Notes
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Dans cette rubrique, tenue par Dominique Rateau, chargée de mission livres petite enfance au Centre régional des lettres, région Aquitaine, il est question de livres édités en collection jeunesse susceptibles d’intéresser les bébés et les adultes. Il ne s’agit pas de suivre l’actualité de l’édition, mais plutôt de présenter des albums « coup de cœur » ou « coup de colère », nouveautés ou classiques. D’autres fois, ce peut être une réflexion ou un éclairage particulier sur la rencontre des livres et des bébés.
1 Allons voir la nuit ! Wolf Erlbruch, Traduit du néerlandais par Elles Essade-Koller et Anne Salem-Marin, Collection « Les Versatiles », La joie de lire, Genève, octobre 2000.
2 Le style de Wolf Erlbruch est d’emblée repérable… Rien n’est à sa place ! Ni le titre du livre, de bas en haut, ni le chien arc-bouté voguant dans le ciel comme un croissant de lune. Sur la page de garde, deux autres croissants de lune se font vis-à-vis et confortent notre lecture. Sur la page de titre, sans titre, un petit garçon est assis sur son lit défait. Un petit garçon couleur nuit, sur un lit couleur nuit, couvert de draps couleur nuit. Seuls les deux grands yeux blancs de l’enfant annoncent l’état de veille.
3 Le texte de la page suivante nous le confirme : « Pierre est réveillé. » Effectivement, Pierre est réveillé et il pense : Il a envie d’aller voir la nuit…, tout seul, il n’ose pas…, son papa doit donc l’accompagner…
4 L’image montre effectivement le petit garçon tirant le nez de son papa pour le réveiller. Le papa explique alors que la nuit est faite pour dormir…
5 Cependant, dès la page suivante commence une promenade onirique. Le texte propose des mots simples, énoncés par le papa qui, souhaitant convaincre son petit garçon de se rendormir, raconte : « Les lièvres dorment, le maraîcher dort, les grenouilles dorment parce que les cigognes dorment. »… Suit une description de tous les êtres proches et lointains qui dorment parce que c’est la nuit. Un texte rassurant, quotidien, tendre, convaincant, où le doute est cependant permis – Madame Bonami, par exemple, peut-être ne dort-elle pas – « Mais autrement, tout dort. » Et sur chaque page, outre la silhouette de ce papa se promenant la nuit en tenant son petit garçon par la main, surgissent des personnages de notre culture populaire : Mickey, King-Kong, Alice… Mais aussi des personnages tirés d’autres livres de Wolf Erlbruch. Le papa ne voit rien. Seul le petit garçon réagit à la présence de ces êtres !
6 Sur la dernière page du livre, le papa, assis en pyjama sur son lit, s’adresse à son petit garçon, en pyjama lui aussi. On peut penser que le papa a parlé, certes, mais que tout le reste est tiré de l’imaginaire du petit garçon. Un objet cependant nous laisse perplexes : une balle rouge et blanche dans la main de Pierre. La même que celle lancée par Alice deux pages auparavant…
7 Dans cet ouvrage, le décalage entre le texte et les images installe le récit à plusieurs niveaux de conscience. Un discours de la réalité, rationnel, rassurant, côtoie un monde fantastique, surprenant. La force des images installe le lecteur dans un « entre-deux ». Une balade dans la nuit avec ses mystères, les rêves et les cauchemars qu’elle suscite. J’aime cet univers de lecture.
8 D’autres livres de Wolf Erlbruch : Les Dix Petits harengs, collection « Les Versatiles », La joie de lire, Genève ; Moi, papa ours ? Milan, Toulouse ; Remue-ménage chez Madame K, Milan, Toulouse.
9 Le Petit Souci, Anne Herbauts, Paris, Casterman, 1999
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Ce petit souci s’affiche de plusieurs façon, dès la couverture du livre :
- le titre imprimé en lettres noires sur fond blanc : Le Petit Souci ;
- l’image d’un petit nuage qui entoure le mot « petit » ;
- l’air soucieux d’un gros ours (au-dessus du nez duquel se trouve le petit nuage).
11 Le thème du « moral qui flanche » est rarement abordé dans les livres accessibles aux tout-petits. Anne Herbauts décrit ce phénomène. Ce matin-là, Archibald se réveille sous le soleil, mais avec « au-dessus de la tête un nuage qui le suit partout, partout le poursuit ».
12 Il a beau faire, Archibald, le nuage reste là, accroché. Colère, désespoir, jogging, boulimie… rien n’y fait.
13 Pour finir, Archibald, gros ours imposant, perdu, tendre et inquiet, pleure et… le nuage aussi ! Le texte est court, poétique, mis en page comme une image. Anne Herbauts propose un univers graphique très personnel. Elle se joue des règles de la perspective et jongle avec les points de vue. L’histoire pourrait se résumer ainsi : après la pluie, le beau temps ! L’œuvre de l’artiste est bien là : un talent particulier pour nous donner à lire notre quotidien.
14 D’autres livres de Anne Herbauts : Que fait la lune la nuit ? Paris, Casterman, 1998 ; L’Heure vide, Paris, Casterman, 2000. Un site Internet présente son travail : www. casterman. com
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Dans cette rubrique, tenue par Dominique Rateau, chargée de mission livres petite enfance au Centre régional des lettres, région Aquitaine, il est question de livres édités en collection jeunesse susceptibles d’intéresser les bébés et les adultes. Il ne s’agit pas de suivre l’actualité de l’édition, mais plutôt de présenter des albums « coup de cœur » ou « coup de colère », nouveautés ou classiques. D’autres fois, ce peut être une réflexion ou un éclairage particulier sur la rencontre des livres et des bébés.