Notes
-
[1]
La multiplication d’ouvrages proposant de dispenser des conseils sur les bonnes façons d’écrire (« comment éviter les pièges de la graphologie ») témoigne de telles incidences.
-
[2]
La filiation de la graphologie est certes plus longue à établir, partant traditionnellement de Camillo Baldi (auteur au xviie siècle d’un ouvrage intitulé Du moyen de connaître les mœurs et les qualités d’un écrivain d’après ses lettres missives), elle est relayée ensuite par l’abbé Michon (Les mystères de l’écriture paraissent en 1872). Mais les graphologues français s’accordent surtout à reconnaître la contribution décisive de J. Crépieux-Jamin (1858-1940). À l’étranger, deux grandes figures s’imposent également : Ludwig Klages (1872-1956), philosophe et psychologue allemand, et Max Pulver écrivain, psychanalyste et médecin légiste suisse (1889-1952).
-
[3]
Ce succès coïncide avec l’épanouissement de la craniologie dans l’Europe de la fin du xixe siècle et la multiplication des tentatives de mesure de l’intelligence (Gould, 1983).
-
[4]
Cette partition joue un rôle important. Elle permet d’apprécier le « milieu graphique » avant d’en détailler les éléments : avant d’interpréter une écriture, il faut pouvoir décider si son contexte est positif ou négatif.
-
[5]
L’histoire veut que les tests de Binet soient à l’origine de la psychométrie, qui elle-même sera réinvestie comme outil de recrutement. Rien ne lui permettait à l’époque, d’envisager qu’il serait fait un tel usage de ses travaux, ni que psychométrie et graphologie seraient d’une certaine façon en concurrence à la fin du xxe siècle…
-
[6]
Aujourd’hui, la majorité des graphologues professionnels exercent leurs talents dans le conseil aux entreprises ou dans le cadre de la formation à la recherche d’emploi (bilan de compétences). Mais d’autres exercent dans le milieu hospitalier, dans le milieu judiciaire (expertise en écriture) et dans celui de l’éducation (graphothérapie).
-
[7]
L’importance accordée à la moralité des scripteurs ne résistera pas à l’épreuve du temps : peut-être parce que la question n’est plus formulée en ces termes (il est davantage question de confiance ou de la motivation des candidats), ou que sa traduction sur un registre psychologique permet d’en atténuer la portée. Mais c’est aussi parce que les graphologues ont quelque peu battu en retraite sur ce sujet. La plupart s’accordent aujourd’hui à reconnaître que l’honnêteté ou la probité sont des questions délicates à traiter. Cf. par exemple Desurvire (1992, p. 45).
-
[8]
La Graphologie est une revue professionnelle éditée par la Société française de graphologie. Diffusée à quelques centaines d’exemplaires dans les années 1930, elle accroît régulièrement son audience et compte plus de 7 500 abonnés dans les années 1990. Pour les besoins de notre analyse, nous avons procédé à une exploration systématique de la table des matière de la revue entre 1945 et 1989.
-
[9]
Par exemple, un débat télévisé, organisé en juin 1994, se déroule sur France 2 dans une émission à grande écoute (Savoir plus) animée par François de Closets, intitulée « Tests de personnalité : que valez-vous ? ».
-
[10]
Une norme élaborée par l’afnor (norme NF X50-767, novembre 2002) vient de confirmer que la graphologie peut faire partie intégrante des méthodes de recrutement des cabinets se soumettant à une démarche qualité. Seules les conditions de son utilisation font l’objet d’un contrôle : elle ne peut être utilisée pour trier des candidatures, ni avoir de caractère décisif. Mais comment apprécier celui-ci ?
-
[11]
Voir dans Le Figaro du 17 mai 2004 un article de Sophie Lautrette intitulé « Des chiffres et des lettres ».
Introduction
1L’utilisation de la graphologie dans les opérations d’évaluation des compétences est une spécificité française faisant périodiquement l’objet de remises en cause. De nombreux recruteurs et évaluateurs semblent recourir aux services de graphologues pour gagner du temps, conforter leurs jugements ou argumenter leurs choix lors du tri de candidatures, d’un recrutement, d’une affectation ou d’une promotion (Eymard-Duvernay, Marchal, 1997). Cette utilisation peut être lourde de conséquences pour les personnes qui postulent un emploi ou se voient exclues d’une procédure d’embauche. Elle a aussi des incidences sur les démarches de recherche d’emploi [1].
2Comment la graphologie a-t-elle été introduite, en tant qu’outil d’évaluation du personnel, dans les entreprises françaises ? Peut-on donner la mesure de son succès et des critiques dont elle fait l’objet ? Nous proposons de répondre à ces questions en adoptant une perspective rétrospective et en prenant appui sur les écrits de graphologues eux-mêmes. Dans une première partie, nous remontons au début du xxe siècle, pour mettre en évidence la façon dont s’est élaboré le savoir graphologique. Nous verrons que dès le départ la méthode suscite engouement et scepticisme sur sa validité. Élaborée à des fins de connaissance personnelle, elle ne prend véritablement sa place dans les entreprises qu’après s’être essayée dans le milieu de l’orientation professionnelle, comme nous le verrons dans une deuxième partie, en nous intéressant aux thèmes traités par les graphologues professionnels. Nous traiterons, pour finir, de la controverse qui oppose les graphologues contemporains à leurs détracteurs, et des raisons pour lesquelles l’utilisation de la graphologie perdure en France dans les opérations de sélection professionnelle.
L’analyse de l’écriture en tension entre plusieurs usages
3La graphologie séduit dès le début du xxe siècle un large public qui voit dans la méthode le moyen d’étayer des savoirs pratiques, d’améliorer la connaissance de soi et des autres. Elle est alors mise en œuvre indifféremment par des amateurs ou des professionnels. La capacité des amateurs à deviner le sexe du scripteur par exemple, intrigue les esprits. L’intuition de la graphologie serait-elle « vraie » ? Et comment se garder des interprétations fantaisistes que tout un chacun est tenté de faire ? Cette utilisation par le tout-venant de la méthode tend à en faire un outil de prolongement du sens commun. C’est ce que suggère aussi l’établissement de sa filiation à la physiognomonie, qui se voulait clairement une « science mondaine » (Dumont, 1984). Mais contrairement au visage, l’écriture retient l’attention d’un public scientifique qui contribue à accréditer l’intérêt de son analyse. D’emblée, la graphologie s’inscrit en tension entre plusieurs usages possibles, prolongement ou rupture avec le sens commun, à la fois art et science, mettant en œuvre intuition et savoirs techniques.
De la physiognomonie à la graphologie
4Physiognomonie et graphologie partent d’une hypothèse commune, celle d’une empreinte du caractère moral sur l’extérieur, qui se porterait pour les uns sur le visage, et pour les autres sur l’écriture. Il s’agit de relier l’intérieur à l’extérieur et de découvrir les significations cachées derrière le manifeste. La proximité entre les deux méthodes tient d’abord aux procédés utilisés par leurs fondateurs, J.K Lavater pour la physiognomonie et J. Crépieux-Jamin pour la graphologie [2], qui ont l’un et l’autre fortement contribué à leur promotion. Dans les deux cas, l’exploration porte à la fois sur le tout et ses parties : chacun des traits dessinés sur le visage ou le papier n’a pas nécessairement de signification en soi. Il convient de les relier entre eux et de les situer dans leur contexte pour pouvoir les interpréter. Dans les deux cas également, l’analyse débute par une étude strictement technique appuyée sur des mesures précises (d’angles, d’espaces et de proportions), suivie d’un temps réservé à l’interprétation. D’autres proximités enfin peuvent être dessinées, tenant aux conditions d’élaboration des méthodes. Interpréter visages et écritures a supposé dans un premier temps d’opérer de grandes partitions au sein de l’humanité : ceux et celles de « sots » d’un côté, et de « génies » de l’autre permettent d’étayer les portraits.
5Le pouvoir attractif des deux méthodes, comme M. Dumont (1984) le souligne très justement à propos de la physiognomonie, tient à leur capacité à donner forme au sens commun. Elles créditent des croyances populaires, légitiment un demi-savoir fondé sur des habitudes perceptives et évaluatives. Elles prennent acte d’une capacité commune à juger de la personnalité à partir d’observations menées sur les façons de se comporter, de marcher, de parler ou d’écrire. Il semble aussi que la physiognomonie et la graphologie se soient prêtées à des usages tant progressistes que réactionnaires. Un certain Francis Baud (1940) propose ainsi d’opérer une sélection caractérologique au sein de la société en prenant appui entre autres sur des analyses graphologiques : celles-ci permettraient de vérifier que les qualités intellectuelles et morales sont proportionnées à la position sociale… La tentation est grande, dès lors qu’un outil peut permettre de classer les individus, de fonder et légitimer les inégalités entre les hommes.
L’écriture comme objet scientifique
6À la différence de l’étude du visage, celle de l’écriture rencontre un succès certain auprès d’un public scientifique [3]. Dès la deuxième moitié du xixe siècle, des médecins se passionnent pour l’écriture de déviants (enfants anormaux, alcooliques, hystériques, femmes, toxicomanes, criminels, aliénés…) qu’ils soumettent à de nombreuses expériences. Les travaux émanent aussi bien d’hygiénistes que de criminologues, physiologistes, neurologues, médecins légistes, chimistes, aliénistes et psychologues (Artières, 1996). Ainsi donc, l’analyse de l’écriture n’est pas le domaine réservé de la graphologie, mais celle-ci ne se cantonne pas non plus à un usage strictement mondain ou privé. On étudie alors l’influence de toute une série de facteurs sur le mouvement graphique, tels la lumière, le climat, la colère, la fatigue, la fièvre, l’excitation. On regarde comment ils se traduisent en terme de tracé, avérant l’influence de la vitesse sur la simplification des écritures, celle de la fatigue sur son relâchement, celle de l’activité mentale sur la hauteur des caractères, la pression, etc. La plupart de ces expériences ont une influence décisive sur l’élaboration du savoir des graphologues. Celui-ci se nourrit aussi de collections d’autographes d’hommes célèbres, auxquelles peuvent être opposées les écritures émanant de gens « inférieurs », malhonnêtes, criminels, ignorants ou débiles mentaux. Munis de ces deux types d’écritures, les premiers graphologues s’attachent à mettre en relation les caractéristiques connues des scripteurs, au travers de leurs biographies, avec les signes graphiques repérés dans leur écriture. Le savoir graphologique s’élabore ainsi sur la base d’un partage entre des individus célèbres d’un côté et médiocres de l’autre, induisant des préoccupations formulées en termes d’oppositions entre le « supérieur » et l’« inférieur » [4].
7C’est dans ce contexte que s’inscrit la proposition faite à Crépieux-Jamin de participer à des expériences élaborées par Alfred Binet. Le célèbre psychologue, dont les travaux sont à l’origine de l’établissement des premiers tests de mesure du quotient intellectuel [5], s’intéresse de près à la graphologie comme beaucoup de ses contemporains. Puisqu’elle prétend apercevoir les caractéristiques des scripteurs à travers l’écriture, pourquoi ne pas soumettre la méthode à un contrôle scientifique ? Binet rassemble un grand nombre d’écritures anonymes, et enjoint des graphologues éminents (dont Crépieux-Jamin) de se prononcer sur le sexe, l’âge, l’intelligence et la moralité des scripteurs (Binet, 1906). La réalisation de l’expérience suppose de constituer des groupes bien différenciés, de séparer les écritures de personnes très intelligentes de celles qui le sont moins, ou les écritures de gens honnêtes de celles qui ne le sont pas. Les classements opérés par Binet sont contestés par les graphologues, obligeant l’expérimentateur à s’entourer de multiples précautions (Perron, Gobineau, 1957). Le sexe, par exemple, est découvert dans 78,9 % des cas par Crépieux-Jamin. Des profanes n’atteindraient-ils pas des résultats semblables ? Quinze « ignorants » sont alors soumis au même test, qui obtiennent des performances légèrement inférieures aux professionnels. L’écriture serait-elle sexuée ? Sur quels indices s’appuie le graphologue pour en juger ? Toutes ces questions sont traitées une à une, amenant A. Binet à conclure que l’écriture peut effectivement porter tant les marques de l’âge, que du sexe, de l’intelligence ou de la moralité des scripteurs. Mais l’analyse des procédés mis en œuvre par les graphologues tend aussi à montrer qu’ils ne s’appuient pas tous sur les mêmes éléments pour parvenir à leurs conclusions et qu’ils ne sont pas toujours à même de les expliciter.
La graphologie entre art et science
8Ces expérimentations débouchent sur une invitation au progrès scientifique. A. Binet conseille aux graphologues d’évincer toute forme d’intuition dans leurs interprétations, de faire l’inventaire des critères importants, de les noter et de les pondérer. En bref, il faut pouvoir quantifier pour éprouver la validité de la méthode.
9Certains graphologues vont chercher à suivre ce programme en fondant la graphométrie, qui a l’ambition de mesurer les éléments de l’écriture en procédant à leur chiffrage systématique. Mais la plupart des graphologues se refusent à suivre cette voie, arguant de l’importance qu’ils accordent à l’intuition dans leurs interprétations. Cette tension se traduit dans le discours des graphologues par l’identification de deux références possibles pour caractériser la méthode : l’art et la science. Désireux de contribuer à son progrès scientifique, Crépieux-Jamin insistera beaucoup (dans son ABC de graphologie, 1930, en particulier), sur les aspects techniques du savoir, sur la discipline qu’elle exige de la part du graphologue, sur les outils dont il doit se munir pour rester objectif dans son travail (pointe mousse, calque, double décimètre, rapporteur d’angle…). D’autres graphologues, au contraire, insisteront sur l’importance des perceptions et de l’intuition : « les traits essentiels d’un graphisme sont […] flairés, pressentis par un acte prérationnel » (Pulver, 1971). Par-delà ces questions, se jouent celle des conditions d’apprentissage et du contrôle à laquelle peut être soumise la graphologie.
De l’aide à l’orientation au conseil aux entreprises
10La graphologie n’a donc pas été créée pour résoudre des problèmes d’affectation ou de sélection professionnelle, et la préoccupation des fondateurs de la graphologie n’était pas non plus d’évaluer des compétences [6]. Et pourtant, dès le départ, il semble que des chefs d’entreprise aient fait appel aux talents de graphologues. Une communication présentée au premier congrès de graphologie, en 1900 (Salberg, 1902), décrit comment s’y prendre pour qualifier le « bon sens » d’une hôtelière, découvrir les signes « si soigneusement cachés de l’hypocrisie » d’une caissière convaincue d’infidélité ou l’honnêteté d’un caissier injustement accusé. Néanmoins, ce n’est pas dans les entreprises mais dans le milieu de l’orientation professionnelle que l’on retrouve les traces des premières interventions officielles de graphologues dans les années 1940. Ce n’est que dans un deuxième temps que les questions posées ici sont réinvesties dans le domaine de la sélection où elles induisent de nouvelles préoccupations. Nous suivrons leur évolution et soulignerons les difficultés que pose la mesure exacte de la place des graphologues dans les recrutements contemporains.
Le détour par le milieu de l’orientation
11La présence de graphologues dans le milieu de l’orientation scolaire et professionnelle est notifiée dans un ouvrage d’après-guerre intitulé L’orientation professionnelle par la graphologie (1946). L’avant-propos donne la mesure de l’ambition : la graphologie est décrite comme offrant le moyen de contrôler les facteurs moraux de la personnalité, le caractère, les instincts et le tempérament ; elle permet d’évaluer les dispositions des jeunes gens et jeunes filles pour une carrière ; son avantage provient de ce qu’elle est plus rapide et discrète que la psychotechnie (Foix, 1946). L’appréciation des qualités morales des candidats est au cœur des préoccupations des graphologues de l’époque [7]. L’un d’eux considère ainsi qu’il est de son devoir de déceler les « défaillances morales dans l’écriture » (Rougemont, 1946).
12Plus subtil est l’argumentaire développé par Suzanne Brésard (1946) dans ce même ouvrage. L’auteur considère que le caractère des individus doit être déterminant dans leur orientation mais qu’il est très mal appréhendé par les autres techniques, comme le suggère l’interrogation suivante : « Serait-ce une bonne orientation celle qui, se basant sur une excellente épreuve d’adresse manuelle et un bon graphique d’“intelligence”, engagerait un jeune garçon à prendre un métier de mécanicien de précision, alors que s’il est doué, par ailleurs, de qualités de sociabilité et d’entregent que les tests ne mesurent pas, il serait bien plus judicieusement orienté vers une carrière commerciale ? » (idem, p. 100). La formulation de la question éveille d’emblée la bienveillance du lecteur convaincu de l’iniquité d’une telle orientation. À une démarche qui consiste à partir d’une liste de capacités prédéfinies pour vérifier si le candidat les possède ou non, l’outil graphologique conduit à en substituer une autre, axée sur l’analyse des qualités révélées par l’écriture. Le risque de la première, nous le voyons à propos du jeune homme mal orienté, est d’ignorer des potentialités « cachées » et de le priver ainsi d’exercer ses talents. L’intérêt de la graphologie serait précisément de mettre en évidence ce « potentiel » qui n’est pas encore nommé comme tel. La méthode ouvre des perspectives dans l’examen des candidats et tout particulièrement des débutants : celles de valoriser des capacités ignorées (y compris par les individus concernés), ou non actualisées, faute d’expérience en la matière.
L’introduction dans le monde des entreprises
13L’intitulé des articles publiés dans La Graphologie au cours de la deuxième moitié du xxe siècle [8] témoigne de l’entrée progressive des graphologues dans le monde des entreprises et de l’évolution de leurs préoccupations. Les premiers articles portant sur l’embauche et la sélection professionnelle apparaissent dans les années 1960 et se multiplient dans les années 1970. Au cours de la décennie suivante, apparaissent de nouvelles préoccupations en lien avec l’évolution du marché du travail : la réinsertion, l’outplacement, les nouveaux métiers, les effets du chômage. À partir des années 1990, une série d’articles est consacrée à l’analyse des écritures étrangères (en Angleterre, Belgique, Pays-Bas, Pologne, Russie, Roumanie, le script américain) : les règles d’apprentissage de la calligraphie, variant d’un pays à l’autre, soumettent les graphologues à de nouveaux défis, notamment dans le recrutement de personnel international.
14Des études de cas sont présentées parallèlement à ces articles d’ordre général. Elles portent quelquefois sur des métiers (pilotes, chauffeurs routiers, conducteurs receveurs). Mais elles concernent plus souvent des catégories plus générales, telles celles des cadres, des travailleurs manuels, des ingénieurs, des gestionnaires ou des débutants. Ces groupes sont caractérisés par leur positionnement au sein des entreprises ou sur le marché du travail. Leur définition témoigne de la tendance des graphologues à opérer des équivalences entre emplois, non pas à partir du contenu des tâches imparties, mais des positions occupées dans l’univers du travail. D’autres articles corroborent cette idée, puisqu’ils traitent de « qualités » transversales aux emplois, que cherchent à déceler les graphologues : l’autorité, l’intelligence, l’esprit d’équipe, la communication, l’autonomie, l’ambition ou l’organisation. Parmi ces qualités, la question de l’« adaptation » des individus occupe une place centrale. Elle apparaît comme une question récurrente, qui se pose dès la fin des années quarante et dont l’intérêt ne s’épuise pas avec le temps. L’objectif de la graphologie « professionnelle » semble ainsi d’apprécier les capacités générales d’adaptation des individus, et partant leur ajustement à des milieux de travail ou à des professions particulières. De la qualité de cet ajustement dépend celle de leurs capacités à réussir dans la vie professionnelle en général ou dans une situation professionnelle particulière.
Une part de marché incalculable
15La mesure exacte de la progression des graphologues dans le conseil aux entreprises reste difficile à opérer, les enquêtes réalisées à ce jour n’offrant aucune garantie de représentativité. La plus ancienne que nous ayons trouvée, réalisée par une société de conseil auprès de ses adhérents en 1959, avère que 73 % des trois cents entreprises répondant à l’enquête ont recours à la graphologie (Cegos, 1960). L’intérêt de l’investigation est surtout de montrer la variété des usages qui en sont faits d’une entreprise à l’autre. Outre la question de la fréquence d’utilisation, on y découvre que la graphologie est utilisée en phase initiale ou ultime du recrutement, lors de décisions de promotion ou pour apprécier les possibilités d’entente mutuelle au sein d’équipes de travail. Mais il y a aussi des entreprises qui modulent leur usage de l’outil selon les services ou les catégories d’emploi concernées (80 % pour les représentants, 50 % pour la maîtrise et 30 à 40 % pour les agents techniques…) La diversité des éléments à prendre en compte s’oppose donc à toute tentative de généralisation.
16Les résultats d’une enquête portant sur les méthodes de recrutement et réalisée par des psychologues du travail en 1988 et 1989 jouissent d’une large diffusion (Bruchon-Shweitzer, Ferrieux, 1991a et 1991b et Bruchon-Shweitzer, Lievens, 1991). L’enquête est effectuée en région parisienne : elle porte sur 102 unités, dont 60 cabinets de recrutement, et 42 entreprises parmi lesquelles 13 sont publiques. La présentation des résultats montre que la moitié des services enquêtés associent un tri graphologique de la lettre de candidature au tri de cv. Ce sont surtout des petites structures et souvent des cabinets de recrutement. Lorsque l’on passe aux « méthodes d’examen approfondi », l’entretien arrive en tête. Mais il est suivi de près par la graphologie, à laquelle ont recours 98 % des unités enquêtées. L’enquête avère également l’utilisation de techniques tout à fait « irrationnelles », telles la morphopsychologie, l’astrologie, la neurobiologie ou l’analyse transactionnelle. Ses conclusions sont en tous points alarmistes.
17Il semble pourtant difficile de tirer des enseignements généraux de cette enquête, qui n’est pas tant représentative des pratiques de recrutement des entreprises, que de celles des cabinets de recrutement. Leur surreprésentation a pour effet de rabattre l’analyse des méthodes sur celle des cadres moyens et supérieurs. Mais elle a l’intérêt de montrer à quel point l’utilisation de la graphologie est banalisée dans le milieu du conseil. Comme le confirme une enquête récente, une grande majorité de consultants considère qu’elle permet de déceler les principaux traits de personnalité des candidats (Balicco, 2002).
La résistance d’une méthode controversée
18Bien qu’elle soit périodiquement remise en question, l’utilisation de la graphologie comme méthode d’évaluation des compétences fait preuve d’une étonnante résistance. Les points de vue semblent difficilement conciliables. Les plus complaisants émanent de praticiens et recruteurs qui mettent l’accent sur le caractère pragmatique d’une méthode qui fait ses preuves depuis des décennies, et sur la nécessité de sa maîtrise par des graphologues bien formés et patentés. Utilisée à bon escient, elle permettrait de conseiller les recruteurs dans la phase finale de la sélection, de guider les personnes en reconversion ou lors de bilans de compétences, d’aider les chômeurs dans leur démarche de recherche d’emploi. Elle pourrait même permettre de repêcher des candidats aux parcours atypiques, de « sauver des candidatures » habituellement rejetées à la lecture des seuls cv. Insensibles à ces arguments, les détracteurs de la méthode font état d’autres usages et mettent l’accent sur l’exception française : alors même qu’elle est interdite dans de nombreux pays, les entreprises continuent d’y avoir massivement recours pour recruter. Les tris de candidatures opérés grâce aux « flashes » graphologiques sont particulièrement dangereux et aléatoires. Et le manque de fiabilité de la méthode en fait un instrument inadéquat pour recruter. La critique émane surtout des psychologues du travail, comme nous allons le voir en revenant sur ce qui s’est passé au cours des années 1990 où l’utilisation de la graphologie dans les recrutements a failli être interdite. Nous nous intéresserons ensuite aux raisons pour lesquelles la méthode résiste malgré ces critiques aux interrogations qu’elle continue de susciter.
Des menaces d’interdiction
19La querelle qui surgit au début des années 1990 semble déclenchée par la publication de l’enquête mentionnée plus haut, dont les conclusions avèrent que la graphologie est massivement utilisée en France pour recruter. Or, des travaux américains dont les résultats semblent peu discutables ont montré que la capacité de la graphologie à prédire la réussite professionnelle n’est pas établie : sa « validité prédictive », au sens où l’entendent les psychologues scientifiques, est faible, voire nulle (Bruchon-Schweitzer, 1987). Ainsi donc, ce sont les méthodes considérées comme les moins « valides », à savoir les entretiens, la graphologie et les tests de personnalité qui sont le plus souvent utilisés. À l’inverse, les tests d’aptitude mis au point par les psychologues scientifiques sont trop rarement utilisés, alors que leur fiabilité ne fait pas de doute. La presse et la télévision se font l’écho de ces critiques, des débats [9] mettant en présence recruteurs, psychologues et graphologues sont organisés et des reportages soulignent l’existence de pratiques occultes ou magiques (numérologie, astrologie, chiromancie) dans les recrutements.
20C’est dans ce contexte qu’est confiée au professeur Gérard Lyon-Caen la mission d’engager une réflexion sur la question du respect de la vie privée et des libertés individuelles des salariés et candidats à un emploi. Le rapport (Lyon-Caen, 1992), qui prend directement appui sur les données fournies par les psychologues scientifiques, constitue une réelle menace pour les graphologues. Les mises en situation de travail et les tests d’aptitudes y sont considérés comme les seules méthodes de recrutement aptes à satisfaire à la fois les conditions de validité et de pertinence au regard des fins poursuivies : celle de constituer un indicateur fiable de réussite professionnelle. La graphologie, comme toutes les méthodes d’investigation de la personnalité, est fortement critiquée, car elle fait porter l’évaluation sur un domaine considéré comme sans lien avec cette réussite. Si elle est employée à l’insu du candidat, il y a alors violation du secret des correspondances et atteinte à la liberté. Si elle est utilisée pour trier des lettres ou faire un examen approfondi, elle représente en tout état de cause une immixtion dans la vie privée, affirme l’auteur du rapport. Enfin, elle n’a pas de validité scientifique, or « la validité scientifique d’une méthode coïncide nécessairement avec sa validité juridique, mieux : elle la conditionne » (idem, p. 104). La condamnation de la graphologie semble alors sans appel.
21Mais le texte de loi finalement voté se situe très en retrait par rapport à ces propositions. La loi du 31 décembre 1992 (article L.121-6) indique que « les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ou à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles ». La circulaire d’application (du 15 mars 1993) précise à ce sujet qu’il n’est pas nécessaire que la méthode soit valide scientifiquement, mais qu’elle doit présenter un « degré raisonnable de fiabilité ».
L’amortissement de la critique en France
22Le couperet n’est pas passé loin. La référence à la notion de « fiabilité » plutôt qu’à celle de « validité scientifique » évite de se prononcer sur l’opportunité de l’usage de la graphologie dans les recrutements. Les graphologues et leurs clients ont-ils fait pression sur le législateur pour qu’il en soit ainsi ? Le compte rendu des débats au Sénat (17 décembre 1992) et à l’Assemblée nationale (18 décembre) laisse entendre que les cabinets de recrutement ont été abondamment consultés lors de l’élaboration de cette loi. Ils ont probablement contribué à en infléchir le contenu. La condition de validité scientifique est sans doute également apparue comme trop restrictive, puisqu’elle aurait conduit à exclure d’autres méthodes tels les entretiens menés avec les candidats. Enfin, la proposition d’interdire de faire porter les investigations sur la personnalité des candidats a été jugée excessive (Ray, 1993), de telle sorte qu’elle a été évacuée par le législateur.
23Ainsi donc, la graphologie reste tolérée en France, alors qu’elle est interdite dans les pays anglo-saxons et dans la plupart des pays européens (Lévy-Leboyer, 1991, 1994). Pour quelles raisons les critiques restent-elles insuffisantes à entamer le crédit dont elle jouit tant auprès des recruteurs que de leurs clients ? Y aurait-il une exception culturelle qui porterait les Français à adopter de préférence des méthodes irrationnelles, comme le prétendent des auteurs britanniques (Shackleton & Newell, 1991) ? Puisque les critiques les plus virulentes émanent des psychologues du travail français, notons tout d’abord que ceux-ci restent faiblement organisés par rapport à leurs homologues anglo-saxons qui forment de puissants lobbies : en Grande-Bretagne, il existe une véritable « industrie du recrutement » et la British Psychological Society (BPS) joue de tout son poids pour contrôler le marché des tests. L’inégale influence des psychologues du travail dans les deux pays ne peut être interprétée indépendamment de celle qu’y exercent respectivement les systèmes éducatifs. En France, les diplômes délivrés par l’Éducation nationale jouent un rôle important dans la certification des compétences : ils servent de repères tant au moment de l’orientation des élèves qu’à celui de leur entrée dans la vie active ou lors de chaque passage sur le marché du travail. En Grande-Bretagne, les tests sont utilisés pour compenser cette absence de signalement. L’attention portée aux questions de discrimination dans les pays anglo-saxons et l’abondance de la jurisprudence suscitée par les recrutements incitent également les recruteurs à s’entourer de multiples précautions (Marchal, Renard-Bodinier, 2001).
24La France n’en est pas là et a connu par ailleurs une période de vives critiques à l’égard de l’utilisation des tests (Montmollin, 1972). Or, comme nous l’avons suggéré, la graphologie entre en compétition avec les psychotechniques, tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’évaluer des cadres (Moutet, 2004) : elle est plus facile à manier, moins onéreuse pour le recruteur et indolore pour le candidat. Elle fournit des descriptions dans un langage accessible au profane. Tous ces éléments sont valorisés par la profession des graphologues qui fait preuve d’un certain dynamisme. La Société française de graphologie, créée à la fin du xixe siècle, est toujours très active et semble jouir d’une certaine réputation à l’étranger. Elle diffuse une revue à plus de douze mille exemplaires, organise périodiquement des conférences et congrès internationaux, s’est dotée d’un organe spécifiquement consacré à la régulation des activités des graphologues conseils, et d’un syndicat depuis 1992. Elle dispense par ailleurs une formation que suivent plusieurs centaines d’étudiants chaque année, même si le diplôme délivré n’est pas reconnu par l’Éducation nationale.
L’introuvable épreuve de validité
25La question de la validité de la méthode est au centre de toutes les critiques. La profession des graphologues a tenté de les désamorcer en se plaçant sur ce même terrain (sfg, ggcf, 1994). Mais la démonstration reste fragile, car l’épreuve à laquelle les psychologues scientifiques soumettent la graphologie ne lui est pas naturelle. Comparer deux analyses graphologiques ou celles-ci et un test, par exemple, suppose de traiter systématiquement certains traits de personnalité prévus à l’avance, de leur donner des cotations chiffrées, d’adopter un vocabulaire prescrit… Ce protocole entre en tension avec la démarche du graphologue qui ne fait pas une analyse trait à trait mais porte un regard synthétique sur l’écriture : il l’oblige à se prononcer sur ce qu’elle n’exprime pas nécessairement. La possibilité d’analyser le caractère plus ou moins prédictif d’une méthode suppose d’autre part d’évaluer la réussite professionnelle. Mais de nombreux facteurs sont soupçonnés de troubler la bonne mesure de cette réussite (Eymard-Duvernay, Marchal, 2000). Faut-il s’appuyer sur l’efficacité productive, le salaire, ou le niveau atteint dans l’organisation ? Et comment se débarrasser de toutes les variables qui interfèrent avec ces indicateurs, telles la difficulté du secteur confié à un vendeur, la bonne entente avec un supérieur hiérarchique qui a pu faciliter une promotion ? Sans insister davantage sur ces difficultés, notons simplement que l’on ne saurait tenir rigueur à une épreuve d’évaluation, de ne pas apporter la preuve de sa « prédictivité ». C’est davantage de sa pertinence dans le cadre du recrutement qu’il faudrait discuter, ainsi que des obstacles à son utilisation dans de bonnes conditions.
26Plus délicate encore est la question de la non-concordance des avis graphologiques. Face à ces incertitudes, des graphologues soulignent le rôle de leur sensibilité qui peut conduire à accentuer certaines interprétations. Mais cet argument est récusé par l’aile « scientifique ». Ailleurs encore, on minimise les désaccords en arguant que c’est souvent le vocabulaire qui est source de malentendus. Cette question du vocabulaire et de la signification accordée aux termes employés constitue en effet une question récurrente. Certains graphologues, enfin, adoptent une posture beaucoup plus radicale pour soutenir que pas plus l’entourage du scripteur que le scripteur lui-même ne sont réellement compétents pour apprécier la validité d’une analyse. La plupart du temps les avis des uns et des autres coïncideraient, mais une divergence ne donnerait pas nécessairement tort au graphologue. Cette thèse est liée aux incursions de la graphologie dans le domaine de la psychologie des profondeurs, le graphologue ayant l’ambition d’accéder à des parties cachées au scripteur lui-même (Mathieu, 1992). Dans ces conditions, aucune contre-épreuve n’est possible.
Conclusion
27Les cabinets de conseils en ressources humaines semblent jouer un rôle décisif dans le maintien de l’usage de la méthode en France [10]. La plupart font appel régulièrement ou ponctuellement aux services de graphologues et certains consultants sont eux-mêmes formés à l’utilisation de la graphologie. La bienveillance dont elle jouit en France n’est pas étrangère à son histoire et à la fascination qu’a exercée en son temps l’étude de l’écriture. Elle semble perdurer « grâce » à la faible audience des psychologues du travail dont les critiques, axées sur la « validité prédictive » de la méthode, sont insuffisantes à entamer son crédit. Ces critiques ne sont pas éteintes pour autant, et vont probablement resurgir sous l’emprise des normes européennes. La lutte contre la discrimination, en particulier, suppose la mise en œuvre d’un formalisme dans les procédures de recrutement, peu compatible avec les méthodes actuellement les plus répandues. L’internationalisation des entreprises aussi est un facteur fragilisant pour l’utilisation d’une méthode que la plupart des pays condamnent. Enfin, la migration du marché du travail sur Internet oblige à revoir les pratiques. Les lettres manuscrites sont plus faciles à demander dans les phases ultérieures du recrutement, lors de la rencontre en face à face. Mais certains recruteurs n’affirment-ils pas que leur premier réflexe est de faire le partage entre les candidats internautes qui acceptent d’envoyer une lettre de motivation manuscrite et les autres [11] ?
Bibliographie
Bibliographie
- Artières P., Clinique de l’écriture. Une histoire du regard médical sur l’écriture ordinaire au dix-neuvième siècle, thèse de doctorat, université Denis-Diderot Paris-VII, 1996.
- Balicco C., « L’utilisation de la graphologie dans le recrutement de cadres au sein des cabinets conseils », L’orientation scolaire et professionnelle, 2002, 31, no 2, p. 195-222.
- Baud F., « La science des caractères dans ses relations avec le progrès social », Actualités scientifiques et industrielles, 1940, no 866.
- Binet A., Les révélations de l’écriture d’après un contrôle scientifique, Paris, Félix Alcan, 1906.
- Brésard S., « L’écriture, test de caractère en orientation professionnelle », L’orientation professionnelle par la graphologie (dir. Pierre Foix), 1946.
- Bruchon-Schweitzer M., « L’évaluation de la personnalité dans la sélection du personnel », Traité de psychologie du travail (dir. C. Lévy-Leboyer, J.-C. Sperandio), Paris, puf, 1987.
- Bruchon-Schweitzer M., Ferrieux D., « Les méthodes d’évaluation du personnel utilisées pour le recrutement en France », L’orientation scolaire et professionnelle, 1991a, 20, no 1, p. 71-88.
- Bruchon-Schweitzer M., Ferrieux D., « Une enquête sur le recrutement en France, Revue européenne de psychologie appliquée, 1991b, vol. 41, no 1, p. 9-16.
- Bruchon-Schweitzer M., Lievens S., « Le recrutement en Europe, Recherches et pratiques », Psychologie et psychométrie, 1991, 12,2.
- Cegos, « Utilisation de la graphologie dans l’industrie », Hommes et Entreprises, Les cahiers de la section 4, mai 1960.
- Crépieux-Jamin J., ABC de la graphologie, Paris, puf, 1930 (édition de 1980).
- Desurvire M., Graphologie et recrutement, Paris, Masson, 1992.
- Dumont M., « Le succès mondain d’une fausse science : la physiognomonie de Johan Kaspar Lavater », Actes de la recherche en sciences sociales, no 54, 1984, p. 2-30.
- Eymard-Duvernay F., Marchal E., Façons de recruter. Le jugement des compétences sur le marché du travail, Paris, Métailié, 1997.
- Eymard-Duvernay F., Marchal E., « Les experts du marché du travail : qui calcule trop finit par déraisonner », Sociologie du travail, 42, 2000, p. 411-432.
- Foix P., Avant-propos à L’orientation professionnelle par la graphologie, Paris, Payot, 1946.
- Gould S. J., La mal-mesure de l’homme. L’intelligence sous la toise des savants, Ramsay, 1983.
- Lévy-Leboyer C., « La sélection du personnel en Europe », L’orientation scolaire et professionnelle, 1994, no 1, p. 27-34.
- Lyon-Caen G., Les libertés publiques et l’emploi, Rapport au ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Paris, La Documentation française, 1992.
- Marchal E., Renard-Bodinier C., « L’équipement des relations sur les marchés du travail : comparaison des méthodes de recrutement », in Des marchés du travail équitables ? Une approche comparative France Royaume-Uni (Bessy C., Eymard-Duvernay F., de Larquier G., Marchal E. eds), Bruxelles, pie-Peter Lang, 2001.
- Mathieu H., Le graphologue, son art et son client. Raisons, réseaux, hérésies de la graphologie, Paris, Masson, 1992.
- Montmollin M. de, Les psychopitres : une autocritique de la psychologie industrielle, Paris, puf, 1972.
- Moutet A., « La psychologie appliqué à l’industrie : un moyen de définition de l’aptitude ou de l’inaptitude ? 1930-1960 », in Les mains inutiles. Inaptitude au travail et emploi en Europe (C. Omnès et A.-S. Bruno), Paris, Belin, 2004.
- Perron R., Gobineau H. de, « La contribution d’Alfred Binet à l’étude de l’écriture », Revue de psychologie appliquée, 1957, no 4, p. 267-286.
- Pulver M., Le symbolisme de l’écriture, Paris, Stock, 1971 (édition de 1991, en langue originale en 1931).
- Ray J.-E., « Une loi macédonienne ? Étude critique du titre V de la loi du 31 décembre 1992 », Droit social, 1993, no 2, p. 103-114.
- Rougemont E. de, « Les défaillances morales dans l’écriture » in L’orientation professionnelle par la graphologie (Foix, dir.), Paris, Payot, 1946.
- Salberg R. de, « Application de la graphologie dans les rapports d’affaires et de commerce », in Compte rendu du 1er congrès international des sciences de l’écriture, tenu à Paris du 24 au 31 mai 1900. Paris, Société de graphologie, 1902.
- sfdg, ggcf, La graphologie : sa pertinence. Résultats de recherches, Paris, Expansion scientifique française, 1994.
- Shackleton Viv, Newell Sue, « Management selection : a comparative survey of methods used in top British and French companies », Journal of occupational psychology, 1991, no 64, p. 23-36.
Notes
-
[1]
La multiplication d’ouvrages proposant de dispenser des conseils sur les bonnes façons d’écrire (« comment éviter les pièges de la graphologie ») témoigne de telles incidences.
-
[2]
La filiation de la graphologie est certes plus longue à établir, partant traditionnellement de Camillo Baldi (auteur au xviie siècle d’un ouvrage intitulé Du moyen de connaître les mœurs et les qualités d’un écrivain d’après ses lettres missives), elle est relayée ensuite par l’abbé Michon (Les mystères de l’écriture paraissent en 1872). Mais les graphologues français s’accordent surtout à reconnaître la contribution décisive de J. Crépieux-Jamin (1858-1940). À l’étranger, deux grandes figures s’imposent également : Ludwig Klages (1872-1956), philosophe et psychologue allemand, et Max Pulver écrivain, psychanalyste et médecin légiste suisse (1889-1952).
-
[3]
Ce succès coïncide avec l’épanouissement de la craniologie dans l’Europe de la fin du xixe siècle et la multiplication des tentatives de mesure de l’intelligence (Gould, 1983).
-
[4]
Cette partition joue un rôle important. Elle permet d’apprécier le « milieu graphique » avant d’en détailler les éléments : avant d’interpréter une écriture, il faut pouvoir décider si son contexte est positif ou négatif.
-
[5]
L’histoire veut que les tests de Binet soient à l’origine de la psychométrie, qui elle-même sera réinvestie comme outil de recrutement. Rien ne lui permettait à l’époque, d’envisager qu’il serait fait un tel usage de ses travaux, ni que psychométrie et graphologie seraient d’une certaine façon en concurrence à la fin du xxe siècle…
-
[6]
Aujourd’hui, la majorité des graphologues professionnels exercent leurs talents dans le conseil aux entreprises ou dans le cadre de la formation à la recherche d’emploi (bilan de compétences). Mais d’autres exercent dans le milieu hospitalier, dans le milieu judiciaire (expertise en écriture) et dans celui de l’éducation (graphothérapie).
-
[7]
L’importance accordée à la moralité des scripteurs ne résistera pas à l’épreuve du temps : peut-être parce que la question n’est plus formulée en ces termes (il est davantage question de confiance ou de la motivation des candidats), ou que sa traduction sur un registre psychologique permet d’en atténuer la portée. Mais c’est aussi parce que les graphologues ont quelque peu battu en retraite sur ce sujet. La plupart s’accordent aujourd’hui à reconnaître que l’honnêteté ou la probité sont des questions délicates à traiter. Cf. par exemple Desurvire (1992, p. 45).
-
[8]
La Graphologie est une revue professionnelle éditée par la Société française de graphologie. Diffusée à quelques centaines d’exemplaires dans les années 1930, elle accroît régulièrement son audience et compte plus de 7 500 abonnés dans les années 1990. Pour les besoins de notre analyse, nous avons procédé à une exploration systématique de la table des matière de la revue entre 1945 et 1989.
-
[9]
Par exemple, un débat télévisé, organisé en juin 1994, se déroule sur France 2 dans une émission à grande écoute (Savoir plus) animée par François de Closets, intitulée « Tests de personnalité : que valez-vous ? ».
-
[10]
Une norme élaborée par l’afnor (norme NF X50-767, novembre 2002) vient de confirmer que la graphologie peut faire partie intégrante des méthodes de recrutement des cabinets se soumettant à une démarche qualité. Seules les conditions de son utilisation font l’objet d’un contrôle : elle ne peut être utilisée pour trier des candidatures, ni avoir de caractère décisif. Mais comment apprécier celui-ci ?
-
[11]
Voir dans Le Figaro du 17 mai 2004 un article de Sophie Lautrette intitulé « Des chiffres et des lettres ».