Notes
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[1]
Une exception demeure : La descendance des femmes migrantes, qui respectent, à la première génération, la « norme procréative » du pays d’origine. Mais ce modèle est abandonné pour la plupart, dès la deuxième génération. Constat que nous avons d’ailleurs retrouvé dans l’enquête qualitative.
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[2]
C’est en 1971 que le nombre de couples bi-actifs a dépassé le nombre de couples où seul l’homme était actif.
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[3]
Permettre aux femmes qui le souhaitent de s’arrêter de travailler et ne pas pénaliser les femmes qui veulent continuer à exercer une activité professionnelle quand elles ont des enfants. C’est la politique mise en place par les gouvernements de gauche, notamment (Singly, 2003). Mais le retour de la droite s’est caractérisé par une certaine remise en cause de cette neutralité, notamment par le développement d’aides au retour au foyer des mères de jeunes enfants, comme en témoigne le développement et l’élargissement du recours à l’APE (Allocation Parentale d’Education) (Agalva, Bresse, 2005 ; Commaille, Strobel, Villac, 2002), etc.
-
[4]
L’AGED : Allocation de garde d’enfant à domicile.
-
[5]
Les caractéristiques des femmes dont les entretiens ont été utilisés pour ce texte sont indiquées dans les tableaux 3a et 3b.
-
[6]
Le fait que le caractère stable ou instable de la relation ne soit pas lié à la décision d’IVG dans l’analyse multitvariée (alors qu’il l’est fortement dans l’analyse univariée non présentée ici) résulte de la colinéarité de cette variable avec le statut marital chez les moins de 25 ans.
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[7]
Cette dernière variable n’apparaît plus liée à la décision d’IVG dans l’analyse mulitivariée (tableau 2) en raison du faible effectif de femmes ayant un enfant de moins de 12 mois dans l’échantillon (n=12).
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[8]
L’absence de lien entre difficultés financières et décision d’avorter dans l’enquête quantitative, résulte quant à lui sans doute des modalités de constitution de l’échantillon quantitatif : lorsque l’échantillon représentatif n’est pas suffisamment important numériquement, il comporte peu de femmes dans des situations socio-économiques extrêmement précaires. Par ailleurs, il n’est pas toujours aisé de reconnaître dans une enquête que l’on est confrontée à des difficultés financières conséquentes.
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[9]
Une liste de motifs, définie d’après les premières analyses qualitatives, ayant pu jouer dans la décision d’interrompre une grossesse était proposée aux femmes. Cette liste comprenait le fait que « la grossesse tombait mal par rapport à leur travail ».
-
[10]
Les nécessités de l’analyse quantitative nous ont amenées à constituer ces classes d’âge, mais comme on l’a déjà vu dans le cas de Sophie, la norme procréative se décline un peu différemment selon les milieux sociaux, et notamment sur le critère de l’âge : pour les milieux populaires, la norme est plutôt de 22 à 32 ans, pour les classes supérieures intellectuelles, en raison de la longueur des études, elle se décale plutôt de 28 à 38 ans (Toulemon, Leridon, 1999)
-
[11]
Notamment par la diffusion des analyses et recommandations de pédopsychiatres tels que E. Antier ou M. Ruffo.
1Au milieu du XXe siècle, la dépénalisation de l’avortement, faisant suite à la légalisation de la contraception moderne féminine a permis le passage du régime de « maternité subie » à celui de « maternité volontaire » (Kniebieler, 1997 ; Leridon, 1999 ; Lefaucheur, 1992). Ce nouveau régime a favorisé le développement de pratiques concrètes plus égalitaires entre les sexes et a accompagné une transformation des modalités de constitution de la famille (premier rapport sexuel indépendant de la mise en couple, désaffection relative à l’égard du mariage, etc.). Décider du nombre de ses enfants et du moment de leur naissance est considéré comme un droit légitime des femmes et des hommes. La « planification » familiale est devenu le modèle dominant, comme en témoigne l’augmentation continue de l’usage de la contraception moderne (Leridon et al. 2002). Et dans ce contexte, où la contraception efficace est désormais très facilement accessible, se diffuse une nouvelle « norme contraceptive » qui se décline sous une double modalité : le devoir de se contracepter si l’on ne veut pas d’enfant (dissocier sexualité et procréation) et la nécessité d’adapter sa contraception au moment du cycle de vie (préservatif pour les relations débutantes ou occasionnelles, pilule quand le couple se stabilise, stérilet quand la famille est constituée) (Bajos, Ferrand, 2004).
2Si l’usage des techniques modernes de contraception et le recours à l’avortement relèvent de la seule décision des femmes, ce nouveau pouvoir donné aux femmes – ne s’est accompagné ni du refus de la maternité, ni du refus du couple comme cadre relationnel privilégié d’une naissance (Shivo et al., 2003). Ainsi, le pourcentage de femmes sans enfants reste stable depuis les années 70, autour de 10 % (Priou, 2002) et il en est de même pour le pourcentage d’enfants non reconnus par le père (Beaumel, Kergosse et al., 1999). Aujourd’hui comme hier, en France, la maternité reste un attribut essentiel de la féminité : dans les représentations majoritaires, une femme qui n’a pas d’enfant ne s’est pas totalement réalisée.
3Pour autant, la possibilité d’avoir un enfant au moment désiré, ne fournit pas nécessairement un cadre moins contraignant à l’exercice de la maternité. Dans la mesure où il devient possible d’éviter d’être enceinte et de refuser de poursuivre une grossesse en recourant à l’IVG, il importe, plus que jamais, que les conditions les meilleures soient réunies pour avoir un enfant. C’est le respect de ces conditions, socialement définies, que nous nommons « norme procréative ». Cette norme s’est construite parallèlement à la diffusion de la contraception, en s’inscrivant dans une double évolution : la médicalisation croissante des comportements et le développement d’une conception psychologisante des besoins de l’enfant (Lebovici, 1983 ; Martino, 1985 ; Neyrand, 2000). Elle définit le « bon moment de la maternité » : ni trop tôt ni trop tard, entre 25 et 35 ans (avant, les grossesses sont stigmatisées comme « précoces » (Le Van, 1997), après, comme « tardives », donc « à risque » (Langevin et al., 1982). La perspective planificatrice implique également la limitation du nombre d’enfants et l’espacement entre les naissances. Mais surtout, puisque la possibilité de choisir quand va arriver l’enfant, il faut créer les conditions les plus favorables à son accueil : un couple parental, stable affectivement, psychologiquement et matériellement, cette naissance s’inscrivant dans un projet parental, et survenant au bon moment des trajectoires professionnelles des deux parents. Cette conception de « ce qu’on doit » à un enfant qu’on va mettre au monde, en matière d’éducation et de conditions de vie, semble effectivement être partagée aujourd’hui par le plus grand nombre, comme en témoigne le resserrement des descendances autour de deux enfants, tous milieux confondus [1], à partir de la fin des années soixante-dix (Toulemon, Leridon, 1999).
4Or cette nouvelle conception des bonnes conditions pour avoir un enfant se construit dans une société en pleine mutation, autour de la reconnaissance de plus en plus affirmée du principe de l’égalité entre les hommes et les femmes. Dès 1970, tout un arsenal de lois a été mis en place, concernant à la fois le domaine privé (droit de la famille, violences) et public (mixité, lois d’égalité professionnelle, parité) qui proclament formellement la volonté politique de réduire les inégalités et les discriminations selon le sexe (Théry, 1998 ; Ferrand, 2004).
5L’entrée massive des femmes dans le salariat à partir de la fin des années soixante, leur volonté de se maintenir sur le marché du travail, y compris quand elles ont des enfants, met alors en cause la division traditionnelle du travail entre les sexes, entre travail productif et travail reproductif. Dans la mesure où les comportements des femmes vis-à-vis du travail se rapprochent de plus en plus de ceux des hommes (Huet, 1982 ; Maruani, 2003), dans la mesure où les femmes, en France, manifestent leur préférence pour une carrière professionnelle continue et à plein temps, envisageant de moins en moins de vivre leur maternité en alternance avec leur activité professionnelle, mais voulant cumuler ces deux aspirations, s’est alors posée la question de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle (Battagliola, 2000 ; Garner et al., 2004). Si les deux parents sont actifs professionnellement [2], qui va s’occuper des enfants ? Cette question posée par la généralisation du salariat féminin qui émerge au même moment dans la plupart des pays occidentaux, y a été résolue de différentes manières. Dans la plupart des pays, s’est maintenu le principe de l’alternance entre maternité et activité professionnelle, ce qui s’est traduit soit surtout par une baisse de la fécondité (Allemagne, Italie, Espagne, Portugal) soit plutôt par le développement généralisé du travail à mi-temps (Grande Bretagne, Pays Bas) (Strobel, 2000).
6En France, comme d’ailleurs dans les pays nordiques (Daune-Richard et al., 2003), la reconnaissance du modèle du cumul a été à la base de politiques publiques visant à permettre aux femmes de « concilier » leurs doubles aspirations de mères et de travailleuses, d’abord sur le principe « du libre choix » [3], puis aux formes « aidée » de la prise en charge des jeunes enfants. En réalité, si l’on excepte les femmes ayant des revenus professionnels élevés, recourant à l’AGED [4], une grande partie des femmes voient leur volonté de cumul souvent mise en difficulté et sont aujourd’hui prises dans des injonctions contradictoires de réussite (Fagnani, 2000).
7La décision d’avorter, notamment quand la grossesse n’est pas « prévue « , permet d’éclairer la manière dont les Françaises tentent de résoudre ce dilemme. En effet, la France se caractérise en Europe par une triple spécificité : maintien d’un taux de natalité relativement élevé (indice synthétique de fécondité de 1,9 enfants par femme, contre 1,4 pour l’ensemble de l’Europe), diffusion massive de la contraception moderne, et, parallèlement, stabilité du nombre d’avortements (plus de 200 000 par an) depuis les années quatre-vingt. Mais cette stabilité du nombre d’avortement masque une double évolution : la diminution des grossesses non prévues, grâce à la pratique contraceptive moderne, et l’augmentation du recours à l’IVG en cas de grossesses non prévues (Bajos et al., 2004). Alors qu’en 1975, quatre grossesses non prévues sur dix étaient interrompues, cette proportion est passée à six sur dix aujourd’hui. À nos yeux, cette évolution atteste d’une certaine transformation du modèle de la maternité, notamment au travers de la redéfinition des normes qui l’encadrent, et en particulier de celles qui relèvent de la « conciliation » entre vie familiale et vie professionnelle. Dans cette perspective, la décision de poursuivre ou d’interrompre une grossesse initialement non prévue représente un angle privilégié d’analyse, permettant de tenir compte des différents enjeux qui construisent la décision au niveau personnel, relationnel et professionnel. Enjeux qui peuvent être en forte concurrence à des moments précis de la trajectoire de vie d’une femme, notamment lorsqu’elle atteint l’âge socialement valorisé pour avoir un enfant (Langevin, 1984). L’analyse de ce qui se joue dans la décision d’avorter apparaît alors comme un révélateur des normes sociales encadrant la procréation, révélant en miroir les normes de la « bonne maternité » (Bajos, Ferrand et al., 2002).
8Notre analyse s’appuie sur deux enquêtes complémentaires, qualitative (GINE) et quantitative (COCON), qui permettent d’étudier la décision de recourir ou non à l’IVG en cas de grossesse non prévue (cf. encadré).
9Dans une première partie, nous analyserons la logique apparemment la plus structurante de la décision d’avortement, celle de la nécessaire existence du couple parental qui ressort tant dans les matériaux quantitatifs que qualitatifs. Puis, les résultats de l’enquête quantitative faisant apparaître d’autres facteurs intervenant dans la décision d’IVG, notamment les enjeux professionnels à certains moment du cycle de vie des femmes, nous discuterons les raisons qui peuvent amener les femmes à construire des récits qui estompent fortement les enjeux professionnels dans leur manière de rendre compte de leur décision d’interrompre une grossesse. L’analyse de ces enjeux fera l’objet de la deuxième partie.
10Enfin, la manière dont ces deux dimensions, parentale et professionnelle, s’articulent dans la prise de décision d’interrompre une grossesse non prévue, nous permettra d’interroger en conclusion la reformulation actuelle de la norme procréative. )
MÉTHODOLOGIE
Cette enquête s’est déroulée en 1999 et 2000 : elle s’est appuyée sur des entretiens biographiques auprès de 73 femmes ayant connu au cours des cinq dernières années, une grossesse non prévue [5].
L’échantillon a été construit de façon à essayer de couvrir le plus grand nombre de situations démographiques et sociales, la sélection a été opérée à partir des réponses à des petites annonces passées dans la presse féminine, dans des centres d’IVG ou dans des cabinets gynécologiques. Le biais introduit par ce type de sélection du corpus est donc celui de ne tenir compte que de femmes volontaires pour parler d’une grossesse non prévue. Nous avons enquêté à Paris et en Régions.
L’entretien, enregistré, durait entre quarante cinq minutes et deux heures, avec une consigne de départ volontairement très neutre : « Vous vous êtes trouvée devant une grossesse que vous n’aviez pas prévue, est-ce que vous pouvez me raconter comment ça s’est passé ? ». Les entretiens ont été intégralement retranscrits, des fiches portraits et trajectoires ont été élaborées pour autoriser une meilleure mise en commun des matériaux dans l’équipe. Chaque entretien a été ensuite analysé classiquement de façon thématique puis globale. Ici, c’est l’ordre d’apparition des thèmes justificatifs de la décision d’avorter qui va être précisément étudié.
La méthodologie et les premières analyses sont présentées dans l’ouvrage « De la contraception à l’avortement : sociologie des grossesses non prévues », paru aux Editions INSERM en 2002.
Enquête quantitative : COCON (COhorte CONtraception)
Il s’agit d’une enquête de cohorte sur les pratiques contraceptives et le recours à l’interruption volontaire de grossesse qui porte sur un échantillon aléatoire de 2 863 femmes. Un plan de sondage complexe a été mis en œuvre de manière à interroger systématiquement les femmes ayant eu une grossesse non prévue ou un avortement dans les cinq années précédant l’enquête et une partie seulement des autres femmes. L’application d’un coefficient de pondération au moment de l’analyse permet d’obtenir un échantillon représentatif. Les effectifs présentés sont les effectifs bruts et les pourcentages sont pondérés tenant compte du plan de sondage.
Le questionnaire initial posé en 2000 durait en moyenne quarante cinq minutes. Puis les femmes ont été interrogées tous les ans jusqu’en 2004 et le questionnaire de suivi durait en moyenne vingt minutes.
L’analyse présentée ici porte sur 645 femmes dont la dernière grossesse était non prévue. Les femmes qui déclarent que leur dernière grossesse était non prévue présentent certaines spécificités sociales et démographiques : elles sont moins nombreuses à qualifier leur grossesse de non prévue lorsqu’elles ont entre 25 et 29 ans, lorsqu’elles ont un niveau d’études inférieur au bac, lorsqu’elles sont dans une relation stable, lorsque leur plus jeune enfant a plus d’un an et quand elles considèrent que la grossesse ne posait pas de problème par rapport à leur travail.
Par rapport aux autres enquêtes sur la contraception, l’amélioration majeure que propose ce programme de recherches a été de développer une approche pluridisciplinaire basée sur enquête quantitative et une enquête qualitative qui ont été conçues d’emblée comme complémentaires, permettant de tester de mêmes hypothèses. La pluridisciplinarité du projet ne passe pas par la construction d’un objet commun, mais s’affirme dans la complémentarité d’approches, l’intérêt étant de pouvoir prendre en compte dans l’analyse des processus sociaux, les aspects médicaux et épidémiologiques rarement présents dans les enquêtes sociologiques.
Une des hypothèses centrales de ce projet a été de poser l’échec de contraception comme révélant les difficultés que les femmes rencontraient, à un moment donné de leur trajectoire, à gérer des normes contradictoires relevant du bon usage de la contraception, des rapports de genre et de la médicalisation de la contraception. Pour les femmes ayant été confrontées à une grossesse non prévue, toute une série de questions étaient posées sur la manière dont avait été prise la décision de poursuivre ou d’interrompre la grossesse.
Un dossier spécial de la revue Population présente l’enquête COCON et ses premiers résultats (Bajos et al., 2004).
1. LE PROJET FAMILIAL AU CŒUR DE LA NORME PROCRÉATIVE
11Les données qualitatives et quantitatives convergent sur l’importance accordée par les femmes à l’existence d’un projet parental (ce qui suppose l’existence et l’accord du père potentiel). Mais, comme le montre les résultats, l’existence d’un couple stable n’est pas toujours suffisante pour que la femme décide de poursuivre cette grossesse non prévue. Sont également invoqués d’autres éléments comme le « bon âge » de la mère, la taille idéale de la famille (entre 2 et 3 enfants), et le bon écart d’âge entre les enfants (entre 2 et 3 ans).
1.1. PAS D’ENFANT SANS PÈRE
12Contrairement à ce que soutiennent certaines auteures (Sullerot,1981 ; Iacub, 2002), pour la très grande majorité des femmes, l’arrivée d’un enfant se pense dans le cadre d’un couple stable pouvant l’accueillir. Les femmes ne font pas des enfants « dans le dos » des hommes. D’ailleurs, dans la très grande majorité des cas, la décision est discutée. Les résultats de l’enquête Cocon montre en effet que dans 90 % des cas d’avortements, la femme a informé son partenaire (97 % si la relation est déclarée stable). Quand la relation affective est stable, les partenaires sont d’accord dans 79 % des cas pour interrompre la grossesse ; dans 10 % des cas, l’IVG était envisagée seulement par la femme, dans 9 % des cas seulement par l’homme. Dans un contexte de relation instable ou en rupture, 17 % des partenaires ne sont pas informés ; lorsqu’ils le sont, 56 % des couples sont d’accord, 28 % des femmes souhaitaient une IVG mais pas leur partenaire et 15 % l’inverse. En cas de désaccord entre les deux partenaires, les marges de négociation dépendent du degré d’autonomie matérielle et affective de la femme. Les données qualitatives concordent : les femmes n’informent pas leur partenaire principalement quand il s’agit de relations sans len-demain, et en cas de discussion, le couple parvient généralement à un accord (Donati et al., 2002).
13Dans les entretiens, le cadre de la relation dans laquelle survient le rapport sexuel aboutissant à la grossesse non prévue apparaît en effet surdéterminant dans la décision de la poursuivre ou non. Ces résultats convergent avec d’autres recherches menées sur le domaine, certains auteurs faisant même du « projet parental » le nouvel « arrangement » social permettant la pratique sociale de l’avortement (Boltanski, 2004). L’absence de père potentiel, ou l’absence des attributs nécessaires à une paternité chez leur partenaire est l’argument qui, aux yeux des femmes, semble le plus déterminant en faveur de l’IVG.
14Ainsi, les femmes qui se trouvent dans une relation éphémère ou occasionnelle n’envisagent quasiment jamais de poursuivre une grossesse, dans la mesure même où elles n’ont jamais considéré leur partenaire comme un conjoint éventuel. Toutes les femmes que nous avons interrogées, et qui se trouvent dans une situation relationnelle non stable, ont décidé d’interrompre leur grossesse, y compris lorsque la grossesse représente une « dernière chance » de maternité pour la femme. Par exemple, Nadine, 36 ans, bien consciente de la marche du temps biologique et qui exerce une profession (biologiste) lui permettant de prendre en charge matériellement un enfant, ne reconnaît pas à son partenaire sexuel d’un soir, les qualités d’un père, fût-il même réduit au seul rôle de géniteur.
15La seule exception dans notre corpus est France, employée à la poste, 31 ans, divorcée, avec un enfant. France, qui savait, au moment du rapport sexuel qu’elle risquait d’être enceinte, qui l’a annoncé à son partenaire, n’a pas vraiment été surprise par cette grossesse qu’elle décide, sans hésitation et sans compter sur ce partenaire d’un jour, d’assumer, avec l’aide de sa famille maternelle. Divorcée, ayant déjà un enfant dont elle s’occupe seule, elle commençait à penser en avoir un second, y compris en dehors du cadre d’une famille traditionnelle.
16La décision de poursuivre ou d’interrompre la grossesse se construit sur un autre registre lorsqu’il s’agit d’une relation en cours de constitution. Le partenaire sexuel possède, aux yeux de la femme, à l’inverse des cas précédents, les qualités d’un futur conjoint. La décision d’interrompre la grossesse est alors légitimée par la priorité donnée à la construction de la relation. Avoir un enfant trop tôt risque de remettre en cause la formation d’un couple stable avec un réel avenir : il est urgent d’attendre en renvoyant le projet d’enfant à la stabilisation de la relation. Cette volonté de retardement est présente y compris quand le temps de la maternité est compté et que le désir d’enfant existe. C’est le cas de Martine, 39 ans, galeriste d’art, qui a vécu pendant plusieurs années en couple mais n’a pas réussi à avoir un enfant. Elle se pense donc stérile. Cet échec a provoqué celui de son couple. Peu de temps après la rupture, elle rencontre un autre homme, mais ne se protège pas lors des rapports sexuels et est finalement très étonnée de se retrouver enceinte. Cependant, selon ses dires, cette rencontre est trop récente pour qu’elle puisse envisager de poursuivre cette grossesse. Martine ne veut pas d’un enfant qu’elle risquerait d’élever seule et désire avant tout préserver cette histoire d’amour qui débute. Elle décide donc d’avorter. Cette priorité donnée à la qualité des rapports avec le partenaire se retrouve dans l’argumentation proposée par Maud. À 34 ans, cette employée au chômage, divorcée avec une petite fille de 5 ans, reconnaît avoir pourtant envie d’un enfant de l’homme qu’elle aime. Mais, il est lui-même divorcé avec un enfant et il habite à plus de cinq cents kilomètres. Ils ne peuvent pour l’instant envisager une vie commune. Avec un réel regret, elle remet à plus tard la réalisation de son désir. Qu’il s’agisse de femmes formant leur premier couple ou de femmes plus âgées qui se lancent dans une nouvelle relation, elles estiment toutes qu’il faut laisser à la relation de temps de se construire, reportant d’autant leur projet éventuel de maternité.
17Quand la situation entre les conjoints se détériore, qu’elle est en phase de rupture, il ne semble guère pertinent aux femmes d’espérer qu’un enfant pourrait sauver leur couple. La survenue de la grossesse non prévue sert souvent au contraire de révélateur sur l’insuffisance de la relation. Fernande, 35 ans, 2 enfants, serveuse, a des rapports exécrables avec son mari, qui boit, la maltraite, lui impose des rapports sexuels sans protection. Cette grossesse non prévue sert de déclencheur : elle avorte et le quitte. Natacha, 44 ans, secrétaire, envisage de faire le second enfant que sa fille lui réclame, mais elle n’a pas une très grande confiance en son mari, qui s’occupe fort peu de sa famille. Elle se retrouve enceinte après un rapport non protégé, lors de « retrouvailles », mais la réaction de son partenaire à l’annonce de sa grossesse lui fait prendre conscience que cette relation a vécu.
18Les données de l’enquête quantitative attestent également du caractère fortement déterminant de la configuration relationnelle qui prévaut au moment de la grossesse non prévue pour rendre compte de la décision de la poursuivre ou de l’interrompre. Ainsi, alors que 36 % des grossesses sont interrompues quand elles surviennent dans une relation stable, ce pourcentage est de 54 % dans une relation débutante, de 56 % dans une relation qualifiée d’incertaine et de 65 % dans les relations sans avenir (tableau 1). L’analyse multivariée (tableau 2) confirme le rôle spécifique de cette dimension, qu’elle soit appréhendée par le statut marital chez les plus jeunes ou par la stabilité de la relation chez les plus de 25 ans [6]. Les jeunes femmes célibataires, toutes choses étant égales par ailleurs, et en particulier indépendamment de leur appartenance sociale, recourent beaucoup plus souvent à l’avortement que celles qui sont mariées ; les femmes de 25-35 ans, ainsi que celles de plus de 35 ans, qui qualifient leur relation d’instable y ont aussi plus souvent recours.
1.2. QUAND LA STABILITÉ DE LA RELATION AUTORISE L’ÉVOCATION D’AUTRES DIMENSIONS DE LA NORME PROCRÉATIVE
19Si le « projet parental », pour reprendre l’expression de Luc Boltanski (2004), est une dimension éminemment structurante de la norme procréative, et ce, quel que soit le milieu social, elle ne résume pas, loin s’en faut, l’ensemble des logiques décisionnelles en cas de grossesse non prévue.
20Lorsque la grossesse non prévue fait irruption dans un couple stable, d’autres dimensions sont alors invoquées pour justifier le recours à l’avortement. L’attitude des femmes, moins univoque, reste cependant clairement déterminée par les critères concernant l’âge de la mère (ni trop jeune ni trop âgée), le nombre d’enfants (pas plus de trois) et l’espacement entre les naissances (au moins deux ans). Ainsi, Agathe, enseignante de 44 ans, avec deux grands enfants, ne se voit pas avec un nourrisson à son âge, elle a d’autres projets pour sa vie de couple. Aïcha, 34 ans, agent hospitalier, trouve quant à elle, que cinq enfants, c’est bien suffisant. Christelle, 29 ans, chercheuse et mère de 3 enfants, n’envisage pas non plus un enfant supplémentaire, qu’elle juge dangereux pour leur équilibre familial, d’autant que son plus jeune enfant a à peine un an. La grossesse de Rose, 26 ans, laborantine, débute alors qu’elle allaite encore son premier enfant. Pour autant, elle ne refuse pas l’idée d’un autre enfant, d’ailleurs, au moment de l’entretien, trois ans après l’IVG, Rose vient de donner naissance à son second enfant.
21L’adhésion à la norme procréative ne va pas toujours de soi et certaines femmes s’en écartent explicitement. Bien que jugeant ne plus vraiment avoir l’âge d’avoir un nouvel enfant, ou ayant déjà atteint le nombre adéquat, elles vont cependant poursuivre leur grossesse. Elles se différencient très nettement de l’ensemble des femmes que nous avons interrogées par un positionnement hostile à la pratique de l’IVG. Il peut s’agir de positions religieuses, mais pas seulement. Marthe, institutrice, mère de trois garçons, refuse d’avorter, malgré les pressions de son conjoint, qui redoute un peu la stigmatisation du « lapinisme » induit par l’image de la famille nombreuse. Elle regrette de n’avoir pas été plus vigilante, mais ne peut imaginer faire subir à l’enfant qu’elle porte un autre sort que celui de ses aînés. D’autant qu’elle se sent capable de le prendre en charge matériellement.
22La norme procréative se décline toutefois sous des formes légèrement différentes selon les milieux sociaux et les modèles familiaux qui y président. Si l’on considère le critère de l’âge, Sophie, 17 ans, en raison de sa jeunesse, pour respecter justement cette norme, aurait du opter pour l’avortement. La stigmatisation très forte des grossesses adolescentes jugées à risques, parce que trop « précoces », conduit la plupart des jeunes filles à avorter, soutenues dans cette option par leur entourage, qu’il s’agisse de la famille ou des interlocuteurs sociaux. Avoir un enfant trop tôt est ressenti par la société comme un handicap majeur, surtout s’il met en cause la poursuite d’études. De plus, la maternité précoce est également jugée néfaste pour l’enfant, qui risque de souffrir de l’absence de maturité de sa mère, elle-même encore considérée comme une enfant. Sophie est une première fois enceinte à 14 ans. Elle avait, depuis quelques mois, des relations sexuelles avec un partenaire nettement plus âgé (23 ans). Cette grossesse est la conséquence d’un arrêt de pilule. Sur les conseils de son partenaire, elle avait consulté le planning familial, et avait obtenu une prescription pour trois mois. Mais, la conseillère en planification, la trouvant vraiment très jeune, s’était montrée suffisamment désapprobatrice pour dissuader Sophie de revenir. Étant donné son jeune âge, lorsqu’elle est obligée de révéler sa grossesse, c’est sa mère qui prend en charge la démarche de l’IVG, évinçant à cette occasion le partenaire. Sophie admet le caractère quelque peu prématuré de cette maternité éventuelle, car elle veut au moins poursuivre ses études jusqu’au BEPC. Elle accepte donc d’avorter mais avec quelques regrets. Trois ans plus tard, alors qu’elle est toujours avec ce même partenaire, elle arrête volontairement la pilule (en le dissimulant à sa famille car elle pense qu’un « accident » sera mieux accepté) et se retrouve enceinte. Toutefois, elle n’annonce cette grossesse à ses parents qu’une fois dépassé le délai légal de recours à l’IVG. Son partenaire a un emploi et peut la prendre en charge. Devant cette configuration particulière, la volonté de Sophie (et de son partenaire) d’avoir un enfant très jeune, on peut toutefois se demander si elle est vraiment en contradiction avec la « norme procréative », où si elle ne fait, en raison de la maturité de son partenaire, qu’anticiper le modèle familial auquel elle adhère. Dans son environnement proche, les femmes ont des enfants jeunes. On pourrait alors faire l’hypothèse qu’elle serait simplement « en avance ».
23Les données quantitatives confirment l’adhésion globale des femmes vivant en couple aux autres conditions de la « bonne maternité », qui justifient, dans certains cas, le recours à l’avortement. Ainsi, la proportion d’interruptions de grossesses non prévues, qui s’élève à 44 % chez les femmes qui n’ont pas d’enfant, n’est plus que de 25 % chez celles qui en ont un, pour atteindre 55 % chez celles qui sont déjà mère de 2 ou 3 enfants (tableau 1). On voit ici le sens différent que revêt l’avortement selon la situation familiale : retarder l’entrée dans la parentalité chez celles qui n’ont pas (encore) d’enfants ou y mettre un terme lorsque le nombre d’enfants souhaité est atteint. En revanche, chez les femmes qui n’ont qu’un enfant, le moindre recours à l’avortement traduit le caractère socialement moins acceptable d’un avortement qui survient dans une famille qui peut accueillir un deuxième enfant. À l’âge socialement valorisé de la maternité, les femmes qui n’ont pas d’enfant ou en ont un seul, avortent beaucoup moins souvent que celles qui sont mères de 2 enfants (tableau 2).
24On notera également que 93 % des grossesses non prévues sont interrompues lorsque le plus jeune enfant a moins d’un an, cette proportion étant deux fois moindre lorsqu’une année au moins s’est découlée depuis la dernière naissance [7].
2. LA MÈRE TRAVAILLEUSE : UNE IDENTITÉ SECONDAIRE ?
25Les données quantitatives montrent toutefois que les décisions sont moins surdéterminées par le projet parental de couple et le modèle de maternité que ne le laissaient présager les discours très convergents recueillis dans le cadre des entretiens qualitatifs. Non seulement le recours à l’avortement n’est pas systématique quand le couple est instable, mais surtout, d’autres dimensions semblent structurer cette décision, comme le niveau d’éducation de la femme, celui de son partenaire, ou encore, les enjeux professionnels.
26Dans les entretiens, les femmes font, en effet, peu état des enjeux liés à l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale (Barrère-Maurisson, 2003). Le seul cas où leur propos y font spontanément et immédiatement référence, c’est lorsqu’elles sont dans une situation très précaire ou au chômage au moment où survient la grossesse.
2.1. CHÔMAGE ET MATERNITÉ : UNE RELATION NON UNIVOQUE
27Une situation matérielle difficile fait percevoir la maternité, y compris désirée, comme non réalisable. Pour Nadia, qui a un BEP de comptabilité mais fait des ménages pour s’assurer un revenu et est hébergée par sa grand-mère, il n’est pas pensable d’assumer la responsabilité d’un enfant quand on n’est pas capable de se prendre en charge soi-même.
28Nadia signale dès le début que l’IVG a finalement eu un impact sur sa trajectoire : « Je ne regrette pas du tout parce que après, bon, il s’est avéré que j’ai trouvé un travail, j’ai déménagé, j’ai pu prendre un appartement. » Durant l’année, elle est animatrice, mais c’est vraiment un petit boulot : « J’étais payée en vacations, et comme il n’y a pas d’animation en juillet août parce que je n’avais pas le BAFA, donc je ne travaillais pas, j’avais un travail de femme de ménage ». N’ayant aucunes économies, elle doit emprunter de l’argent pour payer l’avortement, ce qui la conduit à prendre d’autres résolutions : « Je me suis dit : il faut vraiment que tu te réveilles, il faut quitter ce boulot, t’as un BTS de secrétariat, il faut que tu te réveilles pour cette année, il faut que tu bouges, il faut que tu aies un salaire comme tout le monde, que tu déménages, que tu prennes un appartement. » Elle va alors réussir à trouver un emploi de standardiste.
29Nous n’avons rencontré aucune femme dans une situation financière précaire qui ait décidé de poursuivre sa grossesse. Mais il faut aussi prendre en compte le fait que la quasi totalité de ces femmes n’était pas dans une relation stable, et ne peuvent donc s’appuyer sur un conjoint éventuellement pourvoyeur, à l’exception de Myriam (dont le conjoint voudrait qu’elle poursuive sa grossesse). Mais cette dernière, échaudée par la crise qu’à connu son couple juste après la naissance de sa dernière fille, n’est pas sûre de pouvoir compter sur lui. Actuellement au chômage, elle se sent seulement capable d’assumer ses deux enfants et pas un de plus. Elle imposera donc sa décision à son conjoint.
30Les données quantitatives montrent aussi que les femmes au chômage avortent, quel que soit leur âge, plus souvent que les femmes qui ont une activité ou inactives (tableau 1) [8]. Ces femmes ne « profitent pas » de cette phase de mise à l’écart forcée du marché du travail pour faire des enfants et semblent au contraire avoir bien intégré le modèle de la mère travailleuse (Meron, Widmer, 2002).
2.2. LA PRISE EN COMPTE DES ENJEUX PROFESSIONNELS QUAND L’HEURE N’EST PAS À LA MATERNITÉ
31Une récente étude de la DARES montre d’ailleurs que l’adhésion à ce modèle se décline différemment selon les milieux sociaux (Méda, Wierink, 2003). Ainsi, les femmes qui ont un enfant de moins de 3 ans et qui arrêtent de travailler ont des emplois plus précaires et des niveaux d’études plus faibles ; elles avaient aussi, plus souvent que celles qui ont poursuivi leur activité professionnelle, des horaires de travail plus contraignants.
32La décision d’IVG selon l’âge des femmes permet d’interroger plus finement la manière dont les femmes gèrent les contradictions entre les normes concernant l’activité professionnelle et celles concernant les devoirs de la maternité, surtout lorsqu’elles sont dans une situation familiale qui autorise la poursuite de la grossesse.
33Alors que, plus le niveau d’études de la femme et celui de son partenaire est élevé, plus « le fait que la grossesse tombait mal par rapport au travail » [9], apparaît lié à la décision d’interrompre la grossesse chez les femmes de moins de 25 ans et chez celles de plus de 35 ans, aucun lien n’apparaît quand la femme atteint l’âge socialement valorisé pour être mère (tableau 1).
34Les résultats de l’analyse multivariée confirment que le fait que « la grossesse tombe mal par rapport au travail » joue, toutes choses étant égales par ailleurs, sur la décision d’avorter chez les femmes les plus jeunes et les plus âgées, mais n’intervient pratiquement pas dans la décision des femmes qui ont entre 25 et 34 ans lorsqu’elles se retrouvent enceintes accidentellement (tableau 2). Chez ces dernières, seule la stabilité de la relation rend compte de l’issue donnée à cette grossesse non prévue, ainsi que le fait de ne pas avoir encore atteint le seuil de deux enfants.
35Tout se passe ainsi comme si les femmes se voyaient reconnaître le droit à s’impliquer véritablement dans une activité professionnelle que si cette implication ne concurrence pas leurs devoirs maternels. Le modèle de la « super woman » ne semble pas de mise pour la très grande majorité des femmes.
36Cette priorité accordée à la dimension maternelle dans les perspectives des femmes se construit socialement dès le plus jeune âge. Chez les moins de 25 ans, se dessine clairement une opposition dans le recours à l’IVG, entre les femmes disposant de capitaux sociaux potentiellement rentables sur le marché du travail et les autres. Cette opposition est particulièrement nette quand on regarde de près les itinéraires et les choix des jeunes filles qui ont décidé de poursuivre leur grossesse et celles qui ont décidé de l’interrompre. Nous avons évoqué plus haut le cas de Sophie, qui, explicitement voyait dans l’arrivée d’un enfant, pourtant jugée par l’entourage comme trop précoce, la perspective de s’insérer socialement, d’acquérir une identité sociale reconnue : celle de mère, faisant d’elle un « adulte » responsable, membre d’un « vrai » couple. Dans la même logique, Solange, jeune fille de 16 ans, en situation d’échec scolaire et sans perspective professionnelle, recherche également une forme de reconnaissance dans le statut social que va lui procurer la maternité (Le Van, 1997), alors même que son partenaire n’a pas l’intention d’assumer sa paternité. Elle pense s’appuyer sur cette naissance pour donner un sens à sa vie, espérant qu’elle lui servira de tremplin pour mieux s’insérer. C’est encore le cas de Séverine, 17ans, en apprentissage à la suite d’un échec scolaire, qui a d’ailleurs l’appui de sa famille.
37C’est le choix inverse que vont faire Sonia et Léna. La découverte de la grossesse de Sonia, 17 ans, élève de première S, qui a comme partenaire un élève de sa classe, provoque un drame familial, car ses parents (classes moyennes) ignorent sa vie sexuelle clandestine. Comme dans le cas de la première grossesse de Sophie, la mère de Sonia prendra en charge toutes les démarches de l’IVG, sans même mettre au courant son mari, car la priorité, à l’âge de Sonia, ce sont les études, et pas la maternité (ni d’ailleurs la sexualité !). Avec quelques années de plus, Lena (22 ans), appartient à un milieu social plus favorisé que celui de Sonia, puisque ses parents sont cadres supérieurs intellectuels. Enceinte alors qu’elle est en deuxième année d’université, elle prend rapidement la décision d’avorter. Elle a une liaison avec un homme qui, selon elle, ne plaît guère à ses parents et avec lequel elle n’envisage aucun avenir. Si elle est très consciente d’avoir mal gérée sa contraception alors qu’elle avait la possibilité de le faire (ce qui n’était pas le cas de Sonia), elle envisage l’interruption de grossesse comme une évidence. Il s’agit avant tout de préserver son investissement dans les études, la préparation de sa vie professionnelle et son avenir de femme. L’avortement renvoie, pour les jeunes femmes diplômées ou en cours d’études supérieures, à un report de la maternité jusqu’au moment où elle deviendra réalisable. Plus elles se rapprochent de l’âge socialement valorisé de la maternité, plus la négociation investissement professionnel versus maternité devient tendue et difficile.
38Quant aux femmes de plus de 35ans [10], les données quantitatives montrent, elles aussi, que les enjeux professionnels sont pris en compte dans la décision de poursuivre ou d’interrompre la grossesse, surtout par les femmes disposant de capitaux sociaux et culturels élevés (tableaux 1 et 2). Nos résultats concordent avec les statistiques du marché du travail : quand elles ont des enfants, ce sont les femmes les plus diplômées, détenant un emploi qualifié et bien rémunéré qui se maintiennent le plus sur le marché du travail (Commaille, 1993 ; Méda et al., 2003).
39Si les entretiens ne donnent pas à voir de clivage social aussi marqué chez les femmes de plus de 35 ans que pour les très jeunes femmes, il n’en demeure pas moins que l’intérêt trouvé dans l’exercice d’une activité professionnelle participe à construire la décision d’interrompre ou de poursuivre la grossesse. Ainsi, alors que Philippine, comptable de 27 ans, dont le cas sera présenté plus loin, « choisit », petit à petit, de renoncer à son activité, c’est le choix inverse que va faire Martine. Martine, 40 ans, a fait des études universitaires de haut niveau, elle est actuellement responsable d’un magasin d’art, activité très prenante en temps. La décision d’avorter, déjà commentée plus haut, était surtout motivée par le caractère récent de la relation. Quand elle évoque ensuite les conditions d’accueil de l’enfant, toutefois, c’est moins les difficultés qu’elle rencontrerait après la naissance dans son travail que l’incapacité d’être suffisamment disponible pour l’enfant : « Je suis responsable d’un magasin, ce qui veut dire que j’ai des horaires quand même assez chargés et que de toutes façons... Mon ami avec qui je vis maintenant est assez souvent en déplacement et c’est vrai que je me suis dit que si je gardais cet enfant, n’ayant pas de famille proche à Paris, je voyais mal comment je pouvais m’organiser d’un point de vue matériel, je sors de mon travail entre sept heures et demi et huit heures. Je ne voyais pas comment j’aurais pu lui consacrer du temps comme il faudrait. Il faut absolument lui consacrer du temps à un enfant ». Le manque de disponibilité en tant que mère est ainsi évoqué tandis qu’une réorganisation professionnelle ne paraît pas envisagée, ni même d’ailleurs la disponibilité de son partenaire.
40La réaction de Perrine, psychologue de 40 ans et mère de 3 enfants, à l’annonce tardive de sa grossesse en raison d’un diagnostic médical erroné (elle ne s’aperçoit de sa grossesse qu’au moment où le foetus est viable et ne peut donc recourir à l’interruption, même thérapeutique) atteste également de la mobilisation des capitaux socioculturels dans la gestion d’événements imprévus de la vie reproductive des femmes. Perrine a dû poursuivre sa grossesse, alors qu’avertie plus tôt, elle aurait opté sans aucune hésitation pour l’avortement. Cette nouvelle naissance représente en effet pour elle le deuil de ses projets professionnels, juste au moment où ses grands enfants lui permettaient d’envisager une reconversion lourde et passionnante.
41L’exemple d’Aïcha montre toutefois que cet investissement professionnel n’est pas uniquement l’apanage des femmes les plus dotées socialement. À 34 ans, agent hospitalier, il est hors de question pour elle de poursuivre cette grossesse. Il est vrai qu’elle a déjà cinq enfants et que son mari est au chômage. Mais c’est immédiatement en termes d’emploi qu’elle a réagit à l’annonce de cette grossesse : « Personne n’est au courant. Je ne voudrais pas que ça se sache au niveau de mon boulot, surtout que je suis contractuelle. Je ne tiens pas à perdre ma place, donc je fais les choses discrètement. Donc j’essaye de camoufler ». Elle a trouvé ce travail d’agent hospitalier après un CES qui s’est conclu par une embauche. Elle apprécie beaucoup le fait de travailler, d’autant qu’elle est restée au foyer pendant 12 ans et qu’elle en garde le souvenir d’un enfermement, les sorties ne se faisant que dans la famille ou au hammam. Elle s’est réellement sentie menacée par cette nouvelle grossesse, son mari étant réticent vis-à-vis de son activité professionnelle. Mais elle résiste car elle tient fondamentalement à la « liberté » et à la sociabilité qu’elle trouve dans le travail ; elle apprécie particulièrement l’autonomie financière que son salaire autorise.
2.3. QUAND L’ÉVIDENCE DE LA MATERNITÉ L’EMPORTE SUR LES ENJEUX PROFESSIONNELS
42Si les jeunes femmes ayant des perspectives de réussite scolaire choisissent presque systématiquement l’IVG, les mêmes, quelques diplômes plus tard, vont faire le choix inverse. Pierrette (23 ans) et Louise (29 ans) ayant poussé leurs études à un niveau où elles peuvent éventuellement les interrompre sans en perdre le total bénéfice, s’approchant pour la première, de l’âge « idéal » de la maternité, l’ayant atteint pour la seconde, la décision devient plus délicate. D’autant qu’elles ont toutes deux un partenaire stable, prêt à fonder une famille, qui a en outre tous les attributs d’un « père pourvoyeur ». Dans cette configuration, les enjeux de carrière vont passer au second plan. Pierrette, qui envisage une thèse en communication, abandonnera son troisième cycle pour venir vivre sa maternité près de son conjoint qui a trouvé un emploi de gardien de la paix à Paris. Certes, le seuil des 25 ans n’est pas atteint, mais dans le milieu « classes moyennes » de Pierrette, la finalité du couple est d’abord la procréation, et dans la mesure où le futur père peut prendre en charge la famille, il lui paraît absurde de retarder une maternité pour des raisons scolaires. Louise, plus âgée, en fin d’études de médecine, se retrouve enceinte alors qu’elle prend la pilule. Elle va décider de poursuivre sa grossesse bien que cette dernière signe l’abandon de ses projets de spécialisation, incompatibles, à ses yeux, avec la prise en charge d’un jeune enfant. Elle se réorientera donc « sans état d’âme », dit-elle, vers une orientation moins ambitieuse. Pour toutes les deux, le fait que l’enfant attendu va trouver les conditions adéquates à sa venue invalide l’idée de tout report.
43L’enjeu professionnel est d’autant plus relégué au second plan que les jeunes femmes ont déjà entamé leur carrière professionnelle, comme le montre l’histoire de Ségolène. À 31 ans, elle vit depuis 6 ans en concubinage avec un partenaire légèrement plus âgé. Ils sont tous deux producteurs de jeux vidéo. L’idée d’enfant commençait à émerger, mais ils étaient trop passionnés l’un et l’autre par leur travail, gros consommateur de temps. Face à la grossesse non prévue, l’évidence de cette naissance leur saute aux yeux. Le moment de la maternité est venu. Mais elle s’avère incompatible avec les horaires de Ségolène qui décide de modifier totalement sa pratique professionnelle. Elle renonce à sa position de productrice, à égalité avec son compagnon, en raison « des déplacements et horaires impossibles » qu’elle implique. Elle décide donc de mettre en veilleuse son investissement professionnel pour donner la priorité à sa carrière de mère. Si elle est très loquace sur ce qu’elle a gagné au change, notamment dans le plaisir de passer du temps avec son enfant, elle ne parle guère de ses nouvelles tâches professionnelles, comme si la carrière qu’elle avait entamée n’était plus, pour elle, source d’épanouissement.
44Mais le désinvestissement de la sphère professionnelle ne résulte pas toujours d’une prise de position claire des femmes. L’exemple de la trajectoire de Philippine (27 ans), comptable, actuellement en congé parental, rend compte d’une autre réalité de la vie au travail des mères de famille : leur « éviction douce ». Alors qu’elle s’était beaucoup impliquée dans son travail avant la maternité, ayant d’importantes responsabilités, elle se voit petit à petit cantonnée à des travaux routiniers et sans intérêt pour elle. Cette éviction s’est effectivement faite en douceur, à partir du moment où, après la naissance de son premier enfant, elle a décidé de ne pas travailler le mercredi. Son statut change, alors même qu’elle considère qu’elle faisait en réalité le même travail sur quatre jours : « Avant j’avais un travail très intéressant quand je n’avais pas d’enfant, parce que je pouvais être disponible, et puis comme j’ai arrêté petit à petit de travailler, ils me donnaient que des choses pas très intéressantes pour moi, donc en fait c’est venu petit à petit, ça a pas été d’un coup que je passe d’un travail super intéressant, super motivant à rien du tout, enfin, à rien du tout, à une vie de mère au foyer en fait. »
45Ce retrait de la sphère professionnelle s’accroît après la naissance de son deuxième enfant, et elle décide de se mettre à mi-temps, pour se consacrer davantage à ses enfants : » Parce que j’avais envie d’avoir des enfants pour les voir grandir, pour m’en occuper, que ce soit moi qui les élève et pas, en l’occurrence une nourrice, c’était ma mère qui les gardait mais j’avais pas envie qu’ils soient élevés par elle. Pour moi, c’était mes enfants, c’était à moi de m’en occuper ». Cette troisième grossesse, imprévue, lui semble aboutir logiquement à une interruption de son activité : « Je savais que de toute façon, si j’en avais un troisième,... moi déjà, j’avais envie de m’en occuper. Et puis même au niveau du temps, y en a sûrement qui le font, mais moi je sais pas comment elles font (rires). Parce que travailler, plus s’occuper des enfants et de la maison, moi j’aurais pas pu... Enfin j’aurais pas pu, si financièrement il avait fallu un deuxième salaire, j’aurais fait en sorte que ça aille, mais c’est vrai que ça aurait été encore plus dur ». Alors qu’en début de carrière, son travail de comptable lui donnait l’occasion de prendre des responsabilités, dès qu’elle a réduit son temps de présence, on ne lui a plus concédé que du travail d’exécution : « Je faisais plus que les petites bidouilles des autres parce qu’ils avaient pas le temps ». En définitive elle n’a continué que parce qu’elle aimait le contact extérieur que ce travail représentait, ainsi que l’ambiance qui y régnait. Mais petit à petit, les personnes avec lesquelles elle s’entendait bien sont parties, ce qui fait qu’elle ne regrette guère de s’arrêter. Si elle envisage plus ou moins de reprendre une activité après son congé parental, elle n’est pas sûre de poursuivre dans la même voie et revoit à la baisse ses ambitions « Je suis prête à faire n’importe quoi, même caissière. Je me dis que je peux m’épanouir dans n’importe quel autre domaine, je ferais même institutrice si je veux garder du temps pour mes enfants. S’il faut que je travaille, je travaillerai et je prendrai n’importe quoi, parce que je sais que c’est pas facile de retrouver, surtout en tant que femme ». Si on l’entend bien, elle retravaillera seulement si la nécessité financière l’y conduit, sa vie de mère passant donc très nettement avant sa carrière professionnelle. Cette trajectoire, surtout si l’on met parallèlement en perspective la diminution de salaire (Le Minez, Roux, 2001) qui accompagne la diminution du temps travaillé, montre la difficulté des mères à se maintenir correctement sur le marché du travail.
46Face au dilemme « materner ou travailler », face aussi aux conditions qui leurs sont faites sur le marché du travail, les résultats de l’enquête qualitative montrent que les femmes ont intériorisé la priorité que représente pour elles le bien être de leur enfant. C’est l’apparition de cette nouvelle dimension de la norme procréative que nous voulons ici mettre en évidence à travers les argumentaires des femmes. Ce qu’elles doivent à cet enfant qu’elles vont mettre au monde, en termes de disponibilité notamment (Bloch, Buisson, 1999), apparaît bien comme directement en concurrence avec leurs intérêts professionnels. Ce qui explique pourquoi, lorsqu’elles envisagent d’être mères, elles relèguent au second plan les enjeux du travail.
CONCLUSION DE LA SUBSTITUALITÉ DES RÔLES PARENTAUX À LA SPÉCIFICITÉ MATERNELLE : UNE REFORMULATION DE LA NORME PROCRÉATIVE ?
47La mise en perspective des données issues de l’enquête qualitative et celles issues de l’enquête quantitative montre finalement qu’au-delà du contexte relationnel, les enjeux professionnels contribuent à construire, bien que différemment selon le milieu social, le rapport à la maternité et par là-même, la décision d’avortement face à la survenue d’une grossesse non prévue. Un des résultats les plus intéressants sociologiquement est la minimisation des enjeux professionnels dans les discours des femmes, et surtout, le fait qu’ils soient relégués au second plan dès que la femme atteint l’âge socialement valorisé de la maternité. De tels résultats attestent de la pérennité des représentations sur la division sexuelle du travail, reproductif pour les unes, productif pour les autres (Devreux, 2005 ; Cette et al., 2004). Tout se passe comme si les évolutions législatives, juridiques et sociales de ces dernières décennies en faveur d’une plus grande égalité entre hommes et femmes, et notamment la reconnaissance du droit des femmes à concilier harmonieusement vie familiale et vie professionnelle, ne parvenaient pas véritablement à modifier les représentations traditionnelles de la place des hommes et des femmes dès que se pose l’enjeu de la reproduction (Le Tablier, 2002 ; Martin, 2001). Aux deux extrémités de la vie reproductive, les données le montrent bien, à l’inverse, la dimension professionnelle est mieux intégrée dans les représentations et dans les faits.
48On peut se demander si nos données, et les nuances entre les résultats qualitatifs et quantitatifs, ne reflètent pas les difficultés auxquelles sont confrontées les femmes, et notamment les mères actives en France. Ainsi, si l’égalité entre les sexes a indéniablement progressé durant ces dernières décennies, elle ne s’est toutefois concrétisée totalement ni dans la sphère privée : 80 % du travail domestique est toujours effectuée par les femmes, (Brousse, 1999 ; Chenu, 2002-2003 ; Devreux et Frinking, 2001), ni dans le monde du travail (Djider, 2002), alors même que l’essor des scolarités féminines – quel que soit le niveau considéré, les femmes sont plus diplômées que les hommes – devrait au contraire les mettre en meilleure place sur le marché du travail (Marry, 1997). On assiste même, depuis les années quatre-vingt-dix, à une dégradation des positions féminines : remontée des écarts de salaires et de responsabilités, pour les emplois très qualifiées, (Testenoire, 2001 ; SDF, 2002), dévolution spécifiques des emplois précaires : CDD, intérim, temps partiel imposés aux femmes peu diplômées (Maruani, 2005 ; Daune-Richard, 2001).
49Et l’on pourrait alors interpréter la minimisation des enjeux professionnels dans les argumentaires des femmes lors de la décision d’avortement comme l’une des manières d’atténuer les tensions entre un modèle normatif qui prône la conciliation entre vie familiale et professionnelle et une réalité qui en reste bien éloignée. Dans cette perspective, la revalorisation de la spécificité maternelle, notamment auprès du jeune enfant, largement diffusée à travers la vulgate psychologisante des médias [11] (Naouri, 2004 ; Cicchelli, 2001 ; Giampino, 2000) et que l’on retrouve dans nos entretiens reformulée à travers l’évocation de la nécessaire disponibilité de la mère, peut apparaître comme une nouvelle composante de la norme procréative qui compense symboliquement, mais pas matériellement, le désengagement relatif des femmes du travail salarié et qui, ce faisant, re-naturalise la division sexuelle du travail.
PROPORTION DE FEMMES AYANT EU RECOURS À L’IVG QUAND LEUR DERNIÈRE GROSSESSE ÉTAIT NON PRÉVUE, SELON LES CARACTÉRISTIQUES SOCIALES, DÉMOGRAPHIQUES ET REPRODUCTIVES ET L’ÂGE DES FEMMES
PROPORTION DE FEMMES AYANT EU RECOURS À L’IVG QUAND LEUR DERNIÈRE GROSSESSE ÉTAIT NON PRÉVUE, SELON LES CARACTÉRISTIQUES SOCIALES, DÉMOGRAPHIQUES ET REPRODUCTIVES ET L’ÂGE DES FEMMES
CARACTÉRISTIQUES DES FEMMES AYANT DÉCIDÉ DE RECOURIR À L’IVG
CARACTÉRISTIQUES DES FEMMES AYANT DÉCIDÉ DE RECOURIR À L’IVG
CARACTÉRISTIQUES DES FEMMES AYANT DÉCIDÉ DE POURSUIVRE LEUR GROSSESSE
CARACTÉRISTIQUES DES FEMMES AYANT DÉCIDÉ DE POURSUIVRE LEUR GROSSESSE
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- STROBEL P. 2000. Quelle place pour la famille dans la construction européenne ? In CHAUVIÈRE M., SASSIER M., BOUQUET B., A LLARD R., RIBES B. (sous la direction de) Les implicites des politiques familiales. Paris : Dunod, p. 169-177.
- SULLEROT E. 1992. Quels pères, quels fils ? Paris : Fayard.
- TESTENOIRE A. 2001. Les carrières féminines, contingence ou projet ? Travail, Genre et Société, n°5, p. 117-134.
- TOULEMON L. et LERIDON H. 1999. La famille idéale : combien d’enfants, à quels âges ? Insee Première, 652.
- THERY I. 1998. Couple, filiation, parenté aujourd’hui. Le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée. Rapport à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au garde des Sceaux, ministre de la Justice. Paris : O. Jacob et La Documentation Française.
Notes
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[1]
Une exception demeure : La descendance des femmes migrantes, qui respectent, à la première génération, la « norme procréative » du pays d’origine. Mais ce modèle est abandonné pour la plupart, dès la deuxième génération. Constat que nous avons d’ailleurs retrouvé dans l’enquête qualitative.
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[2]
C’est en 1971 que le nombre de couples bi-actifs a dépassé le nombre de couples où seul l’homme était actif.
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[3]
Permettre aux femmes qui le souhaitent de s’arrêter de travailler et ne pas pénaliser les femmes qui veulent continuer à exercer une activité professionnelle quand elles ont des enfants. C’est la politique mise en place par les gouvernements de gauche, notamment (Singly, 2003). Mais le retour de la droite s’est caractérisé par une certaine remise en cause de cette neutralité, notamment par le développement d’aides au retour au foyer des mères de jeunes enfants, comme en témoigne le développement et l’élargissement du recours à l’APE (Allocation Parentale d’Education) (Agalva, Bresse, 2005 ; Commaille, Strobel, Villac, 2002), etc.
-
[4]
L’AGED : Allocation de garde d’enfant à domicile.
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[5]
Les caractéristiques des femmes dont les entretiens ont été utilisés pour ce texte sont indiquées dans les tableaux 3a et 3b.
-
[6]
Le fait que le caractère stable ou instable de la relation ne soit pas lié à la décision d’IVG dans l’analyse multitvariée (alors qu’il l’est fortement dans l’analyse univariée non présentée ici) résulte de la colinéarité de cette variable avec le statut marital chez les moins de 25 ans.
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[7]
Cette dernière variable n’apparaît plus liée à la décision d’IVG dans l’analyse mulitivariée (tableau 2) en raison du faible effectif de femmes ayant un enfant de moins de 12 mois dans l’échantillon (n=12).
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[8]
L’absence de lien entre difficultés financières et décision d’avorter dans l’enquête quantitative, résulte quant à lui sans doute des modalités de constitution de l’échantillon quantitatif : lorsque l’échantillon représentatif n’est pas suffisamment important numériquement, il comporte peu de femmes dans des situations socio-économiques extrêmement précaires. Par ailleurs, il n’est pas toujours aisé de reconnaître dans une enquête que l’on est confrontée à des difficultés financières conséquentes.
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[9]
Une liste de motifs, définie d’après les premières analyses qualitatives, ayant pu jouer dans la décision d’interrompre une grossesse était proposée aux femmes. Cette liste comprenait le fait que « la grossesse tombait mal par rapport à leur travail ».
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[10]
Les nécessités de l’analyse quantitative nous ont amenées à constituer ces classes d’âge, mais comme on l’a déjà vu dans le cas de Sophie, la norme procréative se décline un peu différemment selon les milieux sociaux, et notamment sur le critère de l’âge : pour les milieux populaires, la norme est plutôt de 22 à 32 ans, pour les classes supérieures intellectuelles, en raison de la longueur des études, elle se décale plutôt de 28 à 38 ans (Toulemon, Leridon, 1999)
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[11]
Notamment par la diffusion des analyses et recommandations de pédopsychiatres tels que E. Antier ou M. Ruffo.