Notes
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[1]
Président du Syndicat National des médecins Spécialistes de santé Publique (SNSP). médecin spécialiste de santé publique, directeur médical du Réseau de Santé Paris-Nord. Adresse postale : Réseau de Santé Paris-Nord - 3-5 rue de Metz - 75010 Paris.
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[2]
Arrêté du 23 mai 1990 fixant la liste des diplômes d’études spécialisées de médecine.
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[3]
Enquête sur le devenir professionnel des internes de santé publique, in actualité et dossier en santé publique, n° 10, mars 1995, p. 9.
-
[4]
Arrêté du 30 juin 2004 portant règlement de qualification des médecins.
-
[5]
CNOM Étude n° 38 - Situation au 1er janvier 2005.
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[6]
C’est-à-dire avant la création du DES de santé publique et médecine sociale.
1Il existe de nombreux acteurs dans le champ de la santé publique, mais le titre de « médecin spécialiste de santé publique » est en France réservé aux médecins ayant validé le cursus de l’internat de médecine (spécialité « santé publique et médecine sociale ») ou ayant obtenu la qualification ordinale dans la spécialité.
2L’internat en santé publique a maintenant un peu plus de vingt ans d’existence. Accessible suite aux épreuves nationales classantes (anciennement concours de l’internat), le cursus permettant l’obtention du « Diplôme d’Études Spécialisées (DES) de santé publique et médecine sociale » dure quatre ans et comprend selon la maquette du diplôme [2] environ deux cent cinquante heures d’enseignement et une formation pratique de huit semestres :
- quatre semestres dans des services agréés pour le DES de santé publique et médecine sociale, dont au moins un semestre dans un service extra-hospitalier ;
- quatre semestres dans des services agréés pour la spécialité ou pour une autre spécialité.
3La deuxième voie menant à la spécialité médicale de santé publique concerne le dispositif de la qualification [4] via le Conseil de l’Ordre des médecins. Des commissions nationales de première instance et d’appel sont instituées dans chacune des spécialités des diplômes d’études spécialisées. Les commissions, dont les membres sont nommés par arrêté du ministre chargé de la santé pour une durée de cinq ans, sont composées :
- d’un président, médecin qualifié dans la discipline intéressée et professeur des universités-praticien hospitalier. Ce médecin est proposé à la désignation du ministre de la santé par le ministre chargé de l’enseignement supérieur ;
- quatre médecins qualifiés dans la discipline, dont deux proposés par le Conseil national de l’ordre des médecins et deux proposés par le ou les syndicats nationaux les plus représentatifs de la discipline intéressée ou, à défaut, par le ou les syndicats médicaux nationaux les plus représentatifs.
4Les conclusions de la commission de qualification sont adressées au conseil départemental de l’ordre intéressé. Lorsque le conseil départemental estime par une délibération motivée ne pas devoir suivre l’avis de la commission de qualification, il doit, dans le délai de deux mois qui suit l’envoi de l’avis de la commission compétente, transmettre, avec le procès-verbal de la délibération précitée, le dossier au Conseil national et en aviser en même temps l’intéressé.
5Le médecin dont la qualification a été refusée par une décision du conseil départemental de l’ordre peut faire appel de la décision rendue auprès du Conseil national de l’ordre dans le délai de deux mois qui suit la date de notification du refus de qualification.
Données chiffrées portant sur les médecins spécialistes de santé publique
6Le Syndicat National des médecins Spécialistes de santé Publique (SNSP) représente les médecins issus du DES et ceux ayant obtenu la qualification ordinale. Il tient à jour un annuaire de l’ensemble des médecins spécialistes de santé publique ; cet annuaire est distinct de celui des adhérents du syndicat !
7L’annuaire, édité tous les deux ans et diffusé gratuitement, est mis à jour en continu par le Dr Fourquet (fourquet@ med. univ-tours. fr) à partir de :
- réponses à un questionnaire accompagnant l’envoi de l’annuaire ; mettant à jour ses données (fonction, adresse etc.), ou proposition de mise à jour de ses propres données ;
- relevés du Conseil National de l’Ordre des Médecins ;
- fichier ADELI des médecins en exercice ;
- fichiers des associations d’internes et d’anciens internes de santé publique.
8Cette discipline représente moins de 1 % de l’ensemble des médecins mais le taux de croissance annuel a été de 5 % en 2003 et en 2004, soit environ 60 nouveaux spécialistes par an [5]. L’annuaire du SNSP recense en moyenne 170 nouveaux médecins chaque année ; ce nombre plus élevé comprend les nouveaux spécialistes ainsi que les anciens internes de santé publique que le syndicat arrive progressivement à identifier et à recenser, directement ou via les associations d’internes et d’anciens internes de santé publique.
9La profession est majoritairement féminine (57 % de femmes). Cette féminisation de la santé publique est plus marquée que la moyenne nationale des femmes médecins salariées où en 2005 elles représentaient 49 % de l’ensemble des médecins salariés.
10Concernant la répartition géographique, plus d’un médecin de santé publique sur quatre exerce en Île-de-France (26,9 %), suivie de Rhône-Alpes (10 %) et de PACA (9 %). Une très faible proportion de médecins de santé publique exerce en territoire d’Outre Mer (18 médecins) et à l’étranger (46 médecins).
11L’internat de santé publique a formé un tiers des médecins spécialistes de santé publique ; les anciens internes sont ainsi au nombre de 601. Le rythme des médecins qualifiés via l’internat, entre 1988 et 1991 est passé de 11 médecins par an à 57 par an. Ensuite, le rythme s’est ralenti. La période de stagnation en 1993 (10 qualifiés) correspondait à une suppression transitoire de la spécialité au choix de l’internat de médecine en 1988 et 1989. Depuis, le rythme oscille entre 30 à 40 qualifiés par an. Chaque année, environ 80 postes sont ouverts aux épreuves nationales classantes. Il existe une désaffection à l’entrée de la discipline (tous les postes offerts ne sont pas pourvus) mais également à la fin de la première année de spécialité où l’interne ayant retenté sa chance aux épreuves nationales classantes et obtenu un meilleur classement, démissionne pour une spécialité clinicienne (médicale, chirurgicale…).
12La deuxième voie est constituée par le dispositif de qualification par le Conseil de l’Ordre. Les médecins « ancien régime » [6] ont pu être qualifiés entre 1994 et 1999 : soit un total sur cette période de 1 159 médecins qualifiés (2/3 du pool des médecins de santé publique) avec un rythme annuel de 100 à 150 qualifiés.
13Après une phase de « gel » de la possibilité de qualification, le dispositif a repris depuis 2001-2002 avec un rythme plus lent de 5 qualifications annuelles en moyenne.
14L’année de soutenance de la thèse de médecine n’est connue que pour 30 % des qualifiés de santé publique. Cette information permet d’estimer leur ancienneté dans la profession. Seuls 14 % d’entre eux se sont qualifiés dans les 10 ans suivant leur thèse de médecine. Dans 85 % des cas, l’obtention de la thèse de médecine remonte à plus de 20 ans.
15Sur les 1 760 médecins recensés, 513 spécialistes ont renseigné leur fonction :
- praticien hospitalier : 20 % des cas ;
- hospitalo-universitaire (depuis l’assistant hospitalier universitaire au professeur des universités – praticien hospitalier) : 16 % des cas ;
- médecin inspecteur de santé publique : 13 % des cas ;
- médecin conseil de l’assurance maladie : 12 % des cas ;
- autres : 39 %.
16Par filière de recrutement, ces proportions sont différentes. Ceux formés par la filière internat feront davantage carrière comme praticien hospitalier (28 % des cas pour les anciens internes de santé publique) ou hospitalier universitaire (26 % des cas pour les anciens internes de santé publique).
17La mise en place de la discipline « santé publique et médecine sociale » devait permettre selon le législateur d’améliorer le recrutement de médecins de l’État. L’enquête sur le devenir professionnel des internes de santé publique portait en 1994 sur 157 anciens internes de santé publique (92 % de ceux ayant validé leur spécialité – DES). Seulement cinq anciens internes (3 %) avaient rejoint le corps des médecins inspecteurs de santé publique, trois pour celui des médecins conseils de la sécurité sociale (2 %). Les raisons évoquées étaient l’éloignement géographique de la formation (Rennes), des perspectives professionnelles peu encourageantes (traitement, prime, plan de carrière) et la nécessité de suivre une année supplémentaire après le long cursus de l’internat. Concernant la fonction de médecin conseil, la nécessité de passer un concours axé sur des aspects cliniques et sur une connaissance du Code de la sécurité sociale (calcul d’IPP, d’invalidité…), associée à une vision de médecin de contrôle rendaient la carrière peu attractive…
18Par ailleurs contrairement au DES, les fonctions de médecin inspecteur de santé publique ou de médecin conseil de l’assurance maladie ne conduisent pas automatiquement à la qualification. Les 460 médecins inspecteurs de santé publique ne sont pas tous dans l’annuaire…
19Les champs de compétence et les champs d’intervention sont connus pour 373 médecins ayant rempli le questionnaire 2005. En moyenne, un médecin déclare 3,5 domaines d’activité dans sa fonction. Un total de 51 domaines différents a été recensé. L’épidémiologie est le domaine principal avec une fréquence de 168 signalements.
Domaine d’activité | Nombre de médecins |
---|---|
Épidémiologie | 168 |
Information médicale | 88 |
Établissements sanitaires et sociaux | 72 |
Évaluation de la qualité | 65 |
Prévention/Éducation pour la santé | 64 |
Économie de la Santé | 49 |
Évaluation de programmes sanitaires | 46 |
Hygiène/Infections nosocomiales | 40 |
Recherche clinique | 39 |
Autres maladies infectieuses | 37 |
Politiques de santé | 35 |
Biostatistiques | 35 |
Organisation sanitaire | 33 |
Cancer | 31 |
Médecine ambulatoire | 29 |
Environnement | 28 |
Protection sociale | 27 |
Administration sanitaire | 27 |
Médecine Clinique | 25 |
Surveillance sanitaire | 24 |
Médicament | 24 |
Sida | 22 |
Personnes âgées | 22 |
Gestion/Management | 22 |
Formation | 20 |
Enfance/Adolescence | 20 |
Santé mentale | 19 |
Toxicomanies | 17 |
Informatique médicale | 16 |
Gestion des actions de santé | 15 |
Périnatalogie | 14 |
Médecine légale | 12 |
Autres maladies chroniques | 12 |
Pharmaco-toxicologie | 11 |
Accidents/Suicide | 11 |
Handicap | 10 |
Nutrition | 8 |
Précarité | 8 |
Maladies cardio-vasculaires | 8 |
Santé au travail | 6 |
MST sauf Sida | 6 |
Génétique | 6 |
Santé des mères | 5 |
Évaluation technologique | 5 |
Autres maladies | 5 |
Sociologie | 2 |
Reproduction humaine | 2 |
Populations déplacées | 2 |
Communication | 2 |
Gestion documentaire | 1 |
Démographie | 1 |
Le statut du praticien de santé publique
20Chaque année, les filières de recrutement n’apportent qu’environ 75 spécialistes de santé publique (environ 70 théoriquement via l’internat de santé publique, 5 via la qualification ordinale). En rajoutant les médecins inspecteurs de santé publique, cela ne dépasse pas le chiffre symbolique de 100 spécialistes maximum par an.
21Le sentiment dans l’évolution des domaines d’activité dans le champ de la santé publique est celui d’un éparpillement. Peu de spécialités peuvent se prévaloir de 51 domaines d’activité. Et ce nombre a vocation à augmenter… Ceci aggrave de manière qualitative la carence quantitative de ces professionnels. Or les besoins sont importants et sont accentués par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et la mise en œuvre de la Loi Organique relative aux Lois de Finances (Lolf).
22Le projet de profiter de la richesse des formations et des cursus de chacun via la constitution d’un corps unique de praticiens de santé publique calqué sur le modèle des praticiens hospitaliers (PH) a plusieurs avantages :
- augmenter le nombre de spécialistes de santé publique en permettant à des médecins non qualifiés en santé publique sous conditions (concours d’entrée) d’entrer dans la spécialité ;
- permettre la mobilité et maintenir l’attractivité de la spécialité : un médecin peut passer d’une fonction de statut publique à un statut privé par exemple (État vers assurance maladie), d’un rôle de contrôle à celui de concepteur de programmes sanitaires… C’est la possibilité de profiter de l’expérience et des formations capitalisées par le praticien de santé publique tout au long de ses différentes « vies » professionnelles ;
- réduire les cloisonnements : passer de l’hôpital vers l’agence régionale de l’hospitalisation, passer du curatif vers le préventif… ;
- l’analogie avec le corps des PH apporte une meilleure visibilité médicale, un meilleur positionnement du spécialiste de santé publique vis-à-vis de ses confrères médecins et de l’ensemble des professionnels de santé ;
- permettre l’adossement à une activité universitaire, ce qui contribuerait au développement de la recherche en santé publique et de son enseignement…
23Cependant, ce projet est très discuté. Les inconvénients et les questions posées sont :
- le risque de marginalisation de la santé publique vis-à-vis des autres spécialités médicales. Le corps des PH regroupe toutes les spécialités ; créer un corps à part accentuerait la méconnaissance de la santé publique de la part des professionnels de santé (notamment hospitalier). Pour beaucoup d’hospitaliers et de soignants, la santé publique est considérée comme une discipline rattachée à la direction ;
- complexifier inutilement le dispositif. Quel intérêt d’instaurer un deuxième corps s’il s’agit de reproduire celui qui existe déjà (PH) ? ;
- comment assurer le rôle de contrôle strictement dévolu à l’État si le médecin n’appartient pas l’État ? Comment contrôler au nom de l’État un organisme pour lequel l’on a travaillé ? Il faudrait alors constituer des « sous corps » d’individus n’ayant pas d’intérêt ou de conflit d’intérêt avec tel ou tel organisme. La gestion de ces « sous corps » deviendrait très vite lourde et consommatrice de ressources (financières, humaines…) ;
- comment réguler ce corps où chaque membre peut à tout moment quitter une fonction pour une autre, un organisme pour un autre ? Comment budgéter les postes sans l’assurance d’une filière de recrutement exclusive ?
24Cette piste du corps unique de praticiens de santé publique tente d’apporter une réponse technique à un paradoxe : jamais la santé publique n’a été aussi médiatisée. Tout est affaire de santé publique ! Les missions et les champs d’intervention augmentent quotidiennement. Le domaine de la santé publique défini il y a dix ans n’a rien à voir avec celui de nos jours, lui même réducteur par rapport à celui des prochaines années… Et pourtant la filière menant à des spécialistes de santé publique, est peu attractive. Plusieurs raisons peuvent être évoquées :
- Les études de médecine restent axées autour du colloque singulier avec le malade et de la prise en charge clinique du patient. Il s’agit de diagnostiquer une maladie et de la soigner. C’est le culte du soin curatif. Peu de spécialistes intervenant en santé publique prennent directement en charge un patient, prescrivent un traitement… Il est donc difficile après six ans de formation de faire ce deuil de la clinique.
- La santé publique enseignée tout au long des études médicales a souvent peu de lien avec la santé publique de terrain. Les étudiants l’étudient plus par obligation que par intérêt, dans l’optique des épreuves nationales classantes. Le programme de santé publique est théorique et extrêmement réducteur, et se prête peu à la constitution de dossiers cliniques. Or les dossiers cliniques sont l’ossature des épreuves nationales classantes.
- La formation au sein de l’internat de santé publique est très disparate d’une région à l’autre selon les ressources humaines disponibles. D’où la nécessité souvent d’une formation complémentaire de type master.
- Il n’existe pas d’exercice exclusif de la spécialité. Contrairement aux autres spécialités médicales où par exemple seul un cardiologue peut occuper un poste de cardiologie, un médecin clinicien avec un diplôme en santé publique peut postuler et obtenir un poste en santé publique.
- Le médecin de santé publique sera toujours salarié d’une organisation ; il n’a pas cette sécurité de pouvoir se mettre à son compte. Il n’existe pas d’activité libérale.
25Apporter une harmonisation statutaire par le biais d’un corps de praticien de santé publique ne répondra pas à ces différents problèmes. Plusieurs pistes sont déjà mises en œuvre : intégrer très tôt – dès la première année de médecine – les enseignements de santé publique (économie, épistémologie, sciences humaines et sociales), les répartir tout au long des études de médecine (démarche qualité, épidémiologie, politiques de santé…), permettre aux externes de faire des stages dans des services de santé publique dès le deuxième cycle des études médicales, organiser des formations interrégionales pour les internes de santé publique, des journées nationales sur des thèmes comme l’évaluation des pratiques professionnelles en santé publique, ou encore prochainement des assises régionales sur les débouchés en santé publique.
26Ces initiatives ne sont pas encore généralisées sur l’ensemble du pays et les résultats ne se feront sentir que dans une à deux générations d’internes de santé publique.
27En attendant, sur le terrain, le spécialiste de santé publique, en carence démographique, peut au mieux s’appuyer sur des acteurs de santé publique (technicien d’information médicale, infirmière scolaire, éducateur pour la santé, etc.) qu’il peut coordonner, au pire réduire son activité aux missions essentielles et/ou prioritaires de son poste.
Remerciements
L’auteur remercie le Dr Florence Fourquet pour l’ensemble des données chiffrées extraites de l’annuaire du SNSP.Notes
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[1]
Président du Syndicat National des médecins Spécialistes de santé Publique (SNSP). médecin spécialiste de santé publique, directeur médical du Réseau de Santé Paris-Nord. Adresse postale : Réseau de Santé Paris-Nord - 3-5 rue de Metz - 75010 Paris.
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[2]
Arrêté du 23 mai 1990 fixant la liste des diplômes d’études spécialisées de médecine.
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[3]
Enquête sur le devenir professionnel des internes de santé publique, in actualité et dossier en santé publique, n° 10, mars 1995, p. 9.
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[4]
Arrêté du 30 juin 2004 portant règlement de qualification des médecins.
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[5]
CNOM Étude n° 38 - Situation au 1er janvier 2005.
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[6]
C’est-à-dire avant la création du DES de santé publique et médecine sociale.