Notes
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[1]
Les noms de lieux et de personnes ont été anonymisés. Pour une présentation plus détaillée du site, je me permets de renvoyer à Renahy, 2005.
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[2]
En 1995, tous les ouvriers sont des hommes, quand une câblerie automobile de 150 salariés (également installée à Foulange mais qui y a depuis cessé sa production) embauche essentiellement des femmes dans son atelier. Parmi les vingt-deux « jeunes » (moins de trente ans), onze avaient (eu) un parent direct salarié des usines du village (père ou mère), douze un parent plus lointain (grands-parents, oncles et tantes), sept jouaient au football dans le club du village, et trois étaient membres du corps local des sapeurs-pompiers. Ces données ne doivent cependant pas donner l'image d'un espace villageois clos, puisque un quart des jeunes n'y disposent pas de liens préétablis, et que sur l'ensemble une majorité réside dans les environs plutôt qu'à Foulange (jusqu'à 30 kilomètres de leur lieu de travail).
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[3]
Sur la traduction complexe d'Eigensinn en français, cf. l'introduction d'A. Oeser à ce numéro.
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[4]
Je remercie Ivan Bruneau de m'avoir suggéré cette idée, et du caractère stimulant de nos échanges sur cette notion.
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[5]
Coupes de bois de chauffage sur les terres communales, usuellement organisées par les municipalités rurales qui attribuent annuellement un lot de coupe à tout résident qui en fait la demande.
1En regroupant sous le terme de Eigensinn l'ensemble des pratiques de « désengagement conflictuel qui ne relèvent ni de la soumission à la domination, ni de la résistance ouverte », l'historien Alf Lüdtke (1996, p. 91) offre un cadre d'analyse de la domination au travail qui permet de penser les logiques de freinage ouvrier, bien explorées par la sociologie du travail depuis les premiers travaux de Donald Roy (1952), en lien avec un ensemble d'autres pratiques : se moquer de la hiérarchie sans s'en faire remarquer ; prendre sur le temps de travail du temps pour soi (perruque, pause officieuse) ou pour le collectif (discussions, chahut, fêtes alcoolisées). Il s'agit donc tant d'un désengagement temporaire de l'ordre usinier que de son appropriation ; à côté des actes de résistance explicite existent des pratiques qui, ainsi regroupées, permettent de comprendre le quotidien du travail des ouvriers et le sens que ceux-ci lui donnent. Lüdtke enrichit l'analyse de la situation de domination vécue par les exécutants, en lui intégrant également l'excès de zèle temporaire dont les ouvriers font parfois preuve afin de démontrer leur dextérité (Lüdtke, 1986). Les pratiques de quant-à-soi ne désignent ainsi pas seulement les manifestations d'une résistance à l'ordre usinier, mais, plus globalement, l'expression d'un « mode de vie » (Lüdtke, 1984). Dès lors, si c'est bien dans l'espace productif qu'elles se manifestent, doit-on restreindre la compréhension de telles pratiques à l'analyse du seul espace de travail ? Les propriétés acquises avant l'embauche, les pratiques extra-usinières n'influencent-elles pas les différentes formes de mise à distance de la relation hiérarchique ? S'inscrivant dans une interrogation plus globale de la condition ouvrière contemporaine (Beaud et Pialoux, 1999), cet article cherche à comprendre comment des manifestations de désengagement au travail expriment la force d'un collectif de travailleurs en situation de domination, tout en révélant aussi la différenciation interne à ce collectif. Cette différenciation est loin d'être uniquement statutaire, elle découle de la singularité des trajectoires (scolaires notamment), de la variété des héritages familiaux et des modalités d'inscription des ouvriers dans les sociabilités locales. Il s'avère donc nécessaire de s'intéresser aux pratiques et appartenances extra-professionnelles pour mieux saisir comment se construit l'Eigensinn.
2Un terrain d'enquête en milieu rural, où l'intersection des différentes scènes sociales (Maget, 1989 ; Weber, 1989) est plus intense qu'en milieu urbain, s'avère particulièrement propice à un tel déplacement de perspective : la superposition des espaces professionnels, familiaux et de loisirs même si elle est relative et plus lâche que pendant les années d'après-guerre (Renahy, 2005) favorise la circulation de réputations individuelles et collectives entre une entreprise, un quartier ou une association sportive. On sait ainsi le poids des sociabilités, notamment familiales, sur la vie en usine dans l'industrie rurale (Moulinié, 1996). Afin de mesurer plus spécifiquement le rôle des trajectoires individuelles contemporaines sur les formes variées de mise à distance de la hiérarchie, nous utiliserons des matériaux recueillis en 1995-96 lors d'observations participantes dans l'usine d'un village industriel de Bourgogne, mais aussi pendant et après cette période dans l'espace résidentiel des ouvriers rencontrés. Si la position dominée dans la hiérarchie usinière implique le partage d'une même condition et la construction d'un quant-à-soi collectif, les types de désengagement vis-à-vis de cette domination sont pluriels, façonnés par la singularité des trajectoires et l'appartenance à d'autres collectifs. Ils illustrent donc tant la construction que les divisions internes du groupe ouvrier contemporain.
« Faut y aller ». l'eigensinn comme apprentissage (du) collectif
3L'atelier de l'usine dans lequel je suis embauché comme man uvre en tôlerie pendant les étés 1995 et 1996 comporte une soixantaine d'ouvriers (l'entreprise embauchant en outre une quarantaine de personnes dans ses bureaux). C'est un lieu chargé d'histoire : les presses de la tôlerie ont été acquises il y a plus de cinquante ans, alors que plusieurs centaines de salariés travaillaient sur le site de Foulange [1] pour le compte d'une bourgeoisie industrielle régionale, qui s'est transmis l'entreprise sur cinq générations depuis la Révolution française. Un groupe industriel a ensuite dirigé l'usine à partir de 1972, avant de la fermer en 1981. Sans lui redonner son ancienne ampleur (jusqu'à 400 salariés dans les années 1960), un ancien cadre commercial a repris l'activité l'année suivante jusqu'à la transmettre à son fils au cours des années 2000. L'atelier constitue un univers familier, où des quêtes sont réalisées pour les mariages ou baptêmes, où les liens de parenté sont nombreux, tout comme les relations hors travail [2]. On salue d'une poignée de main tous les collègues environnants, geste qu'effectuent également les chefs d'atelier, ainsi que le directeur d'atelier (qui chapeaute les trois chefs) qui fait le tour de toute l'usine à huit heures le matin. Le PDG-fondateur de la Société Métallurgique Foulangeoise (SMF) est régulièrement surnommé « Papa ». Il est capable de faire une réflexion à un ouvrier qui porte une boucle d'oreille ou les cheveux un peu trop longs à son goût, la mémoire de ses colères et promesses « en l'air » est transmise aux nouveaux. Il contrôle les velléités de création d'une section CGT en intimidant un jeune ouvrier militant (le tournant en ridicule en réunion, le faisant chronométrer par un ingénieur : Renahy, 2001a). Bien que chefs et ouvriers se tutoient, les hiérarchies sont donc bien présentes. Mais il n'y a aucun contrôle apparent du rendement, du moins dans l'atelier de tôlerie dans lequel je travaille. On se méfie seulement de l' il de son chef, Dirk, quand on discute depuis trop longtemps. Ce dernier me place d'emblée sous la responsabilité de Thierry, jeune ouvrier de 25 ans (dont je suis d'un an le cadet). C'est particulièrement par son intermédiaire qu'il me sera donné d'observer les différentes facettes de l'Eigensinn : freinage, discussions, blagues sur la hiérarchie, mais aussi appropriation du rythme de production et mise en scène de la dextérité ouvrière. Un « savoir-être » socialise rapidement l'impétrant, l'ethnographe mesure d'emblée le caractère collectif de son apprentissage, comme l'indiquent ces extraits du journal de terrain relatant mes deuxième et troisième jours de travail en usine :
« Je suis cette fois dans un coin de l'atelier, assez isolé sur ma machine. Les séries de 200 ou 400 pièces sont longues, les gestes répétitifs. Une pose WC ou casse-croûte fait du bien, de même que d'emmener les pièces finies et d'en ramener d'autres. Quand je croise Thierry et lui lance ‟ça fait des voyages”, il me répond d'un air entendu : ‟oh, c'est pas grave...”
[Le lendemain] Thierry profite qu'il soit ‟de vestiaires” (nettoyer lavabos, WC et vestiaires en début d'après-midi) pour traîner sur le chemin du retour aux presses, et discuter un bon moment avec Ahmed à la découpe. Dirk m'ayant mis sur une plieuse le temps du nettoyage, il vient me voir à la fin de ma série (‟Il n'a pas fini Thierry ?”), et le retrouve finalement au poste d'Ahmed où un petit groupe s'est formé. Tout déplacement est ainsi utilisable comme temps de repos et de discussion, et je comprends sous un autre jour la remarque que me faisait Dirk hier : ‟Alors qu'est-ce que tu en penses ? C'est un peu le cirque ici, tout le monde court partout...” Courir est un bien grand mot, mais du point de vue des ouvriers, l'important est d'avoir un bon motif de se déplacer ! » [4 et 5 juillet 1995]
5Voir ainsi un chef d'atelier « courir » après ses ouvriers ou demander à un saisonnier de « montrer l'exemple » dans le rythme de travail, percevoir après quelques jours d'usine seulement l'importance d'un domaine ouvrier qui s'autonomise en partie de la hiérarchie peut conduire à tomber sous le charme d'un monde ouvrier capable de dicter en partie sa loi propre aux chefs, ou bien symétriquement à dénigrer un monde industriel reculé, où le mode de gestion de la main-d' uvre serait « archaïque ». Ma fascination des premiers jours sera cependant modérée au fur et à mesure de ma découverte plus avancée de la réalité du travail, par « la présence exigeante des machines auxquelles on est affecté, l'attention requise par les activités rudimentaires et répétitives [...], la fragmentation de la sociabilité au travail, la pluralité des vies de chacun » (Hatzfeld, 2009, p. 154).
6Il est en effet essentiel de tenir compte de cette pluralité ouvrière : la fonction de la socialisation, à laquelle participe l'Eigensinn, est bien de créer un sentiment d'appartenance qui intègre au collectif les individus en fonction de leurs trajectoires différenciées. Et, par son histoire personnelle et familiale, Thierry occupe une position singulière dans l'atelier. Il est tout d'abord l'un des rares jeunes à posséder une légitimité professionnelle du fait de sa formation. Contrairement à la majorité des membres de sa génération qui n'occupent pas un poste en adéquation avec leur titre scolaire (non-diplômés, titulaires d'un CAP du bâtiment ou bacheliers ayant échoué à l'Université), Thierry détient un CAP de métallier. Sa parentèle le distingue également : élevé à Foulange où son grand-père paternel était venu se faire embaucher dans l'entre-deux-guerres, il travaille depuis cinq ans dans l'usine qui embauche aussi son père et son oncle (ainsi que le fils de ce dernier ; une s ur cadette de Thierry sera embauchée dans les bureaux de l'usine quelques années plus tard), et il est, au moment de l'observation, pressenti pour remplacer le monteur responsable des presses dont le départ en retraite est annoncé. Malgré un système d'apprentissage interne sur le tas qui favorise, dans cette usine, le pouvoir symbolique des anciens, Thierry possède donc à 25 ans une légitimité professionnelle, doublée de l'assise procurée par le fait de représenter une lignée d'ouvriers locaux (nous y reviendrons). Il est de plus délégué au comité d'entreprise. Cet ensemble de ressources n'en fait pour autant pas un ouvrier au-dessus de l'ordre usinier : en juillet 1995, Thierry vient de recevoir un avertissement de la direction (trois avertissements signifient un licenciement) pour avoir coupé 500 pièces trop courtes suite à un mauvais réglage sur une presse. Il n'en est que plus prudent dans ses réglages quand je travaille avec lui.
7Lorsqu'il m'apprend les gestes adéquats à réaliser quand nous effectuons une longue série à deux (il faut retourner de grandes tôles embouties à plusieurs reprises et en plusieurs endroits par la même presse), Thierry m'entraîne progressivement. Face à la pile de centaines de tôles à emboutir, il accélère le rythme une fois qu'il est sûr que j'ai bien intégré l'enchaînement des gestes à effectuer. Pendant un long moment, nous mettons ainsi notre dextérité à l'épreuve. « Faut y aller », me dit-il. Comment interpréter cette expression ? Renvoie-t-elle à l'intériorisation du devoir de l'ouvrier loyal qui doit participer à plein à la production usinière ? La notion d'Eigensinn permet de s'affranchir d'un légitimisme économiciste : il s'agit dans le même mouvement « d'être soi-même » et « d'être avec les autres » (Lüdtke, 1984, p. 44) ; la position professionnelle dominée est susceptible d'être appropriée et redéfinie comme engagement corporel qui participe à forger une estime de soi au sein d'un groupe. En travaillant avec Thierry, je comprends ainsi la griserie que peut procurer le travail ouvrier lorsque le corps « domine » la machine en l'utilisant à plein régime, et que les tas de tôles qui paraissent parfois si épais diminuent sans que l'on s'en rende compte. Parallèlement aux moments de flânerie existent ainsi des moments singuliers où l'ouvrier peut s'approprier la machine, et affirmer sa compétence. Si alors « il n'en fait qu'à sa tête [3] », c'est que celle-ci est « bien faite », qu'elle contrôle des gestes certes effectués pour l'usine, mais aussi pour soi-même et pour autrui.
8Car, au-delà de l'expérience individuelle du travail, une posture telle que celle de Thierry montre que le quant-à-soi ouvrier est un principe qui permet d'affirmer l'honorabilité de la condition ouvrière. Alors que son erreur de réglage a remis en cause sa compétence, Thierry a à cœur de remettre celle-ci en scène. Il le fait d'abord pour lui-même, dans une situation où l'interaction avec un saisonnier favorise la démonstration et la transmission d'un savoir-faire. Celui-ci tient bien sûr de la force physique et du virilisme des classes populaires (comme cela est souvent rappelé, au risque de les y réduire), mais plus largement de l'endurance, de l'ingéniosité manuelle, de l'aptitude à s'approprier une technique, à s'accommoder au mieux d'une vieille machine. L'atelier est ainsi occupé par de nombreuses machines héritées de l'ancienne usine, certaines acquises il y a plus de soixante-dix ans. Lorsqu'un jour je travaille sur une vieille cisaille, c'est un ancien qui m'apprend les rudiments de son usage, Dirk se déclarant « incompétent ». Au bout d'un moment, me voyant passer un temps fou à refaire les réglages qui ne cessent de bouger, un jeune ouvrier vient me montrer une astuce (retourner la pièce entre chaque coupe) qui permet de sauvegarder un minimum d'équerrage. De tels moments permettent l'échange de savoir-faire en dehors de la hiérarchie, marque d'un domaine ouvrier spécifique dans la « culture de travail » (Kaschuba, 1994). Une telle démonstration peut être éprouvée seule ou en équipe, mais touche bien au cœur du collectif, puisque c'est de condition ouvrière commune qu'il s'agit. C'est en ce sens que la gestion différenciée du temps de travail, qui peut apparaître incohérente au premier abord (alternance de creux et de « surmenage » corporel), participe sous toutes ses facettes d'une même affirmation d'un honneur, intrinsèquement individuel et collectif, face à la hiérarchie usinière. Cette honorabilité constitue une force qui s'impose aux chefs, dans la mesure où ces derniers doivent en tenir compte dans l'organisation du travail (cf. encadré).
Un chef d'atelier entre injonction patronale et culture ouvrière de travail
Des pratiques inscrites dans leur contexte : un ouvrier charismatique
9Il nous faut pour autant, en toute rigueur, prendre la mesure de la singularité du personnage de Thierry. On l'a vu, le type d'Eigensinn qu'il développe passe beaucoup par le corps : mise en retrait de l'ordre usinier, freinage et accélération d'un temps de travail pour partie approprié, mise en scène de sa compétence. Thierry incarne mieux que beaucoup dans l'atelier la continuité du savoir-faire ouvrier, et sa légitimité dans l'ordre hiérarchique. Cela tient de son origine familiale, de sa trajectoire scolaire, de ses propriétés corporelles, mais surtout de la place qui lui est donnée dans le collectif ouvrier et, au-delà, dans l'espace résidentiel. Respecté de tous, craint par le délégué syndical pour son influence sur le collectif, satisfait de sa condition ouvrière quand beaucoup aspireraient à une meilleure position sociale, Thierry est doté d'une forme de charisme populaire [4], ainsi que le montre son inscription sur les scènes familiales et de loisirs.
10En 1995-96, c'est sur le terrain de football, par observation participante dans le club de Foulange, que j'ai pu le mieux observer cette singularité. Thierry est alors capitaine de l'équipe première, il en est également, en tant que milieu offensif, le meneur de jeu. Pendant les matches, son rôle est mille fois répété par l'entraîneur dès qu'il a le ballon dans les pieds : « Vas-y Thierry, fais la différence ! » (Renahy, 2001b). Le football constitue une pratique privilégiée d'expression de sa « surface sociale » (Boltanski, 1973, p. 9). Elle lui permet de mettre en scène son savoir-faire corporel en dehors de l'usine, dans un espace émancipé de la domination salariale, mais favorise également son inscription dans un collectif familial et résidentiel : son père et son oncle, « les frères Pouchet », étaient des pièces maîtresses de l'équipe qui a fait la réussite du club de Foulange à la fin des années 1970 (victoire en coupe départementale, accession au championnat régional) ; son cousin germain, dessinateur industriel à l'usine, joue avec lui. L'importance de Thierry dans le réseau de sociabilité locale est signifiée par l'attribution d'un surnom familier que tous utilisent en dehors des membres de sa famille et de la hiérarchie usinière (encore qu'il arrive à Dirk de l'emprunter) : « Boquin », qui signifie lapin ou lièvre en patois. La dénomination est éminemment ambigüe, puisqu'elle est à la fois flatteuse en ce qu'elle désigne celui qui court vite, et dans le même temps potentiellement stigmatisante car elle joue de l'ambivalence des qualités du « coureur » ; le surnom s'est diffusé des amis proches à l'espace local pour signifier la réussite de Thierry sur le marché sexuel. Thierry m'explique ainsi son origine : lorsqu'il avait 15 ans et qu'il accompagnait son père aux affouages [5], ce dernier l'appela un jour familièrement « ch'ti boquin » devant ses copains au vu de son ardeur à la tâche. « Au départ, ça vient de mon père. Ça n'a rien à voir avec les femmes, tout ça, comme certains le croient... Bon, pour certains, c'est ça. » Effectivement : c'est après une liaison avec une femme mariée que le surnom se diffusa et se systématisa, au point de se transmettre quelques années plus tard à une petite amie de Thierry, un temps surnommée « Boquinette ». En désignant un ouvrier qui « peut gagner un match à lui tout seul », qui « n'a pas besoin de s'entraîner vu sa condition physique » (comme le disent certains coéquipiers de Thierry) mais dont la puissance s'éprouve aussi sur le marché sexuel, elle vient, quoi qu'il en soit, qualifier un membre des classes populaires établies, qui se situe au plus haut de la hiérarchie qu'implique la pratique locale du football amateur, et qui, par la détention d'un fort capital d'autochtonie (Retière, 2003), est susceptible de ridiculiser le jeune délégué syndical en lui imposant un ordre ouvrier local contre une légitimité venue de l'extérieur et portée par le syndicat CGT (Renahy, 2001a, p. 63-69). L'affirmation du quant-à-soi de Thierry observée lorsqu'il se soustrait du regard du chef d'atelier et entretient ainsi son réseau de sociabilité, du fait qu'elle incarne un collectif, n'est ainsi pas équivalente à celle d'Arnaud, un ouvrier de la même usine qui se retire de l'ordre hiérarchique, mais aussi de l'honorabilité ouvrière, en s'enfermant dans les toilettes pour fumer du cannabis.
11De fait, une telle inégalité ne se comprend qu'en réinscrivant Thierry dans un espace social local au sein duquel il bénéficie des ressources qui découlent de l'appartenance à une parentèle ouvrière établie. Nous l'avons aperçu à plusieurs reprises, le « front de parenté » (Lévi, 1989) Pouchet est bien établi. Le père et l'oncle de Thierry ont, comme leur propre père, réalisé toute leur carrière professionnelle à l'usine du village (licenciés en 1981, ils ont fait partie des premiers embauchés lorsqu'une nouvelle PME se créa l'année suivante), ils sont devenus propriétaires de maisons individuelles à Foulange, sont toujours membres dirigeants du club de football, l'un d'entre eux a été sapeur-pompier volontaire et prit pendant des années une semaine de congés pour pouvoir accompagner les enfants de l'école primaire communale en classe de neige. Plus généralement, la parentèle Pouchet, sans être directement investie dans l'espace municipal, constitue un maillon informel de soutien au maire du village (apparenté socialiste).
12Thierry bénéficie donc d'un héritage autochtone riche, qui contribue grandement à lui donner l'assurance observée en usine ou sur les terrains de football. Mais ni cet héritage ni ses agilités techniques et relationnelles ne suffisent à expliquer son pouvoir symbolique relatif. Si le surnom de Boquin indique que son porteur, jeune homme à la fois admiré et craint pour ses performances physiques et sexuelles, est dominant dans un espace de sociabilités populaires locales fortement genrées, si dans l'atelier ses pratiques eigensinnig de freinage et d'appropriation du temps de travail sont fédératrices, c'est que les collectifs résidentiels et professionnels lui confèrent un charisme : aux yeux de tous ceux qui emploient son surnom, Thierry représente plus qu'un simple ouvrier d'usine, il symbolise une forme de puissance populaire dans un contexte local où le travail usinier est devenu rare et où le groupe ouvrier a été nettement fragilisé depuis la crise de l'emploi des années 1980. Alors que l'ordinaire de la jeunesse ouvrière de l'atelier est devenu celui d'agents non qualifiés pour l'emploi qu'ils occupent, insatisfaits de leur condition et se tenant à distance des anciens et de leur héritage (Renahy, 2005, p. 129-160), Boquin a ceci d'extraordinaire qu'il est le seul à personnifier avec réussite cet héritage, à l'usine par son savoir-faire, au football par son adresse et son rôle de meneur de jeu. Il est le chef de file informel d'une jeunesse ouvrière au sein de laquelle, contrairement à lui, nombreux sont ceux dont aspirations et dispositions sont désajustées. Cette puissance est relative à un espace circonscrit et à un contexte historique donné, et n'apporte d'autre pouvoir à son porteur que celui d'une réputation localisée, d'une distinction au sein des classes populaires dont il n'a d'ailleurs pas d'aspiration à s'extraire. Contrairement aux dominants qui intéressaient Max Weber (2013), il n'est ni souverain, ni chef de guerre, ni prophète en situation révolutionnaire. Pourtant, ce charisme qui lui est attribué par son entourage permet, à un moment donné, d'incarner une force collective. Thierry-Boquin personnifie le « charisme de groupe », quand d'autres tel Arnaud incarnent au contraire, par leur comportement, la potentielle « disgrâce » (Elias, 1997) du groupe ouvrier local.
Diversité du collectif ouvrier, diversité des pratiques de désengagement
13En réinscrivant les ouvriers dans l'espace villageois, on voit que les pratiques de désengagement observées dans l'usine peuvent être révélatrices des divisions internes au groupe ouvrier. Arnaud, le jeune fumeur de cannabis, fut finalement licencié après avoir été dénoncé pour son geste par Luc, un parent par alliance (le beau-frère de la s ur de sa petite amie). Bien implanté dans l'usine où ses trois enfants travaillent, membre des pompiers volontaires, Luc l'avait parrainé quelques mois plus tôt pour son embauche. Il préféra de lui-même faire état du comportement déviant d'Arnaud plutôt que de risquer de mettre en danger la respectabilité de sa parentèle (Renahy, 2005, p. 137-138). Si l'Eigensinn est une pratique collective, qui contribue à construire le groupe ouvrier, ses déclinaisons n'en sont pas moins aussi individuelles, et fonction des trajectoires de chacun. Arnaud utilise une pratique courante de mise en retrait de l'espace hiérarchique : les allées et venues régulières aux toilettes. Mais le fait d'importer une pratique qui, aux yeux de la majorité des ouvriers, n'a pas sa place dans cet atelier-ci (cf. encadré), conduit à l'isoler et à le renvoyer à sa marginalité. Déjà condamné par la justice pour trafic de haschisch et de cocaïne, ayant un parcours professionnel instable et n'étant pas originaire des environs auxquels il est principalement rattaché par sa liaison amoureuse , le fait de n'en avoir ainsi fait qu'à sa tête l'exclut du groupe, et de l'usine. La description des différentes modalités de quant-à-soi constitue donc un outil précieux pour rendre compte des postures différenciées des ouvriers face à l'ordre usinier. Au-delà de l'opposition classique entre fractions établies et précaires au sein du monde ouvrier, d'autres postures de désengagement vis-à-vis de l'ordre hiérarchique s'expriment, révélatrices de sa diversification contemporaine.
Des joints à l'usine ?
C'est ce qu'indique une enquête menée en 2008 par entretiens sur une industrie rurale de même taille que celle de Foulange mais dans une zone rurale plus touchée par la désindustrialisation et ses conséquences : le cannabis est susceptible d'être fumé de manière collective pendant le temps de travail, donnant à voir, comme la consommation d'alcool dans l'atelier, les divisions internes entre salariés (Pialoux, 1992). Ouvrier de 50 ans à Fontenay, site de 60 salariés d'un groupe sidérurgique où il est délégué CGT depuis de nombreuses années, Pierre est ainsi obligé de « couvrir » une pratique qu'il considère cependant déviante car mettant en danger les jeunes ouvriers sur leurs machines. La coupure culturelle entre « jeunes » et « vieux » est ici redoublée d'une nette différence des statuts : les jeunes sont soit intérimaires, soit pour quelques-uns anciens intérimaires récemment embauchés. Le fait de fumer dans l'usine vient alors exprimer une solidarité générationnelle basée sur le partage d'une même condition, que manifeste une interconnaissance élargie notamment basée sur la fréquentation des « mêmes boîtes d'intérim et usines » d'un large secteur rural incluant Fontenay (2 500 km2 comprenant trois bourgs industriels) :
« On en a connu qu'allaient en planter derrière l'usine, quand même ! [rires] Des jeunes qu'allaient les arroser le soir et tout ! Ça, c'est un fléau... Et tu sais, faut faire gaffe ! Moi je les ai mis en garde, je leur ai dit : ‟il vous arrive un accident du travail à vous, vous êtes dans le collimateur !” [...] Les jeunes entre eux ils se connaissent bien : toute cette génération de jeunes qu'arrivent là, ils ont fréquenté les mêmes boîtes d'intérim, ils ont galéré, ils ont végété, ils ont fait toutes les usines de la région » (Entretien du 21 novembre 2008).
14Lorsque je travaille comme man uvre saisonnier en 1996, un autre jeune ouvrier participe ainsi à la production d'un espace ouvrier en dehors de la hiérarchie. Philippe en est même l'un des éléments centraux dans la mesure où, ouvrier aux presses, il est celui qui nourrit les discussions relatives à la pratique et au supportérisme footballistique. Il fait preuve d'un grand savoir-faire pour créer des occasions de discussions entre ouvriers, pour repérer l'arrivée d'un chef, ou bien détourner un sujet de conversation sur un point technique ou organisationnel lorsque cette arrivée est trop subite pour que le groupe n'ait eu le temps de se disperser. Lui ne cherche pas, comme le fait Thierry, à mettre en scène un savoir-faire manuel ; son rythme de travail sur les machines est nonchalant et ne connaît pas les soubresauts qu'implique la démonstration d'une agilité manuelle. Philippe fait son travail sans ostentation mais participe dans le même temps à nombre des discussions qui font la vie de l'atelier.
15La posture de Philippe incite à explorer la diversité de la condition ouvrière contemporaine. Comme Thierry, Philippe détient un capital d'autochtonie important. Son père, ouvrier qualifié de l'Équipement, a épousé une fille d'ouvrier de Foulange. Elle-même a travaillé dans l'ancienne usine dans les années 1960, avant de se retirer du marché du travail après la naissance de ses deux fils. Huitième d'une fratrie de dix enfants élevée dans les cités ouvrières du village, son patronyme est rattaché au militantisme communiste : son père et ses frères aînés ouvriers à l'usine ou artisan ont animé une cellule du PCF dans le village de l'après-guerre au début des années 1980, quand son frère le plus proche, devenu enseignant, fit une carrière de conseiller général au nom du parti dans un département voisin. À la génération suivante, le frère aîné de Philippe, employé technique au conseil général, est lui aussi devenu militant en tant que représentant syndical CGT. Philippe est lui, au moment de l'observation, moins porté par des aspirations politiques ou militantes que par une quête de petite ascension sociale. Né au début des années 1970, il connut une relative réussite scolaire qui le conduisit à obtenir « à l'heure » un baccalauréat général, puis à fréquenter un département de langues de l'université régionale. Quelque peu « perdu à la fac » (Beaud, 2002), il n'y fréquenta que ses homologues ruraux de milieu populaire, continua de retourner toutes les fins de semaine dans son espace local d'origine, afin notamment de jouer au football dans le club de Foulange (au poste d'avant-centre, il est le buteur de l'équipe première), et ne parvint pas à poursuivre ses études jusqu'au passage des concours qui auraient pu, comme son oncle maternel, l'amener à devenir enseignant. Après quelques années de « galères », ses ressources d'autochtonie lui permettent de se faire embaucher à la SMF en 1995, en tant qu'employé chargé de l'édition des bons de commande des pièces à destination de l'atelier. Pendant un an, il travaille ainsi aux bureaux, prépare parallèlement plusieurs concours et réussit celui de gardien de la paix. Démission de son poste à l'usine, pot de départ formel : Philippe est de ces quelques jeunes du coin en petite réussite scolaire que le patron de l'usine aura pu se vanter d'avoir soutenu en attendant qu'ils puissent valoriser leur niveau de diplôme dans la fonction publique c'est, d'après les échos que je pus en avoir, le sens du discours qu'il donna à ce pot. Malheureusement, quinze jours après son départ, une dernière visite médicale décèle une fragilité à une cheville, contractée au football et incompatible avec l'exercice de la profession de policier. Philippe revient alors frapper aux portes de l'usine. Le patron accepte de le réembaucher, mais cette fois aux presses, son ancien poste ayant été pourvu. Entre les étés 1995 et 1996, Philippe est donc passé des bureaux à l'atelier, et tous les ouvriers avec qui je parle de l'épisode sont outrés par ce qui est pour tous perçu comme une forme de punition. Thierry me dit ainsi : « J'comprends quand même pas qu'ils ne l'aient pas repris aux bureaux... Il se sert de lui, au cas où il veuille repartir ». Je n'ose parler ouvertement de ce sujet douloureux avec Philippe. Lui m'évoque ses velléités à continuer à « passer des concours », mais ne sait plus trop lesquels tenter, ni comment se motiver. Nos conversations à l'usine, fournies, sont marquées par sa trajectoire singulière et par la perception qu'il a de l'étudiant que je suis alors : nous parlons concours, gestion de la main-d' uvre dans l'usine, football international, littérature policière ou projet d'installation en couple, mais très peu des nouvelles locales qui font de l'atelier un « centre de commérage » (Elias, 1985). Étudiant jusqu'à l'âge de 20 ans, socialisé (même imparfaitement) à la culture légitime, ayant connu un déclassement dans l'usine mais aspirant toujours à une mobilité sociale ascendante, Philippe s'affirme ainsi comme un « ouvrier de l'entre-deux » (Thibault, 2013).
16Le quant-à-soi de Philippe sa nonchalance sur les machines et sa provocation récurrente de moments de discussions informelles est lié à une conjoncture personnelle très particulière. Alors qu'il pensait avoir abouti dans sa quête d'une petite mobilité sociale s'accordant a minima avec sa réussite scolaire, Philippe se retrouve depuis un an à devoir effectuer des tâches d'ouvrier, au milieu de connaissances qu'il s'était persuadé de quitter pour un avenir meilleur. « Être soi-même avec les autres » passe d'ailleurs pour lui par le dénigrement récurrent, à mon intention, des lacunes scolaires des collègues faiblement diplômés ou, symétriquement, du déclassement de ceux qui sont comme lui diplômés du supérieur. Dénigrer, devant le sociologue, le mode de gestion de la main-d' uvre ou certaines propriétés des collègues n'est pas se mettre au ban du collectif, comme le fait Arnaud, c'est affirmer une appartenance distinctive. Son Eigensinn, en même temps qu'il l'inscrit dans un univers usinier dont il aurait voulu s'émanciper, témoigne ainsi de la forme singulière de son intégration au collectif.
17Thierry et Philippe appartiennent aujourd'hui tous deux à l'élite populaire du village. Héritiers de lignées ouvrières issues de l'ancienne industrie, disposant d'une surface sociale locale que manifeste leurs statuts de meneur de jeu et buteur de l'équipe de football amateur, ils ont, quelques années après l'enquête, tous deux connu une petite mobilité dans l'usine : c'est finalement Philippe qui a été nommé responsable des presses au départ en retraite de l'ancien, Thierry se voyant attribuer un poste plus prestigieux en tant qu'ouvrier attaché à la confection de prototypes pour les ingénieurs et dessinateurs des bureaux. Vers l'âge de 35 ans, l'un et l'autre se sont stabilisés matrimonialement et sont devenus pères de famille accédants à la propriété pavillonnaire au village. En regard d'ouvriers instables tel Arnaud, ils reproduisent donc une forme d'honorabilité populaire. Cette nouvelle élite locale est composée de trajectoires plurielles : quand, au moment de nos observations, Thierry symbolise son ambiguë continuité (le surnom de Boquin venant qualifier la puissance mais aussi les craintes d'un groupe dont la condition peine à se reproduire), la trajectoire de Philippe illustre son rapprochement relatif avec la culture légitime, mais aussi son désenchantement en regard d'ambitions scolaires déçues, et la soumission de son devenir professionnel au bon vouloir patronal. Nous avons vu que les formes de désengagement au travail mobilisées par chacun manifestent cette pluralité en même temps qu'elles préservent et façonnent le groupe, capable d'exclure ceux dont le quant-à-soi est potentiellement déshonorant. En ce sens, l'analyse des comportements eigensinnig dans l'espace productif à l'aune des pratiques et appartenances extra-professionnelles favorise une compréhension des propriétés contemporaines du monde ouvrier au plus près de ses transformations.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
Les noms de lieux et de personnes ont été anonymisés. Pour une présentation plus détaillée du site, je me permets de renvoyer à Renahy, 2005.
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[2]
En 1995, tous les ouvriers sont des hommes, quand une câblerie automobile de 150 salariés (également installée à Foulange mais qui y a depuis cessé sa production) embauche essentiellement des femmes dans son atelier. Parmi les vingt-deux « jeunes » (moins de trente ans), onze avaient (eu) un parent direct salarié des usines du village (père ou mère), douze un parent plus lointain (grands-parents, oncles et tantes), sept jouaient au football dans le club du village, et trois étaient membres du corps local des sapeurs-pompiers. Ces données ne doivent cependant pas donner l'image d'un espace villageois clos, puisque un quart des jeunes n'y disposent pas de liens préétablis, et que sur l'ensemble une majorité réside dans les environs plutôt qu'à Foulange (jusqu'à 30 kilomètres de leur lieu de travail).
-
[3]
Sur la traduction complexe d'Eigensinn en français, cf. l'introduction d'A. Oeser à ce numéro.
-
[4]
Je remercie Ivan Bruneau de m'avoir suggéré cette idée, et du caractère stimulant de nos échanges sur cette notion.
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[5]
Coupes de bois de chauffage sur les terres communales, usuellement organisées par les municipalités rurales qui attribuent annuellement un lot de coupe à tout résident qui en fait la demande.