Couverture de SPUB_161

Article de revue

Analyses de livres

Pages 127 à 131

Notes

  • [1]
    Groupement de Recherche sur l’Administration Locale en Europe rattaché au CNRS.
  • [2]
    Centre d’Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales.

1 Les notes de lecture sont rédigées par les rédacteurs, les membres du comité scientifique et les experts de la revue.

Puisqu’il faut bien mourir. Histoires de vie, histoires de mort : itinéraire d’une réflexion, Véronique Fournier, La Découverte ; 2015. pp. 248

2 « La médecine aujourd’hui est allée si loin (…) La contrepartie, c’est que la mort ne vient plus toute seule. Dans bien des cas il faut désormais décider qu’elle survienne, faire quelque chose. On est souvent conduit à agir la mort ». Véronique Fournier, cardiologue et médecin de santé publique, a fait partie du cabinet de Bernard Kouchner, en lien avec la loi de 2002 sur les droits des malades. La même année, elle crée le Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin, s’engageant avec une considération du vécu des patients et/ou de leurs proches qui impressionne. Ce dernier ouvrage traite de la fin de la fin de vie, encadrée depuis 2005 par la loi Léonetti et qui reste un sujet d’actualité sociétale et politique. Dix chapitres, l’essentiel du livre, présentent une succession de situations pour lesquelles son Centre a été consulté par des proches de patients, des malades eux-mêmes ou des équipes soignantes ; à propos de personnes soit en état neurovégétatif chronique, soit en fin de vie d’une maladie de type Alzheimer ou neurologique.

3 L’auteur adopte une position ouverte qui diffère de celles où les opinions émises sont contraintes par un ou plusieurs principes dits d’emblée non-négociables et où, en excluant certaines options, on réduit significativement l’angle de vision et de réflexion. « Nous ne concevons pas notre activité comme ayant pour vocation de dire le bien et le mal, non plus que dire l’éthique à vrai dire. C’est la méthode dont il nous importe qu’elle soit éthique. En fait nous concevons plutôt notre pratique comme un exercice de solidarité citoyenne, due à ceux qui en ont besoin (…) ‘Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà’ disait Pascal. Peut-être faut-il savoir accepter avec lui que même la vérité est un concept à géométrie variable ». Il ne saurait y avoir une seule attitude correcte : « Là encore, c’est la confrontation avec les non-médecins qui m’a fait avancer (…) Les non-médecins s’y retrouvent mieux avec la logique apportée par la loi Léonetti. [Admettant] l’idée que tout traitement même mineur peut être jugé excessif. Au fond il s’agissait désormais d’admettre que l’obstination déraisonnable était devenu une notion subjective : à chacun son seuil de tolérance ».

4 La réflexion interdisciplinaire est une composante essentielle de la démarche du Centre de Cochin : importance de « la confrontation à la pensée de l’autre. De celui qui est d’une autre discipline, qui n’a pas été élevé à penser pareil, qui est étranger. En acceptant de se confronter à la réalité concrète de la vie telle qu’elle est, et non telle qu’elle est manipulée dans les débats d’idées. La pensée s’est construite à plusieurs, venus d’horizons différents ». L’expérience de l’équipe l’a convaincue que, quand des proches qui se sont dévoués durant des années pour un malade demandent que quelque chose soit fait pour mettre un terme à son existence, il importe d’en tenir compte. « Il n’y a que ceux qui s’approchent au plus près de ces patients qui peuvent dire s’il y a obstination déraisonnable (…) Leur demande est juste, ils n’ont aucun doute là-dessus et supportent mal les théories psychologisantes et incantations moralisantes. Qui sont-ils pour me faire la leçon ? ».

5 Et Fournier : « Le plus honorable que nous puissions faire collectivement pour eux, c’est de leur faire confiance, à eux plutôt qu’à nos machines sophistiquées ». Pour l’auteur, la position d’accompagnement comme posture éthique (plutôt que celle de recommandation voire prescription morale) est un choix de plus en plus répandu parmi les équipes médicales. Cas échéant, le fait de permettre à une existence de se terminer avec l’accord des soignants doit satisfaire aux dispositions de la loi Léonetti, qui valide le refus de l’obstination déraisonnable et aménage pour l’essentiel une possibilité de faciliter la survenue du décès, l’interruption de l’alimentation et de l’hydratation. Cette faculté serait aujourd’hui plus souvent utilisée en France que ne l’imaginaient ses promoteurs. Mais force est de constater que cela entraîne des moments difficiles, voire ressentis comme « indignes », se prolongeant une semaine voire au-delà. Cette modalité s’avère plus bouleversante, pour proches et soignants, que ne le serait un geste bref mettant un terme à l’existence. Pour Fournier, l’argument théorique sous-tendant la loi (laisser mourir, d’accord, mais faire mourir, jamais) a dans la réalité certains effets déplorables. Elle plaide pour que soit reconnu que, souvent, la différence entre les deux est ténue, discutable. Et qu’un geste permettant le décès sans de tels délais devrait être acceptable – et cas échéant préféré. Distinguo d’importance : « Le législateur a choisi en 2005 d’autoriser l’arrêt d’alimentation et d’hydratation mais d’interdire l’injection létale. Le choix est respectable. Encore faudrait-il qu’il soit compris dans ces termes par nos concitoyens, c’est-à-dire comme un compromis plutôt que comme une vérité éthique. »

6 Le combat de Véronique Fournier, courtois, sans amertume même si les réalités rencontrées sont frustrantes, c’est de montrer qu’on se paie de mots avec la « mantra » du « non à l’obstination déraisonnable, auquel cas on peut laisser mourir » couplée au « jamais il ne saurait être question de faire mourir ». Les frontières sont objectivement fragiles et ce n’est qu’au prix de constructions doctrinaires, à distance de la vie des gens, qu’on s’emploie à maintenir un clivage prétendument absolu. Ce qu’elle explique devrait contribuer à convaincre ceux qui souhaitent des politiques publiques qui soient équilibrées dans ce qu’elles autorisent ou au contraire interdisent à leurs citoyens.

7 Jean Martin

Inégaux devant la mort – « Droit à mourir », l’ultime injustice sociale, Robert Holcman, Dunod ; 2015. pp. 200

8 Économiste et gestionnaire, ayant assumé des tâches dirigeantes en hôpital, enseignant, Robert Holcman publie un ouvrage dense sur l’éventail des facettes du thème « fin de vie et droit à mourir » qui fait beaucoup débat aujourd’hui. On y trouve la matière de beaucoup de prises de position et de débats sur ce sujet, ce qui peut faire de ce livre une référence utile. Une référence toutefois que salueront surtout ceux qui restent très réticents, voire fondamentalement opposés à la libre détermination des personnes dans ce domaine.

9 Souvent, l’ouvrage laisse une impression de théorie, d’invocation de principes qu’on voudrait figés alors que tout change. Ce qui ne rend pas justice à ce que sont aujourd’hui nos sociétés et leurs systèmes de santé : l’évolution démographique (« tsunami gris »), les pathologies principales et leur chronicité, le fait que le citoyen entend être autonome, y compris au plan des soins qu’il demande et reçoit. Il ne s’agit pas ici de dire que tout ce qui valait ne vaut plus, mais d’accepter la confrontation avec les réalités vécues et d’y réfléchir éthiquement – dans le sens de rechercher « comment faire pour bien faire ».

10 Une chose frappe dans le panorama brossé par l’auteur : on n’y trouve pas de récits cliniques, d’histoires de patients qui fassent toucher du doigt ce que vivent, en France aujourd’hui, les malades en fin de vie, leurs proches et les soignants. On est surtout confronté à des argumentations intellectuelles. Bien sûr, il importe de rappeler ce que les sociologues, les philosophes ou des instances officielles ont dit sur ces sujets. Mais il faudrait faire la part de ce qui est options dogmatiques, parfois répétées encore et encore, et de ce qu’on sait pratiquement. Le rapport de la Commission Sicard présenté en décembre 2012 a été limpide dans sa conclusion : « en général, on meurt mal en France aujourd’hui et il est urgent d’améliorer la situation ». Pour cela, le développement des soins palliatifs est à l’évidence une avenue majeure mais ne saurait être l’entier de la solution. Au-delà, trois ans plus tard, « Inégaux devant la mort » ne suggère pas d’avancée notable ; l’auteur dit même à plusieurs reprises ses réserves à l’endroit de la révision récente de la loi Claeys Leonetti qui admet la sédation terminale.

11 Point d’importance : s’agissant d’inégalité, l’auteur rappelle à juste titre la constante, qui préoccupe fondamentalement les professionnels de santé publique (et doit préoccuper les politiques), des inégalités dans l’accès aux soins pour les groupes moins favorisées, leur plus grande morbidité et leur moindre espérance de vie. Il craint que, dans la foulée, les personnes précarisées soient poussées plus que d’autres à envisager de mettre fin à leurs jours – cas échéant en y étant incités par leurs proches pour des motifs matériels. Préoccupation tout à fait estimable (comme l’est, plus généralement, la crainte que des mesures d’économies au sein du système de santé soient au détriment des patients). Toutefois, si ce souci se comprend bien dans un pays comme les États-Unis où l’accès aux soins reste fort inégalitaire, c’est moins le cas en France où un système de santé social et étoffé doit assurer à tous une prise en charge adéquate.

12 Clairement, la grande différence entre Holcman et d’autres (dont le rédacteur de cette recension) est dans l’importance et le respect accordé à l’autonomie de la personne. Il y a dans le livre une réticence palpable à admettre que les patients ont le droit de décider de leur propre existence, y compris quant à l’option de lui mettre un terme quand elle est devenue trop lourde à porter. On peut, on doit bien sûr avoir le souci que ces décisions soient bien réfléchies mais cela ne saurait justifier le retour à une posture paternaliste, élitiste. Posture où ceux qui sauraient mieux (?) pourraient contester la compétence de la personne lambda et la légitimité de ce qu’elle décide ? La société est faite de beaucoup de personnes lambda, qui doivent être vues comme adultes et majeures. Parlant d’enjeux de santé, de maladie et d’éthique, on ne peut accepter des raisonnements répétés tendant à disqualifier les patients qui ne pensent pas comme soi, dont l’avis serait forcément peu crédible s’ils sollicitent une aide au suicide. En 2015, près de quinze ans après la loi Kouchner, il y a là un anachronisme grave, ou de la cécité.

13 À propos du titre du livre : il y a une inégalité, différente de celle qu‘argumente l’auteur, qui au plan citoyen n’est pas admissible : la réalité qu‘un statut social plus élevé facilite pour qui le souhaite d’avoir accès aux moyens de terminer sa vie. Qu’il suffise de rappeler que Mme Jospin, mère d’un premier ministre, a pu bénéficier dans son pays d’une aide au suicide – qui n’a guère suscité de réprobation sociétale. N’y a-t-il pas lieu, au pays des droits de l’homme, de s’émouvoir de tels écarts, au détriment de la libre détermination des moins influents ? À cet égard, Holcman évoque le fait indiscuté qu’il y a, en France et ailleurs, un nombre notable d’assistances au suicide et d’euthanasies qui ne disent pas leur nom. Il les regrette mais semble s’accommoder de cette clandestinité. À notre sens, le fait choquant que ces choses soient tolérées sous le manteau enlève beaucoup au poids d’argumentations dogmatiques refusant de considérer dans la clarté une évolution sociétale profonde, à propos de quoi des pays voisins de la France, vus généralement comme civilisés eux aussi, ont décidé de reconnaître l’autonomie des personnes – ce qui n’empêche pas bien sûr de le faire en mettant en place des garanties adéquates.

14 Jean Martin

Collectivités, territoires et santé. Regards croisés sur les frontières de la santé, Thomas Alam et Marion Gurruchaga (Dir.), L’Harmattan ;2015. 405 pp.

15 L’ouvrage “Collectivités, territoires et santé : Regards croisés sur les frontières de la santé” est la publication des actes du Colloque GRALE [1] – CERAPS [2] organisé par le CERAPS à l’Université de Lille Droit et Santé du 13 au 15 décembre 2012.

16 L’objectif de cet ouvrage scientifique collectif est particulièrement ambitieux puisqu’il vise à concilier trois objectifs : un objectif interdisciplinaire (droit, sciences politiques, économie… géographie), un objectif comparatif (infra-sectoriel et sectoriel), et un objectif de recherche-action.

17 Les « morceaux choisis » de la retranscription de deux tables-rondes et le contenu de travaux de recherche sont présentés dans quatre parties :

  • les frontières de la santé au prisme des ARS ;
  • les frontières du médico-social au prisme des ARS ;
  • les appropriations territoriales ;
  • les politiques territoriales de santé et la recomposition des professions de santé.

18 L’intérêt de l’ouvrage réside dans son approche analytique, critique et pluridisciplinaire des sujets abordés, les auteurs relevant de la sociologie, de la philosophie, du droit et majoritairement des sciences politiques.

19 Dans le sillage de la loi HPST, l’attention particulière est portée sur les Agences Régionales de Santé dans plusieurs contributions : « la quadrature du cercle de la « territorialisation » des politiques de santé : la fusion de l’administration territoriale de la santé à l’épreuve de la concurrence des institutions et des rationalités de l’action publique » (Pierru & Rolland, 45-73) ; les ARS à l’épreuve de la désectorialisation de l’action publique (Gurruchaga, 75-90) ; le groupement de coopération sanitaire, un instrument de pouvoir aux mains du directeur général de l’ARS (Hammel, 91-107).

20 Les « morceaux choisis » de la retranscription de la première table-ronde sur « l’émergence des ARS dans le champ sanitaire, social et médico-social : regards de praticiens » permettent d’appréhender différentes problématiques en particulier relatives à la déconcentration et la décentralisation, la régulation à la planification et la tarification.

21 La seconde table-ronde qui porte sur « les transformations du médico-social : regards de praticiens » ouvre sur le développement des savoirs professionnels, académiques et expérientiels dans le champ médico-social.

22 Les deux dernières parties de l’ouvrage explorent 1) les appropriations territoriales à partir du prisme de l’Union européenne, dépassant la frontière nationale ou régionale (Collectivités, territoire et santé : l’impact de l’Union européenne sur la politique régionale de santé, Mouncif-Moungache, 207-231) ; 2) les politiques territoriales et leur impact dans les professions de santé qu’il s’agisse à l’offre de soins de premier recours, la profession de sage-femme, la prévention appliquée dans le cadre du Programme National Nutrition Santé (PNNS), la privatisation des politiques de santé publique.

23 Les travaux présentés dans cet ouvrage très intéressant devraient inspirer d’autres chercheurs en sciences humaines et sociales pour approfondir les réflexions initiées, les cadres d’analyse esquissés et les développer dans le futur pour dépasser les limites de la mise en œuvre du décloisonnement entre sanitaire, médico-social et social de la désectorialisation de l’action publique.

24 Dans le contexte actuel marqué par la réforme territoriale et son impact sur la fusion des régions, sur la réorganisation de la gouvernance mais aussi par l’application de la Loi de Modernisation de notre Système de Santé (LMSS), ces travaux devraient être particulièrement utiles aux législateurs et aux décideurs pour penser différemment leurs actions et l’environnement dans lequel elles prennent sens.

25 Geneviève Imbert

Santé en France. Problèmes et politique, Haut Conseil de Santé Publique, Paris, documentation française, 2015. 175 p.

26 Cet ouvrage collectif du Haut Conseil de Santé Publique, élaboré à son initiative, à la fin de son deuxième mandat, résulte de multiples contributions, pour partie extérieures au HCSP.

27 Il propose en dix chapitres une revue d’ensemble des problèmes de santé concernant la population en France (cinq chapitres) et des réponses qui lui sont apportées par le système de santé (cinq chapitres). Compte tenu du nombre élevé de questions abordées, chaque chapitre est très synthétique et assorti d’une courte liste de références importantes sur le sujet.

28 Concernant les problèmes de santé, le plan est très classique et traite successivement d’indicateurs généraux de l’état de santé, d’une liste de grandes morbidités faisant l’objet d’un développement particulier, d’un éclairage des problèmes de santé selon les grands groupes d’âge de la population, d’un survol des principaux déterminants de la santé, et enfin des inégalités sociales et territoriales de santé.

29 Concernant les réponses apportées, les chapitres portent successivement sur les enjeux importants des politiques de santé, une comparaison internationale, un historique des politiques de santé en France, un développement sur la territorialisation des politiques de santé et, enfin, un dernier chapitre consacré à l’approche stratégique.

30 Les atouts principaux de l’ouvrage sont sa bonne accessibilité, son caractère récent et extensif, couvrant l’essentiel des questions de santé publique. Les grands enjeux des politiques de santé et la mise en perspective internationale sont éclairants.

31 On peut regretter certaines lacunes comme, l’absence de développement portant sur les événements indésirables liés aux soins et la place très réduite consentie à la sécurité sanitaire, compte tenu de l’importance de cette préoccupation dans les systèmes de santé modernes. Les déterminants environnementaux de la santé sont abordés de façon assez elliptique sans rendre bien compte de la diversité des réponses apportées en France.

32 Concernant les politiques de santé, l’absence de repères économiques est assez étonnante compte tenu du poids de cette contrainte dans le système de santé en France. L’organisation des soins est également peu abordée : en particulier les soins de premier recours, au cœur de la loi de santé qui vient d’être adoptée par le Parlement ne sont pratiquement pas traités. L’analyse des politiques de santé suivies en France est un peu datée : elle est centrée sur les développements des années 2000 et la loi de santé publique de 2004, mais ne rend pas bien compte des changements en cours (parcours de santé, stratégie nationale de santé) ni des enjeux de la réforme territoriale de 2016.

33 Pierre Czernichow

Questions de politiques hospitalières. Organisation médicale – Technocratie – Droits des malades, Jean-Marie Clément, Les Études Hospitalières, 2015. 163 p.

34 L’auteur, par son regard de professeur en droit hospitalier et médical et par sa connaissance approfondie du secteur de soin hospitalier, dresse une analyse historique des réformes hospitalières depuis les débuts de la Ve République jusqu’à nos jours. Cette analyse se propose d’expliquer les causes et d’envisager les conséquences des changements intervenus et à intervenir. Chacun des dix chapitres est centré sur un thème posant question aux décideurs, aux responsables, aux acteurs et aux utilisateurs du secteur hospitalier des soins, nous tous donc. On peut lire chaque thème de façon indépendante.

35 Dans une perspective historique, l’auteur décrit ces questions de façon pertinente en particulier pour ce qui est : du jeu des acteurs en présence, gestionnaires, représentants syndicaux ou représentants des usagers, des évolutions politiques et de la pression des lobbies ou des positionnements éthiques dans ce secteur de la santé.

36 C’est ainsi que l’on peut réfléchir avec l’auteur sur :

  • les missions de l’hôpital, service public communal à son origine maintenant remis en cause comme entreprise d’intérêt général nationale ;
  • les recompositions hospitalières et l’éclosion de la démocratie sanitaire ;
  • le tropisme alternant entre attraction hospitalière et universitaire d’où émerge la notion actuelle de territoire centré sur l’hôpital universitaire ;
  • les statuts des personnels qui se fonctionnarisent et celui des malades devenant usagers ;
  • l’expansion démesurée des investissements tant mobiliers que techniques ou informatiques ;
  • le consumérisme des nouveaux usagers consommateurs de soins ;
  • les avatars des modes de financement pour améliorer la productivité ;
  • les difficultés de dialogue au sein de cette organisation médicale hospitalière conciliant avec peine des contraintes opposées et des intérêts antagonistes ;
  • l’humanisme médical confronté à l’empirisme médical face à l’explosion des disciplines techniques que l’on tente de regrouper en pôle d’activité ;
  • et en fin d’ouvrage, sur la réunification en cours des champs sanitaire et médico-social grâce à la mise en place des filières de soins et des réseaux au sein d’un service public territorial de santé.

37 Il y ajoute en filigrane, une vision personnelle basée sur son expérience qu’il oriente vers une responsabilisation tant des fournisseurs que des usagers de ces services de soins hospitaliers du secteur sanitaire ou du secteur médico-social.

38 Michel Banvillet

Quand la conscience s’en va – Un défi éthique pour les soignants et les proches – l’expérience des maladies neurologiques, Christian Tannier, Paris : Éditions Seli Arslan ; 2015. 255 p.

39 Cet ouvrage est né de la triple expérience de l’auteur, à la fois neurologue (ancien chef de service de neurologie du centre hospitalier de Carcassonne), docteur en philosophie et éthicien. Sa réflexion s’appuie sur son expérience de clinicien et de président d’un comité d’éthique hospitalier, confronté aux altérations de l’état de conscience, aux questions qui se posent aux soignants face à un malade non relationnel et à la complexité des situations humaines qui en découlent. La première partie de ce livre est consacrée à la disparition de la conscience (coma, état végétatif) et à une éthique des situations extrêmes. Comment la conscience se définit-elle ? Par un état ou par ses contenus ? Le sujet disparaît-il dans le coma, ou y a-t-il comme le défend l’auteur une permanence de la personne ? Comment agir, décider, quand le sujet est « hors d’état d’exprimer sa volonté ? ». Comment trouver la position la plus juste entre défaitisme injustifié et obstination déraisonnable, en recherchant comme le prône Christian Tannier une « sagesse des limites » ? La deuxième partie s’intéresse à l’altération des contenus de conscience comme on le voit notamment dans la maladie d’Alzheimer altération de « ce qui nous donne accès au monde, à la subjectivité, au sentiment de soi, à l’émotion, à l’intersubjectivité, à l’identité, à la liberté ». Christian Tannier répond au défi lancé par ces maladies de la conscience par une éthique des paris, pari du sujet, pari de l’identité, pari de la liberté. Il apporte ainsi aux soignants qui cherchent comment agir ou être devant un sujet dont la parole semble disqualifiée des éléments de réflexion leur permettant de trouver l’attitude la plus juste et aidante dans la relation de soin.

40 L’ouvrage est émaillé d’illustrations cliniques éclairant l’accompagnement dans les situations quotidiennement rencontrées dans les soins et apporte également lorsque cela est nécessaire des explications sur le fonctionnement cérébral. Mais surtout, il apporte des réponses nuancées nourries d’une réflexion philosophique et humaine qui nous invite à aller plus loin dans notre questionnement et notre positionnement de soignant ou d’accompagnant, qui nous invite à soutenir des paris – c’est-à-dire de choisir une option dans un contexte d’incertitude, au risque de perdre – pari des possibles, pari de l’autonomie et des compétences, de la résistance à la dépersonnalisation et à la désubjectivation.

41 Agnès Michon

Notes

  • [1]
    Groupement de Recherche sur l’Administration Locale en Europe rattaché au CNRS.
  • [2]
    Centre d’Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales.
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