Couverture de SOC_139

Article de revue

La résurgence du sacré dans la postmodernité

Pages 29 à 46

Notes

  • [1]
    Diderot, « Autorité ». In P. Goujard (dir.), L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des arts et des Métiers. Textes choisis, présentation par Albert Soboul, nouvelle introduction et notes par Philippe Goujard, Éditions sociales, Paris, 1984, p. 107.
  • [2]
    J.-J. Rousseau, Œuvres complètes, t. III, Du contrat social. Écrits politiques, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1975, p. 364.
  • [3]
    Robespierre, cité par J. Freund, « La violence des suralimentés », Zeitschrift für Politik, 19, 2, pp. 178-205. Nous ne disposons que du texte polycopié que l’auteur nous avait cédé.
  • [4]
    F. Ferrarotti, Une théologie pour athées, Librairie des Méridiens, Paris, 1984, p. 204.
  • [5]
    Ibid., p. 206.
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    S. Acquaviva, L’Éclipse du sacré dans les sociétés industrielles, Mame, Paris, 1967, p. 65.
  • [8]
    H. G. Cox, La cité séculière : essai théologique sur la sécularisation et l’urbanisation, Casterman, Tournai, 1968, p. 36.
  • [9]
    L. Ferry, L’homme-Dieu ou le Sens de la vie, Grasset, Paris, 1996, p. 245.
  • [10]
    R. Debray, Les communions humaines. Pour en finir avec « la religion », Fayard, Paris, 2005, p. 133.
  • [11]
    G. Lipovetsky, Le crépuscule du devoir. L’éthique indolore des nouveaux temps démocratiques, Gallimard, Paris, 1993, p. 159.
  • [12]
    D. Hervieu-Léger, Le pèlerin et le converti. La religion en mouvement, Flammarion, Paris, 2003, p. 166.
  • [13]
    M. Gauchet, La condition historique. Entretiens avec François Azouvi et Sylvain Piron, Stock, Paris, 2003, p. 310.
  • [14]
    F. Lenoir, Les métamorphoses de Dieu. La nouvelle spiritualité occidentale, Plon, Paris, 2003, p. 86.
  • [15]
    G. Simmel, La religion, Circé, Strasbourg, 1998, p. 76.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    J.-L. Vieillard-Baron, La religion et la cité, PUF, Paris, 2001, p. 4.
  • [18]
    Ibid.
  • [19]
    Ibid., p. 36.
  • [20]
    P. Valadier, L’anarchie des valeurs. Le relativisme est-il fatal ?, Albin Michel, Paris, 1997, p. 22.
  • [21]
    Ibid., p. 166.
  • [22]
    Ibid., p. 167.
  • [23]
    A. Comte, Physique sociale. Cours de philosophie positive, tome II, leçon 46 à 60, Hermann, Paris, 1975, p. 246.
  • [24]
    A. Comte, Synthèse subjective ou système universel des conceptions propres à l’état normal de l’humanité, in Œuvres d’Auguste Comte, tome XII, Anthropos, Paris, 1971, p. 7.
  • [25]
    H. de Lubac, Le drame de l’humanisme athée, Spes, Paris, 1959, p. 78.
  • [26]
    É. Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, Paris, 1979, p. 323.
  • [27]
    Ibid., p. 13.
  • [28]
    Ibid., p. 328.
  • [29]
    Ibid., p. 519.
  • [30]
    Ibid., p. 462.
  • [31]
    Sur ce point, voir M. Weber : « Dans un passé reculé, les modes les plus importants des relations de domination se sont toujours partagés entre la domination charismatique, qui repose sur la croyance dans le caractère sacré ou la valeur de ce qui est extraquotidien, et la domination traditionaliste (patriarcale), qui s’appuie sur le caractère sacré du quotidien ». In Sociologie des religions (Chapitre « L’éthique économique des religions mondiales »), Gallimard, Paris, 1996, pp. 371-372.
  • [32]
    É. Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, Paris, 1979, p. 428.
  • [33]
    M. Weber, Essais sur la théorie de la science, Plon, Paris, 1965, p. 130.
  • [34]
    M. Weber, Le savant et le politique, Union Générale d’Éditions, Paris, 1974, p. 85.
  • [35]
    G. Simmel, La religion, Circé, Strasbourg, 1998, p. 108, pp. 112-113.
  • [36]
    M. Maffesoli, Être postmoderne, Cerf, Paris, 2018, p. 107.
  • [37]
    J.-P. Sironneau, Métamorphoses du mythe et de la croyance, L’Harmattan, Paris, 2000, p. 113.
  • [38]
    C. Baudelaire, Le peintre de la vie moderne, Livre numérique. Collections Litteratura.com, 1863, p. 11.
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    Ibid., p. 10.
  • [41]
    F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Livre de Poche, Paris, 2013, p. 262.
  • [42]
    R. Otto, Le sacré (1995), Payot & Rivages, Paris, 1995, p. 27.
  • [43]
    M. Eliade, La nostalgie des origines, Gallimard, Paris, 1994, p. 10.
  • [44]
    P. Brown, La société et le sacré dans l’Antiquité tardive, Seuil, Paris, 1985, p. 130.
  • [45]
    Ibid.
  • [46]
    D. Jeffrey, Jouissance du sacré. Religion et postmodernité, Armand Colin, Paris, 1998, p. 69.
  • [47]
    Ibid.
  • [48]
    R. Caillois, L’homme et le sacré, Gallimard, coll. Idées, Paris, 1976, p. 21.
  • [49]
    M. Eliade, Traité d’histoire des religions, Payot, Paris, 2004, p. 33.
  • [50]
    M. Maffesoli, Écosophie. Une écologie pour notre temps, Cerf, Paris, 2017, pp. 211-212.
  • [51]
    M. Eliade, Traité d’histoire des religions, Payot, Paris, 2004, p. 26.
  • [52]
    J. Assmann, Le prix du monothéisme, Flammarion-Aubier, Paris, 2007, p. 118.
  • [53]
    R. Debray, Les communions humaines. Pour en finir avec « la religion », Fayard, Paris, 2005, p. 142.
  • [54]
    M. Maffesoli M., Le temps des tribus. Le déclin de l’individualisme dans les sociétés modernes, Méridiens Klincksieck, Paris, 1988, p. 161.
  • [55]
    Cf. M. Maffesoli, La conquête du présent. Pour une sociologie de la vie quotidienne, PUF, Paris, 1979, chap. III.
  • [56]
    G. Simmel, Philosophie de la modernité, tome II, Esthétique et modernité, Conflit et modernité, Testament philosophique, Payot, Paris, 1989, p. 234.
  • [57]
    P. Sansot, Poétique de la ville, Klincksieck, Paris, 1984, p. 54.
  • [58]
    Ibid., p. 56.
  • [59]
    R. Caillois, Les jeux et les hommes. Le masque et le vertige, Gallimard, coll. Idées, Paris, 1977, p. 170.
  • [60]
    Cf. V. Susca, Les affinités connectives. Sociologie de la culture numérique, Cerf, Paris, 2016.
  • [61]
    T. Jamet, Ren@issance mythologique : L’imaginaire et les mythes à l’ère digitale, François Bourin, Paris, 2011, p. 46.
  • [62]
    H. Fischer, La pensée magique du Net, François Bourin, Paris, 2014, p. 277.
  • [63]
    M. Maffesoli, Être postmoderne, op.cit., p. 88.

1 – Autorité et transcendance

1De nombreux écrits ont été consacrés à la disparition du sacré, du transcendant, de la pensée symbolique ou encore de la pensée mythique dans les sociétés industrielles et postindustrielles. Le fait que nous continuions à vivre à l’ombre des principes directeurs des Lumières n’est peut-être pas étranger à ce fait. L’argument d’une autorité non fondée en raison, fût-elle celle de Dieu ou encore, comme le dit Vilfredo Pareto, celle d’un homme, d’une idée ou d’une tradition, et celui concomitant d’une obéissance non consentie « par raison et avec mesure » [1], ont été catégoriquement rejetés par les philosophes du XVIIIe siècle. Nous savons, depuis lors, que les postulats de la soumission de l’autorité à la raison et de la limitation du pouvoir contenus dans la philosophie contractuelle ont contribué à la résurgence de la sujétion sous des formes plus insidieuses, à l’instar du spectre de la volonté générale qui « forcera d’être libre » [2], selon le mot impérieux de l’auteur du Contrat social, ou encore de celui de la réalité de la « terreur sans laquelle la vertu est impuissante » [3].

2Dans le même ordre d’idées, sous le signe d’un refus de la transcendance, la raison conquérante avait fini par créer ses propres superstitions et divinités, ses fêtes civiques et ses temples, comme en témoignent le culte de la Raison des hébertistes athées et le culte de l’Être suprême des Montagnards déistes, peu après la Révolution française. En dépit de ceux, nombreux encore, qui rêvent d’une incarnation des principes des Lumières dans l’État-nation, et de ses corollaires l’école républicaine et la société laïque, l’heure est plutôt à la relativisation de ces principes et au resurgissement de formes diffuses de religiosités.

3Sous prétexte d’un désenchantement du monde, on a conclu un peu rapidement à la mort de Dieu et à la mort du social. On sait que Voltaire voulait écraser l’infâme (les catholiques et les protestants), que Marx vouait les croyances à une disparition programmée, que le républicanisme laïque contemporain refoule toute manifestation religieuse dans l’orbe du privé. En somme, il s’agit de reléguer ce qui est de l’ordre du sacré au statut de reliquats du passé destinés à disparaître avec le temps et de rapporter les croyances à des formes primitives et ancestrales d’infantilisation de l’espèce humaine.

4Le paradoxe dans lequel se sont embourbées les Lumières a certainement contribué à la naissance de la sociologie, comprise comme garante de l’être-ensemble et préservation d’une forme de transcendance par l’intellect, comme en témoignent les travaux de Saint-Simon, auteur d’un Nouveau christianisme, et de Comte, à la fois fondateur de la sociologie et de la religion de l’humanité, dont il s’est voulu le Grand-Prêtre. La sociologie, en tant que « science de la solidarité perdue » [4] ou « théologie humanisée » [5], et le sociologue, en tant que « confesseur laïc » [6], devenaient les conservateurs à la fois d’une certaine forme de transcendance et du lien social, si tant est que le religieux renvoie simultanément à ce qui relie l’homme à une entité supérieure et à ce qui soude les hommes entre eux au sein d’une communauté.

2 – Disparition du sacré et regain de l’individualisme dans la pensée sociologique

5L’échec des Lumières explique également l’engouement d’une partie de la sociologie contemporaine pour les questions religieuses. Mais plutôt que de s’inscrire dans l’attitude de prudence des pères fondateurs de la sociologie, qui concevaient le religieux comme une forme permanente de toute société toujours rattachée au collectif, de nombreux penseurs et sociologues du XXe siècle ont anticipé une disparition du sacré ou encore sa rétraction dans la sphère de l’individuel. Nous prenons à dessein deux auteurs pour illustrer la thèse de la disparition du sacré.

6Ainsi du sociologue italien Sabino Acquaviva, qui s’enlise dans une forme de contradiction : d’une part, il montre que le sacré est une forme d’intégration des différences, de l’étrange et de l’étranger, de l’occulte et du marginal, de l’effrayant et du fantastique, du diabolique et du monstrueux, permettant au non-rationnel de s’exprimer et d’être du même coup canalisé : « Un objet devient sacré… dans la mesure où il incorpore une chose différente de lui-même : diversité concrétisée ainsi par l’introduction dans l’objet de l’expérience d’une partie ou de toutes les autres caractéristiques de la sacralité… : le terrible, le prodigieux, le fascinant, etc. [7]. » Mais d’autre part, l’auteur soutient la thèse d’une disparition graduelle, voire même définitive, du sacré dans les sociétés industrielles, comme si aucune place ne pouvait plus y être accordée au non-logique, comme si toute possibilité de transfert dans la sphère hiérophanique de cela même qui ne s’exprime et ne s’extériorise que par les sentiments était désormais inenvisageable.

7Harvey Cox procède d’une façon similaire en affirmant que la cité séculière signifie une rupture claire avec le tribalisme en vigueur chez les primitifs et les cultes locaux en vigueur dans les cités helléniques et romaines. Les processus de sécularisation et d’urbanisation croissantes, en germe dans le christianisme lui-même, ont mis un terme aux relations forcées de voisinage, typiques des communautés rurales, et précipité le crépuscule des idoles dont parlait Nietzsche. Il est vrai que du temps des anciens Grecs on ne badinait pas avec les dieux, comme en témoignent la mort sacrificielle de Socrate et l’éternel combat de la religiosité contre l’universalisme des philosophes. Ainsi, la liberté philosophique au temps de Périclès, le déclin de la religion et de l’amour de la patrie annoncé par Anaxagore, et le cosmopolitisme de Diogène ont-ils été rattrapés par le culte des mystères et toutes ces formes de religiosité provenant de l’Orient. Si, pour Cox la sécularisation libère l’homme de la tutelle religieuse, il n’en reste pas moins que des traces de l’idolâtrie subsistent aussi bien dans le christianisme que dans la cité séculière d’aujourd’hui. Plutôt que de s’en tenir à sa remarque d’une profonde actualité : « Nous trouvons à New York des citadins qui ont une mentalité tribale… Chacun de nous est partiellement tribal, provincial et technopolitain… » [8], l’auteur, en tant que baptiste et bon militant politique qu’il fut, a tenté de minorer cette réalité et de sauvegarder une forme de culte dans le contexte de la sécularisation, en attribuant une nouvelle signification au christianisme et en lui assignant de nouvelles fonctions. C’est donc bien ces traces, ces résidus, à l’instar de la religiosité populaire dans le catholicisme, à l’instar aussi du culte de la sexualité, avec les revendications libertaires et d’émancipation, propres au New Age, que Cox prétend effacer et dépasser. Il ne s’agit ni plus ni moins pour lui que d’harmoniser les nécessités de l’au-delà avec les déterminismes de l’ici-bas, de concilier le christianisme et la sécularisation qu’il portait dans ses germes, dès ses origines, et de prêter de nouveaux desseins à l’Église, révolutionnaires s’il en est, celui d’accéder au divin au moyen de la praxis et celui de concrétiser l’épiphanie chrétienne au moyen d’œuvres, comme les luttes en faveur de toutes les formes de discrimination (les Noirs, les femmes, les prolétaires, etc.), en tant que seuls gages d’une véritable fraternité entre les hommes.

8Des thèses plus récentes se font l’écho d’une dissolution du sacré dans l’individualisme. Il s’agit des thuriféraires de la modernité qui, par souci de sauvegarder quelques-uns de ses desseins, à l’exemple du grand schéma de la promesse – l’émancipation, la libération, la consciencialisation –, ont nié toute spécificité à la postmodernité naissante et dénigré les religiosités qui s’y manifestaient, en les concevant comme de purs produits de l’individualisme triomphant, comme des gardiens de la transcendance. Ce serait ne pas reconnaître qu’au-delà de la transcendance divine de la théologie chrétienne, qu’au-delà de la transcendance des valeurs formelles du républicanisme laïc, qu’au-delà de la transcendance de chefs séculiers, propre aux religions politiques, qu’au-delà de la transcendance du sens (dans l’acception de signification) propre à l’humanisme moderne, à laquelle en appelle Luc Ferry, et qui selon lui « sacralise l’amour et fait de lui le lieu ultime du sens de la vie » [9], il conviendrait de parler de transcendance des sens (dans l’acception de sentiments), c’est-à-dire des affects, ce que Michel Maffesoli désigne dans nombre de ses livres par un oxymore, la « transcendance immanente ».

9En rapportant la religiosité postmoderne à un épiphénomène de l’individualisme, de nombreux auteurs s’interdisent de penser la transcendance en rapport avec l’immanence et de saisir la charge émotionnelle à l’œuvre dans les nombreuses manifestations religieuses de la postmodernité. De leur point de vue, le pluralisme des cultes et des appartenances s’ordonnerait sur la logique individuelle du self-service et fomenterait la violence, et même le racisme, en favorisant l’exclusion des groupes par enfermement des ghettos sur eux-mêmes, dans une société qui se veut pourtant largement ouverte. Ainsi, pour Régis Debray, le ramassis actuel de croyances et de pratiques auquel contribuent les technologies du virtuel, et qui permet de jouxter les recettes de la médecine traditionnelle aux méthodes d’apaisement du corps, annonce l’ère de « cet égotisme décanté, qui préfère parfois la quête de l’être à celle de l’autre » [10]. Pour Gilles Lipovetsky, nous vivons à « l’âge des religions en kit finalisées par le moi, nous éloignant autant du monde de l’intolérance religieuse que d’un univers rationnel délivré du sens de l’au-delà » [11]. Pour Danielle Hervieu-Léger, l’individualisme moderne n’a fait que reprendre et approfondir les tendances déjà présentes dans l’individualisme religieux classique : l’abnégation de soi ayant cédé la place à « l’expérience affective de la présence divine en soi », alors que la délimitation des prérogatives divines dans le domaine mondain a joué en faveur de la libération des « potentialités autonomes de l’individu » [12]. Pour Marcel Gauchet, il convient de chercher les métamorphoses subies par la croyance du côté de l’individualisme. En d’autres termes, la religiosité actuelle, d’ordre syncrétique, sert à masquer la déconnexion de l’adhésion religieuse du croyant d’avec l’idée d’une vérité divine, d’avec la quête du salut, d’avec la conformité à la règle commune, et de ce fait elle s’oriente « vers la conduite de l’existence, la morale, la sagesse, la quête d’une règle de vie, bref, tout ce qui regarde l’accord intime de la personne avec elle-même dans ses actes, une orientation qui amène les spiritualités contemporaines à confluer avec la culture psychologique propre à l’individualisme le plus extra-religieux » [13]. Enfin, Frédéric Lenoir n’est pas en reste, lorsqu’il affirme que les « synthèses entre individu et groupe, entre culturel/local et universel/global, entre archaïsme et modernité technicienne, s’inscrivent aussi dans une logique de fond qui est celle du capitalisme marchand » [14]. Autrement dit, pour tous ces auteurs, l’apparition de nouvelles formes de spiritualité, puisant leurs contenus à la source de traditions hétéroclites, correspond à un besoin égoïste d’autoperfectionnement que conforte avant tout la quête d’authenticité et de réalisation de soi. En d’autres termes, pour tous ces auteurs, l’adhésion religieuse du croyant est déterminée par une aspiration purement personnelle dans des sociétés en pleine décomposition, eu égard à leurs valeurs.

10Bien que le passage du monothéisme au polythéisme ait fait l’objet de remarquables éclaircissements de la part de Weber, nombre d’auteurs rechignent à y voir un effet structurel de ce que Gianni Vattimo appelait « la fin de la modernité », allant jusqu’à dénier toute essence religieuse aux manifestations plurielles du social, ce que Simmel appelle « l’absolutisation de la relation sociale » [15] – et toute essence sociale aux manifestations plurielles du religieux – ce que Simmel nomme encore la « socialisation spirituelle » [16]. Tel est bien le propos de Vieillard-Baron qui stigmatise le « préjugé sociologisant » [17] qui s’occupe de la seule fonction sociale de la religion, en prétextant un rapprochement des termes religio et religare, suggéré par une étymologie fallacieuse, au lieu de s’intéresser au caractère subjectif de la religion, « à savoir la religiosité de la conscience » [18], qui seule permet de comprendre le sens que revêt pour l’individu l’acte de foi ou la pratique de la méditation, mais également le caractère intersubjectif de toute appartenance à une communauté, qui ne doit sa survie qu’au partage d’expériences communes impliquant tout un travail de mémoire. En fait, sous le prétexte d’une critique en bonne et due forme de l’assimilation du religieux au social, de l’oubli de toute forme de transcendance, Vieillard-Baron s’en prend au relativisme induit par le concept de religions de l’immanence qui inaugurent « l’ère des religionnettes, ou des mini-religions, sans consistance autre que de mêler le souci d’être cool et l’aspiration à un ailleurs » [19].

11Pour le jésuite Paul Valadier, l’abandon des valeurs traditionnelles (transcendantes) au profit de nouvelles valeurs (immanentes) se fait dans le sens d’une recherche béate de la tranquillité, d’un bonheur facile et insipide, sous l’égide de l’individualisme : « Une telle situation est typique de l’humeur éthique de nos sociétés : on ne peut se passer de couverture éthique, mais celle-ci ne doit pas déranger la tranquillité hédoniste de son quant-à-soi, ou le moins possible » [20]. Regrettant le temps béni où l’axiologie restait conditionnée par une ontologie – par exemple le rapport à la Cité céleste chez saint Augustin – et déplorant aussi la disparition de référents de l’ordre de la transcendance, seuls garants d’une certaine objectivité des valeurs et donc seuls garde-fous contre le relativisme qui ne fait que renvoyer le sujet à lui-même, l’auteur est d’avis que le fondement des valeurs est à rechercher « dans la logique de la philosophie des valeurs » [21], si tant est que cette dernière met la liberté au centre de ses préoccupations et se doit de travailler à la moralisation de la société : « Si fondement il y a, il se trouve là : dans une liberté qui se reçoit elle-même comme tâche à remplir, ou qui se veut raison à l’œuvre dans l’histoire avec les moyens de l’histoire et dans les incertitudes d’une existence finie, donc aussi en admettant ses échecs, ses incertitudes, de même que les doutes qui peuvent la ronger quant au sens de ce qu’elle entreprend – ou de ce qu’il advient dans l’histoire de ses entreprises [22]. »

3 – Religion et sacré dans la pensée sociologique

12Il est tout à fait curieux de constater que les pères fondateurs de la sociologie ont placé les sentiments au fondement de l’action humaine. Les concepts de fétichisme chez Comte, de totémisme chez Durkheim et de polythéisme chez Weber permettent de rendre compte de la permanence du sacré dans nos sociétés et de l’importance qu’y revêtent les sentiments. Auguste Comte a ôté au positivisme scientifique ce qu’il avait de désincarné, en en soulignant ses racines morales, religieuses, féminines, sentimentales et esthétiques, que le rationalisme pur et dur avait évacuées. Pour le cerner dans son essence, Comte définit le fétichisme par une formule du cardinal de Bossuet : « Tout était dieu, excepté Dieu même [23]. » Ce qui représente une manière d’ouvrir ce concept à une démultiplication des manifestations du sacré et d’inscrire ce dernier dans la vie quotidienne. En somme, la raison théorique, en tant que moyen de rendre les hommes plus systématiques et de les exercer à la réflexion théorique pour qu’ils étudient les phénomènes « indépendamment des êtres qui leur correspondent dans le but de saisir les lois générales » n’est rien sans la raison pratique qui « ne les sépare jamais des corps dont elle prétend améliorer l’existence » [24]. Personne n’a mieux résumé le sens du positivisme comtien qu’Henri de Lubac : « L’idée même de religion, qui implique l’idée de lien, lui servait [à Comte] à proscrire la foi en un être absolu qui arrache l’homme à ses liens naturels : “Tandis que les protestants et les déistes ont toujours attaqué la religion au nom de Dieu, nous devons, au contraire, écarter finalement Dieu au nom de la religion” – au nom de cette religion qui trouve la plénitude de son concept dans le culte de l’humanité [25]. »

13Durkheim emboîte le pas à Comte : c’est l’existence de choses sacrées qui spécifie une religion et non point l’existence d’un dieu. De ce point de vue, la religion revêt un caractère éminemment social, dieu n’étant « que l’expression figurée de la société » [26]. Dans l’œuvre de Durkheim, les concepts de divin et de social s’entrecroisent constamment et se superposent : « Les représentations religieuses sont des représentations collectives qui expriment des réalités collectives [27]. » C’est au moyen des représentations collectives qu’un groupe attribue des qualités ou des propriétés particulières à une chose ou un ensemble de choses dont elles ne sont pas intrinsèquement porteuses – à ce propos Durkheim parle de sur-ajout et de superposition [28] – et c’est par ces représentations aussi qu’elles acquièrent le prestige du sacré, se distinguant ainsi de celles qui ne le possèdent pas, qui n’en sont pas dotées. De ce fait, le religieux assume la caractéristique de forces qui peuvent se plaquer sur n’importe quel être, chose ou objet, forces qui disposent d’une certaine efficacité en cela qu’elles leur confèrent des propriétés qui les isolent en les spécifiant et les rendant imperméables aux déterminations des autres êtres, choses ou objets. Le sentiment religieux, universel par essence, ne réside pas dans les choses sacrées, mais provient des émotions qui naissent et s’épanouissent au contact de ce qui revêt un caractère de sacralité, à savoir des influences positives que la société exerce, par effet de contagion, sur les consciences individuelles. Rien n’exprime mieux cette définition du religieux en termes de sentiments que la société éveille dans l’individu que les notions que Durkheim lui adjoint et qui lui sont consubstantielles : la force anonyme, la force agissante, la stimulation, l’intensité, la contagion, l’efficacité, l’effervescence, choses qui ne sont pas mesurables ou quantifiables au sens mathématique, mais qui n’en n’ont pas moins une existence réelle, en représentant et en instituant même une véritable autorité morale. « Le premier pouvoir que les hommes se sont représenté comme tel semble donc bien avoir été celui que la société exerce sur ses membres [29]. » Dans les sociétés primitives, le totem a pour fonction de relier les membres d’une même communauté ; il est à la fois le symbole de la divinité et celui de la société, pouvant s’incarner dans un végétal ou un animal dans lesquels le sacré se concentre et auxquels les hommes s’identifient. On comprendra que « si les forces religieuses n’ont nulle part de lieu propre, leur mobilité devient aisément explicable » [30]. Si le sacré n’habite pas intrinsèquement les êtres et les choses qui toutefois en relèvent, il pourra se fixer sur tout et son contraire : le bien et le mal, le beau et le laid, le normal et le pathologique, le diabolique et le divin, le quotidien et l’extra-quotidien, etc. [31]. Cette forme de relativisme, au sens où tout peut faire l’objet d’un investissement de la part du sacré, en implique une autre : celle du rapport entre le sacré et le profane, au sens d’une labilité et d’une nécessaire interaction entre ces deux sphères : « Les êtres sacrés sont, par définition, des êtres séparés. Ce qui les caractérise, c’est que, entre eux et les êtres profanes, il y a une solution de continuité [32]. »

14Weber, quant à lui, a suggéré l’expression de polythéisme des valeurs ou de guerre des dieux pour exprimer sous une forme métaphorique le caractère indépassable du pluralisme antagoniste des valeurs. Ce dernier signifie que le monde est composé d’une infinité de valeurs qui ne doivent leur crédit et leur survie qu’à la conviction avec laquelle les hommes les défendent. En d’autres termes, la validité d’une valeur relève de la foi et, par conséquent, il s’avère impossible de lui donner un fondement objectif : « Seules les religions positives – ou plus exactement les sectes liées par des dogmes – sont capables de conférer au contenu des valeurs culturelles la dignité d’impératifs éthiques valables inconditionnellement [33]. » C’est encore la foi avec laquelle les hommes défendent les valeurs auxquelles ils sont attachés qui confère le prestige du sacré à ces dernières et fait que le conflit qui résulte de leur lutte soit proprement insurmontable, même dans un monde sans dieu. « La multitude des dieux antiques sortent de leurs tombes, sous la forme de puissances impersonnelles parce que désenchantées, et ils s’efforcent à nouveau de faire retomber notre vie en leur pouvoir tout en reprenant leurs luttes éternelles [34]. » C’est donc au destin et au rapport de forces que revient de gouverner ce polythéisme, non à la science. Ainsi, le polythéisme des valeurs constitue à la fois l’archétype qui correspond le mieux à l’expérience humaine et une notion sociologiquement opératoire pour comprendre que tout peut devenir objet de sacralisation.

15Des considérations de ces trois auteurs, l’on peut retenir l’idée d’une nécessaire coexistence et complémentarité entre le sentiment et la raison, si ce n’est celle d’une prévalence du premier sur la seconde. On retiendra aussi l’idée de l’existence d’un fonds commun entre les hommes, indépendamment de l’époque ou de la société dans lesquelles ils vivent. C’est ce fonds, peu importe le nom qu’on lui prête – formes élémentaires, structures, résidus, essence, point nodal –, qui permet de comprendre le caractère indépassable du sacré et sa constante réactualisation dans des formes qui semblent même en être dépourvues. C’est encore ce fonds qui permet de comprendre que la religion ne se rapporte pas exclusivement à Dieu et qu’une multitude de phénomènes peuvent être subsumés sous le vocable de religion. Ces deux propositions vont de pair, comme l’atteste la pensée de Georg Simmel : « Le fait qu’un Dieu a créé et dirige le monde, qu’il rend la justice au moyen de récompenses et de peines, que de lui dépendent la rédemption et la sanctification, tout cela ne constitue pas la religion, quand bien même cela constituerait la matière de nos croyances, de nos sentiments, de nos actions religieuses. […] Il est une infinité de relations sentimentales à des objets très terrestres, hommes ou choses, que l’on ne peut désigner que comme religieuses. L’attitude qu’observe l’homme de tempérament artistique par rapport à ce qui est beau à voir, le travailleur par rapport à sa classe révoltée, ou le féodal entiché de noblesse par rapport à sa caste ; l’âme pleine de piété par rapport aux traditions et aux objets que le passé nous a transmis ; le patriote par rapport à sa patrie, ou l’enthousiaste par rapport aux idées de liberté, de fraternité, de justice, – toutes ces attitudes ont en commun dans la diversité infinie de leur contenu, un ton psychologique que l’on peut désigner comme religieux, parce qu’on peut le réduire, par analyse, à cette complication caractéristique d’aspiration et de jouissance, de don et de reprise, d’humilité et d’exaltation, de fusion et de tenue à distance, et parce que cependant on ne peut le composer avec ces éléments dans son unité spécifique. Je suis convaincu que l’on ne comprendra pas la religion en son sens étroit et transcendant avant de l’avoir interprétée comme consistant à aiguiser, à sublimer, à élever à l’absolu ces dispositions, ces réalisations mixtes, inférieures, de son principe. […] Car il ne s’agit pas de rabaisser la religion, mais inversement de faire remonter dans sa sphère certaines relations et certaines modalités terrestres du sentir [35]. »

16Ces remarques de Simmel, d’une actualité brûlante, nous autorisent à une compréhension plus perspicace de notre époque qualifiée, à défaut de mieux, de postmoderne. Dans la droite lignée des pères fondateurs de la sociologie qui ont insisté sur ce que la constitution de la société doit à l’imaginaire, à la force des sentiments et des passions partagées, Michel Maffesoli s’est dressé contre les systèmes de pensée établis et leur esprit de système. Reconnaître l’immatériel au fondement de toute réalité sociale, c’est aussi mettre l’accent sur une dynamique sociétale qui ne relève pas uniquement de l’utilitaire, de la réciprocité des services rendus, dans la perspective de John Stuart Mill, mais qui prend en charge la gratuité, la dépense, l’excès, c’est-à-dire la réversibilité des éléments qui composent le tout. C’est reconnaître la permanence de structures ancestrales au cœur même d’une modernité qui rêvait de s’en débarrasser. C’est comprendre cette propension typiquement humaine à dédramatiser le divin, à lui ôter ce qu’il peut avoir de surplombant et de menaçant, et à ramener dans le giron de l’ordre profane cela même qui appartient au sacré, propension que la notion de sacral traduit à merveille : « Ce qui est en jeu dans le “sacral” corrélatif d’un évident réenchantement du monde, c’est le désir, plus ou moins conscient, de briser les barrières établies, d’une manière intangible, entre la raison et l’imagination, le corps et l’esprit, la nature et la culture, et toutes les autres séparations voire coupures de la même eau [36]. »

4 – Sacré et postmodernité : de la transcendance du sens à la transcendance des sens

17Les pères fondateurs de la sociologie n’ont pas vu dans l’avènement de la société industrielle et moderne un dépassement de structures surannées. Et les sociologues de la postmodernité, à l’instar de Michel Maffesoli, n’ont pas conçu celle-ci comme une simple continuation de la modernité, mais comme un retour aux valeurs prémodernes. Par contre, ceux qui ont cherché à esquiver le concept de postmodernité, en lui trouvant des termes de substitution, tels que modernité avancée, modernité réflexive, hypermodernité, surmodernité, ultra-modernité n’ont fait que juger et condamner le modèle original et originaire de la modernité – soit en hypo, en dénonçant ses promesses d’émancipation non tenues, soit en hyper, en le concevant comme une exacerbation de certains de ses principes directeurs, comme la rationalisation, la technicisation, la mondialisation – n’ont fait que de récupérer ce modèle à leur profit, en essayant de sauvegarder un reste du substantialisme qui le caractérisait, à savoir Dieu, puis la raison, l’Homme, le progrès, la démocratie, la liberté, si tant est que ces notions sont des « avatars de la théologie chrétienne de l’histoire » [37] et représentent des divinités non encore incarnées dans l’histoire.

18Considérée du point de vue des penseurs de la postmodernité, la perte de la transcendance n’est pas synonyme de la fin du religieux. Le sacré est multiple et s’investit dans de nouveaux lieux, se condense sur de nouvelles figures emblématiques, se manifeste aux creux mêmes du quotidien le plus banal, comme l’a bien compris Baudelaire, en affirmant que toute époque, et il se référait à la sienne, la modernité, devait être comprise à partir de son présent, de son référentiel propre, à partir « de son port, son regard et son geste » [38], et que ces derniers n’étaient tributaires en rien de ce que grands hommes du passé (hommes de science, de lettres, artistes) pouvaient en avoir en leur temps : « Pour que toute modernité soit digne de devenir antiquité, il faut que la beauté mystérieuse que la vie humaine y met involontairement en ait été extraite [39]. » En d’autres termes, il ne saurait être question de rendre une époque avec des concepts, des mots, des peintures et des sculptures propres à une époque révolue.

19Ce n’est qu’à cette condition que l’on pourra comprendre la résurgence du sacré dans nos sociétés ou, comme le disait encore Baudelaire, que l’on pourra « tirer l’éternel du transitoire » [40]. Nous redécouvrons une vérité de bon sens, il n’y a pas de progrès sans retour en arrière. Nous redécouvrons que l’histoire est cyclique, comme le suggère l’idée d’un éternel retour chez Nietzsche, que celui-ci avait métaphorisé au moyen des images de l’anneau, du cercle, de la boule et de la roue. « Le chemin de l’éternité est courbe » [41], nous dit-il.

20Pour reprendre l’image de Baudelaire, on pourrait dire que les dogmes sont de l’ordre du transitoire et que le sacré est de l’ordre de l’éternel. Aussi faut-il comprendre les manifestations contemporaines de ce numineux à la fois fascinant et terrifiant, maudit et saint, qui « ne peut se développer en concepts » et dont « nous ne pouvons indiquer ce qu’il est qu’en notant la réaction sentimentale particulière que son contact provoque en nous » [42], comme autant de réalisations au présent de structures qui sont aussi vieilles que le monde. Si la modernité est de l’ordre de la linéarité, de la projection, la postmodernité est de l’ordre de la cyclicité, de la répétition. Dans les sociétés postmodernes comme dans les sociétés traditionnelles, la question de l’attente d’un paradis céleste ou terrestre projeté dans un futur indéterminé et de celle, concomitante, de sacrifices proportionnels à la qualité du salut escompté, ne se pose pas : c’est l’aventure que les hommes partagent au présent avec les dieux qui constitue le véritable sujet. Si l’on donne la primauté à ce partage, le religieux n’est plus à comprendre comme un événement qui s’inscrit dans l’historicité des époques, dans le sens où l’avait compris Friedrich Schleiermacher, mais comme une structure intégrant ab origine la vie et la destinée humaine : « Le “sacré” est un élément dans la structure de la conscience, et non un stade de l’histoire de cette conscience. Un monde significatif – et l’homme ne peut pas vivre dans le “Chaos” – est le résultat d’un processus dialectique qu’on peut appeler la manifestation du sacré. C’est par l’imitation des modèles paradigmatiques révélés par des Êtres Surnaturels que la vie humaine prend un sens. L’imitation de modèles transhumains constitue une des caractéristiques premières de la vie “religieuse”, une caractéristique structurale qui est indifférente à la culture et à l’époque [43]. »

21En d’autres termes, le sacré est pluriel : l’institution religieuse, à l’instar de l’Église, a certes essayé de le monopoliser à certaines époques, mais a été contrainte, par nécessité de réalisme, de rendre à César ce qui est César. En effet, le sacré a toujours fini par transgresser l’ordre des dogmes dans lequel l’Église cherchait à l’enchatonner. L’aspect multiforme du sacré a fait l’objet des travaux du grand spécialiste de l’Antiquité tardive, Peter Brown, qui a exploré dans ses travaux la notion de « paradoxes de la sainteté » [44], comprise comme forme d’intégration en une communauté, pour signifier que dans la chrétienté orientale n’importe qui pouvait devenir le porteur de la grâce : « À tout moment, l’homme qui jouissait de la plus grande faveur auprès de Dieu dans le ciel pouvait être non pas saint Antoine, mais un médecin d’Alexandrie, non pas saint Macaire, mais tel fermier d’un village égyptien, et même, qui sait, un contrôleur impérial des bordels d’Alexandrie [45]. » En d’autres termes, le sacré se manifestait sous les formes les plus variées et le peuple vivait au quotidien la réalité de l’épiphanie, de la création inopinée et ininterrompue de divinités. Le style byzantin de liturgie était d’ailleurs propice à la confusion de la basilique et de la rue, à cette forme de sacré qui s’exprimait de façon vivante et joyeuse, à ce polythéisme que le peuple prisait par-dessus tout au monde.

22C’est à fort juste titre, pour en revenir à la postmodernité, que le sociologue canadien Denis Jeffrey se réfère aux « déplacements de l’expérience du sacré » [46] pour rendre compte du polythéisme à l’œuvre dans les sociétés postmodernes, un polythéisme qui recouvre des réalités non seulement différentes mais aussi contradictoires, comme c’est le cas au Québec, où l’« on dénombre des centaines de sectes et spiritualités de toutes sortes. Dans chacune d’elles se pratiquent des rituels religieux singuliers. Certaines sectes ou spiritualités portent un respect inconditionnel à l’environnement naturel, d’autres tolèrent le saccage des bois et forêts. Certaines présentent une pléiade de divinités, d’autres honorent un seul dieu, d’autres n’ont pas de divinités [47]. »

23Les anthropologues, les philosophes, les sociologues ou encore les historiens de la religion ont caractérisé le sacré par des notions qui ne sont pas quantifiables, qui rendent compte de l’existence de forces, l’éros, la mania, le mana, etc., peu importe d’où proviennent ces forces et ce dans quoi ou qui elles se matérialisent : « dieu universel et omnipotent des religions monothéistes, divinités protectrices des cités, âmes des morts, force diffuse et indéterminée qui donne à chaque objet son excellence dans sa fonction, qui rend le canot rapide, l’arme meurtrière, l’aliment nourrissant » [48]. C’est ce qui explique que le sacré puisse s’incarner dans les choses qui en semblent le plus éloignées, c’est ce qui explique qu’un même culte, une même hiérophanie puisse se manifester en des modalités différentes ou être interprétés de façon différente selon qu’il s’agit d’une minorité d’initiés ou de la majorité des croyants. C’est ce à quoi nous convie justement Mircea Eliade : « Il faut nous habituer à accepter les hiérophanies n’importe où, dans n’importe quel secteur de la vie physiologique, économique, spirituelle ou sociale. […] il est certain que tout ce que l’homme a manié, senti, rencontré ou aimé, a pu devenir une hiérophanie. […] quelque part, à un moment historique donné, chaque groupe humain a transsubstantié pour sa part un certain nombre d’objets, d’animaux, de plantes, de gestes, etc., en hiérophanies, et il est fort probable que, en fin de compte, rien n’a échappé à cette transfiguration poursuivie pendant des dizaines de millénaires de vie religieuse [49]. »

24De ce point de vue, il n’y a pour ainsi dire rien qui n’ait été divinisé, rien qui n’ait échappé à la sphère du sacré : le minéral, le végétal, l’animal, l’humain, la technique, la combinaison de l’humain et de la technique, c’est-à-dire le posthumain, etc. Et de ce point de vue encore, il faut bien reconnaître le rapport qui unit la postmodernité à la prémodernité. « La “socialité” postmoderne, à l’image de la prémodernité, est déterminée par l’espace où la nation, le territoire, l’instinct, le sang occupent une place de choix [50]. » Ainsi, on pourra voir dans les raves, le film Avatar, le mode de vie végan, le combat des sectateurs anti-mondialisation, des manifestations du sacré qui ne sont pas sans nous rappeler les cultes que les anciens Hébreux dédiaient aux divinités agraires, plus particulièrement au dieu de l’ouragan, Baal, et à la déesse de la fertilité, Bêlit, culte dont Eliade nous dit qu’il « n’en était pas moins, lui aussi une hiérophanie ; il révélait – jusqu’à l’exacerbation et au monstrueux – la sacralité de la vie organique, les forces élémentaires du sang, de la sexualité et de la fécondité » [51].

25Le sacré est labile et ne manquera pas de se déplacer au point de s’incarner dans les êtres et les choses, dans leurs rapports, dans les rapports entre les êtres eux-mêmes et entre les êtres et le cosmos. Ainsi, le religieux dépasse le cercle étriqué des monothéismes, des institutions qui les gèrent, des dogmes et des rites qui les font vivre. Les religions monothéistes raisonnent en termes de vrai et de faux, en les opposant radicalement, alors que cette dichotomie tend, de nos jours, à s’estomper, comme en témoigne le paganisme postmoderne. Jan Assmann nous rappelle que, pour les païens, « il n’existe pas de faux dieux. Tous les dieux peuvent prétendre à être révérés, et la crainte porte davantage sur un éventuel manquement à l’égard de dieux que l’on ne connaissait peut-être pas que sur la possibilité d’adorer de faux dieux » [52]. C’est au cœur du quotidien le plus banal que ce qui est convenu d’appeler le sacral se manifeste. Si de nos jours « les églises chrétiennes sont des lieux canoniquement consacrés mais socialement déconsacrés » [53], les lieux canoniquement déconsacrés et socialement consacrés font florès. « Avant d’être une théologie, ou même une morale précise, la religion est avant tout un lieu » [54], nous rappelle Michel Maffesoli.

26L’idée même de sacré n’est donc pas univoque, elle ne renvoie pas nécessairement à la transcendance, mais aussi à l’immanence ; pas nécessairement à la dimension linéaire du temps, mais aussi à « l’espace de la socialité » [55] ; pas nécessairement à la verticalité et la clarté des rapports entre les créatures et leur Créateur, mais aussi à l’horizontalité et à l’opacité des relations réciproques entre les hommes. Le rapport à l’immanence ne date pas d’aujourd’hui et on le retrouve de tout temps, comme fut le cas durant cette période au long cours qu’est le Moyen Âge, dont le concept central, « le “roi secret” pour cette époque de l’esprit » [56] a été Dieu, en dépit de ses manifestations plurielles et même contradictoires.

27On retrouve encore le rapport à l’immanence en pleine modernité, comme l’a remarquablement souligné Pierre Sansot, en nous faisant remarquer que si la ville médiévale a imposé une conception exclusivement verticale du social « à partir de cette jonction de la cathédrale et de Dieu » [57], les formes que revêt le sacré dans l’urbain parisien pointent au contraire vers les profondeurs, comme le confirment les déambulations initiatiques de certains poètes en quête de spiritualité, au cœur même de ce que la ville présente de banal, d’obscène, de souillé et même de répugnant. Ainsi de Gérard de Nerval : « Il revient, sans trêve, en des lieux comme les Halles ou comme Montmartre, où il espère trouver une réponse à ses questions. Il fréquente les chiffonniers parce qu’ils constituent une sorte de secte initiatique et il tente de déchiffrer leurs propos, en apparence extravagants. Ce qu’il lui faudrait c’est le fil d’Ariane qui lui permettrait de parcourir le labyrinthe – mais pourquoi la ville alors que tant d’autres ont cherché l’initiation et l’ascèse à travers des livres, des sectes établies, des traditions immémoriales ? C’est que la parole perdue s’est transmise par le peuple, par certains lieux de Paris et que les livres n’y sauraient suffirent [58]. »

28Si le rapport à l’immanence existe de façon marginale à certaines époques, il devient prééminent dans la postmodernité. Encore faut-il savoir admettre le caractère paradoxal des phénomènes sociaux et savoir les lire dans leur inévitable duplicité. L’envahissement de la planète par un impérialisme technique, visuel et audiovisuel, nous rappelle avant tout la prégnance du mythe. Ainsi, dans les émissions de télé-réalité, l’on voit se combiner l’insularité et l’ouverture à l’autre, l’on voit cohabiter certaines conquêtes de la modernité, à l’instar de l’intimité et de la privacité, en tant que résultat du processus de civilisation et de domestication des mœurs, et le renforcement des liens sociaux au sein même du confinement des individus dans des espaces restreints et fermés. La publicité pour la consommation de produits macrobiotiques, que ce soit via la télévision ou les réseaux sociaux, renvoie aussi bien à l’hygiénisme et aux pratiques diététiques propres à la modernité, avec ses canons de beauté et ses impératifs de minceur corporelle, qu’à la résurgence du mythe de l’éternelle jouvence dont se prévaut la postmodernité dans nombre de ses manifestations.

29L’entreprise Apple, dont les profits dépassent le PIB de nombreux pays, est aussi une marque qui sert de principe de reconnaissance et d’identification à de nombreux intellectuels dispersés de par le monde. Ses produits phares, tels que l’iPod, l’iPad et l’iPhone, dont le préfixe « I » renvoie à l’identité d’un « je » fermé sur soi-même et dissocié du reste du monde, impliquent également le tissage de liens au sein d’une communauté d’appartenance. À l’inclusion récente des désordres psychologiques provoqués par les jeux vidéo dans la liste des maladies mentales de l’OMS et à la dénonciation des addictions et de l’isolement auxquels ils conduisent dans les milieux juvéniles peut correspondre une analyse sociologique à partir d’un nouveau paradigme d’appréhension esthétique, qui prendrait en compte l’interaction créative des joueurs au contact du numérique et reconnaîtrait ainsi dans les jeux vidéo deux des caractéristiques qui président aux jeux dans leur généralité : l’absorption labyrinthique et la socialité, ou dans les termes de Roger Caillois, le vertige (ilinx) et l’imitation (mimicry), la possession et le masque. Les video gamers seraient à l’image des primitifs : c’est comme si « simulacre et vertige, ou si l’on veut pantomime et extase, assuraient l’intensité et, par suite, la cohésion de la vie collective » [59].

30Google (du terme mathématique Googol, nombre dont la représentation décimale s’écrit avec le chiffre 1 suivi de 100 zéros), le moteur de recherche créé par Larry Page et Sergueï Brin, stockant des milliards d’informations, peut être appréhendé comme un Léviathan contemporain ou un modèle de partage des données, à partir duquel se forment et se désagrègent des communautés d’utilisateurs en fonction d’affinités électives et connectives [60]. De ce point de vue, on ne peut que souscrire aux propos de Thomas Jamet : « L’information crée une transcendance quasi mystique. Dans un monde qui en est rempli, le partage de celle-ci a plus de valeur que l’information elle-même [61]. » De même, l’on peut prêter à Facebook des velléités de manipulation des données personnelles à des fins commerciales et y voir une « eau sucrée amniotique » que le réseau numérique répand « dans ses caricatures quantitatives d’amitiés léchées (j’aime + j’aime + j’aime) [et qui] constitue un véritable diabète social (Zuckerberg) » [62] ou le comprendre comme s’inscrivant dans une ambiance communicationnelle propice à la création de temps et de territoires symboliques dans lesquels s’incarnent la socialité et le partage des émotions. Même ce que l’on appelle la dématérialisation – celle des supports d’informations matériels, celle des jeux vidéo, celle des courriers, celle de la sphère économique, celle de la monnaie, etc. – œuvre en faveur d’une résurgence du sacré et de ce que Michel Maffesoli appelle, en recourant à des oxymores, « le matérialisme spirituel ou le corporéisme mystique » [63].

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  • Sansot, P., Poétique de la ville, Klincksieck, Paris, 1984.
  • Simmel, G., Philosophie de la modernité, tome II, Esthétique et modernité, Conflit et modernité, Testament philosophique, Payot, Paris, 1989.
  • Simmel, G., La religion, Circé, Strasbourg, 1998.
  • Sironneau, J.-P., Métamorphoses du mythe et de la croyance, L’Harmattan, Paris, 2000.
  • Susca, V., Les affinités connectives. Sociologie de la culture numérique, Cerf, Paris, 2016.
  • Valadier, P., L’anarchie des valeurs. Le relativisme est-il fatal ?, Albin Michel, Paris, 1997.
  • Vieillard-Baron, J.-L., La religion et la cité, PUF, Paris, 2001.
  • Weber, M., Essais sur la théorie de la science, Plon, Paris, 1965.
  • Weber, M., Le savant et le politique, Union Générale d’Éditions, Paris, 1974.
  • Weber, M., Sociologie des religions, Gallimard, Paris, 1996.

Mots-clés éditeurs : sacré, vie collective, immanence, transcendance, postmodernité

Mise en ligne 23/07/2018

https://doi.org/10.3917/soc.139.0029

Notes

  • [1]
    Diderot, « Autorité ». In P. Goujard (dir.), L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des arts et des Métiers. Textes choisis, présentation par Albert Soboul, nouvelle introduction et notes par Philippe Goujard, Éditions sociales, Paris, 1984, p. 107.
  • [2]
    J.-J. Rousseau, Œuvres complètes, t. III, Du contrat social. Écrits politiques, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1975, p. 364.
  • [3]
    Robespierre, cité par J. Freund, « La violence des suralimentés », Zeitschrift für Politik, 19, 2, pp. 178-205. Nous ne disposons que du texte polycopié que l’auteur nous avait cédé.
  • [4]
    F. Ferrarotti, Une théologie pour athées, Librairie des Méridiens, Paris, 1984, p. 204.
  • [5]
    Ibid., p. 206.
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    S. Acquaviva, L’Éclipse du sacré dans les sociétés industrielles, Mame, Paris, 1967, p. 65.
  • [8]
    H. G. Cox, La cité séculière : essai théologique sur la sécularisation et l’urbanisation, Casterman, Tournai, 1968, p. 36.
  • [9]
    L. Ferry, L’homme-Dieu ou le Sens de la vie, Grasset, Paris, 1996, p. 245.
  • [10]
    R. Debray, Les communions humaines. Pour en finir avec « la religion », Fayard, Paris, 2005, p. 133.
  • [11]
    G. Lipovetsky, Le crépuscule du devoir. L’éthique indolore des nouveaux temps démocratiques, Gallimard, Paris, 1993, p. 159.
  • [12]
    D. Hervieu-Léger, Le pèlerin et le converti. La religion en mouvement, Flammarion, Paris, 2003, p. 166.
  • [13]
    M. Gauchet, La condition historique. Entretiens avec François Azouvi et Sylvain Piron, Stock, Paris, 2003, p. 310.
  • [14]
    F. Lenoir, Les métamorphoses de Dieu. La nouvelle spiritualité occidentale, Plon, Paris, 2003, p. 86.
  • [15]
    G. Simmel, La religion, Circé, Strasbourg, 1998, p. 76.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    J.-L. Vieillard-Baron, La religion et la cité, PUF, Paris, 2001, p. 4.
  • [18]
    Ibid.
  • [19]
    Ibid., p. 36.
  • [20]
    P. Valadier, L’anarchie des valeurs. Le relativisme est-il fatal ?, Albin Michel, Paris, 1997, p. 22.
  • [21]
    Ibid., p. 166.
  • [22]
    Ibid., p. 167.
  • [23]
    A. Comte, Physique sociale. Cours de philosophie positive, tome II, leçon 46 à 60, Hermann, Paris, 1975, p. 246.
  • [24]
    A. Comte, Synthèse subjective ou système universel des conceptions propres à l’état normal de l’humanité, in Œuvres d’Auguste Comte, tome XII, Anthropos, Paris, 1971, p. 7.
  • [25]
    H. de Lubac, Le drame de l’humanisme athée, Spes, Paris, 1959, p. 78.
  • [26]
    É. Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, Paris, 1979, p. 323.
  • [27]
    Ibid., p. 13.
  • [28]
    Ibid., p. 328.
  • [29]
    Ibid., p. 519.
  • [30]
    Ibid., p. 462.
  • [31]
    Sur ce point, voir M. Weber : « Dans un passé reculé, les modes les plus importants des relations de domination se sont toujours partagés entre la domination charismatique, qui repose sur la croyance dans le caractère sacré ou la valeur de ce qui est extraquotidien, et la domination traditionaliste (patriarcale), qui s’appuie sur le caractère sacré du quotidien ». In Sociologie des religions (Chapitre « L’éthique économique des religions mondiales »), Gallimard, Paris, 1996, pp. 371-372.
  • [32]
    É. Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, Paris, 1979, p. 428.
  • [33]
    M. Weber, Essais sur la théorie de la science, Plon, Paris, 1965, p. 130.
  • [34]
    M. Weber, Le savant et le politique, Union Générale d’Éditions, Paris, 1974, p. 85.
  • [35]
    G. Simmel, La religion, Circé, Strasbourg, 1998, p. 108, pp. 112-113.
  • [36]
    M. Maffesoli, Être postmoderne, Cerf, Paris, 2018, p. 107.
  • [37]
    J.-P. Sironneau, Métamorphoses du mythe et de la croyance, L’Harmattan, Paris, 2000, p. 113.
  • [38]
    C. Baudelaire, Le peintre de la vie moderne, Livre numérique. Collections Litteratura.com, 1863, p. 11.
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    Ibid., p. 10.
  • [41]
    F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Livre de Poche, Paris, 2013, p. 262.
  • [42]
    R. Otto, Le sacré (1995), Payot & Rivages, Paris, 1995, p. 27.
  • [43]
    M. Eliade, La nostalgie des origines, Gallimard, Paris, 1994, p. 10.
  • [44]
    P. Brown, La société et le sacré dans l’Antiquité tardive, Seuil, Paris, 1985, p. 130.
  • [45]
    Ibid.
  • [46]
    D. Jeffrey, Jouissance du sacré. Religion et postmodernité, Armand Colin, Paris, 1998, p. 69.
  • [47]
    Ibid.
  • [48]
    R. Caillois, L’homme et le sacré, Gallimard, coll. Idées, Paris, 1976, p. 21.
  • [49]
    M. Eliade, Traité d’histoire des religions, Payot, Paris, 2004, p. 33.
  • [50]
    M. Maffesoli, Écosophie. Une écologie pour notre temps, Cerf, Paris, 2017, pp. 211-212.
  • [51]
    M. Eliade, Traité d’histoire des religions, Payot, Paris, 2004, p. 26.
  • [52]
    J. Assmann, Le prix du monothéisme, Flammarion-Aubier, Paris, 2007, p. 118.
  • [53]
    R. Debray, Les communions humaines. Pour en finir avec « la religion », Fayard, Paris, 2005, p. 142.
  • [54]
    M. Maffesoli M., Le temps des tribus. Le déclin de l’individualisme dans les sociétés modernes, Méridiens Klincksieck, Paris, 1988, p. 161.
  • [55]
    Cf. M. Maffesoli, La conquête du présent. Pour une sociologie de la vie quotidienne, PUF, Paris, 1979, chap. III.
  • [56]
    G. Simmel, Philosophie de la modernité, tome II, Esthétique et modernité, Conflit et modernité, Testament philosophique, Payot, Paris, 1989, p. 234.
  • [57]
    P. Sansot, Poétique de la ville, Klincksieck, Paris, 1984, p. 54.
  • [58]
    Ibid., p. 56.
  • [59]
    R. Caillois, Les jeux et les hommes. Le masque et le vertige, Gallimard, coll. Idées, Paris, 1977, p. 170.
  • [60]
    Cf. V. Susca, Les affinités connectives. Sociologie de la culture numérique, Cerf, Paris, 2016.
  • [61]
    T. Jamet, Ren@issance mythologique : L’imaginaire et les mythes à l’ère digitale, François Bourin, Paris, 2011, p. 46.
  • [62]
    H. Fischer, La pensée magique du Net, François Bourin, Paris, 2014, p. 277.
  • [63]
    M. Maffesoli, Être postmoderne, op.cit., p. 88.
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