieuses.
32Soyons clairs. Il ne s’agit aucunement d’accuser ainsi des populations économiquement défavorisées d’un quelconque obscurantisme, pas plus que d’assigner à l’anthropologie le rôle de repérer et de « résoudre » des « obstacles culturels », abstraitement séparés des mondes sociaux où ils sont mis en œuvre, et univoquement présentés comme préjudiciables à la santé des nouveau-nés.
33Par ailleurs, cette approche n’est aucunement dichotomique, laissant naïvement supposer que les agents de santé seraient du côté de « la science » et les parturientes et leurs familles du côté du « culturel ». En fait, et fort simplement, la naissance étant à la fois un évènement social et, du fait de la diffusion de l’obstétrique médicale, un geste technique [22], bien que diversement, les conduites des sages-femmes autant que celles des familles sont polysémiques, conjuguant des raisonnements techniques, une prise en compte des risques objectivés et des ressentis ainsi que diverses raisons d’agir symboliques [23]. C’est pourquoi, les pratiques obstétricales et néonatales doivent être abordées dans leur épaisseur sémantique en soulignant les discordances entre les acteurs, mais aussi leurs connivences tacites quant à ce qu’il convient de faire pour accueillir une nouvelle existence.
34Entre une réflexion sur la construction sociotechnique du risque, l’impact du statut social du nouveau-né sur les soins qui lui sont accordés, ou les dimensions implicites d’une pensée distribuée entre soignants et usagers, le point de vue analytique que nous avons adopté correspond à une posture épistémologique particulière caractérisant une anthropologie des interfaces entre sciences sociales et santé publique [24]. De ce point de vue, trois principales logiques, liées aux diverses modalités du prendre soin, sont apparues comme étant déterminantes dans la construction des vulnérabilités spécifiques des nouveau-nés.
Logique 1 : la vulnérabilité est liée au statut du nouveau-né dans les services de santé
35Les façons dont nous catégorisons nos interlocuteurs induisent les sentiments – indifférence, compassion, tristesse… – que nous éprouvons à leur égard. Certains patients, pour des raisons d’intérêt, de proximité sociale ou pour d’autres caractéristiques individuelles, bénéficient d’une reconnaissance et d’une mise en existence immédiate dans les services de santé. D’autres, à l’inverse, pâtissent de diverses disqualifications sociales, statutaires ou économiques, discréditant leurs plaintes et leurs demandes [25-27].
36La qualité du « pacte de soin » est ainsi toujours liée à la place accordée aux interlocuteurs. Une nouvelle fois, loin d’être de simples espaces fonctionnels, les maternités conjuguent, de façon complexe, des dimensions historiques, techniques, morales et sensibles. Les catégorisations de l’autre et un ensemble de valences socio-affectives discrètes – véritables « embrayeurs affectifs » ou inductions initiales d’un care constituant les éthiques pratiques des professionnels – modèlent diversement les conduites de soins.
37Et de fait, dans les parcours de naissance que nous avons étudiés, les interactions entre les parturientes et les sages-femmes sont à la fois orientées par des stéréotypes attribuant aux femmes des sortes de conduites attendues selon leurs origines socioculturelles, et des comportements techniques supposées s’accorder avec les identités sociales attribuées aux mères et aux nouveau-nés.
15 h 40. La sage-femme demande à la femme de monter directement sur la table, qu’elle va l’examiner. Je lui demande pourquoi autant de précipitation. « Les foulanis sont très courageuses, donc elles n’expriment pas la douleur. Quand elles ont mal, elles ne disent rien jusqu’à ce que la tête ne sorte. Je ne veux pas avoir de mauvaise surprise ici. »
16 h 20. La sage-femme lui dit de pousser. Mais comme le travail n’avance pas, une accoucheuse monte sur le ventre pour « aider » la parturiente à pousser. Elle appuie sur le ventre de manière rythmée. La parturiente ne crie pas mais sur son visage se lit la douleur. Elle secoue la tête.
16 h 22. La parturiente pousse et la sage-femme pousse aussi sur le ventre. Mais rien n’avance…
16 h 23. La sage-femme fait l’épisiotomie avec une lame. Elle fait une longue coupure sur le côté. La tête de l’enfant est sortie. La parturiente crie. La sage-femme met le nouveau-né sur le ventre de la mère et elle le masse vigoureusement. La sage-femme demande le « pingouin » [aspirateur nasal Penguin] pour aspirer le nouveau-né.
16 h 24. Le nouveau-né fait un tout petit bruit mais ne crie pas. La sage-femme coupe le cordon après l’avoir clampé. Elle dépose l’enfant sur le lit de la réanimation où l’accoucheuse prend le relais et nettoie le nouveau-né. […] La sage-femme lave un peu la parturiente tout en demandant à l’accoucheuse de prendre des fils de suture. En attendant le retour de l’accoucheuse, elle regarde le nouveau-né qui est sur la paillasse.
16 h 26. L’accoucheuse revient avec le fil de suture. On enlève le placenta et on prépare le fil et les outils pour la suture. On met le placenta dans un pot et l’accoucheuse retourne s’occuper du nouveau-né. Il crie enfin. On le met sur la balance. Une deuxième accoucheuse prépare une ampoule de vitamine K pour le nouveau-né qui fait 2,4 kg. On amène le nouveau-né sur le lit de réanimation où on « l’emballe » dans un pagne […]. La parturiente crie car elle a très mal. Je demande à la sage-femme s’il n’y a pas d’anesthésie pour la suture. « Avant on achetait la boîte et on leur vendait 1 cc à 100 CFA, mais on est venu nous insulter de ne plus le faire. On a laissé, donc maintenant c’est à vif. »
39Ces descriptions, évoquant des pratiques ordinaires avec ce qu’elles charrient d’écarts quant aux normes obstétricales, de « brusqueries » envers les parturientes et de manque de réactivité – ici notamment pour aspirer et stimuler un nouveau-né de petit poids – constituent un premier faisceau de vulnérabilité pour la mère et le nouveau-né. Les interactions oscillent entre une certaine « violence » envers la parturiente et une certaine « indifférence » envers le nouveau-né [24, 28]. Partout, les sages-femmes comme les accoucheuses restent dans une attitude de « retrait » face au nouveau-né. Ces pratiques sont constantes dans l’ensemble de nos terrains. C’est pourquoi il faut les expliquer.
40Sans doute faut-il d’abord évoquer, comme une sorte de fond commun à nos observations, ce que les « subalterne studies » analysent comme des formes de « résistances souterraines » ou de « résistances déguisées infra-politiques » [29] – braconnage, désertion, absence, fuite, faible empressement, etc. – que l’on observe quasiment dans tous les services. Ne pas s’empresser, traîner des pieds, laisser faire… seraient des sortes de réponses non discursives aux formes de dominations, matérielles, statutaires et de genre, rencontrées par ces professionnelles de santé. Si les services de santé sont en partie autonomes, ils ne sont pas indépendants des contradictions et des inégalités qui structurent les sociétés où ils se déploient. La lenteur dans l’action et un certain désinvestissement de sa profession sont des sortes d’incorporations d’un ressentiment éprouvé envers les politiques locales et les conditions de travail.
41Par ailleurs, et plus spécifiquement, d’un point de vue « technique », et même si les notions de maïeutique tentent d’intégrer les soins néonatals dans le travail des sages-femmes [30], cette profession et les responsabilités qui lui sont le plus communément attribuées restent centrées sur la parturiente et ne sont souvent définies qu’en fonction de l’accouchement. L’expulsion du fœtus marque l’acmé de l’inquiétude des sages-femmes. Elles ont alors « deux vies en charge ». Passé ce moment de stress, le premier cri de l’enfant marque symboliquement la réussite du travail de ces praticiennes et la limite ressentie de leurs strictes compétences et obligations techniques envers un nouveau-né « détaché » de sa mère [19].
42Hors des situations d’urgence explicite, dès que l’enfant est né, les conduites techniques des sages-femmes basculent vers les suites de l’accouchement – éventuels petits gestes chirurgicaux – et vers des tâches routinières : nettoyer les salles, habiller puis orienter la nouvelle accouchée vers un lit, dialoguer avec les familles, bavarder avec ses collègues, évacuer diversement le stress de l’accouchement… L’obstétrique, largement « sensibilisée » à la question des décès maternels, est avant tout orientée vers l’accouchement. Les procédures des soins néonatals restent encore largement méconnues et peu construites professionnellement.
43Les effets de cette distribution inégale des intérêts appartiennent au registre du banal. Rien ici n’est grandiloquent. Il s’agit plutôt d’infimes « négligences » envers un nouveau-né qui, d’une certaine façon, se trouve cependant « poussé » hors de la scène obstétricale par le jeu de ces petites conduites.
L’aide-soignante vient d’aider Halima à accoucher. Le bébé attend depuis une heure son papa qui doit lui amener les habits qu’il doit porter pour être au chaud. Pendant l’attente, il reste sur une table où il a éternué jusqu’à six fois.
45Il s’agit là d’une séquence ordinaire. D’autres observations permettent de comprendre comment, sans que nul ne le veuille, le nouveau-né n’est pas perçu comme un sujet médicalement préoccupant. Il est né, il est présent, mais laissé « au bord » des conduites de soin.
23 h 25. Début assez brusque de l’expulsion. La matrone se précipite avec un tissu pour aider l’enfant à sortir. L’enfant sort et crie. La matrone le pose sur le ventre de sa mère en annonçant : « Ton enfant c’est un garçon ».
23 h 57. La matrone coupe le cordon et amène l’enfant sur la table où elle noue le cordon. La fenêtre est à moitié ouverte et l’enfant n’est pas couvert. Il éternue. Une matrone fait une injection à la mère.
00 h 02. La matrone prend les paramètres de l’enfant : taille, poids, etc. L’enfant n’est toujours pas couvert et crie. La matrone procède à l’extraction du placenta pendant que l’autre nettoie le nouveau-né et le dépose, humide, sur la balance…
00 h 04. Le placenta est déposé dans un récipient en plastique et la matrone verse de l’eau dessus. L’enfant n’est toujours pas couvert. Il fait un peu frais dehors et il éternue à nouveau.
00 h 08. La parturiente se met debout, on l’aide à attacher un pagne, on lui enfile une chemise et un foulard de tête.
00 h 10. Une matrone la tient par la main et l’amène dans la salle d’observation. L’autre matrone prend l’enfant et l’amène rejoindre sa mère dans la salle d’observation où il ne sera toujours pas couvert…
47Partout la scène obstétricale est faite de cette dissymétrie entre une sorte d’affairement, différencié selon les statuts, autour de la parturiente et un certain délaissement du nouveau-né. Puisqu’il est vivant, l’enfant devient « un nouveau-né ordinaire » et, partout, les fenêtres et les portes des salles d’accouchement s’ouvrent « comme d’habitude », l’exposant aux courants d’air. Les gestuelles des professionnels envers le nouveau-né relèvent largement de l’ordre du profane et du familial : « s’occuper » d’un enfant n’est pas véritablement perçu comme un geste orienté par des procédures médicales. L’enfant puisqu’il est né, semble échapper au risque perçu par les personnels des services d’obstétrique.
48Par ailleurs, des conceptions populaires, partout présentes en Afrique de l’Ouest, placent aussi le nouveau-né dans un statut d’incertitude. Comme si, au seuil de sa vie, il hésitait entre vivre et retourner à un monde d’avant la naissance. « Quand un enfant naît en même temps c’est un étranger. On ne sait pas encore s’il est venu pour rester ou pas. Donc on ne lui donne pas de nom, on le protège pour qu’il ne soit pas attiré par l’envie de repartir » dit une femme âgée de 73 ans. « Oui, on peut s’adresser à l’enfant. On lui dit de belles choses pour l’attirer vers notre monde » commente une mère de 43 ans [Entretiens Mireille Douti, Togo]. Aussi, une diversité de conduites vise à accueillir cet invité singulier.
13 h 45. La mère et l’enfant sont transférés dans la salle de surveillance, je reste avec la mère pour un entretien.
13 h 47. La belle-mère de la parturiente a fini de faire la lessive et revient. La mère essaye de faire téter son enfant. Elle tient un gobelet contenant de l’eau, et demande à sa belle-fille de bien tenir l’enfant. Elle met un doigt dans le gobelet et le met dans la bouche de l’enfant. Elle répète le geste trois fois en disant « bonne arrivée, grand-père, bonne arrivée ».
Je lui demande pourquoi elle donne de l’eau à l’enfant ? « C’est comme ça qu’on fait chez nous. Quand quelqu’un vient chez toi, qu’est-ce que tu fais pour l’accueillir ? Tu lui donnes de l’eau. Ça a toujours été comme ça ».
50Ces représentations du nouveau-né, relevant d’une vaste histoire et anthropologie des mentalités [31, 32], accordent à l’enfant, à l’aube de sa vie, une sorte d’autonomie lui permettant de choisir entre l’existence qu’il menait antérieurement à sa naissance et un avenir humain dont les adultes, par divers moyens, doivent lui donner l’envie [33, 34]. Comme l’ont analysé les travaux de Suzanne Lallemand « L’enfant […], de la naissance jusque vers trois ans, n’est pas perçu comme une forme vide, un être neuf que l’âge et l’expérience modèleront progressivement. D’emblée, il passe pour jouir d’un réseau de relations complexes et prestigieuses, hors de portée de l’adulte, qu’il lui faut troquer ensuite contre les attaches plus humbles, nouées au sein du monde des vivants […] » [35]. Certes, les rapports des acteurs à ces dimensions sensibles et à ces configurations sémantiques sont variables. Elles sont parfois vécues comme prégnantes et ne sont parfois qu’éventuellement disponibles, voire ignorées ou moquées. Elles sont aussi liées à des mécanismes psychologiques de défense partout observés où, sachant la fragilité du nouveau-né et la forte mortalité liée à cette période, parents comme soignants s’empêchent de trop « investir » affectivement de crainte de trop souffrir si l’enfant décédait [36]. Mais ces représentations et ces valences affectives constituent un fond commun. Elles sont « à portée de main », comme un argumentaire syncrétique où certaines paroles des religions révélées – « Dieu l’a donné Dieu l’a repris » – incitant à une sorte d’acceptation destinale, se mêlent à des consolations païennes, puisqu’un enfant qui meurt pourra peut-être décider de revenir…
51Enfin, plus prosaïquement, dès le début, les mères considèrent leur enfant comme étant en interaction. Globalement, plutôt que d’imposer des conduites normatives à leurs enfants, comme les programmes de santé le préconisent, les mères agissent en fonction de leurs expériences passées et selon ce qu’elles subodorent des attentes de leur enfant. C’est ainsi qu’elles allaitent le nourrisson « à la demande » et lui donnent de l’eau en fonction de leurs interprétations des attitudes de leur enfant ou de ses refus [37, 38]. « Les bébés savent quand le lait n’est pas bon. Tu vas voir qu’il va refuser de téter même quand il a faim », nous dit, par exemple une mère de 40 ans [Entretien M. Douti, Togo].
« Lorsque tu as vu ton enfant, tu sauras s’il a soif. Alors tu lui mets un peu d’eau à la bouche. Tu peux le faire et il va boire, et tu peux aussi le faire et il va refuser. Tu verras alors qu’il n’a pas soif. […] Il y a une dame ici l’autre fois, l’enfant avait tellement soif, mais elle ne pense pas lui donner un peu d’eau ! […] des gens, ils ont donné de l’eau à l’enfant et il a bu, et ils ont dit que : « toi femme, tu es criminelle. L’enfant a soif et tu ne lui donnes jamais de l’eau. Il va mourir ».
53Une nouvelle fois, nous sommes dans un ordre du « presque rien ». Mais ces diverses caractéristiques soulignent qu’il ne suffit pas à un enfant de naître pour exister. En effet, si l’on conjugue l’ensemble de ces données – enfant dont on attend les choix, pas véritablement « médicalisé », ni en obstétrique ni en pédiatrie, déjà né mais pas encore certain de vouloir rester, existant mais pas encore nommé ni baptisé ni véritablement socialisé [39] – on comprend aisément combien le nouveau-né est situé dans une sorte de « no new born’s land ». Même s’il est investi affectivement, il n’est pas l’objet de procédures médicales standardisées et efficaces. Diverses dimensions organisant les tâches professionnelles et certaines conceptions quant à sa « fragilité existentielle » semblent inciter des attitudes d’attentes plutôt que l’adoption de conduites volontaristes pour le prendre en charge, voire le réanimer. Sans mot pour dire sa plainte, supposé hésitant sur sa volonté d’être au monde, marginal quant au cœur de métier des sages-femmes, outre une faiblesse physiologique « naturelle », l’existence du nouveau-né est socio-techniquement construite comme fragile.
Logique 2 : la vulnérabilité du nouveau-né est liée à l’hétérogénéité entre les propositions sanitaires et les pratiques populaires de socialisation de l’enfant
54Relativement marginalisé dans les services de santé, dès qu’il rejoint sa famille et notamment dans les collectivités rurales où nous avons travaillé, l’enfant est au contraire mis au centre de multiples pratiques. Il est accueilli dans sa « communauté » où un enchaînement de pratiques corporelles – ingestion de boissons magico-religieuses « protectrices », soins de l’ombilic, bains et massages – auxquelles s’ajoutent diverses cérémonies symboliques dont la dation du nom, lors du baptême, et parfois une onomastique propitiatoire [40, 41], construisent sa socialisation.
55D’un point de vue sanitaire, ces diverses pratiques – socialement cohérentes mais éventuellement pathogènes pour l’enfant – sont concentrées sur une très courte période, conjuguant souvent des obligations dispendieuses, pour réaliser les diverses cérémonies qui accompagnent la nouvelle existence, et des périodes de réclusion des mères et des enfants [42, 43]. À l’évidence, ces deux dimensions sont peu favorables à un recours aux structures sanitaires.
56Du point de vue des acteurs, ces pratiques corporelles relèvent d’une puériculture signifiante visant globalement à assurer au nouveau-né une sorte de sécurité ontologique : rendre son corps harmonieux et séduisant, l’inscrire dans la religion, la filiation, la génération et le genre [44-47]. Ces conceptions, où prédominaient autrefois des préoccupations socioreligieuses propres à des terroirs spécifiques [48, 49], cohabitent maintenant avec d’autres propositions provenant des puéricultures sanitaires et plus encore de l’incessant travail des rumeurs s’interrogeant sur l’origine des maladies et les façons populaires de les traiter [50]. Elles empruntent aussi, et de plus en plus fréquemment, à diverses pratiques de maternages mises en valeur dans des publicités et des séries télévisuelles.
57À partir de ces multiples informations – et parallèlement aux propositions médicales « officielles » désarrimées des contextes locaux – les populations « bricolent » en fonction des circonstances. Selon des régimes de temporalité variables, elles respectent les anciennes pratiques ou ajoutent à la trame narrative des rituels, souvent devenus des habitudes ritualisées, ce qu’offrent les modernités commerciales. Partout, les familles orientent leurs conduites en liant leurs interrogations à des significations au gré de consécutions cumulatives et instables. « Pour vérifier si le lait est bon ou pas, il suffit de presser un peu et de mettre dans une calebasse. Ensuite, tu mets une fourmi dedans. Si la fourmi meurt, c’est que le lait n’est pas bon. Mais si elle nage, alors c’est que le lait est bon », nous dit par exemple cette belle-mère de 60 ans ayant autorité sur sa belle-fille pour ce qui concerne les soins accordés à son enfant [Entretien M. Douti, Togo].
58Globalement, les populations, plutôt que de sélectionner des informations, en ajoutent de manière syncrétique en espérant ainsi accumuler les chances pour leur enfant : mettre du dentifrice ou des produits huileux sur la plaie ombilicale, faire boire des eaux « bénies » avant toute autre boisson, utiliser divers produits fortifiants… « Quand il pleure la nuit et refuse de téter, c’est soit les maux de ventre ou bien c’est spirituel, et si c’est les maux de ventre donc il faut donner Pinkoo [6] » affirme ainsi cette femme de 56 ans [Togo, entretien M. Douti]. Ces conduites ne relèvent aucunement, comme nous l’évoquions précédemment, de ce que l’on nomme souvent – et bien paresseusement – des « obstacles culturels ». Il s’agit de constants processus d’appropriation de multiples informations au gré de collages « empiriques » relevant d’une pensée mythique « s’exprimant à l’aide d’un répertoire […] hétéroclite et qui bien qu’étendu, reste tout de même limité ; pourtant il faut qu’elle s’en serve […] car elle n’a rien d’autre sous la main » [51].
59Observé « par le bas », le parcours du nouveau-né apparaît ainsi segmenté. Il passe des espaces sociotechniques de la maternité à des cercles familiaux et villageois où sont mises en œuvre, loin des préventions sanitaires et des savoirs médicaux, des pratiques populaires supposées lui être bénéfiques ou l’aider à soutenir son identité [52]. Temporellement, ce parcours est court. Les étapes sont franchies en une dizaine de jours. Mais, d’un point de vue sanitaire, il cumule les risques sans qu’il y ait, en dehors de quelques usages comme le recueil du placenta, de continuité pensée et construite, entre les services de santé et les collectivités villageoises. La maternité et les villages circonscrivent des espaces pratiques et des langages hétérogènes. D’une langue et d’un corps médicalisé à des conceptions profanes disant, dans les langues locales, ce même corps en société, les univers sont disjoints.
Logique 3 : la vulnérabilité du nouveau-né est liée aux multiples incertitudes empêchant l’organisation cohérente de sa prise en charge et de son suivi
60Entre des « attitudes médicales » et des conduites sociales, les parcours des nouveau-nés apparaissent donc comme segmentés. Ils sont aussi erratiques. En effet, dans la famille, le village ou le dispensaire, diverses formes d’incertitude régissent les rapports des acteurs aux services de santé, à leurs projets et à leurs liens sociaux.
61Par exemple, pour les populations, l’accès aux soins dépend de l’aléatoire de l’accouchement, de ses éventuelles difficultés et des demandes imprévisibles des personnels soignants. « C’est une question d’argent. Si tu viens à l’hôpital pour accoucher, on va te demander d’acheter ceci et cela. Si tu n’as pas au moins 15 000 francs CFA, ce n’est même pas la peine. Or, à la maison tu ne dépenses pas. Il faut juste venir après pour vacciner l’enfant et le papier de naissance » nous dit ainsi, au Bénin, une de nos interlocutrices [Entretien S. Ahouangonou, Benin].
62Pour ces mêmes raisons – et pour d’autres touchant à la qualité des soins ressentis ou aux aléas des transports et des décisions familiales – les parturientes différent le moment de se rendre dans les services, ajoutant ainsi à l’imprévisible de l’accouchement les imprévus de sa prise en charge et des soins au nouveau-né.
12 h 05. Une femme arrive brusquement dans la salle de consultation. Elle gémit, relève les deux bras et présente des douleurs d’enfantement […]
12 h 10. La sage-femme rentre dans la salle d’accouchement.
12 h 15. La tête de l’enfant est à la vulve.
12 h 16. Le nouveau-né n’a pas réagi. C’est un enfant de sexe masculin. Il n’a pas crié. Il est couvert d’un liquide teinté et jaunâtre. La sage-femme prend la poire pour le désobstruer avant de procéder à la section du cordon, mais l’enfant ne réagit toujours pas. Après 3 min d’efforts, elle se précipite vers la table chauffante. […] Elle introduit la sonde dans la bouche du nouveau-né. « On ne s’est pas apprêté pour cette réanimation » confie la sage-femme. L’enfant tousse après qu’elle l’ait sondé. Il n’y a pas de pagne pour envelopper le nouveau-né. La stagiaire fouille dans le colis que la parturiente a amené ; elle cherche de quoi faire une couche au nouveau-né. « Il n’y a pas de pagne pour faire la couche au bébé ».
64Par ailleurs, dans les suites de couches, le jeu de ces préoccupations pécuniaires déconstruit certaines propositions sanitaires et peut inciter à l’utilisation de « ruses » afin de réduire les coûts en permettant, par exemple, « d’être libérée » de la maternité au plus vite.
8 h 30. Un homme vient voir une matrone pour demander que sa femme rentre à la maison.
La matrone entre dans la salle pour demander à la mère si le cordon était tombé. En ce moment, la mère ne savait pas que son mari était arrivé dans le centre. Elle répond : non. La jeune femme voit ensuite son mari.
9 h 22. La matrone est interpellée par la même femme qui affirme que maintenant le cordon de son enfant est tombé.
La matrone vient vérifier. Elle trouve que le cordon est effectivement tombé mais qu’il y a une plaie fraîche et franche. Elle dit à la mère : « tu as forcé le cordon ». La mère nie formellement les allégations de la matrone.
La matrone nous confie : « tu vois, cette femme a forcé le cordon pour rentrer à la maison. Elles ne sont pas nombreuses mais il y en a qui le font. Je vais la laisser rentrer ».
66Obligation plus que choix, ces conduites résultent des jeux complexes d’un ensemble de contraintes contradictoires obligeant ici à choisir entre l’attente de la chute « naturelle » du cordon, afin de prendre soin de son enfant, et un statut d’épouse ne devant pas grever le budget familial et devant sans doute accepter les décisions de son mari.
67Enfin, de retour dans la famille, la mère ou les parents doivent se plier aux décisions des familles ou des « vieilles », ou parfois négocier pour modifier certaines pratiques qui leur sembleraient préjudiciables à la santé de leur enfant. « C’est sa grand-mère qui lui fait son bain. Je ne sais pas ce qu’elle applique sur le cordon. Moi on me remet l’enfant seulement ! » dit une jeune mère du Bénin [Entretien Salomé Ahouangonou, Bénin].
68Pour les parents, à chacune de ces premières étapes de la vie de leur enfant, il est difficile – voire impossible – d’énoncer une hypothèse sur la conduite future d’autrui ou sur la façon dont les diverses institutions techniques ou sociales dont ils dépendent se conduiront. Tous les acteurs, qu’ils soient sanitaires ou sociaux, ne progressent qu’au « coup par coup », en fonction des évènements et de vouloirs externes plus qu’en anticipant de façon autonome les difficultés pour pouvoir les prévenir. La vulnérabilité du nouveau-né résulte de la conjugaison de ces incertitudes physiologiques, économiques et statutaires tout au long de ce parcours initial.
Discussion
69Notre étude qualitative n’avait pas pour but de chercher des « facteurs de risque », certes utiles mais toujours formulés selon les hypothèses du chercheur et ne recueillant, de ce fait, comme résultat – au gré de « causations adéquates » [53] – que ce qui était présupposé dans les questions initiales. Nous souhaitions décrire, à propos des sept premiers jours de vie des nouveau-nés, « la somme de ce sur quoi tous les acteurs s’accordent sans en avoir généralement débattu ni décidé et ce qu’ils n’ont nul besoin d’expliciter tant qu’ils sont entre eux puisque cela va de soi à la forme d’un monde […] » [54]. Nous avons secondairement analysé ces conceptions et ces conduites ordinaires de « puériculture » sous l’angle des risques sanitaires qu’elles pouvaient représenter pour les nouveau-nés.
70Rien ne relève, ici, d’une sorte d’engendrement « mécanique » de conduites par des représentations, supposées construire des « obstacles culturels », notion fourre-tout ne désignant souvent que l’étonnement naïf de certains « développeurs » découvrant que les populations ont d’autres idées que les leurs et n’obéissent pas aux injonctions, souvent inconstantes, des programmes. L’étude fait, en revanche, apparaître les dynamiques des chevauchements et les déterminations croisées de « facteurs » de risques dans les différents mondes parcourus par les nouveau-nés.
71Cette posture d’interface, entre logiques sociales et sanitaires, démontre que la vulnérabilité du nouveau-né résulte largement de la conjugaison de sa « marginalisation » dans les services obstétricaux, d’un ensemble de disjonctions entre les mondes sociaux et ceux de la santé, et du jeu de multiples incertitudes empêchant une anticipation des risques encourus [55]. Cette perspective scientifique descriptive et « par le bas », prenant en compte l’expérience des acteurs, permet de dévoiler les mécanismes concrets construisant le risque néonatal. Mais cette posture, ancrée dans le réel des situations, permet aussi de proposer quelques pistes pour améliorer la santé néonatale et de raisonner sur ce qu’il est possible de réaliser concrètement, in situ et de façon autonome, en s’appuyant sur les « capabilités » des acteurs de santé et des populations.
72Il s’agit, tout d’abord, de travailler sur la place des nouveau-nés dans les services d’obstétrique. Comme nous l’avons précédemment évoqué, reconnaître l’enfant et le nouveau-né comme des personnes et des acteurs dans les services médicaux fut partout un préalable à une prise en charge techniquement efficace et éthiquement respectueuse de ces « petits sujets » [56].
73Plusieurs formes d’actions ont permis que soient comprises ces plaintes parfois muettes des nouveau-nés : le dévoilement des attitudes de souffrance et la mesure objective et subjective de la douleur [57] et parallèlement pour les plus âgés, l’attention portée aux conduites et aux paroles des enfants malades ainsi que la description de leurs « capabilités » face à la maladie [58, 59]. Globalement, l’analyse des interactions entre les personnels de santé, les parents et les jeunes patients [60, 61], voire la nomination de l’enfant mort-né [39], introduisent une dimension éthique favorable à la reconnaissance des nouveau-nés comme des « sujets de soins ». « Être rendu présent aux autres […] c’est être pris en compte, être reconnu dans la vérité et la spécificité de sa condition » [62].
74Que ce soit lors des formations initiales des personnels ou par des travaux réflexifs dans les services, donner un autre statut aux nouveau-nés, les mettre en existence, est indispensable. Concrètement, il semble réalisable, par exemple, de souligner la signification de leurs pleurs, de leurs situations d’inconfort, des situations à risques, liant ainsi l’effectuation des gestes techniques à un souci de l’autre où se fondent les éthiques professionnelles. Ce travail devrait contribuer à orienter l’action des sages-femmes vers une maïeutique incluant explicitement la santé néonatale, et à définir leur profession comme ayant en charge la mère et l’enfant [63]. Aider à donner la vie doit inclure de l’accompagner dans ses premiers moments.
75Par ailleurs, comme nous le signalions précédemment, dans ces contextes de traduction et de pluralisme thérapeutique, les soins accordés aux nouveau-nés balancent entre des savoirs techniques médicaux standardisés et « décontextualisés », et des pratiques populaires conjuguant une sémantisation du corps et de ses humeurs (sein, sang, lait…). Une croyance envers diverses forces religieuses et une plasticité de l’ensemble de ces conceptions permettent aux acteurs de s’adapter prosaïquement à leurs diverses situations et obligations. On ne peut transformer simplement ces situations. Cependant, on peut s’attacher à construire des continuités entre ces espaces techniques et les collectivités accueillant les nouveau-nés. Diverses pistes sont à explorer : prendre le temps de dialoguer avec les parents sur leurs obligations sociales et l’aménagement des pratiques populaires dédiées à la socialisation des enfants, inclure les hommes et les femmes plus âgées détentrices de l’autorité dans ces dialogues, initier un suivi des « sept jours de l’enfant » sur le mode des visites à domicile.
76Pour ces deux axes de travail, la formation des praticiens aux dimensions liant leurs pratiques techniques aux espaces sociaux de leur exercice est essentielle. Par ailleurs, introduire, dès l’accouchement, un « volet » d’éducation thérapeutique et une information des familles, qui évoque les pratiques populaires de soin localement prodiguées, est indispensable. Prévenir est, ici, largement synonyme de traduire et de rendre compossible les savoirs médicaux et les habitudes sociales.
77Connaître n’est pas prendre conscience. C’est pourquoi, ces propositions visent, outre à transmettre des données factuelles, à promouvoir une certaine réflexivité et l’agentivité, individuelle et collective, chez les populations étudiées, afin de contribuer à la promotion d’un sujet éthique. Elles doivent, bien sûr, être discutées, précisées et travaillées avec les personnels de santé, afin qu’elles soient adaptées à la diversité des situations. Ces travaux translationnels doivent aussi être, à leur tour, étudiés scientifiquement. Dans ce processus, rien n’est simple ni linéaire. Cependant, plutôt que d’initier de couteux programmes top down largement hétérogènes aux sociétés et aux pratiques des acteurs, n’est-il pas temps d’inverser le regard ? D’initier quelques recherches-actions bottom up afin d’améliorer concrètement, et in situ, les interfaces entre les soignants et les populations ainsi que la formation initiale et permanente de ces professionnels de première ligne ?
78Aucun conflit d’intérêts déclaré
Remerciements
Remerciements au ministère des Affaires Européennes et Étrangères de la France qui a permis grâce au financement des Fonds Français Muskoka aux quatre agences des Nations Unies (Unicef, OMS, UNFPA, ONUFEMMES) et singulièrement à l’Unicef de commanditer et financer cette étude anthropologique sur les soins aux nouveau-nés.Bibliographie
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- 47Suremain C-E, Bonnet D. L’enfant du développement. Paris : Les Presses de Sciences Po ; 2014. 244 p.
- 48Lallemand S. Pratiques de maternage chez les Kotokoli du Togo et les Mossi de Haute-Volta. Journal des africanistes. 1981;51(1-2): 43-70.
- 49Collomb H. L’enfant qui part et l’enfant qui revient. In : Collomb H, editor. L’enfant dans la famille. Paris : Masson ; 1974. p. 354-62.
- 50Kaler A. Health interventions and the persistence of rumour: the circulation of sterility stories in African public health campaigns. Social science & medicine. 2009;68(9):1711-9.
- 51Lévi-Strauss C. La pensée sauvage. Paris : Plon ; 1962. 289 p.
- 52Lallemand S. Une puériculture africaine ? Objectif bébé Une nouvelle science : la bébéologie. Paris : Le Seuil ; 1987. p. 193-206.
- 53Grossein J-P. Présentation. In : Grossein J-P, editor. L’éthique protestante de Max Weber. Paris : Gallimard ; 2003 [1904]. p. 5-65.
- 54Bazin J. Des clous dans la Joconde : l’anthropologie autrement. Paris : Éditions Anacharsis ; 2014.
- 55Hirschman AO, Besseyrias C. Défection et prise de parole : théorie et applications : Fayard Paris ; 1995.
- 56Baszanger I. Douleur et médecine, la fin d’un oubli. Paris : Seuil ; 1995. 468 p.
- 57Annequin D. T’as pas de raison d’avoir mal. Paris : Éditions La Martinière ; 2002.
- 58Raimbault G. L’enfant et la mort. Des enfants malades parlent de la mort : problèmes de la clinique et du deuil. Toulouse : Privat ; 1975.
- 59Bluebond-Langner. The private world of dying children. Princeton New Jersey: Princeton University Press; 1978. 304 p.
- 60Kane H. Le contrôle des comportements de l’enfant lors de soins potentiellement douloureux. L’éducatif au détour des soins médicaux. In : Cohen Salmon D, editor. Le jeune enfant, ses professionnels et la douleur. Paris : Erès ; 2007. p. 65-77.
- 61Mougel S. Au chevet de l’enfant malade. Parents/professionnels, un modèle de partenariat. Paris : Armand Colin ; 2009. 271 p.
- 62Rosanvallon P. Le parlement des invisibles. Paris : Seuil ; 2014. 80 p.
- 63UNFPA. Sur la voie de l’universalité. Le droit de la femme à la santé. New York USA : Publication Nations Unies, 2014.
Notes
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[1]
Nous empruntons ces données au rapport de l’OMS [2017] « 7 000 nouveau-nés meurent chaque jour malgré une baisse constante de la mortalité des moins de 5 ans », consulté le 5 janvier 2018, sur le site http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2017/daily-newborn-deaths/fr/.
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[2]
Les enquêtes furent respectivement réalisées par S. Ahouangonou, M.-T. Arcens Somé, A. Coulibaly, H. Kane, M. Douti.
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[3]
« No name no blame ». Pour des raisons d’éthique de la recherche nous protégeons l’anonymat des services qui nous ont accueillis.
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[4]
Soins de Santé Primaire, santé pour tous en l’an 2000, Initiative de Bamako, recouvrement des coûts, gratuité des soins au point de contact sanitaire, Objectifs du Développement Durable, Fonds basés sur les Résultats… Nous ne pouvons ici faire l’histoire de ces injonctions contradictoires. Cependant, comment, pour les soignants et pour les populations, croire et adhérer à ces « modes » sanitaires, bureaucratiques, volatiles et top down ?
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[5]
Soulignons que, dès 1994, Jaffré et Prual, décrivant les violences faites aux parturientes lors de l’accouchement, soulignaient que la question n’était pas celle d’une imposition de normes obstétricales aux dépens de « savoirs locaux traditionnels », mais d’inclure une réflexion éthique dans la formation technique des sages-femmes et des obstétricien(ne)s.
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[6]
Eau « digestive » commercialisée pour les coliques du bébé.