Couverture de SPI_091

Article de revue

Dodo, l’enfant do…

Pages 128 à 130

Versión en español

1Dormir est non seulement un besoin vital mais il est essentiel à l’individu au quotidien. Pour le tout-petit, le sommeil est fondamental à son développement, c’est un temps d’activité sur le plan physiologique et psychique, c’est un temps d’élaboration des expériences vécues dans la journée et, bien entendu, un temps de repos. Nous allons nous pencher ici sur l’organisation de ce temps dans le cadre d’un multi-accueil.

Définition du « bon sommeil »

2Comment définir le bon sommeil ? C’est peut-être tout simplement la qualité de l’éveil, un enfant actif, disponible aux relations, disponible au monde, est certainement un enfant qui a dormi selon son besoin. La question de la quantité est souvent le critère du bon sommeil, le tout-petit peut être valorisé parce qu’il a dormi longtemps. Inversement, d’un autre enfant, on peut dire qu’il n’a pas très bien dormi, il n’a dormi qu’une heure. Les rythmes de sommeil sont très individualisés et très différents d’un enfant à l’autre. Le sommeil pour le jeune enfant est essentiel à la qualité de son activité d’éveil, donc à son développement. Étonnamment, dans nos structures d’accueil, nous n’empêcherons jamais un enfant de manger (et c’est tant mieux), mais nous pouvons le faire pour le sommeil, tout simplement, pour les plus grands parce que ce n’est pas l’heure de la sieste.

3Un enfant qui dort bien, joue bien et un enfant qui a passé une bonne journée dort bien. La qualité du sommeil dépend aussi de la qualité de l’éveil ; un enfant qui n’a pas pu se reposer quand c’était le moment pour lui ; un autre trop fatigué par les mouvements incessants de la collectivité ; celui qui n’a pas pu développer son jeu comme il le souhaitait, ou l’enfant frustré par le manque de relations individualisées avec l’adulte parce que trop d’enfants à table, ou des temps de soins réalisés trop rapidement. Cela montre encore une fois la fragilité d’une collectivité de tout-petits et l’importance de prendre en compte, pour les professionnels, tous les détails de l’organisation institutionnelle.

L’aménagement

4Souvent, les structures d’accueil petite enfance sont organisées de telle façon que les espaces de sommeil sont le plus éloignés possible de l’espace de vie des enfants. L’idée pour les architectes mais aussi pour les instances de contrôle est de préserver le sommeil des enfants justement pour les raisons évoquées plus haut. Concrètement, la configuration du lieu s’organise comme suit : un espace de vie pour les enfants avec une porte qui donne sur un couloir, couloir qui amène à des espaces de sommeil.

5Dans le quotidien, cette organisation pose quelques problèmes :

6– L’enfant ne peut pas, lorsqu’il en est capable, aller seul dans son lit, cela pose des questions d’autonomie.

7– Isolés, il n’entend pas les adultes et les bruits familiers qui le rassurent dans son sommeil.

8– Pour les professionnels, le lien avec l’espace de sommeil est souvent un interphone qui ne transmet que les sons mais qui ne montre pas un enfant réveillé, peut-être inquiet mais qui ne pleure pas.

9– Cela renforce les allées et venues des professionnels donc les effets de micro-ruptures pour les enfants. Les allées et venues des adultes ne favorisent pas l’attention soutenue et concentrée des enfants. Des protocoles sont actuellement demandés par les instances de contrôle pour garantir la sécurité des enfants, cela se traduit par un passage toutes les dix minutes des professionnels avec signature sur une feuille afin de prouver le passage en cas de problème. En dehors de l’aspect anxiogène de la situation, cela renforce les déplacements des professionnels.

10De nombreuses crèches proposent un autre type d’organisation qui semble plus proche des besoins des enfants et des professionnels. La configuration du lieu s’organise comme suit : les espaces de sommeil sont en lien direct avec l’espace de vie des enfants, il en va de même pour les espaces de soins, les enfants ont accès à leur lit et les professionnels peuvent à tout moment porter un regard sur l’espace sommeil, que ce soit pendant le repas ou durant un temps de soin. Pour l’enfant, le lit devient un espace personnel qu’il peut utiliser à sa guise. Afin de préserver cet espace, il est demandé aux enfants de n’utiliser que leur lit.

11Cette organisation, bien sûr imparfaite – c’est toujours une gageure de vouloir répondre à des besoins très différents chez les enfants (besoin de silence, de lumière, de sombre, etc..) – favorise :

12– l’autonomie de l’enfant, nous observons des enfants qui vont seuls dans leur lit, soit pour dormir, soit pour se ressourcer. La collectivité est très difficile à vivre pour les jeunes enfants, cet espace personnel permet à l’enfant de s’isoler du groupe quand il le souhaite. C’est aussi une forme de prévention autour des conflits. Dans la même idée, les enfants peuvent y apporter des jouets, que l’adulte enlèvera s’il le juge nécessaire au moment de l’endormissement ;

13– le « portage » de l’adulte. Les tout-petits ont d’abord besoin de relations et d’attentions individualisées, le collectif est un non-sens du point de vue de leur développement. L’un des enjeux pour chacun des professionnels est de garantir au mieux la place et la singularité de chaque enfant dans une relation individualisée et, dans le même temps, de porter dans sa tête tous les enfants dont il est référent. Un travail d’artiste ! Cette organisation de l’espace permet de répondre à ce besoin, le professionnel peut accompagner un enfant pendant son repas et garder les autres enfants dans la tête. Il n’est pas en mouvement permanent, il porte le groupe par sa présence continue ;

14– le sommeil des enfants, ils dorment mieux lorsqu’ils restent en lien avec un environnement sonore sécurisant, entendre les voix familières, les sons familiers. L’observation montre que parfois un enfant se réveille, lève la tête, regarde l’adulte, se recouche et se rendort ;

15– le réveil de l’enfant, à ce moment-là, il a besoin de retrouver rapidement ses repères, les adultes en qui il a confiance, les enfants qu’il connaît et l’espace auquel il est habitué.

16Cette organisation spatiale favorise la continuité de la présence de l’adulte et l’accès à un espace personnel pour les enfants. L’attention continue que l’adulte porte à chaque enfant favorise la place de chaque enfant dans la collectivité. Les collectivités qui fonctionnent avec cette organisation sont souvent, dans mes observations, des lieux assez tranquilles dans lesquels l’enfant peut faire émerger sa créativité. Cette organisation nécessite une réflexion sur l’organisation du multi-accueil, afin de préserver au mieux pour chaque enfant sa place dans son lit à chacune de ses venues.


Date de mise en ligne : 05/12/2019

https://doi.org/10.3917/spi.091.0128

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.9.172

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions