Couverture de SPUB_061

Article de revue

Analyses de livres

Pages 155 à 160

Silence, on intoxique. Face aux lobbies, la longue bataille pour sauver notre santé, A. Aschieri, en collaboration avec R. Lenglet, Cahiers libres, La Découverte, Paris, 2005 : 240 p., ISBN : 2-7071-4638-2

La création d’une agence de sécurité sanitaire environnementale : un combat politique…

1Dans « Silence, on intoxique », André Aschieri, auteur d’un rapport parlementaire sur les risques sanitaires liés aux facteurs environnementaux, décrit les batailles qu’il a dû mener pour aboutir à la création, puis à la mise en place et au fonctionnement de l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE).

2Les deux premiers chapitres de l’ouvrage sont consacrés au travail législatif. L’auteur décrit, du dedans et avec une grande minutie, le parlement en action : au-delà des tactiques déployées pour soutenir ou contrer la création de l’Agence, le lecteur peut mesurer au travers de cette rude bataille, les enjeux politiques d’un projet qui vise à faire prévaloir la santé de la population sur les intérêts économiques de grands groupes industriels. Le chapitre suivant aborde la difficile mise en place de cette nouvelle agence, confrontée à la fois à l’alternance politique, aux agences sanitaires déjà existantes (qui n’entendent pas voir rétrécir leur périmètre de compétences) et aux diverses actions de lobbying sous-jacentes. Le chapitre quatre décrit les premiers pas de l’agence …et les premières embûches, en particulier la controverse suscitée par la publication en 2003 de son premier rapport (rapport dit « Zmirou »), consacré aux effets des ondes électromagnétiques de la téléphonie mobile : à peine créée l’Agence voit son impartialité à l’égard des enjeux industriels mise en doute et se trouve ainsi fragilisée. Les chapitres cinq et six abordent la montée en charge du travail de l’Agence au travers de grands dossiers de santé environnementale et la multiplication des saisines : pollution du littoral après le naufrage du Prestige, pollution atmosphérique photo-oxydante et micro-particulaire, impact sanitaire de la climatisation (à la suite l’épisode de canicule de l’été 2003), risques sanitaires liés au mercure, à la dioxine, à la pollution sonore, etc. Pour faire face à tous ces défis sanitaires, l’Agence multiplie les partenariats mais l’auteur souligne combien elle reste un dispositif fragile, malgré l’introduction du « principe de précaution » dans la Constitution française et l’adoption de la charte de l’environnement en février 2004 qui confortent le rôle de l’agence face aux pressions des industriels. Le titre du chapitre sept – « un avenir très incertain » – résume bien les menaces que l’auteur sent peser sur l’avenir de la jeune AFSSE, qui n’en continue pas moins son travail : évaluation de l’exposition du public aux éthers de glycol, risques des insecticides pour la santé humaine, rapport sur l’épandage aérien de pesticides. Les actions menées en justice par certaines associations mobilisées autour de la question de l’amiante ou de la dioxine rejetée par les incinérateurs, comme la perspective toujours possible de nouvelles crises sanitaires rendent cependant plus difficile la disparition de l’agence, malgré la pauvreté des moyens dont elle dispose. Mais c’est une décision politique qui, au printemps 2005, non seulement confirmera l’agence dans ses missions mais élargit ses moyens et son périmètre d’action, qui englobe désormais le champ de la santé au travail : l’AFSSE devient ainsi l’AFFSET pour inclure le mot « travail ». L’agence, dont l’avenir est apparu un moment compromis, semble désormais définitivement ancrée dans le paysage institutionnel français. Le récit, construit comme un thriller où de nombreux suspects font peser la menace d’un assassinat, se dénoue ainsi dans un « happy end » que l’on espère final !

3Tout au long de cet ouvrage on sent passer le souffle des convictions de son auteur. C’est un livre partial et d’aucuns pourraient y voir la faiblesse d’un récit idéalisé. Parce qu’il est écrit par un acteur politiquement engagé, qui ne s’en cache pas et avance à découvert, j’y vois au contraire la force de la démonstration que la santé publique n’est pas qu’une question technique à confier aux experts mais bien une question éminemment politique. C’est pourquoi on regrettera d’autant plus que la question – également politique – des inégalités sociales d’exposition aux risques environnementaux ne soit pas abordée. En tant que citoyens, nous sommes tous concernés – et au-delà de nous, les générations futures – par cet enjeu politique majeur qu’est la sécurité environnementale. Tous ceux qui cherchent à mieux comprendre ce grand défi mondial trouveront donc un vif intérêt à la lecture de ce livre à la fois facile à lire et richement documenté.

4Vincent Boissonnat

Guide pratique de la consultation en pédiatrie (8e édition), J. Valleteau de Mouliac, J.P. Gallet et B. Chevallier, Médiguides, Masson 2005, 350 p., ISBN : 2-294-01895-8

5Sobre, sans préface introductive, cette 8e édition de la collection des médiguides de la consultation en pédiatrie est fidèle à son image : trois représentants d’un bon service de pédiatrie d’un hôpital parisien partagent leur expérience en 327 pages claires de conseils et de prescriptions, sous forme de petits paragraphes, introduits par de nombreux titres et sous-titres. Des affirmations, peu d’explications, la transmission de simples réponses à des questions simples. Une publication économique, de bonne impression, sans image, ni illustration, contenant peu de tableaux sauf diététiques, les inévitables courbes de croissance, de nombreux encadrés, quelques brèves références, adresses utiles et index analytique, l’ouvrage possède incontestablement le format d’un guide pratique. On apprécie la priorité donnée à la surveillance de l’enfant normal, l’intérêt pour les soucis quotidiens des parents, les conseils éducatifs, quelques chapitres particuliers, tel « l’enfant voyageur ». Il n’y a pas de cohérence entre les 30 chapitres : une approche chronologique est suivie de succession de situations portant sur l’expression de symptômes, de troubles courants en psychiatrie générale (comportement, sommeil) et une attention particulière est accordée aux allergies et aux pathologies chroniques. Le bien-fondé d’un repérage précoce des troubles sensoriels, des troubles du langage et des troubles de la relation est rappelé. À l’exception d’un chapitre consacré à l’enfant migrant, les considérations sociales ne sont pas fréquemment évoquées et la famille souvent soupçonnée de complaisance. On regrette le ton convenu, volontiers paternaliste et aussi que les prescriptions soient mentionnées par spécialités.

6Si cette 8e édition a remanié certains chapitres sur l’alimentation, les vaccinations, la fièvre et les infections ORL, l’ouvrage reste classique, voire un peu vieilli : il est réservé à la pédiatrie générale, en milieu ordinaire plutôt favorisé.

7Virginie Halley des Fontaines

Les nouveaux modèles du carnet et des certificats de santé de l’enfant (en vigueur à compter du 1er janvier 2006). Guide à l’usage des professionnels de santé, Ministère de la Santé, Direction générale de la Santé, Paris, 2005 : 36 p.

8Le nouveau modèle du carnet de santé, des trois certificats de santé de l’enfant et son guide d’utilisation a été adressé aux professionnels de santé au début de l’année 2006, suite à sa publication au Journal Officiel du 13 décembre 2005. Il s’agit d’un prototype, et il appartient désormais aux directions départementales d’en assurer la reproduction, en ayant toute latitude de l’habiller, le compléter, à condition d’en conserver l’armature et l’esprit. Il est gai, illustré, coloré. C’est un outil de suivi de l’enfant et de l’adolescent. Il est présenté comme le support du dialogue régulier entre les professionnels de santé et les familles. Il a sensiblement le même volume et la même texture que le précédent (dont l’évaluation n’est pas réalisée à ce jour !). On apprécie sa manipulation plus ergonomique : des onglets colorés permettent enfin un accès rapide au chapitre recherché (surveillance, pathologies, vaccinations). La lecture est assistée par des icônes repères et des messages de prévention simplifiés.

9La refonte du carnet de santé de l’enfant qui a assurément meilleure presse que celui de l’adulte, fut une aventure. Elle a mobilisé au moins trente personnes durant 18 mois, et a donné lieu à de nombreuses rencontres en commissions spécialisées par âge ou fonction, de fréquentes séances de synthèse, à la réalisation d’enquêtes dans différents milieux professionnels, à la consultation d’experts, en vue d’une mise en perspective historique ou épidémiologique, à une étude comparée européenne, sans oublier les lectures et relectures attentives.

10Le mot d’ordre fut lisibilité et simplification du support. Beaucoup d’informations inutiles ou jugées indiscrètes pour cet usage ont été biffées. Les explorations spécialisées ont été renvoyées au dossier médical. En revanche le champ du message de prévention s’est élargi particulièrement à l’âge de la toute petite enfance et à l’adolescence. Un espace plus important est consacré aux questions bucco-dentaires. Les vaccins sont reportés sur deux pages faciles à photocopier. Les hospitalisations se résument à une chronologie et un commentaire succincts. À terme, les trois certificats de santé et les pages spécifiques (vaccinations, hospitalisations) devraient être intégrées dans le dossier médical de l’adulte.

11Le souci de produire un document personnel qu’il appartient à chacun de s’approprier a été manifeste. Le passage de l’enfance à l’âge adulte a été l’occasion de préciser la place du secret médical. Il s’agit à l’évidence d’un travail rigoureux. Enfin, les professionnels trouveront utile le guide d’utilisation (37 pages) qui les aidera dans leur activité de conseil auprès des parents.

12http://www.sante.gouv.fr

13Virginie Halley des Fontaines

Public Health of Japan 2004 (Japan Public Health Association, 2005), E. Okamoto, National Institute of Public Health, 2004 : 41 p.

14Diffusé largement dans le monde durant l’année 2005, ce surprenant polycopié de 69 pages, rédigées en anglais par une association de santé publique japonaise à but non lucratif, est commandité à la fois par les sociétés savantes de professionnels et les institutions publiques de santé. Clair, pédagogique, à la fois dense et aéré par de nombreuses figures, le document présente, avec une concision exemplaire, l’ensemble du système de santé japonais. Le sommaire est en lui-même une information sur la didactique retenue : démontrer, à partir des principaux indicateurs de santé, en se référant aux questions de santé prioritaires des pays industrialisés, le haut niveau de la santé publique japonaise. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le taux de mortalité est le plus faible après celui de la Finlande, l’espérance de vie la plus longue, le nombre de centenaires le plus élevé. Mais l’auteur n’esquive pas pour autant les questions sensibles telles que les avortements après les viols, le manque d’organes pour les greffes, le suivi des victimes des bombardements nucléaires, l’excédent d’hospitalisations en milieu psychiatrique, l’aléas thérapeutique. L’économie de la santé est abordée sous l’angle de la protection sociale, dont on reconnaît qu’elle est inégalitaire, bien qu’universelle dans son principe. La solidité du dispositif semble issue de l’ancienneté de sa législation (1874) et sa capacité à introduire des problématiques nouvelles (environnement, 1947). Son originalité résulte dans le clivage entre les structures de santé publique et les structures de santé communautaire dont les missions sont différentes. La principale limite vient peut être du corps médical, dirigeant statutairement les centres de santé et peu motivé par la santé publique. Dans une prochaine étape, la priorité sera donnée à l’amélioration de la prise en charge des personnes handicapées.

15Ce livret exemplaire peut être lu comme un support de propagande nippone, il manifeste en tous les cas un souci certain de communication et d’ouverture.

16Virginie Halley des Fontaines

Guide pratique de psychiatrie, F. Rouillon, Coll. Mediguides, 2e édition, Paris : Masson, 2005 : 157 p. + index, ISBN : 2-294-02051-0

17Destiné aux médecins généralistes dans le but d’améliorer leurs connaissances en psychiatrie, ce guide ambitionne de contribuer à une meilleure prise en charge directe des patients ayant des troubles psychiatriques et de favoriser la coopération des omnipraticiens avec les psychiatres.

18Il se compose de deux chapitres introductifs présentant les principales données épidémiologiques relatives aux troubles mentaux en France et les modalités de l’examen en psychiatrie, de vingt et un chapitres décrivant des troubles et syndromes et, enfin de trois chapitres relatifs aux médicaments psychotropes, aux psychothérapies et à la législation psychiatrique.

19Chaque trouble ou chaque ensemble de troubles est décrit en 3 à 10 pages, en commençant par un résumé de l’essentiel à connaître. Si la structure des chapitres n’est pas figée, le lecteur trouve cependant à chaque fois des éléments de définition (classification et/ou épidémiologie), et des indications précises sur la séméiologie, le diagnostic et le traitement. On notera avec intérêt que l’auteur consacre un chapitre à Tabagisme et dopage du fait des « liens qu’ils entretiennent avec la psychopathologie ».

20Simple et direct, ce guide mériterait une bibliographie étoffée qui permettrait aux curieux de compléter leurs connaissances par des lectures plus spécialisées. Cependant, les omnipraticiens peu familiers des classifications des troubles mentaux y trouveront un index très complet, favorisant une consultation ponctuelle de l’ouvrage.

21Catherine Lavielle

Santé de la reproduction et droits humains. Intégrer la médecine, l’éthique et le droit, R.J. Cook, B.M. Dickens, M.F. Fathalla, Collection Abrégés, Masson, Paris, 2005 : 584 p., ISBN : 2-294-02164-9

22La collection des Abrégés Masson est bien connue et appréciée en médecine. Ses ouvrages, de 180 à 250 pages, font le point sur les différentes disciplines médicales (« ergonomie », « gynécologie », etc.). Rien de tel ici, ce livre est original au sein de la collection. Par son volume d’abord (580 pages), par son long titre et son sous-titre ; il s’agit d’envisager la santé de la reproduction dans ses rapports avec les droits humains, dans la triple perspective de la médecine, de l’éthique et du droit.

23Autre originalité, les auteurs ne sont pas français. L’ouvrage a été publié en 2003 en anglais, et Masson nous offre la traduction française de ce travail de deux juristes canadiens, dont une spécialiste de l’éthique et des droits humains, et d’un gynécologue obstétricien égyptien.

24L’expression « Santé de la reproduction » avait surpris en France, lors de son introduction dans les années 1990, par son manque d’élégance ; on n’a cependant jamais trouvé de traduction alternative à ce concept tout à fait admis dans les pays anglophones. Ici, les auteurs recourent à une approche telle que cette limite sémantique s’estompe, et que le lecteur est d’emblée captivé par l’accent mis sur le droit des femmes et l’aspect éthique de tout ce qui concerne les politiques et les soins en rapport avec la sexualité, la planification familiale, la maternité, les infections sexuellement transmissibles, en insistant sur le fait que la santé de la reproduction concerne aussi les hommes, pour eux-mêmes mais aussi en raison des violences de toutes sortes, individuelles et sociales, qui pèsent sur les femmes dans ce domaine.

25L’ouvrage est dense, avec de longs chapitres introductifs sur la santé de la reproduction, sur le rôle des systèmes de santé à son égard, sur l’éthique, sur les aspects juridiques nationaux et internationaux, sur les droits de l’Homme.

26La bibliographie est d’une grande richesse (plus de 700 références de bas-de page et des dizaines de sites internet mentionnés).

27Une large partie centrale groupe ces notions, de manière concrète, dans une quinzaine d’études de cas, permettant d’évoquer les problèmes politiques et les pratiques relatives à la contraception, aux violences sexuelles, aux avortements, à l’infection par le VIH, à la mortalité maternelle, aux mutilations génitales féminines, aux problèmes des adolescents, etc.

28La dernière partie rassemble un grand nombre de documents : données épidémiologiques sur la santé de la reproduction dans les pays du monde, grands textes internationaux sur les droits humains, les droits des femmes, la position des États dans l’application de ces textes, la façon de signaler les manquements aux organismes internationaux de surveillance de l’application des traités.

29Cet « abrégé » est donc un livre immense… On peut d’ailleurs regretter le choix de l’éditeur de l’avoir publié dans cette collection, car il aurait mérité une édition plus aérée, une couverture rigide. Mais par ailleurs, ce choix permet de le diffuser à un prix accessible. L’autre regret porte sur la traduction désastreuse en français ; 550 pages d’anglais traduit littéralement, par une équipe canadienne apparemment anglophone, rendent souvent la lecture difficile. C’est dommage, mais cela ne gâte pas l’intérêt considérable de l’ouvrage pour les professionnels de santé et du secteur social, les juristes, les associations.

30Jean-Pierre Deschamps

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