Notes
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[1]
Source Sesi (Service des statistiques, des études et des systèmes d’information), 1/1/98.
-
[2]
Enquête pour la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (échantillon de 1 000 personnes de plus de 18 ans).
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[3]
Décret de décembre 2002.
-
[4]
Plan « cancer » du 24 mars 2003.
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[5]
« L’examen gynécologique » sous-entend la pose du spéculum, l’examen du col, le toucher vaginal et l’examen des seins. Il s’agit bien de la compréhension qu’en ont eu les répondants puisque les corrélations sont retrouvées entre pose de spéculum et frottis tant dans les réponses concernant la pratique que dans celles concernant l’appréciation des compétences.
-
[6]
Ordonnance du 24/04/1996 complétée par le décret du 5/12/96.
Introduction
1Dans de nombreux pays européens, les actes de gynécologie « de base », dont le dépistage des cancers gynécologiques, sont assurés par le médecin généraliste, voire par des infirmières [6]. La France connaît une configuration très particulière en ce domaine avec d’une part un libre accès aux spécialistes et d’autre part la présence de « gynécologues médicaux » dont le nombre est aujourd’hui de 1 pour 3 700 femmes [1]. Les femmes les consultent volontiers. Ainsi, l’enquête de la SOFRES (Société française d’études et de sondages) menée en 1998 [2] montrait que 60 % des femmes interrogées avaient consulté leur gynécologue au moins une fois au cours de l’année, celle du CFES menée deux ans plus tard avançait un pourcentage superposable (58 %). Elle précisait que les motifs de recours aux gynécologues étaient plus de 9 fois sur 10 le dépistage et la prévention des cancers : des gestes simples (frottis et palpation des seins) le permettent en principe au cours des consultations.
2À la fin de l’année 1999, la Bretagne comptait 2 956 omnipraticiens pour une population de 2 905 412 habitants, soit 1,02 omnipraticien pour 1 000 habitants. À la même période, les gynéco- obstétriciens étaient au nombre de 217 [17]. Les omnipraticiens sont donc environ dix fois plus nombreux que ces derniers et leur répartition est plus homogène sur l’ensemble du territoire breton. Dans notre région, comme ailleurs, l’attrait de l’espace urbain et surtout de la proximité d’une faculté de médecine prévaut dans le choix du lieu d’installation des médecins et tout particulièrement pour les spécialistes [15]. Il y a donc tout lieu de penser que le rétablissement du Diplôme d’études spéciales de gynécologie médicale, inscrit dans la Loi du 4/03/02 [3] ne palliera pas l’inégale distribution des spécialistes en Bretagne.
3L’activité de gynécologie des médecins généralistes s’inscrit donc dans une double perspective : pallier le déficit des gynécologues dans certaines zones et permettre l’accès au dépistage d’un nombre plus important de femmes [11].
4Deux types de cancers gynécologiques disposent d’examens de dépistage. Examen clinique des seins et mammographie pour le cancer du sein, frottis pour le cancer du col. Ces examens ont fait l’objet de recommandations pour la pratique clinique [2, 4, 5]. L’examen clinique des seins et le frottis font partie des gestes attendus lors d’une consultation de gynécologie. Il s’y ajoute une possible prescription de mammographie ou une incitation à participer aux campagnes de dépistage systématique qui, même si elles viennent d’être étendues à l’ensemble du territoire français [4], font l’objet d’un vif débat parmi les experts de santé publique [1, 10, 12].
5Pour que les généralistes puissent s’inscrire dans la double perspective d’assurer un accès équitable aux soins et au dépistage, trois conditions sont nécessaires : les professionnels doivent posséder un savoir-faire suffisant, leurs conditions d’exercice doivent permettre de mettre en œuvre ce savoir-faire et enfin ils doivent développer un intérêt pour cette activité.
6Les objectifs du travail présenté ci-après consistent à :
- décrire l’activité de gynécologie des médecins généralistes ;
- exprimer leur opinion sur leur savoir-faire ;
- inscrire les résultats de cette enquête dans le cadre d’une réflexion sur le dépistage des cancers gynécologiques.
Méthode
7– Enquête postale par questionnaire (44 questions fermées) auprès d’un échantillon aléatoire de 300 généralistes constitué à partir du fichier de l’Union régionale des médecins libéraux de Bretagne (URMLB) dont les « médecins à exercice particulier » (MEP) ont été exclus. L’enquête s’est déroulée au cours du premier trimestre 2002.
8– Le questionnaire était organisé en 5 parties : aspects socio-démographiques, activité de gynécologie, les gestes techniques réalisés, l’opinion des médecins sur leur savoir-faire et les questions qu’ils se posent.
9– Analyse des données sur Epi Info 6.
Résultats
10Parmi les 139 réponses qui ont été reçues, 12 réponses arrivées après l’exploitation des données n’ont pas été prises en compte : on a donc 42 % de répondants.
Les caractéristiques des répondants
11Les répondants ont un âge moyen de 48 ans et sont majoritairement des hommes (82,7 %). Les femmes représentaient 19 % de l’échantillon constitué. 38,5 % des femmes « invitées » à l’enquête ont répondu et 42 % des hommes (différence non significative). Les médecins se sont en moyenne installés en 1983 pour les hommes et 1988 pour les femmes. Quatre généralistes sur 10 sont installés depuis plus de 20 ans. Pour 60 % d’entre eux, ils exercent en groupe.
L’activité du médecin généraliste
12Un répondant sur deux déclare effectuer entre 120 et 180 actes par semaine et 43 % en effectuent entre 60 et 120. Les pourcentages de généralistes qui ont soit une très faible activité (moins de 60 actes/ semaine) soit une très forte activité (plus de 180 actes) sont proches : 3 et 5 %. Les femmes ont une activité moyenne significativement plus faible que celle des hommes (99 actes contre 126 soit 22 % d’actes en moins).
L’activité des répondants
Nombre d’actes par semaine | < 60 | entre 60 et 120 | entre 120 et 180 | > 180 |
% de généralistes | 3 % | 43 % | 49 % | 5 % |
nombre (n = 123) | (4) | (51) | (61) | (7) |
L’activité des répondants
13Le fait d’être installé seul limite de façon significative l’activité (110 actes contre 130 en groupe – test t significatif au risque de 5 %).
L’activité de gynécologie
Nombre moyen d’actes de gynécologie effectués par semaine
14Un peu plus du tiers des généralistes (37 %) déclare « faire » plus de douze actes de gynécologie par semaine, soit deux par jour. Un sur cinq (19 %) n’a pas répondu ou déclare une activité inférieure à 4 actes de gynécologie par semaine. On note que l’activité déclarée de gynécologie est significativement plus importante chez les généralistes installés en groupe (12,5 actes vs 8,8) : ce sont aussi les médecins qui déclarent l’activité la plus forte.
15Le sexe du médecin intervient peu : 10,6 actes en moyenne pour les hommes, 12,24 pour les femmes (différence non significative). Près de la moitié des généralistes (42,5 %) déclare n’avoir constaté aucune variation de leur activité dans cette spécialité depuis les cinq dernières années. L’activité est dite en diminution pour près du tiers (30 %) et en augmentation pour un peu moins d’un quart (22 %). 5,5 % ne se prononcent pas. Le sexe est ici discriminant : si les femmes effectuent un pourcentage d’actes de gynécologie équivalent à celui des hommes, elles considèrent majoritairement que leur activité de gynécologie est stable ou en augmentation (chi [2] = 6.39).
À quoi les généralistes attribuent-ils la diminution de leur activité de gynécologie ?
16Trente-huit répondants ont le sentiment que leur activité de gynécologie diminue. La question était à quoi l’attribuez-vous ? Ils l’expliquent d’abord par un manque de demandes. Le manque de temps vient ensuite et ne concerne qu’un faible nombre de répondants [7].
Les généralistes s’estiment-ils compétents ?
17Trois répondants sur 4 déclarent pratiquer des examens gynécologiques [5] de façon régulière. Les médecins qui déclarent une pratique régulière de cet examen sont aussi ceux qui déclarent faire le plus d’actes de gynécologie par semaine (12 actes contre 5 pour ceux qui déclarent le contraire). Il ne s’agissait pas d’évaluer leur performance objective en ce domaine mais de recueillir leur opinion sur leur propre compétence : les résultats parlent d’eux-mêmes. Seul un peu plus de la moitié des médecins (54 %) portent une appréciation positive sur leur pratique de gynécologie, 43 % déclarent ne pas se sentir performants, 3 % ne répondent pas à la question.
Les raisons de la diminution de l’activité de gynécologie
1re raison citée (38 répondants plusieurs réponses possibles) | Nombre de citations |
---|---|
Manque de demandes (proximité des gynécologues, | 28 |
habitudes des femmes) | |
Manque de temps | 7 |
Manque de compétences | 3 |
Autres | 3 |
Manque d’intérêt personnel | 2 |
Manque d’équipement | 1 |
44 |
Les raisons de la diminution de l’activité de gynécologie
18Près de 9 médecins sur 10 posent des spéculums, mais seuls 8 sur 10 disent avoir une bonne maîtrise de ce geste. Le nombre de consultations de gynécologie pratiqué intervient : les médecins qui posent sans problème un spéculum effectuent en moyenne 12,5 actes de gynécologie par semaine (7 lorsque ce geste leur pose problème).
19Neuf généralistes sur 10 également examinent les seins de leur patiente mais seuls 6 sur 10 pensent le faire correctement.
20Enfin, les trois quarts des répondants réalisent des touchers vaginaux, mais pour 40 % d’entre eux ce geste pose problème sans que l’on puisse dire s’il s’agit de réticences du médecin, de la patiente, ou de difficultés d’interprétation.
21La compétence auto-estimée du médecin dans la réalisation des différents temps de l’examen gynécologique est la même pour les hommes et pour les femmes.
Les médecins généralistes se donnent-ils un rôle spécifique dans le suivi des femmes ?
22Cette question interrogeait les représentations des médecins sur leur rôle dans le suivi des femmes.
23Près de 9 généralistes sur 10 citent la prévention et le dépistage et ceci semble relever de l’évidence professionnelle. Le premier recours obtient un score un peu plus faible (79 %), suivi de l’information, l’éducation, la coordination et l’orientation. Paradoxalement la prise en charge globale, pourtant largement revendiquée par la profession, n’est citée qu’une fois sur deux. Les réponses ne sont liées ni au sexe, ni à l’ancienneté d’installation.
Le rôle spécifique du médecin généraliste dans le suivi des femmes
Rôle spécifique MG* (n = 123) | Nb. cit. | Fréq. de citations (%) |
---|---|---|
Prévention, dépistage | 105 | 85,3 |
Premier recours | 100 | 81,3 |
Information, éducation | 76 | 61,7 |
Coordination, orientation | 75 | 60,9 |
Prise en charge globale (médico-psycho-sociale) | 61 | 49,5 |
Autres | 8 | 6,5 |
Nombre de réponses | 425 |
Le rôle spécifique du médecin généraliste dans le suivi des femmes
Les motifs de consultations de gynécologie
1er Motif de consultation | Nb. Cit | Fréq. des citations (%) |
---|---|---|
Contraception | 77 | 64,7 |
Traitement hormonal substitutif | 22 | 18,4 |
Infections | 11 | 9,2 |
Douleurs pelviennes | 4 | 3,3 |
Dépistage/prévention/éducation | 5 | 4,2 |
Stérilité, IVG, sévices sexuels | 0 | 0,0 |
119 | 100 |
Les motifs de consultations de gynécologie
Motifs de consultation de gynécologie
24Les pourcentages sont calculés sur la base des 119 réponses valides. La contraception vient très largement en tête, suivie mais de loin par les traitements de la ménopause.
25Si les généralistes se reconnaissent (voire revendiquent) un rôle spécifique de prévention, force est de constater que celle-ci ne constitue pas le premier motif reconnu de consultations. Le « lien » entre suivi gynécologique et prévention est sans doute implicite mais il n’est pas clairement explicité.
26Les réponses données restent les mêmes quel que soit l’âge, le sexe du médecin, le nombre d’actes de gynécologie réalisés.
Quelles sont les difficultés rencontrées dans la pratique de la gynécologie ?
27Les médecins généralistes se décrivent volontiers comme des « acteurs de premier recours » ce qui revient à dire qu’ils sont souvent confrontés à des situations complexes de par la multiplicité des motifs de consultation. La pratique de la gynécologie en médecine générale n’échappe pas à cette règle : la gestion simultanée de plusieurs motifs de recours est la principale difficulté qu’ils signalent (64,5 %). Pour 1 médecin sur 2, la réticence des patientes est une source de difficultés et 1 sur 4 met en avant sa propre réticence à effectuer un examen gynécologique.
28Les difficultés ressenties sont les mêmes quelles que soient les variables prises en compte (âge, date d’installation, activité, etc). Le classement des difficultés ressenties diffère cependant en fonction du sexe du médecin : les femmes citent en premier la gestion de plusieurs motifs de consultation, en second la réticence des patientes. Les hommes citent d’abord la réticence des patientes et en second la gestion simultanée de plusieurs motifs de consultations (différence significative).
Les besoins de formation des généralistes en gynécologie
29La formation médicale continue (FMC), même si elle est « obligatoire » depuis les lois Juppé de 1996 [6], n’est pas encore la règle : seuls 22 % des répondants déclarent y participer. Il est vrai que la question était restrictive puisqu’elle ne s’intéressait qu’aux activités de FMC sur le thème de la gynécologie. On peut cependant faire l’hypothèse que la question a été lue de façon plus large : les résultats sont superposables à ce que l’on sait du suivi des activités de FMC par les généralistes [9]. Qu’ils participent ou non à une action de FMC, l’activité et la compétence déclarée des généralistes restent les mêmes.
les principales difficultés rencontrées (n = < 127)
Difficultés* | Nb. cit. | Fréq. (%) |
---|---|---|
Difficultés* | Nb. cit. | Fréq. (%) |
Gestion de plusieurs motifs de consultation simultanés | 82 | 64,5 |
Réticence des patientes (examen, frottis…) | 70 | 55,1 |
Problème de stérilité | 32 | 26,0 |
Problèmes médico-sociaux | 32 | 26,0 |
Réticence du praticien | 28 | 22,7 |
Problème de sexualité | 26 | 21,1 |
Annonce d’un diagnostic difficile | 24 | 19,5 |
Gestion de l’angoisse de la patiente | 10 | 8,1 |
Demande d’IVG | 9 | 7,3 |
Difficultés dans le recueil des informations | 2 | 1,6 |
Nombre de réponses | 315 |
les principales difficultés rencontrées (n = < 127)
30Le rôle que les généralistes se donnent dans le suivi des femmes, les motifs de consultations qu’ils rencontrent et la compétence qu’ils se reconnaissent (ou non) dans la réalisation de l’examen gynécologique laissent présager leurs attentes de « savoir » en FMC. Les réponses confirment cette présomption. Ils souhaitent d’abord acquérir des connaissances sur la prescription ou l’adaptation d’un traitement hormonal substitutif (33,5 %), puis sur la prescription d’une contraception ou son renouvellement (28 %). Des informations synthétiques sur la prise en charge de pathologies infectieuses (21 %) sont également souhaitées. Les questions de la contraception et des traitements de la ménopause sont donc très largement majoritaires et ceci quel que soit le sexe du médecin ou son ancienneté d’installation.
31Les médecins sont conscients des limites de leurs compétences : ils attendent aussi de leur FMC une amélioration de leur savoir-faire. Un répondant sur 4 souhaite mieux maîtriser l’examen gynécologique et le toucher pelvien, 1 sur 4 également souhaite acquérir une meilleure technique de réalisation de frottis et de l’examen clinique des seins. À noter que tout de même 10 % demandent à apprendre à poser un spéculum. Ces résultats interpellent fortement la formation initiale des médecins. Aucune des variables recueillies (sexe, activité, nombre d’actes de gynécologie, mode d’exercice, ancienneté d’installation) ne permet de discriminer les réponses.
32Qu’ils participent ou non aux activités de FMC, les questions prioritaires pour les médecins restent les mêmes (traitement de ménopause et contraception). De la même façon, qu’ils participent ou non à une FMC de gynécologie, aucune différence significative n’est retrouvée dans leur activité ni dans leur compétence déclarée (frottis, examen des seins, pose d’un spéculum, toucher pelvien).
Discussion
33Il s’agit d’une enquête postale par questionnaire. On peut donc faire l’hypothèse que les généralistes qui ont répondu sont les plus motivés par le thème : le fait de ne pas répondre laisse-t-il présager d’une moindre pratique de la gynécologie ? Une lassitude par rapport à ce type d’enquête ? Les réponses sont déclaratives et reposent pour partie sur une reconstruction liée à la fois aux caractéristiques de la clientèle des médecins, à leur évolution mais aussi à leurs trajectoires personnelles. Elles sont donc à interpréter avec prudence : la mémoire sélectionne des faits, des événements, des impressions et en écarte d’autres. Pourtant, les médecins disent ici ce qui est significatif pour eux et la structure de l’échantillon est superposable à celle de l’ensemble des généralistes bretons. On retrouve dans cette enquête la différence d’activité globale entre hommes et femmes déjà signalée dans différentes études [8] mais aucune différence significative n’est notée entre l’activité de gynécologie des hommes et celle des femmes. Ceci ne confirme pas les résultats d’une précédente étude [13] qui établissait une relation entre « sur activité » du médecin et faible activité de gynécologie et peut d’autre part refléter le fait que « nécessité fait loi » : à défaut d’un interlocuteur féminin, les femmes s’adressent aux hommes.
34Le mode d’installation intervient : le fait d’être installé en groupe fait augmenter l’activité moyenne du généraliste et l’activité de gynécologie en particulier. S’agit-il d’un effet « d’entraînement » de la clientèle et dans ce cas les patientes sont-elles avant tout celles du cabinet ? S’agit-il d’une meilleure organisation du travail et de la permanence des soins (plages horaires de consultations plus importantes par exemple, créneau pour les urgences ou les consultations non programmées, etc.) ? L’enquête ne permet pas de répondre à ces questions.
35Les principaux motifs de consultation signalés relèvent de la gynécologie courante (contraception et ménopause). Il y a là une importante opportunité de dépistage des cancers gynécologiques féminins par les généralistes puisque ces prescriptions supposent un suivi régulier. Les traitements hormonaux substitutifs étaient particulièrement intéressants pour la prévention puisque que les femmes de cette classe d’âge sont les plus exposées au risque de cancer et qu’elles sont également les moins dépistées [7]. Les nouvelles données concernant ces traitements (augmentation du risque d’événements coronariens et de cancer de sein) risquent de mettre à mal cette opportunité. Quoiqu’il en soit, le savoir-faire des médecins généralistes en gynécologie est questionné : il semble au minimum insuffisant, et ceci pour au moins le quart d’entre eux. Ce résultat interroge de façon indirecte mais forte la formation des généralistes et renvoie à la question de l’efficience et de la qualité des soins. Il convient de rappeler que la moyenne d’âge des répondants à cette enquête est de 48 ans et que 40 % d’entre eux sont installés depuis plus de 20 ans. Ce qui revient à dire qu’ils n’ont pas forcément eu accès à une formation initiale minimale en gynécologie ou qu’ils se sont formés par leurs propres moyens. En effet, un minimum de formation sur ce thème n’est obligatoire pour tous les résidents de médecine générale que depuis 2001.
3640 % des répondants estiment ne pas savoir examiner correctement les seins de leurs patientes. Les limites de cet examen des seins dans la détection (et non le dépistage) des cancers sont connues : il permet au mieux la détection de tumeurs dépassant un centimètre à un centimètre et demi à condition qu’il soit effectué de façon rigoureuse et par un professionnel entraîné. La question du dépistage des femmes qui refusent de participer aux campagnes mises en place, de celles qui n’entrent pas dans le cadre des dépistages systématiques et celle du dépistage des cancers d’intervalle, est donc posée. Reste également ouverte la question du dépistage par mammographie : un programme de dépistage systématique existe depuis 1996 en Ille-et-Vilaine, et ce programme a été étendu depuis à l’ensemble des départements bretons. En théorie, ce type de dépistage organisé de façon rigoureuse, appliqué à une population « cible » et touchant 60 % de ladite population pourrait réduire de 30 % la mortalité par cancer du sein [18]. Ces résultats sont contestés et le lien entre dépistage mammographique de masse du cancer du sein et réduction de la mortalité est discuté [10]. D’autres auteurs [12] soulignent la contradiction entre la proportion croissante de succès thérapeutiques et la stabilité de la mortalité par cancer du sein en population générale, cette contradiction pouvant être expliquée par « l’importance du réservoir de cancers sans évolution métastatique » et donc non létaux. La question des thérapeutiques injustifiées, de leurs effets iatrogènes et de la répartition judicieuse des ressources est posée. Le généraliste dans l’organisation de ce dépistage n’est qu’un acteur parmi d’autres : les femmes concernées reçoivent directement une invitation à participer. En fonction de leur expérience personnelle, de leur rapport à la maladie et au système de soins, leur « choix » est déjà fait : les femmes qui ne souhaitent pas se faire dépister n’en parlent guère à leur médecin et on imagine d’autant plus difficilement un généraliste déconseiller ce dépistage qui a fait l’objet d’une nouvelle recommandation pour la pratique clinique [3].
37Le dépistage du cancer du col est moins contesté. En France, environ 5 millions de frottis sont réalisés chaque année et 90 % d’entre eux le seraient par des gynécologues. Le nombre de généralistes qui pratiquent des frottis serait même en diminution constante [16]. Dans cette étude 80 % des généralistes déclarent pratiquer des frottis et l’on sait que cette pratique relève le plus souvent d’une « auto-formation » (au cours de leurs études, par volonté personnelle en formation continue ou « sur le tas ») [14] et l’on sait aussi que lorsqu’elle a eu lieu, cette auto-formation est correcte (plus de 80 % des frottis sont de bonne qualité) [14]. Il n’en reste pas moins vrai que 20 % de généralistes déclarent ne pas pratiquer de frottis : ceci peut signifier que ces médecins adressent les femmes à leurs correspondants (laboratoire ou gynécologue) pour cet examen, mais peut aussi signifier une attention insuffisante accordée à la prévention.
Conclusion
38L’activité de gynécologie des répondants à cette enquête est très modeste. Pour les plus actifs d’entre eux en ce domaine (1 sur 3), elle représente environ 10 % de l’ensemble de leurs actes. De grandes variations existent d’un médecin à l’autre : si l’ensemble des généralistes semble prêt à assumer de façon occasionnelle des actes de gynécologie, tous ne souhaitent sans doute pas s’engager dans un suivi régulier de leurs patientes. Pourtant, les motifs les plus fréquents de consultation de gynécologie (contraception, suivi de ménopause) relèvent de la gynécologie « de base » et offrent de réelles opportunités de prévention.
39Les obstacles à l’activité de gynécologie par le généraliste sont de natures différentes : certains tiennent aux médecins eux-mêmes (compétence insuffisante, peu d’intérêt pour cette spécialité) ou à leurs conditions de travail (gestion de plusieurs motifs de consultations de façon simultanée), d’autres relèvent des représentations que se font les femmes (ou les médecins eux-mêmes) de ces examens (réticences ou manque de confiance dans leurs capacités pour effectuer ces actes). Ceci pose un double problème : celui de la compétence de ces praticiens et celui de l’équité d’accès au dépistage.
40La redistribution du suivi des femmes des gynécologues vers les généralistes est sans doute possible. La pénurie annoncée des gynécologues dans certaines zones géographiques, les délais d’accès aux spécialistes et l’insuffisance du dépistage de certaines catégories de femmes plaident en faveur de cette redistribution. Cependant, si cette inégalité d’accès à un suivi gynécologique « de base » et au dépistage est très liée à la situation géographique, économique et sociale des patientes, elle semble aussi pour partie liée au « positionnement » du généraliste par rapport à cette activité. Un meilleur investissement en ce domaine suppose une formation initiale efficiente et adaptée, ce qui sera peut-être le cas des plus jeunes médecins qui auront en principe bénéficié d’un stage obligatoire de trois mois minimum en gynécologie. On peut donc penser qu’ils y auront acquis les savoir-faire nécessaires. Pour les autres, la prise en charge des femmes suppose une formation continue qui soit à la fois suivie et qui corresponde aux besoins réels des médecins en exercice dans chaque secteur géographique.
41Au-delà de ces questions de base et pourtant essentielles, la question des dépistages de masse actuellement très débattue reste entière. En dehors d’une prise de position claire et affirmée des experts de santé publique, il est difficile de demander au généraliste un travail d’argumentation critique qui viendrait s’inscrire à la fois contre l’opinion de la profession médicale, du grand public et des responsables des politiques publiques de santé.
REMERCIEMENTS
Au Dr P.L. Broux, gynécologue accoucheur à la Clinique de la Sagesse qui a eu l’idée de ce travail et a permis la réalisation du test du questionnaire lors d’une de ses réunions de FMC.À l’URMLB qui a financé cette enquête dans le cadre de la convention département de médecine générale de Rennes-URMLB.
Aux généralistes qui ont accepté de prendre le temps de répondre à ce questionnaire.
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- 1 Département de Médecine Générale, 2, av. Pr. Léon-Bernard, CS 34317, 35043 Rennes Cedex, France. URMLB, 25 rue Saint-Hélier, 35000 Rennes, France.
- 2 Département de Médecine Générale, 2, av. Pr. Léon-Bernard, CS 34317, 35043 Rennes Cedex, France.
Mots-clés éditeurs : dépistage, médecine générale, santé publique, formation initiale et continue, gynécologie
Date de mise en ligne : 01/01/2008
https://doi.org/10.3917/spub.051.0109Notes
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[1]
Source Sesi (Service des statistiques, des études et des systèmes d’information), 1/1/98.
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[2]
Enquête pour la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (échantillon de 1 000 personnes de plus de 18 ans).
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[3]
Décret de décembre 2002.
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[4]
Plan « cancer » du 24 mars 2003.
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[5]
« L’examen gynécologique » sous-entend la pose du spéculum, l’examen du col, le toucher vaginal et l’examen des seins. Il s’agit bien de la compréhension qu’en ont eu les répondants puisque les corrélations sont retrouvées entre pose de spéculum et frottis tant dans les réponses concernant la pratique que dans celles concernant l’appréciation des compétences.
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[6]
Ordonnance du 24/04/1996 complétée par le décret du 5/12/96.