Notes
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[1]
Dipartimento di Sociologia e Scienza Politica, Université de Calabre, Italie.
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[2]
Il s’agit d’une recherche biennale (2007-2009) réalisée sous l’égide de la Commission Européenne. Cf. rapports de recherche http : //www.surt.org/gvei/.
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[3]
L’équipe des sociologues n’a pas utilisé exclusivement des contacts avec les personnes directement concernées. Elle a en outre sollicité les points de vue de centres antiviolence, d’associations de femmes migrantes, d’associations qui offrent hospitalité aux femmes, de bureaux d’avocats « femmes », de centres sanitaires, d’associations anti-harcèlement moral… Nous avons pu en outre vérifier que bien souvent les femmes qui ont subi des violences tendent à éprouver un sentiment de honte pour ce qu’elles ont subi. Elles entrent alors dans un « cercle vicieux » qui rend difficile toute demande d’aide.
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[4]
Ranci, 2000, p. 29.
- [5]
1De toutes parts, l’intérêt pour la mesure de phénomènes sociaux particuliers, et par conséquent pour la détermination d’indicateurs, s’accroît. Citons par exemple, la Conférence tenue à Pékin en 1995, au cours de laquelle la nécessité de recueillir des données statistiques et d’approfondir la connaissance du phénomène de la violence de genre avait été largement évoquée. De même, la Commission européenne a chargé la communauté scientifique d’élaborer des systèmes d’indicateurs sociaux afin que les policy makers et autres utilisateurs de données sociales disposent d’outils destinés à l’observation permanente et à l’analyse de certains faits sociaux dans les pays de l’Union européenne.
2Dans le cas de la Conférence de Pékin, l’objectif déclaré était d’identifier les différentes formes de la violence de genre, d’en identifier les causes et de soutenir des mesures efficaces pour prévenir et réparer celles-ci [Nations Unies, 1995]. En ce qui concerne la Commission européenne, son objectif principal est de parvenir à la définition d’un système d’indicateurs capables de mesurer les effets et le degré de gravité de phénomènes sociaux jugés cruciaux.
3La réflexion développée ci-après sera centrée sur la question suivante : Est-il possible, à travers un système d’indicateurs de vulnérabilité qui signalent une condition de fragilité, de visualiser un risque de violence bien avant qu’il ne touche les femmes ?
4Notre raisonnement part de l’hypothèse qu’il est possible de construire des indicateurs de vulnérabilité spécifiques à partir desquels seront repérés les phénomènes de violence de genre, indicateurs qui permettront en outre d’identifier les conditions qui peuvent engendrer des situations de victimisation explicites ou latentes. Cette hypothèse sera développée sur la base des résultats d’une recherche menée au niveau européen et d’une définition préalable du concept de vulnérabilité, concept central dans la recherche d’une vision intégrée des mécanismes d’exclusion sociale en lien avec la violence de genre.
5Dans une seconde partie, nous analyserons les indicateurs permettant de mesurer la vulnérabilité des femmes et les relations possibles avec la violence subie, avant d’aborder, dans une ultime partie, le lien pouvant exister entre indicateurs de vulnérabilité et violence de genre.
gvei et concept de vulnérabilité
6Une première mise à l’épreuve de notre hypothèse a été rendue possible par un programme de recherche nommé « Gender Violence Effect Indicator » réalisé dans le cadre du projet « Daphné » réunissant quatre pays : Espagne, Italie, Estonie et Finlande [2]. Le projet postulait qu’il était possible d’identifier les contextes à l’origine des violences contre les femmes, dimensions demeurées jusqu’alors invisibles. La proposition de construction d’indicateurs élaborée par l’équipe gvei a mis en avant une option innovante. Celle-ci n’était pas fondée sur les seules données disponibles, mais a fait valoir que par le biais de méthodologies qualitatives, il était possible de recueillir des informations auprès des protagonistes elles-mêmes et de mettre ainsi en évidence des aspects jusqu’alors peu évoqués. Les récits des femmes ayant reconnu avoir subi des violences [3] et qui ont accepté d’être interviewées, ont permis de comprendre les dimensions d’un phénomène demeuré jusqu’alors dans l’ombre. Grâce à leur collaboration, l’équipe gvei a pu mettre en évidence comment la violence contre les femmes entretient des liens étroits avec la vulnérabilité. La méthodologie utilisée a conduit à la détermination d’une série de dimensions propres à la vie des femmes, qui tendent souvent à être sous-évaluées.
7Ranci [2000] définit la vulnérabilité comme une situation de vie dans laquelle l’autonomie et la capacité d’autodétermination des sujets sont menacées en permanence par une insertion instable dans les principaux systèmes d’intégration sociale et de distribution des ressources. La vulnérabilité peut être rattachée à un ensemble de phénomènes que Ranci définit comme le triangle du risque :
- disponibilité limitée de ressources de base ;
- faible insertion dans les réseaux d’intégration sociale ;
- capacités limitées d’affronter des situations de difficulté [4].
8La nouveauté théorique de la définition de vulnérabilité proposée par Ranci tient à l’introduction du troisième élément : la qualité de l’attitude du sujet face aux difficultés et au changement. Être capable d’identifier des situations à risques et posséder des capacités de décision – notamment en étant apte à ne pas faire des choix négatifs – peut être considéré comme des indicateurs de résistance à la vulnérabilité.
9En effet, pour Ranci, la vulnérabilité se joue sur la possession individuelle de certaines compétences qui mettent les individus en mesure de gérer le danger sans en être continuellement accablés.
10Il s’agit donc, si l’on suit Ranci, de mesurer le niveau de vulnérabilité en évaluant la nature de l’orientation (positive ou négative) des choix.
11Il s’agit aussi d’enquêter sur la manière dont le futur opère dans le présent. En effet, le futur est le banc d’essai de la gestion de l’incertitude et ceci constitue un problème critique pour celles et ceux qui sont exposés à des phénomènes de vulnérabilité.
12C’est dans ce cadre qu’il faut réexaminer le problème de la vulnérabilité des femmes et celui de son lien avec la violence de genre, et ce même si un tel lien ne présente pas de corrélation linéaire. Relier les indicateurs de vulnérabilité à la violence de genre permet, selon nous, de reporter l’attention sur les éléments de l’expérience féminine qui sont en mesure de signaler le degré d’exposition effective ou potentielle des femmes à la violence.
Vulnérabilité des femmes et indicateurs de violence de genre
13Les nombreuses recherches nationales et européennes fournissent un grand nombre de données sur les conditions de travail et de logement des femmes. Cependant, elles ne lient pas clairement la dégradation de ces conditions à la violence subie sous ses différentes formes. En effet, ces dimensions de vulnérabilité ne sont pas nécessairement reliées à la violence. La proposition d’indicateurs élaborée par l’équipe gvei part du principe que la violence contre les femmes est un phénomène difficilement quantifiable alors qu’au contraire, ses effets peuvent être observés directement.
14Il est en effet possible d’identifier les caractéristiques de la vie des femmes et, par là, d’évaluer les conditions de vulnérabilité mais aussi les changements provoqués par l’état de victime. Les indicateurs de vulnérabilité peuvent dès lors être entendus comme des mesures qui signalent la présence d’un phénomène donné, par exemple la violence contre les femmes ou le risque d’exposition à la violence. Ils peuvent donc être utilisés comme des données statistiques capables d’éclairer une question centrale : celle de la corrélation entre une situation de vulnérabilité et la possibilité d’être victime de violence. L’intérêt d’une telle analyse est d’établir si des facteurs de vulnérabilité s’avèrent prédictifs d’un épisode de violence et, surtout, d’évaluer le degré de risque de tels événements.
15Pour évaluer ce risque, on peut calculer deux types d’indicateurs ; d’une part le rapport croisé, pour des études rétrospectives, et d’autre part, le risque relatif, pour celles à visées prospectives. Pour un approfondissement de ces indicateurs, on se reportera aux travaux d’Agresti [2007].
16Dans cet article, nous ferons référence plus particulièrement à deux dimensions de la vulnérabilité : les conditions de travail et celles de logement. Ces deux dimensions apparaissent comme particulièrement pertinentes car elles offrent au sociologue des données utiles pour apprécier le degré de risque de subir des violences.
Vulnérabilité au travail
17Les micro-indicateurs relatifs à la vulnérabilité au travail peuvent être articulés autour d’un ensemble de sous-indicateurs qui renvoient à des niveaux diversifiés.
18Il faut avant tout mener une enquête auprès d’un échantillon de femmes sur leurs chances d’accès au marché du travail et, à partir de là, sur les caractéristiques et les contenus du travail exercé, évaluer s’il s’agit de formes atypiques et intermittentes de travail ou bien d’un emploi stable. Si les femmes travaillent, il faut sonder les modalités du travail, et si elles travaillent de manière irrégulière, il faut approfondir si cela est dû à des faiblesses structurelles du marché du travail ou à des difficultés inhérentes aux conditions particulières des femmes exposées à la violence. Si les femmes travaillent à temps partiel, non pas en tant qu’option choisie en vue de concilier travail/famille mais comme situation subie, un salaire plus bas pourrait déjà constituer un facteur d’exclusion. Enfin, il convient d’évaluer les situations d’inactivité et de construire une série d’hypothèses relatives aux conditions qui ont conduit les femmes à ne jamais travailler, tout comme il est nécessaire d’analyser le chômage et les raisons de l’abandon d’un emploi.
19Les indicateurs de vulnérabilité dans le travail peuvent donc être construits sur la base d’une série de sous-dimensions qui pourrraient être : précarité du travail ; intermittence dans l’emploi ; inactivité, chômage.
20Le lien entre indicateurs de vulnérabilité dans le travail et indicateurs de violence de genre pourrait renvoyer au fait que l’inactivité peut être le fruit d’une série de violences morales et psychologiques ayant convaincu la femme qu’elle était incapable, voire inutile. Ainsi, des violences sans manifestations visibles mais ayant de fortes répercussions sur un sujet vulnérable peuvent conduire celui-ci à abandonner toute recherche d’emploi.
21Les congés maladie et le travail à mi-temps pourraient également constituer des conséquences négatives nées de la violence subie. Par ailleurs, une forte précarité au travail pourrait entraîner une fin de carrière prématurée, avec des répercussions sur la retraite, exposant ainsi les femmes à des situations de subordination durables.
22Par rapport au chômage, toute tentative de la part de la femme de continuer à travailler se trouve parfois bloquée. En effet, des hommes violents imposent à leur partenaire de quitter un excellent travail, car la dépendance financière génère une sujétion immédiate. Souvent, c’est par jalousie ou par simple manque de confiance, que le partenaire violent interdit à la femme de travailler.
23En outre, nombre de femmes ayant eu des expériences de travail peuvent avoir été contraintes de quitter leur travail à cause de la violence de leur conjoint, notamment si celle-ci a entraîné un départ précipité du domicile conjugal ou des changements de résidence répétés pour motifs de sécurité. Ainsi, les femmes maltraitées peuvent se sentir si épuisées qu’elles n’ont plus aucune énergie, y compris celle nécessaire à la recherche d’un travail. Si les femmes, dans différents pays, parlent d’yeux « au beurre noir », de traumatismes craniens, de fractures osseuses, d’hématomes, de contusions, de pertes de dents, d’états d’inconscience… il est difficile de penser que ces conséquences sur la santé n’aient pas de répercussions sur le travail.
24Par ailleurs, beaucoup de femmes, à cause de la violence, sont contraintes à de fréquentes interruptions de grossesse dues au refus des hommes d’utiliser des moyens de contraception [5]. Grossesses et avortements fréquents obligent souvent ces femmes à s’absenter du travail.
25Les cas de violence familiale conduisent souvent les femmes à changer fréquemement d’emploi, et ce même après leur séparation du conjoint violent. En effet, celui-ci se livre parfois à des persécutions morales à l’encontre de leur ex compagne. S’installe alors un malaise permanent qui peut conduire ces femmes à renoncer à leur travail [Ponzio, 2004].
26Enfin, en cas de séparation, la femme se retrouve souvent obligée d’assumer seule le soin aux enfants et de travailler à temps plein. En effet, il n’est pas rare que l’ancien partenaire refuse de jouer un rôle de parent vis-à-vis des enfants, ne serait-ce qu’en payant une pension alimentaire. Quand il s’y résoud, il contraint souvent la femme à des négociations avilissantes.
27Toutefois, les femmes vulnérables et qui subissent de mauvais traitements ont besoin d’accéder au marché du travail. Celles qui travaillent de manière irrégulière doivent être soutenues parce qu’elles sont souvent exclues de tout type d’information quant à leurs droits.
28À cause de la violence, beaucoup de femmes vulnérables sont contraintes au travail à mi-temps ou renoncent même à toute activité professionnelle. Il y a aussi des salariées qui, du fait qu’elles appartiennent à des groupes déjà vulnérables, subissent doublement les effets de la violence : migrantes, personnes handicapées, personnes âgées, homosexuelles, femmes issues de minorités ethniques, jeunes femmes en situation de faiblesse socio-économique…
Vulnérabilité et habitat
29Pour construire un indicateur relatif à la condition de vulnérabilité par rapport au logement, on peut déterminer également un éventail de sous-dimensions diversifiées.
30Il convient avant tout de chercher à connaître la condition familiale de la femme et à partir de là, sa situation quant à son mode de logement actuel. En outre, il est essentiel d’identifier ce qui à ses yeux caractérise un habitat sûr puis de rechercher ce qui à pu la conduire à occuper un logement locatif ou à demander un prêt. L’occupation d’un logement d’urgence constitue une autre dimension de la vulnérabilité et donc une autre conséquence de la violence. Celle-ci peut en effet avoir poussé des femmes à partager un logement avec d’autres, notamment du fait de violences familiales ou de contraintes financières fortes. Enfin, on recherchera les raisons qui ont pu conduire ces femmes à accepter un hébergement chez des parents, amis ou proches, mais aussi, dans les cas extrêmes, à devenir une personne sans domicile fixe.
31Ainsi, les indicateurs de vulnérabilité par rapport au logement doivent être construits sur la base d’une série de sous-dimensions privilégiées qui pourraient être : hébergement dans une maison en propriété ; hébergement en location ; hébergement en logement commun ; hébergement auprès d’un tiers ; personne sans domicile fixe.
32Le lien entre indicateurs de vulnérabilité par rapport au logement et indicateurs de violence de genre pourrait renvoyer au fait que les femmes, même si elles vivent dans une maison dont le couple est propriétaire mais où le conjoint exerce des violences, voient leur libre arbitre fortement conditionné. Celui-ci peut l’être à l’intérieur de leur propre maison car elles peuvent être systématiquement enfermées à la maison, privées de la possibilité d’utiliser certaines pièces, se voir interdire l’usage d’un chauffage… Leur liberté peut également être gravement réduite du fait des pressions morales exercées par le conjoint maltraitant. Celles-ci peuvent ainsi prendre la forme d’interdictions multiples : interdiction de sortir, de recevoir des visites…
33Pour les femmes qui ont quitté un logement, propriété du couple mais partagé avec la personne maltraitante, et qui ont dû louer un logement ou s’engager dans un prêt, il convient d’évaluer les difficultés auxquelles celles-ci exposent, notamment sur le plan financier.
34La violence aggrave fortement la vulnérabilité par rapport à l’habitat. Ces femmes, obligées de fuir leur domicile et celui qui leur a infligé des violences, sont contraintes de vivre avec d’autres femmes victimisées dans des foyers-refuge, de retourner vivre chez leurs parents, de solliciter un hébergement auprès d’amis ou de connaissances… En situation de vulnérabilité extrême, c’est-à-dire sans ressources économiques, relationnelles et sociales, beaucoup de femmes qui ont subi des violences s’exposent à devenir des personnes sans domicile fixe. Ceci s’avère particulièrement le cas de femmes étrangères démunies de papiers.
35Les exemples relatifs à la vulnérabilité au travail et à la vulnérabilité par rapport au logement mettent en lumière la fragilité et la dépendance des femmes en l’absence d’un emploi ou d’un logement sûr.
36Néanmoins, même pour les femmes qui travaillent et qui ont une certaine sécurité quant au logement, il convient d’être attentif à une multitude de retombées liées à la violence. Ces femmes peuvent en effet être confrontées à des difficultés dans l’exercice assidu de leur emploi, mais aussi à devoir faire face à leurs responsabilités tant professionnelles que familiales. Souvent, il ne s’agit pas de retombées collatérales mais effectives de la violence qui empêchent les femmes de travailler comme elles le souhaiteraient. Quand le changement de résidence et la recherche d’un nouveau logement représentent la seule possibilité de fuir les violences, particulièrement quand ces départs ne sont pas programmés, il s’agit d’événements particulièrement douloureux. Ils impliquent non seulement des difficultés objectives, mais aussi peur, insécurité, solitude… En vérité, peu de femmes réussissent à continuer à vivre dans le lieu qu’elles ont partagé avec leur compagnon violent. Aussi, quand c’est la femme qui quitte le logement conjugal, et non le maltraitant, dans la majorité des cas, celui-ci garde la propriété de la maison et son usage, parfois même sans aucun dédommagement pour sa femme. Dès lors, ces femmes, contraintes de s’enfuir, se trouvent dans une situation d’extrême danger et sont confrontées à de sérieux problèmes financiers. Par conséquent, il n’est malheureusement pas rare que, faute de structures en mesure d’offrir une solution alternative sécurisée, des femmes soient obligées de retourner chez leur compagnon violent.
37Sur la base des observations précédentes, il apparaît que la mise en œuvre des dispositifs destinés à pallier la précarité des femmes par rapport au logement et à favoriser le rétablissement de leur capacité à travailler, s’impose. Ces deux dimensions de la vulnérabilité sont intimement liées. En effet, les femmes qui durant la cohabitation avec leur partenaire sont contraintes à quitter leur travail, s’exposent à des périodes de chômage avec des conséquences évidentes. Comment faire face à la charge d’un loyer si elles décident de se séparer de leur conjoint violent ? Pour les femmes qui vivent des expériences positives dans leur travail, l’expérience des violences a des effets moins considérables quant à leur vulnérabilité face au logement. Celles qui sont en situation de vulnérabilité au travail, sont, au contraire, confrontées à des effets cumulatifs qui se répercutent sur d’autres sphères de la vie. Ces femmes, victimes de violences conjugales, perçoivent une baisse de leurs compétences et perdent confiance en elles. Dès lors, elles doutent de leurs capacités pour continuer à être des salariées pouvant être considérées avec dignité.
Conclusion
38Les indicateurs relatifs à la vulnérabilité au travail et ceux relatifs au logement, bien que structurés en deux dimensions séparées, doivent être interprétés conjointement, puisque les indicateurs d’une seule dimension ne mettent en évidence que des aspects partiels. Dès lors, un système intégré d’indicateurs est nécessaire pour montrer comment, à partir de conditions initiales de vulnérabilité s’instaurent des conséquences en chaîne sur de nombreuses dimensions de la vie des femmes. Ces conséquences qui déclenchent un « cercle vicieux », renforcent la situation de vulnérabilité qui peut aboutir à une désaffiliation. On peut donc affirmer qu’il y a bien des effets cumulatifs d’appauvrissement et de fragilité des femmes, effets qui les conduisent vers un processus d’exclusion sociale majeure, caractérisé notamment par des retombées négatives sur leur liberté d’action, l’accès à leurs droits et sur la possibilité de se projeter dans leur propre existence.
39La vulnérabilité s’avère donc être une notion pertinente pour apprécier les risques potentiels liés à la violence de genre. C’est en outre une notion qui nous permet d’enquêter et d’entrer en contact avec des femmes qui éprouvent des difficultés dans la reconnaissance ou le dévoilement de la violence subie. Les indicateurs de vulnérabilité explorent des sous dimensions de la vie des femmes qui pourraient rester cachées.
40Si tout système d’indicateurs proposé doit être interprété comme une mesure probabiliste car il ne réussit pas à saisir le phénomène dans sa totalité, il permet néanmoins de recueillir une masse conséquente d’informations, ce qui se révèle éminemment utile pour la planification de politiques futures.
41Toutefois, il faut garder à l’esprit que les indicateurs sociaux dépendent toujours de la définition qui est donnée du phénomène étudié et des dimensions prises en considération. Ils sont donc étroitement liés à la conceptualisation particulière du phénomène. Ce n’est pas par hasard si tout système d’indicateurs se ressent de l’approche politique et idéologique donnée par le choix théorique lié au phénomène à explorer [Carrasco e Domínguez, 2003].
42Même s’il ne fait aucun doute que la vulnérabilité révèle un processus d’appauvrissement qui peut conduire à l’exclusion sociale, il convient d’être conscient qu’aux éléments distinctifs des effets de la violence de genre correspondent dans le temps différentes définitions de vulnérabilité. Aussi, considérons-nous que la recherche sur les indicateurs ne devrait jamais s’arrêter mais s’adapter continuellement aux sociétés elles-mêmes en mutation [Vogel, 1997] et opter en faveur d’une pluralité de perspectives d’analyses.
43La capacité heuristique des indicateurs de vulnérabilité réside in fine dans la possibilité de dévoiler des phénomènes sensibles et invisibles comme celui de la violence de genre et ce en analysant tout ce qui influence la qualité de la vie des femmes et en s’opposant aux idéologies dominantes de tutelle et de protection. En effet, la violence contre les femmes représente un problème qui n’est pas encore suffisamment identifié, si ce n’est avec une approche victimologique. Il est donc important de le reconnaître comme un problème à prévenir en donnant du pouvoir aux femmes.
Bibliographie
Références bibliographiques
- Agresti A. (2007), An Introduction to Categorical Data Analysis, Wilei, New York.
- Carrasco C., Domínguez, M., (2003), Nous indicadors de treball i gènere. Una proposta metodològica, Barcelona societat/12. Revista d’informació i estudis socials, Ajuntament de Barcelona.
- Castel R., (1991), De l’indigence à l’exclusion, la désaffiliation. Précarité du travail et vulnérabilité relationnelle, in J. Donzelot (éd), Face à l’exclusion, le modèle français, Paris, Esprit.
- Nazioni Unite, (1995), Piattaforma della IV Conferenza Mondiale sulle Donne Pechino : la violenza contro le donne.
- Ranci C., (2002), Le Nuove disuguaglianze sociali in Italia, Bologna, Il Mulino.
Notes
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[1]
Dipartimento di Sociologia e Scienza Politica, Université de Calabre, Italie.
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[2]
Il s’agit d’une recherche biennale (2007-2009) réalisée sous l’égide de la Commission Européenne. Cf. rapports de recherche http : //www.surt.org/gvei/.
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[3]
L’équipe des sociologues n’a pas utilisé exclusivement des contacts avec les personnes directement concernées. Elle a en outre sollicité les points de vue de centres antiviolence, d’associations de femmes migrantes, d’associations qui offrent hospitalité aux femmes, de bureaux d’avocats « femmes », de centres sanitaires, d’associations anti-harcèlement moral… Nous avons pu en outre vérifier que bien souvent les femmes qui ont subi des violences tendent à éprouver un sentiment de honte pour ce qu’elles ont subi. Elles entrent alors dans un « cercle vicieux » qui rend difficile toute demande d’aide.
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[4]
Ranci, 2000, p. 29.
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