Notes
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[1]
Laura Maschio est une jeune chercheuse en sociologie et communication. Future doctorante, elle est titulaire d’un Master en Sciences de la Communication et des Médias de l’Université de Genève, Suisse. Ses principaux champs de recherche sont les musiques actuelles, la télévision, la médiation culturelle et le théâtre de rue. Courriel : Laura.Maschio@gmail.com.
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[2]
Le terme « objet culturel » regroupe ici l’ensemble des productions, physiques ou symboliques, relevant de l’une des branches de la culture. Il peut donc indifféremment s’agir d’un titre musical, d’un roman ou d’une représentation d’arts de la rue par exemple. Assimilable aux termes « œuvre culturelle » ou « objet d’art », il leur est préféré puisque nuançant la valeur artistique intrinsèque de la production et apportant une dimension économique plus forte. Le psychologue et chercheur Emmanuel Diet le formule de la manière suivante : « L’objet culturel assure, comme tel, une fonctionnalité essentielle dans la construction de la relation à soi, aux autres et à l’ensemble. La contextualité hypermoderne de la marchandisation généralisée et de l’impératif de jouissance immédiate tend à le réduire au statut de produit consommable et jetable dont la valeur symbolique et symbolisante apparaît désormais problématique. » Voir : E. Diet, L’objet culturel et ses fonctions médiatrices, in Connexions, Érès, Ramonville Saint-Agne, 2010, p. 39.
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[3]
Nous évoquons notamment ici les travaux ayant été publiés en réponse ou en prolongation de La Distinction de Pierre Bourdieu. Particulièrement nombreux, citons parmi les plus connus ceux de Bernard Lahire ou de Claude Grignon et Jean-Claude Passeron. Voir : P. Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Les Éditions de Minuit, Paris, 1979 ; C. Grignon, et J.-C. Passeron, Le Savant et le Populaire, Gallimard-Le Seuil, Paris, 1989 ; B. Lahire, La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, La Découverte, Paris, 2004.
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[4]
Héritières de courants tels que les cultural studies ou la Medienkultur, les médiacultures sont présentées comme l’occasion d’établir une articulation nécessaire entre les notions de culture et de médias : « Nous évoquons au contraire des médiacultures, points d’intersection des phénomènes démocratiques contemporains de construction du sens et de la valeur, en décloisonnant l’étude sur les médias (traditionnellement réservée aux spécialistes de la communication) de celle sur les cultures (apanage des spécialistes de l’art, du cinéma, de la culture) et de celle sur les politiques de représentations (réservée aux penseurs du politique). Ce rendement est rendu possible par la relativisation des clivages créés au XIXe siècle, relativisation qui ne signifie en aucun cas relativisme des valeurs et des actions. Il s’agit ici de revenir sur la boîte à outils théoriques qui permet de redonner de la visibilité aux mondes occultés, qui les fait exister comme cultures. » Voir : E. Maigret, et E. Macé (eds.), Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Armand Colin-Institut National de l’Audiovisuel, Paris, 2005, p. 10.
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[5]
Des variantes sont toutefois rencontrées. Parmi elles peuvent être évoquées les constructions scéniques proposées par le groupe de metal Metallica le 2 avril 2009 au Palais omnisport de Paris Bercy ou à la tournée 360 ? Tour de U2 débutée en 2009, qui ont pour point commun, malgré des scénographies très différentes, de présenter une scène centrale complètement entourée par le public.
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[6]
L. Maschio, Musique et télévision. Vers une légitimité des genres ? Étude de la représentation des genres et sous-genres musicaux sur les chaînes généralistes françaises, Mémoire de Master, Université de Genève, 2011, pp. 63-108.
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[7]
À ce sujet, voir notamment les travaux du sociologue des médias Patrick Amey concernant les dispositifs télévisuels : P. Amey, La parole à la télévision. Les dispositifs des talkshows, L’Harmattan, coll. « Communication et civilisation », Paris, 2009.
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[8]
Source : L. Maschio, op.cit., p. 65.
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[9]
En considération de la vue d’ensemble de la régie son et image.
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[10]
Patrick Charaudeau est professeur en sciences du langage et chercheur au Laboratoire de Communication et Politique (LCP) du CNRS. Spécialiste du discours médiatique, il a également fondé le Centre d’analyse du discours de l’Université Paris XIII.
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[11]
P. Charaudeau, La télévision peut-elle expliquer ? in Penser la télévision, Nathan-Ina, coll. Médias-Recherche, Paris, 1998, consulté le 1er octobre 2011 sur le site de Patrick Charaudeau - Livres, articles, publications : www.patrick-charaudeau.com/La-televisionpeut-elle-expliquer.htm.
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[12]
Elle est en effet le medium enregistrant le plus fort taux de pénétration en France. D’après F. Balle, Les médias, Presses Universitaires de France, Paris, 2009, p. 38 : en 2007, 97,4 % des foyers français étaient équipés d’au moins un poste de télévision (source : Barobase. Médiamétrie).
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[13]
C. Grignon, et J.-C. Passeron, Le Savant et le Populaire, op. cit.
-
[14]
B. Lahire, La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, op. cit., p. 65.
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[15]
B. Lahire, La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, op. cit., pp. 105-106.
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[16]
D. Tassin, Rock et production de soi. Une sociologie de l’ordinaire des groupes et des musiciens, L’Harmattan, Paris, 2004, p. 27.
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[17]
D. Tassin, Rock et production de soi. Une sociologie de l’ordinaire des groupes et des musiciens, op. cit., p. 26. À titre d’illustration, nous pourrions mentionner le groupe nantais Mansfield.TYA qui joue de cette opposition en déclarant jouer des « Chansons populaires mélodramatiques/Death metal » alors que leurs titres sont assimilables à de l’Indie folk (www.myspace.com/mansfieldtya, 10 octobre 2011).
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[18]
A. Nicolas, Indicateurs de la diversité musicale dans le paysage radiophonique, Cité de la musique- Observatoire de la musique, Paris, 2009.
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[19]
Selon leur présentation en ligne (www.observatoire.cite-musique.fr/observatoire/default.asp, 10 octobre 2011).
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[20]
À titre d’exemples, voici quelques artistes proposés par la Cité de la Musique comme correspondant aux différents genres (Nicolas, A., op. cit. p. 67) : Blues : Paul Personne, ZZ Top, Nina Simone, Oscar Benton/Classique : Saint Preux, Placido Domingo, Sir Neville Marriner/Dance : Abba, Scissor Sisters, David Guetta, Daft Punk/Groove : Diana Ross, Jamiroquai, Marvin Gaye, Aretha Franklin/Jazz : Miles Davis, Franck Amsallem, Louis Armstrong, George Benson/Pop/rock francophone : Noir Désir, Dionysos, Indochine/Pop/rock international : Oasis, Radiohead, Nirvana, Iron Maiden/Rap : Outkast, 2Pac, Eminem, Black Eyed Peas, MC Solaar/Reggae : Sizzla, Sinsemilia, Bob Marley, Jimmy Cliff/Trip hop : Portishead, Massive Attack, Morcheeba/Variété française : Serge Gainsbourg, Jacques Brel, Jean-Jacques Goldman/Variété internationale : Manu Chao, Shakira, Seal/World music : Rokia Traoré, Cesaria Evora, Rachid Taha.
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[21]
Ces résultats impliquent également qu’un téléspectateur a 1,6 fois plus de chances d’entendre un titre Rock « extrême » en regardant Nouvelle star plutôt que Taratata, pourtant dédiée à la diffusion de musique Pop/rock.
-
[22]
On n’est pas couché, émission n° 111 du 12 septembre 2009.
-
[23]
On n’est pas couché, émission n° 122 du 28 novembre 2009.
-
[24]
On n’est pas couché, émission n° 141 du 29 mai 2010.
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[25]
On n’est pas couché, émission n° 119 du 7 novembre 2009.
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[26]
Éric Zemmour déclare alors : « Quand je parle de “sous-culture”, je veux dire par là que j’essaie de faire une hiérarchie, de mettre une hiérarchie et, pour moi, entre Beigbeder et Flaubert, Beigbeder c’est une sous-culture entre donc, un Vermeer ou un Rembrandt et de l’art contemporain Koons à Versailles, pour moi c’est de la sous-culture. […] J’essaie de remettre une hiérarchie, classique je dirais, je reconnais volontiers que c’est classique. Mais, en tout cas, je pense que c’est nécessaire parce qu’on s’est trimballé pendant 30 ans des gens qui nous ont expliqué que tout valait tout et que Mozart valait un graffiti dans le métro. »
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[27]
O. Donnat, Les Français face à la culture. De l’exclusion à l’éclectisme, La Découverte, Paris, 1994, p. 146. L’auteur écrit que « l’économie médiatico-publicitaire a, en quelque sorte, créé un système concurrent de distinction qui, en retour, a modifié les rapports à la culture consacrée, notamment des jeunes générations », en réponse directe aux théories classiques et principalement à Pierre Bourdieu (P. Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Les Éditions de Minuit, Paris, 1979).
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[28]
À ce sujet, voir H. Glevarec, La fin du modèle classique de la légitimité culturelle, in E. Maigret et E. Macé (eds.), Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Armand Colin-Institut National de l’Audiovisuel, Paris, 2005, pp. 69-102.
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[29]
H. Glevarec, Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, op. cit., pp. 93-94.
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[30]
Le propos est notamment illustré de la sorte par Hervé Glevarec : « L’hétérogénéisation des “ordres de légitimité” culturels s’accompagne d’une incommensurabilité des genres et d’un déplacement de la hiérarchie à l’intérieur des genres eux-mêmes. Les individus, et davantage encore les plus jeunes d’entre eux, ne manifestent pas ou plus de hiérarchie entre les genres musicaux mais, à l’intérieur d’un genre, entre les artistes, entre ce qui est rare et ce qui est devenu commun. C’est la question même des “arts en voie de légitimation”. » Voir : H. Glevarec, Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, op. cit. p. 92.
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[31]
D. Hebdige, Subculture. La signification du style, in H. Glevarec, E. Macé, E. Maigret, Cultural Studies. Anthologie, Armand Colin-Institut National de l’Audiovisuel, Paris, 2008, p. 108.
Introduction
1Les musiques rock et metal, au même titre que la plupart des objets culturels [2], ne constituent au sein de la francophonie qu’un thème paraissant encore trop souvent délaissé des sciences humaines et sociales. En cause son enclavement dans des théories [3] plus ou moins déterministes héritières de la légitimité culturelle bourdieusienne. Mais leur représentation paraît également, dans une perspective plus large, présenter un certain nombre de particularités vis-à-vis de la sphère médiatique. La télévision, medium de masse par excellence, en est un parfait révélateur.
2Nous baignons tous dans un monde de communication et, si l’évocation de ce seul terme semble renvoyer dans un premier temps à un échange verbal entre deux individus, il apparaît que ce cadre est très rapidement dépassé. Car choisir de ne pas communiquer est déjà une forme de communication, un échange, un don d’information. Il s’agira alors ici d’apprécier les genres musicaux représentés ou non à la télévision française ainsi que les moyens mis spécifiquement en œuvre par le medium dans ce but.
3Les résultats présentés découlent d’une double étude de contenu et de discours relative à la diffusion de trois programmes différents au cours de la saison 2009-2010. Un intérêt commun pour le domaine musical, auquel s’ajoute un traitement spécifique du sujet du fait de leur appartenance à des genres, au sens télévisuel du terme, distincts, sert alors de principal justificatif à ces choix. C’est pourquoi la sélection porte sur Taratata (spécialisée dans le pop/rock, proposant à la fois des séquences live et des interviews), Nouvelle Star (téléréalité orientée musique visant un public large) et On n’est pas couché (talk-show où l’on parle entre autres de musique sans pour autant en jouer). Cela afin d’appréhender, dans un premier temps, les spécificités imputables à ce « multi- »média face à une activité culturelle initialement destinée principalement au canal sonore. Il s’agira alors, dans un second temps, d’évaluer si une légitimité est ou non imposée aux différents genres et sous-genres musicaux. Pour ce faire, les éclairages apportés par les médiacultures [4] viendront contrebalancer la théorie classique pour, si ce n’est la réfuter, du moins la prolonger.
La télévision comme « multi- »média
4Émettre l’idée qu’il existe des particularités à la représentation télévisuelle de musique implique d’effectuer une comparaison entre les deux types de mise en place : en plateau et sur une scène classique. Qu’il se déroule en salle, en plein air ou encore en stade, le concert traditionnel se caractérise globalement par la présence d’une scène rectangulaire située à l’extrémité du volume, opposée frontalement à un espace réservé au public [5]. Sur la scène prévaut alors une hiérarchisation des musiciens selon leur rôle impliquant l’imposition du chanteur en tant que leader charismatique [6], une mise en avant des solistes et une section rythmique en retrait. Il pourrait être attendu du dispositif télévisuel [7], dans un rôle de diffuseur de musique live, qu’il reprenne, tout du moins en partie, ces différentes mises en place. Il s’avère qu’il existe en fait entre les deux organisations un renversement total de l’occupation du volume.
5La première distinction notoire concerne le point de chute du regard (cf. Figure 1 – Convergence des regards selon le dispositif). Bien qu’invariablement tourné vers les artistes, il est concentré sur l’une des extrémités dans le cadre du concert « classique » alors qu’il est systématiquement placé au centre de l’espace dans le cas d’une émission de télévision. En effet, dans le premier cas, l’ensemble des regards constitue un faisceau caractérisé par un angle resserré ne dépassant que très rarement les cent quatre-vingts degrés du fait de la nette opposition spatiale entre public et scène. Dans le second cas, nous sommes en présence d’un rayonnement circulaire dont la source est un public réparti tout autour de l’espace réservé aux artistes et dont le point de convergence constitue de la même manière un point unique mais est cette fois situé en son centre. Ceci est par ailleurs valable à la fois pour le public in situ et pour les téléspectateurs, qui disposent d’autant de points de vue distincts que le montage et la production veulent bien leur proposer. Du live classique au live télévisé, nous passons donc d’un dispositif comparable à celui du cinéma, où chacun regarde dans la même direction, à un dispositif arénique caractérisé par un public encerclant le lieu de représentation.
Convergence des regards selon le dispositif [8]
Convergence des regards selon le dispositif [8]
6La seconde différenciation concerne quant à elle la répartition des artistes sur scène, à son tour variable selon le type de programme analysé. Dans le cas du télécrochet, l’espace alloué à chacun est totalement inégal, avec une zone excentrée et restreinte consacrée aux musiciens alors que la totalité du reste du plateau est réservée aux candidats, c’est-à-dire aux chanteurs. En ce sens, la téléréalité se démarque singulièrement d’une représentation live classique en proposant un dispositif vox-centré mettant principalement en avant des individualités au détriment d’une quelconque cohésion de groupe. Seule exception à la règle, les collégiales, durant lesquelles plusieurs voix se partagent la scène, proposent une configuration assimilable à celle d’une comédie musicale. Très distinctement, Taratata met en avant des artistes ou groupes ayant déjà fait leurs preuves. La totalité de la formation va ainsi être prise en compte, détachant le programme spécialisé du télécrochet et de son but de découvrir le/la chanteur/se de demain. La difficulté de proposer au public in situ et aux téléspectateurs une vision globale de l’action est alors contournée en abandonnant la scène classique rectangulaire au profit d’un espace ovale. Selon la composition de chaque groupe, l’emplacement attribué aux différents membres peut varier, à l’exception toutefois de la plate-forme batterie occupant l’extrémité droite de l’ellipse [9] et du chanteur, posté dos à l’entrée du plateau, sur la gauche, le regard tourné vers le centre, à l’instar de l’ensemble du public. Une fois encore, un positionnement stratégique du chanteur est à souligner, avec pour double avantage de permettre à la fois aux caméras de capter ses mouvements individuellement sans avoir à prendre en considération l’ensemble du groupe et de voir entrer dans le champ, à chaque séquence lui étant consacrée, le panneau lumineux « On air » (« à l’antenne ») posté à l’entrée du plateau. Le message sous-jacent est alors clairement une mise en avant du caractère live du programme, tourné dans les conditions du direct. La double casquette portée par l’animateur vient ainsi appuyer cet engagement à recréer le live à l’écran en le présentant tantôt comme un professionnel du spectacle (annonceur, chauffeur de salle), tantôt comme un journaliste (intervieweur).
7Pour Patrick Charaudeau [10], « la télévision est globalement un dispositif qui intègre paroles et images selon un ordonnancement qui dépend de la finalité du contrat de communication qui est choisi » [11]. Cette caractéristique du medium lui impose comme contrainte, dans la monstration de musique, de proposer à ses téléspectateurs une alliance suffisamment cohérente des deux dimensions, ne leur laissant le choix ni de se contenter des seules images ni, au contraire, de « l’écouter ». Selon le type de programme proposé, le medium va alors mettre en place un certain nombre de tactiques visant à créer un tout unifié sur la base des canaux sonores et visuels. Les télécrochets prennent ainsi le parti d’insister sur les individualités de leurs candidats alors que les programmes spécialisés auront davantage tendance à proposer une immersion totale dans le live. Ce faisant, la télévision opte systématiquement, et malgré leurs singularités, pour la mise en place de dispositifs adaptés à la monstration à l’écran de productions musicales. Elle y parvient en conservant les espaces principaux d’un concert traditionnel (scène et public) mais en les assemblant différemment dans l’espace. L’opposition frontale nette entre les deux zones ne se retrouve alors jamais à l’écran, où l’espace scénique est cette fois au centre des regards et dispose d’un volume supérieur à celui occupé par le public in situ. En reprenant certains codes d’une représentation classique tout en y incorporant des spécificités propres à chaque type de programme, la télévision crée ainsi une bande-image se voulant le plus en adéquation possible avec le son et lui valant à elle seule le statut de « multi- »média à l’origine de l’apparition de dispositifs hybrides héritiers à la fois du live et du plateau de télévision classique.
Unité au sein de schémas de représentation disparates
8L’étude des dispositifs de télévision nous apporte un premier éclairage, celui de l’existence d’une adaptation du medium au contenu qu’il diffuse. En découle alors une interrogation complémentaire, cherchant à comprendre, à l’inverse, comment l’objet culturel est à son tour approprié puis retransmis. Comme nous l’avons déjà évoqué en amont, la télévision peut être considérée comme le medium de masse [12] par excellence, destinée par nature à s’adresser au peuple. La culture ne peut cependant être étiquetée de manière si dyadique de savante ou de populaire [13] ; il en va de même pour celle se trouvant sous le coup d’une télédiffusion.
9Pour le sociologue Bernard Lahire, il est en effet « impossible de faire comme si on avait affaire à un espace culturel homogène sous l’angle de la légitimité, c’est-à-dire structuré de part en part par une opposition légitime/illégitime univoque » [14]. L’auteur propose néanmoins une classification [15] des genres musicaux dont le degré de légitimité est intimé par le volume de la consommation de ses biens par la classe dominante. Sont ainsi considérés comme genres à forte légitimité culturelle le Classique, le Jazz ainsi que l’Opéra et, relevant d’une faible légitimité culturelle, les Chansons, Variétés (françaises ou internationales, incluant Disco, Dance, Techno ou encore Funk), le Rap et ce que nous qualifierons par la suite de Rock « extrême » (Hard rock, Punk, Trash, Heavy metal). Le Rock dit classique est quant à lui le seul style à être entendu comme spécifique à une légitimité culturelle « moyenne ». La mise en relation de cette notion avec la représentation médiatique qui peut en être faite n’est dès lors possible que par l’apport d’éléments de réponses à deux questions : quels genres musicaux sont représentés à la télévision ? Comment le sont-ils ?
10Apparaît alors la nécessité de pouvoir classer les artistes et groupes télédiffusés selon leur style musical. Or, si la notion de genre paraît ici primordiale, il s’avère que la caractériser de manière précise et exhaustive relève pratiquement de l’impossible. Il existe de ce fait presque autant de définitions que de définisseurs tant les critères à considérer sont variés. En effet, selon Damien Tassin, « l’usage des classifications est notamment issu de l’industrie du disque et des médias mais au-delà des stratégies marketing, les genres musicaux peuvent être différenciés par des critères esthétiques liés à leur filiation (descendance/ressemblance), à leur origine géographique (une localisation géographique selon l’origine ou le développement d’un style), aux contextes sociologique et ethnique (la musique noire des bas-quartiers, la musique de la communauté homosexuelle d’une grande ville) » [16]. À cette première difficulté s’ajoute la constatation d’une différence marquée de perception entre les industries culturelles et les artistes [17]. Aussi, afin de rester en dehors de ce jeu de genres, les résultats présentés ici sont basés sur la classification établie et utilisée par la Cité de la Musique à Paris, notamment dans le cadre de rapports concernant la diversité musicale à la radio [18]. Ses objectifs de « mise en place d’un système d’observation consacré à l’analyse de l’économie générale de la filière musicale, de ses ressources financières et commerciales ainsi qu’à l’expertise et à l’évolution des conditions générales de ses systèmes de production, de diffusion et de commercialisation » [19] permettent ainsi l’apposition d’un regard neutre puisque non impliqué dans la mésentente conceptuelle régnant entre acteurs et producteurs de la scène musicale.
11L’étiquetage selon le genre et le sous-genre respectif de l’ensemble des titres joués ainsi que des artistes invités aux émissions Taratata, On n’est pas couché et Nouvelle star sur l’ensemble de la saison 2009-2010 (sur la période comprise entre septembre et juin) révèle que treize styles musicaux distinctifs ont été représentés, soit la totalité de ceux proposés par la classification (Blues, Classique, Dance, Groove, Jazz, Pop/rock francophone, Pop/rock international, Rap, Reggae, Trip hop, Variété française, Variété internationale et World music) [20]. La première observation est que le trio de tête de la représentations télévisuelle des genres musicaux en 2009-2010 est composé du Pop/rock international (36,73 %), de la Variété française (20,15 %) et du Pop/rock francophone (16,07 %), constituant à eux seuls un total de 72,95 % alors qu’ils ne sont significatifs que d’un peu plus de 21 % de la totalité des genres (3 sur 14). Il existe ainsi une forte disparité dans la représentation inter-genrée, disparité qui se retrouve par ailleurs très significativement en ce qui concerne les sous-genres avec, systématiquement, une répartition interne subdivisée entre un ou plusieurs sous-genres clairement majoritaires et d’autres clairement sous-représentés. Le Groove voit ainsi la mise en avant de la Modern soul (51,22 %) au détriment de ses franges Standard (20,51 %), Pop (15,38 %) ou R’n’B (12,82 %) ; la Dance est surtout Disco (70 %), le Rap est Hip Hop (47,62 %) ou Gangsta (33,33 %), la Variété française principalement Chanson (39,24 %) ou Variété (48,10 %, pour un total de 87,34 % cumulés), la Variété internationale avant tout Pop (87,50 %) et le Reggae n’est présent que par ses morceaux de Variété, au détriment des autres Dance-hall, Dub, Ragga ou Standards. Enfin, concernant le Pop/rock, qui nous intéresse tout particulièrement ici, force est de constater que, si sa répartition est plutôt équilibrée au sein de la francophonie (41,27 % de Pop, 30,16 % de Rock, 28,57 % d’Alternatif), il n’en va pas de même à l’international avec une mainmise certaine du Rock, de la Pop, de l’Electro, du Folk et de la Ballade (respectivement 18,31 %, 17,61 %, 11,27 %, 11,27 % et 9,15 %, pour un total cumulé de 67,61 %) impliquant qu’un quart des sous-genres Pop/rock se partage plus des deux tiers de la représentation totale attribuée au genre.
12Il existe donc une forte hétérogénéité dans la répartition tant des genres que de leurs sous-genres au niveau global, qui ne fait qu’être confortée à l’échelle du type de programme considéré puisque, si l’association des trois genres les plus représentés dans chaque émission suffit invariablement à dépasser le seuil des 70 % de présence, leur hiérarchie n’est jamais la même. Nous retrouvons ainsi une forte majorité d’invités relevant de la Variété française à On n’est pas couché (47,62 %) devançant le Rap (16,67 %) et le Pop/rock francophone (11,90 %, pour 76,19 % cumulés) alors que Nouvelle star met davantage en avant le Pop/rock international (29,60 %), la Variété française (25,60 %) ainsi que le Pop/rock francophone (20,80 %, pour 76,00 % cumulés) et que Taratata mise surtout sur le Pop/rock, qu’il soit international (44,46 %) ou francophone (14,16 %), et le Groove (12,83 %, pour 71,45 % cumulés). Ainsi, chaque type de programme télévisuel (talk-show, téléréalité ou spécialisé dans la diffusion de musique) a, une fois encore, ses spécificités. Chacun ne va en effet pas choisir de montrer les mêmes artistes ou les mêmes genres. Cependant, leur traitement des sous-genres, s’il ne présente pas tout à fait les mêmes chiffres, s’opère toujours sur le même mode. En témoigne la répartition des titres Pop/rock, redéfinis ici pour plus de significativité entre Rock « classique », « extrême » (principalement la Fusion, le Grunge/Noisy, le Hard rock, le Hardcore/ Trash et le Punk) et « autre » (Country, Folk, Rythm’n Blues notamment). Il ressort que le talk-show ne propose que des débats sur le Rock classique alors que le télécrochet et l’émission spécialisée suivent la tendance globale en laissant les scores les plus faibles aux sous-genres qualifiés d’extrêmes qui comptabilisent respectivement 21,05 % et 8,57 % des titres Pop/rock, soit 11,72 % des titres du même genre et 4,34 % de l’ensemble des morceaux diffusés au niveau global [21].
La légitimité culturelle en question
13Ces données, purement statistiques, témoignent de la présence de schémas de représentation télévisuelle des différents genres et sous-genres musicaux relativement distincts selon le type de programme. Ceci impliquant toutefois systématiquement un temps d’antenne très inégal accordé à chaque style et une nette sous-représentation des musiques dites extrêmes. Une seconde analyse, qualitative puisque s’intéressant cette fois au traitement discursif accordé aux genres musicaux lors des débats proposés par le talk-show On n’est pas couché, ne fait que confirmer ces résultats, en nous apportant toutefois quelques éclairages complémentaires.
14Le plus important de ces éclairages est sans doute véhiculé par le choix des questions posées aux invités et donc des thèmes souhaitant être abordés. Il apparaît alors nettement qu’une réflexion relative au seul objet culturel promu (généralement un nouvel album, un DVD ou une tournée) n’est que très superficiellement envisagée avant d’entrer dans des considérations plus larges. L’interview de la chanteuse Lady Gaga [22] s’articule ainsi autour de la notion de « rêve américain » et sur la réactualisation des codes des années 1960, notamment du célèbre sex, drugs & rock’n’roll, au profit de la promotion actuelle de la musique Pop. De la même manière, la discussion avec le rappeur américain 50 Cent [23] débouche rapidement sur l’implication de la mafia dans le Rap ainsi que son côté bling bling. Celle avec Beth Ditto [24], chanteuse du groupe de Rock Gossip, soulève les implications à devoir parler davantage de son look ou de son attitude que de son art. Le discours tenu lors de l’interview du rappeur français Kool Shen [25] est certainement en ce sens le plus représentatif de l’analyse puisqu’il intègre au débat la notion de « sous-culture » [26], présentant le Rap comme hiérarchiquement inférieur à d’autres genres musicaux et nous ramenant nécessairement à la notion de légitimité culturelle.
15Les résultats obtenus sont en effet révélateurs de l’inscription de la musique au sein de métadiscours codifiant chacun de ses genres. Les exemples cités illustrent une flagrante mise à l’écart par la télévision du niveau micro, descriptif, au profit d’une vision globaliste, voire holiste, des genres musicaux les hiérarchisant fortement selon des tendances générales qui leur sont attribuées au détriment de toute nuance. Cette réduction d’un ensemble de sous-genres à un tout congloméré ne peut se voir imputer la totale responsabilité de l’existence médiatique d’échelles de légitimités culturelles, elle participe néanmoins indéniablement à leur renforcement. La hiérarchisation proposée par Bernard Lahire se voit ainsi globalement confirmée par le discours médiatique qui présente le Rap comme genre peu musical et affaire de « mauvais garçons », la Variété comme superficielle, voire de mauvaise qualité, ou encore le Rock comme un genre considéré de manière relativement neutre mais impliquant une occultation totale de ses sous-genres dits extrêmes ainsi relégués à une légitimité culturelle faible et non plus neutre.
16Il s’avère alors que les industries médiatiques, notamment proposées au sein des recherches sur les média-cultures comme nouvelle instance de légitimité culturelle [27], ont un rôle à jouer dans l’imposition contemporaine d’ordres de légitimité aux différents styles musicaux. Elles se rapprochent dans un premier temps des échelles habituelles par le respect du clivage classique en accordant une importance de la représentation d’un (sous)-genre musical inversement proportionnelle à la légitimité culturelle qui lui est associée. Il s’agit là d’un résultat attendu du fait de l’appartenance de la télévision aux médias de masse, se voulant représentative d’un art populaire significatif de faible légitimité culturelle. Le medium se singularise cependant dans un second temps en incitant à la consommation de biens culturels considérés comme peu légitimes. Ce faisant, il se démarque en tenant paradoxalement le discours le plus élogieux envers les genres qu’il montre le moins puisqu’il fait la part belle aux genres à faible ou moyenne légitimité culturelle (Pop/rock, Variétés), exception faite toutefois des genres dits extrêmes. Cela implique donc un élargissement des théories classiques vers un renforcement de l’hétérogénéité tant des pratiques que des échelles de légitimité culturelle, en regard notamment de la consommation de biens culturels selon leur pouvoir sociabilisant et non plus seulement en accord avec une quelconque prédisposition.
17La notion clé de légitimité culturelle ne peut en ce sens être catégoriquement validée ou au contraire réfutée. La télévision s’en est cependant indubitablement réappropriée des codes dont l’utilisation dans une monstration singulière de la musique a pour effet secondaire de bousculer les hiérarchies horizontales [28] en sus de celles, verticales, préférées par la théorie classique. En effet, la théorie bourdieusienne de légitimité culturelle correspond à une société pyramidale au sein de laquelle la classe sociale, appuyée par les institutions scolaires, est le principal vecteur de consommation culturelle. La teneur du discours télévisé ainsi que ses choix de (non-)représentation proposent cependant des schémas de compréhension des différents styles musicaux perçus distinctement selon les individus récepteurs. Dès lors, les institutions médiatico-publicitaires s’imposent comme nouvelles instances de légitimité culturelle, confirmant ainsi la théorie avancée par les médiacultures. Dès lors, la notion de légitimité culturelle apparaît comme étant bien plus hétérogène et complexe que les sociologues classiques n’avaient l’habitude de la présenter.
Conclusion
18Il apparaît que la télévision jongle continuellement entre concret et a priori dans une construction toute personnelle de la monstration de la musique à l’écran. Dans son rôle de diffuseur d’objets musicaux, elle se réapproprie les principaux éléments du dispositif classique (espace scénique/public) tout en limitant les différents genres à une version globalisée et entièrement codifiée, en occultation de leurs sous-genres. Hervé Glevarec soulève à ce sujet un élément important, à savoir que « les musiques “populaires” ne sont plus une seule catégorie pratique » [29]. Les plus faibles ordres de légitimité culturelle ne sont donc plus rattachés à un seul genre musical (« populaire »), ce dont les résultats avancés prouvent la réciproque puisqu’une seule et même catégorie peut à son tour voir ses composantes (les sous-genres) englobées sous différentes échelles de valeur. C’est précisément le cas du Rock, dont le traitement fait office d’exception du fait que ses sous-genres « extrêmes » ne soient ni légitimes ni significativement représentés. L’information à retenir ici n’est cependant pas que les catégories ne sont pas unifiées mais bel et bien qu’elles ne le sont plus [30]. Il faut alors être précautionneux à l’évocation de l’existence d’ordres de légitimité culturelle concernant les genres musicaux, dont la simple présence de l’adjectif « culturel » implique que cette hiérarchisation ne soit, par conséquence, pas naturelle. L’époque, la société, au sein desquelles l’analyse est produite, ont donc leur rôle à jouer et impliquent deux choses. La première est que ces ordres de légitimité sont complexes et mouvants, la seconde qu’il existe une évolution temporelle des genres musicaux, notamment concernant leur acceptation ou, pour reprendre Dick Hebdige, leur « incorporation » [31] à la société. Le Rock, seul genre scindé en deux catégories distinctes de légitimité culturelle (tant par la sociologie classique que par leur diffusion actuelle), se présente alors comme le révélateur de l’existence de processus d’incorporation médiatique encore méconnus.
Bibliographie
Bibliographie
- Amey P., La parole à la télévision. Les dispositifs des talk-shows, L’Harmattan, coll. « Communication et civilisation », Paris, 2009.
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- Bourdieu P., La Distinction. Critique sociale du jugement, Les Éditions de Minuit, Paris, 1979.
- Charaudeau P., La télévision peut-elle expliquer ?, in Penser la télévision, Nathan-Ina, coll. « Médias-Recherche », Paris, 1998, consulté le 1er octobre 2011 sur le site de Patrick Charaudeau - Livres, articles, publications : www.patrick-charaudeau.com/Latelevision-peut-elle-expliquer.htm.
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- Maigret É. et Macé É. (eds.), Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Armand Colin-Institut National de l’Audiovisuel, Paris, 2005.
- Maschio L., Musique et télévision : vers une légitimité des genres ?, Mémoire de Master, Université de Genève, 2011.
- Nicolas A., Indicateurs de la diversité musicale dans le paysage radiophonique, Cité de la musique - Observatoire de la musique, Paris, 2009.
- Thornton S., Club Cultures. Music, Media and Subcultural Capital, Polity Press, Cambridge, 1995.
Mots-clés éditeurs : télévision, genre, musique, légitimité culturelle
Mise en ligne 20/09/2012
https://doi.org/10.3917/soc.117.0047Notes
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[1]
Laura Maschio est une jeune chercheuse en sociologie et communication. Future doctorante, elle est titulaire d’un Master en Sciences de la Communication et des Médias de l’Université de Genève, Suisse. Ses principaux champs de recherche sont les musiques actuelles, la télévision, la médiation culturelle et le théâtre de rue. Courriel : Laura.Maschio@gmail.com.
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[2]
Le terme « objet culturel » regroupe ici l’ensemble des productions, physiques ou symboliques, relevant de l’une des branches de la culture. Il peut donc indifféremment s’agir d’un titre musical, d’un roman ou d’une représentation d’arts de la rue par exemple. Assimilable aux termes « œuvre culturelle » ou « objet d’art », il leur est préféré puisque nuançant la valeur artistique intrinsèque de la production et apportant une dimension économique plus forte. Le psychologue et chercheur Emmanuel Diet le formule de la manière suivante : « L’objet culturel assure, comme tel, une fonctionnalité essentielle dans la construction de la relation à soi, aux autres et à l’ensemble. La contextualité hypermoderne de la marchandisation généralisée et de l’impératif de jouissance immédiate tend à le réduire au statut de produit consommable et jetable dont la valeur symbolique et symbolisante apparaît désormais problématique. » Voir : E. Diet, L’objet culturel et ses fonctions médiatrices, in Connexions, Érès, Ramonville Saint-Agne, 2010, p. 39.
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[3]
Nous évoquons notamment ici les travaux ayant été publiés en réponse ou en prolongation de La Distinction de Pierre Bourdieu. Particulièrement nombreux, citons parmi les plus connus ceux de Bernard Lahire ou de Claude Grignon et Jean-Claude Passeron. Voir : P. Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Les Éditions de Minuit, Paris, 1979 ; C. Grignon, et J.-C. Passeron, Le Savant et le Populaire, Gallimard-Le Seuil, Paris, 1989 ; B. Lahire, La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, La Découverte, Paris, 2004.
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[4]
Héritières de courants tels que les cultural studies ou la Medienkultur, les médiacultures sont présentées comme l’occasion d’établir une articulation nécessaire entre les notions de culture et de médias : « Nous évoquons au contraire des médiacultures, points d’intersection des phénomènes démocratiques contemporains de construction du sens et de la valeur, en décloisonnant l’étude sur les médias (traditionnellement réservée aux spécialistes de la communication) de celle sur les cultures (apanage des spécialistes de l’art, du cinéma, de la culture) et de celle sur les politiques de représentations (réservée aux penseurs du politique). Ce rendement est rendu possible par la relativisation des clivages créés au XIXe siècle, relativisation qui ne signifie en aucun cas relativisme des valeurs et des actions. Il s’agit ici de revenir sur la boîte à outils théoriques qui permet de redonner de la visibilité aux mondes occultés, qui les fait exister comme cultures. » Voir : E. Maigret, et E. Macé (eds.), Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Armand Colin-Institut National de l’Audiovisuel, Paris, 2005, p. 10.
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[5]
Des variantes sont toutefois rencontrées. Parmi elles peuvent être évoquées les constructions scéniques proposées par le groupe de metal Metallica le 2 avril 2009 au Palais omnisport de Paris Bercy ou à la tournée 360 ? Tour de U2 débutée en 2009, qui ont pour point commun, malgré des scénographies très différentes, de présenter une scène centrale complètement entourée par le public.
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[6]
L. Maschio, Musique et télévision. Vers une légitimité des genres ? Étude de la représentation des genres et sous-genres musicaux sur les chaînes généralistes françaises, Mémoire de Master, Université de Genève, 2011, pp. 63-108.
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[7]
À ce sujet, voir notamment les travaux du sociologue des médias Patrick Amey concernant les dispositifs télévisuels : P. Amey, La parole à la télévision. Les dispositifs des talkshows, L’Harmattan, coll. « Communication et civilisation », Paris, 2009.
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[8]
Source : L. Maschio, op.cit., p. 65.
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[9]
En considération de la vue d’ensemble de la régie son et image.
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[10]
Patrick Charaudeau est professeur en sciences du langage et chercheur au Laboratoire de Communication et Politique (LCP) du CNRS. Spécialiste du discours médiatique, il a également fondé le Centre d’analyse du discours de l’Université Paris XIII.
-
[11]
P. Charaudeau, La télévision peut-elle expliquer ? in Penser la télévision, Nathan-Ina, coll. Médias-Recherche, Paris, 1998, consulté le 1er octobre 2011 sur le site de Patrick Charaudeau - Livres, articles, publications : www.patrick-charaudeau.com/La-televisionpeut-elle-expliquer.htm.
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[12]
Elle est en effet le medium enregistrant le plus fort taux de pénétration en France. D’après F. Balle, Les médias, Presses Universitaires de France, Paris, 2009, p. 38 : en 2007, 97,4 % des foyers français étaient équipés d’au moins un poste de télévision (source : Barobase. Médiamétrie).
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[13]
C. Grignon, et J.-C. Passeron, Le Savant et le Populaire, op. cit.
-
[14]
B. Lahire, La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, op. cit., p. 65.
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[15]
B. Lahire, La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, op. cit., pp. 105-106.
-
[16]
D. Tassin, Rock et production de soi. Une sociologie de l’ordinaire des groupes et des musiciens, L’Harmattan, Paris, 2004, p. 27.
-
[17]
D. Tassin, Rock et production de soi. Une sociologie de l’ordinaire des groupes et des musiciens, op. cit., p. 26. À titre d’illustration, nous pourrions mentionner le groupe nantais Mansfield.TYA qui joue de cette opposition en déclarant jouer des « Chansons populaires mélodramatiques/Death metal » alors que leurs titres sont assimilables à de l’Indie folk (www.myspace.com/mansfieldtya, 10 octobre 2011).
-
[18]
A. Nicolas, Indicateurs de la diversité musicale dans le paysage radiophonique, Cité de la musique- Observatoire de la musique, Paris, 2009.
-
[19]
Selon leur présentation en ligne (www.observatoire.cite-musique.fr/observatoire/default.asp, 10 octobre 2011).
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[20]
À titre d’exemples, voici quelques artistes proposés par la Cité de la Musique comme correspondant aux différents genres (Nicolas, A., op. cit. p. 67) : Blues : Paul Personne, ZZ Top, Nina Simone, Oscar Benton/Classique : Saint Preux, Placido Domingo, Sir Neville Marriner/Dance : Abba, Scissor Sisters, David Guetta, Daft Punk/Groove : Diana Ross, Jamiroquai, Marvin Gaye, Aretha Franklin/Jazz : Miles Davis, Franck Amsallem, Louis Armstrong, George Benson/Pop/rock francophone : Noir Désir, Dionysos, Indochine/Pop/rock international : Oasis, Radiohead, Nirvana, Iron Maiden/Rap : Outkast, 2Pac, Eminem, Black Eyed Peas, MC Solaar/Reggae : Sizzla, Sinsemilia, Bob Marley, Jimmy Cliff/Trip hop : Portishead, Massive Attack, Morcheeba/Variété française : Serge Gainsbourg, Jacques Brel, Jean-Jacques Goldman/Variété internationale : Manu Chao, Shakira, Seal/World music : Rokia Traoré, Cesaria Evora, Rachid Taha.
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[21]
Ces résultats impliquent également qu’un téléspectateur a 1,6 fois plus de chances d’entendre un titre Rock « extrême » en regardant Nouvelle star plutôt que Taratata, pourtant dédiée à la diffusion de musique Pop/rock.
-
[22]
On n’est pas couché, émission n° 111 du 12 septembre 2009.
-
[23]
On n’est pas couché, émission n° 122 du 28 novembre 2009.
-
[24]
On n’est pas couché, émission n° 141 du 29 mai 2010.
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[25]
On n’est pas couché, émission n° 119 du 7 novembre 2009.
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[26]
Éric Zemmour déclare alors : « Quand je parle de “sous-culture”, je veux dire par là que j’essaie de faire une hiérarchie, de mettre une hiérarchie et, pour moi, entre Beigbeder et Flaubert, Beigbeder c’est une sous-culture entre donc, un Vermeer ou un Rembrandt et de l’art contemporain Koons à Versailles, pour moi c’est de la sous-culture. […] J’essaie de remettre une hiérarchie, classique je dirais, je reconnais volontiers que c’est classique. Mais, en tout cas, je pense que c’est nécessaire parce qu’on s’est trimballé pendant 30 ans des gens qui nous ont expliqué que tout valait tout et que Mozart valait un graffiti dans le métro. »
-
[27]
O. Donnat, Les Français face à la culture. De l’exclusion à l’éclectisme, La Découverte, Paris, 1994, p. 146. L’auteur écrit que « l’économie médiatico-publicitaire a, en quelque sorte, créé un système concurrent de distinction qui, en retour, a modifié les rapports à la culture consacrée, notamment des jeunes générations », en réponse directe aux théories classiques et principalement à Pierre Bourdieu (P. Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Les Éditions de Minuit, Paris, 1979).
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[28]
À ce sujet, voir H. Glevarec, La fin du modèle classique de la légitimité culturelle, in E. Maigret et E. Macé (eds.), Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Armand Colin-Institut National de l’Audiovisuel, Paris, 2005, pp. 69-102.
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[29]
H. Glevarec, Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, op. cit., pp. 93-94.
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[30]
Le propos est notamment illustré de la sorte par Hervé Glevarec : « L’hétérogénéisation des “ordres de légitimité” culturels s’accompagne d’une incommensurabilité des genres et d’un déplacement de la hiérarchie à l’intérieur des genres eux-mêmes. Les individus, et davantage encore les plus jeunes d’entre eux, ne manifestent pas ou plus de hiérarchie entre les genres musicaux mais, à l’intérieur d’un genre, entre les artistes, entre ce qui est rare et ce qui est devenu commun. C’est la question même des “arts en voie de légitimation”. » Voir : H. Glevarec, Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, op. cit. p. 92.
-
[31]
D. Hebdige, Subculture. La signification du style, in H. Glevarec, E. Macé, E. Maigret, Cultural Studies. Anthologie, Armand Colin-Institut National de l’Audiovisuel, Paris, 2008, p. 108.