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Article de revue

Les variations paysagères de l'estuaire de la seine

Pages 119 à 133

Notes

  • [*]
    Cette contribution s’appuie sur l’action « Enfants du fleuve » du programme Seine Aval (seine-aval.fr).
  • [**]
    Université de Rouen CETAPS
  • [1]
    Pierre Sansot, Variations paysagères. Invitation au paysage, Paris, Payot & Rivages, 2009, p. 151.
  • [2]
    Il convient de noter ici que le romantisme marque notamment une réinvention du paysage par le sentiment du sublime. Ce processus fait du paysage un ressenti psychique et physique que l’élite artistique désigne par Stimmung, Gemüt, Harmonies. Cf. Georges Gusdorf, Le romantisme, Paris, Payot, 1993.
  • [3]
    Victor Hugo, Pair de France, et la Seine, in Élisabeth Chirol (éd.), Victor Hugo et la Normandie, Musée Victor Hugo de Villequier, 1985, p. 169.
  • [4]
    Martin Heidegger, Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1980.
  • [5]
    Ernst Haeckel, Art Forms in Nature, Munich, Prestel, 2004.
  • [6]
    Erwin Straus, Du Sens des Sens. Contribution à l’étude des fondements de la psychologie, Grenoble, Jérôme Millon, 1989.
  • [7]
    Voir notamment Marc Desportes, Paysages en mouvement. Transports et perception de l’espace XVIIIe-XXe siècle, Paris, Gallimard, 2005.
  • [8]
    Damien Féménias & Olivier Sirost, « Les paysages nautiques de l’estuaire de Seine », in O. Sirost (éd.), La vie au grand air. Aventures du corps et évasions vers la nature, Nancy, PUN, 2009, pp. 253-274.
  • [9]
    Cité par Chantal Aubry, L’estuaire de la Seine, Arles, Actes Sud, 2005.
  • [10]
    Le mot vase vient du normand voyze, attesté en 1155 ; tandis que la vasière provient du masculin wasier, ou lieu vaseux, introduit en 1415. Cf. Alain Rey (éd.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1992.
  • [11]
    Paul Benoit, Karine Berthier, Gilles Billen & Josette Garnier, « Agriculture et aménagement du paysage hydrologique dans le bassin de la Seine aux XIVe et XVe siècles », in Joëlle Burnouf et Philippe Leveau, Fleuves et marais, une histoire au croisement de la nature et de la culture, Paris, CTHS, 2004, pp. 235-244.
  • [12]
    Paul Bénichou, Romantismes français, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2004, p. 311.
  • [13]
    Voir notamment Gérard Jorland, Une société à soigner. Hygiène et salubrité publiques en France au XIXe siècle, Paris, Gallimard, 2010.
  • [14]
    Chantal Aubry, L’estuaire de la Seine, Arles, Actes Sud, 2005.
  • [15]
    Voir, par exemple, Laurent Maréchaux, Hors la loi. Anarchistes, illégalistes, as de la gâchette… Ils ont choisi la liberté, Paris, Arthaud, 2009.
  • [16]
    Victor Hugo Quatre-vingt-treize, édition de Bernard Leuilliot, Paris, Le Livre de Poche, 2001.
  • [17]
    Ainsi la dynamique de la vase contraste avec la fixité des zones humides dont les éléments historiographiques restent à construire. Cf. Philippe Bata, Anne Péan, Dominique Guillemet, Jacques Peret & Jean-Roger Soubiran (éds), Aux rives de l’incertain. Histoire et représentation des marais occidentaux du Moyen Âge à nos jours, Paris, Somogy, 2002.
  • [18]
    Jean-Michel Derex, « L’histoire des zones humides. État des lieux », Études rurales, 2006/01, 177, pp. 167-178.
  • [19]
    Cf. Alain Corbin, L’homme dans le paysage, Paris, Textuel, 2001.
  • [20]
    Charles Nodier, « La Seine et ses bords » (1836), in Voyages en Normandie, tome 1, Urrugne, Éditions Pimientos, 2005, p. 76.
  • [21]
    Ibid., pp. 78-79.
  • [22]
    Ibid., p. 79.
  • [23]
    On peut encore visualiser ces images étonnantes au musée de la Marine de Seine à Caudebec-en-Caux. Les films témoignent d’usages sociaux de l’eau de rivière sous régime marin identiques – dans le corps à corps avec l’eau et l’émotion générée par l’excitation de la peur de la lame – à ceux des bains de mer du littoral. Cf. Alain Corbin, Le territoire du vide. L’Occident et le désir de rivage 1750-1840, Paris, Aubier, 1988.
  • [24]
    Paul Bénichou, op. cit., pp. 318-319.
  • [25]
    Charles Nodier, « La Seine et ses bords » (1836), in Voyages en Normandie, tome 1, Urrugne, Éditions Pimientos, 2005, pp. 82-83.
  • [26]
    Ibid., pp. 84-85.
  • [27]
    Auguste Viatte, Les sources occultes du romantisme. Illuminisme – Théosophie, 1770-1820. Tome 2 : La génération de l’empire, Paris, Honoré Champion, 1979, p. 152.
  • [28]
    Jules Michelet, Notre France : sa géographie, son histoire, Paris, C. Marpon & E. Flammarion, 1886.
  • [29]
    Jules Michelet, La mer, Paris, Gallimard, 1983.
  • [30]
    Gustave Flaubert, « Par les champs et par les grèves », 1847, in Œuvres complètes de Gustave Flaubert, Paris, Club de l’honnête homme, 1973, pp. 272-273.
  • [31]
    Les frères Goncourt rappellent la parole de l’écrivain qui puise son inspiration à travers le canotage dans la brume de la Seine. En voyage avec Maupassant, ce dernier s’écrie en voyant la Seine dans la brume : « C’est mon canotage là-dedans le matin, auquel je dois ce que j’ai aujourd’hui ! ». Cf. Voyage en Normandie, tome 2, Urrugne, Éditions Pimientos, 2005, p. 16.
  • [32]
    Johann Jakob Bachofen, Le droit maternel. Recherche sur la gynécocratie de l’antiquité dans sa nature religieuse et juridique, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1996 ; Philippe Borgeaud et al., La mythologie du matriarcat. L’atelier de Johann Jakob Bachofen, Genève, Droz, 1999.
  • [33]
    Nadine Satiat, Maupassant, Paris, Flammarion, 2003.
  • [34]
    Albert-Marie Schmidt, Maupassant, Paris, Seuil, 1982.
  • [35]
    C’est-à-dire à excursionner en façade de littoral, traversant ainsi les zones humides. Cf. Guy de Maupassant, « Miss Harriet », in Contes Normands, Paris, LGF, 2004, p. 377.
  • [36]
    Rappelons que le journaliste est ami avec Maupassant ; cf. Alphonse Karr, Léon Gatayes et al., Le canotage en France, Paris, Taride, 1858, rééd. Le Chasse-Marée, ArMen, 1991. Voir aussi Frédéric Delaive, Canotage et canotiers de la Seine. Petite histoire illustrée d’un paradis perdu et d’une navigation de plaisance populaire à Paris et dans les alentours, au début du XIXe siècle, Les Cahiers du musée de la Batellerie, n° 28, avril 1991.
  • [37]
    Voir ici les travaux de Sabine Barles, L’invention des déchets urbains. France : 1790-1970, Seyssel, Champ Vallon, 2005.
  • [38]
    Gabriele Crepaldi, Les impressionnistes, Paris, Gründ, 2002 ; Jean-Paul Crespelle, La Vie quotidienne des impressionnistes : du Salon des Refusés (1863) à la mort de Manet (1883), Paris, Hachette, 1981.
  • [39]
    Jean-Roger Soubiran, « Prestige du marais dans la peinture de paysage en France au XIXe siècle », in Bata, Philippe, Péan, Anne, Guillemet, Dominique, Peret, Jacques & Soubiran, Jean-Roger (éds), Aux rives de l’incertain. Histoire et représentation des marais occidentaux du Moyen Âge à nos jours, Paris, Somogy, 2002, pp. 21-30.
  • [40]
    Voir Laurent Manœuvre, Boudin et la Normandie, Paris, Herscher, 1991 ; Le pêcheur en Normandie 1820-1920, Honfleur, Musée E. Boudin, 2006. Voir également Anne-Marie Bergeret-Gourbin (éd.), Un siècle de bains de mer dans l’estuaire, Honfleur, Musée E. Boudin, 2003.
  • [41]
    Gaston Bachelard, La terre et les rêveries de la volonté. Essai sur l’imagination de la matière, Paris, José Corti, 1947, p. 127.
  • [42]
    Didier Hébert, Deauville. Une cité de villégiature de la côte fleurie, Cabourg, Cahiers du Temps, 2004.
  • [43]
    Maria et Godfrey Blunden, Journal de l’impressionnisme, Genève, Skira, 1973.
  • [44]
    Marina Ferretti Bocquillon (éd.), Le jardin de Monet à Giverny : l’invention d’un paysage, Giverny, Musée des impressionnistes / 5 continents éditions, 2009.
  • [45]
    Frédéric Martinez, Claude Monet. Une vie au fil de l’eau, Paris, Tallandier, 2009, p. 46.
  • [46]
    Claudio Zambianchi, Monet et la peinture de plein air, Paris, Le Figaro, 2008.
  • [47]
    Voir notamment Lion Murard & Patrick Zylberman, L’Haleine des faubourgs. Ville, habitat et santé au XIXe siècle, Paris, Recherches n° 28, décembre 1977.
  • [48]
    Benoit Noël & Jean Hournon, La Seine au temps des canotiers, Garches, AROM, 1997 ; Les arts en Seine. Le paradis des impressionnistes, Paris, Les Presses Franciliennes, 2004. Voir également Vincent Pomarède (éd.), L’Oise de Dupré à Vlaminck. Bateliers, peintres et canotiers, Paris, Somogy, 2007 ; Francis Bauby, Sophie Orivel & Martin Pénet, Mémoires de guinguettes, Paris, Omnibus, 2003.
  • [49]
    Le slogan est affiché en tête de la plaquette « L’axe Seine, un corridor économique à développer » publiée par la Chambre régionale de commerce et d’industrie de Haute-Normandie en juillet 2009.
  • [50]
    Georg Simmel, Secret et sociétés secrètes, Strasbourg, Circé, 1991.
  • [51]
    Olivier Sirost, Les natures apocryphes de la Seine. L’envasement des plages du Calvados, Études rurales, janvier-juin 2010, n° 185, pp. 181-196.
  • [52]
    Antoine Faivre, Philosophie de la nature. Physique sacrée et théosophie XVIIIe-XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1996.
  • [53]
    Michel Maffesoli, Au creux des apparences, Paris, Plon, 1991.
English version

1Ce sont les effets et les traces agissant aux tréfonds de l’être qui permettent d’exprimer un paysage auprès des hommes, comme le souligne Pierre Sansot [1] à propos des fleuves. Plus que de grands tableaux d’aménagement des espaces, les paysages sont avant tout l’expression multiple de nos relations vivantes, de nos prises sur la vie. Les images et récits autour des eaux sont alors une bonne voie d’entrée en paysage. La déesse Sequana, personnification mythique de la Seine et ses sources raconte l’engendrement des eaux douces et calmes. La nymphe Sequana, fille de Bacchus se fit enlever par Neptune alors séduit par sa beauté. Elle finit par échapper au dieu de la mer au cœur de la Bourgogne en se métamorphosant en rivière aux eaux couleur émeraude. Elle est rejointe dans cette grande transformation cosmogonique par les autres nymphes gauloises qui formèrent l’Aube, l’Yonne, la Marne, l’Oise et l’Eure.

2À l’opposé géographique se déploie son contraire qui cède à une autre mythologie : celle des eaux tumultueuses et dévastatrices. L’estuaire, mot qui n’est guère usité que par une poignée de spécialistes, confère aujourd’hui à un territoire sans nom, dont la vacuité est plus que jamais d’actualité. Du barrage de Poses au Havre, la Seine achève sa course lente et méandreuse vers la mer. Sur le parcours long de plus de 160 kilomètres les variations paysagères sont parfois brusques et capricieuses, alternant entre les résurgences d’un passé vivace et les urgences de la pleine industrie à l’ère technologique. Forêts, usines pétrochimiques, champs agricoles, résidences bourgeoises du dix-neuvième siècle, châteaux et abbayes, métropole ou zone d’habitation périurbaine, ancien village encaissé en bord de fleuve, espace en friche, sont quelques-unes des vues qui morcellent la Seine aval en petites entités paysagères, évoquant davantage une mosaïque qu’un ensemble harmonieux. Les imaginaires de l’estuaire restent dynamisés par la vision romantique [2] du fleuve au régime maritime, et le projet napoléonien de chenalisation des eaux créant ainsi une route commerciale privilégiée entre la mer et la capitale. En 1846, Victor Hugo – nommé Pair de France –, dans son discours à la Chambre, résume déjà cette situation : « Les courants de la Manche s’appuient sur la grande falaise de Normandie, la battent, la minent, la dégradent perpétuellement ; cette colossale démolition tombe dans le flot, le flot s’en empare et l’emporte ; le courant de l’Océan longe la côte en charriant cette énorme quantité de matières, toute la ruine de la falaise ; chemin faisant il rencontre le Tréport, Saint-Valéry-en-Caux, Fécamp, Dieppe, Étretat, tous vos ports de la Manche, grands et petits, il les encombre et passe outre. Arrivé au cap de la Hève, le courant rencontre, quoi ? la Seine qui débouche dans la mer. Voilà deux forces en présence, le fleuve qui descend, la mer qui passe et qui monte. Comment ces deux forces vont-elles se comporter ? Une lutte s’engage ; la première chose que font ces deux courants qui luttent, c’est de déposer les fardeaux qu’ils apportent ; le fleuve dépose ses alluvions, le courant dépose les ruines de la côte [3]. » Le paysage estuarien est alors une frontière floue qui reste à conquérir, à la fois immuable par les forces créatrices qui s’y trouvent déchaînées et changeant par ses éléments incertains.

Habiter ou être habité : la question du paysage en estuaire de Seine

3Habiter le fleuve comme habiter l’estuaire renvoient inexorablement à l’oikos. L’habitat repose certes sur un assemblage d’éléments composant un milieu, mais aussi et avant tout sur le liant poétique qui fait tenir l’ensemble [4]. Les pionniers de l’écologie savaient parfaitement allier leurs connaissances du vivant en les replaçant dans une perspective esthétique. L’un d’entre eux – Ernst Haeckel – voyait dans l’organicité de la nature et des plantes des formes esthétiques et leur faculté de croître. Son travail a largement inspiré les protagonistes de l’Art nouveau et du Jugendstil[5]. Métaphoriquement, Goethe ou Le Play pointaient en leur temps l’indissociabilité des communautés végétales et des communautés humaines. Le paysage des romantiques entend pour partie résoudre cette tension entre deux mondes : celui de la nature et celui de la culture. Cette conception jetant un pont entre la Nature et la société est plus que jamais d’actualité dans les politiques de gestion du territoire estuarien de la Seine, à travers des opérations de restauration environnementale et un questionnement de reconquête du fleuve par ses usagers.

4Sur le plan strictement écologique, le paysage de la Seine estuarienne repose avant tout sur une logique d’assemblage. Les coteaux et les méandres du fleuve favorisent la perspective insulaire, même si pour des raisons de navigation les îles ont été arasées et les bras morts comblés. La succession des treize pays de Haute-Normandie suit d’ailleurs la logique topographique des boucles où la forme de presqu’île s’impose au regard. Entre Rouen et le Havre, la langueur des boucles (sept heures de navigation par le fleuve !) fait alterner havres de nature et blocs industriels sur un fleuve devenu autoroute maritime. À l’embouchure, c’est le point de jonction entre le fleuve et la mer qui dynamise le lieu. Entre Honfleur et le Havre alternent d’un côté les vigies des industries portuaires et de l’autre les sentinelles du tourisme balnéaire lié à la longue histoire du littoral du Calvados. La vacuité du large et des falaises incitent à l’irruption paysagère : le monumentalisme de la nature fait lieu. La hauteur des torchères de raffineries ou des porte-conteneurs du port du Havre, comme son architecture, s’inscrivent également dans cette démesure. Face à ce territoire du vide la logique paysagère repose sur un visuel qui s’impose de loin.

5En Seine-Maritime, c’est l’alternance des zones industrielles et des coupures vertes qui quadrille le paysage du fleuve. Peut-on encore parler de paysage dans cette logique compensatoire d’aménagement des espaces et de découpage du territoire ? Pour E. Straus [6], nous ne possédons le paysage qu’en nous développant avec lui. La mouvance et le sentir prévalent alors sur des géographies sans contact, vides de toute sensation. Voilà qui relativise le poids que l’on fait porter aujourd’hui aux atlas paysagers. Au-delà de ce zonage industries/forêts qui ressemble davantage à un « verni vert » aux dires des acteurs économiques, des routes culturelles construites à partir d’un regard naturaliste font sens. La route des fruits, celle des abbayes, l’itinéraire des écrivains romantiques ou encore les sentiers de découverte de paysages initiés par le Parc Naturel Régional témoignent d’une appropriation vivante, parfois militante ou éducative, souvent sensorielle, voire sensuelle de l’espace. L’esthétisation qui s’en suit passe par un retour sensible au terroir (le déjeuner ou le jardinage sur berges en témoignent), la gravure de moments passés au bord de l’eau ou l’abandon à différentes immersions (eau, lumière, brume, vase, faune, flore, patrimoine bâti et industriel…). À la logique de fixation institutionnelle se superpose donc un paysage vivant, mouvant, traversé et traversant [7]. La présence insolite de « bateaux dans les arbres » qui dit l’irruption insolite de cargos et porte-conteneurs dans des boucles fortement végétalisées dévoile un paysage hybride ou se croisent histoire culturelle, préemption industrielle et halos de nature.

6En amont de Rouen, le fleuve autoroute rétrécit sa largeur et ses berges se naturalisent. Les îles et bras morts alors présents favorisent la robinsonnade comme l’extension de résidence au bord de l’eau. Les chemins de halage sont ici l’enjeu de réappropriations paysagères permanentes, à travers pontons, mises à l’eau, jardins ornementaux ou patrimoine vécu d’affolantes villas héritées du passé. L’animation paysagère via quelque 4500 sportifs nautiques [8], la présence d’artistes néo-impressionnistes ou de touristes d’eaux douces est très culturalisée.

7Au-delà de cette présence des hommes qui fait paysage, il convient de s’intéresser aux mécanismes psychiques mobilisés à partir des compositions paysagères « naturelles ». Les trois principaux pays qui suivent les méandres de la Seine sont des terrains sédimentaires, dont le plateau de craie a longuement été rogné et travaillé pour donner sa morphologie au fleuve. Aussi, se revendiquer du Vexin, du Roumois ou du pays de Caux, c’est décliner une territorialité travaillée par une cosmogonie des eaux, du ciel et de la terre. De leurs alchimies émergent les milieux éphémères et magiques comme les halos de brumes et de lumières, les zones humides des vasières et des marais, les espaces de robinsonnades des îles et des bras morts ou encore les clos masures des hommes du terroir.

Petite phénoménologie de la vase dans le paysage

8Ces milieux trouvent des modalités d’expression variées selon le régime du mélange des eaux. Ainsi, dans l’estuaire amont les îles, les bras secondaires et les bras morts, comme le moindre endiguement, sont propices aux lieux cachés. La grande diversité de ces donnés socionaturels se retrouve à travers la maxime de Maupassant concernant l’estuaire : « un monde entier sur la terre » [9]. La formule trouve un éclairage certain dans ce qui constitue le terreau mythique du paysage de l’estuaire de la Seine : la vase.

9Marais et zones humides composent historiquement 80 % du territoire seinomarin. Cette matrice de naturalité est à conjuguer à l’identité populaire d’un terroir devenu fortement industrialisé. Dans cette rétrospective on s’aperçoit que la religion, les corps d’état napoléoniens, l’émergence des sciences de la vie, mais aussi les métaphores politiques et sanitaires trouvent un écho particulier dans le marais. La lutte contre la vase au sens large n’est pas une nouveauté sur le littoral normand. Dans le folklore local, les anciens découpages administratifs et lieux-dits portent encore l’empreinte de la vase. La commune de Vasouy est enfermée entre l’estuaire de la Seine et le marais de Pennedepie. Elle rappelle étymologiquement la voyze normande ou le wasier breton [10]. La rue de la vase à Honfleur témoigne de cette empreinte appartenant au passé. Aux quatorzième et quinzième siècles, la communauté cistercienne aménage le paysage hydrologique du bassin de la Seine, essentiellement pour des motifs alimentaires. Ces travaux qui génèrent de multiples ouvrages tels que les étangs, les moulins ou les canaux d’irrigation, organisent l’économie autour du fleuve. Nombre de marais et zones humides sont alors asséchés à des fins agricoles [11]. Parmi les mises en scène de ce passé, la route des abbayes qui parcourt la route du fleuve en aval jusqu’à l’estuaire témoigne bien d’une telle emprise de la religion sur la nature, à une période où vasières et marais sont considérés par les commentateurs et illustrateurs de la bible comme manifestation terrestre des enfers. On en retrouve des traces tant dans les descriptions de Dante que celles de Milton. Rappelons que pour l’auteur de la Divine Comédie, la vase et les zones humides sont des objets exemplaires de châtiment des damnés. Ainsi, les gourmands sont étendus dans la boue sous la pluie et la grêle. Les avares et prodigues sont soumis à l’immersion dans la vase du fleuve, tandis que les mélancoliques sont ensevelis sous la boue. Toute la géographie des enfers est vaseuse ou marécageuse. On accède au premier royaume où les indifférents et les lâches sont tourmentés par les vers, les mouches et les guêpes pour aller progressivement vers le neuvième cercle où les traîtres sont condamnés au marais glacé de Cocyte. Fait d’importance, l’unité romantique française touchant les principaux écrivains de la Seine trouve une partie de son inspiration chez les esprits persécutés qu’ont été Homère, Dante, Milton, Camoens ou Byron [12]. Vernier au sixième siècle (ancien méandre de la Seine), puis Sainte-Opportune au Moyen Âge (plus grand étang naturel de la Haute-Normandie) disent l’imprégnation symbolique des marais de l’estuaire. Le passage à une théologie scientifique de la nature va faire du marais un cas d’école de la chimie lavoisienne et de la grande peur miasmatique [13]. Le mal qu’incarnent marécages, mares, marais et zones humides est alors transposé de la sphère religieuse à celle de l’hygiénisme. Ces images volatiles d’émanation, de décomposition et de putréfaction seront renforcées par la grande campagne d’assainissement hygiénique entreprise en Normandie par le médecin Le Prieur en 1832 [14]. Elles font des eaux stagnantes la matrice d’une flore indigeste pour l’homme, composée de nénuphars, iris, joncs, roseaux, épicéas, bouleaux et saules. Cette dernière fortifie le grouillement d’un bestiaire infernal composé de larves, mouches et moustiques.

10Pour les réformateurs sociaux, le marécage ou marais humain va devenir une métaphore dangereuse du peuple. Le ventre de Paris, l’humus de la terre, les sous-sols des forêts, comme les faubourgs des grandes villes recèlent d’une vermine incontrôlable source de désordre et des révolutions. Les figures mythiques de cette marginalité de la terre meuble et de la boue que sont Robin des Bois, Henry David Thoreau ou Mikhaïl Bakounine [15], signalent de manière récurrente l’inquiétante étrangeté des entrailles du monde. L’œuvre des écrivains de la Seine est remplie de ces métaphores. Dans le contexte romantique les images littéraires de Victor Hugo montrent bien comment la boue ou la vase constituent l’humus où se nichent le peuple et les gens de peu. Dans son roman Quatre-vingt-treize, la fange sociale que symbolise la terre ignoble est la source de la révolution française [16]. Une théologie combinant la matière, le peuple et la nature est à l’œuvre chez Victor Hugo, Jules Michelet ou Charles Nodier, pour ne citer qu’eux. Elle se prolonge dans les écrits champêtres d’écrivains familiers de la Seine comme Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, Jules Barbey d’Aurevilly, ou à l’occasion Georges Sand. Les fées et démons du terroir surgissant des marais et des bords vaseux des fleuves disent à leur manière une histoire nouvelle de l’enfer et du paradis.

11Il est frappant de voir dans cette histoire littéraire que les écrivains distinguent bien la vase véhiculée sous forme de sédiments dans l’estuaire des zones humides géographiquement localisées. Si les marais et vasières relèvent d’une représentation diabolique, la vase se range davantage du côté de la dynamique de la vie et de l’engendrement. Au caractère maléfique et de dégoût esthétique des eaux stagnantes [17] on oppose une matrice de la vie rurale normande. Ainsi, par-delà des éléments historiques fondés spécifiquement sur le développement agricole, se développe en parallèle une perception plus positive de la vase et des zones humides [18]. La matière et le lieu vont être retravaillés entre science et esthétique littéraire. La demeure du démon présente dans nombre de romans une érotique sociale fondatrice à l’œuvre (voir par exemple La Vouivre ou François le Champi), que l’on retrouvera dans les grands symboles végétaux et les scènes immortalisées par les impressionnistes (notamment dans le thème du déjeuner sur l’herbe).

12Abreuvé de l’œuvre de Goethe, Charles Nodier occupe sans doute une place à part dans sa description précise de la Seine et de son estuaire. Nodier distingue bien les marais de la dynamique des vases et de l’estran. On peut également deviner sous sa plume la conscience et la connaissance de mécanismes d’eutrophisation et de comblement naturel de l’estuaire. Cette science de la nature est confondue avec l’impact psychologique produit par la Seine sur les hommes. Le panthéisme, le sublime ou encore le sensualisme se mélangent aux descriptions savantes et culturelles qui suivent le cours du fleuve jusqu’à son embouchure. L’écrivain impulseur du préromantisme avec ses Voyages pittoresques dans l’ancienne France (1820), poursuit sa géographie par des descriptions de la Saône et de la Seine. Il publie ainsi en 1836 La Seine et ses bords, texte qui décrit les bords de Seine de Paris à l’estuaire. Dans la zone géographique où a migré aujourd’hui le bouchon vaseux, Nodier fait prévaloir une esthétique des ruines où la puissance de la nature laisse place à la désolation. Près des ruines des abbayes le paysage emprunt de vase ressemble aux monts affreux [19] décrits par les écrivains spécialistes de la montagne : « Les rives de la Seine depuis Duclair sont riches de tous les souvenirs des rois mérovingiens. (…) Cette presqu’île n’offre plus maintenant qu’une plaine marécageuse, presque à demi convertie en tourbière, et indigne d’être mentionnée, si elle ne possédait les ruines de la magnifique abbaye de Jumièges [20]. »

13Nodier insiste sur l’omniprésence des vestiges religieux et des propriétés foncières ou agricoles qui n’ont pu domestiquer le fleuve en sa partie aval. À mi-chemin entre Rouen et le Havre, la Seine et ses bords sont alors sujets de manière spectaculaire au régime marin. Régulièrement, à la vitesse d’un cheval au galop, la marée génère une vague qui engloutit tout sur son passage et démontre le règne de la nature de l’estuaire. Ce « mugissement » qui travaille les coteaux bornant la Seine sensibilise les populations locales au régime de la maritimité. L’écume, la brume, les vagues, le courant, la marée, les plages et l’eau saline traduisent ce monde des ports de fond de vallée dont la vie fourmille encore dans le premier dix-neuvième siècle. Après Jumièges, c’est la vallée de Saint-Wandrille qui retient l’attention du voyageur. Du flanc de coteau on peut observer une île sur laquelle était bâti le monastère de Saint-Condé : « De son sommet, l’œil embrasse la vue la plus délicieuse sur le vallon de Caudebecquet ; il s’arrêtait jadis sur l’île de Belcinac, située entre Saint-Wandrille et Caudebec, et dans laquelle était le monastère de Saint-Condé. Un jour il chercha inutilement les antiques tours de cette abbaye et la riche verdure des bois qui l’entouraient ; tout était abîmé sous les eaux. En 1641, plus de deux siècles après, l’île reparut, chargée encore de quelques ruines ; mais ce fut pour peu de jours, et la marée l’engloutit bientôt encore une seconde fois. On ignore maintenant jusqu’à la place qu’elle occupait ; peut-être sont-ce les débris de cette île errante qui promènent sous les flots des écueils mobiles dans les parages dangereux de Quillebeuf [21]. » Ici l’hydrodynamique du fleuve figuré comme « grande lessiveuse », se mélange aux croyances religieuses fondées sur une maritimité de fond de vallée. Comme le rappelle Nodier, à Caudebec on trouve « l’ermitage de Notre-Dame-de-Barre-y-Va, dont les murs sont surchargés de ces tableaux que le pilote a voués à la Vierge dans le fort de la tempête » [22].

14Il faut dire qu’entre Caudebec-en-Caux et Villequier (où s’installera Léopoldine Hugo) on assiste au déferlement spectaculaire du Mascaret. La vague puissante venant de la mer et remontant le fleuve jusqu’à Rouen devient même un motif de déplacement touristique des Parisiens et des Normands. On y voit jusqu’au début des années 1960 les spectateurs ébahis prendre à leur manière la lame, se trouvant plaqués au sol sur les bords du chemin de halage. Les plus malheureux sont aspirés par la lame et tombent à la Seine. Les plus prudents se trouvent simplement mouillés [23]. Les tourments du fleuve apportent également leurs offrandes et il est commun pour les riverains de trouver du poisson dans leurs champs lors des fortes marées. Mais pour Nodier, cette agitation du fleuve vivant renvoie à une spiritualisation de la matière [24]. La marée agite souterrainement les vases, les sédiments et les sables, provoquant chez les hommes de la Seine une terreur divine ou un délicieux effroi digne du sublime. Entre Quillebeuf et Caudebec la manifestation visible du flux de matière drainée par le fleuve décide de l’attribution des zones agricoles et de la fragilité des œuvres culturelles : « Depuis Quillebeuf, la largeur de l’embouchure de la Seine lui donne un aspect majestueux pendant la haute marée ; mais à la marée basse, elle n’offre que quelques canaux tracés au milieu de vastes bancs de sable, que le flux déplace chaque jour. Des pilotes intrépides tâchent après chaque reflux de deviner lequel de ces canaux forme la passe la plus sûre, et dès que le flot est arrivé, ils dirigent les vaisseaux qui leur sont confiés ; car il serait imprudent de s’engager dans ces parages sans un de ces pilotes. Lorsque la marée monte, aux équinoxes et aux époques des pleines et nouvelles lunes, et qu’elle est favorisée par un fort vent d’ouest, le lit du fleuve se remplit par une masse d’eau qui a quelquefois vingt pieds d’élévation, et qui s’avance avec une rapidité que le galop d’un cheval peut à peine surpasser. Cette montagne humide se nomme la Barre, et, contrariant le cours de la Seine, produit quelquefois de terribles effets par la lutte qu’elle engage. Les flots de la mer qui monte, en arrivant à Quillebeuf, s’enflent, s’amoncellent et se précipitent avec fureur dans le lit du fleuve, dont ils refoulent les eaux. Un bruit sourd se fait entendre à la distance de deux lieues ; les animaux quittent leur pâture et la fraicheur du rivage ; l’effroi se répand sur les deux bords de la Seine, et le cri de la barre ! la barre ! devient un cri d’alarme pour le riverain qui voit le flot menacer son habitation et ses champs. Cette barre remonte jusqu’à Rouen, où elle a quelquefois encore assez de force pour que les navires trop voisins les uns des autres s’entrechoquent et brisent leurs amarres. Elle est sensible jusqu’à Pont-de-l’Arche. Dans sa course, le phénomène dévastateur dégrade le rivage, enlève tout ce qu’il rencontre, et porte au loin sur les terres basses un gravier et un limon stériles ; il a successivement détruit les digues les mieux cimentées qu’on avait essayé de lui opposer. À l’extrémité de l’immense plaine marécageuse qui entoure Quillebeuf, et qu’on a plusieurs fois tenté vainement de dessécher, le fleuve baigne le village du Marais-Vernier [25]. »

15Cette matière créatrice qu’est la vase explique pour partie la quête de Nodier cherchant à percer les mystères du peuple et de la nature. Les alluvions déposées inlassablement par le fleuve forment à l’embouchure des bancs et des prairies humides. C’est ce génie primitif du fleuve et de son estuaire qui expliquent pour l’écrivain la théologie ordinaire des Normands : « À l’embouchure de la Rille, les alluvions successives du fleuve ont formé un immense herbage, connu sous le nom du Banc-du-Nord. Cette propriété, qui a compté jusqu’à une lieue de diamètre, est réduite à présent à moins du dixième de sa grandeur primitive : la Seine s’est lassée de fuir ses bords, et chaque jour elle reprend ce qu’elle avait abandonné. Derrière le Banc-du-Nord s’étendent les prairies et les marais de Conteville. (…) Conteville est adossé au revers du mont Courel, dont d’immenses bruyères couvrent le plateau. Au bas du même penchant, se rapprochant du fleuve, l’œil découvre Berville, dont la Seine baigne les extrémités. Ce village n’a d’autre importance que d’être devenu, depuis 1812, par le déplacement des vases, la posée des navires, qui descendaient au Havre ou se dirigeant vers Rouen, viennent attendre là des vents favorables ou les marées de Syzygie [26]. »

16Il est frappant de constater que la description la plus complète et érudite donnée sur la partie avale de la Seine soit à mettre au crédit d’une théosophie de la nature. Nodier cherche effectivement à décoder les mystères et la puissance de la vie à partir de la création divine. Sa fréquentation des milieux illuministes conforte sa science du fleuve et de l’estuaire, « qui voit dans la mythologie comme dans la Bible une série d’allégories agraires » [27].

17Tous ne sont pas aussi scientistes dans leurs descriptions que Nodier. La plupart des écrivains romantiques de l’estuaire de la Seine dépeignent la grande agitation de l’embouchure du fleuve et de sa rencontre avec l’océan dans le contexte du sublime. La zone de turbulences qu’est l’estuaire se figure par une machine à agiter la matière, qu’elle provienne de la nature ou des hommes.

18Jules Michelet rappelle dans sa géographie [28] l’importance des mares et zones humides du bocage normand, tout comme il décrit ce « monde en démolition » qu’est celui du rivage de Haute-Normandie où l’érosion des falaises et le languissement stérile des côtes sont remarquables. Pour l’historien, la mer infinie, que l’on trouve au-delà des côtes et que l’on devine dans le sang des Terra Neuva, est fondatrice de vie dans ses noces avec la terre. Au-delà du « pouls » constitué par le régime des eaux et du ciel, Michelet insiste lui aussi sur la matière en suspension dans l’eau et à la surface (mucus de la mer), et notamment celle qui s’apparente à des sédiments vaseux, qu’il considère comme une infinité d’atomes vivants [29]. En racontant son passage au Mont Saint-Michel l’historien dit cette équivoque que représentent les zones sableuses et vaseuses, où derrière la magie du paysage se cache un abîme ensevelissant.

19Gustave Flaubert, à la fin de son voyage en Bretagne entrepris en 1847, descend la Seine jusqu’à la mer et relate la société balnéaire qui s’épanche sur le littoral du Calvados. Les promenades nocturnes permettent à l’écrivain d’échapper à la Bonne Société qui a su métamorphoser les villages de pêcheurs en société maniérée des loisirs. Lors d’une de ces excursions hors sentiers balisés, Flaubert – qui à sa maison de Croisset surplombant la Seine est un adepte des bains et du canotage – donne une description plutôt positive du littoral vaseux : « La lune allait bientôt disparaître et nous marchions toujours. Quand nos pieds rencontraient les flaques d’eau oubliées sur la grève par la marée du matin, il jaillissait mille étincelles blanches et bleuâtres qui s’épanouissaient comme des soleils, comme les fusées d’un feu d’artifice silencieux. Nous avancions ; les réverbères de Trouville semblaient se rapprocher ; mais la fatigue avait raidi mes membres et je ne cheminais plus qu’avec peine. Nous entrâmes dans le marais voilé de vastes champs, planté de joncs que la mer recouvre en hiver. Dans ce tapis de verdure qu’assombrissait la nuit, nous ne pouvions distinguer les plis du terrain ; mes jambes fléchissaient sous moi, à chaque pas je roulais et je tombais. Enfin nous arrivâmes auprès d’un fanal accroché à un poteau. Une large rivière coulait devant nous, en longeant une berge couverte d’un sable blanc : je m’y étendis, heureux de mon immobilité, pendant que mon compagnon, qui avait toujours gardé sa force et son courage, appelait et réveillait à grand-peine le passager endormi [30]. » Les zones humides sont alors sous la plume de l’écrivain un témoignage de résistance à l’envahissement touristique généré par la vogue des bains de mer et des casinos. Dans La Légende de Saint Julien l’Hospitalier, texte écrit en 1877, Flaubert rappelle au lecteur l’attribut évangélique de la vase où s’enfonce le terrible guerrier en compagnie des lépreux. Les zones humides ont un caractère sacré rappelé par l’omniprésence des Abbayes en bord de Seine ou illustré par les tentatives de conversion à la foi de Madame Bovary. Les marais qui arpentent l’aval du fleuve et l’embouchure de l’estuaire font l’objet d’un loisir provincial que connaissent chasseurs et pêcheurs [31]. Le terroir résonne en eux contrairement aux touristes endimanchés qui fréquentent le littoral. Rappelons que cette métaphore est vécue intimement par Hugo avec la perte de sa fille Léopoldine à Villequier. La terre humide à la fois génératrice de vie et ensevelissante reste vivace pour les habitants de l’estuaire de la Seine au dix-neuvième siècle. Nous retrouvons là la dimension mythique féminine du marécage et de la zone humide soulignée par Johann Jakob Bachofen [32]. Pour ce dernier le marécage engendre la vie, quand le cimetière la reprend. Ces lieux sont chacun à leur manière une déclinaison de la terre mère, qui traduit le pouvoir mystique du féminin.

20L’œuvre de Maupassant s’inscrit pleinement dans cette filiation où les salons littéraires et artistiques, les loisirs bourgeois de la chasse et du canotage montrent une distance entre la Normandie et Paris [33]. Pour l’écrivain qui rassemble le folklore du terroir dans son œuvre, les touristes de la haute société ne comprennent guère la profondeur magique de la nature. Dans La légende du Mont Saint-Michel, Maupassant oppose les terres sableuses infertiles du Saint aux terres grasses et humides d’un terroir gagné sur l’eau et administré par le diable. Le terroir de l’eau de la Seine lui évoque une Vénus rustique, tandis que sa pièce Au bord de l’eau rappelle les amours d’une lavandière, où l’humidité des lieux renvoie à l’engendrement féminin [34]. L’écrivain rappelle également les plaisirs du bord de l’eau qui consistent à « faire le rapin » [35], en partie de chasses et de pêche à pied. Voilà qui contraste avec le canotage élégant des parisiens dans le rapport au fleuve. D’ailleurs, le littoral développe un canotage sportif plus que des rendez-vous amoureux sur l’eau comme en témoigne Alphonse Karr [36].

Brumes et lumières impressionnistes

21Le dix-neuvième siècle est celui des marais pour les peintres romantiques et orientalistes. Rappelons que cette mouvance artistique est aussi celle qui porte le témoignage de la montée en puissance de la modernité et de l’idéologie du progrès. L’attrait pour la mécanique, les trains et bateaux à vapeur, l’aménagement des ports, des villes et des industries reste mobilisateur dans les œuvres des peintres. À leur manière ils racontent aussi comment l’épandage à partir des égouts et rejets industriels transforme par magie le terroir des agriculteurs [37]. Aussi ne nous méprenons pas à leur encontre. La nature qu’ils saisissent est celle métamorphosée par les villes et les industries. Leurs lieux de canotage, de promenade ou de débauches restent fortement anthropisés. Ils profitent ainsi au quotidien des bénéfices tirés de l’aménagement des berges, des écluses et autres ouvrages d’eau [38]. L’école de Barbizon en fait même un thème privilégié dans la représentation des mares et zones marécageuses [39]. La sensibilité champêtre alors en vigueur dans le roman influence les peintres (voir la correspondance entre Leroux et Nodier ou celle entre Guillemet et Zola). Charles Daubigny dans ses toiles illustres de La Vanne d’Optevoz (1859), La Seine à Bezons (1851) ou Bords de l’Oise (1873) fait de la vase un élément important du paysage. Il sera suivi dans cette démarche par son élève Antoine Guillemet, illustrant à plusieurs reprises le littoral de la côte fleurie et l’envasement de Villerville. Sur ces toiles la marée basse dévoilant des eaux noires apparaît à la fois nourricière et vecteur de lumière. Guillemet sera qualifié davantage de peintre naturaliste que proche du mouvement impressionniste où il côtoie Claude Monet. Si la zone vaseuse traduit picturalement le mouvement de retour à la campagne et prédispose à la vogue du plein air, il semble que le motif s’efface à la fin du dix-neuvième siècle, en particulier chez les impressionnistes figeant sur la toile le tourisme nautique et festif de bord de Seine aux plages de l’estuaire. Les œuvres d’Eugène Boudin sur le marais de Deauville, les scènes de pêche à pied sur la côte fleurie, contrastent avec ses représentations des bains de mer. Le peintre traduit bien dans ses toiles un double traitement paysager de la vase nourricière du local à l’effacement esthétique de la société balnéaire [40]. Comment expliquer dès lors que la vase disparaisse de tout un ensemble de toiles célèbres ? Une explication du phénomène est proposée par Gaston Bachelard [41], qui montre combien l’esthétisation des matières molles passe au cours du dix-neuvième siècle par une focalisation sur la faune et la flore qui en sont issues. L’analyse de la peinture et de l’itinéraire de Claude Monet se révèle ici d’une aide précieuse. Ainsi, les Nymphéas qui obsèdent le peintre sont une métaphore indiquant que les fleurs naissent de la boue ou de la vase. Il ne s’agit donc pas d’un dégoût du marécage ou plus largement des zones humides qui explique leur effacement pictural, mais plutôt une tentative de saisir l’éclosion et le jaillissement de la vie, tout en s’opposant au dictat du règne de Napoléon III. Ce dernier, connu pour sa politique de construction de canaux et d’ouvrages en vue d’assécher marais et vasières (Landes, Marais Poitevin, Seine) est emblématique des fastes de la haute société qui s’affiche dans les stations balnéaires. Le duc de Morny, demi-frère de l’empereur, entreprend dès 1860 un drainage des ruisseaux, un assèchement des marais et un arasement des dunes pour bâtir la station de Deauville [42]. Dans le même temps, Napoléon III impose une peinture monumentale aux artistes prenant pour motifs la percée du Canal de Suez et les conquêtes coloniales d’Orient. Pour le groupe des impressionnistes, effacer les traces d’anthropisation dans le paysage c’est aussi s’émanciper de cette politique culturelle [43].

22Le jardin d’eau construit par Monet à Giverny montre bien la référence empruntée à une botanique qui délaisse le sol pour s’intéresser aux compositions des lumières et des couleurs. Dans son jardinage, le peintre va jusqu’à construire un petit canal puisant dans l’Epte afin d’obtenir une eau transparente, laissant voir le fond végétal et servant de support aux variations chromatiques. L’idée d’une telle artificialisation de la nature est d’effacer toute trace de l’humain donnant le rendu d’une profusion végétale [44]. Le Nil avec ses multiples engendrements reste une référence inspiratrice de double travail de composition. Claude Monet puise dans la mythologie des crues du Nil, figuration originelle du déluge transformant les temples de Thèbes en marécage. Un grand lotus poussant de ces eaux originelles donna alors naissance au soleil. D’où l’obsession de Monet : « la nymphéa est la vulve du monde » [45]. Cette métamorphose de la matière (de la vase au végétal) éloigne l’œuvre du peintre de ses confrères encore adeptes du sublime se dévoilant dans les dépôts de sédiments à l’embouchure de l’estuaire ou dans le mystère marécageux des bords de l’Oise et de la Seine [46]. Le peintre relativise ici le discours hygiéniste à l’encontre des usages périurbains de l’eau et de l’encanaillement social. Si le jardinage ou le plein air sont envisagés par les réformateurs sociaux comme une solution aux épidémies, il faut noter une certaine complaisance sociale du miasme. Les exhalaisons des faubourgs [47], les pataugeoires des baigneurs, tout comme les lieux de débauches exercent une fascination réelle et une forte dynamique sociale. Le nymphéa de Monet ne serait-elle pas l’étendard secret et affiché d’un monde nouveau ou l’effervescence de la chair l’emporte sur le moralisme sanitaire ? En outre, la marche en avant des sports et des loisirs montre un traitement paysager des sites et des lieux. Le canotage, les bains, la régate, le déjeuner sur l’herbe, la guinguette, ou la promenade au bord de l’eau focalisent les regards sur les expériences corporelles et les sensations physiques [48]. La célèbre Grenouillère qui conjugue bains, régates, bals, déjeuners et conquêtes amoureuses montre bien métaphoriquement que ce sont des batraciens d’une autre nature qui s’ébrouent désormais sur les berges et dans les eaux du fleuve. Au-delà de la quête de la lumière, les impressionnistes de la Seine ne seraient-ils pas aussi des apôtres de la brume et des variations saisonnières, d’un monde ambivalent dont la force paysagère repose sur les statuts et attractions ambiguës des objets socio-naturels qui entrent en composition ?

23La question est d’autant plus pugnace qu’elle revient inlassablement à la mode dans les politiques publiques d’aménagement du territoire seino-estuarien sous couvert de « paysage ». Ce fut tout d’abord le débat engagé à propos de la préservation du marais Vernier dans les années 1970, face à l’avancée de la ville et des terrains industrialo portuaires. Les verrues de la déforestation ont alors mené progressivement à des mesures de protection écologiques d’un territoire, débouchant sur l’actuel Parc Naturel Régional des Boucles de la Seine Normande. Il en va de même de la création à la fin des années 1990 de la réserve naturelle de l’estuaire face à l’emprise du Port Autonome du Havre. Et que dire de l’émergence toute récente du Parc écologique EANA proche de Tancarville ? Se dessine derrière ces territoires et ces objets une politique paysagère qui confère au territoire une vision panoramique figée. Des espaces immobilisés et clos qui se veulent des lieux d’éducation où se superposent les mesures de protection de la nature traduisent une politique paysagère contemporaine. Un paysage moral qu’il convient de préserver et de léguer aux générations futures fait l’objet des discours et des législations mises en œuvre. Si les paysages assistent rarement au spectacle des cours de justice, les affaires de paysage n’en finissent pas d’éclater dans l’estuaire de la Seine. La dernière en date concerne le classement des boucles de la Seine au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les défenseurs de la mesure de classement en appellent au patrimoine légué par les impressionnistes. Leurs opposants quant à eux s’en remettent aux propos de Bonaparte lors de sa visite au Havre en 1802 : « Paris, Rouen, Le Havre, une seule ville dont la Seine est la grande rue » [49].

24Derrière ces enjeux sociaux et économiques, le paysage semble l’unique prise glissante à laquelle se raccrochent politiques locales et nationales (le Grand Paris n’est pas éloigné d’une telle problématique). Les symboles vivants de la faune et de la flore, mais aussi du minéral vaseux y jouent plus que jamais leurs rôles réversibles et mobilisateurs d’utopies. Cependant, une connaissance savante qui se veut bien plus noble que les savoirs ordinaires mobilisés sur les paysages de la Seine s’avance souterrainement [50], pilotant à distance une nature faite de dispositifs techniques sans vie qui ne valent que par eux-mêmes. On s’intéresse beaucoup dans ce jeu aux poissons, aux oiseaux, aux plantes et aux vasières sans se soucier véritablement des hommes, empêcheurs d’écologiser en rond. Le savoir magique et secret sur la nature détenu entre les mains d’experts remplace subtilement les savoirs théosophiques des apocryphes anciens [51]. Une autre physique sacrée [52] est en train de naître sous nos yeux, bien loin d’associer dans sa vision du paysage les sensibilités de ses contemporains. Une morale esthétisante renaît de ses cendres pour tenter d’imposer son emprise sur un paysage vécu fait d’expériences qui confère à la vie de la terre son sens profond [53].


Date de mise en ligne : 30/11/2010.

https://doi.org/10.3917/soc.109.0119

Notes

  • [*]
    Cette contribution s’appuie sur l’action « Enfants du fleuve » du programme Seine Aval (seine-aval.fr).
  • [**]
    Université de Rouen CETAPS
  • [1]
    Pierre Sansot, Variations paysagères. Invitation au paysage, Paris, Payot & Rivages, 2009, p. 151.
  • [2]
    Il convient de noter ici que le romantisme marque notamment une réinvention du paysage par le sentiment du sublime. Ce processus fait du paysage un ressenti psychique et physique que l’élite artistique désigne par Stimmung, Gemüt, Harmonies. Cf. Georges Gusdorf, Le romantisme, Paris, Payot, 1993.
  • [3]
    Victor Hugo, Pair de France, et la Seine, in Élisabeth Chirol (éd.), Victor Hugo et la Normandie, Musée Victor Hugo de Villequier, 1985, p. 169.
  • [4]
    Martin Heidegger, Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1980.
  • [5]
    Ernst Haeckel, Art Forms in Nature, Munich, Prestel, 2004.
  • [6]
    Erwin Straus, Du Sens des Sens. Contribution à l’étude des fondements de la psychologie, Grenoble, Jérôme Millon, 1989.
  • [7]
    Voir notamment Marc Desportes, Paysages en mouvement. Transports et perception de l’espace XVIIIe-XXe siècle, Paris, Gallimard, 2005.
  • [8]
    Damien Féménias & Olivier Sirost, « Les paysages nautiques de l’estuaire de Seine », in O. Sirost (éd.), La vie au grand air. Aventures du corps et évasions vers la nature, Nancy, PUN, 2009, pp. 253-274.
  • [9]
    Cité par Chantal Aubry, L’estuaire de la Seine, Arles, Actes Sud, 2005.
  • [10]
    Le mot vase vient du normand voyze, attesté en 1155 ; tandis que la vasière provient du masculin wasier, ou lieu vaseux, introduit en 1415. Cf. Alain Rey (éd.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1992.
  • [11]
    Paul Benoit, Karine Berthier, Gilles Billen & Josette Garnier, « Agriculture et aménagement du paysage hydrologique dans le bassin de la Seine aux XIVe et XVe siècles », in Joëlle Burnouf et Philippe Leveau, Fleuves et marais, une histoire au croisement de la nature et de la culture, Paris, CTHS, 2004, pp. 235-244.
  • [12]
    Paul Bénichou, Romantismes français, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2004, p. 311.
  • [13]
    Voir notamment Gérard Jorland, Une société à soigner. Hygiène et salubrité publiques en France au XIXe siècle, Paris, Gallimard, 2010.
  • [14]
    Chantal Aubry, L’estuaire de la Seine, Arles, Actes Sud, 2005.
  • [15]
    Voir, par exemple, Laurent Maréchaux, Hors la loi. Anarchistes, illégalistes, as de la gâchette… Ils ont choisi la liberté, Paris, Arthaud, 2009.
  • [16]
    Victor Hugo Quatre-vingt-treize, édition de Bernard Leuilliot, Paris, Le Livre de Poche, 2001.
  • [17]
    Ainsi la dynamique de la vase contraste avec la fixité des zones humides dont les éléments historiographiques restent à construire. Cf. Philippe Bata, Anne Péan, Dominique Guillemet, Jacques Peret & Jean-Roger Soubiran (éds), Aux rives de l’incertain. Histoire et représentation des marais occidentaux du Moyen Âge à nos jours, Paris, Somogy, 2002.
  • [18]
    Jean-Michel Derex, « L’histoire des zones humides. État des lieux », Études rurales, 2006/01, 177, pp. 167-178.
  • [19]
    Cf. Alain Corbin, L’homme dans le paysage, Paris, Textuel, 2001.
  • [20]
    Charles Nodier, « La Seine et ses bords » (1836), in Voyages en Normandie, tome 1, Urrugne, Éditions Pimientos, 2005, p. 76.
  • [21]
    Ibid., pp. 78-79.
  • [22]
    Ibid., p. 79.
  • [23]
    On peut encore visualiser ces images étonnantes au musée de la Marine de Seine à Caudebec-en-Caux. Les films témoignent d’usages sociaux de l’eau de rivière sous régime marin identiques – dans le corps à corps avec l’eau et l’émotion générée par l’excitation de la peur de la lame – à ceux des bains de mer du littoral. Cf. Alain Corbin, Le territoire du vide. L’Occident et le désir de rivage 1750-1840, Paris, Aubier, 1988.
  • [24]
    Paul Bénichou, op. cit., pp. 318-319.
  • [25]
    Charles Nodier, « La Seine et ses bords » (1836), in Voyages en Normandie, tome 1, Urrugne, Éditions Pimientos, 2005, pp. 82-83.
  • [26]
    Ibid., pp. 84-85.
  • [27]
    Auguste Viatte, Les sources occultes du romantisme. Illuminisme – Théosophie, 1770-1820. Tome 2 : La génération de l’empire, Paris, Honoré Champion, 1979, p. 152.
  • [28]
    Jules Michelet, Notre France : sa géographie, son histoire, Paris, C. Marpon & E. Flammarion, 1886.
  • [29]
    Jules Michelet, La mer, Paris, Gallimard, 1983.
  • [30]
    Gustave Flaubert, « Par les champs et par les grèves », 1847, in Œuvres complètes de Gustave Flaubert, Paris, Club de l’honnête homme, 1973, pp. 272-273.
  • [31]
    Les frères Goncourt rappellent la parole de l’écrivain qui puise son inspiration à travers le canotage dans la brume de la Seine. En voyage avec Maupassant, ce dernier s’écrie en voyant la Seine dans la brume : « C’est mon canotage là-dedans le matin, auquel je dois ce que j’ai aujourd’hui ! ». Cf. Voyage en Normandie, tome 2, Urrugne, Éditions Pimientos, 2005, p. 16.
  • [32]
    Johann Jakob Bachofen, Le droit maternel. Recherche sur la gynécocratie de l’antiquité dans sa nature religieuse et juridique, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1996 ; Philippe Borgeaud et al., La mythologie du matriarcat. L’atelier de Johann Jakob Bachofen, Genève, Droz, 1999.
  • [33]
    Nadine Satiat, Maupassant, Paris, Flammarion, 2003.
  • [34]
    Albert-Marie Schmidt, Maupassant, Paris, Seuil, 1982.
  • [35]
    C’est-à-dire à excursionner en façade de littoral, traversant ainsi les zones humides. Cf. Guy de Maupassant, « Miss Harriet », in Contes Normands, Paris, LGF, 2004, p. 377.
  • [36]
    Rappelons que le journaliste est ami avec Maupassant ; cf. Alphonse Karr, Léon Gatayes et al., Le canotage en France, Paris, Taride, 1858, rééd. Le Chasse-Marée, ArMen, 1991. Voir aussi Frédéric Delaive, Canotage et canotiers de la Seine. Petite histoire illustrée d’un paradis perdu et d’une navigation de plaisance populaire à Paris et dans les alentours, au début du XIXe siècle, Les Cahiers du musée de la Batellerie, n° 28, avril 1991.
  • [37]
    Voir ici les travaux de Sabine Barles, L’invention des déchets urbains. France : 1790-1970, Seyssel, Champ Vallon, 2005.
  • [38]
    Gabriele Crepaldi, Les impressionnistes, Paris, Gründ, 2002 ; Jean-Paul Crespelle, La Vie quotidienne des impressionnistes : du Salon des Refusés (1863) à la mort de Manet (1883), Paris, Hachette, 1981.
  • [39]
    Jean-Roger Soubiran, « Prestige du marais dans la peinture de paysage en France au XIXe siècle », in Bata, Philippe, Péan, Anne, Guillemet, Dominique, Peret, Jacques & Soubiran, Jean-Roger (éds), Aux rives de l’incertain. Histoire et représentation des marais occidentaux du Moyen Âge à nos jours, Paris, Somogy, 2002, pp. 21-30.
  • [40]
    Voir Laurent Manœuvre, Boudin et la Normandie, Paris, Herscher, 1991 ; Le pêcheur en Normandie 1820-1920, Honfleur, Musée E. Boudin, 2006. Voir également Anne-Marie Bergeret-Gourbin (éd.), Un siècle de bains de mer dans l’estuaire, Honfleur, Musée E. Boudin, 2003.
  • [41]
    Gaston Bachelard, La terre et les rêveries de la volonté. Essai sur l’imagination de la matière, Paris, José Corti, 1947, p. 127.
  • [42]
    Didier Hébert, Deauville. Une cité de villégiature de la côte fleurie, Cabourg, Cahiers du Temps, 2004.
  • [43]
    Maria et Godfrey Blunden, Journal de l’impressionnisme, Genève, Skira, 1973.
  • [44]
    Marina Ferretti Bocquillon (éd.), Le jardin de Monet à Giverny : l’invention d’un paysage, Giverny, Musée des impressionnistes / 5 continents éditions, 2009.
  • [45]
    Frédéric Martinez, Claude Monet. Une vie au fil de l’eau, Paris, Tallandier, 2009, p. 46.
  • [46]
    Claudio Zambianchi, Monet et la peinture de plein air, Paris, Le Figaro, 2008.
  • [47]
    Voir notamment Lion Murard & Patrick Zylberman, L’Haleine des faubourgs. Ville, habitat et santé au XIXe siècle, Paris, Recherches n° 28, décembre 1977.
  • [48]
    Benoit Noël & Jean Hournon, La Seine au temps des canotiers, Garches, AROM, 1997 ; Les arts en Seine. Le paradis des impressionnistes, Paris, Les Presses Franciliennes, 2004. Voir également Vincent Pomarède (éd.), L’Oise de Dupré à Vlaminck. Bateliers, peintres et canotiers, Paris, Somogy, 2007 ; Francis Bauby, Sophie Orivel & Martin Pénet, Mémoires de guinguettes, Paris, Omnibus, 2003.
  • [49]
    Le slogan est affiché en tête de la plaquette « L’axe Seine, un corridor économique à développer » publiée par la Chambre régionale de commerce et d’industrie de Haute-Normandie en juillet 2009.
  • [50]
    Georg Simmel, Secret et sociétés secrètes, Strasbourg, Circé, 1991.
  • [51]
    Olivier Sirost, Les natures apocryphes de la Seine. L’envasement des plages du Calvados, Études rurales, janvier-juin 2010, n° 185, pp. 181-196.
  • [52]
    Antoine Faivre, Philosophie de la nature. Physique sacrée et théosophie XVIIIe-XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1996.
  • [53]
    Michel Maffesoli, Au creux des apparences, Paris, Plon, 1991.
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