Notes
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[1]
Les unités localisées pour l’inclusion scolaire sont des dispositifs de scolarisation collectifs de l’Éducation nationale accueillant des élèves en situation de handicap.
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[2]
Les quatorze entretiens semi-dirigés ont été réalisés entre mai et décembre 2013.
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[3]
Unité localisée pour l’inclusion scolaire.
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[4]
Accompagnant d’élève en situation de handicap.
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[5]
La méthodologie de l’analyse de contenu se réalise en plusieurs étapes : le processus de catégorisation, le processus d’inférence et l’interprétation.
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[6]
École où se situe le dispositif médico-social.
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[7]
Depuis le 18e siècle, concernant les modes de communication des personnes sourdes et malentendantes, deux courants de pensée (l’oralisme et le gestualisme) s’opposent. Nous avons montré que les parents interrogés choisissent les modalités de communication selon l’intérêt de l’enfant et non selon un choix idéologique pour telle ou telle méthode.
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[8]
Accompagnant des élèves en situation de handicap.
Introduction
1Cet article présente les représentations de collégiens sourds et malentendants et de leurs parents sur le déroulement de la scolarité de ces premiers. En somme, il s’agit d’examiner quels sont leurs discours sur le parcours scolaire avant l’arrivée et pendant la période du collège, à propos des difficultés rencontrées, au sujet des relations avec les autres collégiens, en ce qui concerne les rapports entre l’enfant et ses parents ainsi que sur les manifestations liées à la situation de handicap et à l’adolescence. Quel sens donnent les premiers et les seconds sur des événements que ceux-ci vivent ensemble, mais à des places différentes ?
2Tout d’abord, nous présentons le cadre conceptuel de cette recherche nous permettant de mieux saisir les réalités vécues par les parents et les collégiens sourds et malentendants à propos de la scolarité. Nous relatons ensuite la méthodologie de recherche qui nous a permis de travailler sur les discours des parents et des collégiens. Dans un troisième temps, nous exposons les principaux résultats de la recherche. Enfin, nous discutons de ses apports et limites.
Cadre conceptuel
3Même si nous considérons que les adolescents déficients auditifs vivent des réalités similaires dans leur scolarité, nous distinguons tout de même la surdité de la malentendance. La surdité fait référence à une personne qui n’a jamais entendu ou qui a des restes auditifs ne lui permettant pas de comprendre une conversation courante, qui utilise la langue des signes comme principal moyen de communication et qui s’identifie à la communauté sourde. Les personnes malentendantes sont atteintes de surdité légère, moyenne ou sévère. Leurs difficultés d’audition peuvent être corrigées par des moyens techniques. Ces individus sont susceptibles d’éprouver des difficultés à se situer identitairement entre les personnes entendantes et sourdes communiquant en langue des signes (Defeyt et al., 2010).
4Les collégiens sourds ou malentendants sont scolarisés soit dans un cursus ordinaire au sein de leur collège de quartier, soit dans un dispositif de scolarisation collectif au sein d’une ULIS [1], ou dans un dispositif collectif d’un établissement médico-social.
L’adolescent sourd
5L’arrivée au collège marque symboliquement l’entrée dans l’adolescence (Mallet et al., 2003). L’institution n’est pas uniquement un lieu où l’on transmet des contenus scolaires. Sortant de la période de l’enfance, elle est également, pour les adolescents, un lieu d’apprentissage des relations sociales, un endroit où vont se jouer pour eux de nouveaux phénomènes d’identification. Les expériences vécues vont permettre aux adolescents sourds et malentendants de franchir des étapes décisives concernant leur autonomisation (Belfais-Duquesne & Bertin, 2005). Ces derniers développent les mêmes préoccupations que les autres adolescents, comme l’attrait pour les réseaux sociaux ou pour le développement des relations avec leurs pairs (ibid.). Néanmoins, la déficience auditive est un marqueur qui va influencer leur recherche d’identité. L’adolescence sourde se situe dans une « dialectique de similitude/différence. » (ibid. : 3). Le processus d’identification des collégiens malentendants, se trouvant inscrit entre l’identité sourde et celle des entendants, peut provoquer une difficulté à se situer chez ces premiers (Dubuisson & Grimard, 2006). De plus, ils prennent conscience d’un certain nombre d’obstacles engendrés par la déficience auditive comme la difficulté de développer des relations avec ses pairs ou les contraintes dans le choix du métier ou des études qu’ils effectueront selon leur déficience (Belfais-Duquesne & Bertin, 2005). Par conséquent, d’après les deux auteurs, les adolescents sourds et malentendants sont confrontés à plusieurs défis : accepter sa surdité, s’appuyer sur des repères identificatoires solides (pouvoir s’identifier à d’autres personnes sourdes), satisfaire un besoin d’autonomie, s’affirmer en tant qu’élève et en tant que personne, se faire accepter des autres.
6Dans les dispositifs de scolarisation individuels, les élèves sourds ou malentendants peuvent faire face à des phénomènes d’isolement ou se sentir exclus. En effet, n’ayant accès que partiellement aux éléments s’échangeant au sein d’un groupe, ceux-ci manifestent des difficultés pour entrer en relation avec les entendants. Ils peuvent avoir l’impression que leurs pairs parlent d’eux sans qu’ils le sachent ou d’être le sujet de moqueries (Belfais-Duquesne & Bertin, 2005 ; Malet, 2007), ce qui peut provoquer un sentiment de dévalorisation, de perte de confiance ou de repli sur soi chez certains adolescents déficients auditifs (Korff-Sauss, 2001 ; Malet, 2007). Pour toutes ces raisons, les propositions de regroupement entre pairs sourds sont bénéfiques pour ces adolescents dans le sens où leur besoin d’identification à des groupes de pairs est prégnant. Ceux-ci permettent de s’identifier à des personnes ayant les mêmes difficultés, et subséquemment de restaurer, chez certains, l’estime de soi (Belfais-Duquesne & Bertin, 2005 ; Goasmat, 2006). Dans les dispositifs où plusieurs adolescents sourds ou malentendants sont scolarisés, ceux-ci ont tendance à se regrouper entre eux, la communication se révélant plus fluide (notamment avec la langue des signes) que celle pratiquée avec les pairs entendants qui demeure plus coûteuse sur le plan cognitif et relationnel pour les premiers et les seconds (Belfais-Duquesne & Bertin, 2005).
7Certains adolescents sourds ou malentendants scolarisés en dispositif ordinaire peuvent manifester de l’inquiétude quant à leur capacité à suivre le cursus ordinaire. En effet, ils expriment le fait que les efforts demandés (nécessité de lire sur les lèvres du professeur, d’être concentré sur ce qui se dit, de faire un temps de devoir conséquent pour rattraper les cours, etc.) peuvent se révéler trop importants pour être au même niveau que les collégiens entendants (Belfais-Duquesne & Bertin, 2005 ; Goasmat, 2006). Les efforts demandés induisent pour certains un sentiment de découragement ainsi qu’une fatigabilité trop importante ne leur permettant pas de poursuivre le cursus ordinaire du collège. Par conséquent, ces derniers peuvent être réorientés en dispositif ULIS ou médico-social.
Les parents
8L’annonce de la déficience auditive durant la période de l’enfance, peut se révéler traumatique pour certains parents (Ebersold, 2007 ; Goasmat, 2006 ; Malet, 2007). Ce sentiment qui peut ressurgir durant la période de l’adolescence est un facteur influençant la relation entre les parents et les adolescents sourds ou malentendants. Il peut être à l’origine de conflits entre le désir de protection de ces premiers et la volonté d’émancipation de ces seconds (Galle, 2017). En effet, les adolescents remettent en cause certains choix d’éducation de leurs parents qui ont aidé ces derniers à dépasser le trauma vécu. Par conséquent, les adolescents sourds ou malentendants peuvent quelquefois manifester des oppositions concernant des choix parentaux effectués durant l’enfance comme le souhait d’arrêter l’accompagnement orthophonique ainsi que le refus du port des prothèses auditives ou de l’implant cochléaire. Dans leur quête identitaire, ils peuvent quelquefois reprocher à leurs parents de ne pas leur avoir fait découvrir la langue des signes ou la culture sourde (Belfais-Duquesne & Bertin, 2005 ; Meilland, 2013).
9Dans une enquête menée auprès de parents entendants d’enfant sourd, Christine Lavigne (2006) déclare que ces derniers évoquent au passé la souffrance d’être parents d’enfant en situation de handicap. Malgré les difficultés matérielles et organisationnelles rencontrées dans l’accompagnement de leur enfant déficient auditif, ceux-ci vivent une « parentalité à part entière, tout à fait satisfaisante et gratifiante. » (ibid. : 13). Ces mêmes parents évoquent la nécessité de temps, de patience, d’efforts à fournir concernant l’accompagnement de leur enfant. Ils abordent également le besoin de développer des stratégies adaptatives concernant la scolarisation. Celles-ci vont de payer un intervenant extérieur pour travailler avec l’enfant sur ces difficultés jusqu’à interpeller les organismes tutélaires.
10Jean-Pierre Garel et Jean-Marc Lesain-Delabarre (1999) évoquent l’idée de l’apprentissage du « métier » de parents d’enfant en situation de handicap dans le sens où ces derniers développent de nombreuses compétences comme maîtriser l’information concernant le handicap, développer des contacts avec divers interlocuteurs pour échanger des informations mutuelles concernant leur enfant, construire des alliances pour faire aboutir son projet, infléchir les décisions dans le sens souhaité, instaurer et maintenir un réseau de solidarité. Outre ces compétences, les deux auteurs relèvent différentes attitudes des parents mises en œuvre pour la réussite de la scolarité de leur enfant : oser exprimer et argumenter (par exemple, en commission), se montrer pugnace face aux interlocuteurs, être persévérant dans les démarches engagées, s’efforcer d’être lucide, moduler son insistance à obtenir satisfaction. Ces parents « se battent pour que leurs ambitions éducatives trouvent un écho dans l’école […] Ils veulent doter leur enfant, malgré son handicap, des atouts susceptibles de lui permettre d’accéder à la meilleure existence possible » (ibid. : 223).
11En résumé, la période de l’adolescence amène les collégiens sourds ou malentendants à des questionnements identitaires en rapport avec leur déficience. Le processus d’identification se joue, pour une partie, dans leur capacité à nouer des relations avec leurs pairs entendants et déficients auditifs. D’autre part, la période du collège constitue une époque charnière où les efforts demandés se révèlent quelquefois trop importants pour poursuivre une scolarité ordinaire. La conjugaison de ces deux aspects entraîne quelquefois des phénomènes d’opposition avec les parents. Ces derniers peuvent manifester de l’inquiétude concernant le déroulement de la scolarité de leur enfant. Au regard de ces préoccupations, ceux-ci développent des actions et des stratégies pour assurer la cohérence du parcours scolaire, ce qui les amène à développer un certain nombre de compétences. Nous nous interrogeons donc sur les représentations des collégiens sourds ou malentendants et de leurs parents concernant le déroulement de la scolarité de ces premiers. Quel sens donnent les personnes interrogées sur le parcours de scolarisation de ces élèves ? Que perçoivent-ils des difficultés rencontrées en rapport avec la déficience auditive, avec l’adolescence ? Comment les collégiens disent vivre leur scolarité ? Quelles sont les attitudes développées et les décisions prises par les parents pour la réussite du parcours scolaire de leur enfant ?
Méthodologie
12A propos de cet article, nous abordons certains thèmes qui n’ont pas été approfondis durant notre recherche doctorale (Galle, 2015). Cette recherche qualitative de nature compréhensive examine quelles sont les représentations des parents et des collégiens interrogés sur le déroulement de la scolarité de ces derniers. Les personnes interrogées [2] sont des collégiens sourds ou malentendants scolarisés à l’Éducation nationale ou en établissement médico-social et leurs parents. L’étude est réalisée dans la région des Pays-de-la-Loire.
Tableau 1 : Listes des personnes interrogées
A1 | E. est une adolescente malentendante ayant une déficience auditive détectée en fin d’école primaire. Elle a poursuivi une scolarité dans un collège traditionnel jusqu’à son redoublement en cinquième. Après sa deuxième année de cinquième, elle est allée en quatrième dans un collège agricole. Elle est actuellement en troisième. Elle est accompagnée par un service médico-social trois heures par semaine depuis son redoublement. Elle bénéficie de l’accompagnement d’une orthophoniste et d’un enseignant spécialisé. Elle a pour projet de passer un CAP « soin équidé ». |
A2 | Les deux personnes interrogées sont les parents de la collégienne de l’entretien A1. Le père n’étant présent qu’un cours moment durant l’entrevue, nous avons décidé de prendre en compte son discours dans la globalité de l’entretien. En effet, ses dires sont, en majorité, une reformulation des propos de la mère interrogée. |
B1 | A. est un collégien malentendant dont la déficience a été détectée avant l’entrée à l’école. Il est accompagné pour sa situation de handicap depuis la prime enfance. La scolarité à l’école primaire s’est bien déroulée. Il est scolarisé dans son collège de quartier en quatrième dans un dispositif de scolarisation individuel. Accompagné par un service médico-social, il bénéficie de divers suivis (pédagogique, psychologique, etc.). Ceux-ci se sont arrêtés à la fin du CM2 pour reprendre en quatrième à cause de difficultés scolaires constatées en sixième et cinquième. Il part l’année prochaine en maison familiale en troisième « préparation professionnelle ». |
B2 | La personne interrogée est la mère du collégien de l’entretien B1. |
C1 | A. est une collégienne malentendante scolarisée dans son collège de quartier en sixième dans un dispositif de scolarisation individuel. Elle est scolarisée dans le même établissement depuis la grande section. Sa déficience auditive a été détectée avant l’entrée à l’école. Elle est accompagnée pour sa situation de handicap depuis la prime enfance. Elle bénéficie actuellement de suivis pédagogiques et orthophoniques. |
C2 | La personne interrogée est la mère de la collégienne de l’entretien C1. |
D1 | C. est un collégien malentendant scolarisé au sein d’un dispositif collectif médico-social situé dans un collège. Il a intégré un dispositif spécialisé à partir du CP. Il bénéficie de temps de scolarisation en quatrième ULIS [3] avec trois autres collégiens sourds et malentendants. Il a des cours de soutien dans les principales matières de la part des enseignants de l’établissement médico-social. Après le collège, il a pour projet de faire un apprentissage en menuiserie. |
D2 | La personne interrogée est la mère du collégien de l’entretien D1. |
E1 | C. est une collégienne sourde communiquant en langage des signes. Elle redouble sa cinquième au sein d’un dispositif collectif médico-social situé dans un collège. Elle est arrivée en sixième en établissement spécialisé. Elle est à l’internat du lundi au vendredi. Avant cela, elle a effectué son parcours à l’école maternelle dans un établissement médico-social et son cursus élémentaire dans une école de l’Éducation nationale. Elle bénéficie de temps de scolarisation en classe ordinaire. Elle a des cours de soutien dans les principales matières de la part des enseignants de l’établissement médico-social. Elle est accompagnée en orthophonie. |
E2 | La personne interrogée est la mère de la collégienne de l’entretien E1. |
F1 | M. est un collégien malentendant scolarisé en sixième au sein d’un dispositif collectif médico-social situé dans un collège. Il est arrivé en dispositif spécialisé à partir du CE2. M. porte un implant cochléaire. Il bénéficie de temps de scolarisation en classe ordinaire. |
F2 | La personne interrogée est la mère du collégien de l’entretien F1. |
G1 | M. est un collégien malentendant scolarisé dans son collège de quartier en sixième dans un dispositif de scolarisation individuel. Il est accompagné par un service médico-social sur le plan scolaire et orthophonique depuis le début de sa scolarité. Il bénéficie également de la présence d’une AESH [4] quatre jours par semaine. Il a réalisé une scolarité ordinaire avec l’aide d’une personne qui est avec lui en classe depuis le CE1. |
G2 | La personne interrogée est la mère du collégien de l’entretien G1. |
Tableau 1 : Listes des personnes interrogées
13Nous effectuons une analyse thématique de contenu selon la méthodologie développée par Laurence Bardin [5] (1977). Nous analysons tout d’abord l’entretien du collégien et tout de suite après celui du parent concerné afin d’examiner les représentations de l’un et de l’autre à propos des thèmes abordés.
Résultats
Les difficultés rencontrées par les collégiens durant leur scolarité
14La majorité des personnes interrogées estiment que la scolarité des collégiens se déroule de manière satisfaisante. Néanmoins, certains adolescents et leurs parents expriment un certain nombre de difficultés comme la fatigue générée pour suivre les cours (A2, B2, C1, G1, E1) : « Il faut parler et bien écouter. C’est fatigant » (E1). Deux personnes (B2, G1) soulignent la difficulté d’avoir une attention soutenue tout au long de la journée pour, en même temps, lire sur les lèvres de l’enseignant et comprendre ce qu’il écrit au tableau. D’autres énoncent des problèmes de compréhension qui empêchent une bonne acquisition des contenus pédagogiques (confusion des mots, difficultés de compréhension de la parole de l’enseignant (A2, C1, G1), des difficultés dans certaines matières comme le français (D1) ou l’histoire-géographie (E1), ainsi que la nécessité de travailler plus que les entendants pour avoir les mêmes résultats (C1).
15Avant la mise en place de l’accompagnement médico-social, certaines personnes (A1, A2, B1, B2, C2, D2) constatent les difficultés auxquelles les élèves étaient confrontés : résultats scolaires en dessous de la moyenne, problèmes d’attention (A1, A2), une pluralité d’interlocuteurs (professeurs, directeurs) ne permettant pas un suivi satisfaisant (C2), difficultés pour les professeurs de s’occuper du collégien sourd à cause d’un effectif d’élèves trop nombreux dans la classe (D2), ou de mettre en place les adaptations requises (D2). Dans certaines situations, l’intervention du service spécialisée ne suffisant pas, les collégiens, ne pouvant pas suivre le cursus ordinaire, ont intégré un dispositif médico-social (D1, D2, F1, F2). Un parent (D2), ayant trois enfants malentendants, raconte l’histoire de son premier fils avant l’arrivée dans un dispositif médico-social : « Dans l’année de son CP, on a eu sept remplaçants donc ça a été un échec total. Donc j’ai dit suite à ça “c’est bon, quoi.” […] Il a fallu un an en fait à M. qui était à l’école C. [6] pour qu’ils réussissent à lui faire comprendre que ce n’était pas un nul, qu’il y arriverait » (D2). Avec l’intervention des professionnels médico-sociaux, certaines personnes (A2, B1, B2, D2, G2) observent une remontée des résultats scolaires du collégien. Le parent et l’adolescent (B1, B2) remarquent une baisse de notes significative en sixième et cinquième, car l’accompagnement médico-social s’est arrêté en CM2. Constatant cela, les professionnels spécialisés ont décidé de remettre en place un suivi à partir de la quatrième, ce qui a permis, selon les personnes interrogées, une remontée importante des résultats scolaires. Le parent (D2) remarque la nécessité de l’existence des dispositifs médico-sociaux pour accueillir les collégiens sourds ou malentendants n’étant pas en capacité de suivre le cursus ordinaire : « Non, mais heureusement qu’il y a quand même ces collèges-là parce que sinon, je ne pense pas qu’aujourd’hui, ils seraient à ce niveau-là. » (D2). Le parent (G2) indique que sans l’intervention des professionnels médico-sociaux, son fils ne pourrait pas suivre une scolarité en dispositif ordinaire.
Relations entre les pairs
16La majorité des collégiens (B1, C1, E1, G1) déclarent avoir de bonnes relations avec les entendants néanmoins, celles-ci ne se révèlent pas régulières (C1, D1, F1). En effet, les adolescents ainsi que leurs parents manifestent la difficulté d’établir des relations durables avec les entendants : « Des fois, il y en a qui ne se moquent pas, mais on voit qu’ils ne veulent pas de nous. […] Ils ne savent pas trop parler avec nous » (D1). Une collégienne et sa mère (C1, C2) évoquent l’isolement de cette première jusqu’à l’arrivée au collège. En 6e, celle-ci a réussi à se créer quelques relations même si elle n’a pas « une super copine » (C2).
17Au sein d’un dispositif de scolarisation collectif, le collégien (D1) déclare passer plus de temps avec des pairs malentendants qui oralisent comme lui plutôt qu’avec des adolescents sourds communiquant en langue des signes. Les collégiens malentendants (A1, C1, G1) ont pu se créer des relations avec des enfants et adolescents sourds signants grâce à des rencontres organisées par les services ou les établissements médico-sociaux. La collégienne (A1) déclare avoir développé des relations avec des adolescentes sourdes par le biais des réseaux sociaux. Le parent (A2) considère que ces relations ont été difficiles à entretenir car les messages de celles-ci étaient difficilement compréhensibles pour l’adolescente. De plus, la collégienne avait peur de ne pas arriver à communiquer avec ses nouvelles amies lors d’une prochaine rencontre. Le parent d’une autre collégienne malentendante (C2) explique que sa fille n’a pas réussi à trouver sa place parmi les autres enfants sourds lors des regroupements à l’établissement médico-social. Le collégien interrogé (G1) estime que les autres enfants malentendants ne communiquent pas beaucoup avec lui lors de ces rencontres.
Représentation de la malentendance
18La représentation de la malentendance de certaines personnes interrogées se situe à mi-chemin entre une perspective référée à la normalité et une approche défectologique de la surdité (A1, A2, B2, C1) : « Je ne peux pas me considérer comme une vraie, vraie handicapée. » (A1), « Le souci, c’est qu’elle n’est pas vraiment à droite, pas vraiment à gauche. » (A2), « Je pense qu’un enfant malentendant comme moi qui n’est pas… Après il y a les malentendants très, très malentendants » (B1), « Il y a des enfants beaucoup plus, avec des dossiers plus compliqués que ça parce qu’il y a des enfants qui ont besoin de beaucoup plus de suivis » (B2), « Ils ne se rendent pas compte que c’est incroyable qu’une fille puisse bien entendre et être dans une classe normale. Il y en a d’autres qui sont comme ça parce qu’à chaque fois que j’allais à l’établissement P., j’étais la seule qui parlait. Je parlais bien et les autres avaient des problèmes », « Je ne sais pas trop parce que je préférerais être dans une école moins dure, mais avec des entendants parce que s’il y avait plein de sourds, ils ne comprendraient pas. Je pense qu’il y en aurait qui parleraient bien. J’aurais plus de difficultés et puis ils font des choses, un peu en retard dans le programme » (C1). Cet entre-deux peut provoquer un profond questionnement identitaire chez certains adolescents : « Quand elle a su qu’elle allait devenir sourde, elle a eu une période où elle ne savait plus se situer. « Est-ce que je suis avec ceux qui parlent et qui entendent ? Est-ce que je suis avec les sourds ? » (A2).
Manifestations de l’adolescence
19Dans les situations rencontrées, les personnes interrogées relatent des comportements adolescents ordinaires (Clerget, 2000) même si, la déficience auditive constitue un élément identitaire qui influe fortement les collégiens sourds ou malentendants à cette période. Ces comportements se manifestent par la volonté de ne pas se faire différencier des pairs entendants (A1, B1), par l’attirance vers des expériences interdites (B1, E2), par un comportement de « rébellion » (B2), par l’attrait pour les relations avec les pairs (B2), notamment entre les collégiens sourds communiquant en langue des signes (E1, E2), l’attirance pour les réseaux sociaux (E2), la volonté de tester le cadre prescrit par les adultes (E2), l’enfermement dans les jeux vidéo (B2), la volonté de rester discret sur les adaptations proposées (cacher les appareils en se laissant pousser les cheveux, ne pas donner le micro au professeur, etc.) (B2), les moqueries entre collégiens (B2, G2).
20Quatre parents (A2, B2, E2, F2) relatent des tensions entre eux et les collégiens notamment au moment de faire les devoirs après l’école (A2, B2). Les adolescents n’expriment pas ces dissensions que peuvent rapporter les parents : « Alors que moi, en tant que parent, non moi je le fais juste pour l’emmerder parce que moi, je suis juste sa mère et parce que les parents, de toute façon, avec ou sans handicap, quand on est ado, les parents, ce sont des cons. Voilà, il faut être clair » (B2). Confirmant ce point de vue, un autre parent (F2) évoque la nécessité de rentrer en confrontation avec son enfant afin que le comportement de l’adolescent ne dépasse pas le cadre prescrit. Un dernier parent (E2) concède faire des remontrances à sa fille lors des retours le week-end car elle estime que c’est son rôle de parent.
21Les souhaits des adolescents majoritairement basés sur des ressentis vécus dans l’immédiateté (« j’aime », « je n’aime pas », « j’ai envie », « je n’ai pas envie ») sont confrontés à ceux des parents qui développent une vision à plus long terme sur la nécessité de poursuivre un accompagnement, ou de faire un temps conséquent de devoirs, etc. (A1, A2, B1, B2, C1, C2). Comme le remarque cette adolescente, « moi, je n’aime pas tout le temps être concentrée. Du coup, j’aime bien m’amuser. Pendant que je fais mes devoirs, je fais des pauses. Je n’étais pas trop d’accord au début mais après, j’ai bien voulu du professeur pour pouvoir m’aider » (C1). Avant l’entrée en sixième, le collégien (B1) a voulu arrêter l’accompagnement avec le service médico-social, parce que ce dernier considérait qu’il était capable d’effectuer sa scolarité sans le soutien du service, ce que les parents ont accepté parce que, selon eux, il voulait être comme les autres élèves (B2).
22La volonté de certains collégiens d’arrêter l’orthophonie illustre bien ce phénomène. En effet, trois adolescents (D1, E1, F1) ont souhaité mettre fin à cet accompagnement. Pour deux collégiens (D1, F1), les parents ont accepté que l’orthophonie s’arrête. Le collégien (F1) dit qu’il n’y avait plus d’utilité à poursuivre : « Ça ne me servait à rien ». La collégienne (E1) a voulu interrompre l’orthophonie. Sa mère (E2) explique qu’elle exprimait de la lassitude d’avoir un suivi régulier. Après négociations avec ses parents, les heures d’orthophonie ont diminué.
23Le cursus choisi à l’issue du collège s’avère être un compromis entre les souhaits d’orientation professionnelle du collégien et son niveau scolaire (A1, A2, B2). Les parents plus préoccupés sur ce dernier point que les adolescents évoquent la nécessité pour leur enfant de détenir les capacités scolaires pour suivre le cursus choisi (A2, B2, C2, D2, E2, F2, G2). Selon les parents (A2), la collégienne n’avait pas le niveau scolaire pour être admise dans un lycée professionnel dans le domaine du cheval. Les parents et la collégienne ont décidé ensemble lors d’une porte ouverte d’intégrer une maison familiale de cette filière.
Attitudes des parents face à la situation de handicap de leur enfant
24Certains parents (A2, B2, F2), évoquant l’histoire de leur enfant, emploient le registre lexical des affects (la colère, la fatigue, la douleur, la peur) et de la difficulté pour évoquer leur vécu en rapport avec la situation de handicap de leur enfant : « J’ai même vu le médecin arriver avec sa batterie pour faire un test d’audition. J’ai cru que j’allais lui sauter dessus » (A2), « Au deuxième et troisième trimestre, je n’en pouvais plus » (B2), « En tant que parents, on ressort le cœur arraché avec plein de souffrance », « Il y a des fois où on a de la lassitude, on est fatigué » (F2), « Ce n’est pas évident tous les jours d’avoir un enfant sourd profond scolarisé en milieu ordinaire », « Ce n’est pas tous les jours facile » (G2).
25Des parents (B2, D2, F2, G2) évoquent l’idée qu’ils se sont retrouvés isolés ou perdus durant l’enfance du collégien face à la situation de handicap. En outre, ils expriment le fait de ne pas toujours avoir été entendu : « Vous vous retrouvez là-dedans mais vous tombez dedans, quoi. Vraiment, on vous jette à la mer et puis, sans bouée, sans rien et puis débrouille-toi », « Parce que c’est horrible, le poids d’un parent derrière qui se bat tout seul. Ça, c’est quelque chose, je crois, que quand on ne le vit pas, on ne le comprend pas » (B2), « Il y a des fois où je me sens un peu perdue, où j’ai l’impression des fois d’être seule et de me dire finalement, on ne m’entend pas » (F2).
26Leurs démarches, qu’ils définissent quelquefois comme un combat, font qu’ils disent être perçus par certains acteurs extérieurs comme des personnes trop protectrices envers leur enfant (B2, G2) : « Je me souviens d’un jour avoir téléphoné au service médico-social en leur disant « mais vous savez quoi ? Je ne suis pas un parent, je suis juste une mère qui défend son gamin. », « Quand on découvre qu’on a un enfant handicapé, surtout quand c’est le dernier, on a tendance peut-être à le coucouner. On ne s’en rend pas compte quand on baigne dedans. On se rend compte après avec le recul et là […] tout le monde me dit, […] “écoutez, prenez un peu de recul” » (B2), « C’est très difficile parce qu’on peut paraître très vite comme quelqu’un, déjà, qui nie le handicap, qui veut à tout prix que son enfant soit dans un milieu ordinaire, qu’il parle. À chaque fois, on me dit “il est sourd, votre enfant”, “oh, encore elle”, “Elle m’appelle toutes les cinq minutes”. Je n’appelle pas toutes les cinq minutes. Je pense que je suis présente […] Quelquefois, ça peut être vu comme la mère un peu trop protectrice parce que son enfant a une difficulté » (G2).
27Quelques parents remarquent que cette déficience est appréhendée par certains acteurs de la scolarité comme un handicap invisible (A2, B2, C2, G2). Selon ces premiers, ces derniers sont susceptibles de minimiser les conséquences de la situation de handicap. Par conséquent, les parents peuvent exprimer leur désarroi ou leur colère devant la non-compréhension de la part des acteurs extérieurs de ce qu’ils vivent face à la situation de handicap de leur enfant qu’ils considèrent comme difficile à gérer : « Quand le handicap ne se voit pas. D’ailleurs, c’était la secrétaire au collège qui m’avait dit “on ne dirait pas qu’E., elle a ces problèmes-là parce qu’elle a toujours le sourire”. J’avais envie de lui dire “mais attendez, elle ne va pas sauter du bout du pont, non plus” ». J’ai trouvé ça tellement bête. » (A2), « Comme c’est un handicap qui ne se voit pas, très souvent on me dit “il n’est que sourd. Il y a des handicaps beaucoup plus …” Sauf que c’est quand même un handicap très lourd » (G2).
Décisions parentales
28Dans les situations rencontrées, le choix de scolarisation des parents entre le milieu ordinaire et spécialisé est avant tout motivé par le niveau scolaire des collégiens (Galle, 2017). Privilégiant une scolarisation en milieu ordinaire si les collégiens possèdent le niveau requis (A2, B2, C2, E2, G2), certains parents (C2) sont ouverts à la possibilité de réorienter leurs enfants ou ont accepté une orientation (D2, E2) vers le secteur spécialisé si les collégiens ont trop de difficultés pour suivre une scolarité traditionnelle. Concernant les choix de communication entre l’oralisation et la langue des signes, nous avons montré que les parents opèrent des choix pragmatiques et non idéologiques [7] (ibid.). Si la langue des signes se révèle nécessaire pour l’évolution de leur enfant, certains parents (C2, E2, F2) optent pour ce choix. Les décisions pragmatiques des parents s’expriment également par la volonté de se déterminer selon l’évolution de l’enfant (E2, F2, G2). Les parents indiquent que s’ils ne prennent pas en compte l’expression de leur enfant ou les propositions des professionnels, leurs enfants pourraient de nouveau être confrontés à des problèmes (difficultés scolaires, isolement, etc.). Néanmoins, ils estiment quelquefois nécessaire d’imposer certaines décisions à l’adolescent. Même si le parent (E2) déclare préférer l’oralisation, ses choix se réalisent selon l’évolution de la collégienne : « Au fur et à mesure, en grandissant, elle fait des choix donc nos souhaits vont aussi avec ses choix. Si elle préfère la langue des signes, forcément, on va privilégier la langue des signes ».
Investissement des parents
29Pour la réussite du projet de scolarisation, plusieurs parents (F2, G2) expriment la nécessité d’être présent auprès de l’enfant pour suivre la scolarité de ce dernier. Certains parents arrêtent leur activité professionnelle (F2) ou travaillent à temps partiel (G2) afin d’être disponibles pour suivre son parcours scolaire. Un de ceux-ci (G2) nomme le besoin d’avoir du temps pour bien connaître toutes les modalités administratives concernant la scolarisation des élèves en situation de handicap ainsi que pour aller aux réunions. Les parents (E2, F2) estiment avoir un rôle de soutien auprès de leurs enfants : « Oui, je dirais qu’en tant que parents, il faut être toujours auprès d’eux, à les soutenir, à guider, oui » (F2). Plusieurs parents (E2, F2) soulignent également la nécessité d’être à l’écoute du collégien. Comme le fait remarquer une personne interrogée (E2), il est important de montrer que l’on s’intéresse à l’enfant notamment sur les week-ends car sa fille dort à l’internat toute la semaine. Une autre (F2) mentionne l’importance d’être en communication étroite avec l’adolescent pour voir s’il y a des problèmes à l’école.
30Pour assurer la cohérence du projet de scolarisation, certains parents mettent en place de nombreuses actions : aller informer les enseignants sur la déficience auditive (C1, C2, G1), leur donner des conseils sur la pédagogie à utiliser auprès des élèves sourds ou malentendants (C2, G1), accompagner les devoirs sur un temps estimé comme conséquent par les personnes interrogées (A2, C1, C2, G2), interpeller un cadre de l’établissement médico-social parce qu’il y a trop d’heures d’étude pour le collégien (D2), contribuer à la modification du rôle de l’AESH [8] auprès de l’adolescent (G2). Certains parents estiment appeler très souvent ou solliciter des rendez-vous avec les professeurs du collège ou les professionnels médico-sociaux, ainsi qu’être dans des démarches administratives par rapport à la scolarisation de leur enfant (B2, C2, F2, G2). Comme l’exprime un parent interrogé à propos de ses démarches auprès de la MDPH, « je crois que je les ai harcelés, en fait, en leur disant « moi, je ne lâcherai pas » (B2).
Discussion
31Même si les collégiens et leurs parents déclarent majoritairement que la scolarité se déroule de manière satisfaisante, ceux-ci énoncent un certain nombre de difficultés la jalonnant comme, par exemple, des problèmes d’attention et de compréhension invalidant fortement les acquisitions scolaires ou la nécessité de travailler plus que les élèves entendants pour arriver au même niveau. Les personnes interrogées constatent également l’importance de la présence des professionnels médico-sociaux pour la réussite de la scolarité. Bien que les adolescents sourds ou malentendants disent avoir de bonnes relations avec les entendants, ils indiquent que celles-ci demeurent irrégulières. En outre, certains collégiens et leurs parents constatent un certain isolement quand ces premiers sont scolarisés en dispositif de scolarisation individuel. Certains adolescents malentendants et leurs parents évoquent la difficulté d’établir des relations durables avec des pairs sourds communiquant en langue des signes. Nous recensons dans les situations rencontrées des comportements adolescents ordinaires bien que la déficience auditive constitue un élément identitaire important à cette période. Certains parents évoquent les confrontations nécessaires avec les adolescents car ceux-ci sont dans une période où ils testent les cadres établis. Les choix d’orientation s’avèrent être un compromis entre les souhaits du collégien et sa capacité à suivre le cursus envisagé, ce dernier aspect étant évoqué par les parents. Ces derniers, se sentant quelquefois isolés dans les démarches à effectuer, évoquent les difficultés auxquels ils ont dû faire face durant l’enfance du collégien. En outre, certains font part de leur désarroi quand des acteurs extérieurs minimisent ou ne comprennent pas les conséquences de la situation de handicap. Ayant la volonté de ne pas mettre l’enfant en échec, les parents indiquent que leurs décisions vont dans le sens de l’évolution de l’adolescent et selon les conseils donnés par les différents professionnels. Exprimant la nécessité d’être présent et disponible pour la réussite de la scolarité, certains parents développent de nombreuses stratégies pour assurer la cohérence du projet de scolarisation.
32Par conséquent, notre recherche montre que les collégiens développent des représentations sur leur scolarité basées sur des ressentis vécus dans l’immédiateté alors que celles des parents, inscrites dans une temporalité plus large, mettent en exergue les difficultés rencontrées et les efforts à fournir pour la réussite du projet de scolarisation. En effet, l’analyse des entretiens montre que les parents et les collégiens se situent dans deux temporalités différentes. La surdité est, certes, un marqueur de l’adolescence qui va, par exemple, organiser les relations des collégiens déficients auditifs avec leurs pairs, néanmoins les comportements et les préoccupations relevés ne diffèrent pas des autres adolescents. En effet, ceux-ci sont quelquefois « pris dans une logique de l’immédiateté (« tout, tout de suite ») dans laquelle il peut parfois entraîner les adultes qui le prennent en charge » (Courtois, 2011 : 289). Inscrit dans une temporalité plus large que les adolescents, les parents évoquent les sacrifices effectués, les difficultés rencontrées, leur nécessaire investissement ainsi que les efforts encore à fournir pour que leur enfant réussisse son parcours scolaire.
33Les résultats, étant circonscrits aux représentations des personnes interrogées, ne peuvent être, en aucun cas, généralisables à l’ensemble des collégiens sourds et malentendants ainsi que de leurs parents. Tout au plus, ils peuvent représenter quelques traits saillants des points de vue du public étudié à propos du déroulement de la scolarité des adolescents déficients auditifs. L’apport de cette recherche se situe dans le focus proposé à propos des parents et des collégiens atteints de surdité. Des études récentes ont été menées sur les comportements des adolescents sourds et malentendants au collège (Belfais-Duquesne & Bertin, 2005), à propos de ce que pensent les parents d’enfants sourds et malentendants sur les professionnels accompagnant et inversement (Lavigne, 2006), mais pas sur un croisement des représentations des parents et de leurs enfants sur la scolarité de ces derniers. Nous choisissons de traiter ensemble les discours des adolescents et de leurs parents car ce procédé permet de mettre en exergue les points de vue des premiers et des seconds à propos d’événements vécus ensemble mais à une place différente. Une des limites de cette recherche réside dans le fait que la majorité des parents interrogés soient des mères. Cette configuration, n’étant pas équitable dans le nombre d’entretiens entre les deux sexes, peut influencer la nature des discours recueillis par la mise en exergue de certains thèmes plus abordés par les mères que par les pères. En outre, des pistes de recherche mériteraient d’être approfondies sur, entre autres, la qualité des relations établies entre les parents et leurs enfants déficients auditifs durant la période adolescente ou sur la prise en compte de l’avis des adolescents dans les décisions d’orientation à l’issue du collège.
Conclusion
34La période du collège constitue une époque charnière pour les collégiens sourds ou malentendants à cause des remaniements identitaires à l’œuvre et en raison de leur capacité ou non à poursuivre un cursus ordinaire. Notre recherche montre bien que ceux-ci mettent en avant les problèmes de relation avec leurs pairs et les difficultés rencontrées dans leur scolarité. Particulièrement préoccupés par ces deux aspects, les parents apprennent leur « métier » grâce à toutes les actions qu’ils mettent en œuvre auprès des différents partenaires de la scolarisation. En effet, les parents interrogés s’investissent afin que la situation de handicap ne soit pas un frein à la réussite du projet de leur enfant.
Bibliographie
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- Belfais-Duquesne F. & Bertin F. (2005) « Être et accueillir un adolescent sourd au collège » – La Nouvelle Revue de l’AIS 29 (99-113).
- Clerget S. (2000) Adolescents, la crise nécessaire. Paris : Fayard.
- Courtois R. (2011) Les conduites à risque à l’adolescence : Repérer, prévenir et prendre en charge. Paris : Dunod.
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- Galle P. (2015) Le partenariat entre les acteurs de la scolarisation de collégiens sourds ou malentendants. Université Lyon 2, Thèse de doctorat.
- Galle P. (2017) Réussir l’école inclusive en partenariat avec les parents, l’Éducation nationale et les structures médico-sociales : l’exemple de la scolarisation de collégiens sourds ou malentendants. Paris : L’Harmattan.
- Goasmat G. (2006) « L’intégration sociale des enfants sourds » – Le Journal des Psychologues 236 (54-59).
- Korff-Sauss S. (2001) D’Œdipe à Frankenstein : figures du handicap. Paris : Desclée de Brouwer.
- Lavigne C. (2006) « Parents entendants d’enfants sourds et professionnels de la surdité : rencontre ou séparation ? » – La Nouvelle Revue de l’Adaptation et de la Scolarisation 2 (9-22).
- Lesain-Delabarre J. M & Garel J.-P. (1999) « Le métier de parent d’un élève handicapé : aspects stratégiques de l’intégration scolaire » – La Nouvelle Revue de l’Adaptation et de la Scolarisation 8 (221-233).
- Malet C. (2007) « Surdité, clinique et dialogue. Responsabilité du psychologue » - in : P. Jonckheere (éd.) Handicap mental : prévention et accueil (197-209). Bruxelles : de Boeck.
- Mallet P., Meljac C., Baudier A. & Cuisinier F. (2003) Psychologie du développement. Paris : Belin.
- Meilland A. (2013) « Troubles psychiques des adolescents sourds » – in : C. Quérel (éd.) Surdité et santé mentale. Communiquer au cœur du soin (79-82). Cachan : Lavoisier.
Mots-clés éditeurs : parent, représentation, collégien, adolescence, handicap, malentendance, scolarité, surdité
Date de mise en ligne : 03/02/2020
https://doi.org/10.3917/spir.hs1.0079Notes
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[1]
Les unités localisées pour l’inclusion scolaire sont des dispositifs de scolarisation collectifs de l’Éducation nationale accueillant des élèves en situation de handicap.
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[2]
Les quatorze entretiens semi-dirigés ont été réalisés entre mai et décembre 2013.
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[3]
Unité localisée pour l’inclusion scolaire.
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[4]
Accompagnant d’élève en situation de handicap.
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[5]
La méthodologie de l’analyse de contenu se réalise en plusieurs étapes : le processus de catégorisation, le processus d’inférence et l’interprétation.
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[6]
École où se situe le dispositif médico-social.
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[7]
Depuis le 18e siècle, concernant les modes de communication des personnes sourdes et malentendantes, deux courants de pensée (l’oralisme et le gestualisme) s’opposent. Nous avons montré que les parents interrogés choisissent les modalités de communication selon l’intérêt de l’enfant et non selon un choix idéologique pour telle ou telle méthode.
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[8]
Accompagnant des élèves en situation de handicap.