Notes
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[1]
Conférence de presse à l’issue du Grand Débat national, le 25 avril 2019.
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[3]
D.M. Diamond, “When a child dies of heatstroke after a parent or caretaker unknowingly leaves the child in a car: How does it happen and is it a crime?”, Med Sci Law, 2019 Apr; 59(2), p.115-126.
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[4]
Source : D. Diamond, “An epidemic of children dying in hot cars: a tragedy that can be prevented”, http://theconversation.com/an-epidemic-of-children-dying-in-hot-cars-a-tragedy-that-can-be-prevented-60909
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[5]
Étude Groupon et Institut Opinium Research, réalisée auprès de 1 501 parents d’enfants de 5 à 16 ans, entre le 28 mai et le 6 juin 2019 en France, Allemagne, Italie, Espagne et Grande-Bretagne.
« La France travaille en moyenne beaucoup moins que ses voisins : on commence plus tard, on part plus tôt et on travaille moins dans l’année. »
Emmanuel Macron [1]
1Vous n’êtes définitivement pas nés à la bonne époque !
2Été 1982. Pour un premier titre, c’est un véritable coup de maître ! Élégance, un groupe français, signe ici tout simplement l’un des plus gros hits de la décennie 80. Son « Vacances j’oublie tout » devient un énormissime tube qui va littéralement enflammer tous les dancefloors de l’Hexagone. Qui n’a pas fredonné la rengaine, bêtifiante, de son refrain, devenu intemporel ?
3« Vacances j’oublie tout
4Plus rien à faire du tout
5J’m’envoie en l’air ça c’est super
6Folie légère
7Vacances j’oublie tout
8Plus rien à faire du tout
9J’m’envoie en l’air ça c’est super
10Folie légère
11C’est fou ! »
12Bon, après la chansonnette, offrons-nous un remake de mauvais goût du film culte des années 90 Maman j’ai raté l’avion !. Mars 2019. Une jeune mère, passagère d’un vol au départ de Djeddah en Arabie Saoudite et à destination de Kuala Lumpur en Malaisie, a eu le choc de sa vie quand elle a réalisé qu’elle avait involontairement oublié son bébé dans le terminal de l’aéroport. Après qu’elle eut alerté le personnel de cabine de cet oubli, l’avion a fait demi-tour pour revenir à l’aéroport Roi-Abdelaziz où la maman a pu retrouver son bébé. The Telegraph, le journal londonien, qui relate cet événement [2], conclut : « Les circonstances qui l’ont amenée à oublier le bébé restent inconnues. »
13Juillet 2012. Au moment d’embarquer pour la Grèce, à l’aéroport de Katowice, un couple de Polonais s’est aperçu que les papiers de leur cadette, 2 ans, n’étaient plus valides. Ni une ni deux, ils ont déposé la gamine au guichet d’information de l’aéroport et promis au personnel, stupéfait, que la grand-mère de l’enfant ne tarderait pas à venir la récupérer. Et ils ont pris l’avion… La fillette a bien été récupérée par ses grands-parents et aucune procédure, judiciaire ou autre, n’a été déclenchée, au retour de leurs vacances helléniques – édéniques ? –, à l’encontre de ses parents, pourtant initialement menacés de poursuites pour « mauvais traitements à enfant » et qui avaient, selon la police locale, volontairement oublié leur enfant à l’aéroport.
14David Diamond est professeur de psychologie, pharmacologie et physiologie moléculaires, directeur du programme de collaboration en neurosciences et du centre de recherche préclinique et clinique sur le sspt (syndrome de stress post-traumatique), à l’université de Floride du Sud. Il étudie le cerveau et la mémoire depuis les années 1980 – peu de chances cependant qu’il ait entendu parler d’Elégance et de son « Vacances j’oublie tout ». Depuis 2004, il est devenu le grand spécialiste du syndrome du bébé oublié (fbs, Forgotten Baby Syndrome). En particulier, ces bébés que leurs parents oublient dans leur voiture sous des températures caniculaires et qui parfois meurent d’hyperthermie, alors qu’eux se consacrent à leurs activités quotidiennes. Depuis 1998, aux États-Unis, plus de 800 enfants sont ainsi décédés ou ont subi des lésions cérébrales majeures à la suite de ces « oublis » parentaux (en 2018, plus de 50 enfants en ont été victimes).
15On est rapidement tenté de penser dans ces situations que les parents sont négligents, inattentifs, souvent d’ailleurs ils seront poursuivis pour mauvais traitements ou carence. Mais les études et recherches du Pr Diamond rappellent qu’ils sont aimants, attentifs, soucieux de leurs enfants et ne présentent nulle psychopathologie ; les familles sont émotionnellement détruites lorsque ces événements dramatiques adviennent, et se débattent entre chagrin et culpabilité des années durant. Le scientifique américain note cependant que les parents concernés étaient souvent débordés, épuisés et privés de sommeil. Il s’inquiète d’ailleurs de ce stress permanent qui habite les nouveaux parents et qui serait à l’origine de l’accroissement inquiétant de ces « oublis ». Mais pour David Diamond, nul doute, il s’agit là exclusivement d’une défaillance mnésique [3].
16Précisons. La mémoire usuelle – celle que les neuroscientifiques appellent épisodique, la mémoire des événements – que nous utilisons dans la vie de tous les jours n’est pas seulement rétrospective, c’est-à-dire destinée à rappeler des événements passés. Nous utilisons également notre mémoire pour nous souvenir d’actions que nous avons l’intention d’effectuer dans le futur. Cette part de notre mémoire, dite prospective (mp), a connu des développements récents et considérables, on la qualifie encore de « mémoire du futur » ou de « mémoire des intentions » : elle est en jeu quand, par exemple, nous devons nous souvenir de payer une facture, de transmettre un message à quelqu’un, de se rendre à un rendez-vous..., enfin, quand il s’agit de se souvenir de faire ou de dire quelque chose au moment opportun. Il n’est pas difficile d’imaginer les désagréments occasionnés par des défaillances de cette mémoire prospective : oublier de retirer à temps un plat du four, passe encore ; oublier son enfant qu’on devait déposer à la crèche dans sa voiture sur le parking de son entreprise, peut avoir des conséquences catastrophiques !
17Pour David Diamond, notre cerveau, multitâche, est mal servi par notre mémoire, défaillante : il existe en effet une compétition entre « mémoire d’habitude » et « mémoire prospective » ; la quantité d’attention et de concentration allouée à l’activité concurrente en cours qu’il faut interrompre pour se souvenir d’une action prévue serait également déterminante. La mémoire d’habitude fait référence à des tâches qui impliquent des actions répétitives effectuées automatiquement, en peu comme en pilotage automatique, se rendre d’un lieu connu à un autre en voiture tous les jours par exemple, ranger quotidiennement ses affaires dans un meuble… Régulièrement, le système de mémoire d’habitude prévaut, et voilà tel ou tel événement de mémoire prospective qui passe aux oubliettes. Vous devez, par exemple, en rentrant chez vous, interrompre votre trajet habituel pour prendre un vêtement au pressing qui est sur votre route. Vous vous retrouvez chez vous et c’est quand on vous demande si vous êtes bien passés au pressing que : « Oh zut ! J’ai totalement zappé ! » Notre système de mémorisation des habitudes nous a ramenés directement à la maison, supprimant ainsi l’intention (mp) que nous avions de nous arrêter au pressing.
18Allons jeter un rapide coup d’œil sous notre crâne, pour comprendre un peu mieux comment les systèmes de mémoire entrent en compétition. La mémoire prospective est traitée par deux structures cérébrales : l’hippocampe, qui stocke toutes les nouvelles informations, et le cortex préfrontal, qui est essentiel pour préparer l’avenir. L’hippocampe permet ainsi par exemple de se rendre compte qu’un enfant est dans la voiture. Le cortex préfrontal permet aux parents de planifier un itinéraire, y compris le projet de déposer leur enfant à la crèche, en se rendant au travail.
19Le système de mémoire cérébrale d’habitude est lui organisé autour de noyaux gris centraux, ce qui permet aux personnes d'effectuer des tâches répétitives automatiquement. Les souvenirs d’habitude abondent dans notre vie quotidienne – fermer la porte de son appartement, attacher ses lacets, consulter ses messages... Cela s’applique également aux enfants laissés sans le savoir dans des voitures. Lorsque nous empruntons à plusieurs reprises un itinéraire fixe, entre notre domicile par exemple et notre lieu de travail, la mémoire d’habitude peut remplacer les plans stockés dans notre mémoire prospective.
20Selon le Pr Diamond, chaque jour, les gens accomplissent des tâches qui deviennent routinières, impliquent peu de pensée consciente et sont donc régies par cette partie du cerveau appelée cortex moteur. Un bon exemple est le trajet quotidien entre le domicile et le travail en empruntant le même itinéraire. Finalement, nous pouvons le faire apparemment sans réfléchir. Mais voilà, il y a une autre partie du cerveau qui est sollicitée quand on doit prendre une décision claire, par exemple, s’arrêter au pressing en rentrant du travail. C’est l’hippocampe, qui contrôle la partie cognitive de notre cerveau. Diamond explique que, dans le syndrome du bébé oublié, la partie de la mémoire motrice de notre cerveau entre en compétition avec la partie cognitive : le cortex moteur surpasse le cerveau cognitif et amène le parent à oublier que son enfant se trouve dans la voiture. Il passe sa journée sans se souvenir de son intention de déposer son enfant et il a même hâte de le retrouver le soir. Mais…
21Pas grand-chose de commun donc entre la maman de cet enfant oublié dans la salle d’embarquement de Djeddah et les parents de cette fillette oubliée à l’aéroport de Katowice. Vraiment ? Tout ne serait donc qu’une « simple » affaire de mémoire défaillante et de compétition cérébrale ? Vous avez d’autres hypothèses ?
22Opinium, organisme de sondage, a interrogé pour le site Groupon [5] 1501 parents d’enfants provenant de plusieurs pays européens, sur leur ressenti pendant les vacances. Les résultats, en France, sont surprenants et définitifs ! L’organisation des vacances est un vrai challenge pour 22 % des mères interrogées, stressante pour 28 % d’entre elles, voire accablante pour 8 %. Un sentiment particulièrement présent chez les personnes divorcées (36 %). Au total, 28 % des mères seulement trouvent cette période agréable contre 35 % des pères. Près de la moitié des mamans (41 %) affirment que l’organisation de la vie de famille pendant les vacances est plus stressante qu’un déménagement, un mariage ou même une demande de prêt. Plus fou, une maman sur trois déclare même préférer remplir sa déclaration d’impôt plutôt que d’organiser les vacances avec les enfants ! Au total, les vacances d’été sont une source de stress important pour les parents. Trente-huit pour cent des parents interrogés culpabilisent de faire rester leurs enfants à la maison plutôt que de leur proposer des activités ou sorties. Cette pression est telle qu’elle a déjà poussé plus d’un parent sondé sur quatre (27 %) à poser un congé maladie pour passer plus de temps auprès de leurs enfants pendant l’été !
23Si l’on en croit ce sondage, mieux vaudrait aussi se tenir à l’écart des réseaux sociaux en période estivale, puisqu’ils décupleraient la culpabilité des parents, face à l’injonction de la famille parfaite, et de l’été parfait.
24Près d’un tiers des parents interrogés (29 %) déclarent ressentir un pic d’anxiété lorsqu’ils regardent les photos de vacances des enfants sur les réseaux sociaux. Trente-trois pour cent sont stressés lorsque leur enfant évoque les photos des activités estivales de leurs amis sur Facebook ou Instagram. Pour compenser, plus d’un cinquième des parents (22 %) estime devoir dépenser plus pour faire bonne impression sur Instagram et Facebook ! En effet, dans l’espoir d’alléger leur conscience, 76 % des sondés se disent poussés à mettre davantage la main au porte-monnaie. Les papas seraient les plus dépensiers : 83 % d’entre eux achètent des cadeaux à leurs enfants, contre 70 % des mamans qui culpabilisent.
25Vacances, j’oublie tout… Qu’en pensez-vous ?
Notes
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[1]
Conférence de presse à l’issue du Grand Débat national, le 25 avril 2019.
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D.M. Diamond, “When a child dies of heatstroke after a parent or caretaker unknowingly leaves the child in a car: How does it happen and is it a crime?”, Med Sci Law, 2019 Apr; 59(2), p.115-126.
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Source : D. Diamond, “An epidemic of children dying in hot cars: a tragedy that can be prevented”, http://theconversation.com/an-epidemic-of-children-dying-in-hot-cars-a-tragedy-that-can-be-prevented-60909
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Étude Groupon et Institut Opinium Research, réalisée auprès de 1 501 parents d’enfants de 5 à 16 ans, entre le 28 mai et le 6 juin 2019 en France, Allemagne, Italie, Espagne et Grande-Bretagne.