Couverture de SPI_034

Article de revue

Témoignage

Les nuits de Diane à l'hôpital...

Pages 48 à 50

1 Diane a été hospitalisée un jeudi vers 16 h 30. Après une admission aux urgences, nous sommes transférées vers le service pneumologie. Une interne nous attend et nous annonce, au vu des examens, que Diane pourrait passer jusqu’à quinze jours dans le service. Le monde s’écroule. Quinze jours me semblent être une éternité, j’imagine alors ce que cela peut représenter à l’échelle de la courte vie de Diane (elle est âgée de un mois et demi au moment de l’hospitalisation).

2 Une infirmière nous conduit jusqu’à une minuscule chambre équipée d’un fauteuil et d’un immense lit à barreaux…, pour un si petit bébé. Ce lit ressemble d’ailleurs plus à une cage de zoo qu’à un lit pour enfant. Le fauteuil, c’est l’endroit où les parents sont censés passer la nuit. Les chambres sont réparties de part et d’autre du couloir et sont séparées par de très fines cloisons. Pour introduire un semblant de gaieté, les murs sont peints de couleurs pastel.

3 Nous nous installons dans la chambre. Je sors les biberons Avent de Diane, ainsi que son lait (pas disponibles à l’hôpital). Une infirmière vient me voir, gênée, et m’explique que Diane doit se plier aux mêmes règles que les autres bébés (enfin, plutôt les parents de Diane doivent respecter les mêmes règles que les autres). Selon cette infirmière, elle devrait boire un lait différent de celui auquel elle est habituée et changer de tétines. Premier acte de résistance et d’affirmation de mon rôle de maman dans cet environnement hospitalier : je refuse. En effet, je ne suis pas médecin mais j’ai bien compris que pour un nouveau-né la préoccupation principale est que ce dernier prenne du poids. Je me dis que si Diane doit changer de lait et de tétine, c’est prendre un risque supplémentaire et surtout rompre avec ce à quoi elle est habituée. Je pense que son hospitalisation sera une source suffisante de nouveauté sans rajouter en plus cet élément. Finalement, les infirmières acceptent mais elles viendront toutes les trois heures vérifier que j’ai bien donné son biberon à Diane. Elles ont peur, elles perdent un peu de contrôle.

4 Il est déjà 21 h et j’entame ma première nuit dans un hôpital. Je suis démunie, je n’ai jamais été hospitalisée et encore moins dans un hôpital pour enfants. Là, c’est le choc, je ressens pour la première fois la misère humaine. Les bébés pleurent, certains hurlent, leurs mamans leur manquent. En effet, je constate en me promenant dans les couloirs que seuls quelques parents sont restés. Les enfants se sentent seuls. Le pire, c’est de voir les enfants debout dans leurs lits, désespérément accrochés aux barreaux, pleurer, et leurs regards pleins d’attente, d’espoir de voir leur maman arriver. En plus de ces pleurs, il y a évidemment les quintes de toux qui secouent les bébés dans les chambres voisines. Et en plus de ces pleurs et des quintes de toux, il y a ce fauteuil si inconfortable et Diane appareillée.

5 Dans notre petite chambre, le temps s’égrène au rythme des « bips bips » des différents appareils. Je suis prise d’une énorme vague de panique lorsque l’alarme de l’un de ces appareils se met en route. Évidemment, j’imagine le pire. Rien ne m’a été expliqué. Avec l’expérience, je comprends la finalité de chaque appareil, et notamment que cette alarme stridente a juste pour objectif d’avertir l’infirmière que l’ampoule d’antibiotique est terminée !

6 Diane a du mal à trouver le sommeil et lorsqu’elle est enfin endormie, une infirmière vient lui administrer ses soins. Je sais que des raisons médicales forcent les équipes à intervenir toutes les trois heures… Il est difficile de parler de respect du sommeil de bébé dans ces conditions. Alors, je fais de mon mieux et je porte Diane sur mon ventre pour l’aider à s’endormir, et parfois, nous nous endormons ensemble jusqu’au prochain soin. Je fais alors face à l’opprobre des infirmières : « Ah oui, la maman de Diane qui a toujours son bébé dans les bras… » Je ne me laisse pas influencer et je continuerai durant toute l’hospitalisation à porter Diane, souvent, le plus souvent possible, et ce malgré les reproches muets adressés par les infirmières.

7 Je ne laisse aucune infirmière s’occuper de Diane en dehors des soins médicaux qu’elles administrent et ce sans grand respect pour le bébé. Il y a la pause de l’intraveineuse, épisode sanglant. Diane a les veines trop fines et rejette les aiguilles. Alors parfois, au milieu de la nuit, les infirmières me font sortir, et à quatre, elles essaient de poser l’intraveineuse. Diane hurle, cela dure jusqu’à quinze minutes, elles essaient de la piquer partout sans même utiliser de patch Emla (là encore, je ne suis pas médecin, mais je crois que cela pourrait la soulager). Il est quatre heures du matin, les pleurs de Diane trouvent un écho dans ceux des autres bébés qui viennent d’être réveillés par ses hurlements. Les trois premières nuits se ressemblent, la nuit du samedi est un peu plus calme car quelques enfants ont l’autorisation de rentrer chez eux le week-end.

8 Après trois jours, nous sommes transférées dans la chambre mère-enfant, l’unique chambre mère-enfant du service. Quel soulagement ! Je commence à me détendre, ce qui s’explique probablement par le fait que je peux enfin dormir dans un vrai lit. Diane et moi avons notre propre espace. Cela fait trois jours que nous sommes là et Diane, petit bébé d’un mois et demi, hurle dès qu’elle voit une blouse blanche s’approcher. Nous nous installons dans une routine. Les nuits sont plus calmes, Diane est reliée à moins d’appareils, elle est plus libre de ses mouvements. Je me suis habituée aux pleurs des bébés, aux quintes de toux. Cependant, j’imagine encore au milieu de la nuit ce dont souffrent nos petits voisins, vaines élucubrations puisque je n’y connais rien en médecine. La nuit, je commence à m’aventurer dans le couloir, c’est idiot mais j’ai l’impression qu’il y a moins de microbes, la nuit, dans les couloirs, et que les risques de contamination pour Diane sont plus faibles.

9 Après une huitaine de jours, Diane va nettement mieux. Je refuse donc la nuit de réveiller Diane pour une prise de température, alors que cela fait quatre jours qu’elle est à trente-sept et que la dernière prise remonte à trois heures. Cela donne lieu à quelques discussions, mais les infirmières sont maintenant habituées à la maman de Diane.

10 Diane ne fait évidemment pas ses nuits mais elle joue dans son lit que nous avons transformé en « mini Disneyland ». Là encore, les infirmières se moquent gentiment, peut-être ont-elles raison, mais peut-être pas.

11 Diane et moi, nous nous habituons à notre nouveau cadre, cette chambre, c’est une véritable bénédiction, elle nous a permis de recréer notre univers, comme à la maison. Les jours et les nuits sont plus doux. Personne ne m’a rien dit quant à la date de sortie de Diane, mais vient enfin la nuit où Diane n’est reliée à aucun appareil, où aucune infirmière ne vient perturber son sommeil. Là, vers quatre heures du matin, je comprends qu’il s’agit d’une de nos dernières nuits dans cet univers médical. Diane dort dans son « mini Disneyland », moi, j’ai du mal à trouver le sommeil et j’ose enfin imaginer notre prochaine nuit, entourées de toute notre petite famille dans la quiétude de notre appartement.


Date de mise en ligne : 01/10/2005

https://doi.org/10.3917/spi.034.0048

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.81

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions