Couverture de SOCO_107

Article de revue

Métropolisation, intercommunalité et inégalités sociospatiales

Pages 79 à 108

Notes

  • [1]
    Dans ce texte, les termes « agglomération » et « espace métropolitain » sont utilisés pour désigner de manière très générale une réalité géographique, celle de la grande ville. Lorsque nous utilisons l'expression « aire urbaine », c'est en référence à la notion développée par l'Insee pour objectiver le phénomène d'agglomération urbaine ou de métropole, à savoir « ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci ». Enfin, les termes « communautés urbaines » et, désormais, « métropoles » désignent une réalité institutionnelle : celle des établissements publics de coopération intercommunale mis en place pour gouverner ces espaces métropolitains. On notera que dans la très grande majorité des cas, le périmètre des communautés urbaines et des métropoles est plus réduit que celui des aires urbaines.
  • [2]
    La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite loi Maptam) a consacré juridiquement le terme de métropole dans le droit français et rend obligatoire la transformation des établissements publics de coopération intercommunale en métropole dans les territoires de plus de 400 000 habitants situés dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. Sont concernées les agglomérations de Paris, Lyon et Aix-Marseille qui sont dotées de métropoles à statut particulier, ainsi que 13 autres grandes villes.
  • [3]
    Établissement public de coopération intercommunale.
  • [4]
    L'indice de Gini est un indicateur synthétique des inégalités. Il varie entre 0 et 1. Il est égal à 0 dans une situation d'égalité parfaite où tous les salaires, les revenus, les niveaux de vie seraient égaux. À l'autre extrême, il est égal à 1 dans une situation la plus inégalitaire possible, celle où tous les salaires (les revenus, les niveaux de vie...) sauf un seraient nuls. Entre 0 et 1, l'inégalité est d'autant plus forte que l'indice de Gini est élevé. Dans ce papier nous avons utilisé l'indice de Gini sur les revenus fiscaux déclarés par unité de consommation. Le revenu fiscal correspond à la somme des ressources déclarées par les contribuables sur la déclaration des revenus avant abattement. http://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1551.
  • [5]
    Il a été calculé comme pour l'indice de Gini, mais en retenant comme unités d'analyses non plus les ménages mais les communes, en prenant en compte le revenu global des ménages qui y résident, pondéré par la population communale.
  • [6]
    La construction de ces indicateurs a suivi un protocole commun qui cherchait à rendre compte de la situation de fragilité sociale des communes. Cette approche s'inspire des études qui analysent d'une manière multidimensionnelle la situation de pauvreté, en dépassant donc une vision uniquement centrée sur la distribution des revenus. Sur les débats autour de la conceptualisation et de la mesure de la pauvreté et de l'exclusion sociale, voir : (Room, 1995).
  • [7]
    Ce taux indique le rapport des personnes non actives (< 15 et > 65 ans) sur le total de la population de la commune. Il permet de rendre compte de la concentration des personnes qui sont supposées être davantage dépendantes des transferts et de services publics d'assistance.
  • [8]
    Les indicateurs synthétiques ont été calculés de la manière suivante : SES index = revenu municipal moyen + taux des habitants avec bac+2. SES Hardship index = taux de chômage + taux d'habitants sans bac + taux de dépendance. Les indicateurs ont tous été normalisés (i.e. Indicateur d'éducation = [(moyenne commune ­ MinMetro) / (MaxMetro-MinMetro)]*100.
  • [9]
    Le potentiel fiscal est un indicateur de richesse fiscale : il correspond à la somme que produiraient les taxes directes d'une collectivité si on appliquait le taux moyen national d'imposition selon la catégorie démographique.
  • [10]
    Ainsi, à la suite d'une augmentation modeste des niveaux de vie qui avait été enregistrée entre 2008 et 2011, depuis 2012 les inégalités de revenus sont à la baisse.
  • [11]
    À cet égard, nous renvoyons au rapport réalisé par la Cour des comptes en octobre 2016. Il donne une lecture très fine des déterminants des disparités de dépenses de communes et de leurs groupements.

Introduction

1Les espaces métropolitains [1] sont souvent représentés comme des lieux travaillés par des mécanismes de spécialisation ou de tri social et ethnique (Buisson et al., 2005 ; Gaschet et Lacour, 2008) et d'émergence d'enclaves de riches ou de pauvres (Fainstein et al., 1992 ; Hamnett, 1994 ; Marcuse et Van Kempen, 2000). Dans le sens commun comme dans les discours savants, les espaces métropolitains sont souvent associés à des phénomènes de mise à distance de l'altérité sociale et ethnique, de recherche de l'entre-soi (Charmes, 2001) et d'exacerbation des phénomènes de ségrégation, même si la généralité de ces phénomènes est nuancée par une part non négligeable de la littérature (Simon, 2005 ; Préteceille, 2006, Andreotti et al., 2013).

2Face aux effets sociospatiaux supposés de la métropolisation, les réformes ou projets de réformes des structures de gouvernance métropolitaine se multiplient un peu partout, en France notamment [2]. Le sens à donner à ces réformes est loin de faire l'unanimité que ce soit dans le débat public ou scientifique. Les structures de gouvernance métropolitaine sont soupçonnées tantôt d'être neutralisées par les intérêts municipaux (Le Saout, 2000 ; Desage et Guéranger, 2011), tantôt d'être avant tout porteuses d'agendas néolibéraux et boosterist (Brenner, 2003 ; Jonas et Ward, 2007) propres à accentuer les dynamiques sociospatiales sous-mentionnées. Pourtant, les réformes métropolitaines ont souvent été menées au nom de la lutte contre les inégalités territoriales. En France, dans les débats qui ont accompagné la discussion de la loi Chevènement de 1999 sur le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale, l'objectif du gouvernement n'était rien moins que de lutter contre l'apartheid urbain au moyen de l'intercommunalité (Estèbe, 2004). Ailleurs, la création de gouvernement métropolitain a toujours été plutôt le fait de forces progressistes, et leurs contempteurs politiques et théoriques ont toujours été recrutés au sein de la droite politique et académique (Lefèvre, 2009).

3Cet article vise à prendre position dans ce débat en investiguant deux dimensions. D'abord nous avons cherché à objectiver l'intensité des inégalités sociospatiales dans les métropoles françaises. Pour ce faire, nous avons opté pour une perspective comparée rendue possible par l'inscription de cette recherche dans les travaux de l'International Metropolitan Observatory (IMO) qui observe les mécanismes de métropolisation et leurs effets économiques, politiques et sociaux dans une dizaine de pays (Hoffmann-Martinot et Sellers, 2007 ; Sellers et al., 2013 ; Sellers et al., 2017). La deuxième dimension est relative à l'action publique. Nous nous sommes demandés dans quelle mesure l'action publique pouvait favoriser, contenir ou contrarier les mouvements d'accroissement des inégalités sociospatiales que l'on associe spontanément à la métropolisation. Pour répondre à cette question, nous nous sommes intéressés d'une part, aux transferts de l'État et des structures intercommunales vers les communes et, d'autre part, à la capacité de dépense des communes.

4La première section de cet article est consacrée à la présentation du cadre dans lequel nous avons travaillé. Nous y revenons notamment sur la notion de régime d'égalité spatiale, forgée dans le cadre du projet IMO, et sur les outils d'analyse dont nous nous sommes collectivement dotés pour objectiver ces régimes. Dans la deuxième section, nous présentons l'état des inégalités sociospatiales sur les dix premières aires urbaines françaises avec un zoom sur quatre métropoles : Bordeaux, Lille, Lyon et Nantes. Dans la troisième section, nous nous penchons sur les effets potentiellement égalisateurs de deux dimensions des politiques publiques : les transferts monétaires entre niveaux de gouvernement et les dépenses municipales.

5Deux précisions méthodologiques s'imposent quant à notre échantillon et à la période étudiée. En ce qui concerne l'échantillon des cas analysés, nous avons procédé en deux temps. Nous nous sommes d'abord intéressés aux dix plus grandes aires urbaines françaises afin d'y analyser l'évolution globale des inégalités sociales. Ensuite, nous avons resserré la focale sur quatre cas : Bordeaux, Lille, Lyon et Nantes. Ces quatre cas avaient l'avantage de présenter des situations d'inégalités assez différentes (Bordeaux et Nantes s'avérant plus égalitaires que Lyon et Lille) et des modalités de gouvernance métropolitaine distinctes (Lyon et Nantes présentant des formes de coopérations intercommunales plus approfondies que Lille et Bordeaux). Nous avons exclu Paris car, comme nous le verrons dans la première partie, la région capitale présente des valeurs qui la situent dans une classe à part. Ici, les effets de la hiérarchie urbaine française (avec une capitale surclassant nettement les capitales régionales en termes de démographie et de puissance économique), de la taille et de la concentration des fonctions et des emplois métropolitains jouent pleinement, et rendent difficiles les comparaisons entre Paris et les autres grandes villes françaises. Par ailleurs, jusqu'à la loi Maptam, Paris ne bénéficiait pas de structures de gouvernance métropolitaine. Dans cette seconde phase, nos unités d'analyse sont les territoires des communautés urbaines devenues métropoles et non plus les aires urbaines, afin de repérer les effets potentiellement redistributeurs des politiques menées par les institutions intercommunales. En ce qui concerne la période d'étude, nous avons décidé de la limiter grosso modo à la première décennie des années 2000. Cette période est marquée par une première accélération de l'institution de pouvoirs politiques à l'échelle métropolitaine consécutive à la loi Chevènement de 1999. La période qui lui succède, à partir de 2008, est marquée à la fois par la crise économique et une série de modifications des rapports entre l'État et les villes, notamment une réduction des transferts du premier vers les secondes, qui ont vraisemblablement changé la donne. Toutefois, le recul manque encore pour saisir les effets à long terme de ces bouleversements. On peut dire, et cela ressort des lignes qui suivent, que les transferts de l'État ont un net effet péréquateur et que leur réduction pourrait affecter les régimes d'égalité spatiale des grandes villes françaises.

Cadre d'analyse, outils et indicateurs

Identifier des régimes d'égalité spatiale

6L'un des objectifs de l'enquête de l'IMO est d'identifier des régimes d'égalité spatiale qui caractérisent les espaces métropolitains de pays industrialisés et émergents. Selon Jefferey Sellers, ces régimes « reflètent les différences nationales en termes d'État providence, d'institutions encadrant le capitalisme et de relations centre-périphéries. Ils peuvent également être le produit d'arrangements stabilisés à l'échelle régionale ou métropolitaine, et/ou caractérisant certains secteurs de politique publique » (2010). L'hypothèse sous-tendue par ce programme de recherche est que même si les sociétés et les espaces urbains des pays développés sont travaillés par des dynamiques communes (agendas politiques néolibéraux, tertiarisation, dualisation des marchés du travail, hypermobilité, etc.), les choix politiques opérés à différents niveaux et leur traduction dans des politiques publiques médiatisent largement ces dynamiques. Cette hypothèse prend donc sa place dans un courant d'économie politique néo-institutionnaliste sensible à la fois aux contraintes imposées par le contexte d'économie capitaliste et à la diversité des institutions et politiques qui cadrent et donnent une forme toujours spécifique au système capitaliste en fonction des lieux et des époques (Hall et Soskice, 2001). Par ailleurs, les chercheurs mobilisés dans l'IMO partagent la conviction « néolocaliste » selon laquelle les dynamiques de globalisation et de métropolisation ne sont pas exclusives de processus de dénationalisation et de réorganisation de capacités de régulation à l'échelle locale (Goetz et Clarke, 1993 ; Sellers, 2002 ; Le Galès, 2002). Par conséquent, les variétés de régimes d'égalité spatiale peuvent ne pas s'exprimer uniquement entre pays mais à l'intérieur d'un même cadre national.

7Il existe des variables nationales qui structurent les régimes d'égalité spatiale des agglomérations françaises. Parmi ces variables, il faut d'abord mettre en avant la nature de l'État providence et du capitalisme français. La France est généralement associée à l'idéal-type des économies de marché coordonnées (par opposition aux économies de marché libérales) et à la variété « corporatiste-conservatrice » des État providence, même si ces types ont généralement été forgé à partir du cas allemand. De fait, la France ne cadre pas toujours parfaitement avec ces idéaux-types (Schmidt, 2012). Là où la coordination du capitalisme (de l'effort productif, de recherche, des dispositifs de protection sociale, etc.) est assurée par des formes de cogestion, de négociation tripartite dans les pays du nord de l'Europe, elle est souvent assurée par l'État et ses grands corps en France. Cela n'est pas innocent relativement au régime d'égalité spatiale car les décisions d'investissement productif et de localisation des activités ont pendant longtemps été prises sous l'égide de l'État avec, à certaines périodes, un net souci de redistribution de l'appareil productif au profit de territoires périphériques. De plus, l'essentiel des dispositifs de l'État providence français est contrôlé, abondé et opéré par l'État central lui-même ou par des institutions à organisation très centralisée et non par les collectivités locales. Là, non plus, ça n'est pas sans conséquence car cette prise en charge étatique du welfare assure d'une part, une présence des institutions de l'État providence (et des emplois qui vont avec) à un niveau territorial très fin et d'autre part, permet aux collectivités territoriales de dégager des marges de manœuvre financières pour conduire d'autres politiques publiques. Reste à voir si celles-ci participent à réduire les inégalités sociospatiales.

8La compréhension des régimes d'égalité spatiale implique également la prise en compte d'une deuxième série d'éléments cruciaux : la nature des rapports entre l'État central et les gouvernements locaux. Trois aspects ont été retenus pour conduire la comparaison dans le cadre du projet IMO : la répartition des compétences entre le centre et la périphérie, et le degré de liberté (discretion en anglais) dont les gouvernements locaux peuvent jouir dans l'exercice de leurs compétences ; le degré d'autonomie financière dont bénéficient les gouvernements locaux ; la présence du centre au niveau local que ce soit par la prise en charge ou par la participation à la prise en charge de compétences ou par le contrôle des actes des gouvernements locaux. Dans les travaux classiques de comparaison des systèmes de gouvernement local et de rapports centre-périphérie, la France est classée dans la catégorie des systèmes (southern, chez Page et Goldsmith, 1987 ; franco chez Hesse et Sharpe, 1991) dans lesquels les compétences et ressources financières des gouvernements locaux sont les plus faibles, et où le contrôle par le centre est le plus serré. Dans les faits, la situation est beaucoup moins caricaturale ­ a fortiori depuis les lois de décentralisation et la montée en puissance des intercommunalités urbaines ­ et tend souvent à déconcerter les observateurs étrangers (Pinson, 2010). Du point de vue des compétences, la situation française est extrêmement complexe puisque la clause générale de compétences et un système de politiques publiques dit « fusionné » (où la plupart des politiques publiques sont élaborées et mises en œuvre de manière concertée par différents niveaux) font que l'intervention des gouvernements locaux n'est pas exclusive de celle d'un État central historiquement très présent dans les territoires. L'autonomie fiscale, quant à elle, est plutôt élevée puisque le ratio d'autonomie fiscale du secteur communal (communes + EPCI [3]) dépasse 60 % (62,3 % en 2009) et atteint souvent 70 % pour les plus grandes communes. Quant au niveau de contrôle exercé par l'État, il s'est considérablement allégé depuis les lois de décentralisation. En outre, contrairement à ce que l'on observe dans les pays du nord de l'Europe dont les gouvernements locaux sont pourtant réputés plus puissants et autonomes, la majeure partie des transferts versés par l'État aux gouvernements locaux n'est pas fléchée (earmarked en anglais), autrement dit réservée à certains types d'usages. Cela accroît singulièrement la marge de manœuvre des gouvernements locaux. Pour autant, les compétences assez larges des gouvernements locaux français, le degré significatif d'autonomie fiscale et la marge de manœuvre appréciable dont ils bénéficient ne sont pas incompatibles avec un degré relativement limité d'inégalités entre communes.

9Enfin, le portrait du régime d'égalité spatial français ne serait pas complet si l'on n'évoquait pas la manière dont le pays a réglé la question du gouvernement des métropoles. Précisons d'abord que la France se caractérise par un degré de fragmentation municipale sans équivalent dans le monde. La population médiane des communes de France métropolitaine est de 432 habitants alors qu'elle de 11 265 habitants en Belgique, 5 505 en Espagne ou 2 343 en Italie. Alors que dans la plupart des pays européens, le problème de la fragmentation municipale a été réglé par la fusion de communes, en France, le lobby des élus locaux a fait obstacle à cette solution. Dès lors, la coopération intercommunale, forme de coopération volontaire ne remettant pas en question la souveraineté de l'échelon municipal, a été privilégiée. Dans certains cas, cette forme de coopération n'a pas empêché l'émergence de puissants « pouvoirs d'agglomération ». Globalement, sur un continuum des formes de gouvernance métropolitaine balisé ­ d'un côté par la solution marché ou public choice qui voit, dans la fragmentation municipale et la concurrence entre communes, un moyen efficace et efficient de produire des services et de l'autre, par la solution du gouvernement métropolitain qui confie l'essentiel des compétences jusqu'alors exercées par les municipalités à des institutions métropolitaines disposant de conseils directement élus et d'une capacité à lever l'impôt (Lefèvre, 2009) ­, la France a évolué du premier vers le second depuis un demi-siècle. En effet, d'une situation caractérisée par une coopération entre communes limitée à la gestion des services, on est progressivement passé à une situation de forte institutionnalisation de la coopération intercommunale, laquelle est allée de pair avec un renforcement continu des compétences exercées par les EPCI. Si l'intercommunalité à la française diffère encore du modèle du « gouvernement métropolitain » par la préservation de la souveraineté communale qu'elle organise, elle n'en est pas moins progressivement devenue une des formes les plus abouties de coopération institutionnalisée à l'échelle supramunicipale. Elle permet, dans certains cas, la mise en place de véritables politiques redistributives (Pinson, 2008 ; Reigner et al., 2010).

Le protocole d'analyse IMO : outils d'analyse et indicateurs

10Le projet IMO impliquant une douzaine de pays qui présentent des niveaux de développement économique et des systèmes politicoinstitutionnels extrêmement divers, il a fallu doter les participants d'instruments de mesure et de variables standardisés permettant la comparaison. Dans cette section, nous présentons brièvement ce protocole commun, les variables et indicateurs imposés à tous, et comment, pour le cas français, nous avons construit nos indicateurs et collecté les données.

Indicateurs socioéconomiques

11Un premier groupe d'indicateurs a servi à analyser l'évolution dans le temps des inégalités sociospatiales. En ce qui concerne les données pour les dix premières aires urbaines françaises et les quatre communautés urbaines, devenues depuis métropoles, de notre échantillon (Bordeaux, Lille, Lyon et Nantes), nous avons utilisé des indicateurs d'inégalité calculés par l'Insee (indice de Gini, rapports interdéciles). Ces indicateurs expriment l'inégalité de la distribution des revenus par unités de consommation [4]. À partir de la même base de données, nous avons calculé un indicateur, nommé « Gini spatial », qui est une mesure de la concentration communale des revenus au sein des communautés urbaines, devenues métropoles [5]. L'indice de « Gini spatial » est donc un indicateur de la dispersion/concentration des revenus entre communes constitutives d'un ensemble gouverné par une même structure intercommunale. Cet indice a deux défauts. Celui, adressé de manière générale à l'indice de Gini, de ne pas permettre une prise en compte des inégalités de patrimoine. Et celui de ne pas prendre en compte les variations infracommunales. Il a néanmoins deux mérites. D'abord, dans un pays comme la France où les communes sont petites et les agglomérations composées de plusieurs dizaines de communes, cet indice peut donner un premier aperçu des situations d'inégalité spatiale. Ensuite, il prend tout son sens dans une perspective comparative.

12Afin d'analyser de manière plus fine les caractéristiques sociospatiales des quatre métropoles objets de l'étude, le protocole IMO prévoyait la construction de deux indicateurs synthétiques des conditions de vie dans les communes [6]. Le premier, Socio-Economic Status (SES), est un indicateur général du niveau de vie des habitants des communes, en termes de dotation de ressources économiques et culturelles. Il a été calculé à partir de deux variables : le revenu moyen par habitant et le pourcentage des habitants titulaires d'un diplôme bac+2. Le deuxième indicateur, baptisé SES Hardship est un indicateur plus fin qui permet de rendre compte du niveau de fragilité sociale auquel sont confrontés les habitants d'une commune. Il inclut trois variables : le taux de chômage moyen, le taux de dépendance moyen [7] et le taux moyen de personnes de 15 ans et plus sans diplôme secondaire [8]. Les trois variables cumulées permettent ainsi de rendre compte de manière multidimensionnelle et dynamique du profil de fragilité sociale des communes. Ces deux indicateurs nous ont permis de faire émerger des différences entre métropoles et au sein de celles-ci, grâce aux indicateurs de dispersion (écart type). Enfin, nous avons également différencié les communes selon leurs caractéristiques démographiques : ceci nous a amené à mettre en évidence une catégorie particulière de communes, qualifiés de low density suburbs, à savoir de municipalités dont la densité de la population est inférieure à la densité médiane de notre échantillon. Cette catégorie spécifique s'est révélée utile, à l'usage, pour mettre au jour des différences de morphologies sociospatiales et de régimes d'égalité spatiale entre agglomérations françaises. Dans certains cas, comme Lyon, ces communes constituent des îlots de richesses périphériques sur le modèle anglo-saxon ; à Nantes ou Bordeaux, elles présentent un profil moyen et peuvent parfois révéler des valeurs de fragilité sociale importante.

Indicateurs fiscaux

13Une deuxième catégorie de variables concerne les données relatives aux transferts, aux budgets des communes, à la structure de leurs revenus et de leurs dépenses. Elles ont été extraites de la base de donnée interministérielle « Les comptes des communes » pour la période de 2000 à 2007. En ce qui concerne les revenus des communes, le protocole IMO distingue trois catégories : self generated (taxes et impôts locaux, produits de services) ; grants and transfers from upper levels of government et shared revenues, à savoir les taxes et les impôts collectés par les niveaux supra communaux et transférés aux communes. Les données disponibles pour la troisième catégorie sont difficiles d'accès. Nous avons pu obtenir des données précises sur la dotation de solidarité communautaire et l'attribution de compensation, versées par les intercommunalités aux communes, uniquement dans le cas de Lyon. Pour les autres cas, nous avons pris comme proxy les autres produits dans les comptes des communes, ce qui limite notre capacité à monter en généralité sur ce point. Quant aux dépenses, le protocole IMO prévoyait une distinction entre dépenses de développement économique et dépenses sociales inexistante dans la présentation des comptes des communes. Nous nous sommes donc repliés sur la distinction entre dépenses d'investissement et dépenses de fonctionnement. Ceci dit, les compétences des communes intégrées dans des communautés urbaines relevant pour une grande part du social et de l'éducatif, les dépenses de fonctionnement des communes peuvent être considérées comme un bon proxy de leurs efforts en matière sociale. Enfin, pour affiner notre analyse, nous avons introduit un élément important dans le cas français : la distinction entre richesse sociale et fiscale (ou économique) des communes. Le sens commun tend à opposer des communes dont la population est riche et qui sont fiscalement prospères à des communes accueillant une population pauvre et dépourvue fiscalement. Or, la richesse fiscale des communes ne repose pas uniquement sur la fiscalité frappant les ménages mais aussi sur celle qui concerne les entreprises. Et même si les taxes locales sur l'activité économique reviennent aujourd'hui aux intercommunalités, les communes se voient rétrocéder une part du revenu fiscal généré par l'activité économique sur leur sol. Cela nous a conduit à classifier nos communes sur la base de deux mesures : leur potentiel fiscal (PFISC) [9] et leur richesse socioéconomique mesurée à travers l'indice SES.

Les inégalités sociospatiales dans quatre métropoles françaises

14Malgré une tendance au creusement des inégalités sociospatiales, la société française et les sociétés métropolitaines françaises demeuraient, au moins jusqu'en 2008, encore relativement égalitaires si on les compare à leurs homologues nord-américaines et même européennes. L'appartenance du cas français à la variété corporatiste-conservateur des États providence et à la famille des capitalismes coordonnés constitue sans doute une partie de l'explication de cette situation. L'effet redistributeur, à la fois sur le plan social et spatial, de la dépense publique, la présence à un niveau territorial très fin des équipements et institutions du welfare, mais également le rôle non négligeable des dépenses des collectivités territoriales sont autant de facteurs explicatifs supplémentaires. La distribution des richesses au sein des espaces métropolitains, que ce soit entre les ménages ou entre les communes, reflète cette situation relativement égalitaire. Ainsi, les valeurs des coefficients de Gini, à la fois dans leur dimension spatiale (répartition des richesses entre communes) et sociale (répartition des richesses entre ménages), sont relativement modestes. Ceci dit, lorsque l'on compare de manière plus fine la situation socioéconomique des quatre métropoles objets de cet article, des différences apparaissent et donnent à voir une variété de situations métropolitaines.

Inégalités de revenus aux échelles nationales et des aires urbaines

15Le régime français d'égalité est de fait parmi les moins inégaux du monde. Le coefficient de Gini national de la France s'établit à 0,29 pour l'année 2011, en deçà de la moyenne de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) établie à 0,31. Cette valeur apparaît particulièrement faible lorsqu'on la compare à celle des États-Unis (0,38), le quatrième pays le plus inégalitaire de l'OCDE. L'évolution des coefficients de Gini au cours des deux dernières décennies confirme le caractère comparativement égalitaire de la société française. Alors qu'entre la moitié des années 1980 et la fin des années 2000, les coefficients de Gini ont augmenté modérément mais régulièrement dans l'ensemble des pays de l'OCDE (0,3 point en moyenne), l'indice français est demeuré relativement stable. La situation française est largement le produit d'un État providence qui absorbe 28 % du PIB lorsque la moyenne de l'OCDE s'établit à 19 % (OCDE, 2011) et qui conserve un potentiel égalisateur. Des données récentes fournies par l'Insee confortent ce tableau et donnent à voir une situation substantiellement stable en ce qui concerne l'accroissement des inégalités de revenus (Insee, 2015b) [10]. Le modèle français de protection sociale semble dès lors avoir tenu pendant les années de la crise. Toutefois, ces données générales exprimées par les indicateurs de Gini ne rendent pas compte des dynamiques historiques d'accumulation et de concentration du patrimoine.

16Si on analyse l'évolution des inégalités à l'échelle des agglomérations, on constate également des valeurs de Gini modérées dans les dix premières aires urbaines françaises en dépit d'une tendance légère, mais régulière, à la hausse (cf. tableau 1). Les dix aires urbaines présentent des valeurs de Gini allant de 0,33 (pour Nantes) à 0,42 (pour Paris) en 2008 alors que, par exemple, ces taux varient entre 0,44 et 0,48 pour les trois métropoles canadiennes (Montréal, Toronto et Vancouver).

TABLEAU 1. Les inégalités de revenus dans dix aires urbaines françaises (indice de Gini) 2001-2008

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TABLEAU 1. Les inégalités de revenus dans dix aires urbaines françaises (indice de Gini) 2001-2008

Source : Insee, revenus fiscaux localisés des ménages (RFLM) par unités de consommation (UC).

17Dans ce tableau, l'aire urbaine de Paris se distingue par des inégalités plus fortes et un rythme de progression plus soutenue dans la période considérée. Ceci s'explique par la taille de la région parisienne (Boulant et al., 2016) et par sa position dans la hiérarchie urbaine française, notamment parce qu'elle concentre une part importante des emplois hautement qualifiés (cadres de fonctions métropolitaines (CFM) selon la définition donnée par l'Insee) (Van Puymbroeck C., Reynard R., 2010). Si l'applicabilité du modèle de la stratification sociale en sablier, avec la disparition progressive des classes moyennes dans les zones centrales au profit à la fois des représentants d'une bourgeoisie et d'un prolétariat transnationaux, idée très présente dans les travaux sur les villes globales (Sassen, 2001), a été contestée dans le cas parisien (Préteceille, 2009), il n'en reste pas moins que la capitale semble sur une trajectoire d'accroissement rapide des inégalités. Cette trajectoire la distingue des autres métropoles françaises (Préteceille, 2015).

18 Les différences dans les niveaux d'inégalités et leurs évolutions entre nos cas d'études peuvent être davantage expliquées par les processus de restructuration économique spécifiques à chaque aire urbaine. Lille est le centre d'une région d'ancienne industrialisation qui a subi de douloureuses restructurations, notamment du secteur textile. L'aire urbaine a hérité de cette histoire une structure sociospatiale beaucoup plus polarisée que celle des métropoles qui ont connu plus tardivement l'industrialisation. Si l'aire urbaine de Lyon a également une longue histoire industrielle, elle a davantage profité que Lille des phases tardives de l'industrialisation. Ainsi, la région urbaine est encore dotée d'une structure industrielle moins touchée par les crises successives, à plus haut contenu technologique et qualifié : chimie, automobile et pharmacie. Bordeaux et Nantes sont deux aires urbaines typiques de l'ouest de la France, plus rural et plus tardivement industrialisé. Leur développement et leur industrialisation se sont effectués sous les auspices de l'État planificateur, à partir de l'entre-deux-guerres et, de manière plus évidente, au cours des Trente Glorieuses. Cette intervention de l'État les a arrachées à une certaine marginalité économique en les dotant des institutions du welfare mais aussi d'industries à fort contenu technologique (dans l'armement et l'aéronautique). Elles ont hérité de structures sociales moins polarisées du fait du caractère protégé des emplois créés et de leur niveau de qualification. Les sociétés bordelaises et nantaises sont ainsi relativement égalitaires malgré l'attrait qu'elles exercent sur les populations de cadres. Elles ont été longtemps dominées par les « petites » classes moyennes (cadres moyens, fonctionnaires, employés et ouvriers qualifiés).

Une variété de situations métropolitaines

19Si on déplace la focale de l'analyse du niveau de l'aire urbaine à celui des communautés urbaines, il est possible d'avoir une lecture plus fine des différences socioéconomiques de nos quatre cas d'études.

20 Au sein du tableau 2 en page suivante, pour les indicateurs socioéconomiques, et notamment pour les indices SES et SES Hardship, nous avons indiqué la moyenne et l'écart type. Ce dernier est un indicateur de dispersion d'une propriété que l'on cherche à mesurer à travers une variable : plus il est élevé, plus on enregistre une différenciation des situations au sein de la communauté urbaine. À l'inverse, plus il est faible, plus les valeurs des communes sont regroupées autour de la moyenne de la métropole. On est donc dans un cas de figure plus homogène. Nous avons indiqué les valeurs du Gini spatial, qui a été calculé à partir des revenus fiscaux, et qui est un indicateur de la concentration spatiale de la richesse économique au sein de la communauté urbaine.

TABLEAU 2. Indicateurs socioéconomiques et spatiaux des quatre métropoles (2007)

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TABLEAU 2. Indicateurs socioéconomiques et spatiaux des quatre métropoles (2007)

21À la lecture du tableau, nous pouvons d'abord constater que les écarts entre les situations métropolitaines choisies sont relativement faibles. Toutefois, des différences apparaissent notamment en ce qui concerne la richesse économique et quelques indicateurs sociodémographiques. Par ailleurs, on n'observe pas de phénomènes intenses de concentration des revenus dans certaines municipalités au sein des quatre CU, comme en témoignent les valeurs relativement basses des Gini spatiaux. Dans une perspective comparative, ce résultat peut étonner vu la fragmentation de la carte municipale française. En effet, la taille réduite des communes et le degré d'autonomie dont les municipalités jouissent pourraient constituer des facteurs favorables à une forte spécialisation sociale des communes.

22Dans ce tableau, Lyon émerge comme une métropole à la fois plus riche (cf. le SES index) et plus inégalitaire. Sa base économique est caractérisée par une présence plus marquée des activités productives privées et une proportion de cadres plus élevée que dans les trois autres CU. Lyon se distingue par un plus haut degré de concentration des situations de difficulté sociale et d'inégalité entre communes. Ainsi, la dispersion du SES Hardship est plus élevée que dans les autres CU. On observe aussi une plus forte spécialisation spatiale (Gini spatial) qui est le reflet d'une division historique de l'agglomération, entre des communes de l'Ouest socialement privilégiées et des communes de l'est lyonnais accueillant l'essentiel des industries, des équipements vecteurs de nuisances et des populations ouvrières. Le processus de désindustrialisation n'a pas renversé cette fracture : l'est de l'agglomération concentre toujours les populations les plus fragiles qui ne profitent que très marginalement du processus de montée en qualification du marché de travail lyonnais (Insee 2015a ; Cucca, Maestripieri, 2016). Enfin, les petites communes à faible densité ­ essentiellement situées dans l'ouest de l'agglomération ­ sont nettement plus aisées que dans les autres métropoles (cf. Figure A, en annexe).

23Le cas nantais se situe à l'autre extrême de notre échantillon. Parmi nos quatre CU, Nantes est de loin la plus égalitaire. Cette situation égalitaire n'est pas exclusive d'un relatif dynamisme économique et de revenus élevés, comme l'indique les valeurs du revenu médian pour lesquelles Nantes dépasse même les trois autres CU. Cette situation à la fois prospère et égalitaire s'explique de plusieurs manières. Historiquement, la région nantaise a connu une industrialisation contenue et caractérisée par des activités reposant sur une main d'œuvre ouvrière plutôt qualifiée (chantiers navals, métallurgie). Les phases ultérieures d'industrialisation, largement orchestrées par l'État et se traduisant par le développement de l'industrie aéronautique, ont conforté cette situation initiale. Cette mainmise de l'État et des grands groupes nationaux et internationaux sur l'industrie locale ont empêché la perpétuation d'une bourgeoisie industrielle autochtone, ce qui n'est peut-être pas étranger à cette situation égalitaire. Plus récemment, c'est le développement des services qui a confirmé cette vocation égalitaire. Les décentralisations administratives des années 1960-1970 (casier judiciaire, service du personnel du ministère des Affaires étrangères) puis la délocalisation des services de back office de grands groupes nationaux dans les décennies suivantes ont fourni à l'agglomération une composition sociale dominée par les employés, techniciens et cadres moyens des secteurs public et privé. Cette égalité sociale est doublée d'une égalité spatiale. La valeur de Gini spatial et les dispersions particulièrement faibles des autres indicateurs socioéconomiques reflètent l'absence de division claire de l'espace à l'échelle de la CU.

24Lille et Bordeaux présentent des situations intermédiaires et en même temps contrastées. Les deux CU donnent à voir des valeurs moyennes en ce qui concerne le profil de fragilité sociale (SES Hardship), et la concentration spatiale de la richesse entre communes (Gini spatial). Toutefois, Lille est économiquement moins riche que Bordeaux, avec le revenu médian le plus faible parmi les quatre CU. La métropole nordiste présente des écarts inter-déciles supérieures aux trois autres CU. Par ailleurs, même si les deux métropoles présentent des valeurs de difficulté sociale similaires, elles sont impliquées dans des dynamiques récentes assez contrastées du point de vue de la croissance ­ en termes de production de richesse - et de la montée en qualification du marché du travail. Si Bordeaux connaît depuis 2007 une augmentation assez nette du nombre de cadres des fonctions métropolitaines, cette dynamique ne se retrouve pas à Lille dont l'équation sociale semble encore marquée par le choc de la désindustrialisation (AdCF, FNAU, 2016). Les Ginis spatiaux des deux agglomérations sont proches et situés entre la situation égalitaire de Nantes et la situation plus contrastée de Lyon.

25Ainsi, la France se caractérise par des niveaux d'inégalités sociales modérés comparés à d'autres pays. Cependant, ces inégalités s'accentuent peu à peu au sein des aires urbaines. Ce qu'il faut davantage retenir de notre analyse est une progressive différenciation des situations métropolitaines, liées aux héritages sociohistoriques et aux restructurations socioéconomiques plus récentes. La thèse d'une fracture territoriale insiste certes sur le dynamisme économique des métropoles (Davezies, 2012), mais elle permet de voir en creux des différences qui dépassent l'opposition métropole ­ espaces ruraux, et qui concernent des territoires plus vastes, notamment entre le Nord-Est en difficulté et un Sud-Ouest qui profite davantage du processus de mondialisation (Béhar, 2016).

L'effet égalisateur des transferts et des dépenses publiques

26Le deuxième objectif de cet article est d'examiner dans quelles mesures les politiques publiques contribuent à l'atténuation ou à l'amplification des inégalités sociospatiales. Pour ce faire, nous avons décidé de nous focaliser sur deux leviers potentiels d'égalisation des régimes d'égalité spatiale métropolitains. Nous nous sommes d'une part intéressés aux revenus des municipalités en considérant qu'ils pouvaient nous donner à voir l'impact redistributeur des transferts de l'État et des communautés urbaines. Nous nous sommes d'autre part penchés sur les dépenses municipales avec les questions suivantes à l'esprit : les communes présentant les indices SES et SES Hardship les plus défavorables sont-elles pénalisées en termes de capacité de dépense ? Leurs bases fiscales propres et les mécanismes de transferts leur permettent-elles, à l'inverse, de dépenser, voire de dépenser davantage que les communes plus riches, et de contribuer ainsi à l'atténuation des difficultés de leurs habitants ?

Transferts étatiques et intercommunaux

27Nous avons examiné l'impact redistributeur de deux types de transferts financiers. Le premier est la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui est, de loin, le principal transfert de l'État vers les gouvernements locaux et régionaux et qui a été la victime des récents tours de vis budgétaires au niveau national. Établie par une loi de 1979, elle est prélevée sur le budget de l'État et redistribuée aux régions, départements, communes et EPCI. La DGF est composée de deux parts : une part forfaitaire calculée en fonction de critères de base comme la population et la superficie du territoire de la collectivité ; une part de « péréquation » qui tient compte des caractéristiques socioéconomiques de la population (potentiel financier par habitant de la commune, nombre de logements sociaux, rapport entre le nombre de bénéficiaires d'APL et le nombre de logements, revenu imposable moyen des habitants). Le second type de transferts est constitué des dotations attribuées par les structures intercommunales aux communes, et notamment de la dotation de solidarité communautaire (DSC). La DSC a été instituée au début des années 2000 à la suite du transfert du produit de la taxe professionnelle (devenue depuis la contribution économique territoriale) aux EPCI accompagné de l'application d'un taux unique sur le territoire intercommunal. Elle a deux vocations distinctes : elle peut servir à restituer tout ou partie de la taxe professionnelle à des communes qui ont investi en faveur du développement économique avant la communautarisation de cette taxe ; elle peut être utilisée pour organiser une redistribution de la ressource fiscale entre communes en fonction de critères de dénuement ou des efforts consentis pour construire des logements sociaux (Reigner et al., 2010).

TABLEAU 3. Produits de fonctionnement et corrélations avec indicateurs socioéconomiques (2007)

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TABLEAU 3. Produits de fonctionnement et corrélations avec indicateurs socioéconomiques (2007)

28Dans ce tableau nous avons indiqué la composition des produits de fonctionnement et les corrélations avec les indicateurs socioéconomiques à l'aide du coefficient de Pearson. Ce coefficient permet de mettre en évidence l'intensité et le sens (positif ou négatif) de la corrélation linéaire entre deux variables, sans que pour autant on puisse en déduire une relation de causalité directe. Le coefficient est de signe positif si la relation entre les deux variables est positive (directe, croissante) et de signe négatif si la relation est négative (inverse, décroissante). Il est égal à 0 lorsque les deux variables ne sont pas corrélées. Uniquement les corrélations avec deux ** sont statistiquement significatives.

29En ce qui concerne les transferts venant de l'État, nous nous sommes d'abord intéressés aux corrélations possibles entre le niveau de ces transferts par habitant et les variables socioéconomiques des communes. Les résultats les plus significatifs sont obtenus lorsque l'on croise les ressources obtenues par chaque commune au titre de la DGF avec notre indice SES Hardship. Le tableau 3 montre que plus la commune abrite une population en difficulté, mieux elle est dotée en DGF. Cette relation est particulièrement nette dans les cas lyonnais et lillois. On peut considérer que la DGF a un effet péréquateur et profite davantage aux communes pauvres socialement. Cette relation entre SES Hardship et la dotation de la commune en DGF est confirmée en contrôlant l'effet d'autres variables (0,422 comparé à 0,538 ­ coefficient de corrélation total), telles que la population et la densité, toutes deux également positivement corrélées au montant de la DGF. Ainsi, les transferts de l'État jouaient-ils encore à la fin de la période étudiée un rôle fort de péréquation.

30Selon Guengant et Gilbert (2008), les intercommunalités peuvent aussi contribuer de plusieurs manières à l'égalisation des conditions de vie dans les communes qui les composent. Ils distinguent les transferts non monétaires ­ construction d'équipements, production de services, fourniture d'expertise ­ et les transferts monétaires. Pour des raisons de faisabilité, nous nous sommes concentrés sur ce deuxième type de transferts. Le tableau 2 indique que la part des autres produits a augmenté de manière continue pour chaque CU entre 2000 et 2007. Cette catégorie inclut trois types de ressources : les compensations de l'État, les revenus des services des municipalités et les transferts provenant des CU. Il y a fort à parier que la croissance de cette catégorie soit en partie liée à l'importance prise par les compensations de l'État. Cependant, l'augmentation de cette catégorie est aussi liée à la montée en puissance des transferts des CU vers les municipalités, et notamment de la DSC évoquée plus haut. Entre 2000 et 2007, la part des autres ressources a significativement augmenté à Lyon et Lille, de manière plus lente à Nantes et elle a plutôt stagné à Bordeaux. La comparaison de ces taux de croissance différenciés avec les corrélations de Pearson qui figurent dans le tableau 3 est instructive. Au sein de la CU de Lyon, la part des autres ressources dans les budgets municipaux est corrélée positivement et de manière significative avec l'indice SES Hardship, et corrélée négativement avec un haut niveau de statut économique et social. Nous pouvons en déduire que les transferts intercommunaux à destination des communes sont utilisés en partie à des fins de péréquation. Le cas de Lyon est intéressant car il associe le niveau le plus bas de transferts de l'État avec la volonté la plus explicite du Grand Lyon d'introduire un système de redistribution fiscale interne. La DSC y est clairement utilisée afin de soutenir financièrement deux types de communes : des communes pauvres socialement mais riches en fiscalité des entreprises comme Vénissieux ou Saint-Fons, mais aussi des communes socialement et économiquement pauvres comme Bron ou Vaulx-en-Velin. Le cas lyonnais n'est pas isolé. Gilbert et Guengant (2004, 2008) ont montré que les dispositifs de péréquation horizontale (des intercommunalités vers les communes) tendent à devenir plus importants que la classique péréquation verticale assurée par les transferts de l'État (DGF). Au final, ces résultats tempèrent largement les conclusions de travaux qui voient dans les structures intercommunales des institutions vouées à être neutralisées par les égoïsmes municipaux, et à maintenir le statu quo sociospatial (Desage, Guéranger, 2011 ; pour une lecture alternative, cf. Reigner, 2011).

Les dépenses municipales : les communes fiscalement riches et socialement pauvres dépensent plus

31La deuxième méthode choisie pour vérifier si les politiques publiques participent à l'atténuation des inégalités sociospatiales à l'échelle des métropoles consiste à regarder du côté des dépenses des communes. Les inégalités de richesse entre communes se reflètent-elles dans une inégalité face à la dépense ? Les communes pauvres sont-elles entravées dans leur capacité de dépense du fait de la faiblesse de leur base fiscale ? Notre hypothèse était que les municipalités dotées des indices de pauvreté les plus hauts n'étaient pas nécessairement privées de capacité à dépenser et qu'elles étaient même potentiellement celles qui dépensaient le plus.

TABLEAU 4. Dépenses de fonctionnement et corrélations avec indicateurs socioéconomiques (2007)

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TABLEAU 4. Dépenses de fonctionnement et corrélations avec indicateurs socioéconomiques (2007)

32Nos analyses confirment partiellement notre hypothèse d'un lien positif entre indice SES Hardship et niveau de dépense municipale. On constate d'emblée de nettes disparités entre les communes en termes d'effort de dépenses. Le tableau B (cf. annexes) montre que la variation des niveaux de dépenses entre communes est plus importante dans les CU les plus inégalitaires de notre sous-régime, en particulier Lyon. L'écart à la moyenne des dépenses municipales par habitant s'établit à 269 euros pour la CU de Nantes et à 504 euros pour celle de Lyon. Reste à vérifier quels types de communes sont concernés par ce surcroit de dépense. L'analyse de corrélations indique que les communes les plus dépourvues en ressources économiques et sociales tendent à dépenser plus que la moyenne. Les dépenses de fonctionnement sont corrélées négativement avec l'indice SES et positivement avec l'indice SES Hardship (cf. tableau 4). On peut donc considérer que l'accueil d'une population défavorisée, et par conséquent le fait d'avoir une base fiscale moins favorable, n'entrave pas outre mesure la capacité de dépenses des communes qui peuvent ainsi corriger certaines inégalités d'accès aux services. Le niveau de dépenses est aussi lié au potentiel fiscal des communes. Autrement dit, une base fiscale favorable fournie par les ménages et les entreprises est corrélée à un surcroît de dépenses. Cela signifie-t-il que les communes qui dépensent le plus sont celles qui accueillent les populations les plus solvables et donc les plus taxables ? Pas nécessairement, car en France, la richesse fiscale des communes n'est pas uniquement liée au statut économique des populations. Il existe de nombreuses communes, riches fiscalement, mais socialement pauvres (Estèbe ; 2004) parce qu'elles accueillent, par exemple, des sièges d'entreprises. Ainsi, un haut niveau de potentiel fiscal n'est-il pas nécessairement le reflet d'une population municipale privilégiée. L'analyse que nous avons menée montre précisément que ce sont les communes dépourvues de ressources sociales mais riches fiscalement qui dépensent davantage que les autres (cf. figure C, en annexe). Toutefois, il y a de fortes disparités au sein de ce même groupe, avec un écart type qui s'élève à 400 euros par habitant. L'analyse des déterminants des disparités de dépenses entre communes doit être menée au travers des modèles économétriques complexes qui cherchent à évaluer l'impact systémique de différentes variables (dotations, richesse fiscale des communes, coûts de production de services, décisions des élus locaux de mobiliser davantage la richesse fiscale des communes, etc.). Cette analyse dépasse l'ambition de cet article et des objectifs du protocole de recherche IMO [11]. À la suite d'un récent rapport de la Cour de comptes (2016) on peut néanmoins remarquer que les transferts étatiques restent déterminants pour expliquer les disparités de dépenses de communes, bien davantage que la propension à utiliser le levier fiscal.

Conclusion

33À la fin de la décennie 2000, les agglomérations françaises présentaient des niveaux globalement modérés d'inégalités. Et ce, que l'on prenne pour indicateurs les écarts entre les revenus des ménages ou entre ceux des communes. Toutefois, si les niveaux d'inégalités sont bas, ils connaissent dès cette époque une discrète mais constante progression. Il ressort aussi de cette analyse que les transferts, notamment ceux de l'État, sont fortement corrélés au dénuement de la population d'une commune et qu'en revanche, il n'y a pas de corrélation négative entre ce degré de dénuement et la capacité de dépense d'une commune. En revanche, les effets redistributifs des transferts monétaires intercommunaux sont moins évidents. On peut donc en conclure qu'en France, les transferts et la dépense publique avaient encore, avant la crise et la diminution des transferts de l'État, un rôle relativement important d'égalisation des conditions au sein des communautés urbaines, devenues depuis métropoles. Les métropoles françaises présentaient à la fin de la décennie 2000 un « régime d'égalité spatiale » que l'on peut qualifier d'égalitaire au regard d'autres situations observables dans le monde développé et les pays émergents.

34Cette situation peut sembler surprenante étant donné le haut niveau d'autonomie fiscale dont jouissent les gouvernements locaux en France. Comment des régimes d'égalité spatiale relativement égalitaires peuvent-ils s'épanouir, alors que l'autonomie fiscale peut sembler constituer une incitation aux égoïsmes sociaux et territoriaux ? On peut identifier quatre éléments d'explication de ce paradoxe. Premièrement, il faut mentionner un système d'État providence développé, qui fournit non seulement des revenus de transferts mais aussi des emplois du fait du quadrillage du territoire national par les équipements du welfare, et qui tend à niveler les structures sociales des métropoles. Le deuxième facteur est, on l'a vu, le rôle des transferts financiers de l'État et, dans une moindre mesure, des EPCI vers les communes, ce qui ne laisse pas d'inquiéter sur les effets à moyen terme de la réduction des premiers. Troisièmement, on observe une propension généralisée des communes à taxer et dépenser, y compris des municipalités les plus pauvres socialement, dépenses permises notamment par les transferts. Enfin, il faut souligner le fait que la pauvreté sociale d'une commune n'est pas systématiquement corrélée avec sa pauvreté fiscale du fait de la présence d'activités économiques et des revenus fiscaux correspondants dans les communes socialement pauvres.

35Par-delà cette image générale, qu'est-ce qui différencie les quatre communautés urbaines qui constituaient notre échantillon ? Nous avons distingué aux deux extrêmes : une situation nantaise conciliant prospérité discrète et égalité socioterritoriale ; et une situation lyonnaise marquée par un fort dynamisme économique et par des contrastes sociospatiaux plus nets. Au milieu, on trouve Lille et Bordeaux dont les Gini spatiaux montrent des valeurs intermédiaires. Au-delà, Lille montre des signes de fragilité sociale plus inquiétants que Bordeaux. Est-ce que ces situations sont le résultat de choix ou d'équilibres politiques locaux spécifiques ? À première vue, ce sont plutôt les structures sociales, économiques et spatiales héritées qui expliquent ces différences, davantage que des facteurs politiques ou partisans. Ce que Nantes et Bordeaux ont en commun, et ce qui les distingue de Lyon et Lille, ça n'est pas la nature du contrôle politique mais davantage une position dans l'espace national et une histoire économique et sociale assez similaires. Cependant, avec le repositionnement de l'État, le retrait de ses services et des équipements du welfare et la réduction de ses transferts, les choix politiques effectués à l'échelle locale, et notamment métropolitaine, pourraient à terme jouer un rôle plus important dans la production, la reproduction ou la correction des inégalités sociospatiales. Ici, le cas de Lyon est instructif. Dans un contexte initialement plutôt inégalitaire, des politiques intercommunales et des arrangements fiscaux ont permis la redistribution d'un certain nombre de ressources (en équipements, mais aussi monétaires) au profit des communes les plus pauvres de l'est de l'agglomération. Avec la création de la métropole de Lyon et l'absorption des compétences sociales du département du Rhône, ces efforts de redistribution interne pourraient être amplifiés. Les signes d'émergence de métropoles providence palliant le retrait de l'État sont encore faibles mais ils mériteront d'être observés à l'avenir.


FIGURE . Boîte à moustaches : profil socioéconomique des communes à faible densité CU.

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FIGURE . Boîte à moustaches : profil socioéconomique des communes à faible densité CU.

36 La ligne au milieu de la boîte à moustaches indique la valeur médiane de l'indicateur SES. On retrouve, dans la boîte, les cas (municipalités) qui se situent autour de la médiane (donc 50 % de la distribution). Nous avons distingué deux groupes : les communes à faible densité (low density) et les autres. La longueur de la boîte et de ses moustaches sont des indicateurs de la dispersion de la distribution. On peut remarquer la spécificité du cas lyonnais : la valeur médiane SES des communes low density est nettement plus élevée que dans les autres métropoles, et plus élevée par rapport aux autres communes de la métropole lyonnaise.

FIGURE B. Produits et dépenses des municipalités (euros), per capita, 2007

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FIGURE B. Produits et dépenses des municipalités (euros), per capita, 2007

37Dans ce tableau, nous avons indiqué les valeurs per capita des dépenses et des produits municipaux pour les quatre CU, et leur dispersion (écart type). Un écart type élevé indique une plus forte différenciation des dépenses et des produits au sein des communes de la même CU.

FIGURE C. Boîte à moustaches : distribution des dépenses de fonctionnement selon les catégories socioéconomiques et fiscales des communes

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FIGURE C. Boîte à moustaches : distribution des dépenses de fonctionnement selon les catégories socioéconomiques et fiscales des communes

Seuil : communes de plus de 10 000 habitants
1re catégorie poor_lowpot : municipalités pauvres sur le plan socioéconomique et fiscal (SES et PFISC < médiane)
2e catégorie poor_highpot : municipalités pauvres sur le plan socioéconomique et riches fiscalement (SES < et PFISC > médiane)
3e catégorie rich_highpot : municipalités riches sur le plan socioéconomique et fiscal (SES et PFISC > médiane)
4e catégorie rich_lowpot : municipalités riches sur le plan socioéconomique mais pauvres fiscalement (SES > et PFISC < médiane)

38Sur ce graphique, on peut voir que les municipalités qui dépensent davantage sont celles de la deuxième catégorie, poor_highpot. En effet, la ligne qui indique la médiane de la distribution est la plus élevée parmi les quatre catégories des communes. Ceci est confirmé par les valeurs absolues indiquées dans le tableau D (cf. annexes).

FIGURE D. Indicateurs de dépenses et produits municipaux par classes socioéconomiques et fiscales

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FIGURE D. Indicateurs de dépenses et produits municipaux par classes socioéconomiques et fiscales

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Date de mise en ligne : 14/12/2017

https://doi.org/10.3917/soco.107.0079

Notes

  • [1]
    Dans ce texte, les termes « agglomération » et « espace métropolitain » sont utilisés pour désigner de manière très générale une réalité géographique, celle de la grande ville. Lorsque nous utilisons l'expression « aire urbaine », c'est en référence à la notion développée par l'Insee pour objectiver le phénomène d'agglomération urbaine ou de métropole, à savoir « ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci ». Enfin, les termes « communautés urbaines » et, désormais, « métropoles » désignent une réalité institutionnelle : celle des établissements publics de coopération intercommunale mis en place pour gouverner ces espaces métropolitains. On notera que dans la très grande majorité des cas, le périmètre des communautés urbaines et des métropoles est plus réduit que celui des aires urbaines.
  • [2]
    La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite loi Maptam) a consacré juridiquement le terme de métropole dans le droit français et rend obligatoire la transformation des établissements publics de coopération intercommunale en métropole dans les territoires de plus de 400 000 habitants situés dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. Sont concernées les agglomérations de Paris, Lyon et Aix-Marseille qui sont dotées de métropoles à statut particulier, ainsi que 13 autres grandes villes.
  • [3]
    Établissement public de coopération intercommunale.
  • [4]
    L'indice de Gini est un indicateur synthétique des inégalités. Il varie entre 0 et 1. Il est égal à 0 dans une situation d'égalité parfaite où tous les salaires, les revenus, les niveaux de vie seraient égaux. À l'autre extrême, il est égal à 1 dans une situation la plus inégalitaire possible, celle où tous les salaires (les revenus, les niveaux de vie...) sauf un seraient nuls. Entre 0 et 1, l'inégalité est d'autant plus forte que l'indice de Gini est élevé. Dans ce papier nous avons utilisé l'indice de Gini sur les revenus fiscaux déclarés par unité de consommation. Le revenu fiscal correspond à la somme des ressources déclarées par les contribuables sur la déclaration des revenus avant abattement. http://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1551.
  • [5]
    Il a été calculé comme pour l'indice de Gini, mais en retenant comme unités d'analyses non plus les ménages mais les communes, en prenant en compte le revenu global des ménages qui y résident, pondéré par la population communale.
  • [6]
    La construction de ces indicateurs a suivi un protocole commun qui cherchait à rendre compte de la situation de fragilité sociale des communes. Cette approche s'inspire des études qui analysent d'une manière multidimensionnelle la situation de pauvreté, en dépassant donc une vision uniquement centrée sur la distribution des revenus. Sur les débats autour de la conceptualisation et de la mesure de la pauvreté et de l'exclusion sociale, voir : (Room, 1995).
  • [7]
    Ce taux indique le rapport des personnes non actives (< 15 et > 65 ans) sur le total de la population de la commune. Il permet de rendre compte de la concentration des personnes qui sont supposées être davantage dépendantes des transferts et de services publics d'assistance.
  • [8]
    Les indicateurs synthétiques ont été calculés de la manière suivante : SES index = revenu municipal moyen + taux des habitants avec bac+2. SES Hardship index = taux de chômage + taux d'habitants sans bac + taux de dépendance. Les indicateurs ont tous été normalisés (i.e. Indicateur d'éducation = [(moyenne commune ­ MinMetro) / (MaxMetro-MinMetro)]*100.
  • [9]
    Le potentiel fiscal est un indicateur de richesse fiscale : il correspond à la somme que produiraient les taxes directes d'une collectivité si on appliquait le taux moyen national d'imposition selon la catégorie démographique.
  • [10]
    Ainsi, à la suite d'une augmentation modeste des niveaux de vie qui avait été enregistrée entre 2008 et 2011, depuis 2012 les inégalités de revenus sont à la baisse.
  • [11]
    À cet égard, nous renvoyons au rapport réalisé par la Cour des comptes en octobre 2016. Il donne une lecture très fine des déterminants des disparités de dépenses de communes et de leurs groupements.

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