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Article de revue

Le Réseau bronchiolite Ile-de-France : une dynamique en constant renouvellement

Pages 73 à 85

Notes

  • [1]
    Cadre supérieur kinésithérapeute – président de l’Association des réseaux bronchiolite.
  • [2]
    Kinésithérapeute libéral – secrétaire de l’Association des réseaux bronchiolite.
  • [3]
    andem = anaes aujourd’hui.
  • [4]
    Résultats issus du rapport d’évaluation externe réalisée par le Dr H. Picard – dhp.

1La bronchiolite aiguë du nourrisson est une maladie épidémique, qui touche chaque année en France environ 450 000 nouveau-nés et nourrissons de moins de deux ans, soit 30 % de cette classe d’âge, notamment ceux vivant dans les agglomérations de plus de 500 000 habitants. Sur les dix dernières années, son incidence a évolué annuellement de 9 %. Il s’agit d’une affection respiratoire d’origine virale, qui présente plusieurs caractéristiques remarquables : c’est une pathologie émergente, urbaine, potentiellement grave sans traitement curatif, motivant un recours fréquent aux professionnels de santé de ville, médecins, pédiatres, kinésithérapeutes et aux services d’urgences hospitalières.

2La kinésithérapie respiratoire ambulatoire, initiée dans les 24 à 48 heures après l’apparition des premiers signes, est une des composantes essentielles du traitement et de la surveillance de cette affection.

3La bronchiolite du nourrisson est un problème de santé publique, notamment en Ile-de-France, où, durant la période épidémique, d’octobre à février, 100 000 enfants sont potentiellement concernés. En outre, la survenance de bronchiolites à répétition chez les nourrissons peut devenir un mode d’entrée à part entière dans la maladie asthmatique et il convient de dépister et d’orienter les jeunes enfants à risque.

Le Réseau bronchiolite : une démarche née de l’urgence

L’inadéquation entre l’offre et la demande de soins

4Au début des années 1990, une épidémie virale de bronchiolite atteint la population des nourrissons de moins de deux ans pendant l’hiver. Les signes cliniques spectaculaires inquiètent les parents et entraînent une forte demande de leur part et de celle des médecins de ville vis-à-vis des urgences pédiatriques. L’afflux de ces nourrissons aux urgences, l’absence quasi totale, à cette époque, d’organisations spécifiques en kinésithérapie de ville, particulièrement les week-ends et les jours fériés, amènent des décisions d’hospitalisation pour de nombreux nourrissons. Il en résulte un dysfonctionnement en termes d’offre de soins, préjudiciable aux nourrissons et à leurs familles mais aussi aux services d’urgences et d’hospitalisations pédiatriques d’Ile-de-France (engorgement des urgences, délais d’attente, stress des parents, absence de suivi).

Une tension entre la nature de la prise en charge et les modes d’exercice professionnel

5Dans le même temps, de nombreuses publications médicales et kinésithérapiques rappellent avec force que l’essentiel du traitement de la bronchiolite aiguë du nourrisson repose sur la kinésithérapie respiratoire. Or, 78 % des kinésithérapeutes exercent en ville et la problématique à laquelle nous sommes confrontés est celle de la prise en charge ambulatoire. La première Conférence de consensus en kinésithérapie, organisée en décembre 1994 par l’andem[3], sur le thème de la place respective des différentes techniques non instrumentales de désencombrement bronchique, vient à point nommé pour renforcer l’idée qu’une kinésithérapie bien faite, au moyen de l’« accélération du flux expiratoire », est indispensable au traitement des nourrissons. Cette technique a largement fait ses preuves sur le plan clinique depuis de nombreuses années et, associée à un bilan clinique rigoureux, elle constitue le moyen indispensable pour un traitement efficace de l’encombrement chez ces nourrissons. Grâce à la rapidité de la prise en charge et à la qualité du suivi offert par une organisation ambulatoire des soins en kinésithérapie respiratoire pédiatrique, le recours à l’hospitalisation devient exceptionnel, et en tout cas toujours pertinent lorsqu’il est initié par le professionnel.

6Ainsi, en ce début d’année 1990, force est de constater que l’inadéquation entre des besoins identifiés et prévisibles et les réponses apportées par l’offre de soins est de plus en plus criante, génératrice de coûts, de stress, de dysfonctionnements hospitaliers et de malaises chez les soignants, interpellés dans la qualité de la réponse professionnelle apportée.

7

« C’est infernal, on ne peut pas trouver de kinésithérapeutes disponibles en ville, ni d’ailleurs à l’hôpital, pour prendre en charge ces pauvres petits bébés qui ont du mal à respirer. À quoi servez-vous ? ».
(Un soignant hospitalier)

8L’interpellation est brutale et, face à cette problématique, la question se pose des modalités de mobilisation des confrères hospitaliers et libéraux pour apporter une réponse professionnelle à ce dysfonctionnement.

Le réseau ARB : de l’organisation primitive au réseau pluridisciplinaire

L’étape d’initiation du projet : l’appel au volontariat pour l’organisation d’un système de garde le week-end

9Les fondateurs du réseau, forts de leur formation de cadre de santé et/ou de leur formation en sciences de l’éducation, organisent, dans le cadre d’une soirée de formation continue, une réunion de professionnels de ville et hospitaliers (kinésithérapeutes et médecins) sur le thème de la prise en charge de la bronchiolite. Pour ce faire, ils agissent en partenariat avec la direction de l’hôpital et des confrères particulièrement impliqués dans la kinésithérapie respiratoire et exerçant dans un chu parisien. Cette prise d’appui sur la logistique hospitalière et sur des praticiens ayant une notoriété et une expertise reconnues sur le sujet va participer largement au succès de la réunion, et très vite il faudra organiser d’autres rencontres.

10À l’issue de ces soirées, coanimées par des médecins et des kinésithérapeutes, des participants kinésithérapeutes se portent volontaires pour participer à un système de garde de week-end pour aider les familles et les nourrissons. C’est le début de l’engrenage qui aboutira au Réseau bronchiolite Ile-de-France en 2001, soit dix ans après.

11Au départ, l’organisation est « de bric et de broc », mais elle est porteuse de valeurs initiales fortes comme l’engagement, la qualité du service rendu, la formation, le partage et l’évaluation. Cette organisation « primitive » se professionnalise progressivement par les débats entre professionnels, les confrontations et le partage d’expériences. Ces débats portent dans un premier temps sur des sujets relatifs aux conditions d’exercice des uns et des autres (libéraux, hospitaliers), puis progressivement, quand la confiance s’est installée, sur les pratiques (comment rendre homogène en regard des références la qualité des pratiques proposées aux patients, comment construire une réponse professionnelle aux demandes des patients).

12Par ailleurs, la reconnaissance exprimée par les professionnels de santé hospitaliers (infirmières et corps médical), et surtout par les familles a été déterminante pour notre action, sachant que dès le départ nous avons, ensemble, souhaité évaluer leur satisfaction en regard de notre organisation.

Dix années de professionnalisation au service des patients

13Un certain nombre de faits marquants émaille ces dix années. Tout d’abord la reconnaissance entre professionnels, les uns vis-à-vis des autres ; puis la capacité à nous projeter comme « auteur autonome » d’une réponse professionnelle pertinente et cohérente avec la problématique posée. Il s’agit là d’un véritable changement identitaire. En effet, de technicien prescrit sous dépendance du médical, le kinésithérapeute est devenu un partenaire du médecin, autonome dans la pratique. La prise de confiance dans nos possibilités de s’organiser ensemble, de concevoir un référentiel de pratique, de le partager avec les médecins, d’agir dans le sens de l’amélioration de la qualité de nos réponses professionnelles, a probablement constitué une dynamique qui nous a entraînés toujours plus loin dans la construction du réseau tel qu’il est aujourd’hui. Ces éléments nous ont permis de « sauter le pas », de se dire qu’il était possible de faire bénéficier de ce projet l’ensemble de la population d’Ile-de-France. Ils nous ont aussi permis d’être « décomplexés » vis-à-vis des institutions et des financeurs et de leur faire partager notre conviction. Ils nous ont enfin permis de nous inscrire dans la dynamique ouverte par le projet politique initié par la loi de mars 2002, à savoir l’amélioration de la qualité des soins dans le respect des droits des patients.

14Ces dix années d’expériences nous ont permis de construire ensemble (masseurs-kinésithérapeutes de ville et hospitaliers) un référentiel professionnel de valeurs communes telles que la qualité, la formation, la reconnaissance des uns et des autres, la notion de service rendu, de partage.

2001-2003 : des associations de professionnels à une association unique : le réseau arb

15Au début des années 2000, les kinésithérapeutes d’une part et les médecins d’autre part créent deux associations et sollicitent le financement par le faqsv (Fonds d’aide à la qualité des soins de ville) d’un projet commun, à savoir l’organisation médico-kinésithérapique de la prise en charge ambulatoire des nourrissons atteints de bronchiolite (mise place du centre d’appels, mise en place des formations médico-kinésithérapiques). Après la mise en œuvre de décloisonnements professionnels entre les praticiens hospitaliers et les libéraux se dessine une coordination entre professionnels de santé de disciplines différentes.

16Puis, fort des résultats positifs de la première année de fonctionnement commun, notamment en termes d’évaluation de la satisfaction des usagers, d’importance de la réponse positive des professionnels de santé, de la reconnaissance affichée des financeurs (faqsv), de la constatation de l’efficience du cadre organisationnel mis en place et de la confiance installée entre les partenaires, un nouveau dossier est déposé devant le faqsv l’année suivante.

17En 2003, les deux associations décident de fusionner et est créée l’arb (Association des réseaux bronchiolite).

18Aujourd’hui, le réseau arb met à la disposition du public un numéro de téléphone, permettant de communiquer aux parents les coordonnées de professionnels libéraux de santé, médecins et kinésithérapeutes, exerçant près de leur domicile. Ces professionnels sont organisés en gardes pour assurer la permanence des soins. Le réseau leur assure une formation spécifique et ils s’engagent à appliquer les recommandations récentes de bonnes pratiques pour la prise en charge de la bronchiolite.

19Le réseau centralise les demandes de soins identifiées via un standard téléphonique et les oriente vers les professionnels libéraux de garde.

Trois enseignements majeurs sur le passage d’une organisation « primitive » à l’arb

Le réseau s’affirme comme outil de coopération et de partage pour les professionnels au service d’un objectif de santé publique

20Le Réseau bronchiolite Ile-de-France s’est créé à partir de la rencontre d’acteurs professionnels qui ne se côtoient pas naturellement. Ce sont des médecins, des cadres de santé hospitaliers et des kinésithérapeutes de ville qui ne partagent pas a priori les mêmes préoccupations quotidiennes, tout en ayant des objectifs communs en termes de prise en charge des besoins et des demandes de santé de la population.

21Le Réseau bronchiolite Ile-de-France se caractérise par le fait qu’il contribue à créer des liens entre les acteurs et qu’il facilite les échanges entre les professionnels de santé :

  • par les formations et les réunions de coordination des gardes, qui créent des temps de rencontre entre les acteurs ;
  • par l’organisation d’un système de transmission, qui sollicite le partage d’informations au sujet des patients entre les différents professionnels.
Le lien et la professionnalisation autour d’une vision de son métier sont les éléments clés sur lesquels reposent les intérêts de chacun.

Le réseau créé produit un effet de fédération et de dynamisation des acteurs autour d’une volonté commune d’amélioration des pratiques et de valeurs professionnelles ou éthiques qui, mises en lien, sont partagées, malgré les spécificités d’exercice et/ou professionnelles :

22

  • partage de la volonté de contribuer à une meilleure organisation des soins (faciliter la rencontre de l’offre et de la demande, répartir la charge de travail) ;
  • partage des procédures et des référentiels et des outils communs issus de recommandations professionnelles reconnues ;
  • partage de la même envie et/ou du même besoin de confronter ses pratiques quotidiennes à l’échange professionnel dans le cadre des formations initiées par le réseau ;
  • partage et coresponsabilité de la prise en charge d’un nourrisson, avec un confrère souvent inconnu et considéré jusque-là comme un concurrent ;
  • partage du souci de participer à l’évaluation de son activité et de la satisfaction des patients. Les participants au réseau, eux-mêmes acteurs de l’évaluation de satisfaction des patients, se soumettent aussi à l’évaluation de leurs confrères puisqu’ils suivent conjointement les mêmes patients, et acceptent d’évaluer leurs actes et de partager avec d’autres professionnels médecins et/ou kinésithérapeutes les informations cliniques recueillies au sujet des patients ;
  • partage des expériences, car les confrères acceptent de prendre part à la formation des étudiants franciliens en troisième année de kinésithérapie, en les accueillant en stage pendant une de leurs gardes. Ce faisant, ils acceptent de confronter leur expérience avec les savoirs savants « tout frais » des étudiants, leurs futurs confrères.

Une inscription « en douceur » dans l’organisation de l’offre de soins existante

23L’atout majeur de cette organisation réside dans son insertion en douceur dans l’organisation de l’offre de soins existante. Le réseau arb a pour objectifs, sans se substituer aux professionnels existants, de proposer une réponse complémentaire, fiable et coordonnée en termes d’accès aux soins, et de réunir les professionnels de santé, médecins et kinésithérapeutes de ville et notamment ceux qui se sont organisés ces dix dernières années, autour de la résolution de cette problématique de santé publique. Il permet de :

  • faciliter l’accès aux soins des enfants en période de forte demande, par la mise en place d’un centre d’appels téléphoniques unique pour l’Ile-de-France, indiquant les ressources de proximité disponibles, tant médicales que kinésithérapiques ;
  • organiser la coordination des soins médicaux et de kinésithérapie ambulatoires, par la mise en place d’une cellule de coordination régionale ;
  • garantir la compétence technique et la qualité de la prise en charge, par la mise en œuvre de formations mono et pluridisciplinaires régulières, ainsi que par l’engagement formel des professionnels à travers une charte ;
  • coordonner une réponse de ville harmonisée avec le système hospitalier.
Il s’agit pour nous de ne se substituer à personne, de n’empiéter sur le territoire de personne mais d’utiliser au mieux les ressources existantes.

Quelques hypothèses sur les raisons du succès

Une évolution du statut de kinésithérapeute : du technicien prescrit au partenaire

24La construction historique de la kinésithérapie, issue d’une loi promulguée en 1946, s’est faite dans un premier temps à partir de métiers hospitaliers très dépendants du corps médical ; les kinésithérapeutes étaient des « techniciens du mouvement », sans véritable autonomie thérapeutique. L’évolution du métier de kinésithérapeute s’est réalisée par le développement à partir du début des années 1970 d’un secteur libéral de plus en plus important, aboutissant aujourd’hui à 78 % d’exercice libéral et 22 % d’exercice salarié dans les établissements publics ou privés de santé. Cette évolution a marqué le besoin pour les kinésithérapeutes de s’émanciper de l’hôpital sans rompre complètement avec la dépendance médicale. La kinésithérapie reste une activité thérapeutique prescrite, mais les professionnels pratiquent leur art de façon plus indépendante tout en restant assujettis à l’encadrement de la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes, officialisant les règles entre professionnels de santé, Sécurité sociale et patients.

25Depuis le début des années 2000, la kinésithérapie est bouleversée par la publication de textes législatifs et réglementaires qui tracent la voie de l’acquisition d’une autonomie tout à fait nouvelle : abandon de la prescription quantitative et qualitative, apparition de la notion de diagnostic kinésithérapique, actualisation de décrets relatifs aux compétences des kinésithérapeutes et accentuation de leurs responsabilités, droit de prescription reconnu pour les kinésithérapeutes, etc.

26Ces évolutions perturbent très significativement les repères des professionnels, et particulièrement ceux des praticiens de ville. Les kinésithérapeutes voient leur statut de technicien prescrit remplacé par celui de partenaire. Cette évolution est symétrique dans le sens où le médecin attend de son partenaire kinésithérapeute un retour d’indicateurs kinésithérapiques lui permettant éventuellement de modifier son traitement, voire son diagnostic.

27C’est dans ce contexte que le réseau s’est créé et son succès, notamment auprès des kinésithérapeutes, résulte de la prise de conscience de l’importance de leur implication dans le système de santé, de leurs responsabilités individuelles et collectives dans la prise en charge d’un problème de santé publique, mais aussi de la reconnaissance par le corps médical, les institutions et les familles de la qualité et de l’efficacité de leurs interventions auprès des nourrissons atteints de bronchiolite.

La formalisation renouvelée du projet fondateur

28Le passage d’un système de garde de week-end à l’Association des réseaux bronchiolite d’Ile-de-France a nécessité la définition d’objectifs par le groupe de professionnels de santé initiateur (médecins et kinésithérapeutes), objectifs qui président à la dynamique du projet actuel.

29L’élaboration du projet n’est pas linéaire. Elle se réalise à partir du projet initial et bénéficie de régulations qui ne sont pas des régulations de conformité. Elles servent à enrichir les projets programmatiques, à se retrouver autour d’idées nouvelles, de questionnements et d’interpellations selon un processus récurrent dans notre fonctionnement quotidien.

30L’évolution du projet dans le temps est portée par la fonction « gardien du temple » des membres du bureau. Cet exécutif associatif est en effet garant dans la durée du projet visé. En outre, cette dynamique est soutenue par une capacité de production de règles validées et légitimées par les instances délibérantes de l’association.

La mobilité professionnelle des initiateurs et militants de la première heure : un effet d’essaimage

31Le Réseau bronchiolite Ile-de-France s’est créé et développé grâce aux multiples rencontres générées par la mobilité professionnelle des uns et des autres et aux valeurs véhiculées par leur engagement professionnel dans ce projet. Les rencontres entre kinésithérapeutes et médecins impliqués dans des systèmes d’urgences de ville ont permis, une fois surmontées les tensions initiales, de construire une réponse professionnelle en termes de projet et d’organisation, poussé en cela par les exigences institutionnelles des financeurs.

32Cette étape ne s’est pas passée sans tensions, parfois intenses, tant entre kinésithérapeutes qu’entre médecins et kinésithérapeutes. Ces tensions relevaient pour partie des représentations réciproques entre hospitaliers et professionnels de ville (caricaturalement, les hospitaliers reprochent aux libéraux de rouler en 4×4 et les libéraux traitent les salariés de « fonctionnaires 35 heures »).

33Ces tensions ont été progressivement dépassées à partir du moment où le groupe de professionnels initiateurs libéraux et hospitaliers a construit son expression face aux confrères lors de la mise en œuvre du projet sur l’ensemble de l’Ile-de-France.

Le réseau : une confiance partagée entre professionnels de statuts différents et entre professionnels et familles

34Ce projet n’a pas été décrété. Il a réuni progressivement ceux qui ont eu envie de s’y inscrire. Il a produit du sens pour les professionnels. Son efficience a produit de la confiance. Ce critère est important, qui peut expliquer cet « étonnant succès » dans la durée. Confiance entre les kinésithérapeutes, confiance entre kinésithérapeutes et médecins du réseau, et surtout confiance des familles des nourrissons dans le réseau.

35Aujourd’hui les professionnels engagés dans le réseau ont appris à construire ensemble, entre professionnels de santé de ville et hospitaliers. Cette construction entre en résonance avec les évolutions de leur environnement. Les professionnels s’y « retrouvent » dans leur exercice quotidien : mise à jour de connaissances, échanges sur les pratiques, rupture de l’isolement professionnel, avantage en termes de conditions d’exercice (astreintes…) et conciliation avec leur vie privée…

36Elle constitue un « laboratoire » qui nous permet sans conteste d’expérimenter de nouvelles relations professionnelles mises au service des patients.

Les apports de l’évaluation interne et externe

37Les évaluations introduites par l’interne ou par l’externe ont renforcé le questionnement induit par les confrontations professionnelles sur les manières de « penser nos métiers », et ont donné du sens à nos actions thérapeutiques. Elles ont interpellé directement et indirectement les pratiques mais aussi les sentiments identitaires, et, ce faisant, elles ont participé à la maturation structurelle de nos professions.

38L’évaluation interne a opéré un renvoi d’image de la dynamique créée par le réseau en termes d’évolution organisationnelle et identitaire.

39Le premier résultat positif des quatre dernières années de fonctionnement est incontestablement la dynamique qui s’est créée autour du réseau :

  • près de 1 000 professionnels de santé médecins et kinésithérapeutes sont engagés dans ce réseau de santé ;
  • 45 000 nourrissons ont été inclus à ce jour, par l’intermédiaire du centre d’appels téléphoniques, pour les demandes en kinésithérapie et 2 500 pour les médecins ;
  • 75 % des adressages passant par le centre d’appels sont le fait des professionnels de santé libéraux eux-mêmes (médecins et kinésithérapeutes), 15 % des urgences hospitalières d’Ile-de-France, les 10 % restant se répartissant entre les organisations médicales d’urgentistes libéraux, les protections maternelles et infantiles pmi, les pharmacies et le « bouche à oreille » ;
  • près de 2 500 professionnels de santé (médecins, kinésithérapeutes, assistantes maternelles et futurs diplômés kinésithérapeutes) ont participé à des actions de formation initiées par le réseau ;
  • plus de 25 000 visiteurs, pour la partie grand public, ont utilisé le système d’information du réseau : www.reseau-bronchio.org
Au-delà de ces chiffres, cette dynamique est signifiante sur l’évolution des identités professionnelles des intervenants au sein du réseau, notamment des kinésithérapeutes.

40Elle est aussi signifiante sur les comportements des utilisateurs bénéficiant de ce système en termes d’acquisition d’expérience et de connaissances dans l’utilisation des circuits de santé et en termes de positionnement comme coauteurs de la prise en charge de cette pathologie.

41Quant aux résultats de l’évaluation externe [4], ils ont illustré ce « remodelage » identitaire professionnel.

42Ainsi, les motivations les plus fréquemment identifiées comme importantes dans la décision de rejoindre le réseau bronchiolite sont le fait de participer à une action de santé publique et de mieux s’organiser en participant à un dispositif de gardes.

43Toutefois, le seul facteur prédictif de la persistance, d’une année à l’autre, de l’adhésion d’un professionnel au réseau paraît être l’intérêt que celui-ci accorde à la question de la formation.

44Quant à la satisfaction des acteurs, les professionnels de santé libéraux, kinésithérapeutes ou médecins, sont satisfaits du réseau pour 96 % d’entre eux et plus de 90 % des membres du réseau présents une année N sont toujours présents l’année suivante. Ce qui est spectaculaire et identifié depuis le début de l’expérience, c’est l’augmentation chaque année des effectifs des kinésithérapeutes qui présentent systématiquement un « turnover » fortement positif, les adhésions étant nettement supérieures aux départs.

45En conclusion, cette expérience, menée conjointement entre médecins et kinésithérapeutes libéraux et hospitaliers depuis quatre ans, a profondément modifié la vision relative à nos postures de professionnel de santé, et donné du sens aux actions quotidiennes de thérapeutes, en sus de l’implication dans le Réseau bronchiolite Ile-de-France. La démarche d’amélioration continue de la qualité de nos actions en santé a diffusé largement au-delà de cette expérience francilienne. Cette vision du partage a permis, directement ou indirectement, de faire émerger seize projets dans d’autres régions françaises. Les interactions provoquées par la mise en réseau, les échanges entre professionnels d’horizons différents contribuent largement à la réinterprétation de nos « cultures », à la transformation de nos valeurs et de nos normes de pratiques professionnelles.


Date de mise en ligne : 01/10/2007

https://doi.org/10.3917/sopr.011.0073

Notes

  • [1]
    Cadre supérieur kinésithérapeute – président de l’Association des réseaux bronchiolite.
  • [2]
    Kinésithérapeute libéral – secrétaire de l’Association des réseaux bronchiolite.
  • [3]
    andem = anaes aujourd’hui.
  • [4]
    Résultats issus du rapport d’évaluation externe réalisée par le Dr H. Picard – dhp.

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