Notes
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[*]
Chercheur à l’ERC, Toulouse le Mirail, ATER à Montpellier III.
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[1]
Bien que l’abord clinique de l’élaboration de la doctrine psychanalytique ait conduit Sigmund Freud à concevoir la philosophie comme un système paranoïaque déformé, comme ses contemporains et l’ensemble des penseurs, il la considérait comme le reflet d’une époque et la somme des traits caractérisant une société ou une civilisa- tion. Aussi, pour que notre exposé, tel qu’il est agrémenté de descriptions psychana- lytiques de phénomènes cliniques, puisse rester logique et orienté par la psychana- lyse, nous conservons cette définition générique de la philosophie comme un instan- tané de l’organisation d’une société ou d’une civilisation.
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[2]
Ainsi comprend-on pourquoi la psychiatrie préconise encore aujourd’hui les électro- chocs aux sujets mélancoliques. Ceux-ci sont censés provoquer chez ces sujets une réponse à leur incontournable réalité biologique. Pour la psychiatrie, si réponse il y a à cette stimulation, alors peut être envisagé un soin psychique.
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[3]
Dès Deuil et mélancolie, Sigmund Freud avait donné des éléments explicatifs sur et à propos d’un tel discours tenus par les sujets mélancoliques. En avançant que « le moi (…) est écrasé par l’objet », il expliquait que le moi avait cédé sous la pression exercée par la quantité d’énergie investie pour conserver l’objet identifié, et qu’il ne restait plus au sujet que de faire état de cet échec. Mais dans les Essais de psychana- lyse, ce fut à une autre instance qu’il attribua l’existence d’un tel discours. Ce qui est en fait responsable de ce malheur dénoncé par le sujet mélancolique, c’est le surmoi. Celui-ci exerce une emprise sadique des plus extrêmes, à cause de l’existence chez le sujet mélancolique de l’objet qui devrait être perdu.
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[4]
Sigmund Freud employa le terme de manie au moins sous deux sens différents. Le premier, tel qu’il est présenté dans Métapsychologie, correspond à la phase aggra- vée de la maladie. Pour le second, celui que nous retenons ici, développé par Sigmund
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[5]
Bien sûr, mais les lecteurs de Sigmund Freud l’auront tout de suite noté, l’existence d’une vie sexuelle infantile est dans l’œuvre de Sigmund Freud un terme générique pour indiquer qu’il existe déjà une activité sexuelle, sans qu’elle ait à être équivalente à celle des adultes.
1 Ce qui a orienté la description des mécanismes de la mélancolie donnée par Sigmund Freud est le signe pour cette psychose de la rencontre impossible du manque, de l’Autre et de leur jonction. Aussi paraît-il de prime abord inconcevable que des sujets mélancoliques puissent trouver dans la civilisation un soutien de leur condition, tant que nous prenons la civilisation seulement comme création de l’humain, c’est-à-dire sans penser qu’elle agit en retour sur la condition de l’homme. Ce concept de « surmoi d’une époque culturelle », proposé par Sigmund Freud dans l’un de ses dernier ouvrages, Malaise dans la civilisation (1929), montre que la civilisation n’est pourtant pas sans agir à son tour sur l’humain.
2 De prime abord privées de l’accès à la condition sociale, la mélancolie et ses effets ne sont pourtant pas uniquement connus depuis l’observation clinique. Dans le champ de la connaissance, des arts, la médiatisation de certaines œuvres tend à signer leur consécration comme œuvres majeures. Reconnues, elles sont pourtant pour un œil averti marquées du sceau de la mélancolie. Si pour le clinicien, l’interprétation de telles réalisations permet d’approcher les mécanismes de la mélancolie, il n’en reste pas moins qu’elles sont le signe qu’une certaine inscription sociale, qu’une certaine existence de la mélancolie au sein de la civilisation est possible. Quels en sont les mécanismes ? Quelles sont les conditions pour qu’un sujet puisse ainsi soutenir sa condition ? Qu’offre donc la civilisation pour qu’aujourd’hui le sujet puisse s’y inscrire ? Voici les questions que nous proposons d’aborder.
Portrait d’une époque culturelle
3 Depuis la Shoah, les milieux intellectuels soulignent que ce crime contre l’humanité a signé la fin de l’époque moderne. Le lecteur attentif se rendra ainsi compte, au travers des journaux ou autres publications contemporaines, qu’en lieu et place du nom désignant le temps de notre époque, et qui était jusqu’à présent nommée « époque moderne », apparaît un nouveau substantif : « l’époque postmoderne ».
4 Si tant est que les travaux philosophiques de Peter Sloterdijk et Giorgio Agamben puissent dresser assez généralement le tableau de cette époque postmoderne, ou au moins en border les limites [1], l’emprise imaginaire et la constitution du droit sur la vie sont les conditions d’existence auxquelles les individus sont aujourd’hui soumis.
5 Pour préciser, retenons des travaux de Peter Sloterdijk que l’individu contemporain doit se contenter pour la satisfaction de ses désirs d’une quête de l’objet directement héritée du système capitaliste. Mais à la différence de ce dernier, le sujet doit alors ouvertement consentir à ne jamais rencontrer l’objet de ses désirs, malgré la course incessante qu’il engage dans ce but, et qui, en contrepartie, lui permet d’exister au sein de cette civilisation. Ces considérations philosophiques posées depuis Critique de la raison cynique ne laissent pas d’autre choix à l’individu que de se reconnaître ainsi leurré – ce qui n’est pas sans être un penchant avéré vers une possible dépression – ou bien de renoncer tout simplement à la moindre participation à la marche de l’époque culturelle postmoderne.
6 L’aspect de la condition contemporaine développée dans ses travaux par Giorgio Agamben montre que le lien politique, jusqu’alors placé sous le signe de la démocratie, devient lentement l’instauration d’un état de droit où le sujet ne possède absolument plus sa vie. Celle-ci, au nom même de la démocratie, devient l’enjeu par lequel le politique exerce son droit pour la préservation coûte que coûte de la démocratie, ce qui a pour effet de ne garder de celle-ci qu’un concept idéologique et non plus une structure possible pour une société. Pas à pas, le lien politique tend à ne plus considérer ni prendre en compte les revendications et conditions d’existences sociales que nous pourrions placer sous le registre du symbolique, pour leur préférer un comptage pur et simple de l’individu comme seule entité vivante et non plus pensante.
7 Depuis ces deux approches au travers desquelles nous résumons l’existence postmoderne de l’individu comme d’une part celle d’un roi déchu, condamné pourtant à conserver et à régner sur son royaume, et d’autre part celle d’un individu voyant son identité politique être strictement réduite à sa vie sur laquelle il n’a plus de droit, nous allons examiner les conditions cliniques d’existence de sujets dits de structure psychotique de type mélancolique. Pour ce faire, nous nous appuyons essentiellement sur deux recueils de travaux majeurs de Sigmund Freud. D’abord l’article intitulé Deuil et mélancolie que l’on trouve dans l’ouvrage Métapsychologie, ensuite Psychologie des foules et analyse du moi et Le moi et le ça, tous les deux regroupés dans les Essais de psychanalyse. Plus généralement, ces deux ouvrages correspondent strictement à l’élaboration de la première (1915) et de la seconde topique freudienne (1921-1923), où par deux fois Sigmund Freud a proposé, et ce dans le strict intérêt de la technique psychanalytique, une modélisation de l’appareil psychique humain.
Structure de la mélancolie
8 En psychanalyse freudienne, en deçà de l’intrication nécessaire des pulsions de vie et de mort pour concevoir la civilisation, la mélancolie, de façon très succincte, est caractérisée par une négation du biologique et de son éphémère. Nous allons détailler maintenant ce phénomène.
9 Autant chez le sujet normal, les jeux de l’amour portent sur les allées et venues d’objets substitutifs et autorisent la civilisation parce que le premier objet a été fondamentalement perdu, autant chez le sujet mélancolique, il n’y a pas de disparition radicale de ce premier objet qui ensuite autoriserait les mécanismes de l’amour. Techniquement, si l’objet d’amour réel est perdu, la psychanalyse freudienne a montré que dans la mélancolie, un investissement libidinal de type narcissique crée dans le moi une copie conforme de l’objet perdu (il perdure plus qu’il n’est reconnu perdu). Si de la sorte l’inscription sociale des sujets mélancoliques et leur participation à la civilisation semblent fortement compromises, il arrive que, malgré quelques embarras, elles puissent être fabriquées par certains sujets. Le poète Fernando Pessoa, le philosophe Louis Althusser, ou encore le peintre Edvard Munch, sont de ceux qui ont ainsi par leur travail réussi là où leur mélancolie semblait les condamner à échouer.
10 Une telle approche énergétique posée par Sigmund Freud distingue ainsi dans la mélancolie un investissement libidinal surdimensionné envers cet objet que le sujet a de plus cher au point qu’il est recréé dans le moi par identification, et un investissement libidinal amoindri – voire nul – envers un objet qui rappelle au sujet ce que lui et l’objet ont de chair, de purement biologique [2]. Pour le mélancolique, ce moment où pourrait pourtant se réaliser la perte radicale (et de l’objet réel, et de l’identification), et où devrait se réaliser le sujet comme sujet du désir, correspond au suicide pur et simple. Bien sûr, le suicide n’est pas la seule issue pour le sujet mélancolique. Mais il signe à rebours un état mélancolique qui n’aurait pas été diagnostiqué. En revanche, lorsque la solution trouvée dans la mélancolie n’est pas le suicide, elle est cet état amoureux le plus extrême, sous-tendu par la conservation de l’objet perdu mais identifié sur le moi. Par la posture narcissique de cet investissement libidinal et malgré l’existence d’un tel amour, la question d’une inscription sociale est toutefois fortement compromise. Pourtant, à ainsi accepter sa condition, c’est-à-dire en ne réglant pas son sort par le suicide, le sujet mélancolique consent à l’expérience de la parole. Si, pour la doctrine psychanalytique des psychoses, le discours parfois tenu par le sujet traduit la désintrication des pulsions, à l’écouter, le sujet mélancolique s’accable d’être le déchet du monde [3].
11 Cela dit, une telle posture psychique demeure pourtant conflictuelle. En ce sens, elle ne règle en rien la condition du sujet mélancolique. De prime abord, pris dans ce jeu où aucun autre ne peut venir mettre en balance l’angoisse écrasante de ces mécanismes internes et de leur fatalité qu’il traduit par son discours, le sujet mélancolique peut seulement régler ce conflit par la manie [4]. Celle-ci, insigne d’une fausse guérison, fonctionne tout de même comme une voie de régulation du conflit autre que le suicide. Plus concrètement, c’est à celle-ci que nous devons les réalisations des sujets que nous avons cités. Le tableau d’Edvard Munch, Le cri, reproduit, par la figuration d’une bouche vers laquelle convergent tous les traits du tableau, l’investissement surdimensionné de tous les objets à la portée du sujet, sans aucune exception. Le texte Trois notes sur la théorie des discours de Louis Althusser témoigne d’une lucidité exceptionnelle sur la condition du sujet de l’époque moderne, où l’organisation des discours et de la vie des sujets est toujours due et centrée autour de celui qu’il appelle le Sujet. Avec Fernando Pessoa et son célèbre Livre de l’intranquillité, l’écriture poétique va jusqu’à tracer pas à pas l’inconsistance et l’incomplétude d’une vie qui aurait pourtant dû échapper au sujet.
Mélancolie et postmodernité
12 Les principaux traits cliniques de la mélancolie ayant été posés, que devient alors la mélancolie dans cette époque culturelle qu’est la postmodernité, et depuis ses principales caractéristiques que nous avons extraites des travaux de ces philosophes contemporains que sont Peter Sloterdijk et Giorgio Agamben ?
13 D’abord – et c’est aussi pourquoi nous ne pouvions faire l’économie de ces explications techniques –, il faut savoir que la constitution des instances psychiques chez un sujet et leur développement sont corrélatives de l’inscription sociale de celui-ci. Alors que chez l’enfant Sigmund Freud reconnaissait que le moi n’était pas encore différencié d’avec le monde extérieur, par le complexe d’Œdipe, Sigmund Freud a montré qu’une maturation était nécessaire avant que l’individu Freud dans Psychologie des foules et analyse du moi, est cet état qui commence lorsque les reproches et agressions envers l’objet, qui se manifestaient sous la forme d’auto-reproches mélancoliques, sont renversés et transformés en manie. Alors que règne dans le sur-moi une pure culture de la pulsion de mort, le moi peut se défendre en virant dans la manie. Observé de l’extérieur, ce virage dans la manie correspond à ce moment où le sujet part « comme un affamé en quête de nouveaux investissements d’objet ». Ces autres investissement sont rendus possibles parce que dans cette lutte entre le moi et l’emprise de l’objet identifié, le moi a été déclaré plus fort. Paradoxalement, si cela peut être perçu comme une amélioration, puisque au moins dans cette configuration, l’emprise sadique et donc le suicide peuvent être maintenus à l’écart, les investissements qui ont lieu dans la manie ont seulement pour but d’asseoir aussi longtemps que possible le règne de ce moi déclaré tout-puissant. Malgré les apparences, il n’y a, dans la manie, aucune rencontre avec le manque de l’Autre, aucune reconnaissance que l’objet réel a été perdu, aucun mouvement dirigé par le désir. La manie permet seulement au moi de subsister, parce qu’elle fonctionne comme système de défense contre la pulsion de mort. Entre autres, cela signifie que ces investissement dans la manie ne sont pas orientés par l’absence ou la perte de l’objet réel, et non plus par la quête d’un objet substitutif, comme cela se passe dans toute relation amoureuse. puisse exister à part entière, en tant que sujet distinct de ses déterminations familiales. Autrement dit, si nous pénétrons plus en profondeur les instances psychiques que Sigmund Freud a développées dans sa seconde topique, ça, moi et surmoi ne sont agencés d’une façon névrotique viable qu’après une longue maturation et des conflits néanmoins nécessaires.
14 Quoi qu’il en soit, toujours dans ces cas de figure paraissant être ceux d’une norme inéluctable, la perte de l’objet réel doit et est nécessairement entièrement consommée. Or, nous savons que concernant la mélancolie, il reste sur le moi une reproduction de l’objet d’amour. Et nous savons aussi que perdre cette identification se solderait chez le sujet mélancolique par le suicide. Autrement dit, l’agencement psychique de type œdipien est impossible dans les cas de mélancolie. Plus encore, alors que Sigmund Freud expliquait que revenait au surmoi d’exercer cette emprise sadique provoquant chez le sujet mélancolique ce discours si caractéristique, il fallait entendre qu’il s’agissait là du surmoi qu’il appela pourtant seulement plus tard le « surmoi d’une époque culturelle ». En effet, comme tel, du point de vue du développement si ambigu dès qu’il s’agit de psychanalyse, et aussi pour les raisons que nous avons évoquées, le surmoi propre au sujet mélancolique n’est pas constitué (dans le sens où le surmoi est pour Sigmund Freud l’héritier du complexe d’Œdipe).
15 Nous nous arrêtons alors ici un instant pour constater ce fait : si, dans le cas de la mélancolie, le sujet qui consent à l’expérience de parole produit un discours au travers duquel il s’accable d’être le déchet du monde, lorsque Sigmund Freud nota là l’emprise du surmoi, il releva implicitement que ce surmoi d’une époque culturelle exigeait auprès de chaque individu d’une telle civilisation l’interdiction radicale de posséder un objet unique que la somme même de tous les autres objets n’aurait pu égaler – ces mêmes objets qu’il aurait en revanche pu tous posséder. Autrement dit, la structure de la civilisation moderne trouvait là son axiome, la mélancolie en énonçait le paradoxe, tout ceci préfigurant l’agencement de la société postmoderne comme un modernisme éclairé, c’est-à-dire selon les conditions que nous avons reprises depuis les travaux de Peter Sloterdjk. Ensuite, si la description technique des troubles propres à la mélancolie dépeint de fait le surmoi d’une époque culturelle, peut-on aussi expliquer par une déduction similaire l’équivalence manifeste entre le rejet de la pulsion sexuelle, du biologique, de la chair, au travers de la mélancolie décrite par Sigmund Freud peu avant la fin de l’époque moderne, et le sort fait à la vie nue tel que Giorgio Agamben veut en faire une condition d’émergence de la société postmoderne ? Reprenons le sens des termes employés par Sigmund Freud : il avançait que la civilisation existe par la succession de différentes époques culturelles qu’il suggéra implicitement de délimiter depuis leur surmoi. Concernant l’interdiction de l’inceste – qui n’est autre que le premier principe de la civilisation humaine pour Sigmund Freud – et correspondant à l’interdit de la possession d’un objet pour l’époque moderne, nous avons pu déduire qu’il s’agissait là de l’agencement topique d’un surmoi. La question se pose alors de savoir si nous pouvons faire la même déduction en ce qui concerne la chair, le biologique, la vie nue.
16 Si nous avions alors à répondre par l’affirmative, cela signifierait que nous aurions mis sur un même plan cette instance psychique qu’est le surmoi, et les mécanismes de la libido aussi développés par Sigmund Freud. Or, l’équivalence que nous chercherions ainsi serait de toute façon impossible. En effet, dans l’élaboration freudienne, le surmoi est un des fruits possibles des mécanismes de la pulsion. Mais à la différence de la pulsion sexuelle qui concernait pour Sigmund Freud tous les individus et même les enfants [5], le surmoi est dans sa théorie seulement l’une des voies de domestication de la pulsion sexuelle. Certes, dans la mélancolie, le surmoi d’une époque a une emprise évidente puisqu’il réprime la condition de ce sujet affublé de l’objet identifié. Mais à la différence de l’objet, les pulsions (sexuelle et d’auto-conservation) qui agencent l’investissement d’objet sont inhérentes à la condition humaine, bien en deçà de la question du surmoi qui n’en signe que leur possible domestication.
17 Cela étant dit, autant nous ne pouvons pas établir une symétrie par comparaison entre le biologique et le surmoi pour comprendre l’apport du savoir de la mélancolie pour la société postmoderne, autant la vie nue est tout de même la chose intimement rejetée par le sujet mélancolique. Si nous citions Louis Althusser en sa qualité de sujet mélancolique, nous retrouvons là tout de même le fondement de sa pensée exposée dans l’article que nous avons cité. À ne plus être dans les mains du sujet – eût-il même affaire aux mécanismes inconscients –, la condition minimale d’existence que peut être la vie nue peut tout aussi bien tomber dans les mains d’un Autre qui en saisit alors l’enjeu (précisément celui que Louis Althusser nomma le Sujet). Or, cette condition n’est autre que la condition d’existence proposée par Giorgio Agamben pour l’individu de la postmodernité. Si la politique moderne ne se mêlait pas encore de la chose qui échappait à tout contrôle, en se saisissant de la vie nue comme outil premier du pouvoir d’une postmodernité émergente. Certes le politique dirige de façon artificielle les individus vers une mélancolie contrôlée, mais pire encore il désexualise l’humanité.
Ouverture
18 À créer la mélancolie, le sujet postmoderne n’en a pourtant pas la structure. C’est-à-dire que si le politique postmoderne prend effectivement cette voie, il faudra bien que ce mécanisme que Sigmund Freud a appelé le retour du refoulé et qui concerne les sujets dits normaux, de structure névrotique, fasse surface d’une manière ou d’une autre dans une zone de non-droit que le politique postmoderne, à tout vouloir contrôler, n’aura pas encore identifié.
Bibliographie
Bibliographie
- AGAMBEN, G., Bartleby ou la création, Paris, Circé, 1995.
- AGAMBEN, G., L’Homme sans contenu, Paris, Circé, 1996.
- AGAMBEN, G., Ce qui reste d’Auschwitz, Paris, Bibliothèque Rivages, 1999
- AGAMBEN, G., Homo Sacer I : Le pouvoir et la vie nue, Paris, Seuil, 1997.
- AGAMBEN, G., État d’exception : Homo Sacer II, Paris, Seuil, 2003.
- ALTHUSSER, L., Écrits sur la psychanalyse, Paris, STOCK/IMEC, 1993.
- ARENDT, H., Qu’est-ce que la politique ?, Paris, Seuil, 1995.
- FREUD, S., Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968.
- FREUD, S., Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981.
- FREUD, S., La Vie sexuelle, 11e éd., Paris, PUF, 1997.
- GOMBRICH, E.H., Histoire de l’art, Paris, Gallimard, 1997.
- PESSOA, F., Le Livre de l’intranquillité, Paris, Christian Bourgois Éditeur, 1999.
- SLOTERDIJK, P., Critique de la raison cynique, Paris, Christian Bourgois Éditeur, 2000.
- SLOTERDIJK, P., Essai d’intoxication volontaire suivi de L’heure du crime et le temps de l’œuvre d’art, Paris, Hachette Littératures, 2001.
- SLOTERDIJK, P., Règles pour le parc humain, Paris, Mille et une nuits, 2002.
- SLOTERDIJK, P., La Domestication de l’être, Paris, Mille et une nuits, 2000.
Notes
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[*]
Chercheur à l’ERC, Toulouse le Mirail, ATER à Montpellier III.
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[1]
Bien que l’abord clinique de l’élaboration de la doctrine psychanalytique ait conduit Sigmund Freud à concevoir la philosophie comme un système paranoïaque déformé, comme ses contemporains et l’ensemble des penseurs, il la considérait comme le reflet d’une époque et la somme des traits caractérisant une société ou une civilisa- tion. Aussi, pour que notre exposé, tel qu’il est agrémenté de descriptions psychana- lytiques de phénomènes cliniques, puisse rester logique et orienté par la psychana- lyse, nous conservons cette définition générique de la philosophie comme un instan- tané de l’organisation d’une société ou d’une civilisation.
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[2]
Ainsi comprend-on pourquoi la psychiatrie préconise encore aujourd’hui les électro- chocs aux sujets mélancoliques. Ceux-ci sont censés provoquer chez ces sujets une réponse à leur incontournable réalité biologique. Pour la psychiatrie, si réponse il y a à cette stimulation, alors peut être envisagé un soin psychique.
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[3]
Dès Deuil et mélancolie, Sigmund Freud avait donné des éléments explicatifs sur et à propos d’un tel discours tenus par les sujets mélancoliques. En avançant que « le moi (…) est écrasé par l’objet », il expliquait que le moi avait cédé sous la pression exercée par la quantité d’énergie investie pour conserver l’objet identifié, et qu’il ne restait plus au sujet que de faire état de cet échec. Mais dans les Essais de psychana- lyse, ce fut à une autre instance qu’il attribua l’existence d’un tel discours. Ce qui est en fait responsable de ce malheur dénoncé par le sujet mélancolique, c’est le surmoi. Celui-ci exerce une emprise sadique des plus extrêmes, à cause de l’existence chez le sujet mélancolique de l’objet qui devrait être perdu.
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Sigmund Freud employa le terme de manie au moins sous deux sens différents. Le premier, tel qu’il est présenté dans Métapsychologie, correspond à la phase aggra- vée de la maladie. Pour le second, celui que nous retenons ici, développé par Sigmund
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Bien sûr, mais les lecteurs de Sigmund Freud l’auront tout de suite noté, l’existence d’une vie sexuelle infantile est dans l’œuvre de Sigmund Freud un terme générique pour indiquer qu’il existe déjà une activité sexuelle, sans qu’elle ait à être équivalente à celle des adultes.