1Au moment de la rédaction de cet article, je reprends mon travail en crèche après neuf mois consacrés à mon premier bébé. Éducatrice de jeunes enfants, j’ai été amenée à exercer dans plusieurs crèches. Mon rôle de maman m’a rendue très critique sur certaines rigidités de ce mode d’accueil. Pourtant, en ce qui concerne l’accompagnement au sommeil, la bienveillance prédomine le plus souvent.
Au commencement
2Une nouvelle famille arrive pour cette fameuse période d’adaptation ou de familiarisation. Moment important et fort en émotions où nous faisons mutuellement connaissance. La famille est invitée à transmettre des informations à propos du rythme et des habitudes de leur enfant. En ce qui concerne le sommeil, nous cherchons à savoir combien de siestes fait l’enfant, combien de temps elles durent, comment il s’endort (seul dans son lit, bercé dans les bras, avec un doudou…). Pour nous, c’est aussi l’occasion de donner à voir comment nous allons accompagner l’enfant dans son sommeil et où il va dormir.
La mise en place d’un environnement favorable
3Après les premières séparations entre l’enfant et ses parents, l’enfant viendra suffisamment longtemps pour expérimenter une sieste. Le sommeil nécessite d’être suffisamment en confiance pour lâcher prise. C’est pour cela que, durant les premiers jours, nous privilégions des temps de jeux. Viennent ensuite les temps de soins, les repas, et enfin les siestes. Les premiers liens entre l’enfant et les membres de l’équipe ont ainsi pu se tisser. On essaie toujours que seules une ou deux personnes de l’équipe participent à ces moments clés dans un premier temps, afin d’établir une continuité et des repères stables qui rassurent l’enfant. Dit ainsi, cet environnement paraît fluide et évident. Mais cela devient parfois un vrai casse-tête lorsqu’il faut arriver à faire concorder les plannings professionnels (et personnels) de chaque membre de l’équipe et les exigences de l’accueil collectif. J’ai vu de nombreuses fois l’équipe tricoter des solutions au cas par cas en échangeant leurs horaires, en décalant leurs pauses, en anticipant le passage de relais avec une collègue…
Le temps des premiers essais et des premiers accordages…
4Il faut maintenant accompagner l’enfant et lui permettre de lâcher prise pour s’abandonner au sommeil. Sur la base de ce que nous ont transmis les parents, la professionnelle va rester à côté de l’enfant, le bercer, lui chanter une berceuse… Tout dépendra de ses besoins. Bien sûr, il arrive aussi que, malgré la continuité que nous tentons de mettre en œuvre entre l’endormissement à la maison et celui de la crèche, l’enfant n’arrive pas à trouver le sommeil. Commence alors tout un travail d’accordage pour l’équipe.
5Pour une petite fille qui se sentira perdue dans son lit et qui, par ailleurs, est toujours calme à l’extérieur, l’équipe ira chercher une poussette et fera des tours de jardin pour l’endormir. On attendra plusieurs semaines pour, progressivement, mettre la poussette dans le dortoir, et enfin faire accepter son lit à l’enfant.
6Pour un petit garçon qui hurle dès qu’il pénètre dans le dortoir, l’équipe trouvera l’idée d’installer son lit dans la salle de vie. Mais, observant qu’il est gêné par l’agitation du groupe, l’équipe s’inspirera des siestes pratiquées dans les pays nordiques et aménagera un coin pour mettre son lit sur la terrasse jouxtant la pièce de vie. La structure étant équipée de grandes parois vitrées, les professionnelles pourront veiller sereinement sur son sommeil.
7Il arrive parfois aussi que les enfants aient des habitudes que nous ne pouvons reproduire à la crèche. Par exemple, nous avons rencontré une petite fille ne dormant que dans son cosy. Il n’était pas envisageable pour nous de poursuivre cette pratique sur le long terme… mais rien ne presse. Nous avons laissé le temps à l’enfant de bien nous connaître pour qu’elle accepte d’être bercée dans nos bras, et enfin, d’être posée dans son lit.
En grandissant
8Les temps de sieste deviennent de plus en plus collectifs à mesure que l’enfant grandit. La professionnelle n’est plus dédiée qu’à un seul enfant. Pour autant, nous faisons notre possible pour accompagner l’enfant dans son sommeil. Dans un premier temps, chaque enfant est couché et bordé dans son lit. De cette manière, il a l’attention de la professionnelle pour lui seul pendant quelques minutes. Ensuite, à tour de rôle, les professionnelles s’installent à côté de ceux qui ont besoin d’une présence. Selon ses besoins, on peut bercer l’enfant dans son lit, lui caresser les cheveux, lui chanter une chanson, etc. Dans tous les cas, une professionnelle restera toujours dans le dortoir tant que tous les enfants ne seront pas endormis.
En conclusion
9Je tiens ici à rendre hommage aux équipes de crèches qui consacrent beaucoup de temps et déploient toute leur créativité pour essayer d’accompagner au mieux les enfants dans leur sommeil.
10Mais attention, cela demande que les conditions d’accueil soient préservées, sinon améliorées, et que le bien-être des équipes soit protégé. Si les équipes sont contraintes de fonctionner à flux tendu, et ce de manière prolongé, c’est tout ce travail de fourmi, ce petit trésor, qui s’étiole et se perd petit à petit. Si seulement les politiques pouvaient percevoir cette réalité…
Mots-clés éditeurs : Sommeil, accueil collectif, accompagnement, endormissement
Date de mise en ligne : 28/08/2020
https://doi.org/10.3917/spi.094.0070