Notes
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[1]
Ministère de l’Éducation nationale (2015), en ligne :
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=90158 -
[2]
« Cet enseignement a pour objet de transmettre et de faire partager les valeurs de la République acceptées par tous » (MEN, 2015 : 162). Elles sont citées plus loin : « la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, la solidarité, l’esprit de justice, le respect et l’absence de toutes formes de discriminations » (MEN, 2015 : 163).
-
[3]
Il faut distinguer en effet la DVP décrite par le document officiel (cité ensuite dans l’article en note 4) et les pratiques qui se nomment « DVP » qui ont en réalité des formes divergentes. Ces pratiques se sont développées en France à l’école primaire à partir des années 2000, en grande partie, grâce aux travaux de Michel Tozzi, didacticien de la philosophie ; et la terminologie « discussion à visée philosophique » a été créée par Jean-Charles Pettier, auteur de la première thèse en France sur le sujet en 2000.
-
[4]
Michel Tozzi a écrit, dirigé, coordonné de nombreux ouvrages sur les pratiques philosophiques pour faire connaitre ses travaux et ceux d’autres praticien-ne-s chercheur-e-s (Tozzi 2001, 2002a, 2002b, 2003, 2007, 2012) ; il est aussi rédacteur en chef de la revue numérique Diotime l’Agora, revue internationale de didactique de la philosophie : http://www.educ-revues.fr/diotime/
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[5]
La fiche méthodologique « La discussion à visée philosophique ou oral réflexif » sur éduscol :
http://cache.media.eduscol.education.fr/file/EMC/01/7/ress_emc_discussion_DVP_464017.pdf -
[6]
Nous retrouvons dans cette définition la matrice formelle de Michel Tozzi qui donne les composantes essentielles de la DVP en termes de processus de pensée : problématiser, conceptualiser, argumenter (Tozzi, 1994).
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[7]
La DVP apparait trois fois dans le programme de cycle 2 et trois fois dans le programme de cycle 3, en tant qu’« exemples de pratiques » et pour des thèmes dont on peut interroger le choix : pourquoi eux, et pas d’autres ? http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=90158 . Et puisqu’elle n’est citée qu’en tant qu’exemple, la DVP n’a pour l’instant pas le statut de dispositif obligatoire à l’école. Elle reste au choix de l’enseignant-e.
-
[8]
Définition donnée pour le programme d’EMC 2015 dans la fiche ressource intitulée « Le débat réglé ou argumenté » parue sur éduscol :
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/EMC/01/1/ress_emc_debat_464011.pdf -
[9]
Le site éduscol recense et décrit 6 démarches pour accompagner les enseignant-e-s dans la mise en œuvre du programme d’EMC :
http://eduscol.education.fr/pid34730-cid92404/methodes-et-demarches.html -
[10]
Nous ne parlerons ici que du cycle 3 puisque notre expérimentation a lieu dans ce cycle.
-
[11]
En 2016/2017, Laurence Breton a suivi – dans le cadre de la réalisation d’une thèse en sciences de l’éducation dirigée par Cendrine Marro – trois classes de la même école (deux classes de CM1 et une classe de CM1/CM2) qui, tous les quinze jours sur un thème différent, vivaient une DVP. Cette expérimentation a pour objectif de comparer des protocoles de pratiques de la DVP différents : un protocole libre pour les classes de CM1 et CM1/CM2 (laissé à l’inventivité et l’interprétation des deux enseignantes qui travaillaient en équipe sans prendre appui sur des textes philosophiques) inscrit dans leur lecture du programme de l’EMC et un protocole pour une autre classe de CM1 mettant en jeu des lectures philosophiques associées à un moment de problématisation cadré autour de ces lectures. Les deux enseignantes des classes témoins : « CM1T » et « CM1/CM2T » étaient novices dans la mise en place de DVP en classe malgré une ancienneté en tant que professeures des écoles d’environ vingt ans. Laurence Breton intervenait dans la troisième classe de CM1avec un protocole expérimental (« CM1exp »).
-
[12]
Le pourcentage a été obtenu en ramenant pour chaque enseignante le type d’intervention au nombre total d’interventions de cette enseignante lors de la DVP. Une intervention équivaut à un tour de parole.
-
[13]
On pourrait par exemple partir du questionnement suivant : « Sommes-nous tous pareils ? Sommes-nous tous différents ? La différence entre les êtres humains est-elle réelle ? La différence engendre-t-elle de la haine ? ». Ces quatre questions ont été posées par les élèves de CM1 de la classe expérimentale, après un moment de lecture de textes philosophiques réécrits pour la jeunesse.
-
[14]
Ce texte intitulé « L’abeille » est la reprise du texte du Ménon de Platon (72a-b).
1Officiellement, la Discussion à Visée Philosophique (DVP) a fait son entrée en France en 2015 dans le programme d’enseignement moral et civique (EMC) [1]. Ce dispositif pédagogique a été choisi comme moyen de mettre en œuvre ce programme qui vise, entre autres, le développement de l’esprit critique. Notons tout de suite que ce programme se donne également pour objectif la transmission de valeurs [2] et que la culture propre à ce programme doit développer « les dispositions à agir de façon morale et civique » (MEN, 2015 : 162). La discussion à visée philosophique, telle qu’elle est aujourd’hui entendue dans le programme d’EMC [3], consiste à proposer régulièrement aux élèves de l’école élémentaire de participer à des débats qui ont pour thèmes des notions philosophiques : la différence, l’égalité, la tolérance, etc. Ces débats sont organisés de manière réglée, cadrée et l’enseignant-e anime de façon serrée les échanges. Il-elle est garant-e de l’argumentation des élèves, de la mise en lien des propos des un-es et des autres, de la précision des termes employés pour parvenir à une conceptualisation et ne cesse de requestionner la question à l’origine du débat ou le thème initialement choisi pour faire émerger au sein des échanges une problématisation, élément essentiel d’une réflexion véritable. Les opinions sont ainsi examinées au profit de l’élaboration minutieuse d’idées qui représentent des essais de réponses à la question débattue. Les travaux universitaires de Michel Tozzi, un des principaux promoteurs en France de la DVP, n’étant pas nécessairement connus de la communauté enseignante bien que très largement publiés [4], une fiche-ressource méthodologique [5] a été rédigée afin de sensibiliser les enseignant-e-s à cette pratique, qui y est ainsi décrite : « La DVP ou oral réflexif a pour objet de réfléchir au sens des choses, en dehors de toute prise de décision et sans viser l’action. De façon générale, cette réflexion implique de sortir de soi-même, de partager les questions existentielles dans le temps et l’espace pour penser notre condition humaine dans ce qui fonde notre rapport au monde, aux autres… ». La suite de la lecture souligne que la démarche de la DVP définie par quatre objectifs d’apprentissage (examen des opinions, mise à jour d’un problème, argumentation, conceptualisation [6]) est en adéquation avec celle du programme d’EMC qui veut développer chez l’élève « les aptitudes à la réflexion critique » (MEN, 2015 : 168).
2Certes, on ne peut que se réjouir de ce que, pour la première fois, un programme d’EMC prône une démarche réflexive de façon aussi affirmée. Toutefois, afin que la DVP ne se retrouve pas simplement instrumentalisée par les objectifs pluriels de l’EMC (développement du jugement moral, de l’esprit critique et acquisition d’une culture morale et civique), il nous semble important de porter un regard critique d’une part, sur les textes officiels posant le cadre de cet usage de la DVP en EMC, et d’autre part, sur les pratiques enseignantes mises en œuvre dans ce cadre. Ce que se propose de réaliser cet article.
3Ainsi, dans l’objectif de maintenir l’exigence d’apprentissage du philosopher d’une DVP inscrite dans un programme d’EMC, nous procéderons à une analyse dudit programme afin d’expliciter le type de relations existant entre la DVP et l’EMC. Dans un second temps, nous identifierons le problème latent de la posture enseignante (Bucheton & Soulé, 2009) lors de DVP menées dans le cadre de l’EMC – l’enseignant-e pouvant être tenté-e de transmettre des messages à caractère moral par le biais de la DVP – en proposant une typologie des interventions-enseignantes à partir du corpus de trois pratiques philosophiques enseignantes sur le même thème (la différence) dans trois classes de CM1 d’une même école. Et nous montrerons enfin la pertinence que peut représenter l’utilisation de textes philosophiques, adaptés pour la jeunesse, pour éviter cette instrumentalisation.
Discussion à visée philosophique et enseignement moral et civique en France
Une association théoriquement pertinente…
4En France, ce n’est ni la philosophie en tant que discipline scolaire (qui resterait à définir pour les élèves du primaire) ni la pratique philosophique (qui a de multiples formes) dont il est question dans le programme de l’Enseignement moral et civique de 2015, mais c’est en réalité et spécifiquement la discussion à visée philosophique dont il s’agit, et cela en tant qu’« exemples de pratiques » [7] mettant en œuvre le programme. Le but dévolu à la DVP y est double : développer le jugement critique des élèves et faire vivre le programme d’EMC en permettant aux élèves de convoquer des savoir-être et des savoir-faire nécessaires au vivre ensemble.
5Or si l’on se réfère au courant « citoyenneté » de la discussion à visée philosophique (Tozzi, 2001 : 69-88), on comprend rapidement ce recours à la DVP pour ce nouvel enseignement moral et civique. En effet plusieurs chercheurs avec Michel Tozzi (Delsol, 2000 ; Connac, 2009 ; Usclat, 2007) ont mis en avant le développement important que permettait la DVP du côté des compétences sociales et civiques des élèves. Ce qui prime pour ces derniers, c’est que l’organisation de la DVP permet aux élèves de vivre une expérience démocratique autour de questions philosophiques ; questions qui ont très souvent pour thèmes des notions appartenant à la philosophie morale et politique ; alors que celles relevant par exemple de la métaphysique, de l’épistémologie, ou de la philosophie esthétique sont peu souvent convoquées. Font ainsi l’objet des DVP expérimentées par ces chercheurs les questions philosophiques suivantes : « Qu’est-ce que la justice ? Est-ce qu’on est tous pareils ? Doit-on respecter la parole de l’autre ? La raison du plus fort est-elle toujours la meilleure ? Doit-on toujours dire la vérité ? » (Tozzi, 2001 : 69-88).
6Ce rapprochement entre EMC et courant citoyenneté de la discussion à visée philosophique est tout à fait lisible quand les textes officiels rangent sous l’appellation « débat réglé » la discussion à visée philosophique, qu’ils définissent comme « un moyen pour tout individu d’exprimer son point de vue dans le cadre d’un échange régi par des règles. C’est une discussion entre différentes personnes sur une question controversée où chacune doit savoir maîtriser sa parole, laisser la place à celle de l’autre, comprendre son point de vue même quand elle ne le partage pas et chercher à convaincre en argumentant. Il s’agit donc d’un échange dont chacune des parties peut tirer profit et non d’un affrontement avec un gagnant et un perdant. » [8] La DVP – mise sur le même plan que d’autres pratiques comme les dilemmes moraux, la méthode de clarification des valeurs, la technique des messages clairs, le conseil d’élèves, d’autres types de débat réglé ou argumenté [9] – est donc citée comme démarche pertinente en vue de permettre à chaque élève d’exprimer un point de vue, de le justifier, d’écouter d’autres points de vue et d’en tenir compte.
… mais une instrumentalisation possible
7Il faut pointer pourtant trois écueils dans cette inscription de la DVP dans le programme d’enseignement moral et civique.
8Premièrement, dans le programme de cycle 3 [10] de 2015, si l’on observe où la DVP apparait en tant qu’exemple de pratique, on constate que ce n’est pas là où on pourrait l’attendre, soit dans la dimension intitulée « Le jugement : penser par soi-même et avec les autres » puisque la DVP est d’abord une entreprise initiée pour que l’élève pense effectivement par lui-même. Or pour ce cycle 3, la DVP apparait une fois dans la dimension « La sensibilité » et deux fois dans la dimension « Le droit et la règle », ce qui brouille les pistes puisque les objectifs de ces deux domaines sont tout autres. On pourrait donc comprendre en tant qu’enseignant-e que la DVP va pouvoir être surtout utilisée en classe soit pour l’estime de soi, l’écoute et l’empathie (domaine de la sensibilité), soit pour la compréhension des règles ou de la loi ou encore des principes et des valeurs de la République (domaine du droit et la règle).
9Ensuite, les exemples donnés ainsi que leur formulation sont à plus d’un titre déroutants : « Discussion à visée philosophique sur le thème de la tolérance ou sur le thème de la moquerie » (MEN, 2015 : 166) ; « Le handicap : discussion à visée philosophique. La loi sur le handicap de 2005. Discussion à visée philosophique sur les valeurs et les normes. » (MEN, 2015 : 167). Non seulement tous les thèmes choisis appartiennent au seul champ de la philosophie morale et politique, ce qui peut paraitre exclusif, mais surtout ils paraissent bien difficiles à traiter tels quels de manière philosophique, tant leur formulation interpelle ce qui est moralement convenu de répondre. Comment organiser par exemple un débat autour de la notion de handicap, surtout quand la loi est citée tout de suite après. Ce type de thématique enjoint davantage l’enseignant-e à susciter les idées/valeurs suivant lesquelles chaque être humain est égal devant la loi et doit être respecté que le questionnement. Or si l’on veut organiser une DVP, et donc avoir pour objectif d’apprendre à philosopher aux élèves, favoriser le questionnement – composante essentielle et structurelle de l’activité philosophique – doit être privilégié afin de permettre la problématisation de la notion convoquée et ainsi la mise en œuvre d’une véritable réflexion la concernant.
10Enfin ces exemples de thèmes classiquement choisis pour la DVP sont peut-être révélateurs d’une tension plus complexe entre celle-ci et l’EMC ; cette tension peut se lire ici : « Loin de l’imposition de dogmes ou de modèles de comportements, l’enseignement moral et civique vise à l’acquisition d’une culture morale et civique et d’un esprit critique qui ont pour finalité le développement des dispositions permettant aux élèves de devenir progressivement conscients de leurs responsabilités dans leur vie personnelle et sociale » (MEN, 2015 : 163). Dès lors, pour nous, se posent les questions suivantes : comment tenir ensemble l’acquisition d’une culture morale et civique définie par les valeurs de la République et, dans le même temps, le développement d’un esprit critique ? Comment peut s’y prendre un-e enseignant-e pour à la fois transmettre des valeurs bien définies et soumettre au questionnement de ses élèves des notions philosophiques qui mettent en jeu ces valeurs ?
11Loin de considérer qu’il n’y a pas à discuter philosophiquement de ces notions données en exemples dans le programme, nous souhaitons surtout souligner combien la DVP ne peut qu’être dénaturée dans ce cadre. La finalité centrée sur l’émergence des valeurs de la République tend à occulter celle d’apprendre à philosopher aux élèves, c’est-à-dire à conceptualiser, problématiser et argumenter. Il s’agira alors de DVP qui ne suivent plus leur principe originel de développement de la pensée critique et réflexive (le penser par soi-même), mais qui deviennent pour l’enseignant-e l’occasion assumée de faire formuler ou même de formuler des principes de vie collective voire des préceptes moraux, et ce faisant d’imposer des vérités.
La discussion à visée philosophique au-delà de l’enseignement moral et civique : une posture et des interventions de l’enseignant-e à definir et garantir
Une posture oscillante : prévisible à la lecture du programme d’EMC et confirmée par l’expérimentation
12Cette inscription de la DVP dans l’EMC engendre en réalité deux risques, l’un pour la DVP l’autre pour l’EMC même. D’une part, la discussion à visée philosophique peut n’avoir plus rien de philosophique, par manque de conceptualisation et de problématisation, d’autre part, l’enseignement moral et civique va être davantage l’occasion de l’énonciation d’une morale plutôt que de la mise en situation du jugement critique de l’élève.
13Au cours de sa journée de classe avec les élèves, l’enseignant-e prend de multiples postures (Bucheton & Soulé, 2009 : 38) en fonction des différents rôles qui lui sont assignés. Ainsi il-elle ne se positionne pas de la même façon lorsqu’il s’agit de faire découvrir aux élèves une notion, faire récapituler un savoir en classe, gérer un conflit entre élèves ou même surveiller la récréation. La complexité du travail enseignant (Bucheton et Soulé parlent de « multi-agenda », idem : 37) consiste donc à crédibiliser aux yeux des élèves chacune de ces postures et à adopter celle qui est adéquate au bon moment. Lors des DVP, l’enseignant-e peut se retrouver oscillant entre une posture proche du socio-constructivisme pour mettre les élèves en situation de penser méthodiquement et une autre, très inductive, en attente d’énonciation de propos à valeur morale ou de mise en avant de valeurs privilégiées. Lors des DVP, l’enseignant-e peut se sentir ainsi avant tout éducateur-trice moral-e, garant-e de l’expression en classe d’une certaine pensée morale ; et cela d’autant plus que la DVP est corrélée à l’EMC. Cette posture primerait sur celle du guide menant les élèves à penser par eux-mêmes. Or tel n’est pas le propos de la DVP dans ses principes : la DVP réclame de l’enseignant-e une posture de guide, de facilitateur. Si le but de la DVP est que chaque élève puisse développer une pensée critique sur la vie humaine, l’enseignant-e ne doit pas intervenir sur le contenu de cette DVP. Il-elle n’a pas de réponse à attendre (comme on pourrait attendre que les notions de singulier et de pluriel soient découvertes lors d’une analyse de groupes nominaux en classe). En revanche, il-elle a à garantir que les propos soient bien formulés, compréhensibles, argumentés, que tels mots employés soient choisis plutôt que d’autres, que tel propos soit mis en relation avec tel autre, que l’implication de tel propos soit envisagée, que tel autre soit questionné sous un autre angle ; tout cela dans le but de construire et faire progresser une pensée dans un cadre collectif.
14Pour cerner la réalité de cette oscillation problématique supposée, ont été relevées toutes les interventions enseignantes de trois DVP ayant lieu dans trois classes différentes, dans la même école, la même semaine et sur le même thème en CM1 [11]. Trois grandes catégories d’interventions ont ainsi pu être distinguées qui vont être définies ci-dessous – en prenant appui sur la quatrième DVP de l’année scolaire, qui concernait le thème de la différence.
15Une première catégorie, appelée « interventions favorisant la construction collective d’une pensée critique » garantit l’apprentissage du philosopher en soutenant le questionnement philosophique au cours de la discussion. Elle est constituée de questions philosophiques, réclamations de réponses, expressions d’exigences du point de vue de la pensée collective en construction, recadrages sur le contenu, reformulations, mises en relation des propos des élèves les uns avec les autres, discours réflexif sur le cheminement du débat, recadrages formels pour le bon fonctionnement du débat.
16La deuxième catégorie correspond aux « interventions décrochées » qui visent en réalité d’autres domaines d’apprentissage et qui repositionnent l’enseignant-e comme détenteur-trice d’un savoir. Cette catégorie fait figure d’a parte : tout à coup, l’enseignant-e redevient enseignant-e au sens traditionnel : il-elle est garante d’un certain savoir et adopte une méthode de questionnement de type cours dialogué ou alors mène lui-elle-même un petit discours en vue d’expliquer ; il-elle quitte l’objectif de la DVP pour développer les compétences lexicales des élèves par exemple. Ou alors il-elle se met à valider les prises de parole des élèves.
17Enfin la troisième catégorie qu’on peut nommer « interventions autoritaires » va à l’encontre de la construction collective d’une pensée autonome : l’enseignant-e est au centre et l’échange fonctionne comme s’il y avait des réponses attendues. Ce sont elles qui dénaturent la DVP si elles se révèlent trop nombreuses. On peut ainsi relever les interventions qui entrent dans cette troisième catégorie : signes d’attente de réponses de la part de l’enseignante, mise en doute d’un propos d’élève, invalidation de la proposition d’un élève, demande de validation d’une idée énoncée par l’enseignante, avis donné par l’enseignante, demande aux élèves de compléter la phrase de l’enseignante, demande faite aux élèves de questionner leurs parents ou d’autres personnes sur la question.
18Ainsi, si en réalité, un seul type d’interventions est requis pour assurer la pertinence de la DVP – la première catégorie –, les deux autres menacent toujours de faire manquer l’objectif du développement de la pensée critique. On constate des proportions différentes dans chaque classe de ces trois types d’interventions, mais il faut surtout noter que les deuxième et troisième catégories sont quand même assez fortement représentées pour deux classes sur trois, les deux classes témoins (cf. tableau en annexe). La deuxième catégorie « interventions décrochées » est très variable : peu représentée dans la classe CM1exp (9,1 % [12]) mais passant du simple au double, voire au triple pour les classes témoins (19,3 % et 30,2 %). La troisième catégorie (« interventions autoritaires ») est quasiment absente du protocole utilisant les textes philosophiques (cette catégorie représente 1,1 % des interventions pour la classe CM1exp, contre 11,4 % ou 8,7 % pour les classes CM1T et CM1/CM2T). Enfin la première catégorie « interventions favorisant la construction collective d’une pensée critique » est plus largement dominante dans la classe CM1exp (89,8 % des interventions) que dans les autres (58,4 % pour la CM1T et 72 % pour la classe de CM1/CM2T).
Une posture stabilisée par l’usage de la lecture philosophique avant DVP
19Que s’est-il passé dans la classe expérimentale (peu d’interventions autoritaires ou décrochées et majorité d’interventions invitant à la problématisation et à la conceptualisation) ? Un protocole différent a été testé : l’une d’entre nous (Laurence Breton) a pu intervenir elle-même dans cette classe en incluant toujours dans la séance de DVP un moment préparatoire – avant discussion – de problématisation, qui prenait appui sur un texte philosophique réécrit pour la jeunesse.
20Considérant que l’apport des philosophes est précisément de permettre d’envisager une question là où le préjugé règne, ou de re-questionner sans cesse une notion, l’hypothèse posée est que l’utilisation des textes philosophiques à l’école éviterait ces dérives. De tels textes existent aujourd’hui dans l’offre éditoriale dédiée à la jeunesse. En effet, depuis une petite vingtaine d’années, sont proposés des supports de philosophie jeunesse qui mettent en scène les problématiques de la philosophie classique sous forme de courtes histoires. Se servir de ces supports qui permettent de stimuler le versant réflexif des notions, plutôt que leur versant moralisateur, peut être un bon moyen de garantir la posture enseignante adéquate lors des DVP.
Versant moralisateur / La notion de différence dans le programme d’EMC
21Dans le programme d’enseignement moral et civique de cycle 3 (MEN, 2015 : 166), il est indiqué dans la colonne « Connaissances, capacités et attitudes visées » : « respecter autrui et accepter les différences ». Cette capacité et cette attitude sont déclinées en : « respect des autres dans leur diversité » et « respect des différences, tolérance ». Ainsi on attend des élèves à la fois qu’ils sachent que chacun-e doit être respecté-e et qu’ils-elles se montrent tolérant-e-s avec celles et ceux qui ne leur ressembleraient pas, mais sans mettre réellement en réflexion la notion de différence [13]. On peut donc en tant qu’enseignant-e avoir l’impression que l’important est de réussir à faire comprendre aux élèves que s’ils-elles notent des différences chez les autres, il faut les tolérer et non pas de les amener à questionner la notion de différence tels de petits philosophes en herbe, comme nous allons l’illustrer. Nous ne remettons pas en cause cette tolérance en tant que valeur, nous notons seulement qu’une véritable DVP peut difficilement être menée ici, si l’enseignant-e ne garde pas en tête clairement quelle doit être sa posture et s’il-elle ne fait pas appel aux philosophes pour ce faire.
Versant réflexif / Le concept de différence questionné par les philosophes
22Les philosophes abordent en effet différemment le concept de différence. Ce concept est difficile à définir autrement que négativement : ce qui est différent, c’est d’abord ce qui n’est pas identique ou semblable. Et d’un autre côté, quand on décèle une relation de différence entre deux choses ou entre deux personnes, c’est que celles-ci ont quelque chose de commun qui nous amène à les comparer. La différence est donc relative. Les philosophes ont aussi mis en avant que ce concept avait été utilisé idéologiquement, à travers l’affirmation d’« un droit à la différence ». Ce droit peut aller à l’encontre de l’égalité, pour elles et eux. Philosopher sur la différence, ce n’est donc pas valoriser l’existence des différences (notamment inter groupes, de sexe, de nationalité, d’âge, etc.) en vue de les respecter toutes, comme les enseignantes de notre recherche ont pu l’interpréter, c’est avant tout déceler ce qui se cache de contradictoire et de problématique dans ce concept.
Conceptualiser et problématiser en classe grâce aux textes philosophiques
23La lecture de textes philosophiques adaptés à de jeunes élèves, faite en amont de la DVP, permet de diriger effectivement la discussion vers l’exploration d’un concept – ici la différence – et donc vers une problématisation constamment soutenue par les interventions de l’enseignant-e.
24Par exemple, dans la classe CM1Exp, on trouve dans la DVP des propos d’élèves qui découlent de ce qu’a pu apporter la lecture d’un texte philosophique [14] (réécriture d’un passage du Ménon de Platon) :
25« La différence entre les êtres humains elle est réelle mais y a pas tout qui est différent dedans. » (E.) ;
26« Y a des choses qu’on a en commun. » (Am.) ;
27« On est tous des êtres humains. » (Ai.) ;
28« La différence entre les filles et les garçons elle est pas très importante parce que dans le mental on est un peu pareil. » (Ke.) ;
29« Elle est pas importante puisqu’on est égaux. » (Gabr.).
30La différence est discutée, voire remise en cause ici alors que dans les deux autres classes elle est un fait : les 116 premières interventions (élèves et enseignantes) de la classe de CM1T, soit 21 minutes de discussion, passent par exemple en revue tous les types de différences qu’on peut relever parmi les êtres humains. Ainsi comme cela se retrouvera dans les productions d’écrit individuelles des élèves de cette classe, le discours des élèves est essentiellement descriptif (de l’ordre du simple inventaire). Dans la classe de CM1/CM2T, on note aussi deux passages, même s’ils sont moins conséquents (interventions 6 à 16 puis 73 à 129) de description des différences entre les êtres humains, l’enseignante ayant demandé : « Alors qu’est-ce qui fait qu’on est différent ? »
31À la lecture des productions d’écrit finales de chacun des élèves dans chacune des classes, le souhait des deux enseignantes que les élèves partent tous à la fin de la DVP avec l’idée que la différence entre les êtres humains est positive, signe de richesses, transparait massivement. Du coup la notion de différence n’est jamais remise en cause. On lit ainsi dans les productions d’écrit des vingt-neuf élèves de la classe CM1T quatorze descriptions des différences qu’on peut remarquer entre les êtres humains (la production d’écrit est donc descriptive et non réflexive) et seize d’entre elles déclarent que la différence est une richesse : « La différence est une merveille que le monde a apportée. » ; « Pour moi être différent c’est une richesse. » ; la différence « peut vous apprendre plein de choses. » ; « c’est une richesse sinon on serait tous pareils. » ; « c’est bien d’être différent ». Or on ne trouve pas ce type d’idées dans la classe expérimentale. Cette classe est en effet partie d’une réécriture du texte de Platon (Blanquet, Roche & Barrère, 2005 : 140-143) qui vise à faire réfléchir sur la notion même de différence : à chaque fois qu’on énonce une différence, c’est sur deux choses qui ont des éléments communs, nous dit-il. Ainsi à chaque fois qu’il y a de la différence, il y a du commun. Le terme même de différence est contradictoire intrinsèquement. Ce texte a conduit les élèves à poser la question débattue suivante : « La différence existe-t-elle vraiment ? ». Cette classe a ainsi davantage philosophé grâce à Platon car elle n’a pas été guidée selon l’idée morale répandue, que « la différence c’est bien ». On peut lire ainsi dans les productions d’écrit : « Il y a des hommes, des femmes mais au fond dans la tête, au moral l’homme et la femme se ressemblent. Un homme et une femme peuvent avoir les mêmes idées […] On a tous un cerveau développé » ; « on est tous égaux tous des personnes » ; « Il y a des différences mais aussi des points communs » ; « Mais les êtres humains ont tous des points communs comme la parole » ; « Comme les abeilles : d’un point de vue on est pareil d’un autre on est différent ». La notion de différence a été remise en cause dans sa définition habituelle, elle a aussi été rattachée à la notion d’égalité.
32Partant de notre réflexion théorique et de nos données de recherche actuelles précédemment exposées, nous souhaiterions conclure cet article en soulignant qu’à notre sens la lecture de textes philosophiques adaptés à la jeunesse permet de tenir les finalités propres (argumenter, problématiser et conceptualiser) de la DVP et ainsi de véritablement stimuler la démarche réflexive que les programmes d’EMC ont pour ambition de susciter. La fécondité de la pensée des philosophes, retranscrite dans ces textes, guide l’enseignant-e lui-elle-même vers une conduite réflexive, c’est-à-dire non pas seulement descriptive et argumentative de la discussion, mais aussi et surtout problématisante et conceptualisante. L’utilisation des textes philosophiques en classe est la garantie que la discussion à visée philosophique ne se fourvoie pas dans le cadre de l’enseignement moral et civique mais constitue un guide pour la réflexion critique à y déployer. Or dans l’optique que la DVP ne soit pas abandonnée (dans la pratique, les recommandations institutionnelles ou les textes officiels futurs) par manque de contenu réflexif, nous avons tout intérêt à garantir ses finalités propres.
Annexe
Tableau : Relevé des différentes interventions enseignantes lors d’une DVP ayant eu lieu dans 3 classes de CM1 sur le thème de la différence, catégorisation et pourcentage.
Typologie des interventions de l’enseignante | % d’interventions de ce type durant le débat CLASSE témoin CM1T | % d’interventions de ce type durant le débat CLASSE témoin CM1/CM2T | % d’interventions de ce type durant le débat CLASSE expérimentale CM1exp |
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CATEGORIE 1 — Interventions favorisant la construction collective d’une pensée critique | |||
Pourcentage total catégorie 1 | 58,4 % | 72 % | 89,8 % |
Questions philosophiques posées | 4,7 % | 5,3 % | 4,5 % |
Réclamation de réponses | 23,5 % | 8,6 % | 8 % |
Exigences du point de vue de la pensée collective en construction | 6,6 % | 15 % | 8 % |
Recadrage sur le contenu : retour sur la question posée | 0 % | 4,3 % | 19,5 % |
Reformulations | 11,3 % | 23,6 % | 22,9 % |
Mise en relation des propos des élèves les uns avec les autres | 3,7 % | 10,7 % | 12,6 % |
Discours réflexif sur le cheminement du débat (l’enseignante commente ce qui est en train de se construire) | 0 % | 1,1 % | 8 % |
Recadrage pour le bon fonctionnement du débat | 8,5 % | 3,1 % | 5,7 % |
CATEGORIE 2 : Interventions décrochées | |||
Pourcentage total catégorie2 | 30,2 % | 19,3 % | 9,1 % |
Validation de l’enseignante suite à un propos énoncé | 13,2 % | 19,3 % | 8 % |
Interventions portant sur le vocabulaire employé | 15 % | 0 % | 1,1 % |
Moments de discours de l’enseignante pour expliquer quelque chose | 1,9 % | 0 % | 0 % |
CATEGORIE 3 : Interventions autoritaires | |||
Pourcentage total catégorie 3 | 11,4 % | 8,7 % | 1,1 % |
Signes d’attente de réponses de la part de l’enseignante | 2,9 % | 0 % | 1,1 % |
Mise en doute d’un propos d’un élève | 2,9 % | 1,1 % | 0 % |
Invalidation de la proposition d’un élève | 1,9 % | 0 % | 0 % |
Demande de validation d’une idée énoncée par l’enseignante | 0,9 % | 0 % | 0 % |
Avis donné par l’enseignante | 0,9 % | 1,1 % | 0 % |
Demande aux élèves de compléter la phrase de l’enseignante | 0,9 % | 4,3 % | 0 % |
Demande faite aux élèves de questionner leurs parents sur la question | 0,9 % | 2,1 % | 0 % |
Tableau : Relevé des différentes interventions enseignantes lors d’une DVP ayant eu lieu dans 3 classes de CM1 sur le thème de la différence, catégorisation et pourcentage.
Bibliographie
- Blanquet S., Roche C. & Barrère J.-J. (2005) Sagesses et malices de Socrate, le philosophe de la rue. Paris : Albin Michel.
- Bucheton D. & Soulé Y. (2009) « Les gestes professionnels et le jeu des postures de l’enseignant dans la classe : un multi-agenda de préoccupations enchâssées » – Éducation et Didactique 3, 3 (29-48).
- Connac S. (2009) Apprendre avec les pédagogies coopératives : démarches et outils pour l’école. Issy-les-Moulineaux : ESF.
- Delsol A. (2000) « Un atelier de philosophie à l’école primaire » – Diotime-L’Agora 8 (11-19).
- Ministère de l’Éducation nationale (2015) Bulletin officiel spécial n° 6 du 25 juin 2015.
- Tozzi M. (1994) Penser par soi-même. Initiation à la philosophie. Lyon : Chronique sociale.
- Tozzi M. (2012) Nouvelles pratiques philosophiques. Lyon : Chronique sociale.
- Tozzi M. (coord.) (2001) L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire. Paris : Hachette.
- Tozzi M. (coord.) (2002a) La discussion philosophique à l’école primaire. Languedoc-Roussillon : CRDP.
- Tozzi M. (dir.) (2002b) Nouvelles pratiques philosophiques en classe. Rennes : CRDP.
- Tozzi M. (dir.) (2003) Les activités à visée philosophique en classe. Bretagne : CRDP.
- Tozzi M. (dir.) (2007) Apprendre à philosopher par la discussion. Bruxelles : De Boeck.
- Usclat P. (2007) « La légitimation d’une intervention modulée du maître sur le fond dans une discussion à visée philosophique » – in : M. Tozzi (coord.) Apprendre à philosopher par la discussion (137-146). Bruxelles : De Boeck.
Mots-clés éditeurs : enseignement moral et civique, discussion à visée philosophique, école élémentaire
Date de mise en ligne : 02/02/2020
https://doi.org/10.3917/spir.062.0051Notes
-
[1]
Ministère de l’Éducation nationale (2015), en ligne :
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=90158 -
[2]
« Cet enseignement a pour objet de transmettre et de faire partager les valeurs de la République acceptées par tous » (MEN, 2015 : 162). Elles sont citées plus loin : « la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, la solidarité, l’esprit de justice, le respect et l’absence de toutes formes de discriminations » (MEN, 2015 : 163).
-
[3]
Il faut distinguer en effet la DVP décrite par le document officiel (cité ensuite dans l’article en note 4) et les pratiques qui se nomment « DVP » qui ont en réalité des formes divergentes. Ces pratiques se sont développées en France à l’école primaire à partir des années 2000, en grande partie, grâce aux travaux de Michel Tozzi, didacticien de la philosophie ; et la terminologie « discussion à visée philosophique » a été créée par Jean-Charles Pettier, auteur de la première thèse en France sur le sujet en 2000.
-
[4]
Michel Tozzi a écrit, dirigé, coordonné de nombreux ouvrages sur les pratiques philosophiques pour faire connaitre ses travaux et ceux d’autres praticien-ne-s chercheur-e-s (Tozzi 2001, 2002a, 2002b, 2003, 2007, 2012) ; il est aussi rédacteur en chef de la revue numérique Diotime l’Agora, revue internationale de didactique de la philosophie : http://www.educ-revues.fr/diotime/
-
[5]
La fiche méthodologique « La discussion à visée philosophique ou oral réflexif » sur éduscol :
http://cache.media.eduscol.education.fr/file/EMC/01/7/ress_emc_discussion_DVP_464017.pdf -
[6]
Nous retrouvons dans cette définition la matrice formelle de Michel Tozzi qui donne les composantes essentielles de la DVP en termes de processus de pensée : problématiser, conceptualiser, argumenter (Tozzi, 1994).
-
[7]
La DVP apparait trois fois dans le programme de cycle 2 et trois fois dans le programme de cycle 3, en tant qu’« exemples de pratiques » et pour des thèmes dont on peut interroger le choix : pourquoi eux, et pas d’autres ? http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=90158 . Et puisqu’elle n’est citée qu’en tant qu’exemple, la DVP n’a pour l’instant pas le statut de dispositif obligatoire à l’école. Elle reste au choix de l’enseignant-e.
-
[8]
Définition donnée pour le programme d’EMC 2015 dans la fiche ressource intitulée « Le débat réglé ou argumenté » parue sur éduscol :
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/EMC/01/1/ress_emc_debat_464011.pdf -
[9]
Le site éduscol recense et décrit 6 démarches pour accompagner les enseignant-e-s dans la mise en œuvre du programme d’EMC :
http://eduscol.education.fr/pid34730-cid92404/methodes-et-demarches.html -
[10]
Nous ne parlerons ici que du cycle 3 puisque notre expérimentation a lieu dans ce cycle.
-
[11]
En 2016/2017, Laurence Breton a suivi – dans le cadre de la réalisation d’une thèse en sciences de l’éducation dirigée par Cendrine Marro – trois classes de la même école (deux classes de CM1 et une classe de CM1/CM2) qui, tous les quinze jours sur un thème différent, vivaient une DVP. Cette expérimentation a pour objectif de comparer des protocoles de pratiques de la DVP différents : un protocole libre pour les classes de CM1 et CM1/CM2 (laissé à l’inventivité et l’interprétation des deux enseignantes qui travaillaient en équipe sans prendre appui sur des textes philosophiques) inscrit dans leur lecture du programme de l’EMC et un protocole pour une autre classe de CM1 mettant en jeu des lectures philosophiques associées à un moment de problématisation cadré autour de ces lectures. Les deux enseignantes des classes témoins : « CM1T » et « CM1/CM2T » étaient novices dans la mise en place de DVP en classe malgré une ancienneté en tant que professeures des écoles d’environ vingt ans. Laurence Breton intervenait dans la troisième classe de CM1avec un protocole expérimental (« CM1exp »).
-
[12]
Le pourcentage a été obtenu en ramenant pour chaque enseignante le type d’intervention au nombre total d’interventions de cette enseignante lors de la DVP. Une intervention équivaut à un tour de parole.
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[13]
On pourrait par exemple partir du questionnement suivant : « Sommes-nous tous pareils ? Sommes-nous tous différents ? La différence entre les êtres humains est-elle réelle ? La différence engendre-t-elle de la haine ? ». Ces quatre questions ont été posées par les élèves de CM1 de la classe expérimentale, après un moment de lecture de textes philosophiques réécrits pour la jeunesse.
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[14]
Ce texte intitulé « L’abeille » est la reprise du texte du Ménon de Platon (72a-b).