Introduction
1La population française a une représentation floue du métier de médecin généraliste. Pour les étudiants en médecine, la profession paraît même homogène et possiblement répétitive, voire très répétitive [1]. Depuis la réorganisation de l’accès au troisième cycle des études médicales en 2004, la médecine générale est devenue une spécialité, au même titre que les autres filières de l’ancien internat. Elle a l’ambition d’affirmer sa place au centre du système de soin et doit devenir un choix positif à l’Examen Classant National (ECN). Cette volonté de revalorisation fait suite à une crise de vocation. Mais la méconnaissance de cette discipline entraîne une préférence, au moment des choix de postes, vers les autres spécialités [9] rencontrées par les étudiants au cours de leur externat. Cette crise de vocation ce rencontre également chez les praticiens. En effet, selon une enquête du CNOM [3], un médecin généraliste sur quatre inscrit au tableau de l’ordre n’exerce pas la médecine générale libérale. L’image d’Épinal du médecin généraliste reste celle d’un homme qui exerce seul une activité libérale, disponible à toute heure, sans possibilité de mobilité géographique ou d’évolution de carrière » [13]. On s’aperçoit cependant que certains médecins exercent d’autres activités que l’exercice habituel en cabinet, ici nommées Activités Médicales Hors Cabinet (ou AMHC). Peu d’études ont, jusqu’à présent tenter de rendre compte de cette diversité en s’intéressant aux différents modes et conditions d’exercice en médecine générale [7]. Il est par ailleurs intéressant de noter que l’étude de la répartition des généralistes par secteur d’activité (libéral, salarié ou mixte) selon la tranche d’âge, montre que les jeunes médecins travaillent plus fréquemment en médecine salariée stricte que les médecins de plus de 40 ans [3]. Ainsi, les médecins de moins de 40 ans sont 56 % à travailler en libéral ou mixte contre 70 % des 50-60 ans. En effet, l’âge de l’installation a tendance à augmenter, et les jeunes diplômés cherchent souvent à poursuivre une activité hospitalière dans les suites de leur internat ou toute autre activité qui se distingue de l’exercice libéral [2]. Actuellement, l’âge moyen de l’installation est de 34 ans et celui de départ en retraite, de 65 ans [7].
2Le but de notre travail était d’identifier les médecins qui exerçaient ces activités au sein de l’ensemble d’une population de médecins généralistes libéraux, de répertorier et décrire ces activités médicales hors cabinet, ainsi que leurs motivations à les exercer, dans un département de l’Ouest de la France.
Population et méthode
3La population étudiée était celle des médecins généralistes exerçant à titre libéral dans le Maine et Loire. Nous y dénombrons 729 médecins « omnipraticiens » soit 645 médecins généralistes libéraux et 84 médecins à mode d’exercice particulier (MEP). La densité de médecins généralistes est de 97 pour 100 000 habitants ce qui est légèrement inférieur à la moyenne nationale qui est de 101/100 000 habitants [7]. En étaient exclus les médecins à mode d’exercice particulier (MEP) tels les acupuncteurs, ostéopathes. Les destinataires de cette enquête ont été sélectionnés à partir de la liste d’envoi fournie par le conseil de l’ordre et comprenait 621 noms. Il s’agit d’une enquête postale, par questionnaire anonyme. Chaque médecin a reçu un questionnaire avec une enveloppe pour la réponse. Le questionnaire comprenait 18 questions fermées et 2 questions ouvertes : le tableau descriptif des activités et une plage de commentaires libres à la fin. Les questions portaient sur la situation du médecin, l’organisation de l’activité, le tableau descriptif des AMHC, le ressenti sur la pratique de cette activité hors cabinet et l’évolution attendue à la pratique médicale pour l’ensemble des répondants. Le recueil a eu lieu de mai à juillet 2007.
La saisie des données a été effectuée sur tableur Excel®. Le traitement statistique des réponses a été réalisé via le logiciel Epi info version 6. Le test du Chi2 pour analyser les comparaisons entre plusieurs caractères qualitatifs, le test de Fischer en cas de petits effectifs et le test de Student pour l’analyse des échantillons indépendants.
Résultats
4Dans le cadre de cet envoi, 333 questionnaires ont été retournés, correspondant à un taux de réponses de 53 %.
5Beaucoup de paramètres ne sont toutefois pas étudiés dans cette enquête, l’exhaustivité étant difficile voire impossible. Bien que cette étude ait été réalisée dans un seul département, l’analyse des variables socio démographiques de l’échantillon de médecins généralistes est proche de celle réalisée dans d’autres départements [6, 7] et autorise la comparaison avec les résultats d’autres enquêtes nationales. L’âge moyen des médecins de l’échantillon était de 48 ans (de 26 à 66 ans). Nous retrouvions 70 % d’hommes et 30 % de femmes. Quatre-vingt dix pour cent des médecins ayant répondu vivaient en couple, mariés ou concubins, et 10 % étaient célibataires veufs ou divorcés. Le nombre moyen d’enfants était de 2,07 par médecin. Ils étaient 23 % à ne pas avoir d’enfants. Les médecins interrogés se répartissaient en trois types de lieu d’exercice : rural (34 %), semi-rural (28 %) ou urbain (38 %).
6Parmi les médecins répondants, 99 % avaient choisi le secteur conventionné sans dépassement d’honoraires Ils étaient 65 % à exercer en cabinets de groupe (ou association) contre 35 % qui exerçaient en cabinet individuel. Parmi ceux en association, le nombre moyen d’associés était de 2,99 (de 1 à 8). Parmi les médecins répondants, 9 % avaient un mode d’exercice particulier. Les médecins généralistes ayant répondu étaient 52 % à avoir obtenu un diplômes ou une formation complémentaire. Les diplôme ou formations les plus fréquemment obtenus sont exposés dans le tableau I.
Diplômes et formations cités par les médecins de l’échantillon
Diplômes et formations cités par les médecins de l’échantillon
7Les médecins de l’échantillon travaillaient en moyenne 9 demi-journées par semaine (de 1 à 13). Parmi les médecins répondants, 51 % avaient une activité médicale en dehors du cabinet en plus de leur activité médicale « habituelle » de médecin généraliste libéral. Ceux ne pratiquant pas d’AMHC avaient justifié leur choix pour 95 % d’entre eux (tableau II). Parmi les « autres » raisons citées, la plus fréquente était celle se rapportant au choix de femmes s’occupant en premier lieu de leur famille.
Raisons justifiant le choix de ne pas pratiquer d’AMHC selon le sexe
Raisons justifiant le choix de ne pas pratiquer d’AMHC selon le sexe
8Les hommes pratiquaient une activité extra professionnelle non médicale pour 36 % d’entre eux, contre 22 % pour les femmes. Les associations humanitaires étaient choisies par 48 % des femmes, contre 15 % des hommes. Il n’y avait pas de différence significative dans le choix des autres activités extra professionnelles. Les hommes déclaraient avoir au moins une activité médicale hors cabinet pour 58 % d’entre eux, contre 33 % des femmes.
Les activités médicales hors cabinet (AMHC)
9Plus d’un médecin sur deux (51 %) avaient au moins une activité médicale hors cabinet. La moyenne était de 1,54 activités par médecin ayant une activité hors cabinet. Ces activités médicales hors cabinet ont été classées en huit catégories (tableau III). Un médecin sur deux pratiquait des activités de soins et trois médecins sur quatre des activités hors soins. Les motivations et les inconvénients de ces AMHC figurent dans les tableaux IV et V.
Répartition des AMHC en huit catégories d’activités à partir de l’ensemble des activités médicales hors cabinet citées et des zones géographiques
Répartition des AMHC en huit catégories d’activités à partir de l’ensemble des activités médicales hors cabinet citées et des zones géographiques
Les motivations à la pratique des AMHC données selon le sexe
Les motivations à la pratique des AMHC données selon le sexe
Les inconvénients à la pratique d’AMHC selon le sexe
Les inconvénients à la pratique d’AMHC selon le sexe
10Les différences significatives retrouvées dans la pratique des AMHC selon le lieu d’exercice étaient l’expertise au profit du milieu urbain (21 % contre 8 %) et la médecine d’établissement pratiquée majoritairement par les médecins des milieux rural et semi-rural (65 %) contre 41 % pour les urbains.
11Il n’existait pas de différence significative dans l’exercice d’AMHC selon le lieu d’exercice. Les résultats significatifs retrouvés pour les différentes motivations selon le lieu d’exercice l’étaient « par souci de l’autre » et « par nécessité » au crédit des médecins ruraux et semi-ruraux ou pour « majorer leurs revenus » pour les médecins des milieux urbains. Les différences significatives, retrouvées en ce qui concerne les inconvénients, selon le lieu d’exercice, l’étaient pour l’augmentation du temps de travail, la nécessité de se former et la difficulté à trouver un remplaçant au crédit essentiellement des médecins ruraux. L’évolution attendue des médecins selon leur âge figure dans le tableau VI : la majorité d’entre eux (56 %) ne prévoyait pas de changement de leur pratique.
Répartition des médecins ayant une AMHC par tranche d’âge selon l’évolution attendue de leur pratique
Répartition des médecins ayant une AMHC par tranche d’âge selon l’évolution attendue de leur pratique
Discussion
12L’âge moyen des médecins de l’échantillon est de 48 ans soit le même qu’au niveau national [2]. Les variables socio démographiques sont proches de celles réalisées dans d’autres départements [12, 15]. Si nous observons la répartition par tranche d’âge de ces mêmes médecins, elle est très similaire à celle des médecins généralistes libéraux français. Selon une étude de la DREES datant de 2005 [14], la répartition des médecins ayant répondu est homogène avec 37,6 % exerçant en urbain, 28,2 % en zone intermédiaire et 34,2 % en zone rurale. Une enquête de la DREES en 2002 retrouvait plus de médecins en urbain 48,1 % pour 25,4 % en rural et 26,5 % en intermédiaire [14]. Les médecins généralistes exerçant en zone rurale ont peut-être plus répondu à l’enquête ou bien y a-t-il eu un biais de recrutement, après avoir exclu les médecins exclusivement salariés et les remplaçants (qui exercent majoritairement en zone urbaine) ?
Les formations complémentaires
13Un peu plus de la moitié des généralistes de l’étude possèdent au moins un diplôme ou formation complémentaire ; ces résultats sont similaires à ceux retrouvés dans d’autres études [2, 4, 16]. Nous ne notons pas de différence significative selon l’âge ni selon le lieu d’exercice. Ceci laisse à penser que l’exercice rural, même éloigné des centres hospitaliers, n’est pas un frein à la formation complémentaire. Par contre, le sexe influe sur la formation complémentaire : les hommes sont 56,7 % à avoir au moins un diplôme alors que les femmes ne sont que 40,8 %. Nous pourrions penser que cette différence est due au fait que les femmes sont majoritairement dans les tranches d’âge les plus basses, or celle-ci s’observe quel que soit l’âge entre les deux sexes. Les jeunes femmes médecins se formeront peut-être plus tardivement que les hommes et là encore peut-être pour des raisons de choix d’un temps libre allant en premier lieu à leur famille.
14Les diplômes cités par les médecins de notre étude sont variés, nous en dénombrons 48 sortes. Nous pouvons ainsi voir la diversité des formations complémentaires disponibles et les utilisations différentes qui peuvent en être faites : exercice de soins, hors soins, en établissement ou en cabinet. Les jeunes générations envisagent majoritairement de telles formations [17].
15Les femmes travaillent en moyenne une demi-journée de moins que les hommes avec une moyenne de 8,3 demi-journées travaillées pour 9,3 pour les hommes. Ceci est habituellement retrouvé dans ce type d’études [11]. La durée de travail hebdomadaire est influencée par un certain nombre de caractéristiques autre que le sexe. Il existe ainsi également une différence de temps de travail en demi-journées selon le type de cabinet. Les médecins en cabinet individuel travaillent plus que ceux en cabinet de groupe. Cependant, la tendance semble s’inverser ces dernières années [18]. Le nombre moyen d’actes dans les différentes études est de 20 à 30 par jour. En référence, dans les Pays de la Loire en 2007, la moyenne est de 20 actes par jour ouvré par médecin [7]. Selon le lieu d’exercice, il existe des différences entre ruraux et urbains dans les extrêmes. Une étude de la CNAM [5] montre que le généraliste de campagne a un indice d’activité plus important que son confrère des villes, et que plus la taille de la commune augmente, plus cet indice diminue.
Les activités médicales hors cabinet
16Un peu plus de la moitié des médecins ont diversifié leurs activités médicales. Le nombre moyen de ce type d’activités alors pratiquées par médecin, varie de 1 à 5. Si nous nous intéressons d’abord à ceux qui ne pratiquent pas de telles activités, nous remarquons que les arguments majoritaires pour justifier leur non-choix sont un emploi du temps déjà trop chargé et que la pratique de la médecine générale en cabinet leur suffit. Concernant l’emploi du temps trop chargé, il est intéressant de constater que ceux ayant une forte activité (plus de 10 demi-journées par semaine) pratiquent moins fréquemment ce type d’activité. Mais inversement, ceux ayant une faible activité de médecine générale ne sont pas ceux qui ont le plus d’activités médicales hors cabinet. Par ailleurs, le nombre d’actes réalisés par semaine n’influe pas significativement sur la pratique de telles activités. Les médecins pratiquant une activité médicale hors cabinet ont plus fréquemment complété leur formation initiale par d’autres diplômes. Nous pouvons alors nous demander s’ils se forment en vue d’exercer une nouvelle activité ou si le fait d’avoir une formation complémentaire les entraîne à pratiquer une telle activité. Plus d’un homme sur deux déclarent avoir au moins une activité médicale hors cabinet contre une femme sur trois. Mais, celles ayant diversifié leur pratique, en exercent le même nombre en moyenne que leurs confrères. Ces activités sont pratiquées plus fréquemment par les médecins à partir de 40 ans. Les cabinets de quatre médecins et plus permettent peut-être de dégager plus de temps pour réaliser ces activités, ou bien la diversification des pratiques est-elle devenue nécessaire dans ces cabinets plus importants ?
Le lieu d’exercice n’influe pas non plus sur la fréquence de pratique de ces activités. Il est intéressant de noter que les médecins exerçant ces activités médicales hors cabinet pratiquent également plus fréquemment des activités extraprofessionnelles. Ceux-ci arrivent-ils à mieux organiser leur emploi du temps ? Consacrent-ils moins de temps à leur vie privée ? Ceci en tout cas est assez surprenant, alors que le problème d’emploi du temps est l’argument le plus fréquemment cité par les femmes et également très fréquemment par les hommes pour expliquer le choix de ne pas exercer d’activités hors cabinet. Nous pouvons tout de même retenir que beaucoup de médecins généralistes ont diversifié leurs activités et la nature de leurs revenus [10]. Selon une étude bretonne, les médecins n’investissent pas les mêmes activités selon leur âge [11]. Les plus âgés sont d’abord engagés dans des activités de représentation de la profession et d’enseignement alors que les plus jeunes s’orientent plutôt vers des activités centrées sur l’amélioration de leur pratique.
Les médecins d’établissement
17Nous retrouvons ainsi des médecins coordinateurs d’EHPAD ou d’hôpitaux locaux, d’autres effectuent des vacations à l’hôpital ou en crèche, ou siégent à une CME. Nous retrouvons une différence notable de fréquence de pratique selon le lieu d’exercice : les médecins ruraux ont plus fréquemment une AMHC d’établissement que ceux exerçant en ville ; mais le nombre et les types d’établissements sont plus importants en milieu rural. Enfin, il est intéressant de constater que de plus en plus de jeunes médecins commencent leur carrière à l’hôpital et reculent l’échéance de l’installation [6].
Les autres AMHC
18Dans notre enquête, 35 % des médecins, ayant au moins une AMHC, pratiquent une ou plusieurs activités d’enseignement, de recherche ou de formation. Dans l’enquête de l’URML Rhône Alpes [17] sur les mutations de la médecine générale, une question était posée sur l’investissement professionnel envisagé sur une projection à 10 ans des futurs médecins généralistes : 8 % d’entre eux envisagent la maîtrise de stage et 9 % l’enseignement.
19Un peu plus d’un médecin sur dix ayant au moins une AMHC est médecin des pompiers ou militaire. Ces médecins exercent exclusivement en milieu rural et semi-rural. Ceci résulte de la localisation géographique des casernes de pompiers, en lien avec l’éloignement par rapport aux zones de couverture de SMUR. D’autre part, nous ne retrouvons qu’une femme pour 22 hommes.
20La représentation regroupe les activités syndicales, ordinales et des unions de médecins libéraux. Les médecins de notre étude sont 14 % à avoir une telle activité. Dans la même étude réalisée par l’URML Rhône Alpes [17], 4,6 % des internes en médecine générale évoquent le choix de cette activité dans une projection à 10 ans.
21Ils sont peu nombreux à avoir des activités d’expertise (8 % des AMHC). Cette catégorie regroupe des activités de permis de conduire, médecine légale, expertise et commission paritaire. Seuls des hommes en pratiquent dans notre enquête et ce type d’activité est plus régulièrement pratiqué par les médecins exerçant en urbain. Là encore ceci s’explique aisément par le fait que les structures dans lesquelles travaillent ces médecins se trouvent essentiellement dans les centres urbains.
22La régulation est la même quel que soit le lieu d’exercice, alors que l’organisation de la permanence de soin n’est pas la même entre centres urbains et territoires ruraux. Il n’existe pas non plus de différence selon le sexe ou le type de cabinet du médecin ; mais cela peut être dû à leur petit nombre.
23L’exercice de la médecine du sport est pratiqué par 6 % des médecins ayant une AMHC. Cette catégorie regroupe des médecins de clubs sportifs, des médecins fédéraux, des médecins d’événements sportifs.
Les motivations à la pratique des AMHC les plus fréquemment retrouvées concernent le fait de ne plus travailler seul en cabinet ce qui peut aller dans le sens des études retrouvant une attirance des jeunes médecins pour l’installation en groupe et le travail en institution [12]. Nous pouvons également regrouper ces différentes motivations en deux groupes :
- un groupe de motivations en réaction à des conditions de travail en cabinet vécues de façon péjorative : la solitude, le manque de reconnaissance, l’emploi du temps trop lourd, l’entraînement, que viendrait soulager l’exercice d’une nouvelle activité ;
- un groupe de motivations telles l’idéologie, l’altruisme, l’envie de mettre en pratique une formation, le fait de vouloir améliorer sa qualité de travail qui permettraient de bonifier la pratique de l’exercice de la médecine générale en cabinet.
25Par ailleurs, les femmes choisissent également moins fréquemment d’avoir une AMHC par altruisme. Nous retrouvons, dans le même sens, une moindre participation des femmes aux activités d’expertise, de pompiers ou de militaires. Peut-être sont-elles plus investies dans des activités extra professionnels bénévoles ou est-ce dû à leur volonté de consacrer leur temps libre à leur famille de façon plus importante que les hommes ? Nous retrouvons également une différence dans la volonté d’obtenir un statut salarié de façon moins fréquente pour les femmes, ce qui est étonnant alors que selon nos résultats, elles sont proportionnellement plus nombreuses à avoir au moins une activité salariée.
26Le dernier point de divergence est celui de la motivation pour majorer ses revenus. Les ruraux et les semi-ruraux sont 2 à 3 fois moins nombreux à pratiquer une AMHC pour cette raison. Ceci s’explique peut-être par le fait que les revenus des médecins exerçant en milieu rural sont en moyenne plus élevée que les médecins urbains. Probablement, les médecins ruraux ressentent moins la nécessité de majorer leurs revenus. Deux inconvénients reviennent de façon prépondérante à la pratique des AMHC : ce sont d’une part l’augmentation du temps de travail que cela génère et d’autre part la difficulté de gestion du temps. Par ailleurs, nous constatons de façon générale que les médecins en cabinet individuel trouvent plus fréquemment d’inconvénients à la pratique des AHMC que les médecins en groupe. Enfin la difficulté à trouver un remplaçant est encore plus importante en rural. Il existe très peu d’études sur les modalités d’exercice des médecins remplaçants en médecine générale, mais il est probable que ceux-ci choisissent en premier lieu de remplacer des médecins urbains et semi-urbains. Par conséquent, cette difficulté à trouver un remplaçant est peut-être avant tout liée au lieu d’exercice du médecin et non pas aux AMHC qu’il exerce.
27Enfin, en nous intéressant à l’avenir envisagé, nous constatons, chez les plus jeunes, une volonté de diversifier leur pratique de façon plus importante pour les 30-40 ans que pour les 50-60 ans. Par ailleurs, les 60 ans et plus, sont eux aussi plus fréquemment intéressés par une diversification. Peut-être faut-il y voir une façon de préparer sa retraite en changeant d’activité après 60 ans ?
De la même manière, les 60 ans et plus prévoient plus fréquemment une augmentation de leur activité actuelle sans que l’on puisse savoir s’il s’agit de leur activité habituelle de médecin généraliste ou d’une éventuelle activité médicale hors cabinet. Ceci viendrait corroborer l’idée précédente, qu’une partie des médecins les plus âgés préparent leur retraite en diminuant leur activité de médecin généraliste en cabinet au profit d’une AMHC. Enfin, la cessation de l’activité de médecin généraliste est plus fréquemment envisagée par les médecins de 50 à 60 ans. Mais cette tendance correspond dans une moindre mesure à des résultats retrouvés dans d’autres études. Ainsi, dans une étude réalisée en Bretagne [11] « cinquante-cinq pour cent des médecins disaient avoir déjà envisagé une reconversion ». Est-ce une façon de se protéger du Burnout en se laissant la possibilité d’une possible cessation d’activité de médecine générale en cabinet au profit d’une autre activité ou y a-t-il réellement un nombre de cessations plus important à cet âge ?
Si nous nous intéressons à ceux ayant au moins une AMHC, nous ne retrouvons pas de différence importante avec l’ensemble des médecins interrogés, là où nous pouvions nous attendre à des résultats plus marqués. En particulier, il n’y a pas d’effet sur le fait d’envisager ou non une cessation de l’activité de médecin généraliste. Par ailleurs, il n’y a pas de différence marquée selon le type de cabinet ou le lieu d’exercice.
Conclusion
28Le champ d’exercice de la médecine générale est vaste. En effet, la pratique d’AMHC est très répandue, puisque la moitié des médecins en exercent au moins une. Ces activités sont très diverses et variées tant par l’investissement qu’elles nécessitent que par leur mode de rémunération. Alors que les futurs médecins doutent au moment du choix de la médecine générale ou plus tard au moment de leur installation en cabinet, il semble intéressant de promouvoir cette diversité de pratique. En effet ceci permettrait probablement de rassurer certains à qui l’exercice libéral exclusif peut faire peur en termes de sécurité de revenus via l’exercice mixte et de possibilité d’évolution de carrière. Par ailleurs, nous devons nous interroger sur l’évolution de ces AMHC. Celles-ci sont pratiquées par des médecins hommes de plus de 40 ans, et, pour certaines, quasi-exclusivement en rural. Or, avec l’évolution de la pyramide des âges, la féminisation et la raréfaction des médecins ruraux, la pratique de ces AMHC risque d’être bouleversée. Comme il n’existe pas d’autre étude de référence, nous ne savons pas si les médecins pratiquant une telle activité sont plus ou moins nombreux qu’avant. S’agit-il alors d’un phénomène générationnel ?
29D’autre part, nous ne savons pas comment se comporteront les jeunes médecins actuels. Les femmes diversifieront-elles leur pratique une fois l’indépendance de leurs enfants atteinte ?
30Il est probable que certaines activités souffriront d’un manque de médecins. C’est notamment le cas de celles exercées plus spécifiquement en milieu rural comme l’activité de médecin pompier ou de médecin d’hôpital local dans de petits établissements. Enfin, nous assistons actuellement à une spécialisation de certaines activités jusque-là accessibles aux médecins généralistes libéraux comme la gérontologie ou la médecine d’urgences ; il en est de même de la formation, acquise en gynécologie et en pédiatrie par certains d’entre eux, qui devrait permettre de réduire le recours aux spécialistes. Cela va-t-il se poursuivre ? Pouvons-nous craindre un abandon des AMHC les plus communes, par les médecins généralistes ?
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Mots-clés éditeurs : activités extra professionnelles, médecins généralistes
Mise en ligne 18/01/2010
https://doi.org/10.3917/spub.095.0453