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Article de revue

Promouvoir la santé des aînés : une question de conception

Pages 303 à 312

Notes

  • [1]
    M.Sc.Infirmière clinicienne spécialisée en géronto-gériatrie. CHSLD de la MRC Champlain, 831 Notre-Dame, St-Lambert (Québec, Canada), J4R 151 et CLSC Montréal-Nord. E-mail : isadomi@sympatico.ca.
  • [2]
    Au Québec, depuis le début des années 1990 et dans la foulée d’un changement de paradigme en regard du rôle de l’individu face à sa santé-maladie, le terme patient est souvent remplacé par client, usager ou bénéficiaire (de services de santé).

1Promouvoir la santé et prévenir la maladie sont des activités liées à la profession infirmière depuis ses débuts. Ainsi, au milieu du XIXe siècle, Florence Nightingale affirmait que les infirmières sont préoccupées de fournir le meilleur environnement possible pour que les forces de la nature permettent la guérison ou le maintien de la santé [19]. Au Québec, la promotion de la santé et la prévention de la maladie font partie du champ d’exercice légal de la profession infirmière depuis 1974. Ces activités ont d’ailleurs été identifiées en 1996 par l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec comme deux des sept catégories d’énoncés descriptifs précisant la nature même de l’exercice de la profession d’infirmière [21].

2Les infirmières québécoises ont donc la légitimité et le devoir d’intégrer ces activités à leur pratique. Mais qu’en est-il de la clientèle âgée ? Promouvoir la santé des personnes âgées : n’est-il pas trop tard rendu à cet âge ? Les interventions de promotion de la santé ne s’adressent-elles pas uniquement aux aînés en bonne forme physique ? Face aux besoins croissants de services infirmiers curatifs et palliatifs, les infirmières en santé communautaire ont-elles encore la possibilité d’intervenir pour un vieillissement sain ?

3Cet article propose une réflexion sur la pertinence et les difficultés des activités de promotion de la santé chez les aînés ainsi qu’un aperçu des activités spécifiques ayant cours dans la pratique quotidienne d’infirmières québécoises œuvrant dans la communauté en services à domicile, dans les cliniques communautaires ambulatoires et les centres de jour pour aînés. Finalement, puisque la majorité des interventions recensées sont axées sur le changement de comportements des individus, nous questionnerons la place de l’approche éco-environnementale et du développement communautaire dans la pratique infirmière actuelle comme moyen de maintenir et d’améliorer la santé de la population.

Promotion de la santé des aînés : Quelle santé ? Pour quels aînés ?

4Depuis quelques années, des centaines d’infirmières québécoises travaillant en centre local de services communautaires (CLSC) dans plusieurs régions du Québec ont adhéré à la vision de la théoricienne Moyra Allen, de l’Université McGill à Montréal. Elles ont adopté un modèle conceptuel en soins infirmiers appartenant à l’école de la promotion de santé appelé modèle McGill. Dans ce modèle, le but premier des soins infirmiers est la promotion de la santé plus précisément le maintien, le renforcement et le développement de la santé de la famille et de ses membres. Cette conception est centrée sur l’apprentissage de comportements de santé ou l’activation des processus menant au développement d’un potentiel de santé [13].

5Ceci est-il réellement applicable auprès de la population âgée ? Certains diront qu’à l’âge de la vieillesse, il est trop tard pour promouvoir la santé car le mal est déjà fait, qu’il est difficile voire impossible aux aînés de modifier leurs comportements ou encore que leur capacité d’apprentissage est trop limitée. En s’appuyant sur la conception de la santé proposée par Allen, nous croyons qu’il est possible d’être vieux et en santé. Il faut cesser de penser santé en terme d’absence de maladie ou d’incapacités. Les infirmières des CLSC qui ont adopté le modèle McGill conceptualisent la santé et la maladie comme des entités distinctes qui cœxistent. Elles sont également convaincues qu’un individu qui a une maladie peut, en même temps, être en santé car celle-ci n’est pas un état mais bien une manière de vivre et de se développer [24].

6Dans cette perspective, la vieillesse même si elle est souvent accompagnée de maladies chroniques et d’incapacités, peut être une période où l’individu demeure en santé. Le vieillissement sain existe même pour ceux qui ont atteint ce qui est qualifié de grand âge. D’ailleurs, plus de 70 % des personnes âgées au Québec demeurent autonomes et n’ont besoin d’aucun service en particulier et ce, en dépit de leurs problèmes de santé [5]. Pour Chappell [3], une insistance exagérée sur la réalité de la maladie peut entraîner un manque d’attention aux pratiques de santé visant à maintenir le bien-être et à prévenir le déclin fonctionnel. À l’instar des autres conceptions infirmières qui ont émergé en Amérique du nord au cours des deux dernières décennies, la cible d’intervention de l’infirmière dans le modèle McGill est l’expérience de santé de la personne et va bien au-delà de la maladie-pathologie.

7Mais est-il possible de stimuler le processus d’apprentissage de l’aîné ? En général, la personne âgée cherche à apprendre pour vivre, pour être et se sentir utile, et pour donner un sens à sa vie [4]. Collin précise que « les situations d’apprentissage chez la personne âgée sont variées et que, au-delà du quotidien, toutes les modifications qui transforment son environnement physique et social l’obligent à apprendre » [4, p. 688]. Peu d’adultes ont à apprendre à faire face à autant de changements biopsychosociaux que les personnes du troisième et du quatrième âge. Si la plupart des personnes âgées s’adaptent bien à leur état de santé et continuent de fonctionner, c’est qu’elles ont été capables d’apprendre.

8Les changements de comportements sont également possibles chez les aînés. La théorie de l’apprentissage social de Bandura s’applique également à eux [20]. Ainsi, les aînés adopteront des comportements bénéfiques pour leur santé si, entre autres, ils croient que le comportement en question leur permettra de résoudre un problème ou atteindre un de leurs objectifs et qu’ils entrevoient pouvoir tirer profit de leurs efforts.

9Toutefois, l’infirmière en santé communautaire qui est convaincue de la pertinence de la promotion de la santé des aînés est confrontée à un obstacle de taille provenant des aînés eux-mêmes. Elle doit en effet tenter de briser l’image stéréotypée du vieillard qui est introjectée par nombre d’aînés, ce qui constitue un obstacle significatif à l’essai de nouveaux comportements de santé. Selon Collin, « la première étape dans l’enseignement aux aînés suppose (…) le désapprentissage des idées préconçues à l’encontre de la vieillesse et le rétablissement chez le client de sa confiance en soi et en ses capacités d’apprendre » [4, p. 703].

10À titre d’exemple, O’Brien Cousin [20] souligne, malgré le fait qu’il soit reconnu que l’exercice physique régulier puisse apporter un remède à la plupart des problèmes de santé des personnes âgées, que celles-ci et leur entourage y sont bien souvent réticents. Cette auteure explique ce fait par la perception qu’ont les gens de la vieillesse qui constituerait une période de déclin inéluctable et de repos nécessaire. Elle ajoute qu’« en traitant le corps vieillissant avec de grands ménagements, comme un être frêle, les médecins renforcent les attitudes négatives à l’égard de la vieillesse » [20, p. 160]. Pour sa part Friedan affirme que la médicalisation du 3e âge amène un grand nombre de personnes âgées à se considérer comme vivant un phénomène pathologique plutôt que des changements normaux [10].

11Le sentiment d’impuissance face à la fatalité de maladies associées au vieillissement serait donc un puissant obstacle à la mobilisation des aînés pour se maintenir et améliorer leur santé. Gauvin [11] encourage les professionnels de la santé à communiquer leur confiance au potentiel d’apprentissage de l’aîné ainsi qu’en sa capacité de pratiquer les comportements de santé malgré la présence de difficultés. C’est ce que fait l’infirmière en santé communautaire qui oriente sa pratique selon le modèle McGill. En tentant de modifier cette vision obscure de la vieillesse dans le quotidien de leur pratique, elle peut influencer favorablement la conception de la santé ainsi que la perception d’efficacité personnelle des personnes âgées.

12Cette conception et les principes qui en découlent s’actualisent-ils vraiment dans la pratique courante des infirmières en santé communautaire ?

Promotion de la santé des aînés au quotidien

13Si vous interrogez les infirmières qui œuvrent auprès des personnes âgées dans la communauté, celles-ci vous diront probablement avec amertume que depuis le virage ambulatoire, c’est-à-dire le transfert de nombreux soins curatifs en milieu extra-hospitalier, la quasi totalité de leur temps est consacrée aux soins curatifs et à la prévention tertiaire. Et pourtant… ces infirmières font beaucoup plus de promotion de la santé, de prévention primaire et secondaire qu’elles ne le croient. Les activités s’y rapportant font partie des soins quotidiens dits invisibles, qui ne font pas toujours l’objet d’entrées statistiques et de plans thérapeutiques infirmiers détaillés.

14Telles que recommandées par l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, la promotion et la préservation de la santé s’effectuent plus souvent dans le contexte d’un processus continu plutôt qu’épisodique [1]. Les infirmières québécoises qui utilisent le modèle McGill conçoivent la santé d’une personne comme la somme de ses habiletés à composer avec les événements de la vie quotidienne et de ses comportements de croissance ; pour elles, la maladie est une opportunité d’augmenter la santé d’un individu et de sa famille.

15Dans cette conception, toute intervention infirmière même curative ou palliative comporte un aspect de promotion de la santé car elle vise l’essai et l’adoption de comportements de santé c’est à dire de façons de composer, de faire face et de s’ajuster aux événements usuels et non usuels de la vie quotidienne avec l’objectif d’un bien-être tel que défini par la personne elle-même. Il est donc possible de promouvoir la santé de toute personne, qu’elle soit du troisième ou du quatrième âge.

16Pour beaucoup de personnes âgées, la santé est déterminée par la préservation de l’estime de soi et de l’autodétermination. La capacité d’exercer un contrôle sur sa vie et la possibilité de faire des choix et de maîtriser son environnement sont essentiels à la santé des aînés. Tamblyn et Perreault y réfèrent comme étant des microdéterminants de la santé des personnes âgée [25]. C’est pourquoi ils suggèrent la création de systèmes d’aide à la décision et à la collaboration au traitement qui permettraient aux personnes âgées et à leur entourage de prendre des décisions éclairées à propos de leur santé.

17D’ailleurs, le modèle McGill et l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec préconisent comme condition essentielle du soin infirmier, un partenariat infirmière-client [2] dans lequel ce dernier est considéré comme l’expert de sa propre santé ainsi qu’un solutionneur de problèmes [12, 21]. On lui reconnaît la capacité de prendre les meilleures décisions pour lui-même et d’assumer ses choix. Ceci est particulièrement pertinent pour la clientèle âgée car les intervenants de la santé et le public en général confondent parfois incapacités physiques et perte d’autonomie fonctionnelle avec perte d’autonomie décisionnelle. Pareillement, on doit considérer qu’une personne avec déficits cognitifs est rarement inapte à décider tous les aspects de sa vie et nous devons en tenir compte dans notre approche.

18Dans cette perspective, Miller et Bohm Œrtel suggèrent aux infirmières des stratégies plus spécifiques afin de prévenir l’impuissance et le désespoir des personnes âgées appelées stratégies d’autonomisation (empowerment) [18]. Ce concept a été décrit comme un déterminant significatif de la santé [27]. Des études infirmières récentes [6-9, 17] ont utilisé cette perspective d’empowerment comme base de leur programme de promotion de la santé mentale d’aînés et de proches aidants.

19Par conséquent, il nous apparaît évident que l’établissement d’une relation de partenariat infirmière-client, visant le maintien ou l’augmentation de la perception de contrôle et la réduction du sentiment d’impuissance, constitue la base des interventions infirmières quotidiennes de promotion de la santé des aînés. Il s’agit là de pratiques de base, auxquelles s’ajoutent des stratégies plus spécifiques.

Stratégies visant l’acquisition et le maintien de comportements de santé optimaux chez les personnes âgées

20Les résultats d’une récente étude québécoise, visant en autres, l’inventaire des activités de prévention et de promotion de la santé pour les personnes âgées de quatre types d’organisations de santé au Québec contredisent la perception courante selon laquelle ce groupe d’âge serait encore peu touché par ce type d’interventions [22]. À l’instar d’une revue de littérature de la Direction générale de la santé publique du Québec [5], cette étude a mis en évidence la prédominance des activités de sensibilisation et d’éducation.

21La plupart des interventions de type individuel et pour petits groupes effectuées par les professionnels de la santé, dont les infirmières, relèvent selon Gauvin [11] d’une approche de type cognitivo-behavioral. L’enseignement de l’auto-surveillance, l’auto-renforcement, l’analyse décisionnelle et la prévention de la rechute sont bien intégrés à la pratique courante des infirmières en santé communautaire. Ainsi, que ce soit dans le cadre d’activités individuelles ou de groupe, les infirmières en santé communautaire travaillent avec leurs collègues des autres disciplines de la santé à :

22– Encourager une vie active et une saine alimentation chez les personnes âgées.

23– Prévenir les chutes et les blessures, la malnutrition, certaines maladies contagieuses.

24– Promouvoir la santé cognitive et la santé buccodentaire.

25– Développer des environnements sains et sécuritaires.

26– Développer le potentiel des familles qui comptent au moins une personne âgée fragilisée.

27– Faciliter les transitions de la vie (veuvage, perte d’autonomie, retraite).

28– Encourager l’utilisation rationnelle des médicaments d’ordonnance et en vente libre chez les personnes âgées.

29– Prévenir et combattre la violence et la négligence à l’endroit des aînés.

30Des chercheures en sciences infirmières ont, depuis quelques années, développé et étudié les effets d’interventions qui, malheureusement, tardent à être appliquées sur le terrain. Ainsi, une équipe de chercheurs a développé et testé des programmes de promotion de la santé mentale de personnes âgées favorisant l’apprentissage de l’auto-efficacité et de la résilience [6-9, 17]. Basé sur le cadre théorique de Lazarus et Folkman [15] dans lequel l’appréciation cognitive et le recours à des stratégies adaptatives ajustées aux stresseurs sont les éléments centraux, ces auteures ont testé un modèle d’intervention comprenant la résolution de problèmes, la restructuration cognitive ou recadrage, ainsi que la recherche, l’obtention et le maintien de soutien social. Cette dernière intervention a été développée par Bergeron, une autre infirmière québécoise [2].

31Les éléments de ce modèle d’intervention ont également fait l’objet d’une étude visant l’évaluation qualitative et constructiviste d’une intervention téléphonique, ayant pour but la réduction du stress de femmes âgées prenant soin d’un proche atteint de démence à domicile [14]. Les résultats de cette étude ainsi que l’expérience clinique de l’auteure suggèrent la pertinence et l’applicabilité terrain de ce modèle d’intervention par les infirmières en santé communautaire.

Une stratégie gagnante : des agents de changement parmi les aînés

32En général, les activités psycho-éducatives de prévention et de promotion de la santé sont animées par des professionnels de la santé. Pourtant, plusieurs projets ont démontré que les moniteurs ou animateurs dits « profanes » sont capables d’enseigner et d’obtenir des résultats semblables à ceux des cours dispensés par des professionnels de la santé [3, 16]. Une revue de littérature rapporte une expérience effectuée dans la région québécoise de l’Outaouais [5]. On y a réalisé un programme visant une saine utilisation des médicaments chez les aînés. Celui-ci concernait plus de 300 personnes âgées et privilégiait l’éducation des aînés par des pairs appartenant à la même collectivité, accompagnés d’une infirmière. Les résultats de cette étude indiquent que de nouveaux comportements ont été adoptés tel la réduction de somnifères.

33Dans la même veine, Voyer a testé une intervention infirmière visant la réduction de la consommation de médicaments psychotropes dans laquelle des aînés, locataires d’une HLM de personnes âgées, sont devenus eux-mêmes des agents de changement [26]. Après les avoir formés, l’infirmier chercheur a soutenu la réalisation d’un feuillet de sensibilisation par ces aînés. Ceux-ci l’ont distribué et expliqué à leurs co-locataires lors de rencontres en groupe et en porte à porte. Telles que déjà mentionnées, « les connaissances sont un pré-requis nécessaire mais non suffisant à l’initiation et au maintien des comportements de santé optimaux » [11]. Il est bien connu que l’influence des pairs, leurs histoires de succès et leur soutien constituent un atout favorable à l’acquisition de comportements de santé. La stratégie de pairs-agents multiplicateurs, souvent employée avec la clientèle jeunesse, est également utile et hautement réalisable chez les aînés qui, une fois convaincus de leurs propres capacités, ont souvent plus de temps à y consacrer que les jeunes. De plus, cette approche s’inscrit dans une stratégie plus large d’empowerment et de responsabilisation des personnes âgées contrant les effets de l’âgisme et de l’attitude paternaliste envers les aînés.

Les approches communautaire, éco-environnementale et populationnelle : où sont les infirmières ?

34Malgré leur qualificatif de communautaires, selon la recension des écrits, les infirmières des CLSC interviendraient peu au niveau des déterminants éco-environnementaux de la santé des aînés. On parle ici d’activités favorisant pour une communauté d’aînés, l’accessibilité au logement, à la nourriture, à un revenu décent, à un environnement sain et sécuritaire, à des interactions sociales satisfaisantes, etc. Est-ce parce que, comme la plupart de leurs collègues des autres disciplines, les infirmières en santé communautaire en ont « plein les bras » à combler les besoins individuels et familiaux de la clientèle qui leur est assignée ? Est-ce parce que le saupoudrage des interventions communautaires des infirmières ne permet pas leur mise en évidence ?

35À l’instar de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada nous constatons qu’il est dommage que la fragmentation des soins infirmiers dans la communauté réduise les possibilités de faciliter l’établissement de liens avec la communauté et que « certains rôles comme le développement communautaire disparaissent (…) des descriptions de fonctions des infirmières communautaires » [1, p. 11]. Pourtant, elles travaillent au cœur même de la communauté et comme le mentionne une infirmière en santé communautaire elles sont comme le « canari dans la mine » puisqu’elles sont bien souvent les premières à savoir quand il y a un problème dans la communauté [1]. On observe, par ailleurs, des collaborations intéressantes d’infirmières avec les organisateurs communautaires de leur CLSC dans une perspective d’intervention éco-environnementale. Il serait pertinent de mieux documenter ces expériences en général informelles, mais très riches et bénéfiques pour la communauté visée.

36L’approche communautaire a été utilisée avec succès par des infirmières. Faisant suite à une vaste recherche-action visant à réduire la consommation de psychotropes par les aînés dans la communauté des Hautes-Laurentides, Saindon Larose et ses collaboratrices soulignent l’importance de cette approche dans la lutte à la surconsommation de ce type de médicaments [23]. Ainsi, dans ce projet, la population a été impliquée dès le début du processus voire même dans la décision de le débuter. Les médias locaux, les associations d’aînés, les organismes communautaires et autres professionnels de la santé y ont collaboré. Depuis, des associations d’aînés organisent régulièrement des groupes d’information et d’échange auxquels les infirmières sont conviées. Les chercheures soulignent que les infirmières occupent une position privilégiée pour agir comme agent mobilisateur du milieu lors des campagnes de promotion et de prévention de la santé, car elles sont en lien continu avec les membres de la communauté et les professionnels de la santé du secteur.

37Pour ce qui est des interventions populationnelles à proprement dit, celles-ci sont, en général, laissées aux quelques infirmières et à leurs collègues des autres disciplines travaillant au sein des Directions générale et régionales de santé publique.

En conclusion

38Malgré la lutte croissante des infirmières en santé communautaire pour maintenir des activités de promotion de la santé et de prévention de la maladie tout en répondant aux besoins croissants en soins infirmiers curatifs et palliatifs à domicile, cette courte et incomplète recension des écrits permet d’apprécier les initiatives infirmières dans ce domaine.

39La promotion de la santé des aînés est présente dans la pratique quotidienne ne serait-ce que par la façon dont les infirmières interagissent avec leur clientèle âgée et favorisent la préservation de l’estime de soi, l’autodétermination et une image non pathologique de la vieillesse. Elles démontrent ainsi leur foi au potentiel de développement et d’adaptation des aînés.

40La promotion de la santé des aînés par les infirmières en santé communautaire au Québec se fait par le biais de nombreux types d’activités dont les plus courantes découlent de l’approche cognitivo-comportementale. Si l’approche éco-environnementale est peu explicite dans les écrits, nous espérons qu’elle n’en demeure pas moins présente dans le quotidien des infirmières qui œuvrent au sein des équipes de services de santé communautaires.

41Comme en fait foi le titre de cet écrit, tout est une question de conception ; conception de l’aîné, de la santé, de la vieillesse, du rôle de l’infirmière et celui des organisations pour lesquelles elle travaille. Dans cette perspective, le choix et l’adhésion à une conception infirmière de l’école de la promotion de la santé tel que le modèle McGill est un facteur facilitant.

42Quant aux gouvernements et organisations de soins de santé, ceux-ci doivent également adhérer à une conception allant au-delà des préoccupations purement financières (le papy-boom va coûter cher, vivement la promotion de la santé et la prévention de la maladie chez les personnes âgées…). Ces activités auprès des aînés méritent de devenir une priorité parce que la vieillesse est une étape enrichissante pour les individus et la société [5]. Il faut croire en la vieillesse. Telle est la conception de l’auteure.

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Mots-clés éditeurs : autonomisation, promotion de la santé, infirmières en santé communautaire, personnes âgées, modèle McGill

Date de mise en ligne : 01/01/2008

https://doi.org/10.3917/spub.042.0303

Notes

  • [1]
    M.Sc.Infirmière clinicienne spécialisée en géronto-gériatrie. CHSLD de la MRC Champlain, 831 Notre-Dame, St-Lambert (Québec, Canada), J4R 151 et CLSC Montréal-Nord. E-mail : isadomi@sympatico.ca.
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    Au Québec, depuis le début des années 1990 et dans la foulée d’un changement de paradigme en regard du rôle de l’individu face à sa santé-maladie, le terme patient est souvent remplacé par client, usager ou bénéficiaire (de services de santé).

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