Sébastien Lemerle, maître de conférences en sociologie à l’Université de Paris-Nanterre, s’intéresse au biologisme en tant que courant de pensée qui cherche à expliquer les comportements humains par des facteurs biologiques. Cette tendance s’est accentuée dans les dernières décennies en raison du développement de la génétique et des neurosciences. Sa thèse, consacrée à cette question, a été publiée aux PUF en 2014 sous le titre Le singe, le gène et le neurone. Du retour du biologisme en France. Dans son nouvel ouvrage, il fait un focus sur une expression qui s’est très largement popularisée, jusqu’à se détacher du nom de son inventeur et de ses promoteurs : le « cerveau reptilien ». L’auteur retrace la sociohistoire de cette notion.
Tout commence lorsque le physiologiste et psychiatre américain Paul D. MacLean (1913-2007) élabore en 1959-1960 une théorie du cerveau humain « triunique », c’est-à-dire composé de trois ensembles : le néocortex, qui nous permet de penser, le système limbique, siège des motivations, des émotions et de la mémoire sensorielle, et le cerveau primitif, appelé « cerveau reptilien », qui commande les besoins alimentaires et sexuels ainsi que les réactions de défense par l’attaque ou la fuite. Ces trois cerveaux correspondent selon MacLean à trois strates – et trois stades – de l’évolution des espèces : les reptiles, les mammifères et les primates, spécialement l’homme. Dans une conférence donnée à San Francisco en novembre 1960, MacLean utilise une image particulièrement frappante : « Allégoriquement parlant, nous pouvons imaginer que lorsqu’un psychiatre invite son patient à s’allonger sur le canapé, il lui demande de le faire aux côtés d’un cheval et d’un crocodile » (cité par l’auteur, p…
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