Notes
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[1]
Professeur honoraire de Santé Publique, ancien directeur d’une Unité INSERM. Membre correspondant de l’Académie de Médecine. Le Mas des sources, 17 Chemin de l’Escalette, 30700 Uzès.
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[2]
Aporie : difficulté d’ordre rationnel paraissant sans issue (d’après le Robert).
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[3]
« the milk of human kindness » : Macbeth de W. Shakespeare.
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[4]
Très peu de lois sont véritablement évaluées. Elles sont trop souvent conçues « sub specie aeternitatis ». La loi Evin de Janvier 1991 a fait exception, sous la pression des « cinq sages » : elle prévoyait explicitement sa propre évaluation dans un délai défini. De plus, les lois non exécutées sont loin d’être exceptionnelles, faute par exemple de décrets d’application.
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[5]
J’avoue que j’ai frémi quand j’ai vu dans une des deux lois d’août 2004, la loi de santé publique, qu’on établissait 100 projets de santé publique dont pour plus de la moitié, on ne disposait pas d’informations épidémiologiques sérieuses.
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[6]
À son tour, Kant donnera une définition de la complexité de la réalité dans la « Critique de la faculté de juger ».
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[7]
L’entendement, « Verstand » au sens de Kant, est une capacité de la Raison qui divise, distingue, et oppose.
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[8]
De la même façon qu’en mathématique, les nombres réels ne sont qu’un cas particulier des nombres complexes ; un nombre réel est un complexe dont la partie imaginaire est nulle.
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[9]
Deux exemples de traitement négatif des reliances : il n’est pas sûr que le débat actuel qui interdit de fumer dans un bureau de tabac soit vraiment une nécessité absolue pour écraser complètement les effets nocifs du tabagisme ; de même que la stigmatisation des vignerons que l’on présente volontiers comme des dealers, n’est ni équitable, ni judicieuse. Il serait plus astucieux d’essayer de faire participer les vignerons à la lutte anti-alcoolisation excessive.
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[10]
Il montre que même dans des exemples mécaniques très simples, qui obéissent pourtant à un déterminisme mathématique rigoureux, il est impossible de prédire la trajectoire de certaines composantes du système.
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[11]
La théorie des jeux développée par les deux auteurs montre qu’on ne peut prévoir le déroulement d’un jeu que s’il fait intervenir deux joueurs rationnels : on est loin du compte dans notre monde réel, où les très nombreux joueurs sont loin d’être rationnels.
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[12]
Cet auteur autrichien a montré que dans un système logique fondé sur un certain nombre d’axiomes, on trouve toujours au moins une proposition indécidable, c’est-à-dire une aporie. Elle n’est soluble qu’en ajoutant des axiomes supplémentaires, au prix de la création d’une nouvelle aporie.
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[13]
C’est ce que les « cinq sages » ont demandé en 1991 pour la loi Evin.
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[14]
On dit facilement: «cette décision, je ne la «sens» pas!»
1Le titre du congrès 2007 de la Société française de santé publique, « Décision en santé publique : obligation, négociation, participation ? », attire quelques remarques : 1) l’absence de décision, fréquente dans notre environnement, est en soi une décision ; 2) la liste des trois substantifs du sous-titre, aurait pu être complétée par organisation, exécution, évaluation, et quelques autres sans doute. Ne s’agit-il pas des différentes facettes, obligatoires mêmes si elles sont souvent oubliées, de toute politique de santé ?
2Pour aborder les dimensions éthiques et philosophiques de la décision, je vous propose de me limiter à quatre aspects trop souvent oubliés :
- les valeurs éthiques à sauvegarder ;
- le domaine de la santé où nous devons développer ces valeurs, est un royaume divisé – et souvent violemment – contre lui-même ;
- la Raison et l’Émotion : leur place dans toute décision humaine ; ce que nous disent Aristote et Damasio ;
- la complexité de la décision dans le monde humain réel. Une bonne décision est-elle possible? Qu’est-ce que l’Écologie de l’action ?
Les valeurs éthiques à sauvegarder
3Une allusion à l’ÉTHIQUE manque rarement dans le moindre texte bureaucratique sur la santé. Mais que met-on dessous ?
4Pour définir le mot « éthique », il m’a semblé intéressant de partir de deuxgrands philosophes, l’un très ancien, Héraclite, l’autre presque contemporain, E. Lévinas. Pour le présocratique Héraclite, « L’éthique (ηθος) est la manière dont l’homme HABITE le monde » [5]. Que voulait-il dire par là ? La façon dont l’homme conçoit et pratique ses relations avec lui-même, avec les autres, avec le monde et, éventuellement, avec Dieu ou les dieux. E. Lévinas (1906-1995) [10, 11], par opposition aux grands classiques pour qui la philosophie première (c’est-à-dire le fondement de toute réflexion philosophique) est une ontologie (réflexion sur l’Être, ou même le « Je »), proclame que « La philosophie première est une Éthique » et « A autrui, quand il n’y a que lui et moi, je dois infiniment, et démesurément ». En cela, il est plus radical que la Torah ou l’Évangile (« Aime ton prochain comme toi-même »). Autrement dit, Lévinas est vraiment un extrémiste de l’altruisme ! Mais, même s’il va trop loin, son rappel à l’ordre est parfaitement salutaire dans des sociétés dominées par l’individualisme et le relativisme.
5Ces deux auteurs donnent ainsi une définition globalisante de l’éthique, pouvant couvrir l’existence d’un être humain dans toutes ses dimensions, mais ne répondent pas à la question concrète et quotidienne « Que dois-je faire ? ». Cette question relève de la « morale », terme d’origine latine, traduction exacte du grec, puisque « mores » et « εθος » signifient l’un et l’autre « mœurs ». Et pourtant, de nos jours au moins, « éthique » et « morale » ne sont pas équivalents : il est noble et moderne d’afficher son éthique ; il est vieux jeu et mal venu de parler de morale : « Vous êtes un moraliste » est presque devenu une injure. Il est ressenti comme contradictoire d’associer morale et épanouissement de soi.
6Paul Ricœur (1913-2005) [16] a le mérite de mettre un peu de clarté dans ces disputes. Et il propose trois niveaux de réflexion pour des décisions impliquant des valeurs (« Soi-même comme un autre »). Par Éthique, il entend la visée d’une vie accomplie dans le désir de vivre bien, c’est-à-dire une vie où l’Autre, proche ou lointain, est toujours impliqué. L’éthique ricœurienne est la signification globale que l’on veut donner à sa vie. Pour Ricœur, une vie accomplie, c’est : « le souci de soi, le souci de l’autre, dans des institutions (qu’on s’efforce de rendre) justes ». Par exemple, je me donne la règle éthique de vie suivante : « Dans ma vie je veux être véridique, digne de confiance, bienveillant et respectueux envers mes frères humains ».
7La Morale est l’articulation de cette visée dans des normes (interdictions et devoirs). Ceux-ci peuvent avoir des définitions variables selon la civilisation, la culture, les circonstances concrètes, ou le contexte historique et social.
8Et Ricœur ajoute un concept aristotélicien : la Sagesse pratique qui recommande de prendre des décisions prudentes. Prendre des décisions conformes à ses propres convictions peut être irresponsable, en raison des conséquences contreproductives. Craignons d’avoir trop raison.
Les grandes balises de la réflexion éthique des sociétés démocratiques contemporaines
9De nos jours, deux grands principes éthiques semblent rallier la majeure partie de l’humanité. D’une part, l’Unité ontologique, l’Universalité et la solitude de l’ESPÈCE humaine : c’est le principe U. D’autre part, la singularité et le caractère insubstituable de la PERSONNE humaine : appelons-le le principe S.
Le principe U
10Le principe U a une longue histoire, de Saul de Tarse, appelé St Paul [18] par les chrétiens, aux philosophes des Lumières, puis à Robert Antelme [1], qui a écrit « L’espèce humaine », après son retour de déportation en Allemagne nationale socialiste. St Paul, premier grand prophète de l’universalité de la communauté des hommes, nous le précise dans plusieurs de ses Épîtres. Ainsi, dans l’épître aux Galates (Gal 3, 28), « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec ; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n’y a plus ni homme, ni femme ; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ ». Voir aussi la première épître aux Corinthiens (1 Cor 12, 13).
11Il n’y a pas de surhommes ni de sous-hommes, nous dit Antelme. À aucun d’entre nous, les hommes, on ne peut refuser l’appartenance à l’espèce humaine. Et cette conviction concerne aussi les bourreaux. Affirmer le contraire est à la source des divers « crimes contre l’humanité » : les diverses formes d’esclavage et de meurtres volontaires collectifs, Buchenwald, Auschwitz, la Kolyma, Guantanamo, sans oublier la destruction systématique des Indiens d’Amérique du Nord.
12Spécificité et solitude de l’espèce. De cette espèce humaine, on peut dire qu’ « Elle pense un monde qui ne la pense pas ». Toute la connaissance, les œuvres d’art, la littérature, la spiritualité n’existent et ne sont reconnues que par les hommes. À l’heure actuelle l’objectivité oblige à dire que l’humanité est seule au monde, et qu’elle est à l’avant-garde de l’Évolution. Est-elle le but de l’évolution ? On ne peut l’affirmer scientifiquement, ne serait-ce que parce que toute idée de finalité est excommuniée par le dogme scientiste. Une mode actuelle est de se pâmer devant les performances « intellectuelles » des bolobos. Mais aucun de ceux-ci ne s’est permis de traiter de la « mort du chimpanzé », alors que la spéculation sur la « mort de l’homme » a fait la réputation d’un célèbre professeur au Collège de France. Aucun singe, aucun dauphin ne se lancerait à commenter ou contredire les menus propos que je tiens en ce moment. On peut donc constater la solitude de notre espèce, sans pouvoir en affirmer la spécificité ad aeternum.
Le principe S : singularité de La personne
13Celle-ci est « insubstituable », car unique. Cette idée est diffuse dans toute la Bible, sans être exprimée de cette façon, bien sûr. Kant [8, 9] nous dit que la personne n’a pas de Prix, et possède donc une dignité. La tradition judéo-chrétienne et Kant sont d’accord pour doter chaque personne d’une autonomie morale qui fait justement sa dignité. La conséquence est qu’une personne ne peut jamais être chosifiée comme un pur moyen.
14Une expression comme « Menschenmaterial » nie brutalement cette singularité et cette dignité. Peut-on dire que « Ressources humaines », bien qu’apparemment plus « soft », soit vraiment plus satisfaisante ? En pleine période post-moderne, un éthicien comme l’Américain T. Engelhardt [5] n’accorde la dignité de personne qu’à un sujet doté de pleine conscience. Cette conception « élastique » de la personne, conduit à la conclusion que fœtus, nouveau-né, comateux, dément, un être humain peut être réduit à l’état d’objet utilisable comme moyen.
15Les neurosciences insistent sur l’importance des mécanismes de l’épigenèse : chez tous les mammifères supérieurs, et d’autant plus qu’on se rapproche de l’Homme, la construction des organisations cérébrales pendant le développement, loin de dépendre de la seule génétique, dépend aussi beaucoup des expériences vécues par le sujet, c’est-à-dire de son histoire propre (histoire différente pour chaque sujet). Les neurosciences rendent ainsi bien compte de l’origine de cette singularité de chaque personne humaine et la libèrent des contraintes du pur déterminisme génétique.
La conjonction des principes U et S
16Ces deux principes généraux, à la fois complémentaires et contradictoires – et finalement adoptés par les instances internationales et qui ont inspiré la charte des Droits de l’Homme – placent le décideur entre deux absolus : un absolu massif et unique, l’unité solidaire de six milliards d’humains (par exemple, tout homme a droit à des soins de santé de qualité), et l’unicité insubstituable de chacun d’eux (chacun a droit à des soins les mieux personnalisés), sont très abstraits et ne sont pas très commodes à mettre en pratique. Ce sont des balises qui encadrent un chenal dont il vaut mieux ne pas sortir. Mais ils sont insuffisants à eux seuls pour fonder les connaissances nécessaires, les motivations et les modalités de la décision et de l’action qui la suit.
Paradoxe des classifications humaines, à la fois méthodologiquement nécessaires, et dangereuses pour la vérité et l’éthique
17Entre l’unité de l’espèce et la multiplicité des quelques six ou sept milliards de personnes singulières, il est impossible de ne pas essayer de mettre en évidence des regroupements dans des ensembles d’effectifs intermédiaires et relativement homogènes, et de façon suffisante pour que ces regroupements aient un sens. On ne peut pas éviter de se livrer à un effort de classification.
18Or, une aptitude de notre cerveau, confronté à l’insondable richesse du monde observable est de chercher à classifier les objets qu’il est amené à observer. Dès les premiers temps de la philosophie, la description des « étants » en s’aidant de catégories a été une préoccupation des philosophes, dont Aristote fut un des premiers exemples. C’est en s’aidant des catégories qu’on a pu constituer des classifications des objets de la nature : animaux, végétaux minéraux, maladies humaines, etc. Linné, Buffon, Boissier de Sauvages furent des grands classificateurs…
19La valeur d’une classification se juge seulement en termes de vérité quand il s’agit d’objets de la nature. Il n’en est pas de même quand il s’agit de classer des personnes. En effet, pour bâtir une classification, il faut choisir parmi les traits descriptifs de chaque objet un certain nombre de particularités. Ce choix ne pose pas de questions autres que d’objectivité et de pertinence scientifique, quand il s’agit de classifier des minéraux ou des batraciens – les principes U et S ne les concernent pas.
20Mais quand il s’agit de personnes, bien des questions de posent : quelles particularités choisir, parmi des milliers ? Pour quelles questions ? Quelles méthodes d’analyse ? En effet, quand les individus à classer sont des personnes, ces questions concernent à la fois, et de façon souvent entremêlée la méthodologie scientifique et les valeurs éthiques.
21Est-il est facile de dénoncer dans la démarche classificatoire, pourtant indispensable, à la fois le péril scientifique et les dangers éthiques, qui menacent les principes fondamentaux U et S !
22Citons quelques uns de ceux-ci :
- la chosification des personnes dont on oublie la singularité (« le cancer du sein métastasé du 119 ») ;
- la difficulté d’attribuer objectivement à chaque individu une valeur à la variable choisie : comment définir un républicain ? Un nègre ? Un protestant ? Un exclu social ? ;
- la légitimité des problèmes à résoudre et des variables à choisir : par exemple la question récente de faire la statistique des populations, origine ethnique en particulier. Comment élaborer une politique de l’immigration, si on ne dispose pas de statistiques ? Les arguments des adversaires des classifications sont Unité de l’Espèce ! Singularité de la Personne ! mais aussi comment ne pas faire une politique de l’immigration ? ;
- la légitimité des demandeurs de l’étude (au service de quelle politique la demandent-ils ?) ;
- la réaction possible des sujets classés, qui ne sont pas neutres vis-à-vis du classement dont ils sont l’objet : vanité flattée ? Sentiment de stigmatisation, de rejet, d’injustice, de honte.
23Ces réflexions tirent leur importance du fait que notre société est contaminée par un juridisme proliférant (celui des représentants du peuple aggravé par celui de l’administration), qui tend parfois vers une véritable déraison « classificatoire ».
Le monde de la santé est un « royaume divisé contre lui-même », en véritable déroute éthique
24Pris globalement, le monde des professionnels de la santé – toutes catégories confondues, y compris les patients, qui sont aussi acteurs et consommateurs – n’est pas exemplaire en matière d’éthique. C’est un royaume divisé contre lui-même, et comme nous dit St Matthieu [12,17, 25], « Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine ; aucune ville, aucune famille, divisée contre elle-même, ne se maintiendra ». Tel est aussi le cas de notre système de santé et de soins, menacé à court terme, menacé d’un triple naufrage : financier, démographique, et surtout éthique, à mes yeux le plus grave et la cause principale des deux autres.
25Cette déroute éthique est d’autant plus étonnante, que la finalité globale du système est intrinsèquement contraire à ce désordre : ne s’agit-il pas en effet de rallier tous les efforts conjoints et convergents, en vue d’un objectif commun, indiscutable et grandiose, à savoir la conservation, la préservation et la restauration de la santé de la population toute entière, et de ses membres les plus démunis, les personnes malades ? Toutes les professions devraient de ce fait se sentir investies de cette noblesse qu’Hippocrate attribuait à la seule profession qui s’occupât de santé à son époque : la médecine…
26Or, que constatons-nous ? Prétentions médicales parmi toutes les autres professions, conflits praticiens-Assurance Maladie, Ministère-CNAMTS, luttes soignants-administration, etc. Ignorance mutuelle du médical et du social, de l’hôpital et de l’ambulatoire. Il ne s’agit pas de rêver à un monde angélique qui ruissellerait sans cesse du lait de tendresse humaine [3], mais simplement un monde où le goût de la concorde, le respect mutuel des groupes et des personnes, un certain oubli de soi, individuel et collectif, seraient les meilleurs atouts de la qualité.
Place de la Raison et de l’Émotion dans la décision : les deux sont nécessaires, en une « juste mesure »
Ce que nous apporte Aristote
27Aristote [2] distingue deux phases dans une prise de décision concrète : une phase de délibération qui analyse la situation et met en évidence les diverses options possibles, avec leurs avantages et inconvénients ; une phase de choix concret de l’action, qu’Aristote appelle la « proairésis ».
28Dans ce double processus, Aristote insiste sur l’intervention de la vertu morale de prudence, ou de sagesse pratique dénommée « phronèsis » (que nous avons évoquée plus haut en présentant l’éthique selon Paul Ricœur). Selon Aristote, la phronèsis est une partie de l’âme rationnelle : celle qui concerne le domaine des choses contingentes (qui peuvent exister ou non) ; elle s’oppose point par point à l’autre partie de l’âme rationnelle, qu’il appelle la « sophia », sagesse théorique dont le domaine est celui des choses nécessaires.
29Pour employer le langage moderne de la décision, la phase de délibération aboutit à la construction d’un arbre de décision et la phase de choix consiste à choisir une des trajectoires de cet arbre. Remarquons que les théoriciens modernes de la décision ne font aucune allusion explicite à la prudence de la décision pourtant indispensable pour doter chaque branche d’une fonction de coût ou d’utilité…
30Que dire de la phronèsis ? La phronèsis est un savoir vécu plutôt qu’un savoir appris ou déduit (celui que nous donne la sophia). Elle est de l’ordre du raisonnable plutôt que du rationnel pur, de l’esprit de finesse plutôt que de géométrie, du paysan plutôt que de l’intelligentsia. Elle fait appel à la subjectivité du décideur, et tourne le dos à cette hantise de l’objectivité exclusive de la « sofia ». La phronèsis est ordonnée vers l’action dans les situations d’incertitude. Elle a pour objet, nous dit Aristote, de rechercher ce qui est utile et profitable à l’homme, elle se suffit souvent à elle-même, sans avoir besoin de la sophia sans exclure systématiquement celle-ci. Dans le processus de décision, elle analyse le contexte, les diverses actions possibles avec leurs conséquences. Elle dégage le terrain avant la deuxième phase, celle du choix.
Ce que nous confirme et nous explique Antonio R. Damasio [3, 4]
31Antonio R. Damasio, neurologue, neuropsychologiste et neurobiologiste de la conscience, est auteur d’une série de livres extrêmement intéressants sur la biologie de la conscience. Il a pu donner à l’intuition d’Aristote sur le processus décisionnel une confirmation éclatante, doublée d’une explication des mécanismes cérébraux.
32Sa pratique l’a amené à étudier plusieurs cas de destruction sélective (par trauma ou par tumeur opérée) d’une région sélective du cerveau : la région ventro-médiane des lobes frontaux. Une caractéristique de cette destruction est d’entraîner un changement majeur du comportement dans le domaine relationnel et social : ses patients étaient raisonnables et pondérés, ils sont devenus incohérents dans leurs décisions à caractère social (gestion de leur temps, conservation de leurs emplois, élaboration de projets, règles de bienséance). L’examen neurologique et de psychologie cognitive sont parfaitement normaux, y compris conservation parfaite des fonctions intellectuelles portant sur les choses, les nombres, les mots, les règles de vie sociale qu’il convient d’appliquer, et qu’ils n’appliquent pas. Ce n’est donc pas par ignorance qu’ils font des sottises !
33Par contre, il y a un déficit de réactivité émotionnelle. Le patient raconte ses malheurs avec une parfaite lucidité, mais sans aucune émotion, comme un spectateur non engagé, non protagoniste de ce qu’il fait. Finalement, explique A. R. Damasio, il y a un contraste saisissant entre une délibération élaborée et tout à fait bien raisonnée et interminablement argumenté d’une part, et des choix concrets calamiteux de l’autre. On voit qu’A.R. Damasio retrouve l’idée aristotélicienne que le raisonnement sur le choix de l’action n’est pas le choix lui-même. Il en est ainsi, dit-il, « surtout si le choix est urgent et a de fortes implications personnelles et sociales c’est-à-dire celles où l’éthique est en première ligne ». Il faut alors couper court à un raisonnement qui risque de ne jamais finir, et ce choix se fait au petit bonheur la « malchance ».
34Au total sachant déjà depuis longtemps que l’excès d’émotion inhibe la délibération, on peut ajouter que l’absence d’émotion paralyse le choix. Autrement dit : une prise décision correcte exige un certain degré d’émotion (ni trop, ni trop peu, « en une juste mesure » dirait Aristote).
35On trouvera en annexe la présentation d’une hypothèse passionnante formulée par A. R. Damasio, les « marqueurs somatiques » dans la décision.
Une bonne décision est-elle possible dans le monde réel ? Les obstacles à une bonne décision dans le monde réel
36Les obstacles sont en effet légion.
37Il faut considérer le processus décisionnel dans sa totalité temporelle et dans sa complexité. Chaque phase pose des interrogations éthiques : a) légitimité de l’intention et du but poursuivi ; b) les moyens de l’exécution, à commencer par la communication ; c) efficacité et Éthique des résultats ; la décision a-t-elle été évaluée ? N’a-t-elle pas été contreproductive ? [4]
38L’incertitude des savoirs est un autre obstacle, non seulement l’incertitude des savoirs factuels comme tel ou tel indicateur de santé (et ceci met en cause le caractère parcellaire et peu cohérent de notre système d’information sanitaire) [5], mais aussi des modèles du monde que l’on véhicule et qui conduisent à des choix idéologiques binaires (la concurrence comme panacée, ou bien la diabolisation du marché par exemple) qui aboutissent à des choix contraires à la sagesse pratique aristotélicienne, voire au simple respect de la vérité. Il faut aussi bien choisir les dossiers décisionnels.
39La multiplicité des acteurs (décideurs politiques, décideurs administratifs, exécuteurs, praticiens et professionnels, population saine et population patiente évaluateurs) qui tous ont des visions et des intérêts divers, revendiquant une part de pouvoir a priori légitime, notamment la demande croissante « d’empowerment » des premiers intéressés, usagers actuels et potentiels, est de toute évidence un obstacle à des prises de décision sereines et raisonnables.
40La complexité du contexte social, économique, idéologique, éthique, etc. est aggravée par l’explosion de l’individualisme démocratique, dont Tocqueville [19] a si bien décrit les prémisses dans La démocratie en Amérique, sans en prévoir la virulence dans notre société post-moderne : fuite devant l’engagement personnel, priorité à l’épanouissement de soi, méfiance, repli sur soi, opacité, mensonge.
41Enfin, la rationalité connaît des limites que le positivisme du XIXe siècle n’aurait jamais envisagées. Nous avons déjà mentionné les errances scientifiques et éthiques liées à un usage douteux des essais de classification, des êtres humains. Nous examinerons plus loin les difficultés inhérentes à la prévision des conséquences d’une décision : c’est ce que E. Morin appelle l’écologie de l’action.
Où trouver un embryon de solution devant un tel défi ?
42Je vous propose d’examiner les propositions que nous fait un grand gourou de notre époque, Edgar Morin [12], qui a le grand mérite de prendre pour inspirateur celui qu’on a appelé « le plus grand des Français » : Blaise Pascal [14].
43Morin développe dans son œuvre principale, « La Méthode » (en six tomes, dont le dernier est « Éthique »), un long commentaire d’une des Pensées que je ne résiste pas au bonheur de citer toute entière : « Toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et toutes s’entretenant par un lien matériel et insensible qui lie les plus étrangères et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties » [6].
44Le concept fondateur de « la Méthode » est celui de « dialogique ». Par ce mot, Morin entend « l’Unité complexe entre deux logiques, entités ou instances antagonistes, complémentaires et concurrentes, qui se nourrissent l’une de l’autre, se complètent, mais aussi s’opposent et se combattent ».
45Ce qu’en un objet, l’esprit (l’entendement [7]) distingue comme contradictoire, Morin refuse de le disjoindre et de n’y voir qu’un facteur de division et de coupure, dans la mesure où les éléments distingués ont entre eux d’autres relations que la contradiction. Ainsi, un individu est à la fois un « Je » et un « Nous ». La dialogique est contraire à la logique des catégories, mais elle peut l’inclure [8] comme cas particulier.
46Appliquée à la décision, le dernier des six tomes de « La Méthode », « L’Éthique », invoque à nouveau Pascal : « Penser bien, voilà le principe de la morale ». Morin nous dit que « penser bien » en matière de décision impliquant des valeurs, c’est « Comprendre et positiver » les RELIANCES, et c’est ce qu’il nous propose comme méthode. Toute décision politique ou administrative ou organisatrice est, nous dit-il, un acte de « reliance », c’est-à dire de liaison activement acceptée ou refusée, avec un ou des autrui(s), qui peuvent être des personnes, des groupes ou des institutions.
47Le processus de la décision éthique comprend deux étapes. La première est décrire et comprendre ; analyser, décrypter les reliances entre tous les acteurs potentiels de mise en œuvre : « penser bien (avec lucidité). La deuxième est travailler à les améliorer ; « penser pour le bien », avec une volonté bonne, dirait Kant. Il propose donc d’accepter de se mettre autour d’une table avec la résolution ferme de comprendre et de surmonter les raisons et les obstacles à un travail coopératif.
48Mais les décideurs eux-mêmes, les « executives » qui sont à l’origine du processus de décision, font aussi eux-mêmes partie du contexte des reliances : ils doivent aussi se penser bien, à la fois par rapport à eux-mêmes (motivation intérêts personnels), et par rapport aux autres (respect, confiance, mépris, complicité…). Mais on peut penser que cette démarche peut être demandée à tous les échelons intervenant dans le processus décisionnel. Appelons cela un examen de conscience !
49Remarquons qu’on retrouve, mieux théorisées, les pratiques de la lutte contre la non-qualité (en santé, mais aussi en d’autres secteurs de l’activité humaine). En fait, il s’agit fondamentalement d’une éthique des relations interhumaines dans les organisations…
50Pour aider à surmonter les obstacles liés au contexte sociétal, Morin propose de traiter de façon dialogiquement positive, c’est-à-dire de façon volontairement non conflictuelle, de nombreuses dualités telles que la Précaution et le Progrès ; la déontologie et la téléologie ; le court et le long termes ; l’intérêt collectif et l’intérêt individuel (mais en précisant de quels « Nous » et de quels « Je » il s’agit ) ; meilleurs soins au malade (quel malade ?) et survie du système d’Assurance maladie (quel système ?). [9]
Obstacles liés aux limites de la rationalité
51Morin insiste sur ce qu’il appelle l’Écologie de l’action : toute action, même parfaitement réfléchie et dans un contexte de « volonté bonne » de personnes et de groupes en harmonie parfaite, une fois déclenchée, peut échapper au contrôle du décideur et de l’acteur, et aboutir à des résultats inverses de ceux que ces derniers avaient anticipés, par leur contenu et/ou par la méthode de mise en œuvre. Ceci peut s’expliquer à l’intérieur d’une vision déterministe du monde par le fait que la réalité totale du monde n’est pas accessible à une formalisation et à une codification.
52Elle peut s’expliquer par le fait que la prévisibilité du monde peut être en défaut intrinsèquement (voir le temps des incertitudes de Prigogine [15] [10] ou la théorie des jeux de von Neumann [21] et Morgenstern [12] [11]). Une limite de la rationalité se trouve au sein même des mathématiques : théorème de l’incomplétude de Gödel [6] [12].
Conclusion provisoire et modérément optimiste !
53Toute décision, quel que soit le domaine de l’action humaine où elle s’applique, reste un Exercice Collectif d’Humilité. Les conséquences à long terme de toute décision sont difficilement prévisibles ! Sauf a posteriori, à un moment où les (pseudo)historiens donneurs de leçons sont légion, tant dans leur contenu que dans leur valeur éthique.
Que faire ?
54Après ce qui est peut-être un excès de « sofia » (sagesse théorique), tâchons de répondre avec une simple « phronèsis », (sagesse pratique) comme le souhaiterait Aristote. Il ne faut pas se laisser décourager, et conclure des considérations précédentes, qu’on peut prendre n’importe quelle décision, au petit bonheur. Il faut au contraire beaucoup réfléchir (penser bien) pour retarder le plus possible, les conséquences fâcheuses éventuelles.
55Il faut le faire collectivement : « un homme seul est toujours en mauvaise compagnie » (Paul Valéry) [20]. Selon le conseil (lucide) de Paul Ricœur, il faut courageusement s’attacher à rechercher le moindre mal (entre le gris et le noir). Prévoir et programmer, pour chaque décision, une procédure régulière d’évaluation [13].
56Et ne jamais « pomper l’air » en se glorifiant de sa propre sagesse. Car, en vérité,
57« L’homme fait l’histoire, mais il ne sait pas l’histoire qu’il fait ».
Les « Marqueurs somatiques » de A.R. Damasio.
58De façon extrêmement schématique, on peut diviser le Cerveau humain en deux parties :
- le Cerveau Ancien Inférieur (CAI), formé du tronc cérébral, de l’hypothalamus, du système limbique, très déterminé génétiquement, dont le rôle majeur concerne les régulations biologiques fondamentales, les sensations viscérales, les conduites instinctives, les pulsions, les émotions.
- le Cerveau Nouveau Supérieur (CNS), formé du néocortex, « libéré » épigénétiquement, et consacré à la réflexion, la raison, la volonté.
59Au cours de la délibération, les hypothèses élaborées en vue de la décision – ou plutôt leurs images neurales – entraînent des émotions ou des sensations viscérales positives ou négatives, selon l’expérience acquise antérieure du sujet, et que Damasio appelle des marqueurs somatiques. Les sensations négatives suggèrent fortement le rejet de l’hypothèse correspondante. Ainsi, les marqueurs (émotionnels ou sensitifs) d’origine somatique ont-ils pour effet d’émonder fortement l’arbre de décision et d’accélérer la « proairesis » d’Aristote ! [14]
60Chez les patients de Damasio, la liaison néocortex-CAI était rompue : aucune émotion n’est suscitée, aucun frein ne se manifeste en retour pour stopper la délibération qui menace d’être illimitée. Or, l’urgence impose de faire un choix, celui-ci n’est pas contrôlé et a toute chance d’être inadéquat. Ainsi un patient qui connaît parfaitement les règles de la bienséance (et est capable, à froid, de les énoncer), va-t-il commettre ou dire des insanités.
61Ainsi toute activité intellectuelle dite « pure » est marquée d’affectivité et de subjectivité, beaucoup plus marquées dans les décisions « personnelles et sociales », domaine électif de l’Éthique. C’est sans doute ce qui fait la différence entre sophia et phronèsis. Cette différence est une différence de degré plus qu’une différence booléenne. Rien, autant que je sache, ne justifie l’hypothèse qu’il y aurait des structures neuronales distinctes pour l’intelligence des choses contingentes et des choses nécessaires. Toute activité de l’intelligence a une composante émotionnelle, faible quand elle relève de la sophia (dans l’empyrée de la pensée), forte quand elle relève de la vie pratique et sociale (sur la terre quotidienne où nous vivons).
62Damasio confirme : « L’absence d’émotions et de sentiments empêche d’être vraiment rationnel ».
63L’intelligence éthérée, pure de toute émotion n’est qu’une prétention illusoire de quelque intellectuel amidonné.
Bibliographie
- 1Antelme R. L’espèce humaine, 1954 Gallimard, Paris.
- 2Aristote. In : Aubenque P. La Prudence chez Aristote. Quadrige, Paris 2004.
- 3Damasio AR. L’erreur de Descartes : la raison des émotions. Odile Jacob, Paris 1996. (Descarte’s error. Emotion, reason and the human brain (London, Papermac, Macmillan, 1994).
- 4Damasio AR. Le Sentiment même de soi : corps, émotions, conscience. Odile Jacob, Paris 1999. (The feeling of what happens: body and emotion in the making of consciousness).
- 5Engelhardt HT Jr. The Foundations of Christian Bioethics: Swets & Zeitlinger Widdows J Med Ethics.2002; 28: 61-62.
- 6Gödel K. Voir « les Génies de la Science : Gödel Logique à la folie ». Pour la Science, Paris, nov 2004.
- 7Héraclite. In : Rasoamanana L. Éclats d’horizon : 150 fragments d’Héraclite d’Éphèse, Nantes, Amalthée, coll. « Philosophie », Nantes, 2006.
- 8Kant I. Critique de la raison pratique, trad. F. Picavet, Paris, PUF, 1974.
- 9Kant I. Fondations de la Métaphysique des Moeurs trad. Par A. Renaut, GF-Flammarion, Paris, 1994.
- 10Levinas E. Éthique et Infini, Arthème et Radio-France, Paris 1982.
- 11Levinas E. Totalité et Infini. Essai sur l’extériorité, Nijhoff, La Haye 1974.
- 12Morgenstern O. (1902-1977), mathématicien et économiste américain d’origine autrichienne. Theory of Games and Economic Behavior (avec J. von Neumann).
- 13Morin E. La méthode 6 - Éthique- Le Seuil, Paris 2005.
- 14Pascal B. Pensées, [359] page 1110 dans la Pléiade : Œuvres complètes de Pascal (édition J. Chevalier), Gallimard Paris 1954.
- 15Prigogine I. (1917-2003), physicien et chimiste belge d’origine russe (prix Nobel de chimie 1977). Les Lois Du Chaos Flammarion, Paris 1993, et La Fin des Certitudes, Odile Jacob, Paris 1996.
- 16Ricœur P. Soi-même comme un autre. Le Seuil, Paris 1990.
- 17St Matthieu. Évangile selon St Matthieu, premier texte du nouveau testament, tel que présenté dans toutes les éditions de la Bible chrétienne (voir St Paul).
- 18St Paul. Épîtres. Gal 3, 28 « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec ; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n’y a plus ni homme, ni femme ; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ ». Voir aussi 1 Cor 12, 13. On trouvera ces textes dans toute traduction française de la Bible : par exemple Bible de Jérusalem ou Traduction œcuménique de la Bible.
- 19(de) Tocqueville AC. De la démocratie en Amérique Le monde de la philosophie, 2008 Flammarion, Paris.
- 20Valéry P. In : « L’idée fixe ou deux hommes à la mer », dialogue. Œuvres de Paul Valéry tome II La Pléiade, Gallimard, Paris 1960.
- 21Von Neumann J (1903-1957), mathématicien américain d’origine hongroise, co-inventeur de l’informatique (avec N. Wiener et A. Turing) et de la théorie des jeux (avec O. Morgenstern, voir ce dernier).
Notes
-
[1]
Professeur honoraire de Santé Publique, ancien directeur d’une Unité INSERM. Membre correspondant de l’Académie de Médecine. Le Mas des sources, 17 Chemin de l’Escalette, 30700 Uzès.
-
[2]
Aporie : difficulté d’ordre rationnel paraissant sans issue (d’après le Robert).
-
[3]
« the milk of human kindness » : Macbeth de W. Shakespeare.
-
[4]
Très peu de lois sont véritablement évaluées. Elles sont trop souvent conçues « sub specie aeternitatis ». La loi Evin de Janvier 1991 a fait exception, sous la pression des « cinq sages » : elle prévoyait explicitement sa propre évaluation dans un délai défini. De plus, les lois non exécutées sont loin d’être exceptionnelles, faute par exemple de décrets d’application.
-
[5]
J’avoue que j’ai frémi quand j’ai vu dans une des deux lois d’août 2004, la loi de santé publique, qu’on établissait 100 projets de santé publique dont pour plus de la moitié, on ne disposait pas d’informations épidémiologiques sérieuses.
-
[6]
À son tour, Kant donnera une définition de la complexité de la réalité dans la « Critique de la faculté de juger ».
-
[7]
L’entendement, « Verstand » au sens de Kant, est une capacité de la Raison qui divise, distingue, et oppose.
-
[8]
De la même façon qu’en mathématique, les nombres réels ne sont qu’un cas particulier des nombres complexes ; un nombre réel est un complexe dont la partie imaginaire est nulle.
-
[9]
Deux exemples de traitement négatif des reliances : il n’est pas sûr que le débat actuel qui interdit de fumer dans un bureau de tabac soit vraiment une nécessité absolue pour écraser complètement les effets nocifs du tabagisme ; de même que la stigmatisation des vignerons que l’on présente volontiers comme des dealers, n’est ni équitable, ni judicieuse. Il serait plus astucieux d’essayer de faire participer les vignerons à la lutte anti-alcoolisation excessive.
-
[10]
Il montre que même dans des exemples mécaniques très simples, qui obéissent pourtant à un déterminisme mathématique rigoureux, il est impossible de prédire la trajectoire de certaines composantes du système.
-
[11]
La théorie des jeux développée par les deux auteurs montre qu’on ne peut prévoir le déroulement d’un jeu que s’il fait intervenir deux joueurs rationnels : on est loin du compte dans notre monde réel, où les très nombreux joueurs sont loin d’être rationnels.
-
[12]
Cet auteur autrichien a montré que dans un système logique fondé sur un certain nombre d’axiomes, on trouve toujours au moins une proposition indécidable, c’est-à-dire une aporie. Elle n’est soluble qu’en ajoutant des axiomes supplémentaires, au prix de la création d’une nouvelle aporie.
-
[13]
C’est ce que les « cinq sages » ont demandé en 1991 pour la loi Evin.
-
[14]
On dit facilement: «cette décision, je ne la «sens» pas!»