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Article de revue

Attachement, fonction contenante et rigidités contemporaines

Et si « contenir » redevenait la meilleure façon de soutenir les parents et leur nouveau-né ?

Pages 18 à 26

1 Au cours des dernières décennies, les recherches portant sur la vie psychique du nouveau-né et de la dyade qu’il forme avec le parent ont profondément pénétré le discours diffusé dans les maternités et dans toutes les sphères professionnelles de la périnatalité, notamment en ce qui concerne le fameux concept d’« attachement ». L’attachement, ainsi que toutes ses variantes non souhaitées (insécure, désorganisé ou encore ambivalent), est devenu graduellement le justificatif sous-jacent à une foule de recommandations faites aux parents de nouveau-né, souvent dès l’annonce de la grossesse.

2 Si elles reposent sur des données probantes rigoureuses et dont on ne peut réfuter la justesse, ces recommandations, lorsqu’elles s’adressent aux parents, prennent bien souvent les allures d’une « trousse d’attachement sécure pour nouveau-né », composée majoritairement d’une liste de comportements normatifs et logée sous le libellé : « favorisera un bon attachement mère-enfant ».

3 Si la noblesse des intentions d’une telle démarche ne fait aucun doute, nous devons être conscients des possibles dérives de ce discours qui, en souhaitant aider les parents à développer un attachement optimal avec leur enfant, encourage possiblement, sans le savoir, l’adoption de postures contraires à la création et au maintien d’un bon attachement.

4 Une plongée dans la compréhension des processus psychiques impliqués dans les phénomènes d’attachement nous conduit à nous interroger : se pourrait-il que nous ayons oublié à quel point la relation d’attachement parent-enfant réfère à un « intime » qui ne se standardise point ?

5 Par ailleurs, notre expérience clinique auprès des parents et des enfants nous amène à constater une rigidification graduelle dans les processus de pensées et de comportements chez les parents de nouveau-né. Les nouveaux parents, en effet, semblent de plus en plus chercher dans nos cabinets des « réponses », des diagnostics, et « des conseils clé en main » plutôt que l’atteinte d’un mieux-être ou d’une plus grande compréhension de ce qui surgit dans leur aventure parentale personnelle. C’est comme si l’évitement de la rencontre avec soi devenait de plus en plus normalisé.

6 Nous nous questionnons sur ce qui pourrait contribuer, dans le discours ambiant, dans la culture actuelle des soins périnataux, à renforcer chez les parents cette tendance à chercher « au-dehors » d’eux et du champ relationnel les liant à leur bébé, les attitudes et les comportements à adopter face à celui-ci. N’est-il pas commun d’observer chez les parents contemporains cette tendance à chercher dans les milliers de guides qui pleuvent sur la question, les bonnes « recettes » comportementales face à leur nouveau-né ?

L'attachement : une question de synchronisation

7 Reprenons d’abord quelques données faisant l’objet d’un large consensus dans la littérature psychanalytique autour du concept de l’attachement. En 1947, le psychanalyste Donald Winnicott affirmait : « un bébé tout seul, ça n’existe pas » (Winnicott, 1972, p. 103-112) soulignant, par une de ses formules chocs, à quel point non seulement le couplage parent-enfant est nécessaire à la survie psychique (et physique) du nouveau-né, mais aussi combien ce dernier est « immergé » dans la matrice psychique de la mère, dans une symbiose quasi totale. « Le potentiel inné d’un enfant ne peut devenir un enfant s’il n’est couplé à des soins maternels », énonçait-il (Winnicott, 1960, p. 366).

8 La psychanalyste Irène Krymko-Bleton résume ainsi le parcours précoce du nouveau-né de la naissance jusqu’au début de la formation de son appareil psychique propre : « La naissance amorce donc un long processus de séparation. Pour que ce processus puisse se dérouler sans traumatisme, il faut qu’il suive le rythme personnel de l’enfant » (Krymko-Bleton, 2007, p. 24). Cet ajustement se fait par une sorte d’accordage continuel et répétitif entre la mère et le bébé. La mère est empathique à l’égard des besoins et des demandes de l’enfant et, par ses réponses comportementales et/ou d’attitudes, elle installe une sorte de cycle de réponses à l’enfant qui lui permet de renforcer l’apparition de son « moi ». Graduellement, le bébé arrive à se détacher de ce soutien sur le plan psychique, possédant de plus en plus son propre « appareil psychique » qui lui permettra de créer ses propres représentations internes. La plus ou moins bonne synchronisation de la mère aux besoins de l’enfant créera ou non chez ce dernier un sentiment de « continuité d’être » plutôt qu’un sentiment de rupture face au monde extérieur ou intérieur.

9 Krymko-Bleton poursuit en disant : « Si les soins sont inconstants ou ne sont pas basés sur l’empathie mais sur des connaissances acquises, la personnalité s’édifie sur des réactions à l’empiètement. Les mères qui ne sont pas capables de cette empathie ne peuvent être rendues bonnes par un simple effet d’apprentissage. C’est la personnalité profonde de la mère – qui s’exprime d’abord par la communication non verbale – qui marque le développement du nourrisson » (Krymko-Bleton, 2007, p. 24).

10 Ainsi, lorsque nous sommes devant une mère et son bébé, nous nous trouvons face à un univers foncièrement intime où la « personnalité profonde » de la mère est en train de se révéler, parfois même au plus grand désarroi de celle-ci, guère satisfaite de rencontrer ce qu’elle n’avait pas soupçonné d’elle-même jusque-là. La maternité n’est-elle pas, en effet, l’occasion, pour toute mère, d’une expérience de rencontre avec elle-même ? Le bébé conduit inévitablement la mère à faire face à sa façon toute personnelle de s’ajuster, ou non, à cet être fusionné, immergé au plus profond de sa propre psyché. La prise en compte, alors, de son propre fonctionnement psychique, des représentations qu’elle porte, des traumatismes qui l’ont marquée et de l’allure de sa fonction contenante, sera nécessairement conviée dans toute intervention visant à l’accompagner vers une synchronisation mère-enfant optimale.

La fonction contenante : comment le bébé intériorise « le contenant » de la mère

11 Les représentations de l’appareil psychique et de ses fonctions sont nombreuses dans la littérature psychanalytique. Afin de mettre en lumière comment l’attachement et la création de l’appareil psychique de l’enfant sont profondément liés, prenons ici un schéma proposé par Lebigot dans son article portant sur les traumatismes psychiques (Lebigot, 2009). Nous nous permettrons d’ajouter au schéma originel de Lebigot des éléments conceptuels portant sur les fonctions d’alphabétisation des contenus propres aux théories soutenues par plusieurs psychanalystes, dont Antonino Ferro (Ferro, 2010) (figure 1).

12 Rappelons que le processus de synchronisation décrit ci-dessus fait appel à des fonctions maternelles (ou parentales) différentes, qui, en s’enchaînant les unes aux les autres, sont à la base de ce fameux « cycle d’ajustement » qui, lui, se fait « créateur de l’attachement ».

13 Ferro (2010) illustre magnifiquement la mécanique psychique de la fonction contenante, en introduisant notamment le concept de l’alphabétisation. Apparentée aussi à ce que Winnicott nomme le « holding », la fonction d’alphabétisation peut se décrire de la manière suivante.

14 Imaginons que le bébé, constamment envahi par une foule de sensations internes et externes, exprime, par ses gestes, ses cris, son attitude en général, des besoins qui sont dirigés vers la mère. Représentons-nous un ensemble de « particules » flottant constamment dans le champ relationnel mère-enfant. Ces particules pourraient être nommées les « éléments béta » pour faire référence au fait précis qu’elles ne sont pas encore « nommées, alphabétisées » et qu’elles n’ont pour ainsi dire pas de « représentations mentales », ni pour la mère ni pour le bébé (ibid.). La première fonction de la mère est donc de « capter » ces particules et de les passer au travers de ce que l’on pourrait nommer son « appareil à penser » (Bion, 1964) et qui pourrait se comparer à une fonction digestive. La mère capte les particules « non digestes » que l’enfant lui envoie. Elle les « digère » avec son appareil à penser en les passant au travers de ses propres canaux d’alphabétisation. Surgissent alors en elle des mots, des représentations, une « idée » de ce dont son bébé a besoin. Elle peut ou non le lui dire : « Oh, tu as envie de téter », « tu as froid », « tu veux les bras », etc.

L’attachement mère-enfant permettrait de constituer ce qui deviendra le « contenant psychique » de l’enfant, puisque ce dernier intériorisera d’abord la fonction contenante puis la fonction de pare-excitation agies par la mère dans leurs interactions précoces.

15 Cette première étape permet à la mère et au bébé d’expérimenter quelque chose de la fonction contenante. Ainsi, avant même qu’il y ait eu parole, avant même qu’il y ait eu geste, il y a contenance ; le bébé, compris par sa mère, se sent « contenu » (hold), tout comme elle se sent aussi contenue du fait d’avoir su digérer les éléments béta dont elle était, en quelque sorte, « bombardée ».

16 Vient ensuite la deuxième fonction maternelle qui consiste à poser un ou plusieurs gestes qui permettent la diminution de l’excitation ressentie par le bébé. Cette fonction est nommée « pare-excitation » ou encore « handling » par Winnicott (1992). Ainsi, la mère, après avoir « pensé son bébé », pose une série de gestes qui aident ce dernier à calmer le flot continuel de sensations qui l’habitent. Elle le nourrit, le change, le berce, etc.

17 C’est l’alternance répétée et cyclique de ces deux fonctions qui permet ce que nous nommions plus haut la synchronisation mère-enfant, à la base de l’attachement.

18 Il est aussi formidable de constater que ces deux fonctions, en étant intériorisées graduellement par l’enfant, dressent les contours de ce qui deviendra l’appareil psychique en lui-même, tel que représenté dans la figure 1. Ainsi, l’enfant intègrera ses propres canaux d’alphabétisation, qui lui permettront de « digérer » ou de symboliser les divers contenus béta auxquels il est exposé. Il aura intériorisé une barrière de pare-excitation, qui se sera constituée à partir des gestes de pare-excitation posés par la mère. Cette barrière permettra au psychisme de se protéger, en s’assurant que les « corps étrangers » passent d’abord par les canaux d’alphabétisation avant de s’introduire dans le psychisme.

19 L’attachement mère-enfant permettrait donc de constituer ce qui deviendra le « contenant psychique » de l’enfant, puisque ce dernier intériorisera d’abord la fonction contenante puis la fonction de pare-excitation agies par la mère dans leurs interactions précoces.

Figure 1

Figure 1

Et nous, que pouvons-nous contenir ?

20 Que se passe-t-il lorsque nous nous trouvons devant une dyade mère-enfant et que nous observons ce qui s’apparente, à nos yeux, à une « défaillance de la fonction contenante » chez la mère ? Prenons un cas de figure qu’il nous arrive tous de rencontrer lorsque nous côtoyons des mères et des bébés. Le bébé pleure, la mère, chargée des éléments béta dont elle est bombardée, se trouve soudain elle-même submergée, envahie par sa propre impuissance, incapable, pour des raisons issues possiblement de sa propre histoire infantile, d’alphabétiser son enfant, de le penser, et donc, de lui fournir une réponse pare-excitante ajustée. En d’autres termes, le contenant de la mère « déborde », et il y a rupture empathique entre elle et son bébé. Imaginons ensuite que les éléments béta non contenus par la mère se mettraient à nous atteindre aussi, comme s’ils cherchaient à tout prix un contenant capable de les digérer.

21 Comme dans une mise en abîme de l’échec de la fonction contenante, nous devenons souvent chargés nous-mêmes de tous ces éléments, ce qui nous pousse à nous activer pour faire diminuer l’angoisse suscitée par cette pression sur notre propre barrière de pare-excitation. De là peut résulter notre promptitude à faire déferler sur la mère une tonne de conseils du type « pare-excitant » – changez-le, bercez-le, avez-vous essayé ceci ou encore cela ?

22 Pensons ainsi à toutes ces interventions éducatives qui jalonnent le parcours des parents qui viennent d’accueillir un enfant : allaitement, sommeil, pleurs, alimentation, etc. Nous avons tous tant de choses à leur apprendre sur leur nouveau-né. Si les parents sont d’abord accueillis, entendus et « contenus » dans une relation où l’empathie est au premier plan, alors les conseils peuvent être les bienvenus, bien entendu. La transmission de tout ce savoir n’est pas à proscrire dans son entièreté. Toutefois, tout comme une mère qui ne saisirait pas ce que son enfant réclame, et qui multiplierait à son endroit les gestes de pare-excitation sans succès, il arrive que les intervenants, armés de leurs bonnes intentions et de leurs conseils, installent une situation relationnelle d’empiètement qui n’aura pas pour effet de favoriser le développement de l’attachement parent-enfant, bien au contraire.

23 La mère, se trouvant confirmée dans son incapacité à trouver en elle ce que son bébé réclame, aura encore davantage tendance à chercher « au-dehors » le prochain conseil lui permettant d’être en action face à l’angoisse ressentie lorsqu’elle se trouve bombardée d’éléments béta.

24 Et si nous essayions de contenir, dans un premier temps ? Et si nous activions nos propres canaux d’alphabétisation en les tournant vers ce qui se passe chez la mère, et non uniquement chez le bébé que l’on cherche à décoder comme s’il « existait seul » ? Ne serions-nous pas, alors, comme dans une forme d’« emboîtement de contenance », en train de permettre une réparation graduelle de la fonction contenante de cette mère, afin que celle-ci puisse, dans un deuxième temps, exercer auprès de son bébé ce qu’il a tant besoin de recevoir d’elle, et non de nous ?

25 « Vous ne trouvez pas ce qu’il a, n’est-ce pas ? » « Vous cherchez, mais vous ne savez pas trop… » « Voyons ce que vous ressentez maintenant », autant de phrases qui, appuyées sur une réelle empathie envers l’expérience difficile vécue par la mère dans ce moment précis, pourraient amener cette « mère-au-contenant-débordant » à se réapproprier graduellement son expérience, en la symbolisant, en trouvant en elle-même le signifiant, le symbole qui concerne à la fois son bébé et cet « elle-même intime » qu’elle seule peut connaître et qui est parfois antérieur au langage. Bien sûr, tout comme il arrive que la mère ne trouve pas du premier coup ce qui calmera son bébé, il se peut tout à fait que l’intervenant qui cherche à soutenir la mère ne le trouve pas non plus dès la première tentative. Mais le fait d’être dans cette recherche de synchronisation installe déjà une interaction moins rigide entre le professionnel et le parent, interaction que le parent aura tendance à chercher à recréer avec son enfant.

Si les parents sont d’abord accueillis, entendus et « contenus » dans une relation où l’empathie est au premier plan, alors les conseils peuvent être les bienvenus.

Qu’en est-il pour les mères traumatisées ?

26 Dans leur ouvrage Traumatic Childbirth, Beck, Driscoll et Watson rappellent que 33% à 45 % des femmes perçoivent leur accouchement comme traumatique (Beck et coll., 2013, p. 21). Si ces chiffres impressionnent, ils correspondent malheureusement aux récits que nous rencontrons en clinique d’enfants. De fait, bien que les symptômes pour lesquels les parents consultent en psychologie soient parfois bien éloignés, à première vue, des histoires de naissance, il n’est pas rare que soit ravivée en séance une histoire d’accouchement traumatique ayant plongé la mère dans un état qui se serait prolongé dans les premiers mois, voire les premières années de la vie de l’enfant. Alors que tous saluaient l’arrivée d’un bébé « en bonne santé », il arrive en effet trop souvent que la mère, elle, aborde le début de la vie de son nourrisson avec une fonction contenante bien « abîmée ».

Figure 2

Figure 2

27 Afin d’illustrer cette situation, reprenons le schéma proposé par Lebigot, que nous compléterons à nouveau par les notions d’alphabétisation et de contenance.

28 Lebigot définit le trauma psychique comme étant « une rencontre avec le réel de la mort » qui, de par l’effroi qu’il crée, franchit par « effraction » la barrière de pare-excitation, en venant se loger au cœur des représentations psychiques internes de l’individu, mais sans avoir été pour autant « digéré » (Lebigot, 2009, p. 202). En d’autres termes, le trauma pourrait être vu comme un énorme contenu béta qui, n’étant pas passé par les canaux d’alphabétisation de l’individu, viendrait occuper, un peu comme une prise d’otage, une partie du « contenant psychique » de celui-ci, rendant d’office indisponible une partie de ses représentations psychiques et de sa fonction contenante.

29 Les mères qui ont vécu un accouchement traumatique, si elles n’ont pas toutes été directement placées face à ce que Lebigot nomme « le réel de la mort », font largement état de tous les phénomènes « d’objectivation de leur expérience » en les associant au déclenchement chez elles de phénomènes psychiques propres au trauma (Beck et coll., 2013).

30 Ainsi, le fait de ne plus être considérées comme « sujet de leur expérience », de se sentir dépossédées, voire « déshumanisées », dans un contexte où les protocoles appliqués relevaient, directement ou implicitement de la « protection de la vie de la mère et du bébé », serait directement associé à des effets de dissociation chez la mère. La psyché, face à une intrusion trop grande d’éléments dont elle ne maîtrise pas la « digestion », se coupe automatiquement d’une partie d’elle-même, tel qu’illustré dans la figure 2. Le fait d’être envahie par des sensations intenses, lors de l’accouchement, et de ne plus être considérée comme au centre de cette expérience, peut ainsi générer chez la mère des phénomènes de dissociation, et, dès la naissance, rendre la mère déjà moins capable de contenir ce qui lui arrive, de « symboliser » cet état de changement profond qui survient en elle, alors qu’elle devient mère d’un bébé séparé physiquement d’elle, mais tout encore fusionné à elle sur le plan psychique.

31 La rigidification des processus mentaux utilisés suite à une expérience traumatique devient, en ce sens, tout à fait inévitable. La « vision corridor » adoptée suite à une dissociation est en fait un réflexe de survie psychique automatique, qui permet de laisser de l’autre côté de la barrière dissociative les contenus non digestes, afin de « passer au travers de la situation ». Ce réflexe, s’il permet à la personne de « survivre » au moment, entraîne du même coup une diminution de la capacité du sujet à percevoir la complexité des situations, de la capacité de faire les nuances, et surtout, de la capacité à se fier à soi dans une situation génératrice d’angoisses (Brothers, 2008).

32 Se pourrait-il que les mères, en faisant l’expérience d’une désappropriation de ce qui leur arrive, dans un contexte où la mise au monde est hautement médicalisée, soient exposées, dès l’accouchement, à cette tendance à chercher « au-dehors » d’elles-mêmes les réponses à ce qui surgit dans leur expérience de parentalité ?

33 Après un accouchement traumatique, la rigidité et la recherche de « conseils de pare-excitation » deviendraient alors la perpétuation d’un mode de survie, d’une sorte de tentative effrénée pour ne pas se trouver à nouveau submergée, alors que la mère investit son nouveau-né avec une fonction contenante diminuée. Mais cette fuite vers le dehors mène malheureusement bien souvent à la création d’un attachement marqué par un empiètement, qui provoque chez l’enfant une série de réactions à cet envahissement. Ces réactions peuvent prendre la forme de symptômes psychosomatiques ou psychologiques divers. La fonction contenante des intervenants en périnatalité, qu’ils soient psychothérapeutes ou non, devient donc ici cruciale, lorsqu’il s’agit de permettre à une mère de retrouver graduellement sa propre capacité à symboliser son expérience de mise au monde, de récupérer pour elle, psychiquement, son premier geste de mère, et de recouvrer ainsi sa capacité à « penser son bébé » et à réinstaller avec lui une interaction basée sur l’empathie. En d’autres termes, la réhabilitation de l’empathie comme étant la base de toute intervention éducative auprès des parents deviendrait ici directement associée à une optimisation des relations d’attachement entre les parents et les enfants de nos sociétés.

Se pourrait-il que les mères, en faisant l’expérience d’une désappropriation de ce qui leur arrive, dans un contexte où la mise au monde est hautement médicalisée, soient exposées, dès l’accouchement, à cette tendance à chercher « au-dehors » d’elles-mêmes les réponses à ce qui surgit dans leur expérience de parentalité ?

Bibliographie

Bibliographie

  • Beck, C.T. ; Driscoll, J.W. ; Watson, S. 2013. Traumatic Childbirth, New York, Routledge.
  • Bion, W.R. 1964. « Théories de la pensée », Revue française de psychanalyse, vol. 28, n° 1, p. 75-84.
  • Brothers, D. 2008. Toward a Psychology of Uncertainty: Trauma-Centered Psychoanalysis, New York, Psychoanalytic Inquiry Book Series, Analytic Press.
  • Ferro, A. 2010. L’enfant et le psychanalyste, Toulouse, érès.
  • Kymko-Bleton, I. 2007. « Attachement et psychanalyse : un roman familial », Psychologie Québec, 24, 3, p. 24-25.
  • Lebigot, F. 2009. « Le traumatisme psychique », Stress et trauma, 9, 4, p. 201-204.
  • Winnicott, D.W 1960. « La théorie de la relation parents-nourrissons », dans De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1969.
  • Winnicott, D.W. 1972. « Le bébé en tant que personne » (1947), dans L’enfant et le monde extérieur : le développement des relations, Paris, Payot, p. 103-112.
  • Winnicott, D.W. 1989. De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot.
  • Winnicott, D.W. 1992. Le bébé et sa mère, Paris, Payot.

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